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Culture

Culture / Marisa Cornejo, un art inclusif en faveur de la mémoire chilienne


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Elle est une figure de la vie artistique romande. Exposée à New York en ce mois de septembre, elle vient de recevoir une invitation du ministère de la Culture de son pays natal, lequel veut faire entrer une de ses œuvres dans sa collection nationale. Son travail est visible jusqu’à aujourd’hui au Commun, espace culturel de la Ville de Genève. Il symbolise aussi celui de toute une communauté à laquelle la ville de Genève a rendu hommage au plus haut niveau. Portrait.



Un moment de grande émotion. L’inauguration de l’exposition «No Memorials: histoires matérielles de l’exil chilien à Genève» du curateur Cristóbal F. Barria Bignotti au Commun, espace culturel de la Ville de Genève, le 23 août dernier, fera date. Pour tous les membres de la communauté chilienne qui résident à Genève et leur.e.s ami.e.s. Et pour Marisa Cornejo en particulier.

Elle est née en 1971, à Santiago du Chili. Artiste plasticienne dotée d’un grand talent d’écriture, son travail s’articule depuis plus de vingt ans autour des thèmes de la mémoire et de la réparation de l'identité déterritorialisée.

Marisa Cornejo Studio, l’association au travers de laquelle son travail d’artiste se déploie, a reçu récemment le soutien de Pro Helvetia. Plusieurs de ses œuvres sont exposées à la Galerie Gallatin de New York en ce moment et jusqu’à la fin du mois.

Les traumatismes nécessitent de faire le bilan du passé. Cependant, ils exigent également de trouver un chemin vers l'avenir, une voie transformatrice, constructive et, idéalement, porteuse d’espoir. Dans Chili: Memory and The Future, Marisa Cornejo et d'autres artistes chiliens contemporains reconnus et qui résident pour la plupart hors du Chili proposent leurs visions du monde d'aujourd'hui et de ce qu'il pourrait être à l'avenir.

Artiste-autrice, Marisa Cornejo propose depuis longtemps déjà des performances filmées, mais aussi des œuvres tridimensionnelles et des livres illustrés où textes et images se répondent.

En 2008, on pouvait découvrir ainsi Personal, un livre d'artiste sous la forme d'un dossier administratif, celui avec lequel son père Eugenio faisait des démarches pour obtenir – sans succès – le statut de réfugié. Dans ce très beau livre, on trouvait des lettres authentiques, copiées, que l'artiste avait dactylographiées, mais aussi des dessins, hommage à la mémoire de son père, décédé en 2002.

En 2013, dans «I am, inventaire de rêves» elle offrait au lecteur une plongée dans ses rêves par le biais de dessins le plus souvent très colorés, mêlant destin personnel et grande Histoire.

L’empreinte de l’exil, l’empreinte d’Eugenio

Marisa Cornejo et sa famille ont vécu un très long exil, sur les routes d’Argentine, de Bulgarie, du Mexique, de Belgique, de France et de Suisse.

L’exil a laissé des traces profondes que l’artiste évoque encore dans un magnifique ouvrage paru cette année L’empreinte: une archive d’artiste soustraite au terrorisme d’Etat (Collectif Pacific/Terrain, Edition Art & Fiction). L’empreinte dans son œuvre est une notion polysémique. C’est d’abord l’irruption dans l’appartement familial à Santiago de paramilitaires, à laquelle elle a assisté impuissante en tant qu’enfant. Ainsi, il s’agit du souvenir traumatique lié à cette image. L’empreinte, c’est aussi la torture et la violence d’Etat que son père a subie à l’instar de nombreux prisonniers politiques chiliens disparus sans laissé aucune trace; cependant, enfin, dans une perspective de transmission et de vocation filiale, l’empreinte évoque les archives de son père. Lui-même artiste, son travail plastique a malheureusement été privé de reconnaissance de son vivant à cause de son statut d’apatride. Le livre paru aux éditions Art & Fiction en 2023 permet d’évoquer mais aussi d’apprécier visuellement les gravures, dessins, affiches, meubles, objets d’art et très nombreuses photographies qu’Eugenio transportait au cours des déménagements familiaux successifs. Au fil des années, Marisa Cornejo a décidé de numériser le contenu de boîtes de diapositives retraçant tout l’itinéraire du tortueux exil de sa famille au beau milieu de la guerre froide. Sites archéologiques, beautés de la nature, scènes de famille, excursions, les images qu’elle a ainsi redécouvertes ont permis de remplir les vides de la mémoire de la jeune fille qu’elle était. Reconstruire un récit de vie cohérent lui a permis de surmonter un vécu traumatique indicible.

«L’Empreinte, une archive d’artiste soustraite au terrorisme d’Etat, a reçu un accueil enthousiaste dans les différents lieux où nous l’avons présenté. Le livre a suscité des discussions passionnées à Bruxelles et à Paris notamment», souligne Stéphane Fretz, directeur de la Maison d’édition Art & Fiction. 

En écho au livre, on a pu retrouver les gravures d’Eugenio Cornejo, rassemblées pour la première fois, dans l’exposition du Commun, espace culturel de la Ville de Genève.

L’exposition au Commun a résonné comme un achèvement pour Marisa Cornejo. Mais aussi pour toutes les personnes qui ont collaboré ou été inspirées par son travail: «L’installation vidéo "La Huella" qu’on a pu voir dans le Commun est la compilation d’une série de performances que j’ai réalisées et documentées pendant cinq ans dans différents territoires liés à la mémoire de mon exil. Au cours de ce long processus de détraumatisation, j’ai rencontré de nombreuses personnes qui m’ont aidée. Elles faisaient souvent partie des associations de victimes de la dictature militaire de Pinochet. Il s’agissait aussi d’amis de mon enfance en exil ou des collaborateurs solidaires qui ont vu dans mon travail une possibilité de réparer les dommages causés par la dictature».


«NO MEMORIALS. Histoires matérielles de l'exil chilien à Genève», jusqu'à ce vendredi 20h, au Commun, Genève. Au sein de l'exposition, ne pas manquer l'espace «No Podemos Dejar Nada»,  curatée par l'anthropologue et musicologue Fulvia Torricelli du Collectif Migrations Sonores.

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