Actuel / Comment l’Empire britannique a «créé» les Rohingyas
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L’exode des musulmans Rohingya, causé par les violences de la terrible Tatmadaw, nom donné à l’armée birmane, ne semble pas ralentir. Des milliers de personnes fuient actuellement le pays à majorité bouddhiste vers le Bangladesh. Un demi-million de Rohingyas a déjà passé la frontière. Les origines de la haine, décryptées par Lauriane Simony.
Pourtant, il ne s’agit pas pour le gouvernement birman d’un «nettoyage ethnique», terme employé par Zeid Ra’ad Al Hussein, le Haut-Commissaire de l’ONU aux droits de l’homme et repris depuis par le Président français Emmanuel Macron, mais d’une campagne de lutte antiterroriste qui vise à neutraliser la menace islamiste dont la Birmanie serait victime. L’attentat du 25 août, commis par l’Arakan Salvation Rohingya Army (ARSA) dans le nord du Rakhine, aurait ainsi justifié une telle campagne et, de fait, déclenché la crise actuelle.
Déni de citoyenneté
Aung San Suu Kyi, ministre des Affaires étrangères de Birmanie et leader de la démocratie sous la junte militaire, maintes fois sollicitée depuis le début de la crise, semble en minimiser l’ampleur. Dans une allocution télévisée à la nation le 19 septembre 2017, elle affirme rechercher les causes de cet exode massif. Elle appelle aussi au rapatriement des réfugiés vers la Birmanie, mais elle précise que les personnes souhaitant regagner leurs villages devront présenter des preuves de leur citoyenneté. Ce qui exclut donc les Rohingyas, apatrides, de toute possibilité de retour au pays.
L’État birman refuse en effet la citoyenneté aux Rohingyas depuis 1982 et ne reconnaît pas ce groupe comme originaire de Birmanie.
Amnesty International rappelle, dans son rapport sur la situation des Rohingyas en Birmanie, que ces derniers sont victimes depuis plusieurs décennies d’une discrimination systématique. Ainsi, ils ont toujours été considérés comme « étrangers» tant par le pouvoir central que par les autorités locales du Rakhine, et ont peu à peu été privés de tous leurs droits (accès à la propriété de la terre, à l’éducation, à la santé…).
Il faut cependant revenir à la période coloniale britannique pour comprendre les origines de cette haine.
La responsabilité de l’occupant britannique
L’arrivée des Britanniques en Birmanie au XIXe siècle, puis leur prise de contrôle de tout le territoire birman en 1886, bouleverse les relations entre les différents groupes ethniques du pays.
Afin de mieux régner, les Britanniques divisent volontairement les différentes ethnies, et privilégient certaines minorités par rapport à la majorité birmane (dite Bamar) en favorisant notamment l’accès de certaines populations chrétiennes ou provenant du reste de l’Inde britannique à l’administration coloniale. Jusqu’au début du XXe siècle par exemple, les professions d’élite telles que juriste ou médecin sont occupées quasi exclusivement par des Indiens, ce qui attise durablement la jalousie des Bamars: l’idée d’une «supériorité indienne», instaurée par les Britanniques, explique en partie la haine des Birmans envers les populations d’origine indienne telles que les habitants de l’Arakan (autre nom du Rakhine), pourtant très peu représentés dans ces postes prestigieux.
En outre, un régime spécial de gouvernance, officialisé par le Burma Act de 1935, est mis en place pour les minorités ethniques: tandis que la «Birmanie Ministérielle» (Ministerial Burma) est soumise au contrôle direct de la métropole, la «Birmanie des Frontières» (Frontier Areas), qui correspond aux zones géographiques où les minorités ethniques sont plus nombreuses que les Birmans – et dont l’Arakan fait partie – est gouvernée de manière indirecte. Les chefs des différentes ethnies jouent le rôle de relais de l’autorité coloniale sur le terrain et bénéficient donc d’un certain degré d’autonomie au niveau local.
Un officier britannique et ses aides indiens, sur la route de Meiktila, 29 mars 1945, Birmanie (Myanmar). © Imperial War Museum/Wikimedia
La Seconde Guerre mondiale et l’invasion de la Birmanie par les Japonais en 1942 confirment la donne: soucieuses de ne pas se retrouver soumises au contrôle de la majorité Bamar si le pays obtient son indépendance, plusieurs minorités ethniques restent fidèles aux Britanniques tandis que les autorités nationalistes birmanes s’allient aux Japonais pour chasser l’occupant britannique.
