Actuel / Vie économique, relations familiales, normes sociales… comment les femmes changent la Corée du Nord
Comme le montre cette photo prise à Pyongyang, les habitudes vestimentaires des Nord-Coréennes sont en train de changer, reflet d’une évolution discrète mais profonde. Lesley Parker, Fourni par l'auteur
Kang (ici et plus loin, les prénoms ont été changés pour des raisons de sécurité) avait 20 ans lorsqu’elle a quitté son emploi officiel de glaneuse de pommes de terre en Corée du Nord, pour rejoindre les rangs des femmes s’étant lancées dans des activités commerciales illicites, d’abord pour survivre à la grande famine des années 1990, puis pour construire une vie meilleure pour elles-mêmes et leurs familles en échappant – partiellement – à l’étroit contrôle exercé par le gouvernement.
Bronwen Dalton, University of Technology Sydney; Kyungja Jung, University of Technology Sydney et Lesley Parker, University of Technology Sydney
Kang a commencé à faire commerce de marchandises telles que le riz, les métaux et même le pétrole, ce qui lui a permis de générer des revenus bien supérieurs à ceux qu’elle aurait pu attendre d’un emploi autorisé par l’État. Avant son départ pour la Corée du Sud en 2013, son activité la plus lucrative était un service de courtage pour les jeunes femmes qui souhaitaient travailler dans des usines en Chine.
Kang est l’une des femmes que nous avons rencontrées dans le cadre de la rédaction de notre récent livre, North Korea’s Women-led Grassroots Capitalism. Comme elle nous l’a expliqué :
« Le plus gratifiant dans ce travail, c’était l’argent. J’ai pu payer les frais d’inscription à l’université de ma sœur cadette, ainsi que ceux de mes beaux-enfants. J’ai même pu faire adhérer mon mari au Parti des [travailleurs], et il a fini par devenir secrétaire du parti. Travailler dans le business m’a permis de mûrir. […] Grâce à l’argent que je gagnais, nous étions pratiquement comme des fonctionnaires du parti subvenant aux besoins de leurs enfants. »
Un phénomène discret mais sensible
L’émergence d’un capitalisme d’en bas en Corée du Nord, à travers des femmes comme Kang, constitue un avertissement pour les sociétés patriarcales du monde entier : sous-estimer les femmes est à vos risques et périls. Nos recherches ont révélé qu’en rendant compliqué l’accès des femmes à la sphère publique et à l’économie formelle, le gouvernement nord-coréen les a, de fait, incitées à devenir des entrepreneuses, ce qui a eu des effets en cascade sur la société.
De petites boutiques ont vu le jour autour de Pyongyang, tenues pour la plupart par des femmes, qui vendent de la nourriture et d’autres petits articles. Lesley Parker
Comment cela s’est-il produit ? Les autorités nord-coréennes oppriment leur population par la terreur et la surveillance afin de contenir l’expansion du capitalisme. Mais elles se concentrent avant tout sur les hommes, bien plus que sur les femmes.
De plus en plus de femmes nord-coréennes, sous-estimées par le pouvoir, ont progressivement appris à contourner la surveillance et les contrôles officiels, si bien qu’elles ont su peu à peu créer des espace favorables à des changements économiques et sociaux significatifs.
Une femme portant une jupe au-dessus du genou, des chaussures à talons hauts et un sac à main de marque. Lesley Parker
Notre livre explore les façons complexes dont les femmes nord-coréennes agissent au quotidien pour améliorer leurs conditions d’existence. Nos recherches sont basées sur 52 entretiens avec des transfuges nord-coréennes et des représentants d’ONG, ainsi que sur plusieurs visites de terrain en Corée du Nord et dans le nord-est de la Chine. Loin des stéréotypes d’après lesquels les femmes nord-coréennes seraient des automates ayant subi un lavage de cerveau ou des victimes impuissantes ayant besoin de protection, nous avons découvert qu’elles étaient fortes, résistantes et créatives.
Par leurs actes de résistance discrète, elles ont provoqué des évolutions profondes dans de nombreux domaines comme la sexualité, la procréation et, plus généralement, l’ensemble des rôles attribués aux femmes dans la culture du pays.
5 façons dont les femmes changent la Corée du Nord
1) Les femmes sont le moteur du capitalisme d’en bas
Les femmes jouent un rôle actif dans l’économie informelle émergente centrée sur les marchés locaux. Celle-ci, avant la pandémie de Covid-19, représentait environ 80 % du revenu des ménages et plus de 60 % de la nourriture et des besoins de base de la population. En bref, la survie des Nord-Coréens dépend largement du travail des femmes.
Dans la plupart des familles nord-coréennes, les femmes pourvoient plus que les hommes au budget du ménage. Cette réalité engendre toujours plus d’opportunités pour les femmes, et toujours plus de défis pour ceux qui cherchent à les contrôler, y compris l’État.
Une femme transporte des marchandises à l’aide d’une charrette tirée à la main dans la campagne du sud. Lesley Parker
2) Les rôles de genre évoluent
Les femmes sont à l’origine de changements qui déstabilisent deux piliers fondamentaux de la Corée du Nord : d’une part, le socialisme ; de l’autre, un patriarcat profondément enraciné.
La participation des femmes à des activités commerciales leur a permis d’accéder à des ressources rares, à commencer par l’argent, et à un niveau de visibilité publique et d’interaction sociale auparavant réservé aux hommes.
L’indépendance économique et le fait d’avoir davantage voix au chapitre dans la prise de décision au sein du foyer ont mis à rude épreuve des dynamiques familiales établies de longue date et remis en question des normes sociales plus larges. Comme l’explique Seol :
« Lorsque les rations ont diminué, les femmes ont pris davantage d’initiatives et sont allées travailler à l’extérieur. Les hommes, eux, restaient à la maison. Nous avons commencé à nous attendre à ce que les hommes fassent la cuisine et s’occupent des tâches domestiques. Je pense que les rôles des femmes et des hommes ont été inversés. »
Un écolier achète une glace à une vendeuse de rue à Pyongyang. L’évolution des dynamiques familiales, les femmes gagnant désormais plus que les hommes, provoque des tensions dans les familles. Lesley Parker
3) Une révolution sexuelle est en cours
La manière dont les femmes vivent et abordent la sexualité, les relations et le mariage est devenue beaucoup plus complexe. Cela se traduit par un retardement du mariage et une augmentation du nombre de divorces. Les relations non traditionnelles sont également en plein essor, comme les relations prémaritales et extraconjugales (qui ont conduit à l’augmentation du nombre de mères célibataires) et les mariages où les femmes sont plus âgées que leurs époux. Une jeune femme nommée Bae nous a confié :
« Comme je gagne beaucoup d’argent, j’ai des exigences élevées en ce qui concerne mon futur mari. Étant occupée à gagner de l’argent, je n’ai pas le temps de penser au mariage ou de me marier. »
Dans le même temps, les jeunes citadins adoptent des attitudes plus libérales en matière de rencontres et de sexe, ainsi qu’une vision plus romantique des relations. Comme le dit Joo :
« De nombreux jeunes couples s’affichent en public et se promènent en s’enlaçant. Friandes de séries sud-coréennes, les jeunes femmes appellent leur petit ami “oppa” (frère) comme en Corée du Sud. »
Certaines femmes ont aussi, souvent par stratégie bien réfléchie, établi des relations avec des hommes chinois afin de s’installer en Chine et d’assurer ainsi leur sécurité.
