Analyse / Vers un réenchantement du système de santé grâce à la crise écologique?
© A.V.
Pollution des sols, de l’eau, de l’air, effondrement de la biodiversité, raréfaction des ressources fossiles, émissions de CO2: la crise environnementale a un impact négatif sur le vivant, sur la santé des populations d’ici et d’ailleurs. Notamment à cause de notre surconsommation de produits pharmaceutiques, notre système de santé contribue aux pollutions environnementales.
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En effet, certaines molécules chimiques ont un éco-bilan toxique catastrophique, si l’on prend en compte tous les éléments de leur cycle de vie: extraction, production, transport, conservation, emballage, distribution, destruction.</p> <p>Les entreprises pharmaceutiques, <a href="https://theconversation.com/lindustrie-pharmaceutique-emet-plus-de-gaz-a-effet-de-serre-que-lindustrie-automobile-118251">plus polluantes que l’industrie automobile</a>, seraient responsables de près du tiers de l’empreinte carbone des systèmes de santé, sans compter les pollutions chimiques sur leurs sites de production. 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Selon <a href="https://www.unil.ch/fbm/fr/home/menuinst/la-releve-academique/nominations--promotions/professeurs-a-a-z/d-g/dacremont-valerie.html">Valérie D’Acremont</a>, la source du problème provient bien moins des exigences des patients que des médecins prescripteurs de produits pharmaceutiques. Nos médecins pourraient pourtant supprimer, substituer, proposer des alternatives non pharmacologiques ou diminuer les doses médicamenteuses. Le réflexe de l’ordonnance en fin de consultation est ancré dans les pratiques. Au détriment du vivant.</p> <p>Leur but n’étant pas que philanthropique, nous sommes pourtant devenus dépendants des industriels. Dans le documentaire <i>36.9° </i><a href="https://www.youtube.com/watch?v=LtGg6CRV2xw"><i>Médicaments: autopsie d’une pénurie</i></a>, ces derniers admettent ouvertement être tournés vers un profit pour eux-mêmes et leurs actionnaires, les attirant vers des produits novateurs et onéreux, au détriment d’un service sociétal de maintien d’une offre d’anciens médicaments génériques accessibles, bon marché et produits localement. Les populations se trouvent désarmées face aux pénuries et dépossédées de leur souveraineté sanitaire quand bien même elles sont contraintes de les financer largement à travers leurs cotisations à l’assurance maladie obligatoire. Les géants de la pharma mondialisée, couplés au pouvoir technocratique médical et au pouvoir politique: voici le nouveau trio.</p> <h3>La «santé» au défi des «solutions»</h3> <p>Tout en étant à la source du problème, vu le modèle productiviste dans lequel nos sociétés sont empêtrées, le solutionnisme techno-scientifique nous promet de résoudre le «nouveau» défi environnemental. En 1974 déjà, le philosophe André Gorz, dans un article intitulé <a href="https://www.monde-diplomatique.fr/2010/04/GORZ/19027">«Leur écologie et la nôtre»</a> prévoyait «la récupération de l’écologie par l’industrie et les groupes financiers»: c’est-à-dire par le capitalisme, actuellement, le néolibéralisme mondialisé. L’innovation technologique nous sauverait, du changement climatique comme de la maladie. Certes, comme l’affirme un médecin institutionnel, dans le cadre de la biomédecine: «La technologie peut amener sa contribution. On n’a pas envie de revenir à l’âge de pierre». Mais la tentation de maintenir l’expert techno-médical au centre, au détriment du patient, reste présente chez certains professionnels. Ce réflexe pourrait s’expliquer par le souhait de préserver une vision prestigieuse de la médecine avec ses <a href="https://www.lemanbleu.ch/fr/Actualite/Archives/Deux-professeurs-des-HUG-dans-un-clip-de-rap.html">privilèges symboliques et économiques</a>.</p> <p>Nous relevons un impensé au cœur de certaines propositions: croire que<i> l’</i><a href="https://www.antithese.info/videos-antithese/solange-ghernaouti"><i>intelligence artificielle</i></a> ou le développement de nouvelles <i>app</i> pour évaluer nos émissions de CO<sub>2</sub> vont nous aider à solutionner les problèmes… écologiques! Ces idées paradoxales omettent non seulement l’impact de notre cyberdépendance, les risques relatifs à l’exploitation de nos données personnelles, mais aussi les répercussions de la digitalisation de nos vies sur l’environnement: comme l’extraction de terres rares pour la fabrication des outils numériques ou la consommation gourmande en électricité et en eau pour refroidir les installations des centres de données. A l’ère du <a href="https://www.monde-diplomatique.fr/2019/01/ZUBOFF/59443">capitalisme de surveillance</a> décrit par Shoshana Zuboff, il ne s’agit pas d’être technophobes, mais de réfléchir à «(…) la possibilité même d’un épanouissement démocratique et humain». <a href="https://applicationspub.unil.ch/interpub/noauth/php/Un/UnPers.php?PerNum=3413&LanCode=37">Solange Ghernaouti</a> préconise même une <i>retenue numérique</i>, car <a href="https://makeamove.fr/transition-ecologique/numerique-et-environnement-les-meilleurs-ennemis-du-monde/">«La numérisation de toutes nos activités engendre toujours plus de destruction, d’exploitation et de consommation de ressources naturelles.»</a></p> <p>Comme s’interrogent <a href="https://www.google.ch/books/edition/Il_faut_s_adapter_Sur_un_nouvel_imp%25C3%25A9rat/R4F-DwAAQBAJ?hl=fr&gbpv=1&printsec=frontcover">Barbara Stiegler</a> ou <a href="https://www.youtube.com/watch?v=Y8ffYfySvRU">Roland Gori</a>, faut-il s’adapter constamment, se réformer, faire des efforts, réduire, se restreindre, faire des économies? Faut-il imposer de nouvelles normes, de nouvelles obligations, de nouvelles restrictions? Faut-il faire <i>moins</i>? Cette ritournelle des nouvelles politiques publiques: <a href="https://www.francetvinfo.fr/politique/emmanuel-macron/la-fin-de-l-abondance-la-formule-du-president-macron-ne-passe-pas-pour-l-opposition_5325610.html">«la fin de l’abondance!»</a>, est un vœu pieux, triste et désespérant. L’enjeu est bien, non pas de surveiller, punir, contraindre et compresser des soignants déjà sous pression, mais se demander comment faire autrement et faire envie aux personnels de santé, à ceux qui risquent d’être désignés comme réfractaires au changement et qui, à raison, verront d’un mauvais œil toute nouvelle bureaucratie au nom du climat. Comment donc, non pas seulement faire <i>moins</i>, mais faire <i>mieux</i> avec créativité et joyeusement?</p> <h3>Vers un nouveau paradigme réenchanté?</h3> <p>La tâche est grande, afin de dépasser le cercle des convaincus au sein d’un système de santé largement conservateur et rigide. Il est urgent de sensibiliser les jeunes médecins en formation: repenser les définitions de la santé, de la maladie, du soin, débiomédicaliser, développer une vision holiste, inter ou transdisciplinaire, développer un nouveau paradigme pour une médecine et des soins durables <i>low tech</i>, ainsi que des approches alternatives de soins et de promotion de la santé. Pour <a href="https://www.unil.ch/fbm/fr/home/menuinst/la-releve-academique/nominations--promotions/professeurs-a-a-z/l-p/monod-stefanie.html">Stéfanie Monod</a>, il est temps de remplacer «notre vieux système de soins hospitalo-centrés», par un nouveau modèle qui réponde mieux aux <a href="https://promotionsante.ch/sites/default/files/2022-11/Document_de_travail_053_PSCH_2021_06_-_Promouvoir_la_sante_et_prevenir_les_maladies.pdf">besoins de notre société</a> et fasse une large place à la promotion de la santé.</p> <p>Il s’agit aussi de simplifier le système de santé, afin d’améliorer la qualité des soins tout en diminuant les coûts. Comme le rappelle <a href="https://sbk-asi.ch/fr/asi/organisation/zentralvorstand/sophie-ley">Sophie Ley</a>, il serait temps de prendre soin de la durabilité des soignantes et soignants – ne trouvant plus le sens de leur engagement dans un contexte désenchanté – en leur offrant l’occasion de survivre plus que deux ans dans leur métier. La discrépance entre leur excellente formation professionnelle humaniste et la réalité triviale trop souvent déshumanisée du terrain est un élément largement sous-estimé par les politiques qui se contentent, en réponse à la pénurie, de préconiser l’augmentation du nombre de professionnels formés. Une hémorragie ne se traite pas uniquement en administrant du sang neuf.</p> <p>La question fondamentale reste bien celle que formulait Gorz: «Que voulons-nous? (…) Réforme ou révolution?» Dans cette filiation, Pierre-Yves Maillard accuse avec énergie le système structurel absurde de payement à l’acte. Inhérent à cette idéologie capitaliste de la croissance financière, ce système incitatif à produire des consommables techniques et quantitatifs, conduit à l’augmentation continuelle des primes d’assurance maladie. Etant pourtant la source du problème, il dénonce le fait que personne ne souhaite changer cette donnée de base, surtout pas la FMH! Il propose de repenser la mission des hôpitaux avec une logique de service public: notamment grâce à un renforcement des soins de prévention et des soins palliatifs dignes de ce nom.</p> <p>Ces enjeux seront exercés au sein d’une assemblée citoyenne académique, avant d’être traités en partenariat avec l’ensemble de la société, dans une démarche de participation citoyenne éco-créative. Jurgen Habermas, cité par <a href="https://www.unisante.ch/fr/propos-dunisante/unisante-bref/direction/membre/senn-nicolas">Nicolas Senn</a>, nous rappelle que le nombre de votes ne suffit pas à donner de la légitimité mais nécessite une bonne délibération, contrairement à ce qui est avancé dans cet éditorial sur la <a href="https://www.revmed.ch/revue-medicale-suisse/2022/revue-medicale-suisse-803/la-democratie-sanitaire-suisse-au-service-de-la-sante-des-personnes-et-de-la-population">Démocratie sanitaire</a> en Suisse. Une véritable démocratie sanitaire, outre un débat ouvert aux alternatives, nécessite également une information transparente, afin de proposer un choix pouvant conduire à un consentement totalement libre et éclairé. Il serait ainsi bon de développer des assemblées citoyennes, avec une gouvernance partagée, afin de réfléchir ensemble à quelles valeurs cultiver. Comment valoriser et réenchanter nos existences de patients, de soignants? Quelle place pour la Beauté, la Nature, l’Amour, l’Art, l’Ethique?</p> <p>Ces réflexions socio anthropologiques et philosophiques sont en effet vouées à se déplacer du cercle de la santé publique vers la société civile, afin de créer le monde que l’on souhaite voir advenir. Au nom du bien commun, au sein de ce qu’Ivan Illich nomme <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/nemesis-medicale-ivan-illich/9782757890608"><i>Némesis médicale</i></a>, souhaitons-nous toujours des médicaments issus de la dernière technologie, mais générant souvent des effets secondaires, tout en étant très coûteux pour la société et très polluants pour notre environnement? Avons-nous encore confiance dans une recherche médicale désinvestie par le financement public au profit d’un «partenariat» avec le privé et engendrant des <a href="https://bullmed.ch/article/doi/bms.2021.19677">conflits d’intérêts</a>? Croyons-nous encore à l’idéologie du progrès, sachant qu’il contribue parallèlement à la destruction du vivant? Rêvons-nous de télémédecine? Avons-nous envie de finir nos jours dans un EMS en relation avec des robots de compagnie? Désirons-nous vivre le plus longtemps possible même en mauvaise santé? <i>In fine</i>, croyons-nous, grâce à un acharnement thérapeutique, <i></i>accéder à la vie éternelle et ainsi être sauvés de notre propre mort?</p> <p>Comment réenchanter le système de santé? Même si c’est insuffisant et peu désirable, dans un premier temps, analyser chaque acte, tout en gardant l’approche biomédicale classique, car chaque geste individuel et collectif compte. Sans doute aussi, faire de la place au sein de la recherche et des pratiques cliniques à ces <a href="https://www.unige.ch/biblio/files/2016/3886/3173/MAC_v4.pdf">médecines alternatives complémentaires, «douces», parallèles, naturelles, intégratives, holistes, ancestrales</a>, retrouvées dans la bibliothèque d’UNIGE, inscrites dans notre Constitution et auxquelles la population suisse est très attachée. Nous entendrons parler de ces autres médecines qui pourraient accompagner la débiomédicalisation subie (à cause des futures possibles restrictions ou coupures énergétiques) ou souhaitée pour leurs qualités intrinsèques. Nous pouvons faire de ces crises multiples, une chance, afin de <a href="https://www.editionsducerf.fr/librairie/livre/19961/Le-temps-des-peurs">réenchanter</a> le monde, littéralement, <i>re-magifier</i> la vie.</p> <p>Les savoirs médicaux ancestraux, empiriquement efficaces, peu onéreux et non polluants, sont souvent non prouvés scientifiquement. Prises dans un cercle vicieux, les médecines naturelles sont une potentielle menace pour l’industrie du médicament. Elles se trouvent ainsi discréditées par des lobbys pharmaceutiques qui ne vont pas leur offrir de financement pour leurs éventuelles recherches scientifiques. Par ailleurs, le modèle économique néolibéral est souvent le même et l'impact environnemental rarement abordé. Comment s’y retrouver? Comment trouver ce juste milieu pour une personne atteinte dans sa santé, ou simplement désireuse de la conserver, entre des réponses qui semblent si opposées et en l’absence d’information transparente et loyale? Il s’agirait sans doute d’éviter de confronter médecine allopathique et médecine naturelle qui ont tout intérêt à se compléter. C'est le modèle global de l’industrie de la maladie qui doit être revu, afin d'envisager au mieux la santé, notamment en termes d’<a href="https://www.katharinezywert.com/">équité</a>, ici comme ailleurs. Au sein d’un nouveau paradigme en santé qui existe déjà à l’état embryonnaire, voici quelques exemples d’initiatives biologiques, locales, scientifiques, opulentes et sources de joie.</p> <p>Relevant le défi de <a href="https://lecourrier.ch/2017/06/27/valider-les-traitements-non-brevetables-un-defi/">valider des traitements non brevetables</a> par la recherche scientifique et grâce au soutien financier de la <a href="https://antenna.ch/fr/">fondation Antenna</a>, Bertrand Graz a développé une <a href="https://natural-self-care.org/">pharmacie verte</a> – plantes médicinales économiques, locales et naturelles – facile à utiliser en soin de premier recours par tout le monde même les plus démunis. Cet outil se trouve être, en outre, très utile en cas de rupture d’approvisionnement de médicaments allopathiques. De son côté, <a href="https://www.medecin-corsier.ch/equipe.php">Rola Darwiche</a> a développé un «jardin de santé», puis un parc permaculturel composé de plantes comestibles et médicinales, autour de son cabinet médical en campagne genevoise. Elle invite à la réflexion autour des «prescriptions vertes» en partenariat et en cocréation fertile avec ses patients-experts. Cette démarche lui a permis la création de l’observatoire citoyen de la santé <a href="http://www.onehealthpermaculture.com/"><i>One Health Permaculture</i></a>. L’étude validée avec la médecine basée sur les preuves d’<a href="https://asc-geneve.org/">Anne Laure Cavin</a> teste quant à elle l’efficacité de produits naturels hypoglycémiants pour patients diabétiques. Les premiers résultats sont positifs. Les patients sont enthousiastes, ont moins d’effets secondaires, développent une meilleure souveraineté en santé et prennent mieux soin d’eux. Enfin, deux initiatives inspirantes du point de vue de leur démarche communautaire et participative sont citées en exemple par Nicolas Senn: le <a href="https://www.levillage2sante.fr/">Village 2 Santé</a> en France et la <a href="https://www.antennetournesol.be/">Maison médicale antenne Tournesol</a> en Belgique.