Actuel / Mohamed Merah, mars 2012: le procès d’un long silence
Mohamed et Abdelkader Merah © DR / Bon pour la tête
Mohamed Merah n’est plus là pour répondre de ses actes. Le procès qui s’ouvre pour un mois ce lundi à Paris devant la cour d’assises spéciale pour les crimes de terrorisme juge Abdelkader Merah, 35 ans, l’un de ses frères. Il est accusé de complicité d’assassinats et de tentative d’assassinat sur un quatrième soldat blessé par son cadet et depuis tétraplégique. Il encourt la perpétuité.
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Jeudi, comme souvent dans ce rendez-vous formaté pour le buzz, il s’est passé <a href="https://twitter.com/LeDevBreton/status/1590817814059044864?s=20&t=4TWr6vsi3CFKbFwoMHZdVw" target="_blank" rel="noopener">quelque chose de fort</a> sur le plateau de «Touche pas à mon poste!», l’émission animée par Cyril Hanouna sur la chaîne C8 du groupe Bolloré – le nom à l’origine du clash de jeudi soir. Pour La France insoumise (LFI), ce parti de la gauche radicale siégeant à l’Assemblée nationale, un dilemme à présent se pose: faut-il encore aller à TPMP, là où bat le cœur de la France antisystème, où les électorats lepénistes et mélenchonistes s’invectivent, mais surtout, se parlent comme nulle part ailleurs?</p> <p>Que s’est-il passé de si grave ou plutôt de si révélateur? Alors que le débat portait sur l’accueil par la France de 234 migrants se trouvant à bord du bateau Ocean Viking, le jeune député LFI Louis Boyard, qui fut autrefois chroniqueur rétribué à TPMP, a mis les pieds dans son ancienne gamelle en parlant d’un procès menaçant «Bolloré» pour déforestation au Cameroun. Vincent Bolloré est ce milliardaire français propriétaire du groupe Canal, un catholique breton qu’on dit hanté par la crainte du «grand remplacement», ce concept d’extrême droite repris par son poulain Eric Zemmour lors de la dernière campagne présidentielle.</p> <p>Fidèle à son style «wesh-embrouille», où les différends se règlent en <em>battles</em> de tchatche, Cyril Hanouna a aussitôt mis un coup de pression au député Boyard, façon «qu’est-ce t’as dit?»: «Tu sais que t’es dans le groupe Bolloré, ici?», lui a-t-il lâché quand apparaissaient au même moment les résultats d’un sondage-téléspectateurs indiquant une proportion de 80% se prononçant contre l’accueil des 234 migrants et de 20% se disant pour.</p> <p>En sweat-capuche, Hanouna, tout à son personnage de caïd de la street chic rappelant au p’tit merdeux le respect dû au patron, le vrai, insiste alors: «Tu sais que t’es dans le groupe Bolloré?... Qu’est-ce que tu viens foutre ici, alors?... Bolloré t’a donné de l’argent, t’étais chroniqueur ici…»</p> <p>Boyard, qui avait visiblement préparé son coup, la joue grands principes: «Attends, Cyril, est-ce que tu es en train de me dire que je n’ai pas le droit de dire que Bolloré, il a un procès avec cent cinquante Camerounais parce qu’il a déforesté?» La suite: le député-LFI-ex-chroniqueur-TPMP, ne s’énervant pas, devant pressentir qu’il sortira gagnant de la <em>battle</em>, se prévaut de sa qualité de député. Hanouna piétine l’argument, estimant que Boyard, comme d’autres de son parti, doit son élection à TPMP. Après avoir donné du «mon chéri» à Boyard, il le traite d’«abruti» et de «merde», chacun accusant l’autre d’avoir fait monter l’extrême droite – le grand tabou de la politique française.</p> <p>Quelle suite LFI, plus largement la Nupes, la coalition de gauche à l’Assemblée nationale, donnera-t-elle à cet incident? Continuera-t-elle d’aller sur le plateau de TPMP? Qui, d’Hanouna ou de la gauche radicale, a-t-il le plus besoin de l’autre? Sans LFI, formation aux accents populistes, TPMP perdrait sa caution de gauche, risquant alors de ne plus réunir que des «anti-tout», souvent l’antichambre d’un parti de l’ordre. Mais en renonçant à ce forum, La France insoumise se priverait d’un lieu où elle peut porter des coups à «Macron», ce qui lui rapporte des voix. Ne plus se montrer dans «Touche pas à mon poste!» pourrait être interprété comme l’aveu qu’on appartient au «système», à cette «élite» qu’on prétend combattre.</p> <p>Dans le même temps, en participant à cette émission, LFI sait qu’elle contribue à saper la confiance dans les institutions démocratiques, dont on a vu jeudi soir le peu de cas qu’en faisait Cyril Hanouna en insultant le député Boyard. Il y a deux semaines, toujours à la barre de TPMP, Hanouna appelait à la tenue d’un procès expéditif, assortie d’une «perpétuité immédiate» pour la meurtrière présumée de la petite Lola. 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Né en 1950 à Constantine, issu de la communauté juive algérienne, partie avec les pieds-noirs à l’indépendance en 1962, Stora était investi d’une mission réconciliatrice par le président de la République. A la fin de son travail, l’historien émet une série de préconisations. Et l’on entre alors dans le vif du sujet: l’action.</p> <p>La première de ces préconisations, qui rappelle la Commission Vérité et Réconciliation en Afrique du Sud, l’Instance Vérité et Dignité en Tunisie, est la constitution d’une «Commission "Mémoires et vérité" chargée d’impulser des initiatives communes entre la France et l’Algérie sur les questions de mémoires». La <em>vérité</em>. Pas de réconciliation sans vérité sur les exactions passées, croit-on.