L’État du Rakhine illustre ces divisions au sein de la société birmane: les Rakhines bouddhistes accueillent favorablement l’arrivée des Japonais dans le pays en 1942, tandis que les populations musulmanes, parmi lesquelles les Rohingyas, préfèrent soutenir les Britanniques, qui leur promettent de mettre en place une zone autonome musulmane au lendemain de la guerre. Mais les Japonais prennent le contrôle du pays et, victimes de représailles, les Rohingyas sont contraints de fuir vers l’Inde.
Lorsqu’ils regagnent la Birmanie en 1945, les Rohingyas sont dans une situation délicate. On leur reproche leur «trahison», dans un contexte où la rhétorique nationaliste prône l’union de tous les peuples du pays pour mettre fin au régime colonial, et une indépendance au sein d’une république unique. La tragédie de la partition de l’Inde survenue en 1947 – des millions de personnes sont contraintes de choisir entre l’Inde et le Pakistan nouvellement créé – devient un modèle à éviter à tout prix.
Accédant à l’indépendance en janvier 1948, l’«Union de Birmanie», nom donné à la jeune nation, cache cependant de profondes divisions entre les différentes ethnies qui constituent le pays.
Un processus de «birmanisation» de la société
Dès le début des années 1950, plusieurs minorités entrent en guerre contre le pouvoir central. Si les Rohingyas ne sont pas officiellement exclus de la citoyenneté birmane par la Constitution de la nouvelle République indépendante, ils sont considérés comme des «Indiens» et restent donc marginalisés au sein de la société.
Le Général Ne Win, qui prend le contrôle du pays en 1962 et instaure un régime militaire, lance une campagne de «birmanisation» de la société afin d’atténuer les spécificités des différentes ethnies: c’est l’identité bamar, incarnée notamment par la langue birmane et la religion bouddhiste, qui devient de plus en plus associée à l’identité nationale.
Les minorités ethniques sont discriminées dans l’accès à la propriété par exemple, mais ce sont les populations d’origine indienne telles que les Rohingyas qui sont les plus touchées, leur origine rappelant aux Birmans les faveurs qu’elles avaient obtenues à la période coloniale.
Les années 1970 marquent l’apogée des discriminations envers les Rohingyas: le Général Ne Win intensifie sa campagne de «birmanisation» en faisant de la lutte contre les étrangers une priorité de l’État. En parallèle, l’indépendance du Bangladesh en 1971 et les violences qui l’accompagnent incitent de nombreux Bangladais à se réfugier en Arakan. Les Rohingyas sont alors plus que jamais amalgamés avec les Bangladais et, considérés comme des étrangers, ils deviennent la cible première de la campagne de Ne Win.
La loi sur la citoyenneté de 1982 confirme ainsi une situation déjà bien en place: elle fixe un chiffre officiel de minorités ethniques (135) et exclut durablement les Rohingyas du monde birman. Cette loi instaure également un certificat d’enregistrement pour les étrangers (Foreigner Registration Certificate) qui octroie une forme de statut officiel aux non-citoyens de Birmanie, tout en les excluant des affaires du pays. Les Rohingyas sont ainsi privés du droit de vote. Or, les autorités birmanes rechignent à délivrer ces certificats aux Rohingyas qui, au fil des générations, se retrouvent dépourvus de papiers prouvant leur identité et leur lieu de résidence.
Une solution qui tarde à venir
Aujourd’hui, bien que les recherches menées par l’Agence des Nations Unies pour les Réfugiés (UNHCR) aient montré qu’une grande partie des familles Rohingya sont présentes sur le sol birman depuis au moins deux générations, la minorité musulmane est plus que jamais perçue comme «étrangère» à la Birmanie.
La société birmane reste majoritairement bouddhiste (entre 85 et 90 % de la population totale) et connaît depuis quelques années l’influence d’un mouvement bouddhiste nationaliste, incarné par la figure du moine extrémiste U Wirathu, qui répand la peur d’une menace islamique parmi la population birmane et cristallise les sentiments de haine envers les Rohingyas.
«Le vénérable W», de Barbet Schroede, Films du Losange, 2017.
A l’intérieur de cet état fragile, sous gouvernement civil depuis 2011 seulement, les Rohingyas semblent servir de boucs émissaires: selon la rhétorique du gouvernement, la population birmane doit s’unir face à un ennemi commun, le «terrorisme musulman», incarné sur leur sol par les Rohingyas.