</p> <h3>Funambulisme réenchanteur</h3> <p>De l’ego (médecine) à l’éco (médecine), que nous soyons soignants ou patients, nous voici sur le fil du funambule citoyen. Comme l’écrivait le philosophe <a href="https://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Folio/Folio-essais/Cahiers-de-prison">Antonio Gramsci</a>: «Le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître dans ce clair-obscur surgissent les monstres». En vue de ce nouveau paradigme, nous observons une confrontation de visions du monde qu’il s’agira de mener sur le terrain démocratique et avec transparence. Quelles articulations entre les initiatives venant d’en haut, potentiellement autoritaires et désincarnées, et celles venant d’en bas, plurielles, locales et fertiles?</p> <p>A la grâce des différentes crises, les participants à ce colloque s’accordent à souhaiter privilégier la salutogenèse de leurs patients, les ressources naturelles régionales et la souveraineté pharmaceutique, tout en limitant les gaspillages et pollutions induites par leurs pratiques. Nous avons tenté de dessiner non seulement ce à quoi il s’agirait de renoncer, mais surtout esquisser quelques voies alternatives vers un autre projet de société. Ce que Gorz, Illich et de nombreux citoyens appellent de leurs vœux depuis longtemps. Une réunion de tant de bonnes volontés à ce forum nous redonne espoir en la possibilité de <i>re-magifier</i> la médecine, tout en protégeant l’eau, les sols, l’air, privilégiant ainsi la santé et la survie de l’ensemble du vivant.</p>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'vers-un-reenchantement-du-systeme-de-sante-grace-a-la-crise-ecologique', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 320, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 8, 'person_id' => (int) 6493, 'post_type_id' => (int) 1, 'poster_attachment' => null, 'editions' => [ [maximum depth reached] ], 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'attachments' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'comments' => [ [maximum depth reached] ], 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Posts' }, 'relatives' => [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Post) {}, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Post) {}, (int) 2 => object(App\Model\Entity\Post) {} ], 'embeds' => [], 'images' => [ (int) 0 => object(Cake\ORM\Entity) {} ], 'audios' => [], 'comments' => [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Comment) {}, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Comment) {}, (int) 2 => object(App\Model\Entity\Comment) {} ], 'author' => 'Anne Voeffray', 'description' => 'Pollution des sols, de l’eau, de l’air, effondrement de la biodiversité, raréfaction des ressources fossiles, émissions de CO2: la crise environnementale a un impact négatif sur le vivant, sur la santé des populations d’ici et d’ailleurs. 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Cette opacité, associée à une carence de surveillance et de réglementation étatique, contribue à une <a href="https://recheck.substack.com/p/reglementation-des-produits-pharmaceutiques?utm_source=profile&utm_medium=reader2">baisse de confiance</a> de la population face aux produits pharmaceutiques et leurs pourvoyeurs.</p> <p>L’impact de nos médicaments sur le vivant est <a href="https://www.samw.ch/fr/Projets/Apercu-des-projets/Forum-durabilite-systeme-sante.html">étudié par Unisanté</a>. Contrairement aux pesticides, les micropolluants pharmacologiques ne sont pas limités quantitativement et ne sont ni filtrés, ni traités par les stations d’épuration en Suisse. Tifaine Charmillot et ses collègues observent des conséquences sanitaires, telles que la résistance aux antibiotiques ou les troubles de la fertilité dûs aux perturbateurs endocriniens, sans compter les effets plus dramatiques encore pour les pays producteurs des matières premières comme l’Inde ou la Chine. Selon <a href="https://www.unil.ch/fbm/fr/home/menuinst/la-releve-academique/nominations--promotions/professeurs-a-a-z/d-g/dacremont-valerie.html">Valérie D’Acremont</a>, la source du problème provient bien moins des exigences des patients que des médecins prescripteurs de produits pharmaceutiques. Nos médecins pourraient pourtant supprimer, substituer, proposer des alternatives non pharmacologiques ou diminuer les doses médicamenteuses. Le réflexe de l’ordonnance en fin de consultation est ancré dans les pratiques. Au détriment du vivant.</p> <p>Leur but n’étant pas que philanthropique, nous sommes pourtant devenus dépendants des industriels. Dans le documentaire <i>36.9° </i><a href="https://www.youtube.com/watch?v=LtGg6CRV2xw"><i>Médicaments: autopsie d’une pénurie</i></a>, ces derniers admettent ouvertement être tournés vers un profit pour eux-mêmes et leurs actionnaires, les attirant vers des produits novateurs et onéreux, au détriment d’un service sociétal de maintien d’une offre d’anciens médicaments génériques accessibles, bon marché et produits localement. Les populations se trouvent désarmées face aux pénuries et dépossédées de leur souveraineté sanitaire quand bien même elles sont contraintes de les financer largement à travers leurs cotisations à l’assurance maladie obligatoire. Les géants de la pharma mondialisée, couplés au pouvoir technocratique médical et au pouvoir politique: voici le nouveau trio.</p> <h3>La «santé» au défi des «solutions»</h3> <p>Tout en étant à la source du problème, vu le modèle productiviste dans lequel nos sociétés sont empêtrées, le solutionnisme techno-scientifique nous promet de résoudre le «nouveau» défi environnemental. En 1974 déjà, le philosophe André Gorz, dans un article intitulé <a href="https://www.monde-diplomatique.fr/2010/04/GORZ/19027">«Leur écologie et la nôtre»</a> prévoyait «la récupération de l’écologie par l’industrie et les groupes financiers»: c’est-à-dire par le capitalisme, actuellement, le néolibéralisme mondialisé. L’innovation technologique nous sauverait, du changement climatique comme de la maladie. Certes, comme l’affirme un médecin institutionnel, dans le cadre de la biomédecine: «La technologie peut amener sa contribution. On n’a pas envie de revenir à l’âge de pierre». Mais la tentation de maintenir l’expert techno-médical au centre, au détriment du patient, reste présente chez certains professionnels. Ce réflexe pourrait s’expliquer par le souhait de préserver une vision prestigieuse de la médecine avec ses <a href="https://www.lemanbleu.ch/fr/Actualite/Archives/Deux-professeurs-des-HUG-dans-un-clip-de-rap.html">privilèges symboliques et économiques</a>.</p> <p>Nous relevons un impensé au cœur de certaines propositions: croire que<i> l’</i><a href="https://www.antithese.info/videos-antithese/solange-ghernaouti"><i>intelligence artificielle</i></a> ou le développement de nouvelles <i>app</i> pour évaluer nos émissions de CO<sub>2</sub> vont nous aider à solutionner les problèmes… écologiques! Ces idées paradoxales omettent non seulement l’impact de notre cyberdépendance, les risques relatifs à l’exploitation de nos données personnelles, mais aussi les répercussions de la digitalisation de nos vies sur l’environnement: comme l’extraction de terres rares pour la fabrication des outils numériques ou la consommation gourmande en électricité et en eau pour refroidir les installations des centres de données. A l’ère du <a href="https://www.monde-diplomatique.fr/2019/01/ZUBOFF/59443">capitalisme de surveillance</a> décrit par Shoshana Zuboff, il ne s’agit pas d’être technophobes, mais de réfléchir à «(…) la possibilité même d’un épanouissement démocratique et humain». <a href="https://applicationspub.unil.ch/interpub/noauth/php/Un/UnPers.php?PerNum=3413&LanCode=37">Solange Ghernaouti</a> préconise même une <i>retenue numérique</i>, car <a href="https://makeamove.fr/transition-ecologique/numerique-et-environnement-les-meilleurs-ennemis-du-monde/">«La numérisation de toutes nos activités engendre toujours plus de destruction, d’exploitation et de consommation de ressources naturelles.»</a></p> <p>Comme s’interrogent <a href="https://www.google.ch/books/edition/Il_faut_s_adapter_Sur_un_nouvel_imp%25C3%25A9rat/R4F-DwAAQBAJ?hl=fr&gbpv=1&printsec=frontcover">Barbara Stiegler</a> ou <a href="https://www.youtube.com/watch?v=Y8ffYfySvRU">Roland Gori</a>, faut-il s’adapter constamment, se réformer, faire des efforts, réduire, se restreindre, faire des économies? Faut-il imposer de nouvelles normes, de nouvelles obligations, de nouvelles restrictions? Faut-il faire <i>moins</i>? Cette ritournelle des nouvelles politiques publiques: <a href="https://www.francetvinfo.fr/politique/emmanuel-macron/la-fin-de-l-abondance-la-formule-du-president-macron-ne-passe-pas-pour-l-opposition_5325610.html">«la fin de l’abondance!»</a>, est un vœu pieux, triste et désespérant. L’enjeu est bien, non pas de surveiller, punir, contraindre et compresser des soignants déjà sous pression, mais se demander comment faire autrement et faire envie aux personnels de santé, à ceux qui risquent d’être désignés comme réfractaires au changement et qui, à raison, verront d’un mauvais œil toute nouvelle bureaucratie au nom du climat. Comment donc, non pas seulement faire <i>moins</i>, mais faire <i>mieux</i> avec créativité et joyeusement?</p> <h3>Vers un nouveau paradigme réenchanté?</h3> <p>La tâche est grande, afin de dépasser le cercle des convaincus au sein d’un système de santé largement conservateur et rigide. Il est urgent de sensibiliser les jeunes médecins en formation: repenser les définitions de la santé, de la maladie, du soin, débiomédicaliser, développer une vision holiste, inter ou transdisciplinaire, développer un nouveau paradigme pour une médecine et des soins durables <i>low tech</i>, ainsi que des approches alternatives de soins et de promotion de la santé. Pour <a href="https://www.unil.ch/fbm/fr/home/menuinst/la-releve-academique/nominations--promotions/professeurs-a-a-z/l-p/monod-stefanie.html">Stéfanie Monod</a>, il est temps de remplacer «notre vieux système de soins hospitalo-centrés», par un nouveau modèle qui réponde mieux aux <a href="https://promotionsante.ch/sites/default/files/2022-11/Document_de_travail_053_PSCH_2021_06_-_Promouvoir_la_sante_et_prevenir_les_maladies.pdf">besoins de notre société</a> et fasse une large place à la promotion de la santé.</p> <p>Il s’agit aussi de simplifier le système de santé, afin d’améliorer la qualité des soins tout en diminuant les coûts. Comme le rappelle <a href="https://sbk-asi.ch/fr/asi/organisation/zentralvorstand/sophie-ley">Sophie Ley</a>, il serait temps de prendre soin de la durabilité des soignantes et soignants – ne trouvant plus le sens de leur engagement dans un contexte désenchanté – en leur offrant l’occasion de survivre plus que deux ans dans leur métier. La discrépance entre leur excellente formation professionnelle humaniste et la réalité triviale trop souvent déshumanisée du terrain est un élément largement sous-estimé par les politiques qui se contentent, en réponse à la pénurie, de préconiser l’augmentation du nombre de professionnels formés. Une hémorragie ne se traite pas uniquement en administrant du sang neuf.</p> <p>La question fondamentale reste bien celle que formulait Gorz: «Que voulons-nous? (…) Réforme ou révolution?» Dans cette filiation, Pierre-Yves Maillard accuse avec énergie le système structurel absurde de payement à l’acte. Inhérent à cette idéologie capitaliste de la croissance financière, ce système incitatif à produire des consommables techniques et quantitatifs, conduit à l’augmentation continuelle des primes d’assurance maladie. Etant pourtant la source du problème, il dénonce le fait que personne ne souhaite changer cette donnée de base, surtout pas la FMH! Il propose de repenser la mission des hôpitaux avec une logique de service public: notamment grâce à un renforcement des soins de prévention et des soins palliatifs dignes de ce nom.</p> <p>Ces enjeux seront exercés au sein d’une assemblée citoyenne académique, avant d’être traités en partenariat avec l’ensemble de la société, dans une démarche de participation citoyenne éco-créative. Jurgen Habermas, cité par <a href="https://www.unisante.ch/fr/propos-dunisante/unisante-bref/direction/membre/senn-nicolas">Nicolas Senn</a>, nous rappelle que le nombre de votes ne suffit pas à donner de la légitimité mais nécessite une bonne délibération, contrairement à ce qui est avancé dans cet éditorial sur la <a href="https://www.revmed.ch/revue-medicale-suisse/2022/revue-medicale-suisse-803/la-democratie-sanitaire-suisse-au-service-de-la-sante-des-personnes-et-de-la-population">Démocratie sanitaire</a> en Suisse. Une véritable démocratie sanitaire, outre un débat ouvert aux alternatives, nécessite également une information transparente, afin de proposer un choix pouvant conduire à un consentement totalement libre et éclairé. Il serait ainsi bon de développer des assemblées citoyennes, avec une gouvernance partagée, afin de réfléchir ensemble à quelles valeurs cultiver. Comment valoriser et réenchanter nos existences de patients, de soignants? Quelle place pour la Beauté, la Nature, l’Amour, l’Art, l’Ethique?</p> <p>Ces réflexions socio anthropologiques et philosophiques sont en effet vouées à se déplacer du cercle de la santé publique vers la société civile, afin de créer le monde que l’on souhaite voir advenir. Au nom du bien commun, au sein de ce qu’Ivan Illich nomme <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/nemesis-medicale-ivan-illich/9782757890608"><i>Némesis médicale</i></a>, souhaitons-nous toujours des médicaments issus de la dernière technologie, mais générant souvent des effets secondaires, tout en étant très coûteux pour la société et très polluants pour notre environnement? Avons-nous encore confiance dans une recherche médicale désinvestie par le financement public au profit d’un «partenariat» avec le privé et engendrant des <a href="https://bullmed.ch/article/doi/bms.2021.19677">conflits d’intérêts</a>? Croyons-nous encore à l’idéologie du progrès, sachant qu’il contribue parallèlement à la destruction du vivant? Rêvons-nous de télémédecine? Avons-nous envie de finir nos jours dans un EMS en relation avec des robots de compagnie? Désirons-nous vivre le plus longtemps possible même en mauvaise santé? <i>In fine</i>, croyons-nous, grâce à un acharnement thérapeutique, <i></i>accéder à la vie éternelle et ainsi être sauvés de notre propre mort?</p> <p>Comment réenchanter le système de santé? Même si c’est insuffisant et peu désirable, dans un premier temps, analyser chaque acte, tout en gardant l’approche biomédicale classique, car chaque geste individuel et collectif compte. Sans doute aussi, faire de la place au sein de la recherche et des pratiques cliniques à ces <a href="https://www.unige.ch/biblio/files/2016/3886/3173/MAC_v4.pdf">médecines alternatives complémentaires, «douces», parallèles, naturelles, intégratives, holistes, ancestrales</a>, retrouvées dans la bibliothèque d’UNIGE, inscrites dans notre Constitution et auxquelles la population suisse est très attachée. Nous entendrons parler de ces autres médecines qui pourraient accompagner la débiomédicalisation subie (à cause des futures possibles restrictions ou coupures énergétiques) ou souhaitée pour leurs qualités intrinsèques. Nous pouvons faire de ces crises multiples, une chance, afin de <a href="https://www.editionsducerf.fr/librairie/livre/19961/Le-temps-des-peurs">réenchanter</a> le monde, littéralement, <i>re-magifier</i> la vie.