</p> <p>Mais la vérité n’est pas seulement question de faits, elle intéresse aussi le sens. Or deux sens ne peuvent cohabiter. Pas d’en-même-temps possible: la douleur d’un camp ne peut valoir celle de l’autre. Celle de l’Allemand de la Seconde Guerre mondiale ne vaut pas celle de l’Allié. On touche probablement ici à la limite du rapport Stora: le colon ne peut pas faire valoir sa douleur au même titre que le colonisé. Sinon, toute la hiérarchie, établie selon une échelle de valeurs qui accorde au colonisé la légitimité de sa révolte, est rebattue. Et pourtant, se dit-on, il faut tendre vers la reconnaissance des souffrances de part et d’autre, pour pouvoir la faire, cette réconciliation. Comme c’est compliqué…</p> <h3>Les choses ont un sens que la paix peut ignorer</h3> <p>Seul le sens permet d’y voir clair. Mais le problème du sens, qui dit qui avait raison, qui avait tort, c’est qu’il ne permet pas toujours de refermer les plaies, puisque personne ne veut être en tort, ou avoir tous les torts. Le cas franco-algérien renvoie à la spécificité de la guerre d’Algérie, plus sensible sur un plan mémoriel que les guerres franco-allemandes.</p> <p>La guerre d’Algérie, combat décolonial, lutte pour la libération, fut probablement moins une guerre classique entre deux nations qu’une guerre civile à l’intérieur d’un même territoire. Opposant deux populations d’inégal statut, certes, et ce n’est pas rien, mais ayant toute deux un caractère civil. De là, sans doute, le refus, longtemps, de nommer par le terme de guerre ce qui était appelé sous le nom d’événements.</p> <p>C’est pourquoi la vérité (qui la dit? selon quels critères?) peut être, aussi, parfois, l’ennemi de la réconciliation, celle-ci étant par nature toujours un peu artificielle. Disons que l’intérêt de la paix l’emporte à un moment donné sur l’intérêt de la guerre, surtout dans une configuration de conflit civil.</p> <h3>Les pieds dans le plat</h3> <p>Très vite apparaît la nécessité de l’amnistie, pour étouffer des braises dont chacun a cependant conscience qu’elle ne seront jamais tout à fait éteintes. Ce fut vrai après une relative brève période d’épuration en France en 1944-45. Vrai entre la France et l’Algérie à l’indépendance en 1962. Vrai encore en 1999, lorsque le président algérien Abdelaziz Bouteflika fit voter la loi dite de concorde civile, qui mit fin par un plébiscite à la guerre civile.</p> <p>Cela nous amène à la France d’aujourd’hui, celle, d’après, espérons-le, les attentats islamistes. Attentats? Islamistes? D’emblée, les pieds dans le plat. La somme de «ce qui est arrivé en France ces dernières années» pèse son poids de non-dits. Cette situation présente des similitudes avec les conflits évoqués plus haut. Mais elle a comme quelque chose d’inextricable. Ce n’est pas encourageant.</p> <h3>Quand le bourreau redevient l'égal de la victime</h3> <p>Alors, quelles similitudes entre l’après-attentats et ces précédents après-guerres? La première de toutes, la plus importante: la nécessité de l’amnistie, avons-nous vu, par quoi on cesse de juger ceux qu’on sait coupables, par quoi on passe à autre chose. Comme la victime, le bourreau doit pouvoir reprendre une vie normale. Sauf que toute amnistie suppose un vainqueur reconnu comme tel, autrement dit un juste faisant offrande de son pardon au vaincu. 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Pourquoi? On a tenté de répondre à cette question. Indice: l’image, pas terrible, du «voisin français». ', 'subtitle_edition' => null, 'content' => '<p>«C’est la petite Gilberte, Gilberte de Courgenay…» La Mob, c’était mieux avant. Il y avait alors de vraies frontières. Pas comme aujourd’hui avec Schengen qui les a toutes effacées, ce qui est bien pratique aussi, il faut le dire. Mais parfois une votation – ou une pandémie – suffit à les rétablir. C’est ce qui s’est passé dimanche avec la «burqa», l’initiative interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public, acceptée à 51,2% par le peuple. Un score relativement modeste qui cache de fortes disparités. Sans le vote des métropoles, favorables au non, le texte aurait été approuvé bien plus largement. En Suisse romande, les communes frontalières de la France ont plébiscité le oui. Qu’est-ce que cela révèle de ce vote, à cet endroit bien précis, celui des limites géographiques et politiques d’un pays, en sa partie francophone?</p> <p>A Courgenay, dans cette Ajoie s’enfonçant tel un saillant dans les départements français du Doubs et du Territoire de Belfort, 65,4% des habitants ont voté en faveur de l’initiative soutenue par l’UDC et une partie de la gauche (<a href="https://www.admin.ch/gov/fr/accueil/documentation/votations/20210307/initiative-populaire-oui-a-l-interdiction-de-se-dissimuler-le-visage.html" target="_blank" rel="noopener">cliquez ici</a> pour avoir accès à la carte interactive). Un score de cinq points supérieur à la moyenne cantonale jurassienne, 60,7% de oui, la plus élevée des dix-neuf cantons qui ont approuvé le texte.</p> <p>Des trois districts du canton du Jura, celui de Porrentruy, qui épouse la carte de l’Ajoie, dont la particularité est d’avoir avec la France le double de frontière qu’il n’en a avec la Suisse, affiche le plus haut taux d’acceptation, 64,7%. A la pointe du saillant, Bure, la commune qui héberge la place d’armes du même nom, se hisse à la première place du district avec 76% de oui. 