4) Le temps des talons hauts
À Pyongyang, les femmes portent désormais des talons plus hauts et des vêtements plus colorés que par le passé. Lesley Parker
Tout en semblant se conformer aux versions patriarcales de la féminité, les femmes construisent en réalité une nouvelle version, hyperféminine, de la femme nord-coréenne idéale. Il s’agit généralement d’un moyen d’accéder à des biens matériels et à des récompenses sociales.
Par leurs choix vestimentaires et consuméristes ostentatoires, ces femmes jouent un rôle clé dans la manière dont leur statut est désormais déterminé en Corée du Nord. Par exemple, les talons hauts sont de rigueur, constate Bae :
Les femmes sont obsédées par les talons hauts. Probablement parce que nous, les filles, sommes petites. Que les femmes vivent à la campagne ou à la montagne, elles préfèrent ce type de chaussures, même sur les routes non goudronnées.
À l’instar des Sud-Coréennes, les jeunes générations cherchent de plus en plus à avoir des corps minces et des cheveux longs et lisses. Les femmes sont de plus en plus nombreuses à avoir recours non seulement à la chirurgie esthétique. Une autre femme, Gho, nous a raconté :
« Nous, les jeunes, nous sommes comme les Sud-Coréennes. Nous regardons des séries télévisées sud-coréennes en cachette, nous portons des pantalons comme les Sud-Coréennes [rires], et nous nous teignons les cheveux en jaune comme les Sud-Coréennes. »
Par ces actions, les femmes remettent en question les idéaux traditionnels qui leur assignent des rôles d’épouses et de mères, et élaborent de nouvelles constructions de la féminité.
La façon dont Paik décrit sa décision de se teindre les cheveux et de porter des boucles d’oreilles illustre la façon dont les femmes imitent la première dame du pays Ri Sol-ju, connue pour son goût de la mode :
« Les policiers avaient l’habitude de contrôler tous ceux qui portaient des boucles d’oreilles. Mais Ri Sol-ju est apparue en public avec des boucles d’oreilles et maintenant, les autorités ne peuvent plus rien faire. Les gens ont commencé à se rebeller. En Corée du Nord, il est interdit de se teindre les cheveux. […] Aujourd’hui, beaucoup de gens se teignent les cheveux. »
5) Le nouvel idéal féminin de la propagande du régime
L’État a réagi à ces changements sociétaux en faisant évoluer la manière dont il présente la femme « idéale » dans sa propagande.
Ainsi, il promeut désormais des femmes qui incarnent un mélange attrayant et dynamique d’ancien et de nouveau, de loyauté et de modernité. C’est ce modèle que reprennent aujourd’hui la sœur, l’épouse et, depuis peu, la fille du dirigeant suprême du pays, Kim Jong‑un. Par exemple, Ri apparaît régulièrement en Prada, Christian Dior et Chanel, ou dans des looks inspirés de ces marques de haute couture.
Le régime cherche ainsi à coopter les tendances sociales pour maintenir sa légitimité.
Les habitantes branchées de Pyongyang adorent les vêtements arborant un logo. Lesley Parker
Bronwen Dalton, Professor, Head of Department of Management, UTS Business School, University of Technology Sydney; Kyungja Jung, Associate Professor, University of Technology Sydney et Lesley Parker, Adjunct Fellow, University of Technology Sydney
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.
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Avant son départ pour la Corée du Sud en 2013, son activité la plus lucrative était un service de courtage pour les jeunes femmes qui souhaitaient travailler dans des usines en Chine.</p> <p>Kang est l’une des femmes que nous avons rencontrées dans le cadre de la rédaction de notre récent livre, <a href="https://www.routledge.com/North-Koreas-Women-led-Grassroots-Capitalism/Dalton-Jung/p/book/9780367536961"><em>North Korea’s Women-led Grassroots Capitalism</em></a>. Comme elle nous l’a expliqué :</p> <blockquote> <p>« Le plus gratifiant dans ce travail, c’était l’argent. J’ai pu payer les frais d’inscription à l’université de ma sœur cadette, ainsi que ceux de mes beaux-enfants. J’ai même pu faire adhérer mon mari au Parti des [travailleurs], et il a fini par devenir secrétaire du parti. Travailler dans le business m’a permis de mûrir. […] Grâce à l’argent que je gagnais, nous étions pratiquement comme des fonctionnaires du parti subvenant aux besoins de leurs enfants. »</p> </blockquote> <h3>Un phénomène discret mais sensible</h3> <p><a href="https://www.jstor.org/stable/40377482">L’émergence d’un capitalisme d’en bas en Corée du Nord</a>, à travers des femmes comme Kang, constitue un avertissement pour les sociétés patriarcales du monde entier : sous-estimer les femmes est à vos risques et périls. Nos recherches ont révélé qu’en rendant compliqué <a href="https://lentraidemissionnaire.org/la-realite-des-droits-des-femmes-en-coree-du-nord">l’accès des femmes à la sphère publique et à l’économie formelle</a>, le gouvernement nord-coréen les a, de fait, incitées à devenir des entrepreneuses, ce qui a eu des effets en cascade sur la société.</p> <h4 style="text-align: center;"><img src="https://images.theconversation.com/files/565046/original/file-20231212-15-sehe17.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" alt="" /><em><span>D</span></em><em><span>e petites boutiques ont vu le jour autour de Pyongyang, tenues pour la plupart par des femmes, qui vendent de la nourriture et d’autres petits articles.</span> <span><span>Lesley Parker</span></span></em></h4> <p>Comment cela s’est-il produit ? Les autorités nord-coréennes oppriment leur population par la terreur et la surveillance afin de contenir l’expansion du capitalisme. 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Loin des stéréotypes d’après lesquels les femmes nord-coréennes seraient des automates ayant subi un lavage de cerveau ou des victimes impuissantes ayant besoin de protection, nous avons découvert qu’elles étaient fortes, résistantes et créatives.</p> <p>Par leurs actes de résistance discrète, elles ont provoqué des évolutions profondes dans de nombreux domaines comme la sexualité, la procréation et, plus généralement, l’ensemble des rôles attribués aux femmes dans la culture du pays.</p> <h3>5 façons dont les femmes changent la Corée du Nord</h3> <p><strong>1) Les femmes sont le moteur du capitalisme d’en bas</strong></p> <p>Les femmes jouent un rôle actif dans <a href="https://beyondparallel.csis.org/markets-private-economy-capitalism-north-korea/">l’économie informelle émergente</a> centrée sur les marchés locaux. 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Comme l’explique Seol :</p> <blockquote> <p>« Lorsque les rations ont diminué, les femmes ont pris davantage d’initiatives et sont allées travailler à l’extérieur. Les hommes, eux, restaient à la maison. Nous avons commencé à nous attendre à ce que les hommes fassent la cuisine et s’occupent des tâches domestiques. Je pense que les rôles des femmes et des hommes ont été inversés. »</p> </blockquote> <h4 style="text-align: center;"><img src="https://images.theconversation.com/files/565051/original/file-20231212-15-v3ur4y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" alt="" /><em><span>Un écolier achète une glace à une vendeuse de rue à Pyongyang. L’évolution des dynamiques familiales, les femmes gagnant désormais plus que les hommes, provoque des tensions dans les familles.