Pour les autres minorités ethniques, pourtant loin de jouir des mêmes droits que la majorité birmane, il paraît essentiel de prouver son appartenance à la Birmanie en marquant son opposition à cet ennemi intérieur. Ainsi, les Rakhines, habitants de l’État Rakhine majoritairement bouddhistes, sont parmi les premiers à exprimer leur désir d’expulser les Rohingyas de Birmanie. Ils qualifient les Rohingyas de «Bengalis» pour les associer au Bangladesh voisin et donc les exclure du champ national.
Malgré plusieurs crises au cours de ces dernières décennies (la précédente date d’octobre 2016), il aura fallu attendre l’exode de 2017, d’une ampleur extraordinaire, pour que les pays occidentaux commencent à s’inquiéter réellement du sort des Rohingyas. Avant fin 2010, date à laquelle la Birmanie passe sous gouvernement civil, la fermeture du pays et l’absence de presse d’opposition participent à la méconnaissance de cette minorité persécutée.
Encore aujourd’hui, la mission indépendante de l’ONU, chargée d’enquêter sur les abus de l’armée birmane dans le Rakhine, peine à accéder aux zones touchées et se heurte à l’absence de coopération des dirigeants birmans, qui se montrent très méfiants vis-à-vis de toute intervention extérieure.
Aung San Suu Kyi elle-même a montré sa réticence à nommer clairement les «Rohingyas», laissant à penser que les dirigeants birmans continueront malgré tout à exclure ces populations des réalités de leur pays.
L'article original sur The Conversation France
Précédemment dans Bon pour la tête
«Le bouddhisme qui séduit les Occidentaux est un fantasme», par Anna Lietti (en libre accès)
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Mais les Japonais prennent le contrôle du pays et, victimes de représailles, les Rohingyas sont contraints de fuir vers l’Inde.</p><p>Lorsqu’ils regagnent la Birmanie en 1945, les Rohingyas sont dans une situation délicate. On leur reproche leur «trahison», dans un contexte où la rhétorique nationaliste prône l’union de tous les peuples du pays pour mettre fin au régime colonial, et une indépendance au sein d’une république unique. La tragédie de la partition de l’Inde survenue en 1947 – des millions de personnes sont contraintes de choisir entre l’Inde et le Pakistan nouvellement créé – devient un modèle à éviter à tout prix.</p><p>Accédant à l’indépendance en janvier 1948, l’«Union de Birmanie», nom donné à la jeune nation, cache cependant de profondes divisions entre les différentes ethnies qui constituent le pays.</p><h3>Un processus de «birmanisation» de la société</h3><p>Dès le début des années 1950, plusieurs minorités entrent en guerre contre le pouvoir central. Si les Rohingyas ne sont pas officiellement exclus de la citoyenneté birmane par la Constitution de la nouvelle République indépendante, ils sont considérés comme des «Indiens» et restent donc marginalisés au sein de la société.</p><p>Le Général Ne Win, qui prend le contrôle du pays en 1962 et instaure un régime militaire, lance une campagne de «birmanisation» de la société afin d’atténuer les spécificités des différentes ethnies: c’est l’identité <em>bamar</em>, incarnée notamment par la langue birmane et la religion bouddhiste, qui devient de plus en plus associée à l’identité nationale.</p><p>Les minorités ethniques sont discriminées dans l’accès à la propriété par exemple, mais ce sont les populations d’origine indienne telles que les Rohingyas qui sont les plus touchées, leur origine rappelant aux Birmans les faveurs qu’elles avaient obtenues à la période coloniale.</p><p>Les années 1970 marquent l’apogée des discriminations envers les Rohingyas: le Général Ne Win intensifie sa campagne de «birmanisation» en faisant de la lutte contre les étrangers une priorité de l’État. En parallèle, l’indépendance du Bangladesh en 1971 et les violences qui l’accompagnent incitent de nombreux Bangladais à se réfugier en Arakan. Les Rohingyas sont alors plus que jamais amalgamés avec les Bangladais et, considérés comme des étrangers, ils deviennent la cible première de la campagne de Ne Win.</p><p>La loi sur la citoyenneté de 1982 confirme ainsi une situation déjà bien en place: elle fixe un chiffre officiel de minorités ethniques (135) et exclut durablement les Rohingyas du monde birman. Cette loi instaure également un certificat d’enregistrement pour les étrangers (<em>Foreigner Registration Certificate</em>) qui octroie une forme de statut officiel aux non-citoyens de Birmanie, tout en les excluant des affaires du pays. Les Rohingyas sont ainsi privés du droit de vote. Or, les autorités birmanes rechignent à délivrer ces certificats aux Rohingyas qui, au fil des générations, se retrouvent dépourvus de papiers prouvant leur identité et leur lieu de résidence.