</p> <p>Les savoirs médicaux ancestraux, empiriquement efficaces, peu onéreux et non polluants, sont souvent non prouvés scientifiquement. Prises dans un cercle vicieux, les médecines naturelles sont une potentielle menace pour l’industrie du médicament. Elles se trouvent ainsi discréditées par des lobbys pharmaceutiques qui ne vont pas leur offrir de financement pour leurs éventuelles recherches scientifiques. Par ailleurs, le modèle économique néolibéral est souvent le même et l'impact environnemental rarement abordé. Comment s’y retrouver? Comment trouver ce juste milieu pour une personne atteinte dans sa santé, ou simplement désireuse de la conserver, entre des réponses qui semblent si opposées et en l’absence d’information transparente et loyale? Il s’agirait sans doute d’éviter de confronter médecine allopathique et médecine naturelle qui ont tout intérêt à se compléter. C'est le modèle global de l’industrie de la maladie qui doit être revu, afin d'envisager au mieux la santé, notamment en termes d’<a href="https://www.katharinezywert.com/">équité</a>, ici comme ailleurs. Au sein d’un nouveau paradigme en santé qui existe déjà à l’état embryonnaire, voici quelques exemples d’initiatives biologiques, locales, scientifiques, opulentes et sources de joie.</p> <p>Relevant le défi de <a href="https://lecourrier.ch/2017/06/27/valider-les-traitements-non-brevetables-un-defi/">valider des traitements non brevetables</a> par la recherche scientifique et grâce au soutien financier de la <a href="https://antenna.ch/fr/">fondation Antenna</a>, Bertrand Graz a développé une <a href="https://natural-self-care.org/">pharmacie verte</a> – plantes médicinales économiques, locales et naturelles – facile à utiliser en soin de premier recours par tout le monde même les plus démunis. Cet outil se trouve être, en outre, très utile en cas de rupture d’approvisionnement de médicaments allopathiques. De son côté, <a href="https://www.medecin-corsier.ch/equipe.php">Rola Darwiche</a> a développé un «jardin de santé», puis un parc permaculturel composé de plantes comestibles et médicinales, autour de son cabinet médical en campagne genevoise. Elle invite à la réflexion autour des «prescriptions vertes» en partenariat et en cocréation fertile avec ses patients-experts. Cette démarche lui a permis la création de l’observatoire citoyen de la santé <a href="http://www.onehealthpermaculture.com/"><i>One Health Permaculture</i></a>. L’étude validée avec la médecine basée sur les preuves d’<a href="https://asc-geneve.org/">Anne Laure Cavin</a> teste quant à elle l’efficacité de produits naturels hypoglycémiants pour patients diabétiques. Les premiers résultats sont positifs. Les patients sont enthousiastes, ont moins d’effets secondaires, développent une meilleure souveraineté en santé et prennent mieux soin d’eux. Enfin, deux initiatives inspirantes du point de vue de leur démarche communautaire et participative sont citées en exemple par Nicolas Senn: le <a href="https://www.levillage2sante.fr/">Village 2 Santé</a> en France et la <a href="https://www.antennetournesol.be/">Maison médicale antenne Tournesol</a> en Belgique.</p> <h3>Funambulisme réenchanteur</h3> <p>De l’ego (médecine) à l’éco (médecine), que nous soyons soignants ou patients, nous voici sur le fil du funambule citoyen. Comme l’écrivait le philosophe <a href="https://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Folio/Folio-essais/Cahiers-de-prison">Antonio Gramsci</a>: «Le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître dans ce clair-obscur surgissent les monstres». En vue de ce nouveau paradigme, nous observons une confrontation de visions du monde qu’il s’agira de mener sur le terrain démocratique et avec transparence. Quelles articulations entre les initiatives venant d’en haut, potentiellement autoritaires et désincarnées, et celles venant d’en bas, plurielles, locales et fertiles?</p> <p>A la grâce des différentes crises, les participants à ce colloque s’accordent à souhaiter privilégier la salutogenèse de leurs patients, les ressources naturelles régionales et la souveraineté pharmaceutique, tout en limitant les gaspillages et pollutions induites par leurs pratiques. Nous avons tenté de dessiner non seulement ce à quoi il s’agirait de renoncer, mais surtout esquisser quelques voies alternatives vers un autre projet de société. Ce que Gorz, Illich et de nombreux citoyens appellent de leurs vœux depuis longtemps. Une réunion de tant de bonnes volontés à ce forum nous redonne espoir en la possibilité de <i>re-magifier</i> la médecine, tout en protégeant l’eau, les sols, l’air, privilégiant ainsi la santé et la survie de l’ensemble du vivant.</p>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'vers-un-reenchantement-du-systeme-de-sante-grace-a-la-crise-ecologique', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 320, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 8, 'person_id' => (int) 6493, 'post_type_id' => (int) 1, 'poster_attachment' => null, 'editions' => [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Edition) {} ], 'tags' => [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Tag) {}, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Tag) {}, (int) 2 => object(App\Model\Entity\Tag) {} ], 'locations' => [], 'attachment_images' => [ (int) 0 => object(Cake\ORM\Entity) {} ], 'attachments' => [ (int) 0 => object(Cake\ORM\Entity) {} ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'comments' => [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Comment) {}, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Comment) {}, (int) 2 => object(App\Model\Entity\Comment) {} ], 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ '*' => true, 'id' => false ], '[dirty]' => [], '[original]' => [], '[virtual]' => [], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [], '[invalid]' => [], '[repository]' => 'Posts' } $relatives = [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 4030, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => false, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => null, 'readed' => null, 'subhead' => null, 'title' => 'Croire faire un voyage: une résidence artistique au Musée Jenisch', 'subtitle' => 'Une longue méditation active à l’abri du monde. 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Aiguilles, fils, colle, punaises, pièces, peinture, pinceaux.</p> <p>Déposer mon autoportrait sur lequel je vais «intervenir» en peignant, en collant et en brodant. Ce tirage photographique est destiné à devenir une vanité contemporaine. Alentour, les paysages de Giacometti, Hodler, Vallotton et d’autres des XVIIIème et XIXème siècles. Une œuvre me fait de l’œil. L’huile noire sur fond blanc d’Ariane Laroux, <i>Rencontrer Germaine Tillon</i>. Christiane Brunner, lorsque j’étais allée la photographier chez elle pour le projet <a href="http://annevoeffrayphoto.ch/sorcieres/"><i>Sorcières</i></a>, m’avait offert le superbe livre de cette dernière. Et puis, les portraits de Courbet, Arlaud, Hodler, Barraud. Des figures d’hommes austères, sérieux, qui tiennent leur rang. Cuno Amiet peint son frère César de manière plus introspective, intime. La broderie de Mariam Pernath me rappelle à mon projet, sous le regard franc de Berthe par Edmond Bille, père de Corinna que j’aime tant.</p> <p>Méditation. Oter des chapeaux des punaises. Sale boulot? Long travail! Savourer l’espace, le vide. Un tableau est décroché. Il part en voyage à New York. Qui va le remplacer? En quelques heures, se sentir à la maison. A la place, le portrait d’un inconnu en noir et blanc ressemblant à Germinal Roaux. Pas de cartel, pas de nom. Ne pas demander. Préférer le mystère de la présence anonyme.</p> <p>Le soir vient. Les bruits s’estompent comme la lumière naturelle, puis disparaissent. Finir d’ôter les capuchons de trois cent punaises. Aucun bruit. Penser, rêver que l’on m’a oubliée. Passer la nuit ici? Saluer Michel (Foucault) et ses hétérotopies. Le musée, espace hors du temps, héberge l’imaginaire.</p> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1673517782_capturedcran2023011211.02.06.png" class="img-responsive img-fluid center " width="507" height="339" /></p> <h4 style="text-align: center;"><em>Punaises, colle et pièces © Anne Voeffray</em></h4> <p><strong><i>Mardi</i></strong></p> <p>En chemin, appréhender devoir partager avec le public «mon» nouveau lieu créatif, «mes» amies Berthe et la sculpture sans nom du hall. D’ailleurs, si nous sommes amies, quel est son nom? Qui est-elle? D’où vient-elle?</p> <p>Sans public, avec la seule présence des deux femmes de ménage discrètes, déposer de la peinture dorée sur le cadre blanc de mon tirage. Comme prévu, dans un premier temps, c’est laid… Détériorer, détruire pour créer ensuite autre chose. Vertige. Courage. S’amuser avec la lumière de la pièce. Lorsque je ne bouge pas, la lumière s’estompe et la mocheté aussi. A cet instant, l’homme chargé de la maintenance de la maison surgit et m’explique les capteurs…</p> <p>Une résidence artistique est jusqu’ici une cure, une retraite, une méditation avec soi, l’autre et le monde silencieux des œuvres. Accepter et faire confiance. Une purge et un remède. Un soin de son passé et celui de ses ancêtres. Ma mère, sculptrice de tissus, m’accompagne et je lui rendrai hommage avec mes fils d’or brodés sur mon tirage. Ce lieu est un Temple. L’est-il aussi, encore, pour les femmes de ménage, les techniciens, les administratrices du Lieu? Le public va arriver avec ses regards multiples. Sera-t-il curieux, instruit, cultivé, instinctif, bavard, consommateur, introspectif, amateur, religieux, hautain, ami?</p> <p>Une porte s’est ouverte à ma droite. Il y a un jeune homme une canne à pêche à la main et des voiles au loin. Un Bocion. Nous allons pouvoir cohabiter.</p> <p>Le premier couple de visiteurs me demande si je fais de la restauration d’art. En quelque sorte oui, je restaure l’un de mes tirages «raté» – imprimé de manière décalée – avec l’envie de réaliser une pièce unique. Rêve de tout photographe désireux de créer de la rareté à partir du multiple qu’est la photographie. Une vieille dame répond, à regret, à mon bonjour. Certaines personnes préfèrent peut-être les artistes morts. Je suis vivante. Un monsieur n’ose presque pas entrer. Ne pas déranger, ne pas faire de bruit. Aimer le silence, guetter le calme, rechercher le refuge. Nous sommes semblables. Broder, rêver et songer au sublime film <a href="https://www.cine-feuilles.ch/film/1487-brodeuses"><i>Brodeuses</i> d’Eléonore Faucher</a>. L’homme a disparu comme un chat. Un visiteur prend mon livre <i>Sorcières</i> entre ses mains et dit, sur un ton mi-péremptoire mi-amusé: «Elles ont été exécutées en raison de leur Q.I. trop élevé!» Rires.</p> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1673517904_capturedcran2023011211.04.06.png" class="img-responsive img-fluid center " width="435" height="647" /></p> <h4 style="text-align: center;"><em>L’amie © Anne Voeffray</em></h4> <p><strong><i>Mercredi</i></strong></p> <p>Tout le monde est là ce matin, bien tranquille. Mon autoportrait en plan, au centre, entouré de la statue sans nom, des paysages lourdement encadrés et des visages de mes amis peints.</p> <p>Une artiste en déshérence momentanée, également en résidence dans une galerie en ville, vient me parler. Le manque d’inspiration arrive à tous les artistes. Ça ira… Continuer, toujours. Communier. Elle s’installe un moment sur le canapé, remercie, repart, semble satisfaite.</p> <p>Un autre artiste partage avec moi mille cinq cent idées à la seconde, toutes hors du cadre. Justement, je m’y remets à mon cadre. Il sera peut-être trop clinquant, trop kitsch, trop brillant, trop chargé. Assumer. Se souvenir de l’exposition <i>L’art brut s’encadre</i> imaginée par Michel Thévoz. Coller des centaines de pièces de monnaie collectionnées depuis des années sur des punaises décapsulées. <i>Arte povera</i>. Avoir la tête qui tourne. Penser à Niki de Saint Phalle, morte des effluves toxiques de ses peintures? Ou d’une vie trop intense? Envier Ai Weiwei qui engage de petites mains pour s’acquitter de ces tâches ingrates. Mais… aimerais-je toute sa vie à lui? Non. </p> <p>Un monsieur, après avoir tout regardé dans le détail – tirages, livres, notes d’intentions – repart en me lançant joyeusement: «Heureusement, il y a des artistes qui voient plus loin que le bout de leur nez!»</p> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1673518008_capturedcran2023011211.05.59.png" class="img-responsive img-fluid center " width="445" height="291" /></p> <h4 style="text-align: center;"><em>© Nastasia Louveau, Mosaïc Room, 2022</em></h4> <p><strong><i>Jeudi</i></strong></p> <p>Avant-dernier jour. Comment rester, me cacher dans un coin, me substituer à une œuvre? </p> <p>Un vieux monsieur me demande: «Est-ce que vous faites du raccommodage?» Rires à lui et sourire intérieur à ma mère. Un couple arrive. Elle a des étoiles plein les yeux autour des <i>Sorcières</i>. Lui: «Vous aimez la Beauté!» Oui, ce n’est pas un vilain mot pour moi. Et, de nos jours, nous en avons besoin. Soit pas de cadre, soit un cadre trop imposant. Essayer. Défendre la matérialité, de la monnaie (lu un article disant que défendre le cash serait une thèse complotiste, sourire intérieur), comme des brodeuses et couturières «en voie de disparition», face à l’injonction à l’immatérialité, la numérisation dans le monde de l’art, et ailleurs. Le monsieur me demande combien je suis payée pour animer le musée. Je ris. Il ajoute malicieux: «Vous vivez de prestige et d’eau fraiche!»</p> <p>Percer mon tirage avec les punaises. Le geste n’est pas anodin. Penser à mon prochain atelier créatif <i>Destruction & Création</i>.</p> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1673518089_capturedcran2023011211.07.25.png" class="img-responsive img-fluid center " width="491" height="367" /></p> <h4 style="text-align: center;"><em>© Sara Terrier, Musée Jenisch, 2022</em></h4> <p><strong><i>Vendredi</i></strong></p> <p>Se souvenir du film d’animation <a href="https://www.cine-feuilles.ch/film/3839-tableau-le"><i>Le tableau</i> de Jean-François Laguionie</a>. En notre absence, les personnages peints ont une vie sociale, des conflits, des émotions, collaborent, tombent amoureux. Et lorsque l’on entre dans la salle du musée, ils reprennent leurs poses, se remettent en représentation. Ce qui explique sans doute pourquoi ils ne sont pas exactement les mêmes lorsqu’on les revoit, teintés de leurs vies parallèles.</p> <p>Une classe d’enfants de neuf ans emplit l’espace du musée de ses cris joyeux. Le petit groupe s’amasse devant ma table de travail. Une jeune fille lève immédiatement la main et affirme, péremptoire: «C’est le visage d’une personne morte avec du sable dessus!» Stupéfaction. Il va falloir adapter mon discours, revoir ma copie instantanément. En effet, c’est un tirage photographique intitulé, selon la suggestion d’une amie, «Autoportrait du Fayoum». Hommage aux peintures, en Egypte ancienne, qui représentaient les personnes mortes pour s’en souvenir. C’est l’une des définitions de la photographie, outre l’écriture avec la lumière. Photographier c’est se souvenir d’instants passés, morts et renouvelés aujourd’hui. <i>Memento mori</i>.</p> <p>Deux sœurs souhaitent voir un grand tirage noir et blanc d’une toile d’araignée issu de <a href="http://annevoeffrayphoto.ch/magma-3/"><i>Magma</i></a> et s’exclament: «On dirait une gravure!» Merci pour le compliment.