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Bardonnex, localité munie d’un important poste-frontière, détient semble-t-il le record cantonal avec 57% de oui. A part la commune de Genève proprement dite (44,8% de oui) et de certaines localités en direction du canton de Vaud, peut-être un peu plus bourgeoises que le reste du canton de Genève, toutes les autres ou presque acceptent l’initiative.</p> <p>Le Valais, en partie frontalier avec la France, a voté oui à 58,3%, deuxième taux le plus élevé en Suisse romande derrière le Jura. La commune limitrophe de Saint-Gingolph, à la pointe sud-est du lac Léman, détient avec 70,5% des voix l’un des plus hauts scores du canton.</p> <p>Alors, pourquoi ce oui franc et souvent massif des communes frontalières à l’initiative dite anti-«burqa»? Notons au passage que de nombreuses localités de l’«intérieur» de la Suisse romande, spécialement dans la Broye, l’ont également fortement approuvée.</p> <p>Alors, est-ce par «islamophobie»? 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Un <i>mansplaining</i> en mode solidaire, bien sûr. Je serais même tenté d’y voir un peu plus que cela: un <i>manembracing</i> virant au <i>manembarrassing</i>. Autrement dit: une défense à ce point appuyée qu’elle en devient gênante.</p> <p>Gabriel Bender a le zèle du converti. Du converti au féminisme. C’est l’impression qu’il donne. Comme s’il devait montrer, à lui-même et au monde, qu’il est du bon côté. Celui des dominés, en l’occurrence des dominées. Militantisme et sociologie – sa discipline – ne font plus qu’un dans un certain nombre de domaines de recherche. En première année de «socio», on apprenait pourtant à distinguer le discours de l’acteur de celui de l’observateur.</p> <p>Ce précieux conseil, qui permet d’entretenir la veille démocratique, ne semble plus partagé par tous les observateurs des phénomènes de société. La prose «féministe» de Gabriel Bender rend compte d’une confusion des statuts certainement volontaire. Chez lui, les termes du combat paraissent ne pas devoir être discutés, celui de patriarcat, par exemple. Or ce n’est pas parce que le patriarcat existe en tant que phénomène historique que le mot n’est pas utilisé dans la période actuelle comme une ressource discursive mise au service d’un intérêt.</p> <p>Contrairement à quelques-uns éprouvant le besoin d’exposer leur vertu, je n’ai pas pour habitude de dire dans un texte ce que je pense profondément. Parce que je me dis qu’un individu, au hasard, un lecteur, une lectrice, peut parfaitement faire crédit à un autre individu de son appartenance à la bonne part de l’humanité même si ce dernier dévie, autrement dit s’accorde le droit de questionner des tendances. Le fait de dévier, de pouvoir le faire, est gage de bonne santé démocratique. Cela ne veut pas dire qu’on est en droit d’imposer son point de vue aux autres. 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Voilà pour ce que je pense.</p> <p>Maintenant, ce que je comprends. C’est plus pudique et de mon point de vue, plus intéressant, même si je peux parfaitement concevoir la nécessité et l’intérêt de récits à la première personne. Mon article sur le site de <i>Marianne</i> ne porte pas sur les faits présumés de harcèlement révélés par <i>Le Temps</i>. Je renvoie d’ailleurs dès le premier paragraphe à l’enquête du quotidien romand datée du 29 octobre. Il me semble que beaucoup, en France aussi, savent de quoi il retourne avec cette «Tour».</p> <p>Non, l’angle de mon article porte sur une action politique, menée essentiellement par des femmes, lesquelles exercent une pression dans un rapport de force en vue de l’obtention d’un résultat. On dirait que cette approche universelle a rendu Gabriel Bender tout drôle. Que comprendre en creux de ses arguments à lui? 1) Qu’un combat mené par des femmes se doit d’être protégé, parce que tout combat féminin serait empreint de fragilité. 2) Que des femmes sont au fond incapables de tactique, qu’elles sont toujours «entières», comme si parler de manœuvre à leur sujet, c’était implicitement en référer aux vieux schémas de ruse, de rouerie, voire de sorcellerie associés aux femmes durant des siècles.</p> <p>Mais on est de son temps ou on ne l’est pas. Il s’agit bien pour des femmes de la RTS, et pour des hommes avec elles, de tirer parti, c’est-à-dire avantage d’une situation à l’origine défavorable. C’est ce qui s’appelle faire de la politique. Mais encore une fois, tout combat politique conduit par des femmes devrait-il être assimilé seulement à du «militantisme», notion contenant en elle un statut de dominé, et par-là échapper à la critique ordinaire? 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Du 11 au 19 mars 2012, à Toulouse et Montauban, dans le Sud-Ouest de la France, celui que les médias vont d’abord appeler le «tueur au scooter», sans connaître encore son identité, tue froidement, par balles, trois militaires et quatre juifs – un adulte et trois enfants. Le 22, après plus de trente heures de siège, les policiers du Raid l’abattent lors de l’assaut donné à son appartement toulousain où il s’est retranché. Le procès qui s’ouvre pour un mois ce lundi à Paris devant la cour d’assises spéciale pour les crimes de terrorisme (lire encadré) juge Abdelkader Merah, 35 ans, l’un de ses frères. Il est accusé de complicité d’assassinats et de tentative d’assassinat sur un quatrième soldat blessé par son cadet et depuis tétraplégique. Il encourt la perpétuité. Me Eric Dupond-Moretti, la star des avocats pénalistes, le défend. Comparaît un deuxième homme, Fettah M., 34 ans, notamment pour fourniture d’armes. Il risque 20 ans de prison.