</p><h3>Une solution qui tarde à venir</h3><p>Aujourd’hui, bien que les recherches menées par l’Agence des Nations Unies pour les Réfugiés (UNHCR) aient montré qu’une grande partie des familles Rohingya sont présentes sur le sol birman depuis au moins deux générations, la minorité musulmane est plus que jamais perçue comme «étrangère» à la Birmanie.</p><p>La société birmane reste majoritairement bouddhiste (entre 85 et 90 % de la population totale) et connaît depuis quelques années l’influence d’un mouvement bouddhiste nationaliste, incarné par la figure du moine extrémiste U Wirathu, qui répand la peur d’une menace islamique parmi la population birmane et cristallise les sentiments de haine envers les Rohingyas.</p><br><h4><iframe src="https://www.youtube.com/embed/4bUDqaXOA9o" allowfullscreen="" width="560" height="315" frameborder="0"></iframe>«Le vénérable W», de Barbet Schroede, Films du Losange, 2017.</h4><p>A l’intérieur de cet état fragile, sous gouvernement civil depuis 2011 seulement, les Rohingyas semblent servir de boucs émissaires: selon la rhétorique du gouvernement, la population birmane doit s’unir face à un ennemi commun, le «terrorisme musulman», incarné sur leur sol par les Rohingyas.</p><p>Pour les autres minorités ethniques, pourtant loin de jouir des mêmes droits que la majorité birmane, il paraît essentiel de prouver son appartenance à la Birmanie en marquant son opposition à cet ennemi intérieur. Ainsi, les Rakhines, habitants de l’État Rakhine majoritairement bouddhistes, sont parmi les premiers à exprimer leur désir d’expulser les Rohingyas de Birmanie. Ils qualifient les Rohingyas de «Bengalis» pour les associer au Bangladesh voisin et donc les exclure du champ national.</p><p>Malgré plusieurs crises au cours de ces dernières décennies (la précédente date d’octobre 2016), il aura fallu attendre l’exode de 2017, d’une ampleur extraordinaire, pour que les pays occidentaux commencent à s’inquiéter réellement du sort des Rohingyas. Avant fin 2010, date à laquelle la Birmanie passe sous gouvernement civil, la fermeture du pays et l’absence de presse d’opposition participent à la méconnaissance de cette minorité persécutée.</p><p>Encore aujourd’hui, la mission indépendante de l’ONU, chargée d’enquêter sur les abus de l’armée birmane dans le Rakhine, peine à accéder aux zones touchées et se heurte à l’absence de coopération des dirigeants birmans, qui se montrent très méfiants vis-à-vis de toute intervention extérieure.</p><p>Aung San Suu Kyi elle-même a montré sa réticence à nommer clairement les «Rohingyas», laissant à penser que les dirigeants birmans continueront malgré tout à exclure ces populations des réalités de leur pays.</p><p></p><hr><p></p><p><a href="https://theconversation.com/birmanie-comment-lempire-britannique-a-cree-les-rohingyas-84481?utm_medium=email&utm_campaign=La lettre du week-end de The Conversation France - 84466968&utm_content=La lettre du week-end de The Conversation France - 84466968+CID_68a69abbf41b853938a059294ba71149&utm_source=campaign_monitor_fr&utm_term=Birmanie comment lEmpire britannique a cr les Rohingyas">L'article original sur <em>The Conversation</em> France</a></p><p></p><hr><p></p><h2>Précédemment dans Bon pour la tête</h2><p><a href="https://bonpourlatete.com/actuel/le-bouddhisme-qui-seduit-les-occidentaux-est-un-fantasme">«Le bouddhisme qui séduit les Occidentaux est un fantasme»</a>, par Anna Lietti (en libre accès)<br></p><br>', 'content_edition' => null, 'slug' => 'comment-l-empire-britannique-a-cree-les-rohingyas', 'headline' => false, 'homepage' => 'col-md-12', 'like' => (int) 955, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 444, 'homepage_order' => (int) 448, 'original_url' => null, 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 5, 'person_id' => (int) 85, 'post_type_id' => (int) 1, 'poster_attachment' => null, 'editions' => [], 'tags' => [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Tag) {} ], 'locations' => [], 'attachment_images' => [ (int) 0 => object(Cake\ORM\Entity) {} ], 'attachments' => [ (int) 0 => object(Cake\ORM\Entity) {} ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'comments' => [], 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ '*' => true, 'id' => false ], '[dirty]' => [], '[original]' => [], '[virtual]' => [], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [], '[invalid]' => [], '[repository]' => 'Posts' } $relatives = [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 4881, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => false, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => null, 'readed' => null, 'subhead' => null, 'title' => 'La Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) aurait-elle engagé une guerre contre le monde des réalités?', 'subtitle' => 'Avec le jugement favorable à la plainte de l’association KlimaSeniorinnen Schweiz, la CEDH ouvre la voie à la sanction des Etats en se fondant sur des arguments façonnés dans un monde imaginaire. 