</p> <p>Une femme malentendante comprend avec clairvoyance la problématique du cadre qui m’occupe. Elle met en lien celui de l’autoportrait du Fayoum et celui qui entoure les <i>Sorcières</i>. Elle-même fait partie de cette marge. Un jeune homme – lunettes de soleil roses à miroirs et perfecto blanc – fait irruption. Il me demande de faire son portrait, avec l’un de mes pinceaux dans sa main, devant un tableau à l’huile <i>Portrait du Professeur Emile Yung</i> de Ferdinand Hodler, 1890.</p> <p>Claudine est une scintillante artiste d’un certain âge, qui grave et travaille avec fils, cheveux, poils. Elle s’amuse de me découvrir dans la pénombre, comprend mon travail instantanément et repart, dans un éclat de rire, les <i>Sorcières</i> à la main. Elle m’enverra un courrier au musée.</p> <p>Dire au revoir à l’équipe, à l’amie sculptée et aux autres peintes. Plier bagage, chargée, fatiguée, mais intensément contente.</p> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1673518328_capturedcran2023011211.11.20.png" class="img-responsive img-fluid center " /></p> <h4 style="text-align: center;"><em>© Claudine Hildbrand-Leyvraz, 2022</em></h4> <hr /> <h4>«On croit qu'on va faire un voyage mais bientôt, c'est le voyage qui vous fait ou vous défait.», Nicolas Bouvier dans <em>L'Usage du monde</em>, 1963.</h4>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'croire-faire-un-voyage-une-residence-artistique-au-musee-jenisch', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 351, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 6, 'person_id' => (int) 6493, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'comments' => [ [maximum depth reached] ], 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Posts' }, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 3265, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => true, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => null, 'readed' => null, 'subhead' => null, 'title' => '«Big pharma», quel bilan écologique?', 'subtitle' => 'La politique actuelle du tout vaccinal nous montre ses limites, tant sur le plan sanitaire qu’écologique. 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Sa <a href="https://www.rts.ch/info/regions/valais/9359659-lonza-et-le-valais-savaient-pour-la-pollution-au-mercure-depuis-40-ans.html">pollution au mercure</a> — plusieurs dizaines de tonnes déversées dans le Rhône — continue de ressurgir ici et là. Pendant des années, Lonza aurait également pollué les eaux avec un solvant cancérigène, le <a href="https://www.24heures.ch/suisse/lonza-accusee-pollue-leau-potable-hautvalais/story/20625630">1,4-dioxane</a> et avec un autre produit toxique et cancérigène, la <a href="https://www.letemps.ch/suisse/hautvalais-se-decouvre-une-nouvelle-pollution">benzidine</a>. Ni la population, ni les professionnels de la santé n’ont accès à l’entier des composants des vaccins de Moderna. Au vu des nombreux scandales environnementaux liés à Lonza, nous pouvons douter qu’ils obtiennent le label bio. </p> <p><strong>De saison?</strong> La Confédération a conclu des contrats, dont les montants sont tenus secrets, avec cinq fabricants pour près de <a href="https://www.bag.admin.ch/bag/fr/home/krankheiten/ausbrueche-epidemien-pandemien/aktuelle-ausbrueche-epidemien/novel-cov/impfen.html">52 millions de doses</a> de vaccins jusqu’en 2023. Elle annonce, après avoir vanté leur très grande efficacité, une troisième dose. Comme les tomates hors-sols, les vaccins semblent déjà être disponibles pour les années à venir en toute saison.</p> <p>La seule solution vaccinale, adoptée localement et à l’échelle de la planète, contribue à creuser notre propre tombe en accroissant notre dépendance énergétique et en persévérant à détruire le vivant.</p> <h3>Omerta politique sur les questions écologiques?</h3> <p>Pourquoi cette problématique des productions des <i>big pharma</i>, pourtant fondamentalement liée aux questions biologiques, est-elle absente des prises de position officielles des partis écologistes? Nous avons entendu vaguement çà et là que la destruction du vivant aurait favorisé l’émergence de ce coronavirus, ou de ses variants, et contribuerait ainsi à nous exposer à l’avènement de nouveaux virus dans le futur. Les Verts suisses dans leurs directives de vote sur la loi Covid semblent plus soucieux de préserver leur <a href="https://verts.ch/recommandation-de-vote/oui-a-la-loi-covid-19">liberté de pouvoir continuer de voyager à l’étranger</a>, quand bien même on sait, outre le problème de la pollution générée, que les déplacements ont largement contribué à la diffusion du coronavirus sur l’ensemble de la planète.</p> <p>Ces questions n’empêchent nullement un grand nombre de nos politiques de chanter en chœur la gloire de la vaccination anti-covidienne en population générale. Lorsque l’on parle de santé, serions-nous d’accord de nous satisfaire de notre bonne conscience «d’écolo-bobo qui mange bio, trie ses déchets et se déplace à vélo»? Tous les moyens, même les plus polluants et énergivores, seraient-ils bons puisqu’il s’agit de santé? Nos yeux devraient-ils se fermer devant les conséquences écologiques dramatiques de certains choix politiques? Le solutionnisme sanitaire-sécuritaire peut-il faire l’économie d’un examen de conscience écologique?</p> <p>Quelques Verts minoritaires soufflent leur désaccord vis-à-vis de cet aveuglement irresponsable, sous le couvert de l’anonymat, craignant peut-être un lynchage médiatique ou les possibles représailles des membres du parti. «Avant d’être formalisé par un décret de censure ou de s’incarner sous les traits d’un fonctionnaire du Parti, l’étiolement de la liberté d’expression s’éprouve comme une ambiance, un sentiment d’intimidation, un embarras presque mondain qui fait s’évapore» (<a href="https://reporterre.net/La-discussion-du-Covid-19-est-placee-sous-couvre-feu">Célia Izoard</a>). 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Tout comme pour les abeilles, ne vaudrait-il pas mieux se familiariser avec l’idée que les virus et bactéries, sont des entités avec lesquelles il va nous falloir non pas lutter, mais <a href="https://www.24heures.ch/sarah-gilbert-nous-allons-apprendre-a-vivre-avec-le-virus-914508407239">cohabiter</a>?</p> <p>Il existe pourtant des alternatives: offrir une politique de prévention en renforçant nos défenses immunitaires naturelles à l’aide des médecines complémentaires faisant partie intégrante de notre Constitution suisse (art. 118a); développer une promotion de la santé auprès des personnes souffrant de ces <i>maladies de civilisation</i>, notamment la <a href="https://www.federationdesdiabetiques.org/information/diabete/chiffres-monde"><i>pandémie</i> de diabète</a>, alors que les confinements ont exacerbé leurs risques vis-à-vis du virus; proposer une vaccination ciblée aux populations à risque (ce qui est fait) et laisser vivre les autres en leur permettant de développer leur immunité; <i>soigner</i> à domicile, précocement, les gens ayant contracté le virus plutôt que les enfermer seuls chez eux sans surveillance ni soins médicaux; <a href="https://www.parlament.ch/fr/ratsbetrieb/amtliches-bulletin/amtliches-bulletin-die-verhandlungen?SubjectId=53466">renforcer notre système hospitalier défaillant</a> — cause des semi-confinements successifs — suite aux politiques d’austérité déployées depuis plus de vingt ans; améliorer enfin les conditions de travail des soignants; <a href="https://www.monde-diplomatique.fr/2020/03/SHAH/61547">développer l’écologie</a> en protégeant les habitats des animaux sauvages et en évitant les dangers de l’élevage industriel.</p> <hr /> <h4><a href="http://annevoeffrayphoto.ch" target="_blank" rel="noopener">Le site personnel d'Anne Voeffray</a>.</h4>', 'content_edition' => 'Nous étions deux dans la salle d’un cinéma indépendant lors de la projection du documentaire de Perrine Bertrand et Yan Grill, «Etre avec les abeilles». 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Dès lors, comment créer un lien avec des personnes masquées, apeurées ou angoissées, alors que l’injonction est à la «distanciation sociale» et comment offrir des espaces de liberté, de rêve, de réflexion commune, quand nos corps et nos esprits sont soumis à l’appel général au «confinement»? 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Rire et rêver d’un autre monde. Les concerts spontanés aux balcons nous ont offert des moments de grâce. Les enfants qui jouaient à nouveau dans les rues et dessinaient à la craie sur le bitume semblent être des images rêvées. Même les oiseaux devenaient plus lyriques dans un ciel non délimité par les traces des avions. </p> <p>Il serait intéressant d’étudier comment et avec quelles reconfigurations une période de crise aiguë change le rapport entre désir de consommation et nécessité de création artistique. J’aime imaginer que des anonymes, privés des offres culturelles habituelles, se mettent à peindre, à chanter, à cuisiner… La mise entre parenthèses des offres culturelles nous offre un temps retrouvé, celui de l’ennui et peut-être aussi celui de la création.</p> <p>Quelques initiatives individuelles — «The garden» du photographe Erik Madigan rendant hommage à sa mère morte du Covid — ou collectives — «Temps suspendu», appel à projet lancé par la plateforme pour la photographie en Suisse PHOTOAGORA —, ne suffisent pas à cacher le relatif silence de certains artistes. S’agit-il d’y lire le signe d’une inquiétude face à leur avenir financier et donc créatif? Comment en effet questionner le système, ses choix politiques passés et présents discutables, lorsque celui-ci nous plonge dans la précarité? Je ne parlerai pas ici des artistes institutionnalisés qui ne peuvent se permettre la remise en question de la main qui les nourrit… L’impossible transposition de la danse sur un écran virtuel pose également la question de la nécessité du corps à corps avec le public. Même la photographie a besoin d’un support tactile: avoir envie de toucher une image, être touché par elle. Le Conseil fédéral suisse ayant considéré en effet que les restrictions n’empêchent pas les photographes d’exercer leur métier, comment réaliser des portraits, comme un pas de danse à deux, tout en respectant la «distanciation sociale»? Comment transmettre l’amour de la photographie lors d’ateliers, alors que le collectif est banni? </p> <p>La créativité en temps de crise de la plupart des politiques culturelles et des institutions muséales devrait être analysée sociologiquement. Comment celles-ci, malgré le soutien financier public dont elles ont continué à bénéficier durant leur fermeture imposée, outre les visites virtuelles, la diffusion en ligne de spectacles et la mise à disposition de certaines archives, ont-elles su réinventer de nouveaux espaces temporaires et virtuels d’exposition, ouverts aux artistes locaux ou au public? <i>L’Institut pour la photographie</i> de Lille a développé un nouveau format de capsules «Une photographie, des regards», qui associe le son aux visuels des expositions d’<i>extraORDINAIRE</i>: une manière didactique originale et inspirante de développer son regard et la lecture critique des images. Le groupe indépendant néerlandais <i>Tussen kunst & Quanrantaine</i> a invité les créateurs en herbe à s’inspirer d’œuvres célèbres à l’aide d’objets de leur quotidien créant ainsi une immense et foisonnante banque de données d’autoportraits de confinement sur Instagram. 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En nous offrant d’imaginer d’autres possibles, l’art en temps de crise contribue enfin à déciller nos yeux, grâce à la mise en lumière d’aspects philosophico-politiques que l’on ne peut ou ne veut voir en temps «normal», c’est-à-dire dans un temps où l’on n’a pas le temps de voir… </p> <p>Pour conclure, quelles fragilités socio-politiques et sanitaires se trouvent révélées par cette crise sous le prisme de l’art? La réouverture différée des musées, galeries, librairies — pourtant peu habitués à de grandes affluences, hors vernissages et dédicaces — indique clairement la place hiérarchique que l’on accorde à l’art dans notre société, soit après la grande distribution et les biens de consommation courants… Sans parler de la tentative d’aseptisation des arts de la scène — artistes masqués face à un public disséminé — digne d’un sketch de Fernand Raynaud.</p> <p>Que dire enfin de l’aide d’urgence accordée aux artistes par les autorités? Amenés à puiser dans leurs réserves financières, s’ils en ont, ils se trouvent souvent réduits à quémander des aides privées ou s’endetter, alors que les milliards pleuvent sur les compagnies d’aviation et autres multinationales. Nourritures du corps versus celles de l’esprit, nos dirigeants semblent omettre le fait pourtant scientifiquement prouvé (voir les 146 pages du rapport de l’OMS sur cette question) que l’art est décidément bon pour la santé!</p> <p style="text-align: center;"><em>«Art is a Guaranty of Sanity», Louise Bourgeois</em></p> <hr /> <h4 style="text-align: left;">Ce texte a été rédigé au printemps 2020, lors du premier semi-confinement. 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Ce système est en crise depuis longtemps et ses coûts ne cessent d’augmenter. L’écosystème foisonnant du «Forum suisse pour la durabilité du système de santé: comment réussir la transformation?» pose sur la table ces constats alarmants et invite les professionnels à questionner leurs valeurs et réinventer leurs pratiques: entre économie, technologie et réenchantement.
Les médicaments? Un éléphant dans la pièce
Issus des industries pharmaceutiques, les médicaments sont comme «An Elephant in the Room» de Banksy, comme le déplore René Jaccard. Ce dont personne ne parle. Ce qui prend pourtant presque toute la place. En effet, certaines molécules chimiques ont un éco-bilan toxique catastrophique, si l’on prend en compte tous les éléments de leur cycle de vie: extraction, production, transport, conservation, emballage, distribution, destruction.
Les entreprises pharmaceutiques, plus polluantes que l’industrie automobile, seraient responsables de près du tiers de l’empreinte carbone des systèmes de santé, sans compter les pollutions chimiques sur leurs sites de production. Prescrits aux humains et administrés au bétail, les médicaments ingérés, une fois excrétés, finissent dans l’environnement impactant négativement la flore et la faune terrestre et aquatique. Les chercheurs observent une absence problématique de transparence de la part des industriels de la chimie. Ce ne sont pas les procès perdus par les industriels de la pharma, représentant pourtant des milliards, qui ont le moindre impact sur leurs méthodes, tant ces amendes sont ridicules au regard des profits engrangés. Cette opacité, associée à une carence de surveillance et de réglementation étatique, contribue à une baisse de confiance de la population face aux produits pharmaceutiques et leurs pourvoyeurs.
L’impact de nos médicaments sur le vivant est étudié par Unisanté. Contrairement aux pesticides, les micropolluants pharmacologiques ne sont pas limités quantitativement et ne sont ni filtrés, ni traités par les stations d’épuration en Suisse. Tifaine Charmillot et ses collègues observent des conséquences sanitaires, telles que la résistance aux antibiotiques ou les troubles de la fertilité dûs aux perturbateurs endocriniens, sans compter les effets plus dramatiques encore pour les pays producteurs des matières premières comme l’Inde ou la Chine. Selon Valérie D’Acremont, la source du problème provient bien moins des exigences des patients que des médecins prescripteurs de produits pharmaceutiques. Nos médecins pourraient pourtant supprimer, substituer, proposer des alternatives non pharmacologiques ou diminuer les doses médicamenteuses. Le réflexe de l’ordonnance en fin de consultation est ancré dans les pratiques. Au détriment du vivant.
