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Actuel / L’Allemagne en ébullition… et silence radio chez nous!


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Ce lundi 8 janvier, les paysans allemands ont paralysé le pays, rejoints par les cheminots. Grèves d’une semaine annoncées. Au même moment, le nouveau parti lancé par la députée Sarah Wagenknecht a vu le jour. Il entend secouer le paysage politique, les sondages le mettent déjà à la hauteur du SPD (socialiste). Les Suisses, les Romands en particulier, regardent ailleurs. Pas un mot au TJ sur ce jour bouillonnant chez le grand voisin.



D’accord, l’actualité tragique en Ukraine et au Moyen-Orient retient plus l’attention. D’accord, la France a un jeune Premier ministre. D’accord, la priorité, c’est ausculter notre propre réalité. Mais l’indifférence envers l’Allemagne est incompréhensible. Le premier partenaire économique de la Suisse. Le proche voisin.

Le blocage des autoroutes allemandes a déjà des effets dans les magasins, dans les entreprises industrielles d’ici. Le trafic ferroviaire frontalier est paralysé. D’autres professions se joignent au mouvement. Un tel élan de révolte est tout à fait inhabituel outre-Rhin. Et les manifestations de soutien se multiplient dans plusieurs pays. Très massives en France bien que la plupart des chaînes TV et des médias gardent un silence provocant sur le sujet. Le malaise paysan est large, profond. En cause, des réductions de subventions, des augmentations de prix essentiels, mais aussi le sentiment des agriculteurs que leur importance vitale pour nos pays n’est pas suffisamment reconnue. Et en arrière-fond, à plus long terme, l’inquiétude face à l’arrimage de l’Ukraine à l’Europe. Elle est une grande nation agricole aux coûts de production imbattables. Une concurrence déjà sensible. En un an les exportations de poulets vers l’UE a augmenté de 150%.

La réalité allemande d’aujourd’hui a de quoi préoccuper ses voisins et au-delà. Plusieurs tracas se surajoutent. Grave crise de confiance envers la coalition gouvernementale («Ampel»). Les trois partis au pouvoir (Socialistes, Verts et libéraux) prennent veste sur veste aux élections locales et régionales. La droite classique (CDU, CSU) n’y gagne rien. Mais l’AfD d’extrême droite en fait son beurre, du moins dans les sondages qui la placent en deuxième position derrière la droite classique. Et le nouveau parti, «Bündnis Sarah Wagenknecht». Du nom de la brillante députée au Bundestag de 54 ans, issue de l’extrême gauche, «Die Linke», grandie en RDA, mariée à l’ex-politicien gauchiste Oskar Lafontaine (79 ans). Son slogan? «Pour la raison et la justice». Sa ligne? Plus d’aides aux pauvres, soutien aux petites entreprises, frein à l’immigration, frein aux dépenses militaires, stop aux armes vers l’Ukraine et action diplomatique pour des accords de paix. Et la décrispation du débat politique, l’ouverture à toutes les opinions dans les limites de la loi. Dans l’est du pays, un quart des votes pourrait aller vers la nouvelle formation. Et 14% sur toute la République fédérale. Premier verdict aux élections européennes. Le chambardement du paysage politique est imprévisible mais à terme il est inéluctable.

Au plan économique? L’Allemagne est en récession. Près d’une PME industrielle sur cinq a déjà localisé tout ou partie de sa production aux Etats-Unis qui subventionnent leur implantation. Près d’une sur deux envisagent de le faire. Pourquoi? A cause du prix de l’énergie qui s’envole depuis le sabotage des gazoducs russo-allemands que dénonce éloquemment, encore elle, Sarah Wagenknecht qui souhaite leurs remise en service. Le gaz liquéfié importé à grands frais, notamment des USA, est ruineux pour nombre d’activités. Les géants ont aussi des soucis. Tel Volkswagen dont le PDG parlait il y a peu d’incendie existentiel. Mercedes souffre aussi. En raison des concurrences internationales nouvelles, à commencer par celle de la Chine qui prend le devant dans l’automobile électrique. Autre difficulté, le manque de main d’œuvre qualifiée dû à un système de formation professionnelle et universitaire peu adapté aux exigences actuelles. Enfin, au bas de l’échelle, la pauvreté, comme ailleurs, s’étend jusqu’aux classes moyennes inférieures. Les files s’allongent devant les distributions de vivres aux démunis. L’inflation perdure: 5,9% en 2023, après 6,9% en 2022.

La diplomatie? Elle est marquée par deux faits d’importance européenne et mondiale. Depuis au moins deux ans, on assiste à ce que l’éditorialiste des Echos appelle «le désaxe franco-allemand». La liste des divergences entre ces deux piliers de l’Europe ne cesse de s’allonger. Sur l’énergie, sur le Pacte de stabilité européen, sur la coopération militaire… Le courant ne passe plus. La solennelle visite d’Etat d'Emmanuel Macron à Berlin, pourtant annoncée, est renvoyée de mois en mois. Par ailleurs l’Allemagne s’aligne sans nuances sur la ligne des USA et d’Israël. Appui inconditionnel aux gouvernements de Kiev et de Tel Aviv. C’en est au point qu’une loi se concocte prévoyant que l’acquisition de la nationalité passerait par l’engagement personnel à reconnaître l’Etat d’Israël. Ce qui fâche les nombreuses communautés musulmanes, turques surtout. Les manifs pro-palestiniennes se multiplient.