</span> <span><span>Lesley Parker</span></span></em></h4> <p><strong>3) Une révolution sexuelle est en cours</strong></p> <p>La manière dont les femmes vivent et abordent la sexualité, les relations et le mariage est devenue beaucoup plus complexe. Cela se traduit par un retardement du mariage et une augmentation du nombre de divorces. Les relations non traditionnelles sont également en plein essor, comme les relations prémaritales et extraconjugales (qui ont conduit à l’augmentation du nombre de mères célibataires) et les mariages où les femmes sont plus âgées que leurs époux. Une jeune femme nommée Bae nous a confié :</p> <blockquote> <p>« Comme je gagne beaucoup d’argent, j’ai des exigences élevées en ce qui concerne mon futur mari. Étant occupée à gagner de l’argent, je n’ai pas le temps de penser au mariage ou de me marier. »</p> </blockquote> <p>Dans le même temps, les jeunes citadins adoptent des attitudes plus libérales en matière de rencontres et de sexe, ainsi qu’une vision plus romantique des relations. Comme le dit Joo :</p> <blockquote> <p>« De nombreux jeunes couples s’affichent en public et se promènent en s’enlaçant. Friandes de séries sud-coréennes, les jeunes femmes appellent leur petit ami “oppa” (frère) comme en Corée du Sud. »</p> </blockquote> <p>Certaines femmes ont aussi, souvent par stratégie bien réfléchie, établi des relations avec des hommes chinois afin de s’installer en Chine et d’assurer ainsi leur sécurité.</p> <p><strong>4) Le temps des talons hauts</strong></p> <h4 style="text-align: center;"><img src="https://images.theconversation.com/files/565048/original/file-20231212-21-71opww.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" alt="" /></h4> <h4 style="text-align: center;"><span>À Pyongyang, les femmes portent désormais des talons plus hauts et des vêtements plus colorés que par le passé.</span> <span><span>Lesley Parker</span></span></h4> <p>Tout en semblant se conformer aux versions patriarcales de la féminité, les femmes construisent en réalité une nouvelle version, hyperféminine, de la femme nord-coréenne idéale. Il s’agit généralement d’un moyen d’accéder à des biens matériels et à des récompenses sociales.</p> <p>Par leurs choix vestimentaires et consuméristes ostentatoires, ces femmes jouent un rôle clé dans la manière dont leur statut est désormais déterminé en Corée du Nord. Par exemple, les talons hauts sont de rigueur, constate Bae :</p> <blockquote> <p>Les femmes sont obsédées par les talons hauts. Probablement parce que nous, les filles, sommes petites. Que les femmes vivent à la campagne ou à la montagne, elles préfèrent ce type de chaussures, même sur les routes non goudronnées.</p> </blockquote> <p>À l’instar des <a href="https://www.lejdd.fr/International/coree-du-sud-et-chirurgie-esthetique-enquete-au-pays-du-bistouri-roi-4156317">Sud-Coréennes</a>, les jeunes générations cherchent de plus en plus à avoir des corps minces et des cheveux longs et lisses. Les femmes sont de plus en plus nombreuses à avoir recours non seulement à la chirurgie esthétique. Une autre femme, Gho, nous a raconté :</p> <blockquote> <p>« Nous, les jeunes, nous sommes comme les Sud-Coréennes. 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Lire l’<a href="https://theconversation.com/vie-economique-relations-familiales-normes-sociales-comment-les-femmes-changent-la-coree-du-nord-220245">article original</a>.</h4>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'vie-economique-relations-familiales-normes-sociales-comment-les-femmes-changent-la-coree-du-nord', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 215, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => 'https://theconversation.com/vie-economique-relations-familiales-normes-sociales-comment-les-femmes-changent-la-coree-du-nord-220245', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 5, 'person_id' => (int) 85, 'post_type_id' => (int) 1, 'poster_attachment' => null, 'editions' => [ [maximum depth reached] ], 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'attachments' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => 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Avant son départ pour la Corée du Sud en 2013, son activité la plus lucrative était un service de courtage pour les jeunes femmes qui souhaitaient travailler dans des usines en Chine.</p> <p>Kang est l’une des femmes que nous avons rencontrées dans le cadre de la rédaction de notre récent livre, <a href="https://www.routledge.com/North-Koreas-Women-led-Grassroots-Capitalism/Dalton-Jung/p/book/9780367536961"><em>North Korea’s Women-led Grassroots Capitalism</em></a>. Comme elle nous l’a expliqué :</p> <blockquote> <p>« Le plus gratifiant dans ce travail, c’était l’argent. J’ai pu payer les frais d’inscription à l’université de ma sœur cadette, ainsi que ceux de mes beaux-enfants. J’ai même pu faire adhérer mon mari au Parti des [travailleurs], et il a fini par devenir secrétaire du parti. Travailler dans le business m’a permis de mûrir. 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Nos recherches ont révélé qu’en rendant compliqué <a href="https://lentraidemissionnaire.org/la-realite-des-droits-des-femmes-en-coree-du-nord">l’accès des femmes à la sphère publique et à l’économie formelle</a>, le gouvernement nord-coréen les a, de fait, incitées à devenir des entrepreneuses, ce qui a eu des effets en cascade sur la société.</p> <h4 style="text-align: center;"><img src="https://images.theconversation.com/files/565046/original/file-20231212-15-sehe17.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" alt="" /><em><span>D</span></em><em><span>e petites boutiques ont vu le jour autour de Pyongyang, tenues pour la plupart par des femmes, qui vendent de la nourriture et d’autres petits articles.</span> <span><span>Lesley Parker</span></span></em></h4> <p>Comment cela s’est-il produit ? Les autorités nord-coréennes oppriment leur population par la terreur et la surveillance afin de contenir l’expansion du capitalisme. Mais elles se concentrent avant tout sur les hommes, bien plus que sur les femmes.</p> <p>De plus en plus de femmes nord-coréennes, sous-estimées par le pouvoir, ont progressivement appris à contourner la surveillance et les contrôles officiels, si bien qu’elles ont su peu à peu créer des espace favorables à des changements économiques et sociaux significatifs.</p> <h4 style="text-align: center;"><img src="https://images.theconversation.com/files/565053/original/file-20231212-27-ao9lb3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" alt="" /></h4> <h4 style="text-align: center;"><em><span>Une femme portant une jupe au-dessus du genou, des chaussures à talons hauts et un sac à main de marque.</span> <span><span>Lesley Parker</span></span></em></h4> <p>Notre livre explore les façons complexes dont les femmes nord-coréennes agissent au quotidien pour améliorer leurs conditions d’existence. Nos recherches sont basées sur 52 entretiens avec des transfuges nord-coréennes et des représentants d’ONG, ainsi que sur plusieurs visites de terrain en Corée du Nord et dans le nord-est de la Chine. Loin des stéréotypes d’après lesquels les femmes nord-coréennes seraient des automates ayant subi un lavage de cerveau ou des victimes impuissantes ayant besoin de protection, nous avons découvert qu’elles étaient fortes, résistantes et créatives.