Leur but n’étant pas que philanthropique, nous sommes pourtant devenus dépendants des industriels. Dans le documentaire 36.9° Médicaments: autopsie d’une pénurie, ces derniers admettent ouvertement être tournés vers un profit pour eux-mêmes et leurs actionnaires, les attirant vers des produits novateurs et onéreux, au détriment d’un service sociétal de maintien d’une offre d’anciens médicaments génériques accessibles, bon marché et produits localement. Les populations se trouvent désarmées face aux pénuries et dépossédées de leur souveraineté sanitaire quand bien même elles sont contraintes de les financer largement à travers leurs cotisations à l’assurance maladie obligatoire. Les géants de la pharma mondialisée, couplés au pouvoir technocratique médical et au pouvoir politique: voici le nouveau trio.
La «santé» au défi des «solutions»
Tout en étant à la source du problème, vu le modèle productiviste dans lequel nos sociétés sont empêtrées, le solutionnisme techno-scientifique nous promet de résoudre le «nouveau» défi environnemental. En 1974 déjà, le philosophe André Gorz, dans un article intitulé «Leur écologie et la nôtre» prévoyait «la récupération de l’écologie par l’industrie et les groupes financiers»: c’est-à-dire par le capitalisme, actuellement, le néolibéralisme mondialisé. L’innovation technologique nous sauverait, du changement climatique comme de la maladie. Certes, comme l’affirme un médecin institutionnel, dans le cadre de la biomédecine: «La technologie peut amener sa contribution. On n’a pas envie de revenir à l’âge de pierre». Mais la tentation de maintenir l’expert techno-médical au centre, au détriment du patient, reste présente chez certains professionnels. Ce réflexe pourrait s’expliquer par le souhait de préserver une vision prestigieuse de la médecine avec ses privilèges symboliques et économiques.
Nous relevons un impensé au cœur de certaines propositions: croire que l’intelligence artificielle ou le développement de nouvelles app pour évaluer nos émissions de CO2 vont nous aider à solutionner les problèmes… écologiques! Ces idées paradoxales omettent non seulement l’impact de notre cyberdépendance, les risques relatifs à l’exploitation de nos données personnelles, mais aussi les répercussions de la digitalisation de nos vies sur l’environnement: comme l’extraction de terres rares pour la fabrication des outils numériques ou la consommation gourmande en électricité et en eau pour refroidir les installations des centres de données. A l’ère du capitalisme de surveillance décrit par Shoshana Zuboff, il ne s’agit pas d’être technophobes, mais de réfléchir à «(…) la possibilité même d’un épanouissement démocratique et humain». Solange Ghernaouti préconise même une retenue numérique, car «La numérisation de toutes nos activités engendre toujours plus de destruction, d’exploitation et de consommation de ressources naturelles.»
Comme s’interrogent Barbara Stiegler ou Roland Gori, faut-il s’adapter constamment, se réformer, faire des efforts, réduire, se restreindre, faire des économies? Faut-il imposer de nouvelles normes, de nouvelles obligations, de nouvelles restrictions? Faut-il faire moins? Cette ritournelle des nouvelles politiques publiques: «la fin de l’abondance!», est un vœu pieux, triste et désespérant. L’enjeu est bien, non pas de surveiller, punir, contraindre et compresser des soignants déjà sous pression, mais se demander comment faire autrement et faire envie aux personnels de santé, à ceux qui risquent d’être désignés comme réfractaires au changement et qui, à raison, verront d’un mauvais œil toute nouvelle bureaucratie au nom du climat. Comment donc, non pas seulement faire moins, mais faire mieux avec créativité et joyeusement?
Vers un nouveau paradigme réenchanté?
La tâche est grande, afin de dépasser le cercle des convaincus au sein d’un système de santé largement conservateur et rigide. Il est urgent de sensibiliser les jeunes médecins en formation: repenser les définitions de la santé, de la maladie, du soin, débiomédicaliser, développer une vision holiste, inter ou transdisciplinaire, développer un nouveau paradigme pour une médecine et des soins durables low tech, ainsi que des approches alternatives de soins et de promotion de la santé. Pour Stéfanie Monod, il est temps de remplacer «notre vieux système de soins hospitalo-centrés», par un nouveau modèle qui réponde mieux aux besoins de notre société et fasse une large place à la promotion de la santé.
Il s’agit aussi de simplifier le système de santé, afin d’améliorer la qualité des soins tout en diminuant les coûts. Comme le rappelle Sophie Ley, il serait temps de prendre soin de la durabilité des soignantes et soignants – ne trouvant plus le sens de leur engagement dans un contexte désenchanté – en leur offrant l’occasion de survivre plus que deux ans dans leur métier. La discrépance entre leur excellente formation professionnelle humaniste et la réalité triviale trop souvent déshumanisée du terrain est un élément largement sous-estimé par les politiques qui se contentent, en réponse à la pénurie, de préconiser l’augmentation du nombre de professionnels formés. Une hémorragie ne se traite pas uniquement en administrant du sang neuf.
La question fondamentale reste bien celle que formulait Gorz: «Que voulons-nous? (…) Réforme ou révolution?» Dans cette filiation, Pierre-Yves Maillard accuse avec énergie le système structurel absurde de payement à l’acte. Inhérent à cette idéologie capitaliste de la croissance financière, ce système incitatif à produire des consommables techniques et quantitatifs, conduit à l’augmentation continuelle des primes d’assurance maladie. Etant pourtant la source du problème, il dénonce le fait que personne ne souhaite changer cette donnée de base, surtout pas la FMH! Il propose de repenser la mission des hôpitaux avec une logique de service public: notamment grâce à un renforcement des soins de prévention et des soins palliatifs dignes de ce nom.
Ces enjeux seront exercés au sein d’une assemblée citoyenne académique, avant d’être traités en partenariat avec l’ensemble de la société, dans une démarche de participation citoyenne éco-créative. Jurgen Habermas, cité par Nicolas Senn, nous rappelle que le nombre de votes ne suffit pas à donner de la légitimité mais nécessite une bonne délibération, contrairement à ce qui est avancé dans cet éditorial sur la Démocratie sanitaire en Suisse. Une véritable démocratie sanitaire, outre un débat ouvert aux alternatives, nécessite également une information transparente, afin de proposer un choix pouvant conduire à un consentement totalement libre et éclairé. Il serait ainsi bon de développer des assemblées citoyennes, avec une gouvernance partagée, afin de réfléchir ensemble à quelles valeurs cultiver. Comment valoriser et réenchanter nos existences de patients, de soignants? Quelle place pour la Beauté, la Nature, l’Amour, l’Art, l’Ethique?
Ces réflexions socio anthropologiques et philosophiques sont en effet vouées à se déplacer du cercle de la santé publique vers la société civile, afin de créer le monde que l’on souhaite voir advenir. Au nom du bien commun, au sein de ce qu’Ivan Illich nomme Némesis médicale, souhaitons-nous toujours des médicaments issus de la dernière technologie, mais générant souvent des effets secondaires, tout en étant très coûteux pour la société et très polluants pour notre environnement? Avons-nous encore confiance dans une recherche médicale désinvestie par le financement public au profit d’un «partenariat» avec le privé et engendrant des conflits d’intérêts? Croyons-nous encore à l’idéologie du progrès, sachant qu’il contribue parallèlement à la destruction du vivant? Rêvons-nous de télémédecine? Avons-nous envie de finir nos jours dans un EMS en relation avec des robots de compagnie? Désirons-nous vivre le plus longtemps possible même en mauvaise santé? In fine, croyons-nous, grâce à un acharnement thérapeutique, accéder à la vie éternelle et ainsi être sauvés de notre propre mort?
Comment réenchanter le système de santé? Même si c’est insuffisant et peu désirable, dans un premier temps, analyser chaque acte, tout en gardant l’approche biomédicale classique, car chaque geste individuel et collectif compte. Sans doute aussi, faire de la place au sein de la recherche et des pratiques cliniques à ces médecines alternatives complémentaires, «douces», parallèles, naturelles, intégratives, holistes, ancestrales, retrouvées dans la bibliothèque d’UNIGE, inscrites dans notre Constitution et auxquelles la population suisse est très attachée. Nous entendrons parler de ces autres médecines qui pourraient accompagner la débiomédicalisation subie (à cause des futures possibles restrictions ou coupures énergétiques) ou souhaitée pour leurs qualités intrinsèques. Nous pouvons faire de ces crises multiples, une chance, afin de réenchanter le monde, littéralement, re-magifier la vie.
Les savoirs médicaux ancestraux, empiriquement efficaces, peu onéreux et non polluants, sont souvent non prouvés scientifiquement. Prises dans un cercle vicieux, les médecines naturelles sont une potentielle menace pour l’industrie du médicament. Elles se trouvent ainsi discréditées par des lobbys pharmaceutiques qui ne vont pas leur offrir de financement pour leurs éventuelles recherches scientifiques. Par ailleurs, le modèle économique néolibéral est souvent le même et l'impact environnemental rarement abordé. Comment s’y retrouver? Comment trouver ce juste milieu pour une personne atteinte dans sa santé, ou simplement désireuse de la conserver, entre des réponses qui semblent si opposées et en l’absence d’information transparente et loyale? Il s’agirait sans doute d’éviter de confronter médecine allopathique et médecine naturelle qui ont tout intérêt à se compléter. C'est le modèle global de l’industrie de la maladie qui doit être revu, afin d'envisager au mieux la santé, notamment en termes d’équité, ici comme ailleurs. Au sein d’un nouveau paradigme en santé qui existe déjà à l’état embryonnaire, voici quelques exemples d’initiatives biologiques, locales, scientifiques, opulentes et sources de joie.
Relevant le défi de valider des traitements non brevetables par la recherche scientifique et grâce au soutien financier de la fondation Antenna, Bertrand Graz a développé une pharmacie verte – plantes médicinales économiques, locales et naturelles – facile à utiliser en soin de premier recours par tout le monde même les plus démunis. Cet outil se trouve être, en outre, très utile en cas de rupture d’approvisionnement de médicaments allopathiques. De son côté, Rola Darwiche a développé un «jardin de santé», puis un parc permaculturel composé de plantes comestibles et médicinales, autour de son cabinet médical en campagne genevoise. Elle invite à la réflexion autour des «prescriptions vertes» en partenariat et en cocréation fertile avec ses patients-experts. Cette démarche lui a permis la création de l’observatoire citoyen de la santé One Health Permaculture. L’étude validée avec la médecine basée sur les preuves d’Anne Laure Cavin teste quant à elle l’efficacité de produits naturels hypoglycémiants pour patients diabétiques. Les premiers résultats sont positifs. Les patients sont enthousiastes, ont moins d’effets secondaires, développent une meilleure souveraineté en santé et prennent mieux soin d’eux. Enfin, deux initiatives inspirantes du point de vue de leur démarche communautaire et participative sont citées en exemple par Nicolas Senn: le Village 2 Santé en France et la Maison médicale antenne Tournesol en Belgique.
Funambulisme réenchanteur
De l’ego (médecine) à l’éco (médecine), que nous soyons soignants ou patients, nous voici sur le fil du funambule citoyen. Comme l’écrivait le philosophe Antonio Gramsci: «Le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître dans ce clair-obscur surgissent les monstres». En vue de ce nouveau paradigme, nous observons une confrontation de visions du monde qu’il s’agira de mener sur le terrain démocratique et avec transparence. Quelles articulations entre les initiatives venant d’en haut, potentiellement autoritaires et désincarnées, et celles venant d’en bas, plurielles, locales et fertiles?
A la grâce des différentes crises, les participants à ce colloque s’accordent à souhaiter privilégier la salutogenèse de leurs patients, les ressources naturelles régionales et la souveraineté pharmaceutique, tout en limitant les gaspillages et pollutions induites par leurs pratiques. Nous avons tenté de dessiner non seulement ce à quoi il s’agirait de renoncer, mais surtout esquisser quelques voies alternatives vers un autre projet de société. Ce que Gorz, Illich et de nombreux citoyens appellent de leurs vœux depuis longtemps. Une réunion de tant de bonnes volontés à ce forum nous redonne espoir en la possibilité de re-magifier la médecine, tout en protégeant l’eau, les sols, l’air, privilégiant ainsi la santé et la survie de l’ensemble du vivant.