L’éditorialiste du magazine allemand Cicero, Alexander Marguier exprime ainsi la grogne générale: «Les gens ne comprennent pas que l’on économise chez les paysans et qu’en même temps on dépense des millions pour des projets d’aide au développement… comme les pistes cyclables au Pérou.» Tensions politiques internes, guerres en Ukraine et au Moyen-orient, Marguier parle d’un dangereux mélange qui paralyse l’Allemagne. «Je ne peux me souvenir d’aucune situation où autant de crises se cumulent ainsi, ni en même temps d’un gouvernement aussi faible.»

Comment diable les Européens, Suisses compris, peuvent-ils ne pas s’alarmer devant un tel tableau du pays le plus peuplé d’Europe?

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VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET

7 Commentaires

@AlbertD576 12.01.2024 | 13h44

«Merci d'avoir évoqué ce sujet. On assiste à une nouvelle forme de censure passive qui n'est plus l'interdiction de publier comme celle qui règne sur les réseaux sociaux, mais le tri sélectif quand des sujets sensibles peuvent venir déranger la formation de l'opinion publique dans le sens des autorités.

Il y a eu dernièrement des centaines d'autres cas comme celui-ci qui est mentionné dans cet article: ce dont on ne parle pas, n'existe pas.

Notre démocratie est en train de se dissoudre sans que nous en ayons conscience avec la disparition du 4ème pouvoir. Car il n'y a pas de démocratie possible dans le mensonge par omission.»


@Lou245 12.01.2024 | 14h30

«Merci mille fois Monsieur Pilet. Oui, comment interpréter ce silence de nos médias sinon qu'il faut "cacher ce sein que l'on ne saurait voir", autrement dit que par dessus tout, les lecteurs et auditeurs ne découvrent pas que tout ne va pas aussi bien en Europe que ce que l'on cherche à nous faire croire. Il suffit, semble-t'il, de dresser un tableau idyllique d'une Suisse qui choisit le camp du bien (l'Ukraine, Israël), et laisser dans l'ignorance des révoltes et du ressentiment grandissant des peuples envers leurs politiciens. Si ces médias n'ont toujours pas compris que la population attend qu'on l'informe et non qu'on lui bourre le crâne de propagande, je n'augure rien de bon de leur situation. Entrant dans un kiosque il y a peu, je fais une banale remarque à la vendeuse qui me dit: "Lire les journaux? pourquoi faire, ils ne disent que des mensonges..." Tout est dit....»


@Roger R. 12.01.2024 | 19h14

«« Les suisses compris » Tout simplement parcqu’ils ne sont pas abonnés à bonpourlatête !
Merci pour vos articles circonstanciés.

»


@CJS 12.01.2024 | 20h15

«S'étonner du silence des médias grand public c'est feindre d'ignorer qu'ils sont contrôlés, mais on a l'habitude ...»


@Libredepenser61 13.01.2024 | 17h50

«Une preuve de plus, s'il en fallait encore, que les médias "dits d'utilité publique" ne font pas leur travail d'information, qu'ils procèdent à des tris partiaux et qu'ils pensent pouvoir décider à la place des citoyens ce qu'ils doivent penser. Juste inadmissible de la part de SSR-SRG . Vivement la votation sur la redevance "200 francs ça suffit" ; espoir que le débat soit vif et fourni et que in fine la répartition de la redevance soit enfin revue, mieux répartie et surtout diminuée pour SSR-SRG.»


@hum 14.01.2024 | 19h36

«A l'exception d'un dessin anodin de Chapatte, rien dans la NZZ am Sonntag ni dans le Matin Dimanche. Toujours moins grave que le correspondant en Allemagne de SRF4 News, qui faisait de la "Rosinenpickerei" (cherry picking en anglais) en se fixant sur les rares bannières de l'AFD pour nous dire tout le mal imaginaire de ces extrémistes de droite, ce qui lui a permis d'éviter de parler du malaise bien réel des agriculteurs.
Nos faiseurs d'opinion semblent convaincus qu'en émulant notre grand frère Allemand nous suivons le bon chemin, juste et moral. Jusqu'au jour où la classe moyenne va se rendre compte que c'est elle le dindon de la farce, que le véganisme forcé , la pompe à chaleur obligatoire, l'électricité chère, le renoncement à l'auto privée, prendre l'avion tous les 3 and, etc., c'était pas juste des paroles en l'air du WEF.
Bravo à ces agriculteurs qui défendent le bien commun, et qu'on aimerait, comme en Hollande, éliminer soi-disant pour le climat, alors que l'idée sous-jacente est le rachat des surfaces arables par de grosses sociétés. Nous n'aurons plus rien mais seront heureux.»


@Apitoyou 16.02.2024 | 09h17

«Si, si, on nous informe de la situation en Allemagne. Vu dans les médias: l’Allemagne est la troisième puissance économique du monde !»


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