</p> <p>Par leurs actes de résistance discrète, elles ont provoqué des évolutions profondes dans de nombreux domaines comme la sexualité, la procréation et, plus généralement, l’ensemble des rôles attribués aux femmes dans la culture du pays.</p> <h3>5 façons dont les femmes changent la Corée du Nord</h3> <p><strong>1) Les femmes sont le moteur du capitalisme d’en bas</strong></p> <p>Les femmes jouent un rôle actif dans <a href="https://beyondparallel.csis.org/markets-private-economy-capitalism-north-korea/">l’économie informelle émergente</a> centrée sur les marchés locaux. Celle-ci, avant la pandémie de Covid-19, <a href="https://www.nkeconwatch.com/category/statistics/">représentait</a> environ 80 % du revenu des ménages et plus de 60 % de la nourriture et des besoins de base de la population. En bref, la survie des Nord-Coréens dépend largement du travail des femmes.</p> <p>Dans la plupart des familles nord-coréennes, les femmes pourvoient plus que les hommes au budget du ménage. Cette réalité engendre toujours plus d’opportunités pour les femmes, et toujours plus de défis pour ceux qui cherchent à les contrôler, y compris l’État.</p> <h4 style="text-align: center;"><img src="https://images.theconversation.com/files/565044/original/file-20231212-17-1s7r7z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" alt="" /><em><span>Une femme transporte des marchandises à l’aide d’une charrette tirée à la main dans la campagne du sud.</span> <span><span>Lesley Parker</span></span></em></h4> <p><strong>2) Les rôles de genre évoluent</strong></p> <p>Les femmes sont à l’origine de changements qui déstabilisent deux piliers fondamentaux de la Corée du Nord : d’une part, le socialisme ; de l’autre, un patriarcat profondément enraciné.</p> <p>La participation des femmes à des activités commerciales leur a permis d’accéder à des ressources rares, à commencer par l’argent, et à un niveau de visibilité publique et d’interaction sociale auparavant réservé aux hommes.</p> <p>L’indépendance économique et le fait d’avoir davantage voix au chapitre dans la prise de décision au sein du foyer ont mis à rude épreuve des dynamiques familiales établies de longue date et remis en question des normes sociales plus larges. Comme l’explique Seol :</p> <blockquote> <p>« Lorsque les rations ont diminué, les femmes ont pris davantage d’initiatives et sont allées travailler à l’extérieur. Les hommes, eux, restaient à la maison. Nous avons commencé à nous attendre à ce que les hommes fassent la cuisine et s’occupent des tâches domestiques. Je pense que les rôles des femmes et des hommes ont été inversés. »</p> </blockquote> <h4 style="text-align: center;"><img src="https://images.theconversation.com/files/565051/original/file-20231212-15-v3ur4y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" alt="" /><em><span>Un écolier achète une glace à une vendeuse de rue à Pyongyang. 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Il s’agit généralement d’un moyen d’accéder à des biens matériels et à des récompenses sociales.</p> <p>Par leurs choix vestimentaires et consuméristes ostentatoires, ces femmes jouent un rôle clé dans la manière dont leur statut est désormais déterminé en Corée du Nord. Par exemple, les talons hauts sont de rigueur, constate Bae :</p> <blockquote> <p>Les femmes sont obsédées par les talons hauts. Probablement parce que nous, les filles, sommes petites. Que les femmes vivent à la campagne ou à la montagne, elles préfèrent ce type de chaussures, même sur les routes non goudronnées.</p> </blockquote> <p>À l’instar des <a href="https://www.lejdd.fr/International/coree-du-sud-et-chirurgie-esthetique-enquete-au-pays-du-bistouri-roi-4156317">Sud-Coréennes</a>, les jeunes générations cherchent de plus en plus à avoir des corps minces et des cheveux longs et lisses. Les femmes sont de plus en plus nombreuses à avoir recours non seulement à la chirurgie esthétique. Une autre femme, Gho, nous a raconté :</p> <blockquote> <p>« Nous, les jeunes, nous sommes comme les Sud-Coréennes. 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Mais Ri Sol-ju est apparue en public avec des boucles d’oreilles et maintenant, les autorités ne peuvent plus rien faire. Les gens ont commencé à se rebeller. En Corée du Nord, il est interdit de se teindre les cheveux. […] Aujourd’hui, beaucoup de gens se teignent les cheveux. »</p> </blockquote> <p><strong>5) Le nouvel idéal féminin de la propagande du régime</strong></p> <p>L’État a réagi à ces changements sociétaux en faisant évoluer la manière dont il présente la femme « idéale » dans sa propagande.</p> <p>Ainsi, il promeut désormais des femmes qui incarnent un mélange attrayant et dynamique d’ancien et de nouveau, de loyauté et de modernité. C’est ce modèle que reprennent aujourd’hui la sœur, l’épouse et, depuis peu, la <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/coree-du-nord/coree-du-nord-kim-jong-un-met-sa-fille-en-scene-en-vue-d-une-probable-succession_5679665.html">fille</a> du dirigeant suprême du pays, Kim Jong‑un. Par exemple, Ri apparaît régulièrement en Prada, Christian Dior et Chanel, ou dans des looks inspirés de ces marques de haute couture.</p> <p>Le régime cherche ainsi à coopter les tendances sociales pour maintenir sa légitimité.<img src="https://counter.theconversation.com/content/220245/count.gif?distributor=republish-lightbox-basic" alt="The Conversation" width="1" height="1" /></p> <blockquote> <h4><img src="https://images.theconversation.com/files/565043/original/file-20231212-15-u1vhzr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" alt="" /><em><span>Les habitantes branchées de Pyongyang adorent les vêtements arborant un logo.</span> <span><span><span>Lesley Parker</span></span></span></em></h4> </blockquote> <hr /> <h4><span><a href="https://theconversation.com/profiles/bronwen-dalton-860">Bronwen Dalton</a>, Professor, Head of Department of Management, UTS Business School, <em><a href="https://theconversation.com/institutions/university-of-technology-sydney-936">University of Technology Sydney</a></em>; <a href="https://theconversation.com/profiles/kyungja-jung-1491641">Kyungja Jung</a>, Associate Professor, <em><a href="https://theconversation.com/institutions/university-of-technology-sydney-936">University of Technology Sydney</a></em> et <a href="https://theconversation.com/profiles/lesley-parker-92424">Lesley Parker</a>, Adjunct Fellow, <em><a href="https://theconversation.com/institutions/university-of-technology-sydney-936">University of Technology Sydney</a></em></span></h4> <h4>Cet article est republié à partir de <a href="https://theconversation.com">The Conversation</a> sous licence Creative Commons. 