Jusqu’à l’identification du meurtrier, tardive, après ses derniers forfaits – il porte un casque lorsqu’il tue –, trois pistes sont envisagées: celle du règlement de compte, celle de l’extrême droite, celle de l’islamisme armé. C’est la dernière qui s’impose, comme on s’en doute après l’ultime attaque, perpétrée le 19 mars 2012 aux abords et à l’intérieur d’une école juive.
Abdelkader Merah cherchera certainement à minimiser autant que possible ses liens avec son frère. Des faits établis sont toutefois de nature à l’accabler. Durant les jours de tuerie, et alors qu’une chasse à l’homme est déclenchée, Mohamed et Abdelkader Merah se voient à au moins trois reprises, indique Le Monde dans son édition de dimanche-lundi. Autre chose: Abdelkader, lors de sa première comparution devant un juge, semble approuver les assassinats de son cadet: «Je suis fier de la façon dont il est mort, il est mort en combattant, c’est ce que nous dit le Coran.»
L'énorme malaise
Le procès qui commence et durera cinq semaines est bien sûr celui de deux hommes, surtout l’un, Abdelkader Merah, qui représente en quelque sorte son frère. Mais il est aussi celui d’un certain déni. Longtemps, on n’a pas vu ou pas voulu voir qu’une rancœur fortement teintée d’antisémitisme et de rejet de la France couvait chez une partie des musulmans, principalement chez des jeunes. Sur les réseaux sociaux, le tueur qui a grandi aux Izards, une cité de Toulouse, devenu un ghetto comme beaucoup d’autres endroits en France, reçoit des acclamations. Inquiétant, et révélateur d’un énorme malaise. Inquiétante, aussi, et révélatrice d’un malaise également, la réaction de médias communautaires.
«L’avocate de Merah aurait des preuves de son innocence», «Le mystérieux déplacement de Mohamed Merah en Israël», «L’affaire Merah ouvre les vannes de la stigmatisation», «Mohamed Merah n’était pas du tout religieux selon son avocat». Ce sont là quelques-uns des titres d’articles parus sur des sites musulmans français dans les jours qui ont suivi la mort de Mohamed Merah.
Incrédulité, soupçon de manipulation sioniste, crainte du discrédit, déploiement d’un cordon sanitaire pour protéger l’islam: les assassinats perpétrés par Mohamed Merah touchent à ce point à des tabous et dénis chez une partie des musulmans que la diversion médiatique, alors, s’organise. Le procès devrait permettre de les lever un peu plus. En effet, entre-temps, une prise de conscience a eu lieu, certes pas partout, sur les causes idéologiques de ces forfaits.
«Les Gaulois, les fromages, sont devenus aujourd'hui des mécréants»
«Des salafistes diffusaient ouvertement leur message de haine, j’en ai été témoin, la France selon eux deviendrait musulmane. Mes frères Mohamed et Kader (Abdelkader) ont baigné là-dedans, ils y croyaient. Mohamed n’en avait rien à faire de la politique, de la loi française, seule la loi de Dieu lui importait. Les salafistes qui retournaient la tête des jeunes avaient la partie relativement facile. Ils leur disaient: en Algérie, on vous considère comme des Français, en France comme des Arabes, venez chez nous! A l’époque, on appelait les Français les Gaulois ou les fromages, rapport au fait qu’ils nous appelaient les beurs. Aujourd’hui, ce n’est plus ni Gaulois, ni fromages, mais mécréants. Il était clair que les mécréants n’iraient pas au paradis, mais moi je pensais que les non-musulmans aussi pourraient aller au paradis.»
Ces mots sont ceux d’Abdelghani Merah, l’aîné des frères, 40 ans, l’un des rares membres de la fratrie à avoir rompu avec ce milieu familial délétère, dès avant mars 2012. Nous l’avions rencontré à Nice. C’était à l’occasion d’un reportage pour «L’Hebdo», quelques jours après l’attentat djihadiste qui avait tué 86 personnes sur la promenade des Anglais. Il sera appelé à témoigner au procès.
Un ressentiment anti-français, une hostilité aux «mécréants», une haine des juifs: Abdelghani Merah affirme avoir baigné dans ce liquide idéologique. Plus jeune, il avait épousé une femme ayant des origines juives. Un sacrilège aux yeux des siens, explique-t-il. «J’espère qu’Abdelkader Merah reconnaîtra la description que je vous fais là», dit-il à propos de ce frère qui le maltraitait et dont le procès établira peut-être s’il a fait plus que contribuer aux attentats du cadet Mohamed, s’il les a pensés ou poussé son auteur à les commettre. Il était semble-t-il l’idéologue de la famille. L’une des sœurs, Souad, serait partie rejoindre l’Etat islamique avant d’en revenir, non pas pour la France, mais, selon Abdelghani, pour l’Algérie, où vit désormais le père.
Abdelkader l’accusé et Mohamed auraient appartenu à la «communauté d’Artigat», dans l’Ariège, dirigée par l’«émir blanc» Olivier Corel, de son vrai nom Abdel Ilat al-Dandachi, né en 1946 à Homs, en Syrie, qu’il fuira pour échapper aux persécutions d’Assad frappant les Frères musulmans. Cet islamiste d’obédience salafiste est soupçonné d’avoir radicalisé de futurs djihadistes, mais il n’a jamais été condamné pour avoir participé à l’envoi de jeunes en Syrie, indiquait en décembre 2015 le site de la radio France Inter. Rappelons qu’on distingue deux formes de salafisme: l’un dit quiétiste, non violent, l’autre, djihadiste, appelant au combat.