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L’écosystème foisonnant du <a href="https://www.samw.ch/fr/Projets/Apercu-des-projets/Forum-durabilite-systeme-sante.html">«Forum suisse pour la durabilité du système de santé: comment réussir la transformation?»</a> pose sur la table ces constats alarmants et invite les professionnels à questionner leurs valeurs et réinventer leurs pratiques: entre économie, technologie et réenchantement.</p> <h3>Les médicaments? Un éléphant dans la pièce</h3> <p>Issus des industries pharmaceutiques, les médicaments sont comme <a href="https://www.youtube.com/watch?v=bhhGZtdvs80">«An Elephant in the Room»</a> de Banksy, comme le déplore <a href="https://saez.ch/article/doi/saez.2019.17459">René Jaccard</a>. Ce dont personne ne parle. Ce qui prend pourtant presque toute la place. En effet, certaines molécules chimiques ont un éco-bilan toxique catastrophique, si l’on prend en compte tous les éléments de leur cycle de vie: extraction, production, transport, conservation, emballage, distribution, destruction.</p> <p>Les entreprises pharmaceutiques, <a href="https://theconversation.com/lindustrie-pharmaceutique-emet-plus-de-gaz-a-effet-de-serre-que-lindustrie-automobile-118251">plus polluantes que l’industrie automobile</a>, seraient responsables de près du tiers de l’empreinte carbone des systèmes de santé, sans compter les pollutions chimiques sur leurs sites de production. Prescrits aux humains et administrés au bétail, les <a href="https://www.revmed.ch/livres/sante-et-environnement/partie-2-environnement-sante-et-societe-perspectives-multidisciplinaires/perspective-des-risques-environnementaux-pour-la-sante-humaine/29-ecotoxicologie-des-medicaments#tab=tab-toc">médicaments ingérés, une fois excrétés, finissent dans l’environnement</a> impactant négativement la flore et la faune terrestre et aquatique. Les chercheurs observent une absence problématique de transparence de la part des industriels de la chimie. Ce ne sont pas les <a href="https://bonpourlatete.com/actuel/big-pharma-quel-bilan-ecologique">procès perdus</a> par les industriels de la pharma, représentant pourtant des milliards, qui ont le moindre impact sur leurs méthodes, tant ces amendes sont ridicules au regard des profits engrangés. Cette opacité, associée à une carence de surveillance et de réglementation étatique, contribue à une <a href="https://recheck.substack.com/p/reglementation-des-produits-pharmaceutiques?utm_source=profile&utm_medium=reader2">baisse de confiance</a> de la population face aux produits pharmaceutiques et leurs pourvoyeurs.</p> <p>L’impact de nos médicaments sur le vivant est <a href="https://www.samw.ch/fr/Projets/Apercu-des-projets/Forum-durabilite-systeme-sante.html">étudié par Unisanté</a>. Contrairement aux pesticides, les micropolluants pharmacologiques ne sont pas limités quantitativement et ne sont ni filtrés, ni traités par les stations d’épuration en Suisse. Tifaine Charmillot et ses collègues observent des conséquences sanitaires, telles que la résistance aux antibiotiques ou les troubles de la fertilité dûs aux perturbateurs endocriniens, sans compter les effets plus dramatiques encore pour les pays producteurs des matières premières comme l’Inde ou la Chine. Selon <a href="https://www.unil.ch/fbm/fr/home/menuinst/la-releve-academique/nominations--promotions/professeurs-a-a-z/d-g/dacremont-valerie.html">Valérie D’Acremont</a>, la source du problème provient bien moins des exigences des patients que des médecins prescripteurs de produits pharmaceutiques. Nos médecins pourraient pourtant supprimer, substituer, proposer des alternatives non pharmacologiques ou diminuer les doses médicamenteuses. Le réflexe de l’ordonnance en fin de consultation est ancré dans les pratiques. Au détriment du vivant.</p> <p>Leur but n’étant pas que philanthropique, nous sommes pourtant devenus dépendants des industriels. Dans le documentaire <i>36.9° </i><a href="https://www.youtube.com/watch?v=LtGg6CRV2xw"><i>Médicaments: autopsie d’une pénurie</i></a>, ces derniers admettent ouvertement être tournés vers un profit pour eux-mêmes et leurs actionnaires, les attirant vers des produits novateurs et onéreux, au détriment d’un service sociétal de maintien d’une offre d’anciens médicaments génériques accessibles, bon marché et produits localement. Les populations se trouvent désarmées face aux pénuries et dépossédées de leur souveraineté sanitaire quand bien même elles sont contraintes de les financer largement à travers leurs cotisations à l’assurance maladie obligatoire. Les géants de la pharma mondialisée, couplés au pouvoir technocratique médical et au pouvoir politique: voici le nouveau trio.</p> <h3>La «santé» au défi des «solutions»</h3> <p>Tout en étant à la source du problème, vu le modèle productiviste dans lequel nos sociétés sont empêtrées, le solutionnisme techno-scientifique nous promet de résoudre le «nouveau» défi environnemental. En 1974 déjà, le philosophe André Gorz, dans un article intitulé <a href="https://www.monde-diplomatique.fr/2010/04/GORZ/19027">«Leur écologie et la nôtre»</a> prévoyait «la récupération de l’écologie par l’industrie et les groupes financiers»: c’est-à-dire par le capitalisme, actuellement, le néolibéralisme mondialisé. L’innovation technologique nous sauverait, du changement climatique comme de la maladie. Certes, comme l’affirme un médecin institutionnel, dans le cadre de la biomédecine: «La technologie peut amener sa contribution. On n’a pas envie de revenir à l’âge de pierre». Mais la tentation de maintenir l’expert techno-médical au centre, au détriment du patient, reste présente chez certains professionnels. Ce réflexe pourrait s’expliquer par le souhait de préserver une vision prestigieuse de la médecine avec ses <a href="https://www.lemanbleu.ch/fr/Actualite/Archives/Deux-professeurs-des-HUG-dans-un-clip-de-rap.html">privilèges symboliques et économiques</a>.</p> <p>Nous relevons un impensé au cœur de certaines propositions: croire que<i> l’</i><a href="https://www.antithese.info/videos-antithese/solange-ghernaouti"><i>intelligence artificielle</i></a> ou le développement de nouvelles <i>app</i> pour évaluer nos émissions de CO<sub>2</sub> vont nous aider à solutionner les problèmes… écologiques! Ces idées paradoxales omettent non seulement l’impact de notre cyberdépendance, les risques relatifs à l’exploitation de nos données personnelles, mais aussi les répercussions de la digitalisation de nos vies sur l’environnement: comme l’extraction de terres rares pour la fabrication des outils numériques ou la consommation gourmande en électricité et en eau pour refroidir les installations des centres de données. A l’ère du <a href="https://www.monde-diplomatique.fr/2019/01/ZUBOFF/59443">capitalisme de surveillance</a> décrit par Shoshana Zuboff, il ne s’agit pas d’être technophobes, mais de réfléchir à «(…) la possibilité même d’un épanouissement démocratique et humain». <a href="https://applicationspub.unil.ch/interpub/noauth/php/Un/UnPers.php?PerNum=3413&LanCode=37">Solange Ghernaouti</a> préconise même une <i>retenue numérique</i>, car <a href="https://makeamove.fr/transition-ecologique/numerique-et-environnement-les-meilleurs-ennemis-du-monde/">«La numérisation de toutes nos activités engendre toujours plus de destruction, d’exploitation et de consommation de ressources naturelles.»</a></p> <p>Comme s’interrogent <a href="https://www.google.ch/books/edition/Il_faut_s_adapter_Sur_un_nouvel_imp%25C3%25A9rat/R4F-DwAAQBAJ?hl=fr&gbpv=1&printsec=frontcover">Barbara Stiegler</a> ou <a href="https://www.youtube.com/watch?v=Y8ffYfySvRU">Roland Gori</a>, faut-il s’adapter constamment, se réformer, faire des efforts, réduire, se restreindre, faire des économies? Faut-il imposer de nouvelles normes, de nouvelles obligations, de nouvelles restrictions? Faut-il faire <i>moins</i>? Cette ritournelle des nouvelles politiques publiques: <a href="https://www.francetvinfo.fr/politique/emmanuel-macron/la-fin-de-l-abondance-la-formule-du-president-macron-ne-passe-pas-pour-l-opposition_5325610.html">«la fin de l’abondance!»</a>, est un vœu pieux, triste et désespérant. L’enjeu est bien, non pas de surveiller, punir, contraindre et compresser des soignants déjà sous pression, mais se demander comment faire autrement et faire envie aux personnels de santé, à ceux qui risquent d’être désignés comme réfractaires au changement et qui, à raison, verront d’un mauvais œil toute nouvelle bureaucratie au nom du climat. Comment donc, non pas seulement faire <i>moins</i>, mais faire <i>mieux</i> avec créativité et joyeusement?</p> <h3>Vers un nouveau paradigme réenchanté?</h3> <p>La tâche est grande, afin de dépasser le cercle des convaincus au sein d’un système de santé largement conservateur et rigide. Il est urgent de sensibiliser les jeunes médecins en formation: repenser les définitions de la santé, de la maladie, du soin, débiomédicaliser, développer une vision holiste, inter ou transdisciplinaire, développer un nouveau paradigme pour une médecine et des soins durables <i>low tech</i>, ainsi que des approches alternatives de soins et de promotion de la santé. Pour <a href="https://www.unil.ch/fbm/fr/home/menuinst/la-releve-academique/nominations--promotions/professeurs-a-a-z/l-p/monod-stefanie.html">Stéfanie Monod</a>, il est temps de remplacer «notre vieux système de soins hospitalo-centrés», par un nouveau modèle qui réponde mieux aux <a href="https://promotionsante.ch/sites/default/files/2022-11/Document_de_travail_053_PSCH_2021_06_-_Promouvoir_la_sante_et_prevenir_les_maladies.pdf">besoins de notre société</a> et fasse une large place à la promotion de la santé.</p> <p>Il s’agit aussi de simplifier le système de santé, afin d’améliorer la qualité des soins tout en diminuant les coûts. Comme le rappelle <a href="https://sbk-asi.ch/fr/asi/organisation/zentralvorstand/sophie-ley">Sophie Ley</a>, il serait temps de prendre soin de la durabilité des soignantes et soignants – ne trouvant plus le sens de leur engagement dans un contexte désenchanté – en leur offrant l’occasion de survivre plus que deux ans dans leur métier. La discrépance entre leur excellente formation professionnelle humaniste et la réalité triviale trop souvent déshumanisée du terrain est un élément largement sous-estimé par les politiques qui se contentent, en réponse à la pénurie, de préconiser l’augmentation du nombre de professionnels formés. Une hémorragie ne se traite pas uniquement en administrant du sang neuf.</p> <p>La question fondamentale reste bien celle que formulait Gorz: «Que voulons-nous? (…) Réforme ou révolution?» Dans cette filiation, Pierre-Yves Maillard accuse avec énergie le système structurel absurde de payement à l’acte. Inhérent à cette idéologie capitaliste de la croissance financière, ce système incitatif à produire des consommables techniques et quantitatifs, conduit à l’augmentation continuelle des primes d’assurance maladie. Etant pourtant la source du problème, il dénonce le fait que personne ne souhaite changer cette donnée de base, surtout pas la FMH! Il propose de repenser la mission des hôpitaux avec une logique de service public: notamment grâce à un renforcement des soins de prévention et des soins palliatifs dignes de ce nom.</p> <p>Ces enjeux seront exercés au sein d’une assemblée citoyenne académique, avant d’être traités en partenariat avec l’ensemble de la société, dans une démarche de participation citoyenne éco-créative. Jurgen Habermas, cité par <a href="https://www.unisante.ch/fr/propos-dunisante/unisante-bref/direction/membre/senn-nicolas">Nicolas Senn</a>, nous rappelle que le nombre de votes ne suffit pas à donner de la légitimité mais nécessite une bonne délibération, contrairement à ce qui est avancé dans cet éditorial sur la <a href="https://www.revmed.ch/revue-medicale-suisse/2022/revue-medicale-suisse-803/la-democratie-sanitaire-suisse-au-service-de-la-sante-des-personnes-et-de-la-population">Démocratie sanitaire</a> en Suisse. Une véritable démocratie sanitaire, outre un débat ouvert aux alternatives, nécessite également une information transparente, afin de proposer un choix pouvant conduire à un consentement totalement libre et éclairé. Il serait ainsi bon de développer des assemblées citoyennes, avec une gouvernance partagée, afin de réfléchir ensemble à quelles valeurs cultiver. Comment valoriser et réenchanter nos existences de patients, de soignants? Quelle place pour la Beauté, la Nature, l’Amour, l’Art, l’Ethique?</p> <p>Ces réflexions socio anthropologiques et philosophiques sont en effet vouées à se déplacer du cercle de la santé publique vers la société civile, afin de créer le monde que l’on souhaite voir advenir. Au nom du bien commun, au sein de ce qu’Ivan Illich nomme <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/nemesis-medicale-ivan-illich/9782757890608"><i>Némesis médicale</i></a>, souhaitons-nous toujours des médicaments issus de la dernière technologie, mais générant souvent des effets secondaires, tout en étant très coûteux pour la société et très polluants pour notre environnement? Avons-nous encore confiance dans une recherche médicale désinvestie par le financement public au profit d’un «partenariat» avec le privé et engendrant des <a href="https://bullmed.ch/article/doi/bms.2021.19677">conflits d’intérêts</a>? Croyons-nous encore à l’idéologie du progrès, sachant qu’il contribue parallèlement à la destruction du vivant? Rêvons-nous de télémédecine? Avons-nous envie de finir nos jours dans un EMS en relation avec des robots de compagnie? Désirons-nous vivre le plus longtemps possible même en mauvaise santé? <i>In fine</i>, croyons-nous, grâce à un acharnement thérapeutique, <i></i>accéder à la vie éternelle et ainsi être sauvés de notre propre mort?</p> <p>Comment réenchanter le système de santé? Même si c’est insuffisant et peu désirable, dans un premier temps, analyser chaque acte, tout en gardant l’approche biomédicale classique, car chaque geste individuel et collectif compte. Sans doute aussi, faire de la place au sein de la recherche et des pratiques cliniques à ces <a href="https://www.unige.ch/biblio/files/2016/3886/3173/MAC_v4.pdf">médecines alternatives complémentaires, «douces», parallèles, naturelles, intégratives, holistes, ancestrales</a>, retrouvées dans la bibliothèque d’UNIGE, inscrites dans notre Constitution et auxquelles la population suisse est très attachée. Nous entendrons parler de ces autres médecines qui pourraient accompagner la débiomédicalisation subie (à cause des futures possibles restrictions ou coupures énergétiques) ou souhaitée pour leurs qualités intrinsèques. Nous pouvons faire de ces crises multiples, une chance, afin de <a href="https://www.editionsducerf.fr/librairie/livre/19961/Le-temps-des-peurs">réenchanter</a> le monde, littéralement, <i>re-magifier</i> la vie.</p> <p>Les savoirs médicaux ancestraux, empiriquement efficaces, peu onéreux et non polluants, sont souvent non prouvés scientifiquement. Prises dans un cercle vicieux, les médecines naturelles sont une potentielle menace pour l’industrie du médicament. Elles se trouvent ainsi discréditées par des lobbys pharmaceutiques qui ne vont pas leur offrir de financement pour leurs éventuelles recherches scientifiques. Par ailleurs, le modèle économique néolibéral est souvent le même et l'impact environnemental rarement abordé. Comment s’y retrouver? Comment trouver ce juste milieu pour une personne atteinte dans sa santé, ou simplement désireuse de la conserver, entre des réponses qui semblent si opposées et en l’absence d’information transparente et loyale? Il s’agirait sans doute d’éviter de confronter médecine allopathique et médecine naturelle qui ont tout intérêt à se compléter. C'est le modèle global de l’industrie de la maladie qui doit être revu, afin d'envisager au mieux la santé, notamment en termes d’<a href="https://www.katharinezywert.com/">équité</a>, ici comme ailleurs. Au sein d’un nouveau paradigme en santé qui existe déjà à l’état embryonnaire, voici quelques exemples d’initiatives biologiques, locales, scientifiques, opulentes et sources de joie.