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La fidélité absolue est un concept éculé et hypocrite qui a pour but principal que les hommes soient certains que les enfants qui sortent des ventres de leur épouse soient bien le produit de leurs spermatozoïdes à eux. Transmettre ses gènes est un réflexe très animal, si Sapiens est vraiment un être supérieur, il devrait se détendre sur cette question. En plus, Pierre et moi n’avons pas fait d’enfants, trop concentrés sur nous-mêmes et nos vies à réussir. Marie, ma sœur, prétend que pour les femmes, l’importance de la fidélité n’a pas pour but la perpétuation de l’espèce mais plutôt la conservation à leur côté du mâle qui assure leur protection. Elle se trompe. Si Pierre et moi sommes toujours ensemble après trente-cinq ans de mariage, c’est justement parce que nous nous laissons la liberté d’aller de temps en temps voir ailleurs. Marie, elle, ne souhaitait plus de rapports sexuels tout en menaçant son mari de le quitter s’il la trompait. C’est lui qui est parti avec la première maîtresse qu’il s’est autorisée.</p> <p>Mais Pierre a changé.</p> <p>Nous nous sommes connus dans une manifestation contre le racisme alors que nous avions vingt-sept ans. Il était graphiste tandis que moi j’enseignais le français à des réfugiés dans un centre géré par l’Eglise protestante. Je l’avais déjà remarqué à d’autres occasions au fil des ans – Lausanne est une petite ville – notamment lors d’une soirée chez Jean-Luc, lequel a été mon amant lorsque j’avais vingt ans et que j’hésitais entre le trotskisme et l’écologie politique. Lorsque Jean-Luc, figure de proue des trotskistes locaux, m’avait quittée pour une camarade d’origine kurde plus valorisante pour lui, j’avais renoncé aux principes de la Quatrième Internationale et milité pour la sauvegarde de la planète, jusqu’à ma rencontre avec un zapatiste belge avec qui je suis partie au Mexique où j’ai attrapé une infection sexuellement transmissible. De retour en Suisse, j’ai soigné ma salpingite et terminé mes études de lettres. Entre deux amants de passage, je traversais de longues périodes d’abstinence sexuelle sans que cela me coûte. A la manif, j’ai trouvé Pierre très beau avec sa moustache et sa barbe de cinq jours. Et je l’ai trouvé irrésistible lorsqu’il a jeté une bouteille vide en direction des forces de l’ordre qui voulaient nous empêcher d’accéder à la salle où se déroulait une assemblée de l’UDC, ce parti d’extrême droite honni par nous. Pierre s’est fait réprimander par les camarades communistes qui assuraient le service d’ordre et il a fini par en venir aux mains avec eux. J’ai spontanément pris sa défense, nous nous sommes faits bousculer et avons quitté la manifestation, lui avec une arcade sourcilière fendue, moi avec un fort désir pour lui. Je l’ai emmené chez moi pour soigner sa blessure et nous avons fait l’amour toute la nuit. Deux semaines plus tard nous emménagions ensemble; nous ne nous sommes plus quittés.</p> <p>L’autre soir, alors que nous avions des invités à la maison, il m’a semblé reconnaître chez Pierre les signes d’une tension extrême. Depuis le temps, je le connais bien. Serge et Mireille, nos invités, l’ont eux aussi sentie, cette tension. Ce sont tout à la fois des amis et des clients. Des amis parce que comme nous ils sont de centre gauche, des clients car ils font appel à notre agence de communication pour promouvoir leur commerce. Après avoir été de grands voyageurs, Serge et Mireille vendent aujourd’hui des produits venus d’Asie, principalement d’Inde mais aussi de Birmanie et du Cambodge. Ils sélectionnent avec soins les artisans, privilégiant les structures coopératives respectueuses de l’environnement et du bien-être des populations locales. Nous gérons leur site internet et leur publicité, et tournons même pour eux des clips promotionnels. Pierre est devenu agressif avec Mireille lorsque celle-ci a déclaré que les néo-féministes exagéraient et que #MeToo décourageait toute tentative de séduction de la part des hommes. «Je n’ai pas peur de le dire, j’aime bien que l’on me tienne la porte et que les hommes me fassent sentir qu’ils me désirent…» Pierre lui a rétorqué que le patriarcat était une forme de fascisme et qu’en tant que progressiste nous devions tout faire pour l’abattre. J’ai essayé de dévier la conversation sur la nourriture bio mais très vite c’est l’écriture inclusive qui a fait s’échauffer les esprits. Serge, qui se pique d’aimer la littérature, a déclaré que le français était en danger, qu’il fallait le sauver des points médians et des réformes de l’orthographe. Pierre a rétorqué que pour rester vivantes les langues devaient changer, que les normes les étouffaient, que les règles orthographiques avaient été inventées pour empêcher les pauvres d’accéder aux études. «Etes-vous allés récemment au cinéma?» ai-je incidemment demandé à Mireille?</p> <p>Le lendemain, elle m’a appelée. «Avec Serge, on se demande si Pierre n’est pas en train devenir woke…» Mon sang s’est figé dans mes veines, une sourde angoisse est montée de mon estomac jusque dans ma gorge. «Non, non… Vous vous trompez… Vous avez bien vu, il continue de manger de la viande», ai-je rassuré Mireille. Mais le doute s’était instillé en moi, je me suis mise à mieux observer Pierre et, pour la première fois, j’ai fouillé dans ses poches et ses agendas, même dans son ordinateur. 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En jeu, rien de moins que les causes de la crise de la pollution plastique et les solutions appropriées pour y remédier.</p> <ul> <li> <p>D’un côté, la <a href="https://hactoendplasticpollution.org/fr/">Coalition de haute ambition</a> (HAC), les activistes du «zéro déchet» et de <a href="https://theconversation.com/traite-mondial-contre-la-pollution-plastique-en-coulisses-le-regard-des-scientifiques-francais-presents-234046">nombreux scientifiques</a> insistent sur la nécessité d’une <a href="https://hactoendplasticpollution.org/hac-member-states-ministerial-joint-statement-for-inc-5/">approche globale portant sur l’ensemble du cycle de vie des plastiques</a>, y compris leur production.</p> </li> <li> <p>De l’autre côté, une <a href="https://medium.com/points-of-order/spoiler-alert-f737a24292e6">petite minorité d’Etats</a> ainsi que l’industrie pétrochimique ont à de nombreuses reprises détourné l’attention de cette question de la production des plastiques. 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Il s’agit des travailleurs qui récupèrent, réutilisent ou revendent les plastiques, les textiles, l’aluminium et d’autres matériaux précieux issus des déchets.</p> <p>Dans le cadre du traité sur les plastiques, pour que ces travailleurs informels soient reconnus, que leurs conditions de travail puissent être améliorées et qu’ils puissent bénéficient d’une transition écologique plus équitable, les solutions politiques doivent aller au-delà des mécanismes économiques basés sur le seul marché et des stratégies axées sur le profit.</p> <p>Si ce n’est pas le cas, les efforts en faveur d’un recyclage plus inclusif et du développement de l’économie circulaire risquent de renforcer les injustices mêmes qu’ils prétendent combattre.</p> <h3>Qui sont les ramasseurs informels de déchets?</h3> <p>Les collecteurs de déchets – et les autres personnes travaillant avec eux dans un cadre informel et coopératif – effectuent une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0921344924001824#sec0021">grande partie du travail de recyclage à l’échelle mondiale</a>. Ils réduisent de manière significative la quantité de plastique qui se retrouve dans les océans.