Culture / Wayne Thiebaud, des gâteaux et des hommes
WAYNE THIEBAUD, PIE ROWS, 1961 Huile sur toile, 55,9 x 71,1 cm Collection de la Wayne Thiebaud Foundation © Wayne Thiebaud Foundation/2022, ProLitteris, Zurich Photo: Matthew Kroening
WAYNE THIEBAUD, THREE CONES, 1964 Huile sur carton, 33 x 37,5 cm Collection de Bill et Donna Acquavella © Wayne Thiebaud Foundation/2022, ProLitteris, Zurich
La Fondation Beyeler consacre une de ses premières expositions au peintre de l’American Way of Life (1920-2021), peu connu jusqu’ici en Europe.
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Une part du rêve américain incarné dans des douceurs saturées de sucre, de crème et de couleurs <i>flashy</i>…</p> <p>Mais qui est leur auteur – ce <em>serial</em> <em>painter</em> de cônes glacés et de pommes caramélisées, cet artiste obsessionnel du rythme et de la répétition, du rendu parfait des textures gourmandes? </p> <p>Les natures mortes de Wayne Thiebaud évoquent les promesses de <i>l’American Way of life</i>, promesses mensongères, illusoires, duperies de gratte-ciel ou de machines à sous, séduction écœurante, vaguement répugnante de cet étalage de bouffe régressive…</p> <p>L’humour d’abord. «Il a été au centre de la quasi-totalité de mon œuvre», relève l’homme qui a vécu entre Arizona et Californie, avec des ancêtres fermiers mormons dans l’Utah. Wayne ne se considère pas, ou si peu, comme un «peintre sérieux», notamment lorsqu’il raconte avoir travaillé dans d’innombrables restaurants, «à la recherche de sujets anonymes». 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L’exposition à la Sécession de Vienne dont Hodler est l’invité d’honneur en 1904 l’a fait reconnaître de la scène artistique européenne. L’artiste a exploré les mouvements contemporains majeurs – du réalisme d’Anker à l’expressionnisme réinventé en <i>parallélisme</i>, puis au symbolisme auquel puisent ses compositions de grand format. Aussi divers soient les registres – bûcherons musculeux ou Guillaume Tell, autoportraits innombrables, paysages alpins majestueux et allégories hypnotiques – le langage hodlérien est reconnaissable entre tous. Ainsi dans les salles du musée veveysan, dont l’essentiel évoque Valentine telle qu’elle apparaît d’allégories en portraits colorés, esquisses sombres au crayon, graphite ou fusain.</p> <p>En 1908, la jeune Française, divorcée depuis peu, est installée à Genève, où elle tient un rôle dans une opérette. Elle devient le modèle du peintre, posant pour plusieurs œuvres imposantes (<i>Femme joyeuse</i>, 1912, <i>Splendeur linéaire</i>, 1908-1909) et leur relation se fait plus intime, se muant en une liaison intense, qui sera émaillée de plusieurs ruptures successives.</p> <p>Poursuivi par le malheur et la mort, Hodler est orphelin à l’adolescence, ayant perdu successivement son père et deux de ses frères, puis sa mère, emportés par la tuberculose. Marié une première fois, puis divorcé, il se remarie avec Berthe Jacques, institutrice genevoise, en 1898; elle restera l’épouse «officielle» du maître, qui n’en aura pas moins des maîtresses. A l’heure où une partie de la critique dénonce le comportement «prédateur» de Picasso avec les femmes, la même critique aurait à n’en pas douter du grain à moudre avec le grand peintre suisse.</p> <p>Avant Valentine, Hodler a vécu une liaison avec Augustine Dupin, couturière genevoise qui devint son modèle et sa compagne avant de donner naissance à son fils. Quand Augustine, malade, se meurt, Hodler accourt à son chevet, dessine et peint son ancienne maîtresse à plusieurs reprises, reprenant l’exploration du thème qui le hante depuis toujours, celui de la mort. Une salle est ainsi dédiée à <i>la belle Augustine</i>, comme il la nomme, portraits de la jeune femme pensive ou posant avec son fils, malade puis sur son lit de mort.</p> <p>Au fil de l’idylle avec Valentine affleure la même quête artistique, de manière parfois obsessionnelle, troublante, à n’en pas douter. Relater l’évolution de la maladie, son avancée, l’approche de la faucheuse. 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Certaines, prêtées par la Fondation Mirò à Palma, sont exposées en Suisse pour la première fois.