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Par ce jugement, la CEDH semble vouloir enterrer toute démarche rationnelle appuyée sur des faits pour favoriser des croyances.</p> <p>Accrochées à un mouvement généralisé autour du climat, qui favorise la foi d’une construction sociale de la réalité, à l’instar de la «justice climatique», ces plaignantes semblent avoir banni de leur plaidoyer tout ce qui pourrait résister au contrôle humain de la météo du jour, sans égards aux résultats scientifiques et leurs immenses incertitudes concernant les climats futurs. Les plaignantes ont accusé en substance les autorités suisses de mener une politique climatique aux objectifs et aux mesures insuffisantes, «en violation de leur droit à la vie», arguant de la vulnérabilité des personnes âgées face aux effets des changements en cours, et en particulier aux vagues de chaleur. 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Bien que les variabilités démographiques soient complexes à appréhender avec précision (comme les «effets moisson» ou les crises sanitaires telles la Covid-19), cette nature cyclique confirme simplement que «le froid tue».</p> <p>Pour s’en convaincre, s’affichent en gris sur la figure et à titre d’exemple, les températures <i>maximales </i>quotidiennes de la station de Neuchâtel montrant de larges amplitudes au cours de l’année. A partir du printemps 2020, la courbe des décès-toutes-causes subit les perturbations du Coronavirus et ses conséquences, rendant hasardeuse toute interprétation de détail. Mais la forte anti-corrélation entre décès et saisonnalité demeure. Nous supportons bien plus aisément les températures non-optimales chaudes que froides. Une étude récente<strong><sup>1</sup></strong> publiée dans <i>The Lancet</i> sur les excès de mortalité dans les villes européennes entre 2000 et 2019, dus cette fois uniquement aux températures non-optimales chaudes ou froides, confirme la tendance générale: entre 65 et 74 ans, le froid tue en Suisse 3 fois plus que le chaud, entre 75 et 84 ans, 6 fois plus, et au-dessus de 85 ans, 7,6 fois davantage. Dans une autre étude du <i>Lancet</i><strong><sup>2</sup></strong> sur les températures non-optimales entre 2000 et 2019 au niveau mondial, le constat est identique: le taux mondial de surmortalité liée au froid a baissé de 0,5% alors que celui lié à la chaleur aurait augmenté de 0,2%, conduisant à une réduction nette du ratio mondial des décès liés aux températures extrêmes. Mais ces pourcentages ne touchent pas le même nombre de personnes, bien plus nombreuses à décéder durant les hivers, ce qui amplifie davantage le bénéfice d’un réchauffement climatique. 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A cela peut s’ajouter une topographie bienveillante durant les étés avec de nombreux lacs et rivières, et une fraicheur montagnarde accessible.</p> <p>Dans le monde réel, la Suisse a diminué de près de 40% ses émissions de CO<sub>2</sub> par habitant depuis 1980 et 91% de sa production électrique est bas-carbone. 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Elles séjournent dans un univers peuplé d’illusions où seules les impressions du sujet construisent son milieu, où les slogans inconsistants balaient les données factuelles, où la Suisse parviendrait par sa «politique climatique» à influencer la régulation des climats de la Terre. Oui, la CEDH a bien approuvé la guerre contre la réalité menée par le climatisme, nouvelle religion de certaines classes aisées des pays les plus riches.</p> <hr /> <h4><sup>1</sup>Masselot et al. (2023) <i>Lancet Planet Health</i>, vol. 7, e-271-281</h4> <h4><sup>2</sup>Zhao et al. (2021) <i>Lancet Planet Health</i>, vol. 5, e415-425</h4>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'la-cour-europeenne-des-droits-de-l-homme-cedh-aurait-elle-engage-une-guerre-contre-le-monde-des-realites', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 27, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 8, 'person_id' => (int) 85, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'comments' => [ [maximum depth reached] ], 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Posts' }, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 4878, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => false, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => null, 'readed' => null, 'subhead' => null, 'title' => 'Cuba entre famine et abondance', 'subtitle' => 'La situation économique à Cuba est catastrophique. 