</p> <p>Malgré cela, et parce qu’ils font un travail salissant et vivent dans des endroits sales, ils sont souvent tenus pour responsables du problème de la pollution plastique. Dans les discours politiques des villes et des Etats, leur travail a longtemps été <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/0956247816657302">tourné en dérision, considéré comme non qualifié et inefficace</a>. <a href="https://www.undp.org/blog/unsung-heroes-four-things-policymakers-can-do-empower-informal-waste-workers">L’absence de reconnaissance officielle</a> de leur travail rend leurs revenus particulièrement instables et précaires. 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Il a été demandé que leurs contributions historiques à la réduction de la pollution plastique soient explicitement reconnues, et qu’un objectif explicite de transition juste soit intégré au traité sur les plastiques.</p> <h3>Avec l’économie circulaire, tout le monde est gagnant?</h3> <p>La <a href="https://theconversation.com/quatre-idees-recues-sur-la-transition-juste-227569">transition juste</a> est un principe défendu par les groupes de travailleurs et les défenseurs de la justice sociale afin de garantir que les politiques de transition écologique protègent, améliorent et compensent équitablement les moyens de subsistance des travailleurs et des communautés affectés par l’environnement.</p> <p>Les ramasseurs de déchets ont utilisé ce terme pour réclamer que le traité comprenne des dispositions pour améliorer leurs conditions de travail et de sécurité. Mais également pour que le traité intègre davantage les travailleurs informels aux systèmes de gestion des déchets, et pour exiger que les systèmes de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/responsabilite-elargie-du-producteur-67766">responsabilité élargie des producteurs</a> (REP) soutiennent aussi les travailleurs du secteur des déchets, en particulier les <a href="https://www.wiego.org/gender-waste-project">femmes et d’autres groupes vulnérables</a>.</p> <p>Etonnamment, ces demandes ont obtenu le soutien d’un large éventail de parties prenantes puissantes. Par exemple la <a href="https://www.businessforplasticstreaty.org/vision-statement#Key-elements">Business Coalition for a Plastics Treaty</a>, les <a href="https://news.un.org/en/story/2024/10/1156301">dirigeants des Nations unies</a> et même <a href="https://resolutions.unep.org/resolutions/uploads/american_chemistry_council.pdf">l’industrie pétrochimique</a>.</p> <p>Certaines de ces demandes ont été intégrées aux projets de traité sur les plastiques discutés au cours des négociations, ce qui représente une victoire majeure pour les travailleurs du secteur informel des déchets.</p> <p>Un consensus se dégage sur le fait qu’une économie circulaire inclusive peut être bénéfique à la fois pour l’environnement, l’économie et les travailleurs en améliorant la gestion de la pollution, les moyens de subsistance et les opportunités de croissance économique pour les entreprises.</p> <p>Ces promesses demandent toutefois à être vérifiées sur le terrain. Et c’est là que les choses se compliquent.</p> <h3>« Gagnant-gagnant », mais la victoire de qui ?</h3> <p>Dans mon livre <a href="https://mitpress.mit.edu/9780262546973/recycling-class/"><em>Recycling Class</em></a>, j’examine comment les efforts de recyclage inclusif ont été mis en œuvre à Bengaluru, l’une des plus grandes villes de l’Inde.</p> <figure><a href="https://images.theconversation.com/files/635250/original/file-20241129-15-cdpt12.jpg?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img src="https://images.theconversation.com/files/635250/original/file-20241129-15-cdpt12.jpg?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" alt="" /></a> <figcaption><span></span></figcaption> </figure> <p>Dans cet ouvrage, je défends que l’intégration dans des programmes d’économie circulaire basés sur le marché n’est pas une solution miracle aux injustices ancrées dans les systèmes de production, de consommation et de production des déchets.</p> <p>La plupart des politiques d’économie circulaire et de recyclage inclusif reposent sur des mécanismes de marché, partant du principe que la création de marchés pour les déchets incitera les acteurs du marché à récupérer efficacement les déchets et à les convertir en ressources.</p> <p>Pour remplir leurs obligations en matière de <a href="https://theconversation.com/faire-payer-plus-les-entreprises-pour-quelles-reduisent-les-emballages-130073">responsabilité élargie des producteurs</a> (REP), les marques peuvent alors s’engager à acheter des plastiques recyclés et à financer la collecte des déchets en achetant des <a href="https://www.worldbank.org/en/programs/problue/publication/unlocking-financing-to-combat-the-plastics-crisis">crédits plastique</a>.</p> <p>Cette approche vise à améliorer le prix des déchets, à augmenter les salaires et à encourager les efforts de collecte, tout en attirant des investissements pour financer l’amélioration des infrastructures et des technologies.</p> <p>Cependant, les mécanismes fondés sur le marché aggravent les inégalités existantes en matière d’accès au marché. Les efforts visant à donner la priorité à la traçabilité et à la transparence – dans le but d’améliorer l’efficacité du marché et le respect de la réglementation – désavantagent souvent les travailleurs informels.</p> <p>Ces derniers ne disposent pas des ressources et des capacités techniques nécessaires pour adopter des systèmes de suivi complexes basés sur les SIG ou la blockchain, et se retrouvent exclus des processus formalisés. Les start-up financées par le capital-risque et les grandes entreprises s’emparent alors du secteur du recyclage.</p> <p>Les multinationales préfèrent d’ailleurs les partenariats avec des start-up technologiques qui offrent des services à «valeur ajoutée» tels que des indicateurs et des tableaux de bord environnementaux, permettant aux entreprises de mettre en scène leur propre récit sur le développement durable. Souvent issus de milieux éduqués et privilégiés, les employés de ces firmes <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S001671852300057X">concurrencent les travailleurs informels existants, les subordonnant au passage</a>.</p> <p>A l’inverse, les femmes et les membres des minorités ethno-raciales et religieuses, qui constituent la majorité des travailleurs des économies informelles des déchets, sont confrontés à des obstacles supplémentaires. Notamment des <a href="https://mouvements.info/recuperateurs-de-dechets/">stigmates sociaux bien ancrés</a> qui limitent leur capacité à participer sur un pied d’égalité à ces marchés émergents. 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Une étude de <a href="https://www.circle-economy.com/resources/decent-work-in-the-circular-economy">Circle Economy</a> souligne que la plupart des emplois du secteur de l’économie circulaire restent ad-hoc et informels et ne bénéficient pas des garanties d’un emploi décent.</p> <p>En fin de compte, les travailleurs informels sont confrontés à un choix difficile: soit ils acceptent d’être exploités au sein des circuits de traitements des déchets en tant que simples ressources, soit ils risquent de perdre complètement leurs moyens de subsistance.