</p> <p>«Dans les années soixante et septante, Mirò est particulièrement actif, reprenant souvent des toiles anciennes pour les retravailler entièrement, tel cet autoportrait des années trente, cherchant des solutions inédites, exprimant un élan nouveau, explique Fabienne Eggelhöfer, conservatrice du musée et commissaire de l’exposition. On est très loin de la précision méticuleuse, des dessins préparatoires, de l’exactitude qui caractérisaient son œuvre jusqu’alors. D’où le titre de l’expo et cette envie d’explorer des horizons nouveaux».</p> <p>D’un voyage au Japon, dans les années soixante, Mirò retient la calligraphie notamment, la recherche sur le thème du vide et de l’espace, une pureté, un dépouillement qui affleurent à de multiples reprises. 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«Des petits mondes figés, immuables, contemplatifs, source de beauté et de plaisir (…) Voilà ce que sont les tableaux», notait sobrement l’Américain Wayne Thiebaud (1920-2021) à propos de son art, peu avant son décès. Chacune des soixante-cinq œuvres exposées à la Fondation Beyeler évoque en effet un monde en soi. Un microcosme qui s’articule autour d’un gâteau de mariage et de ses mariés de sucre glace, autour du décor girly et pailleté d’une boutique de cupcakes, de devantures de boutiques alignant des séries sans fin de layer cakes. De ce couple juché sur des tabourets de bar pour y croquer un hot dog – Madame en robe fleurie et escarpins beige, Monsieur en costume trois-pièces et chaussures lustrées; ces deux-là ne se regardent pas, absorbés dans la contemplation de leur hot dog, imperméables à ce qui les entoure, attentifs seulement à ne pas renverser le soda surmonté d’une paille colorée... Des gâteaux et des hommes. Une part du rêve américain incarné dans des douceurs saturées de sucre, de crème et de couleurs flashy…
Mais qui est leur auteur – ce serial painter de cônes glacés et de pommes caramélisées, cet artiste obsessionnel du rythme et de la répétition, du rendu parfait des textures gourmandes?
Les natures mortes de Wayne Thiebaud évoquent les promesses de l’American Way of life, promesses mensongères, illusoires, duperies de gratte-ciel ou de machines à sous, séduction écœurante, vaguement répugnante de cet étalage de bouffe régressive…
L’humour d’abord. «Il a été au centre de la quasi-totalité de mon œuvre», relève l’homme qui a vécu entre Arizona et Californie, avec des ancêtres fermiers mormons dans l’Utah. Wayne ne se considère pas, ou si peu, comme un «peintre sérieux», notamment lorsqu’il raconte avoir travaillé dans d’innombrables restaurants, «à la recherche de sujets anonymes». Des gâteaux à la crème donc: «Je me suis retrouvé avec ces rangées d’ovales et de triangles et j’en étais stupéfait moi-même…» Le propos n’est pas de faire une nature morte ou une simple évocation réaliste, l’artiste entend plutôt s’emparer d’un cliché, d’un lieu commun, un thème banal, et lui insuffler de la vitalité…
Certaines toiles rappellent – tel ce Mickey Mouse (1988) – les origines de la culture pop et la première formation de graphiste et designer de Wayne Thiebaud, qui travailla pour le cinéma et les studios Disney… Il est un des représentants majeurs de l’art figuratif américain, proche de la manière de Hopper ou de Georgia O’Keeffe et ses œuvres sont installées dans les plus grands musées états-uniens. Fasciné par la BD et l’animation, il est aussi un remarquable technicien et pédagogue – enseignant sa vie durant à l’Université d’Etat de Californie.
Wayne Thiebaud explore patiemment la frontière entre visible et imaginaire, détaillant cet environnement figé dans la consommation et la contemplation; une étudiante, parmi les premières à dévisager le visiteur à son arrivée, (Student, 1968) pose sur un fond blanc immatériel, une main sur un pupitre, l’autre sur ses cuisses, avec pour seul détail extérieur une pendule qui marque le passage du temps. Ailleurs, il saisit deux femmes censément en train de faire de l’exercice ou des baigneuses athlétiques dans leur costume rétro des sixties.
Cette autre jeune femme au chapeau rose (Girl with pink hat, 1973) est une des rares commandes qu’ait accepté l’artiste, à la demande d’un ami: buste et seins nus, le regard perdu dans le vague, entre nostalgie et introversion. Aucun décor, comme souvent dans ses portraits, avec une vie, un mouvement alentour que l’on est réduit à imaginer.
Ou cette mystérieuse femme au peignoir (Robed Woman with letter, 1976) hiératique, d’une beauté troublante, un défi dans le regard et une lettre encore cachetée et fermée, posée devant elle sur un meuble rose. Rien d’autre, mais une histoire à fantasmer, un arrière-plan à inventer.