</p> <p>Relevant le défi de <a href="https://lecourrier.ch/2017/06/27/valider-les-traitements-non-brevetables-un-defi/">valider des traitements non brevetables</a> par la recherche scientifique et grâce au soutien financier de la <a href="https://antenna.ch/fr/">fondation Antenna</a>, Bertrand Graz a développé une <a href="https://natural-self-care.org/">pharmacie verte</a> – plantes médicinales économiques, locales et naturelles – facile à utiliser en soin de premier recours par tout le monde même les plus démunis. Cet outil se trouve être, en outre, très utile en cas de rupture d’approvisionnement de médicaments allopathiques. De son côté, <a href="https://www.medecin-corsier.ch/equipe.php">Rola Darwiche</a> a développé un «jardin de santé», puis un parc permaculturel composé de plantes comestibles et médicinales, autour de son cabinet médical en campagne genevoise. Elle invite à la réflexion autour des «prescriptions vertes» en partenariat et en cocréation fertile avec ses patients-experts. Cette démarche lui a permis la création de l’observatoire citoyen de la santé <a href="http://www.onehealthpermaculture.com/"><i>One Health Permaculture</i></a>. L’étude validée avec la médecine basée sur les preuves d’<a href="https://asc-geneve.org/">Anne Laure Cavin</a> teste quant à elle l’efficacité de produits naturels hypoglycémiants pour patients diabétiques. Les premiers résultats sont positifs. Les patients sont enthousiastes, ont moins d’effets secondaires, développent une meilleure souveraineté en santé et prennent mieux soin d’eux. Enfin, deux initiatives inspirantes du point de vue de leur démarche communautaire et participative sont citées en exemple par Nicolas Senn: le <a href="https://www.levillage2sante.fr/">Village 2 Santé</a> en France et la <a href="https://www.antennetournesol.be/">Maison médicale antenne Tournesol</a> en Belgique.</p> <h3>Funambulisme réenchanteur</h3> <p>De l’ego (médecine) à l’éco (médecine), que nous soyons soignants ou patients, nous voici sur le fil du funambule citoyen. Comme l’écrivait le philosophe <a href="https://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Folio/Folio-essais/Cahiers-de-prison">Antonio Gramsci</a>: «Le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître dans ce clair-obscur surgissent les monstres». En vue de ce nouveau paradigme, nous observons une confrontation de visions du monde qu’il s’agira de mener sur le terrain démocratique et avec transparence. Quelles articulations entre les initiatives venant d’en haut, potentiellement autoritaires et désincarnées, et celles venant d’en bas, plurielles, locales et fertiles?</p> <p>A la grâce des différentes crises, les participants à ce colloque s’accordent à souhaiter privilégier la salutogenèse de leurs patients, les ressources naturelles régionales et la souveraineté pharmaceutique, tout en limitant les gaspillages et pollutions induites par leurs pratiques. Nous avons tenté de dessiner non seulement ce à quoi il s’agirait de renoncer, mais surtout esquisser quelques voies alternatives vers un autre projet de société. Ce que Gorz, Illich et de nombreux citoyens appellent de leurs vœux depuis longtemps. 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En effet, certaines molécules chimiques ont un éco-bilan toxique catastrophique, si l’on prend en compte tous les éléments de leur cycle de vie: extraction, production, transport, conservation, emballage, distribution, destruction.</p> <p>Les entreprises pharmaceutiques, <a href="https://theconversation.com/lindustrie-pharmaceutique-emet-plus-de-gaz-a-effet-de-serre-que-lindustrie-automobile-118251">plus polluantes que l’industrie automobile</a>, seraient responsables de près du tiers de l’empreinte carbone des systèmes de santé, sans compter les pollutions chimiques sur leurs sites de production. 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Selon <a href="https://www.unil.ch/fbm/fr/home/menuinst/la-releve-academique/nominations--promotions/professeurs-a-a-z/d-g/dacremont-valerie.html">Valérie D’Acremont</a>, la source du problème provient bien moins des exigences des patients que des médecins prescripteurs de produits pharmaceutiques. Nos médecins pourraient pourtant supprimer, substituer, proposer des alternatives non pharmacologiques ou diminuer les doses médicamenteuses. Le réflexe de l’ordonnance en fin de consultation est ancré dans les pratiques. Au détriment du vivant.</p> <p>Leur but n’étant pas que philanthropique, nous sommes pourtant devenus dépendants des industriels. Dans le documentaire <i>36.9° </i><a href="https://www.youtube.com/watch?v=LtGg6CRV2xw"><i>Médicaments: autopsie d’une pénurie</i></a>, ces derniers admettent ouvertement être tournés vers un profit pour eux-mêmes et leurs actionnaires, les attirant vers des produits novateurs et onéreux, au détriment d’un service sociétal de maintien d’une offre d’anciens médicaments génériques accessibles, bon marché et produits localement. Les populations se trouvent désarmées face aux pénuries et dépossédées de leur souveraineté sanitaire quand bien même elles sont contraintes de les financer largement à travers leurs cotisations à l’assurance maladie obligatoire. Les géants de la pharma mondialisée, couplés au pouvoir technocratique médical et au pouvoir politique: voici le nouveau trio.</p> <h3>La «santé» au défi des «solutions»</h3> <p>Tout en étant à la source du problème, vu le modèle productiviste dans lequel nos sociétés sont empêtrées, le solutionnisme techno-scientifique nous promet de résoudre le «nouveau» défi environnemental. En 1974 déjà, le philosophe André Gorz, dans un article intitulé <a href="https://www.monde-diplomatique.fr/2010/04/GORZ/19027">«Leur écologie et la nôtre»</a> prévoyait «la récupération de l’écologie par l’industrie et les groupes financiers»: c’est-à-dire par le capitalisme, actuellement, le néolibéralisme mondialisé. L’innovation technologique nous sauverait, du changement climatique comme de la maladie. Certes, comme l’affirme un médecin institutionnel, dans le cadre de la biomédecine: «La technologie peut amener sa contribution. On n’a pas envie de revenir à l’âge de pierre». Mais la tentation de maintenir l’expert techno-médical au centre, au détriment du patient, reste présente chez certains professionnels. Ce réflexe pourrait s’expliquer par le souhait de préserver une vision prestigieuse de la médecine avec ses <a href="https://www.lemanbleu.ch/fr/Actualite/Archives/Deux-professeurs-des-HUG-dans-un-clip-de-rap.html">privilèges symboliques et économiques</a>.</p> <p>Nous relevons un impensé au cœur de certaines propositions: croire que<i> l’</i><a href="https://www.antithese.info/videos-antithese/solange-ghernaouti"><i>intelligence artificielle</i></a> ou le développement de nouvelles <i>app</i> pour évaluer nos émissions de CO<sub>2</sub> vont nous aider à solutionner les problèmes… écologiques! Ces idées paradoxales omettent non seulement l’impact de notre cyberdépendance, les risques relatifs à l’exploitation de nos données personnelles, mais aussi les répercussions de la digitalisation de nos vies sur l’environnement: comme l’extraction de terres rares pour la fabrication des outils numériques ou la consommation gourmande en électricité et en eau pour refroidir les installations des centres de données. A l’ère du <a href="https://www.monde-diplomatique.fr/2019/01/ZUBOFF/59443">capitalisme de surveillance</a> décrit par Shoshana Zuboff, il ne s’agit pas d’être technophobes, mais de réfléchir à «(…) la possibilité même d’un épanouissement démocratique et humain». <a href="https://applicationspub.unil.ch/interpub/noauth/php/Un/UnPers.php?PerNum=3413&LanCode=37">Solange Ghernaouti</a> préconise même une <i>retenue numérique</i>, car <a href="https://makeamove.fr/transition-ecologique/numerique-et-environnement-les-meilleurs-ennemis-du-monde/">«La numérisation de toutes nos activités engendre toujours plus de destruction, d’exploitation et de consommation de ressources naturelles.»</a></p> <p>Comme s’interrogent <a href="https://www.google.ch/books/edition/Il_faut_s_adapter_Sur_un_nouvel_imp%25C3%25A9rat/R4F-DwAAQBAJ?hl=fr&gbpv=1&printsec=frontcover">Barbara Stiegler</a> ou <a href="https://www.youtube.com/watch?v=Y8ffYfySvRU">Roland Gori</a>, faut-il s’adapter constamment, se réformer, faire des efforts, réduire, se restreindre, faire des économies? Faut-il imposer de nouvelles normes, de nouvelles obligations, de nouvelles restrictions? Faut-il faire <i>moins</i>? Cette ritournelle des nouvelles politiques publiques: <a href="https://www.francetvinfo.fr/politique/emmanuel-macron/la-fin-de-l-abondance-la-formule-du-president-macron-ne-passe-pas-pour-l-opposition_5325610.html">«la fin de l’abondance!»</a>, est un vœu pieux, triste et désespérant. L’enjeu est bien, non pas de surveiller, punir, contraindre et compresser des soignants déjà sous pression, mais se demander comment faire autrement et faire envie aux personnels de santé, à ceux qui risquent d’être désignés comme réfractaires au changement et qui, à raison, verront d’un mauvais œil toute nouvelle bureaucratie au nom du climat. Comment donc, non pas seulement faire <i>moins</i>, mais faire <i>mieux</i> avec créativité et joyeusement?</p> <h3>Vers un nouveau paradigme réenchanté?</h3> <p>La tâche est grande, afin de dépasser le cercle des convaincus au sein d’un système de santé largement conservateur et rigide. Il est urgent de sensibiliser les jeunes médecins en formation: repenser les définitions de la santé, de la maladie, du soin, débiomédicaliser, développer une vision holiste, inter ou transdisciplinaire, développer un nouveau paradigme pour une médecine et des soins durables <i>low tech</i>, ainsi que des approches alternatives de soins et de promotion de la santé. Pour <a href="https://www.unil.ch/fbm/fr/home/menuinst/la-releve-academique/nominations--promotions/professeurs-a-a-z/l-p/monod-stefanie.html">Stéfanie Monod</a>, il est temps de remplacer «notre vieux système de soins hospitalo-centrés», par un nouveau modèle qui réponde mieux aux <a href="https://promotionsante.ch/sites/default/files/2022-11/Document_de_travail_053_PSCH_2021_06_-_Promouvoir_la_sante_et_prevenir_les_maladies.pdf">besoins de notre société</a> et fasse une large place à la promotion de la santé.</p> <p>Il s’agit aussi de simplifier le système de santé, afin d’améliorer la qualité des soins tout en diminuant les coûts. Comme le rappelle <a href="https://sbk-asi.ch/fr/asi/organisation/zentralvorstand/sophie-ley">Sophie Ley</a>, il serait temps de prendre soin de la durabilité des soignantes et soignants – ne trouvant plus le sens de leur engagement dans un contexte désenchanté – en leur offrant l’occasion de survivre plus que deux ans dans leur métier. La discrépance entre leur excellente formation professionnelle humaniste et la réalité triviale trop souvent déshumanisée du terrain est un élément largement sous-estimé par les politiques qui se contentent, en réponse à la pénurie, de préconiser l’augmentation du nombre de professionnels formés. Une hémorragie ne se traite pas uniquement en administrant du sang neuf.</p> <p>La question fondamentale reste bien celle que formulait Gorz: «Que voulons-nous? (…) Réforme ou révolution?» Dans cette filiation, Pierre-Yves Maillard accuse avec énergie le système structurel absurde de payement à l’acte. Inhérent à cette idéologie capitaliste de la croissance financière, ce système incitatif à produire des consommables techniques et quantitatifs, conduit à l’augmentation continuelle des primes d’assurance maladie. Etant pourtant la source du problème, il dénonce le fait que personne ne souhaite changer cette donnée de base, surtout pas la FMH! Il propose de repenser la mission des hôpitaux avec une logique de service public: notamment grâce à un renforcement des soins de prévention et des soins palliatifs dignes de ce nom.</p> <p>Ces enjeux seront exercés au sein d’une assemblée citoyenne académique, avant d’être traités en partenariat avec l’ensemble de la société, dans une démarche de participation citoyenne éco-créative. Jurgen Habermas, cité par <a href="https://www.unisante.ch/fr/propos-dunisante/unisante-bref/direction/membre/senn-nicolas">Nicolas Senn</a>, nous rappelle que le nombre de votes ne suffit pas à donner de la légitimité mais nécessite une bonne délibération, contrairement à ce qui est avancé dans cet éditorial sur la <a href="https://www.revmed.ch/revue-medicale-suisse/2022/revue-medicale-suisse-803/la-democratie-sanitaire-suisse-au-service-de-la-sante-des-personnes-et-de-la-population">Démocratie sanitaire</a> en Suisse. Une véritable démocratie sanitaire, outre un débat ouvert aux alternatives, nécessite également une information transparente, afin de proposer un choix pouvant conduire à un consentement totalement libre et éclairé. Il serait ainsi bon de développer des assemblées citoyennes, avec une gouvernance partagée, afin de réfléchir ensemble à quelles valeurs cultiver. Comment valoriser et réenchanter nos existences de patients, de soignants? Quelle place pour la Beauté, la Nature, l’Amour, l’Art, l’Ethique?</p> <p>Ces réflexions socio anthropologiques et philosophiques sont en effet vouées à se déplacer du cercle de la santé publique vers la société civile, afin de créer le monde que l’on souhaite voir advenir. Au nom du bien commun, au sein de ce qu’Ivan Illich nomme <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/nemesis-medicale-ivan-illich/9782757890608"><i>Némesis médicale</i></a>, souhaitons-nous toujours des médicaments issus de la dernière technologie, mais générant souvent des effets secondaires, tout en étant très coûteux pour la société et très polluants pour notre environnement? Avons-nous encore confiance dans une recherche médicale désinvestie par le financement public au profit d’un «partenariat» avec le privé et engendrant des <a href="https://bullmed.ch/article/doi/bms.2021.19677">conflits d’intérêts</a>? Croyons-nous encore à l’idéologie du progrès, sachant qu’il contribue parallèlement à la destruction du vivant? Rêvons-nous de télémédecine? Avons-nous envie de finir nos jours dans un EMS en relation avec des robots de compagnie? Désirons-nous vivre le plus longtemps possible même en mauvaise santé? <i>In fine</i>, croyons-nous, grâce à un acharnement thérapeutique, <i></i>accéder à la vie éternelle et ainsi être sauvés de notre propre mort?</p> <p>Comment réenchanter le système de santé? Même si c’est insuffisant et peu désirable, dans un premier temps, analyser chaque acte, tout en gardant l’approche biomédicale classique, car chaque geste individuel et collectif compte. Sans doute aussi, faire de la place au sein de la recherche et des pratiques cliniques à ces <a href="https://www.unige.ch/biblio/files/2016/3886/3173/MAC_v4.pdf">médecines alternatives complémentaires, «douces», parallèles, naturelles, intégratives, holistes, ancestrales</a>, retrouvées dans la bibliothèque d’UNIGE, inscrites dans notre Constitution et auxquelles la population suisse est très attachée. Nous entendrons parler de ces autres médecines qui pourraient accompagner la débiomédicalisation subie (à cause des futures possibles restrictions ou coupures énergétiques) ou souhaitée pour leurs qualités intrinsèques. Nous pouvons faire de ces crises multiples, une chance, afin de <a href="https://www.editionsducerf.fr/librairie/livre/19961/Le-temps-des-peurs">réenchanter</a> le monde, littéralement, <i>re-magifier</i> la vie.</p> <p>Les savoirs médicaux ancestraux, empiriquement efficaces, peu onéreux et non polluants, sont souvent non prouvés scientifiquement. Prises dans un cercle vicieux, les médecines naturelles sont une potentielle menace pour l’industrie du médicament. Elles se trouvent ainsi discréditées par des lobbys pharmaceutiques qui ne vont pas leur offrir de financement pour leurs éventuelles recherches scientifiques. Par ailleurs, le modèle économique néolibéral est souvent le même et l'impact environnemental rarement abordé. Comment s’y retrouver? Comment trouver ce juste milieu pour une personne atteinte dans sa santé, ou simplement désireuse de la conserver, entre des réponses qui semblent si opposées et en l’absence d’information transparente et loyale? Il s’agirait sans doute d’éviter de confronter médecine allopathique et médecine naturelle qui ont tout intérêt à se compléter. C'est le modèle global de l’industrie de la maladie qui doit être revu, afin d'envisager au mieux la santé, notamment en termes d’<a href="https://www.katharinezywert.com/">équité</a>, ici comme ailleurs. Au sein d’un nouveau paradigme en santé qui existe déjà à l’état embryonnaire, voici quelques exemples d’initiatives biologiques, locales, scientifiques, opulentes et sources de joie.