</p> <p>Les systèmes actuels de production et de consommation du plastique déplacent donc la charge des déchets sur des communautés autochtones ou ethniques marginalisées, créant ainsi des <a href="https://www.dukeupress.edu/pollution-is-colonialism">zones sacrifiées</a>. Ce déplacement permet de maintenir la rentabilité, tout en perpétuant les atteintes à l’environnement et les inégalités sociales.</p> <p>En promouvant des technologies de <a href="https://www.bbc.com/afrique/monde-57087908">recyclage chimique</a> non éprouvées et en étendant les marchés du plastique, les entreprises <a href="https://theconversation.com/comment-lindustrie-fossile-influence-les-negociations-mondiales-sur-le-plastique-222112">pétrochimiques</a> et de matières plastiques <a href="https://direct.mit.edu/glep/article/21/2/121/97367/Future-Proofing-Capitalism-The-Paradox-of-the">s’approprient le langage de l’économie circulaire</a>. Cela leur permet de donner un vernis écologique à leurs propositions, tout en maintenant le <em>statu quo</em> sur les inégalités.</p> <p>Pendant ce temps, la HAC, plusieurs ONG et même certains ramasseurs de déchets invoquent également l’économie circulaire comme solution à la crise du plastique, en mettant l’accent sur le réemploi et le recyclage inclusif.</p> <h3>Demander des comptes aux pollueurs plutôt que compter sur l’efficacité du marché</h3> <p>Pour que l’économie circulaire aille au-delà de la simple protection du capitalisme fossile, elle doit prendre en compte les collecteurs de déchets et recycleurs informels dans le Sud et reconnaître les limites des mécanismes basés sur le marché. C’est vrai aussi bien pour le traité international sur la pollution plastique que pour d’autres démarches régionales comme le <a href="https://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/ATAG/2021/679066/EPRS_ATA(2021)679066_FR.pdf">plan d’action de l’UE pour l’économie circulaire</a>.</p> <p>En effet, toute stratégie de lutte contre la pollution plastique basée sur le marché et axée sur le profit est susceptible de reproduire ces schémas d’inégalité. Et par la même occasion, de pérenniser les injustices systémiques qui soutiennent le statu quo. Pour une transition vraiment juste, la lutte contre la pollution plastique ne doit donc pas devenir une opportunité de croissance économique ou de profit.</p> <p>Au contraire, nous avons besoin d’une approche centrée sur la réparation. Il faut d’abord, pour cela, reconnaître les contributions historiques des collecteurs informels du plastique ainsi que les préjudices qu’ils subissent. Puis redistribuer les ressources aux personnes les plus touchées et créer des systèmes qui donnent la priorité à la restauration de l’environnement et à la justice sociale plutôt qu’au profit des entreprises.</p> <p>Une économie circulaire bien financée devrait d’abord renforcer le pouvoir des travailleurs, puis améliorer les capacités des infrastructures et réduire la concentration de ces déchets en produits chimiques toxiques, plutôt que de s’appuyer sur des solutions basées sur le marché qui aggravent les inégalités.</p> <p>Les vraies solutions consistent à demander des comptes aux pollueurs et à adopter des approches circulaires fondées sur la sobriété et la réparation, et non sur l’efficacité du marché.<img src="https://counter.theconversation.com/content/244065/count.gif?distributor=republish-lightbox-basic" alt="The Conversation" width="1" height="1" /></p> <hr /> <h4><span><a href="https://theconversation.com/profiles/manisha-anantharaman-1526162">Manisha Anantharaman</a>, Assistant Professor, Center for the Sociology of Organisations, CNRS/Sciences Po, <em><a href="https://theconversation.com/institutions/sciences-po-2196">Sciences Po </a></em></span></h4> <h4>Cet article est republié à partir de <a href="https://theconversation.com">The Conversation</a> sous licence Creative Commons. Lire l’<a href="https://theconversation.com/les-ramasseurs-de-dechets-grands-perdants-du-recit-dominant-sur-la-pollution-plastique-244065">article original</a>.</h4> </div>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'les-ramasseurs-de-dechets-grands-perdants-du-recit-dominant-sur-la-pollution-plastique', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 42, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 5, 'person_id' => (int) 85, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'comments' => [[maximum depth reached]], 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Posts' }, (int) 2 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 5283, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => true, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => null, 'readed' => null, 'subhead' => null, 'title' => 'Les Etats-Unis financent un collectif international de journalistes', 'subtitle' => 'Si le réseau Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP) a révélé des avoirs russes cachés ou la corruption au Venezuela, le Delaware, paradis de l'évasion fiscale, reste pour lui un tabou. «Notre politique veut que nous ne fassions pas de rapports sur un pays avec son propre argent», a déclaré Drew Sullivan, son cofondateur.', 'subtitle_edition' => 'Si le réseau Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP) a révélé des avoirs russes cachés ou la corruption au Venezuela, le Delaware, paradis de l'évasion fiscale, reste pour lui un tabou. «Notre politique veut que nous ne fassions pas de rapports sur un pays avec son propre argent», a déclaré Drew Sullivan, son cofondateur.', 'content' => '<p style="text-align: center;"><strong>Urs P. Gasche</strong>, article publié sur <a href="https://www.infosperber.ch/medien/medienkritik/die-usa-finanzieren-internationales-journalisten-kollektiv/" target="_blank" rel="noopener"><em>Infosperber</em></a> le 5 décembre 2024, traduit par <em>Bon Pour La Tête</em></p> <hr /> <p>Parmi de nombreux autres médias, la <em>NZZ</em> et le <em>Tages-Anzeiger</em> ont diffusé à plusieurs reprises des révélations du réseau international de journalistes Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP). Ce faisant, ils n'ont pas rendu transparent le fait que les services gouvernementaux américains paient la moitié du budget de l'OCCRP. 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Parmi eux, <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Panama_Papers"><em>The Panama Papers</em></a><em>, </em><a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Pandora_Papers"><em>Pandora Papers</em></a><em>, </em><a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Suisse_Secrets"><em>Suisse Secrets</em></a><em>, </em><a href="https://www.occrp.org/en/project/narcofiles-the-new-criminal-order"><em>Narco Files</em></a><em>, </em><a href="https://www.occrp.org/en/project/the-pegasus-project/about-the-project"><em>Pegasus Project</em></a><em>, </em><a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Cyprus_Confidential"><em>Cyprus Confidential </em></a>et la série <a href="https://de.wikipedia.org/wiki/Die_Geldw%C3%A4scherei"><em>Laundromat</em></a>, qui a révélé les systèmes de blanchiment d'argent des élites dirigeantes en Azerbaïdjan et en Russie.