Non moins énigmatique, cette autre femme allongée dans sa baignoire, selon l’intitulé de la toile, car on ne voit d’elle que sa tête renversée en arrière, à l’extrême gauche de la surface de la toile, venant trouer trois bandes de couleurs irrégulières, gris, blanc, bleu pâle. Pour le reste, elle évoque un peu le personnage beckettien de Winnie dans Les Jours heureux, irrémédiablement engloutie par le sable. Des personnages englués dans leurs faux-semblants, dirait-on.
Au-delà du décor blanc, du vide, du néant autour de la figure humaine ou du thème central, il faut relever le maniement remarquable de la couleur: une touche de bleu, une autre d’orange, couleurs complémentaires apposées côte à côte à la manière des Impressionnistes, pour exalter la lumière, ajouter au sujet une aura.
Il y aussi ce chevalet présentant une série de toiles bradés (35 Cent Masterworks, 1970-72), proposant d’acquérir une collection de reproductions de grands maîtres pour un prix dérisoire. Clin d’œil à la société de consommation et à cette idée que tout s’achète? Ou référence à son propre panthéon d’artistes aimés, de Vélasquez à de Chirico. Il serait un «hommage à l’histoire de l’art et aux maîtres qui l’ont formé», relève le commissaire Ulf Küster. Thiebaud était un grand connaisseur de l’histoire de l’art, admirateur d’Ingres, Bonnard et Mondrian notamment, soucieux d’oeuvrer «dans la tradition de la modernité».
L’expo réunit enfin une série de paysages aux couleurs saturées, voire kitsch, déroulant une vision complètement décalée de la perspective. Ce sont sont ceux de San Francisco, avec ses gratte-ciel et ses rues escarpées semblables à un immense circuit de montagnes russes, les falaises bleutées de Yosemite, une route de montagne elle aussi improbable, évoquant un jeu de billes à faire glisser sans dévier de leur parcours vertigineux.
«Wayne Thiebaud», Fondation Beyeler, Riehen, jusqu’au 21 mai 2023.
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Chacune des soixante-cinq œuvres exposées à la Fondation Beyeler évoque en effet un monde en soi. Un microcosme qui s’articule autour d’un gâteau de mariage et de ses mariés de sucre glace, autour du décor <i>girly</i> et pailleté d’une boutique de cupcakes, de devantures de boutiques alignant des séries sans fin de <i>layer cakes</i>. De ce couple juché sur des tabourets de bar pour y croquer un hot dog – Madame en robe fleurie et escarpins beige, Monsieur en costume trois-pièces et chaussures lustrées; ces deux-là ne se regardent pas, absorbés dans la contemplation de leur hot dog, imperméables à ce qui les entoure, attentifs seulement à ne pas renverser le soda surmonté d’une paille colorée... Des gâteaux et des hommes. 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Des gâteaux à la crème donc: «Je me suis retrouvé avec ces rangées d’ovales et de triangles et j’en étais stupéfait moi-même…» Le propos n’est pas de faire une nature morte ou une simple évocation réaliste, l’artiste entend plutôt s’emparer d’un cliché, d’un lieu commun, un thème banal, et lui insuffler de la vitalité…</p> <p>Certaines toiles rappellent – tel ce <em>Mickey</em> <em>Mouse</em> (1988) – les origines de la culture pop et la première formation de graphiste et designer de Wayne Thiebaud, qui travailla pour le cinéma et les studios Disney… Il est un des représentants majeurs de l’art figuratif américain, proche de la manière de Hopper ou de Georgia O’Keeffe et ses œuvres sont installées dans les plus grands musées états-uniens. 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Pour rappel, cette religion a vu le jour en Inde en même temps que le bouddhisme mais s’est, contrairement à celui-ci, essentiellement cantonnée à son pays d’origine jusqu’au XXème siècle. Aujourd’hui forte de quelque cinq millions d’individus et d’une diaspora, cette communauté jouit d’une importance économique inversement proportionnelle à son nombre. La vision du monde et la spiritualité jaïne semblent particulièrement pertinentes, relève l’exposition, à l’heure des crises profondes de nos sociétés.</p> <p>Le Musée Rietberg dévoile la diversité et l’ancienneté de ses représentations – sculptures et objets rituels, tableaux et textiles de grand format, manuscrits richement enluminés, soit quelque 200 chefs-d’œuvre provenant de ses propres collections mais aussi de privés et de grands musées indiens. Les plus anciens ont près de 2000 ans, les plus récents datent du XXème siècle et sont éclairés par plusieurs films, récits et témoignages de Jaïns vivant sur trois continents. 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