Lu ailleurs / Une figure déjà historique
Le personnage extravagant soudain surgi à la présidence de l’Argentine a de quoi stupéfier le monde. Par son discours à la fois anarchiste et ultra-capitaliste, surtout par des provocations sans précédents. En comparaison, Trump – qu’il admire – est un enfant de chœur. La presse latino-américaine n'en finit pas de révéler des facettes incongrues du méga-trublion. Ce qui ne l’empêche pas de rappeler aussi que cet économiste a élaboré une vraie doctrine, exposée dans plusieurs livres, principalement «El camino del libertario» (Le chemin du libertaire).
Le quotidien La Nación parle de sa campagne comme «une bataille culturelle», menée avant tout à la télévision, sur les réseaux sociaux. Affichant avec une verve inouïe son image de provocateur dressé contre les élites exécrées, les figures désastreuses du passé, contre un Etat jugé envahissant. Jamais une élection n’a été marquée à ce point par un show aussi effervescent et effréné. Le journal rappelle avec force détails l’enfance de Milei, fracassée par un père, conducteur de bus de son état, qui le frappait et l’humiliait tous les jours. «Après tant de coups, je n’ai plus peur de rien!» Il a longtemps parlé de ses parents comme ses «progéniteurs». Moins banal, son lien incroyablement étroit avec sa sœur Karina qu’il qualifie de «Messie», qui a dicté ses pas à toutes les étapes. «C’est ma cheffe!», assure-t-il, posant avec elle en toutes occasions. Un tel duo frère-sœur au pouvoir, c’est probablement unique dans l’histoire.
La Nación raconte aussi comment Milei a développé un mysticisme particulier. «Il m’est arrivé des choses très fortes qui dépassent toute explication scientifique». Il parle à Dieu qu’il appelle «El Uno», à l’aide des tarots de sa sœur. Son maître fut le professeur d’économie espagnol Jesús Huerta del Soto qui affirme que «Dieu est libertaire» et que «l’Etat est l’incarnation du Malin, du démon, la courroie de transmission du mal». Le président élu est aussi en télépathie avec un chien qu’il vénéra, Conan. A sa mort il le fit cloner – pour 50’000 dollars – et possède aujourd’hui quatre successeurs qu’il désigne comme ses conseillers en économie!
Cela n’inquiète manifestement pas les électeurs, pas plus que l’évocation de sa vie sexuelle. Partisan de l’amour libre mais opposé à l’avortement. Son franc-parler plaît plutôt. Il n’a pas hésité à raconter lors d’un show télévisé qu’il pratique diverses formes de sexe «tantra», ce qui lui permet de n’éjaculer qu’une fois tous les trois mois.
Outre sa sœur toute-puissante, d’autres femmes l’entourent, que présente le journal El Mundo. La future vice-présidente, Victoria Villarruel, qui se distingue par son négationisme des horreurs de la dictature militaire (1976-1983). Elle entend fermer le musée consacré à ce chapitre noir de l’histoire. Lilia Lemoine, députée élue, visagiste du président, «influenceuse» active sur les réseaux sociaux. Enfin la blonde Fatima Flores que Milei a épousée en août passé, probablement pour offrir au public une image de couple acceptable. Une star de la télévision, célèbre pour ses imitations caricaturales de l’actuelle vice-présidente Cristina Fernandez.
Au-delà de ces informations piquantes, la presse argentine souligne ces derniers jours les difficultés que rencontrera la présidence à l’heure de l’action. Milei devra trouver des alliances, à droite certes, mais celle-ci le freinera au vu de ses propres intérêts partisans. Aucun des gouverneurs élus dans les 24 provinces de la république fédérale n’est de son bord. Si les subventions sociales, aujourd’hui assez abondantes, sont supprimées, les désordres sont annoncés. Le provocateur a d’ailleurs déjà commencé à mettre de l’eau dans son vin. Il parle moins de la dollarisation de l’économie et repousse la fermeture annoncée de la Banque nationale. Mesures applaudies… par la Neue Zürcher Zeitung! La dollarisation n’a pas été un miracle pour trois pays qui l’ont adoptée, le Panama, l’Equateur et le Salvador. Et l’on sait, depuis l’ère du président Menem, que l’abandon d’une monnaie fluctuante peut lourdement pénaliser les exportations.