</p> <h3><strong>Non sans conditions</strong></h3> <p>Les agences gouvernementales américaines ne financent pas l'OCCRP sans contrepartie: l'<a href="https://www.usaid.gov/"> U.S. Agency for International Development</a> dispose d'un droit de veto sur la nomination des dirigeants de l'OCCRP. De plus, l'agence gouvernementale américaine interdit d'utiliser son argent pour mettre au jour la corruption aux Etats-Unis.</p> <p>Certaines subventions étaient même affectées à un but précis: le Department of State, par exemple, a versé 173 000 dollars à l'OCCRP pour «détecter et combattre la corruption au Venezuela». Ou l'<a href="https://www.usaid.gov/">Agence pour le développement international (USAID)</a> a versé plus de deux millions de dollars dans le but de «mettre au jour la criminalité et la corruption à Malte et à Chypre».</p> <p>Le journal en ligne français indépendant <a href="https://www.mediapart.fr/en/journal/international/021224/hidden-links-between-giant-investigative-journalism-and-us-government">« Mediapart »</a> en a parlé le 2 décembre 2024 <a href="https://www.mediapart.fr/en/journal/international/021224/hidden-links-between-giant-investigative-journalism-and-us-government">.</a></p> <p>Le fondateur de l'OCCRP est un ancien employé <a href="https://www.rockwellautomation.com/de-ch.html">de Rockwell</a> devenu journaliste: <a href="https://www.occrp.org/en/staff/drew-sullivan">Drew Sullivan</a>. L'OCCRP a été créé à l'instigation de fonctionnaires du gouvernement américain. Selon Mediapart, Sullivan a reçu pour cela, en 2008, un financement de départ de 1,7 million de dollars du <a href="https://www.state.gov/bureaus-offices/under-secretary-for-civilian-security-democracy-and-human-rights/bureau-of-international-narcotics-and-law-enforcement-affairs/">Bureau of International Narcotics and Law Enforcement Affairs</a>(INL). Il s'agit d'une agence d'application de la loi du Département d'Etat américain.</p> <p>L'OCCRP s'appuie souvent sur des documents divulgués provenant de sources non identifiées. La qualité des recherches et des révélations de l'OCCRP n'est pas mise en doute. L'orientation unilatérale des recherches et le manque de transparence des informations sur le financement donnent lieu à des critiques.</p> <p>L'ampleur des liens personnels et financiers de l'OCCRP avec le gouvernement américain va à l'encontre de «tous les principes de l'éthique journalistique». C'est ce qu'a déclaré Leonard Novy, directeur de l'Institut allemand des médias et de la politique de communication, à la chaîne NDR. Cela laisse supposer que les journalistes peuvent être utilisés ou instrumentalisés à des fins politiques.</p> <p>Sullivan et l'OCCRP ont également laissé les médias partenaires et leurs lecteurs dans l'ignorance de leur proximité avec le gouvernement américain. Selon Leonard Novy, l'organisation a ainsi dépassé les limites.</p> <h3><strong>Sullivan n'a pas voulu parler clairement aujourd'hui encore</strong></h3> <p>Sullivan a d'abord affirmé à la chaîne NDR que l'OCCRP avait «un groupe de donateurs largement répandu», parmi lesquels «aucun donateur individuel ne domine». Il a ajouté que «le gouvernement américain [...] est l'un des plus grands donateurs, mais ce n'est pas un pourcentage énorme». Confronté aux dernières découvertes, il a finalement reconnu l'importance du financement de Washington: «C'est le plus grand bailleur de fonds de l'OCCRP, oui, et ce depuis presque le début de notre histoire. [...] Je suis très reconnaissant au gouvernement américain.»</p> <p>Par écrit, Sullivan a renchéri: «Nous avons dû décider si nous voulions accepter de l'argent du gouvernement ou ne pas exister.» Sur le site web de l'OCCRP, les montants des sponsors ne sont pas indiqués.</p> <h3><strong>Conditions posées</strong></h3> <p>Sullivan a confirmé à la NDR le pouvoir d'influence des autorités américaines: «Dans le cadre d'accords de coopération que nous n'aimons pas conclure, ils ont un droit de regard sur le choix des personnes [...] Ils peuvent mettre leur veto sur quelqu'un [...] Ils n'ont jamais mis leur veto sur quelqu'un.»</p> <p>L'OCCRP ne peut pas enquêter sur des affaires américaines avec l'argent fourni par Washington. «Notre politique veut que nous ne fassions pas de rapports sur un pays avec son propre argent», a déclaré Sullivan à la NDR. «Je pense que le gouvernement américain ne le permet pas. Mais même dans d'autres pays où ces dispositions n'existent pas, nous ne le faisons pas parce que cela vous place dans une situation de conflit d'intérêts et que vous préférez rester à l'écart de telles situations.»</p> <p>Ainsi, le paradis fiscal américain du Delaware n'a jamais fait l'objet de toutes les recherches sur l'évasion fiscale et l'argent de la corruption.</p> <p>L'OCCRP a tout de même effectué des recherches isolées aux Etats-Unis: par exemple sur les <a href="https://www.occrp.org/en/investigation/meet-the-florida-duo-helping-giuliani-investigate-for-trump-in-ukraine">hommes d'affaires</a> qui avaient soutenu l'avocat de Donald Trump pour nuire à Joe Biden, ou sur la manière dont le Pentagone a dépensé des sommes énormes pour <a href="https://www.occrp.org/en/project/making-a-killing/revealed-the-pentagon-is-spending-up-to-22-billion-on-soviet-style-arms-for-syrian-rebels">fournir des armes</a> à des groupes rebelles en Syrie, ou encore sur un <a href="https://www.occrp.org/en/investigation/flight-of-the-monarch-us-govt-contracted-airline-once-owned-by-criminals-with-ties-to-russian-mob">contrat</a> entre le gouvernement américain et une compagnie aérienne dont les propriétaires sont liés au crime organisé en Russie.</p> <p>Ces recherches ont manifestement respecté une autre condition imposée par les autorités américaines à l'OCCRP: l'activité doit être «en accord avec la politique étrangère et les intérêts économiques des Etats-Unis et les promouvoir.» (<a href="https://www.govinfo.gov/content/pkg/COMPS-1071/pdf/COMPS-1071.pdf">US Foreign Assistance Act</a>).</p> <h3><strong>Voici comment la «NZZ» et Tamedia ont présenté la source OCCRP</strong></h3> <p><strong>«NZZ» du 19 juillet 2023</strong></p> <p>«L'Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP) est un réseau d'organisations journalistiques fondé en 2006, basé dans de nombreux pays différents et fonctionnant sous cette forme en tant que filiale du Journalism Development Network à but non lucratif, dont le siège est dans le Maryland.»</p> <p><strong>«Tages-Anzeiger» du 21 juin 2023</strong></p> <p>«Grâce à l'organisation OCCRP, des journalistes femmes de plusieurs pays ont pu étudier ces données, dont <em>Der Standard</em> en Autriche et <em>Der Spiegel</em> en Allemagne. Pour la Suisse, le bureau de recherche de Tamedia et Paper Trail Media était de la partie.»</p> <h3><strong>Informations complémentaires</strong></h3> <p><strong>22 décembre 2022</strong> <a href="https://www.infosperber.ch/politik/welt/twitter-diente-jahrelang-als-gehilfe-des-pentagons/">Twitter a servi pendant des années d'auxiliaire au Pentagone</a>. Elon Musk a partiellement révélé les outils internes de Twitter. Ils prouvent des services d'hommes de main pour la propagande de l'armée américaine à l'étranger.</p> <p><strong>12 février 2009</strong> <a href="https://www.tagesanzeiger.ch/27-000-pr-berater-polieren-image-der-usa-631302390683">27 000 conseillers en relations publiques polissent l'image des Etats-Unis</a>. 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