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On assiste ici à une dangereuse érosion de l'esprit démocratique.</span></p> <p style="text-align: justify;"><o:p></o:p><span>La démocratie ne vit pas seulement d'une constitution fondée sur le principe de la majorité, les droits fondamentaux et les droits de l'homme et des règles de procédure équitables ; la démocratie vit aussi du fait que l'esprit de la constitution est déterminant et guide les acteurs politiques. Les principes démocratiques doivent primer sur l'idéologie et le programme des partis. Si cette attitude fondamentale fait défaut, la démocratie risque de devenir lettre morte.</span></p> <h3 style="text-align: justify;"><strong><span>Mauvais perdants</span></strong></h3> <p style="text-align: justify;"><o:p></o:p><span>Le fait que cette attitude fondamentale ne soit pas au mieux en Suisse se manifeste de plus en plus souvent, par exemple récemment après le "oui" à la 13e rente AVS. 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Celle-ci est marquée par deux courants profonds : premièrement, une politique économique, fiscale, financière et sociale néolibérale prononcée et, deuxièmement, une radicalisation dans l'éventail des partis de droite avec un effet d'aspiration sur les partis bourgeois. Ces deux phénomènes ont affaibli la conscience de la nécessité du respect de la Constitution et de l'esprit démocratique.</span></p> <h3 style="text-align: justify;"><strong><span>Néolibéraux et droits de l'Homme</span></strong></h3> <p style="text-align: justify;"><o:p></o:p><span>Tout d'abord, le néolibéralisme : il a conduit à un déchaînement du pouvoir économique, avec pour conséquence que l'État démocratique est devenu le serviteur de groupes et de branches et que le lobbying s'est propagé jusque dans les ramifications les plus fines de la politique et de l'administration. 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Car ici aussi, seul compte le fait de s'imposer - avec ou contre la démocratie et la constitution.</span></p> <p style="text-align: justify;"><o:p></o:p><span>La démocratie au cas par cas, en fonction de l'idéologie, des intérêts particuliers et des calculs de pouvoir ? Et ce à une époque où il serait plus que jamais nécessaire de défendre les valeurs et les principes démocratiques ? Sombres perspectives.</span><o:p></o:p></p> <hr /> <p style="text-align: justify;"><a href="https://www.infosperber.ch/politik/demokratie-ja-aber-nur-wenns-passt/" target="_blank" rel="noopener">L'article original publié sur Infosperber</a></p>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'la-democratie-oui-si-elle-convient', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 40, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 4, 'person_id' => (int) 85, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'comments' => [ [maximum depth reached] ], 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Posts' }, (int) 3 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 4856, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => true, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => null, 'readed' => null, 'subhead' => null, 'title' => 'L'OTAN a 75 ans et des défis devant elle', 'subtitle' => 'Le 4 avril 1949 naissait à Washington l’Organisation du traité de l’Atlantique nord, alors composée de 12 membres. 20 autres pays sont venus l’élargir depuis. 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Si l’Allemagne et les autres membres de l’alliance nouent bien des partenariats avec des Etats du Pacifique, et conduisent des exercices militaires dans la zone, ce n’est pas à la hauteur de la «menace chinoise».</p> <p>La nature de cette menace? Elle n’est pas directement militaire mais plutôt économique. «Si Pékin était en mesure de bloquer les voies commerciales dans la mer de Chine méridionale, la circulation des marchandises en Europe serait en péril».</p> <p>Autre question qui n’était pas d’actualité il y a 75 ans: la contribution des Etats-Unis. Le <a href="https://www.telegraph.co.uk/opinion/2024/04/03/europe-must-step-up-to-keep-the-us-in-nato/" target="_blank" rel="noopener"><em>Daily Telegraph</em></a> regrette que l’Europe ne fasse aucun effort pour s’assurer que le plus grand contributeur de l’OTAN ne s’en détache pas. L’heure est grave, puisqu’on parle de «passer à la caisse». 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