Pas un «loup solitaire»
Si Mohamed Merah est à l’évidence un cas particulier parmi d’autres cas particuliers, il n’est pas le «loup solitaire» qu’une France inquiète s’est d’abord figuré. Les musulmans – si l’on peut parler en termes de catégorie – sont comme rentrés dans leur coquille à la suite de ces assassinats. Bien peu se sont interrogés publiquement – il était risqué de le faire – sur ce que cela disait d’un certain état de l’islam entre des mains malintentionnées et d’un antisémitisme parfois virulent au sein de la jeunesse propalestinienne. Il a fallu attendre les attentats anti-«Charlie» et anti-juifs de janvier 2015 à Paris pour que ces sujets soient évoqués à plus large échelle et fassent l’objet d’un travail d’information et de prévention, notamment dans les écoles. Auparavant, c’est une musulmane, Latifa Ibn Ziaten, mère du premier soldat tué par Mohamed Merah, qui avait pris son bâton de pèlerin pour prôner la paix et le dialogue interreligieux. Toute la difficulté de l’entreprise – et le procès d’Abdelkader Merah n’y échappera sûrement pas – consiste à identifier les causes sans que cela culpabilise les musulmans.
Qu'est-ce qu'une cour d'assises «spéciale»?
Exception du droit français, la cour d’assises spéciale (parce que spécialement composée) est compétente pour statuer sur les crimes commis en matière de terrorisme et de trafic de stupéfiants en bande organisée. Explications d'Ulrika Weiss, substitut général auprès de la cour d’appel de Paris.
La cour d'assise de Paris. © DR
Crée en 1982, en remplacement de la Cour de sûreté de l’Etat, pourquoi et comment cette juridiction s’est imposée au système judiciaire?
La compétence de la cour d’assises spécialement composée a été étendue par une loi du 9 septembre 1986, au jugement des crimes et délits connexes commis en matière de terrorisme. Avant cette loi du 9 septembre 1986, les crimes de terrorisme étaient jugés par une cour d’assises « normale » composée de magistrats professionnels et d’un jury, tiré au sort.
Au cours de l’année 1986, la cour d’assises de Paris siégeait pour juger des faits de terrorisme et au cours de cette audience, des jurés ont été menacés par les accusés. Le lendemain de ces menaces, certains jurés ont refusé de siéger et le procès a du être renvoyé. C’est la raison qui a conduit le législateur à faire juger les crimes de terrorisme par des magistrats professionnels.
Quelles sont les principaux éléments qui la singularisent d’une cour d’assises de droit commun?
Cette cour d’assises spécialement composée, ne réunit que des magistrats professionnels: 7 en première instance, et 9 en appel.
C’est une cour d’assises spécialement composée, qui siège à Paris, qui juge l’ensemble des crimes terroristes commis sur le territoire national.
Combien de jugements a-t-elle prononcés?
La cour d’assises spéciale juge un peu moins d’une dizaine d’affaires par an. Chaque audience dure au moins 5 jours et peut se prolonger jusqu’à six semaines en fonction de la complexité de l’affaire et du nombre d’accusés jugés.
Peut-on faire appel de ses jugements et auquel cas quelle juridiction est compétente?
L’appel existe également contre un arrêt rendu en première instance par une cour d’appel spécialement composée. C’est une cour d’assises composée de neuf magistrats, différents de ceux qui ont siégé en première instance, qui jugera cette affaire en appel. Le ministère public, c'est-à-dire l’Avocat Général qui requiert, peut être le même qu’en première instance: c’est le principe de l’unité et de l’indivisibilité du ministère public.
Source: Ministère de la Justice
Précédemment dans Bon pour la tête
Avignon fait ressurgir deux Merah: Abdelghani le bon et Mohamed le méchant, par Antoine Menusier
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Le lendemain de ces menaces, certains jurés ont refusé de siéger et le procès a du être renvoyé. C’est la raison qui a conduit le législateur à faire juger les crimes de terrorisme par des magistrats professionnels. <strong><br></strong></p><p><strong>Quelles sont les principaux éléments qui la singularisent d’une cour d’assises de droit commun?</strong><br>Cette cour d’assises spécialement composée, ne réunit que des magistrats professionnels: 7 en première instance, et 9 en appel.<br>C’est une cour d’assises spécialement composée, qui siège à Paris, qui juge l’ensemble des crimes terroristes commis sur le territoire national.<br><strong>Combien de jugements a-t-elle prononcés?</strong><br>La cour d’assises spéciale juge un peu moins d’une dizaine d’affaires par an. 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Ce sont là quelques-uns des titres d’articles parus sur des sites musulmans français dans les jours qui ont suivi la mort de Mohamed Merah.</p><p>Incrédulité, soupçon de manipulation sioniste, crainte du discrédit, déploiement d’un cordon sanitaire pour protéger l’islam: les assassinats perpétrés par Mohamed Merah touchent à ce point à des tabous et dénis chez une partie des musulmans que la diversion médiatique, alors, s’organise. Le procès devrait permettre de les lever un peu plus. En effet, entre-temps, une prise de conscience a eu lieu, certes pas partout, sur les causes idéologiques de ces forfaits.</p><h3>«Les Gaulois, les fromages, sont devenus aujourd'hui des mécréants»</h3><p>«Des salafistes diffusaient ouvertement leur message de haine, j’en ai été témoin, la France selon eux deviendrait musulmane. Mes frères Mohamed et Kader (Abdelkader) ont baigné là-dedans, ils y croyaient. 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Il sera appelé à témoigner au procès.