Selon La Nación encore, la transition des pouvoirs se fait de manière apaisée et «rationnelle». Un Milei rasé de près, en costard-cravate, a rencontré le président sortant, Alberto Fernandez et a d’ores et déjà accepté de s’entourer des experts qui lui ont été recommandés. Ceux-ci suggèrent toutes sortes de moyens drastiques pour casser l’hyperinflation. Et devront aussi assurer au nouveau gouvernement de bonnes relations avec Washington et le FMI. Le provocateur d’hier s’efforce aujourd’hui de se débarrasser de son image «trumpiste». Et tente de rassurer tous azimuts. «Je ne veux pas d’une Argentine à 80% de pauvres!», lance l’ultra-libéral.
Reste que, selon El Pais, les actions cotées des entreprises argentines ont fait un bond de 36% à Wall Street au lendemain de l’élection. Dans le sillage de celles de YPF, l’entreprise pétrolière à majorité publique, promise à la privatisation. Les USA ont un nouvel allié, certes turbulent mais farouchement anti-communiste. Israël aussi. Le nouveau président promet de se rendre au plus vite à Jérusalem. Il est d’ailleurs en train de se convertir au judaïsme. Mais dans l’immédiat, ses prières auront un autre but: éviter le chaos à son pays. Et tenter de le redresser avec tous les moyens imaginables. Sans trop se référer à ses discours de campagne enflammés.
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Il va jusqu’à promettre une ambassade à Jérusalem… où l’on n’est guère convaincu par ce nouvel allié proclamé. Ses seuls ennemis, dit-il, ce sont l’Iran et le Hezbollah. Et n’a pas un mot quant aux bombes israéliennes qui pleuvent sur son territoire ni sur la présence de Tsahal aux portes de Damas. Silence aussi devant les exactions et les assassinats commis par ses partisans, rapportés sur le net, image à l’appui. En outre, il est prévu de mijoter une nouvelle constitution. La «République arabe syrienne» devrait s’appeler «Etat islamique de Syrie».</p> <p>On peut comprendre la satisfaction des Américains et des Européens voyant que la Russie et l’Iran sont bannis des lieux. Mais comment peuvent-ils peindre ainsi en rose la nouvelle situation? Sans penser aux désastreux précédents de l’Irak, de la Libye?</p> <p>En fait, ce n’est pas totalement surprenant. Lorsque la guerre civile fut déclenchée en 2011, ce sont les mêmes forces islamistes qui prirent très tôt le relais des manifestants qui réclamaient la démocratie, brutalisés par la police d’Assad. Elles furent soutenues aveuglément, des années durant, par plusieurs pays arabes et européens. Ce fut atroce. Un demi-million de morts, dit-on. Sous le double feu du dictateur criminel, certes, et celui des insurgés barbus. Des dizaines de millions d’exilés fuyant la fureur des uns et des autres.</p> <p>N’entrons pas ici dans les spéculations sur l’avenir, sur les desseins des puissances qui, de fait, s’emparent du pays, qui s’agitent au fil de leurs ambitions géopolitiques et économiques. Sans parler du pétrole, exploité par les Américains sur la partie kurde… Qu’il nous soit permis d’évoquer plutôt un souvenir. Cinq ans avant la guerre, un voyage inoubliable en Syrie. Un prêtre nous faisait visiter Alep, tous les quartiers, animés et relativement prospères. Nous parlions avec tous. Conscients d’être dans une dictature, nous constations que chacun exprimait sans peur sa foi, son appartenance. Nous avions visité l’admirable mosquée des Omeyyades à Damas. Nous nous sommes étonnés auprès de deux jeunes filles de voir tant de monde, des familles en sortie, un dimanche et non un vendredi. Elles éclatèrent de rire: «Mais c’est le jour de Pâques!». Comme Noël, les jours de fêtes chrétiennes sont officiellement fériés en Syrie. Jusqu’à quand?