</p> <p>Relevant le défi de <a href="https://lecourrier.ch/2017/06/27/valider-les-traitements-non-brevetables-un-defi/">valider des traitements non brevetables</a> par la recherche scientifique et grâce au soutien financier de la <a href="https://antenna.ch/fr/">fondation Antenna</a>, Bertrand Graz a développé une <a href="https://natural-self-care.org/">pharmacie verte</a> – plantes médicinales économiques, locales et naturelles – facile à utiliser en soin de premier recours par tout le monde même les plus démunis. Cet outil se trouve être, en outre, très utile en cas de rupture d’approvisionnement de médicaments allopathiques. De son côté, <a href="https://www.medecin-corsier.ch/equipe.php">Rola Darwiche</a> a développé un «jardin de santé», puis un parc permaculturel composé de plantes comestibles et médicinales, autour de son cabinet médical en campagne genevoise. Elle invite à la réflexion autour des «prescriptions vertes» en partenariat et en cocréation fertile avec ses patients-experts. Cette démarche lui a permis la création de l’observatoire citoyen de la santé <a href="http://www.onehealthpermaculture.com/"><i>One Health Permaculture</i></a>. L’étude validée avec la médecine basée sur les preuves d’<a href="https://asc-geneve.org/">Anne Laure Cavin</a> teste quant à elle l’efficacité de produits naturels hypoglycémiants pour patients diabétiques. Les premiers résultats sont positifs. Les patients sont enthousiastes, ont moins d’effets secondaires, développent une meilleure souveraineté en santé et prennent mieux soin d’eux. 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Aiguilles, fils, colle, punaises, pièces, peinture, pinceaux.</p> <p>Déposer mon autoportrait sur lequel je vais «intervenir» en peignant, en collant et en brodant. Ce tirage photographique est destiné à devenir une vanité contemporaine. Alentour, les paysages de Giacometti, Hodler, Vallotton et d’autres des XVIIIème et XIXème siècles. Une œuvre me fait de l’œil. L’huile noire sur fond blanc d’Ariane Laroux, <i>Rencontrer Germaine Tillon</i>. Christiane Brunner, lorsque j’étais allée la photographier chez elle pour le projet <a href="http://annevoeffrayphoto.ch/sorcieres/"><i>Sorcières</i></a>, m’avait offert le superbe livre de cette dernière. Et puis, les portraits de Courbet, Arlaud, Hodler, Barraud. Des figures d’hommes austères, sérieux, qui tiennent leur rang. Cuno Amiet peint son frère César de manière plus introspective, intime. La broderie de Mariam Pernath me rappelle à mon projet, sous le regard franc de Berthe par Edmond Bille, père de Corinna que j’aime tant.</p> <p>Méditation. Oter des chapeaux des punaises. Sale boulot? Long travail! Savourer l’espace, le vide. Un tableau est décroché. Il part en voyage à New York. Qui va le remplacer? En quelques heures, se sentir à la maison. A la place, le portrait d’un inconnu en noir et blanc ressemblant à Germinal Roaux. Pas de cartel, pas de nom. Ne pas demander. Préférer le mystère de la présence anonyme.</p> <p>Le soir vient. Les bruits s’estompent comme la lumière naturelle, puis disparaissent. Finir d’ôter les capuchons de trois cent punaises. Aucun bruit. Penser, rêver que l’on m’a oubliée. Passer la nuit ici? Saluer Michel (Foucault) et ses hétérotopies. Le musée, espace hors du temps, héberge l’imaginaire.</p> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1673517782_capturedcran2023011211.02.06.png" class="img-responsive img-fluid center " width="507" height="339" /></p> <h4 style="text-align: center;"><em>Punaises, colle et pièces © Anne Voeffray</em></h4> <p><strong><i>Mardi</i></strong></p> <p>En chemin, appréhender devoir partager avec le public «mon» nouveau lieu créatif, «mes» amies Berthe et la sculpture sans nom du hall. D’ailleurs, si nous sommes amies, quel est son nom? Qui est-elle? D’où vient-elle?</p> <p>Sans public, avec la seule présence des deux femmes de ménage discrètes, déposer de la peinture dorée sur le cadre blanc de mon tirage. Comme prévu, dans un premier temps, c’est laid… Détériorer, détruire pour créer ensuite autre chose. Vertige. Courage. S’amuser avec la lumière de la pièce. Lorsque je ne bouge pas, la lumière s’estompe et la mocheté aussi. A cet instant, l’homme chargé de la maintenance de la maison surgit et m’explique les capteurs…</p> <p>Une résidence artistique est jusqu’ici une cure, une retraite, une méditation avec soi, l’autre et le monde silencieux des œuvres. Accepter et faire confiance. Une purge et un remède. Un soin de son passé et celui de ses ancêtres. Ma mère, sculptrice de tissus, m’accompagne et je lui rendrai hommage avec mes fils d’or brodés sur mon tirage. Ce lieu est un Temple. L’est-il aussi, encore, pour les femmes de ménage, les techniciens, les administratrices du Lieu? Le public va arriver avec ses regards multiples. Sera-t-il curieux, instruit, cultivé, instinctif, bavard, consommateur, introspectif, amateur, religieux, hautain, ami?</p> <p>Une porte s’est ouverte à ma droite. Il y a un jeune homme une canne à pêche à la main et des voiles au loin. Un Bocion. Nous allons pouvoir cohabiter.</p> <p>Le premier couple de visiteurs me demande si je fais de la restauration d’art. En quelque sorte oui, je restaure l’un de mes tirages «raté» – imprimé de manière décalée – avec l’envie de réaliser une pièce unique. Rêve de tout photographe désireux de créer de la rareté à partir du multiple qu’est la photographie. Une vieille dame répond, à regret, à mon bonjour. Certaines personnes préfèrent peut-être les artistes morts. Je suis vivante. Un monsieur n’ose presque pas entrer. Ne pas déranger, ne pas faire de bruit. Aimer le silence, guetter le calme, rechercher le refuge. Nous sommes semblables. Broder, rêver et songer au sublime film <a href="https://www.cine-feuilles.ch/film/1487-brodeuses"><i>Brodeuses</i> d’Eléonore Faucher</a>. L’homme a disparu comme un chat. Un visiteur prend mon livre <i>Sorcières</i> entre ses mains et dit, sur un ton mi-péremptoire mi-amusé: «Elles ont été exécutées en raison de leur Q.I. trop élevé!» Rires.</p> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1673517904_capturedcran2023011211.04.06.png" class="img-responsive img-fluid center " width="435" height="647" /></p> <h4 style="text-align: center;"><em>L’amie © Anne Voeffray</em></h4> <p><strong><i>Mercredi</i></strong></p> <p>Tout le monde est là ce matin, bien tranquille. Mon autoportrait en plan, au centre, entouré de la statue sans nom, des paysages lourdement encadrés et des visages de mes amis peints.</p> <p>Une artiste en déshérence momentanée, également en résidence dans une galerie en ville, vient me parler. Le manque d’inspiration arrive à tous les artistes. Ça ira… Continuer, toujours. Communier. Elle s’installe un moment sur le canapé, remercie, repart, semble satisfaite.</p> <p>Un autre artiste partage avec moi mille cinq cent idées à la seconde, toutes hors du cadre. Justement, je m’y remets à mon cadre. Il sera peut-être trop clinquant, trop kitsch, trop brillant, trop chargé. Assumer. Se souvenir de l’exposition <i>L’art brut s’encadre</i> imaginée par Michel Thévoz. Coller des centaines de pièces de monnaie collectionnées depuis des années sur des punaises décapsulées. <i>Arte povera</i>. Avoir la tête qui tourne. Penser à Niki de Saint Phalle, morte des effluves toxiques de ses peintures? Ou d’une vie trop intense? Envier Ai Weiwei qui engage de petites mains pour s’acquitter de ces tâches ingrates. Mais… aimerais-je toute sa vie à lui? 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Défendre la matérialité, de la monnaie (lu un article disant que défendre le cash serait une thèse complotiste, sourire intérieur), comme des brodeuses et couturières «en voie de disparition», face à l’injonction à l’immatérialité, la numérisation dans le monde de l’art, et ailleurs. Le monsieur me demande combien je suis payée pour animer le musée. Je ris. Il ajoute malicieux: «Vous vivez de prestige et d’eau fraiche!»</p> <p>Percer mon tirage avec les punaises. Le geste n’est pas anodin. 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Le petit groupe s’amasse devant ma table de travail. Une jeune fille lève immédiatement la main et affirme, péremptoire: «C’est le visage d’une personne morte avec du sable dessus!» Stupéfaction. Il va falloir adapter mon discours, revoir ma copie instantanément. En effet, c’est un tirage photographique intitulé, selon la suggestion d’une amie, «Autoportrait du Fayoum». Hommage aux peintures, en Egypte ancienne, qui représentaient les personnes mortes pour s’en souvenir. C’est l’une des définitions de la photographie, outre l’écriture avec la lumière. Photographier c’est se souvenir d’instants passés, morts et renouvelés aujourd’hui. <i>Memento mori</i>.</p> <p>Deux sœurs souhaitent voir un grand tirage noir et blanc d’une toile d’araignée issu de <a href="http://annevoeffrayphoto.ch/magma-3/"><i>Magma</i></a> et s’exclament: «On dirait une gravure!» Merci pour le compliment.</p> <p>Une femme malentendante comprend avec clairvoyance la problématique du cadre qui m’occupe. Elle met en lien celui de l’autoportrait du Fayoum et celui qui entoure les <i>Sorcières</i>. Elle-même fait partie de cette marge. Un jeune homme – lunettes de soleil roses à miroirs et perfecto blanc – fait irruption. Il me demande de faire son portrait, avec l’un de mes pinceaux dans sa main, devant un tableau à l’huile <i>Portrait du Professeur Emile Yung</i> de Ferdinand Hodler, 1890.</p> <p>Claudine est une scintillante artiste d’un certain âge, qui grave et travaille avec fils, cheveux, poils. Elle s’amuse de me découvrir dans la pénombre, comprend mon travail instantanément et repart, dans un éclat de rire, les <i>Sorcières</i> à la main. Elle m’enverra un courrier au musée.</p> <p>Dire au revoir à l’équipe, à l’amie sculptée et aux autres peintes. 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Sa <a href="https://www.rts.ch/info/regions/valais/9359659-lonza-et-le-valais-savaient-pour-la-pollution-au-mercure-depuis-40-ans.html">pollution au mercure</a> — plusieurs dizaines de tonnes déversées dans le Rhône — continue de ressurgir ici et là. Pendant des années, Lonza aurait également pollué les eaux avec un solvant cancérigène, le <a href="https://www.24heures.ch/suisse/lonza-accusee-pollue-leau-potable-hautvalais/story/20625630">1,4-dioxane</a> et avec un autre produit toxique et cancérigène, la <a href="https://www.letemps.ch/suisse/hautvalais-se-decouvre-une-nouvelle-pollution">benzidine</a>. Ni la population, ni les professionnels de la santé n’ont accès à l’entier des composants des vaccins de Moderna. 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Comme les tomates hors-sols, les vaccins semblent déjà être disponibles pour les années à venir en toute saison.</p> <p>La seule solution vaccinale, adoptée localement et à l’échelle de la planète, contribue à creuser notre propre tombe en accroissant notre dépendance énergétique et en persévérant à détruire le vivant.</p> <h3>Omerta politique sur les questions écologiques?</h3> <p>Pourquoi cette problématique des productions des <i>big pharma</i>, pourtant fondamentalement liée aux questions biologiques, est-elle absente des prises de position officielles des partis écologistes? Nous avons entendu vaguement çà et là que la destruction du vivant aurait favorisé l’émergence de ce coronavirus, ou de ses variants, et contribuerait ainsi à nous exposer à l’avènement de nouveaux virus dans le futur. 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Le solutionnisme sanitaire-sécuritaire peut-il faire l’économie d’un examen de conscience écologique?</p> <p>Quelques Verts minoritaires soufflent leur désaccord vis-à-vis de cet aveuglement irresponsable, sous le couvert de l’anonymat, craignant peut-être un lynchage médiatique ou les possibles représailles des membres du parti. «Avant d’être formalisé par un décret de censure ou de s’incarner sous les traits d’un fonctionnaire du Parti, l’étiolement de la liberté d’expression s’éprouve comme une ambiance, un sentiment d’intimidation, un embarras presque mondain qui fait s’évapore» (<a href="https://reporterre.net/La-discussion-du-Covid-19-est-placee-sous-couvre-feu">Célia Izoard</a>). 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Comment se priver des bénéfices de l’art, mis en quarantaine par nos politiques, ce besoin pourtant fondamental pour notre santé physique, psychique et spirituelle, en cette période de crises multiples (des politiques, de l’économie, des liens sociaux, des systèmes de santé privatisés, etc.)?</p> <p>L’expérience inédite, mais peut-être pas unique — que nous venons de vivre et dont nous tentons de sortir — nous indique de façon aiguë quelques pistes de réflexion quant à l’utilité de l’art tant sur les plans individuel, social, sanitaire et politique:</p> <p>Durant ce temps hors de tout temps, nous avons assisté à un foisonnement de créations artistiques, en particulier humoristiques (images, dessins, vidéos, etc.), réalisées par des créateurs plus ou moins connus et diffusées «viralement» sur les réseaux sociaux. Rire et tenir la peur à distance. Rire et poser un regard critique sur les aberrations des gouvernés et surtout des gouvernants. Rire et se sentir moins seuls. Rire et rêver d’un autre monde. Les concerts spontanés aux balcons nous ont offert des moments de grâce. Les enfants qui jouaient à nouveau dans les rues et dessinaient à la craie sur le bitume semblent être des images rêvées. Même les oiseaux devenaient plus lyriques dans un ciel non délimité par les traces des avions. </p> <p>Il serait intéressant d’étudier comment et avec quelles reconfigurations une période de crise aiguë change le rapport entre désir de consommation et nécessité de création artistique. J’aime imaginer que des anonymes, privés des offres culturelles habituelles, se mettent à peindre, à chanter, à cuisiner… La mise entre parenthèses des offres culturelles nous offre un temps retrouvé, celui de l’ennui et peut-être aussi celui de la création.</p> <p>Quelques initiatives individuelles — «The garden» du photographe Erik Madigan rendant hommage à sa mère morte du Covid — ou collectives — «Temps suspendu», appel à projet lancé par la plateforme pour la photographie en Suisse PHOTOAGORA —, ne suffisent pas à cacher le relatif silence de certains artistes. S’agit-il d’y lire le signe d’une inquiétude face à leur avenir financier et donc créatif? Comment en effet questionner le système, ses choix politiques passés et présents discutables, lorsque celui-ci nous plonge dans la précarité? Je ne parlerai pas ici des artistes institutionnalisés qui ne peuvent se permettre la remise en question de la main qui les nourrit… L’impossible transposition de la danse sur un écran virtuel pose également la question de la nécessité du corps à corps avec le public. Même la photographie a besoin d’un support tactile: avoir envie de toucher une image, être touché par elle. Le Conseil fédéral suisse ayant considéré en effet que les restrictions n’empêchent pas les photographes d’exercer leur métier, comment réaliser des portraits, comme un pas de danse à deux, tout en respectant la «distanciation sociale»? Comment transmettre l’amour de la photographie lors d’ateliers, alors que le collectif est banni? </p> <p>La créativité en temps de crise de la plupart des politiques culturelles et des institutions muséales devrait être analysée sociologiquement. Comment celles-ci, malgré le soutien financier public dont elles ont continué à bénéficier durant leur fermeture imposée, outre les visites virtuelles, la diffusion en ligne de spectacles et la mise à disposition de certaines archives, ont-elles su réinventer de nouveaux espaces temporaires et virtuels d’exposition, ouverts aux artistes locaux ou au public? <i>L’Institut pour la photographie</i> de Lille a développé un nouveau format de capsules «Une photographie, des regards», qui associe le son aux visuels des expositions d’<i>extraORDINAIRE</i>: une manière didactique originale et inspirante de développer son regard et la lecture critique des images. Le groupe indépendant néerlandais <i>Tussen kunst & Quanrantaine</i> a invité les créateurs en herbe à s’inspirer d’œuvres célèbres à l’aide d’objets de leur quotidien créant ainsi une immense et foisonnante banque de données d’autoportraits de confinement sur Instagram. 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VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET
3 Commentaires
@Gamuret 08.07.2023 | 22h10
«Bonjour !
Mme Voeffray,
Merci pour ce magnifique article !
Gamuret »
@MaryElle 09.07.2023 | 08h16
«Le triste épisode covidien a sans doute permis à certain.e.s de comprendre en mode accéléré le message de cet excellent article. Puissions-nous tout aussi rapidement changer de paradigme »
@Chan clear 12.07.2023 | 09h48
«Super votre article, merci
Il laisse tellement de questions ouvertes….et heureusement que nous sommes encore plus ou moins libre de gérer notre santé individuelle selon nos convictions.
Je reste toujours dubitative devant les milliards que la recherche obtient alors que très rarement la cause des maladies est montrée d’un doigts, si nous inversions ces montants, des milliards pour nous maintenir en bonne santé , ce serait bien vu !»