</p><p>Un ressentiment anti-français, une hostilité aux «mécréants», une haine des juifs: Abdelghani Merah affirme avoir baigné dans ce liquide idéologique. Plus jeune, il avait épousé une femme ayant des origines juives. Un sacrilège aux yeux des siens, explique-t-il. «J’espère qu’Abdelkader Merah reconnaîtra la description que je vous fais là», dit-il à propos de ce frère qui le maltraitait et dont le procès établira peut-être s’il a fait plus que contribuer aux attentats du cadet Mohamed, s’il les a pensés ou poussé son auteur à les commettre. Il était semble-t-il l’idéologue de la famille. L’une des sœurs, Souad, serait partie rejoindre l’Etat islamique avant d’en revenir, non pas pour la France, mais, selon Abdelghani, pour l’Algérie, où vit désormais le père.</p><p>Abdelkader l’accusé et Mohamed auraient appartenu à la «communauté d’Artigat», dans l’Ariège, dirigée par l’«émir blanc» Olivier Corel, de son vrai nom Abdel Ilat al-Dandachi, né en 1946 à Homs, en Syrie, qu’il fuira pour échapper aux persécutions d’Assad frappant les Frères musulmans. Cet islamiste d’obédience salafiste est soupçonné d’avoir radicalisé de futurs djihadistes, mais il n’a jamais été condamné pour avoir participé à l’envoi de jeunes en Syrie, indiquait en décembre 2015 le site de la radio <em>France Inter</em>. Rappelons qu’on distingue deux formes de salafisme: l’un dit quiétiste, non violent, l’autre, djihadiste, appelant au combat.</p><h3>Pas un «loup solitaire»<br></h3><p>Si Mohamed Merah est à l’évidence un cas particulier parmi d’autres cas particuliers, il n’est pas le «loup solitaire» qu’une France inquiète s’est d’abord figuré. Les musulmans – si l’on peut parler en termes de catégorie – sont comme rentrés dans leur coquille à la suite de ces assassinats. Bien peu se sont interrogés publiquement – il était risqué de le faire – sur ce que cela disait d’un certain état de l’islam entre des mains malintentionnées et d’un antisémitisme parfois virulent au sein de la jeunesse propalestinienne. Il a fallu attendre les attentats anti-«Charlie» et anti-juifs de janvier 2015 à Paris pour que ces sujets soient évoqués à plus large échelle et fassent l’objet d’un travail d’information et de prévention, notamment dans les écoles. Auparavant, c’est une musulmane, Latifa Ibn Ziaten, mère du premier soldat tué par Mohamed Merah, qui avait pris son bâton de pèlerin pour prôner la paix et le dialogue interreligieux. Toute la difficulté de l’entreprise – et le procès d’Abdelkader Merah n’y échappera sûrement pas – consiste à identifier les causes sans que cela culpabilise les musulmans. <br></p><p></p><hr><p></p><h2>Qu'est-ce qu'une cour d'assises «spéciale»?</h2><p>Exception du droit français, la cour d’assises spéciale (parce que spécialement composée) est compétente pour statuer sur les crimes commis en matière de terrorisme et de trafic de stupéfiants en bande organisée. 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Jeudi, comme souvent dans ce rendez-vous formaté pour le buzz, il s’est passé <a href="https://twitter.com/LeDevBreton/status/1590817814059044864?s=20&t=4TWr6vsi3CFKbFwoMHZdVw" target="_blank" rel="noopener">quelque chose de fort</a> sur le plateau de «Touche pas à mon poste!», l’émission animée par Cyril Hanouna sur la chaîne C8 du groupe Bolloré – le nom à l’origine du clash de jeudi soir. Pour La France insoumise (LFI), ce parti de la gauche radicale siégeant à l’Assemblée nationale, un dilemme à présent se pose: faut-il encore aller à TPMP, là où bat le cœur de la France antisystème, où les électorats lepénistes et mélenchonistes s’invectivent, mais surtout, se parlent comme nulle part ailleurs?</p> <p>Que s’est-il passé de si grave ou plutôt de si révélateur? Alors que le débat portait sur l’accueil par la France de 234 migrants se trouvant à bord du bateau Ocean Viking, le jeune député LFI Louis Boyard, qui fut autrefois chroniqueur rétribué à TPMP, a mis les pieds dans son ancienne gamelle en parlant d’un procès menaçant «Bolloré» pour déforestation au Cameroun. 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Né en 1950 à Constantine, issu de la communauté juive algérienne, partie avec les pieds-noirs à l’indépendance en 1962, Stora était investi d’une mission réconciliatrice par le président de la République. A la fin de son travail, l’historien émet une série de préconisations. Et l’on entre alors dans le vif du sujet: l’action.</p> <p>La première de ces préconisations, qui rappelle la Commission Vérité et Réconciliation en Afrique du Sud, l’Instance Vérité et Dignité en Tunisie, est la constitution d’une «Commission "Mémoires et vérité" chargée d’impulser des initiatives communes entre la France et l’Algérie sur les questions de mémoires». La <em>vérité</em>. Pas de réconciliation sans vérité sur les exactions passées, croit-on.</p> <p>Mais la vérité n’est pas seulement question de faits, elle intéresse aussi le sens. Or deux sens ne peuvent cohabiter. Pas d’en-même-temps possible: la douleur d’un camp ne peut valoir celle de l’autre. Celle de l’Allemand de la Seconde Guerre mondiale ne vaut pas celle de l’Allié. On touche probablement ici à la limite du rapport Stora: le colon ne peut pas faire valoir sa douleur au même titre que le colonisé. Sinon, toute la hiérarchie, établie selon une échelle de valeurs qui accorde au colonisé la légitimité de sa révolte, est rebattue. Et pourtant, se dit-on, il faut tendre vers la reconnaissance des souffrances de part et d’autre, pour pouvoir la faire, cette réconciliation. Comme c’est compliqué…</p> <h3>Les choses ont un sens que la paix peut ignorer</h3> <p>Seul le sens permet d’y voir clair. Mais le problème du sens, qui dit qui avait raison, qui avait tort, c’est qu’il ne permet pas toujours de refermer les plaies, puisque personne ne veut être en tort, ou avoir tous les torts. Le cas franco-algérien renvoie à la spécificité de la guerre d’Algérie, plus sensible sur un plan mémoriel que les guerres franco-allemandes.