</p> <p>Le prêtre d’Alep, devenu un ami, qui vit aujourd’hui en France, n’a pas le cœur à applaudir le tournant actuel. Il s’est exilé avec les siens après que sa fille de dix-huit ans ait été débarquée d’un bus, violée et assassinée parce qu’elle portait une croix autour du cou. Par des «rebelles modérés» comme on disait à l’époque. 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Des contingents étrangers sont sur place, notamment avec environ 1000 soldats français. </p> <p>Alors évidemment Georgescu est un gêneur. Il ne veut pas quitter l’OTAN, mais considère que l’intérêt de la Roumanie, c’est l’arrêt au plus vite de la guerre. Ce qui lui vaut aussitôt chez nous l’étiquette de pro-russe. Il s’oppose aussi à une dépense prévue de 6,5 milliards de dollars pour l’achat d’une flotte de FA-35 dans un pays où le quart de la population vit en dessous du seuil de pauvreté. On voit dès lors qui veut sa peau, au-delà des appareils politiques locaux accrochés à leurs pouvoirs et leurs privilèges. </p> <p>L’impertinent aggrave encore son cas avec sa revendication d’un meilleur contrôle et d’une plus forte imposition des sociétés internationales (notamment américaines, françaises, autrichiennes, kazakhs, émiratis... et russes) qui exploitent les considérables ressources minières de la Roumanie, pétrole et gaz en tête. Le discours nationaliste passe bien ailleurs et fort mal là… A noter qu’il ne souhaite nullement la sortie de l’UE mais souhaite y défendre mieux les intérêts de son pays. Comme à peu près tous. </p> <h3><strong>Portrait d’un personnage peu banal</strong></h3> <p>L’image caricaturale qui nous est proposée de ce personnage peu banal est à côté de la plaque. Cet ingénieur agronome écologiste a fait carrière dans les institutions de son pays et aux Nations Unies (avec un passage à Genève). Il maîtrise son propos, plutôt mesuré. Mais avec le sens de la formule. Par exemple, à propos des partis traditionnels qui ont connu bien des cas de magouilles et de corruptions: «ils essuient leurs bottes sales sur le visage de la démocratie!»</p> <p>C’est un conservateur comme on en trouve en France, en Allemagne. Avec en plus des préoccupations sociales, en particulier dans les domaines de la santé, de l’éducation, de la condition paysanne. Et aussi des manies, il est vrai, une fixation sur l’affreux Davos, le redoutable Soros. Un penchant religieux aussi et même mystique. Grand défenseur de la famille traditionnelle, mais pas opposé à l’avortement et aux couples homosexuels. Attentif, et c’est rare, aux minorités, tels les Hongrois sur sol roumain ou les Roms. Ses refrains préférés tournent autour de la défense du peuple roumain, du rassemblement de tous, du redressement d’un pays resté pauvre malgré de réels progrès économiques aux bénéfices trop inégalement répartis. On apprécie ou pas le bonhomme, mais pas de quoi le maudire… ou l’enfermer, ou l’exiler comme en rêvent les plus exaltés de ses adversaires. Certains sont allés jusqu’à couper l’eau et l’électricité de son domicile. A quoi Georgescu réagit avec le sourire et rassure, il restera sur internet et le débat, le combat continueront. 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1 Commentaire
@simone 27.11.2023 | 18h14
«Enfin un article qui donne des informations et non pas seulement une opinion personnelle sur le personnage. Merci!»