</p> <p>La guerre d’Algérie, combat décolonial, lutte pour la libération, fut probablement moins une guerre classique entre deux nations qu’une guerre civile à l’intérieur d’un même territoire. Opposant deux populations d’inégal statut, certes, et ce n’est pas rien, mais ayant toute deux un caractère civil. De là, sans doute, le refus, longtemps, de nommer par le terme de guerre ce qui était appelé sous le nom d’événements.</p> <p>C’est pourquoi la vérité (qui la dit? selon quels critères?) peut être, aussi, parfois, l’ennemi de la réconciliation, celle-ci étant par nature toujours un peu artificielle. Disons que l’intérêt de la paix l’emporte à un moment donné sur l’intérêt de la guerre, surtout dans une configuration de conflit civil.</p> <h3>Les pieds dans le plat</h3> <p>Très vite apparaît la nécessité de l’amnistie, pour étouffer des braises dont chacun a cependant conscience qu’elle ne seront jamais tout à fait éteintes. Ce fut vrai après une relative brève période d’épuration en France en 1944-45. Vrai entre la France et l’Algérie à l’indépendance en 1962. Vrai encore en 1999, lorsque le président algérien Abdelaziz Bouteflika fit voter la loi dite de concorde civile, qui mit fin par un plébiscite à la guerre civile.</p> <p>Cela nous amène à la France d’aujourd’hui, celle, d’après, espérons-le, les attentats islamistes. Attentats? Islamistes? D’emblée, les pieds dans le plat. La somme de «ce qui est arrivé en France ces dernières années» pèse son poids de non-dits. Cette situation présente des similitudes avec les conflits évoqués plus haut. Mais elle a comme quelque chose d’inextricable. Ce n’est pas encourageant.</p> <h3>Quand le bourreau redevient l'égal de la victime</h3> <p>Alors, quelles similitudes entre l’après-attentats et ces précédents après-guerres? La première de toutes, la plus importante: la nécessité de l’amnistie, avons-nous vu, par quoi on cesse de juger ceux qu’on sait coupables, par quoi on passe à autre chose. Comme la victime, le bourreau doit pouvoir reprendre une vie normale. Sauf que toute amnistie suppose un vainqueur reconnu comme tel, autrement dit un juste faisant offrande de son pardon au vaincu. 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Qu’est-ce que cela révèle de ce vote, à cet endroit bien précis, celui des limites géographiques et politiques d’un pays, en sa partie francophone?</p> <p>A Courgenay, dans cette Ajoie s’enfonçant tel un saillant dans les départements français du Doubs et du Territoire de Belfort, 65,4% des habitants ont voté en faveur de l’initiative soutenue par l’UDC et une partie de la gauche (<a href="https://www.admin.ch/gov/fr/accueil/documentation/votations/20210307/initiative-populaire-oui-a-l-interdiction-de-se-dissimuler-le-visage.html" target="_blank" rel="noopener">cliquez ici</a> pour avoir accès à la carte interactive). 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Bardonnex, localité munie d’un important poste-frontière, détient semble-t-il le record cantonal avec 57% de oui. A part la commune de Genève proprement dite (44,8% de oui) et de certaines localités en direction du canton de Vaud, peut-être un peu plus bourgeoises que le reste du canton de Genève, toutes les autres ou presque acceptent l’initiative.</p> <p>Le Valais, en partie frontalier avec la France, a voté oui à 58,3%, deuxième taux le plus élevé en Suisse romande derrière le Jura. La commune limitrophe de Saint-Gingolph, à la pointe sud-est du lac Léman, détient avec 70,5% des voix l’un des plus hauts scores du canton.</p> <p>Alors, pourquoi ce oui franc et souvent massif des communes frontalières à l’initiative dite anti-«burqa»? Notons au passage que de nombreuses localités de l’«intérieur» de la Suisse romande, spécialement dans la Broye, l’ont également fortement approuvée.</p> <p>Alors, est-ce par «islamophobie»? Ce terme, dont l’islam politique est féru, a plusieurs acceptions. C’est son problème comme sa force. Il englobe et confond la critique, la crainte et le rejet de l’islam. Mais on peut penser que le «vote des frontières» à l’initiative qui nous occupe renferme une part de crainte, voire de rejet de la religion musulmane, en tous les cas de ses formes apparaissant comme radicales ou intolérantes.</p> <p>Notre hypothèse, elle, est qu’il faut envisager ce vote frontalier romand comme le résultat d’une association d’idées: niqab=islam, islam=danger, danger=France. Cet enchaînement peut certainement valoir aussi, selon des modalités propres, avec d’autres pays limitrophes de la Suisse – la chose est frappante dans le canton de Saint-Gall, qui fait face à l’Autriche, visée le 12 novembre par un attentat djihadiste à Vienne.</p> <p>Ne nous cachons pas la réalité: nombreux sont les Suisses à avoir de la France une image cauchemardesque, ou du moins dégradée. Pour rien au monde, ils ne voudraient être français, ni connaître ce que la France, singulièrement cette «France voisine» – proche mais tenue à distance comme tout voisin – connaît: le chômage, la délinquance, un rapport exacerbé à l’islam, globalement, des problèmes paraissant insolubles.</p> <hr /> <p style="text-align: center;"><strong>Lire aussi</strong>: <em><a href="https://bonpourlatete.com/analyses/islamisme-france-suisse-le-vrai-sujet-qui-fache" target="_blank" rel="noopener">Islamisme France-Suisse: le vrai sujet qui fâche</a></em></p> <hr /> <p>Les communes romandes frontalières, spécialement celles de fort passage, spécialement celles situées en zones rurales, spécialement enfin celles qui n’ont pas avec la France de «barrière naturelle» – une rivière, un fort dénivelé forestier ou montagneux –, s’estiment aux premières loges d’un danger réel, exagéré ou fantasmé dont elles entendent se prémunir. Les habitants de ces localités se considèrent vulnérables, ils voient dans la frontière une protection contre des périls, le rôle même d’une frontière.</p> <p>Deux épisodes de délinquance remontant à l’été dernier renforcent cette hypothèse: l’un a touché la «<a href="https://bonpourlatete.com/actuel/la-suisse-c-est-un-autre-monde-faut-dire-la-verite" target="_blank" rel="noopener">piscine de Porrentruy</a>», en Ajoie, lorsque des «racailles» (terme chargé de sous-entendus) venues de quartiers sensibles de France voisine ont commis des incivilités dans l’enceinte du bassin bruntrutain; <a href="https://bonpourlatete.com/actuel/neuchatel-veut-que-l-algerie-reprenne-ses-delinquants-sans-papiers" target="_blank" rel="noopener">un autre</a> a fait grimper les chiffres de la délinquance semble-t-il comme rarement sur le littoral neuchâtelois, lorsque des mineurs ou jeunes majeurs isolés essentiellement originaires du Maghreb, certains d’entre eux étant en réalité originaires de France, ont commis des rapines.</p> <p>Les urnes électorales sont en quelque sorte nos lieux d’aisance démocratiques. S’y déversent nos peurs, nos inquiétudes, qui peuvent être fondées, tout ce «ça» refoulé en temps normal et qui trouve là, dans l’intimité de l’isoloir, une occasion de s’exprimer. 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Un <i>mansplaining</i> en mode solidaire, bien sûr. Je serais même tenté d’y voir un peu plus que cela: un <i>manembracing</i> virant au <i>manembarrassing</i>. Autrement dit: une défense à ce point appuyée qu’elle en devient gênante.</p> <p>Gabriel Bender a le zèle du converti. Du converti au féminisme. C’est l’impression qu’il donne. Comme s’il devait montrer, à lui-même et au monde, qu’il est du bon côté. Celui des dominés, en l’occurrence des dominées. Militantisme et sociologie – sa discipline – ne font plus qu’un dans un certain nombre de domaines de recherche. En première année de «socio», on apprenait pourtant à distinguer le discours de l’acteur de celui de l’observateur.</p> <p>Ce précieux conseil, qui permet d’entretenir la veille démocratique, ne semble plus partagé par tous les observateurs des phénomènes de société. La prose «féministe» de Gabriel Bender rend compte d’une confusion des statuts certainement volontaire. Chez lui, les termes du combat paraissent ne pas devoir être discutés, celui de patriarcat, par exemple. Or ce n’est pas parce que le patriarcat existe en tant que phénomène historique que le mot n’est pas utilisé dans la période actuelle comme une ressource discursive mise au service d’un intérêt.</p> <p>Contrairement à quelques-uns éprouvant le besoin d’exposer leur vertu, je n’ai pas pour habitude de dire dans un texte ce que je pense profondément. Parce que je me dis qu’un individu, au hasard, un lecteur, une lectrice, peut parfaitement faire crédit à un autre individu de son appartenance à la bonne part de l’humanité même si ce dernier dévie, autrement dit s’accorde le droit de questionner des tendances. Le fait de dévier, de pouvoir le faire, est gage de bonne santé démocratique. Cela ne veut pas dire qu’on est en droit d’imposer son point de vue aux autres. 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Que comprendre en creux de ses arguments à lui? 1) Qu’un combat mené par des femmes se doit d’être protégé, parce que tout combat féminin serait empreint de fragilité. 2) Que des femmes sont au fond incapables de tactique, qu’elles sont toujours «entières», comme si parler de manœuvre à leur sujet, c’était implicitement en référer aux vieux schémas de ruse, de rouerie, voire de sorcellerie associés aux femmes durant des siècles.</p> <p>Mais on est de son temps ou on ne l’est pas. Il s’agit bien pour des femmes de la RTS, et pour des hommes avec elles, de tirer parti, c’est-à-dire avantage d’une situation à l’origine défavorable. C’est ce qui s’appelle faire de la politique. Mais encore une fois, tout combat politique conduit par des femmes devrait-il être assimilé seulement à du «militantisme», notion contenant en elle un statut de dominé, et par-là échapper à la critique ordinaire? Ne serait-ce pas là jouer sur les «deux tableaux», celui de la victime à qui réparation est due et celui du citoyen à qui tout revient une fois la victoire acquise? Aussi je propose qu’on laisse la démocratie trancher sur les reformes sociétales voulues par le «collectif du 14 juin». Et que le droit remplisse son office pour les cas de harcèlement et mobbing présumés.</p> <p>Il y a de la mauvaise foi dans le texte de Gabriel Bender. A tout le moins des imprécisions. J’en veux pour preuve ce passage où il comprend de travers ce qui est pourtant clair: personne, parmi les salariés de la RTS, ne pousse, contrairement à ce qu’il affirme, la femme que je cite anonymement à produire un «faux témoignage», soit des accusations de harcèlement qu’elle n’aurait pas subi. 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