Histoire / Sexualité: la débauche, une invention antique?
Homme à genoux pratiquant un cunnilingus à une prostituée, fresque des thermes suburbains, Pompéi. Ier siècle. Wikipédia
On trouve beaucoup d’histoires de débauche chez les auteurs antiques, grecs et latins, qui mettent en garde les hommes réputés libres et civilisés contre les dangers qui les menacent, qu’il s’agisse d’excès de vin, de nourriture ou de sexe. Mais la notion de débauche correspond toujours à un regard moral et subjectif.
Christian-Georges Schwentzel, Université de Lorraine
Mais la notion de débauche correspond toujours à un regard moral et subjectif. Elle comprend tout ce qui est réputé socialement incorrect à une certaine époque, c’est-à-dire une série de vices réels ou supposés : l’adultère, la prostitution, ou encore des pratiques sexuelles comme la sodomie ou le cunnilingus – le tout sur fond de société patriarcale.
Le terme cunnilingus provient du latin cunnus qui désigne le sexe féminin et du verbe lingere « lécher ». Il désigne étymologiquement un « léchage de vulve ». Cette pratique sexuelle était généralement vue dans l’Antiquité comme répugnante et lourde de conséquences pour l’homme qui avait le malheur de s’y complaire.
Quand Ariphradès « travaille avec sa langue »
Au Ve siècle av. J.-C., l’auteur comique grec Aristophane évoque le cunnilingus à plusieurs reprises dans ses pièces de théâtre. C’est un acte dégradant consistant à glôttopoiein, c’est-à-dire à « travailler avec sa langue » un sexe féminin. L’inventeur en serait un certain Ariphradès, poète dont se moque Aristophane. « Il a inventé une nouvelle forme de vice, il souille sa langue par des plaisirs abominables, en léchant dans les bordels la rosée dégoûtante, en salissant sa barbe. […] Qui ne vomit pas devant un tel homme ne boira jamais avec nous à la même coupe », écrit l’auteur dans sa comédie, Les Cavaliers (vers 1283-1289), représentée à Athènes en 424 av. J.-C.
Le même Ariphradès apparaît à nouveau, deux ans plus tard, dans Les Guêpes. Il est décrit comme le lécheur qui « fait travailler sa langue chaque fois qu’il entre dans un bordel ». La « rosée » des vulves se réfère aussi, de manière parodique, à l’inspiration poétique : Ariphradès ne peut composer que des œuvres infâmes, puisque ce n’est pas un fluide divin, envoyé par les dieux, qui anime son esprit créateur, mais le liquide le plus impur qui soit, selon Aristophane.
Le « cochon » et son « épine »
On retrouve plus tard cette même dépréciation de la vulve chez le poète grec Nicarque (Anthologie grecque XI, 329), auteur d’épigrammes satiriques, au Ier siècle apr. J.-C. L’auteur s’adresse à un certain Démonax, nouvel adepte du cunnilingus, comme Ariphradès cinq siècles plus tôt. « Démonax, ne baisse pas toujours les yeux, cesse de faire plaisir à ta langue. Le cochon a une redoutable épine. Et tu vis et tu dors en Phénicie ».
Le cochon (khoïros), terme argotique désignant la vulve, souligne l’obscénité supposée des parties génitales féminines. L’épine (akantha) représente le clitoris comme un petit pénis qui constitue une menace pour les lèvres de l’homme. Quant à la Phénicie, le Liban actuel, c’est une région associée à la teinture pourpre, de couleur rouge violacée, qui y était extraite d’un mollusque et commercialisée. Elle évoque le sang des règles s’écoulant du vagin, de même que la teinture ruisselle des entrailles du mollusque. À nouveau, comme chez Aristophane, mais de manière encore plus crue, la vulve est décrite comme une partie polluée et sanguinolente, vectrice d’impuretés.
À travers cette description se profile une mise en garde pour les hommes qui seraient tentés par le cunnilingus : ils risquent de compromettre leur virilité au contact de cet affreux égout.
« Satyre satisfaisant une nymphe », tableau d’Arthur Fischer, 1900.
Une souillure indélébile
Les Romains reprirent à leur compte ce type de représentations. L’historien latin Suétone raconte que l’empereur Tibère (14-37 apr. J.-C.) aimait pratiquer le cunnilingus. Une turpitude dévastatrice pour Tibère lui-même, car l’homme lécheur de vulves non seulement se dégrade socialement mais contracte aussi une forme de souillure indélébile.
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Une jeune femme nommée Mallonia, sollicitée par Tibère, préfère se suicider en se frappant d’un coup de poignard plutôt que de laisser l’empereur poser sa langue sur ses parties intimes. Il est intéressant de remarquer que cette matrone aurait, du moins selon Suétone, parfaitement intégré l’imaginaire social dominant considérant la vulve comme impure. Mallonia refuse fermement le cunnilingus proposé par l’empereur. Avant de mourir, elle dénonce « à voix haute le vice infâme de ce vieillard ignoble et répugnant » (Suétone, Vie de Tibère 45).
Une domination féminine scandaleuse
Une étonnante fresque des thermes suburbains, à Pompéi, nous offre la plus célèbre représentation figurée antique d’un cunnilingus. Elle a été peinte dans les vestiaires, ou apodyterium, de l’établissement, afin de provoquer, par son obscénité supposée, l’indignation et le rire des clients.
On y voit un homme, à genoux, en train de lécher la vulve d’une jeune femme qui écarte largement les cuisses. L’homme est à terre, tandis que la femme est confortablement installée, en hauteur, sur le rebord d’une couche moelleuse. Elle porte deux chaînes métalliques croisées entre les seins, accessoire typique des prostituées, qui ne laissent aucun doute sur son métier. Le jeune homme en toge, lui, pourrait figurer un citoyen.
L’œuvre dénonce ainsi ironiquement cette pose réputée dégradante pour un homme de condition libre, alors que de nombreuses prostituées étaient des esclaves ou des étrangères de statut inférieur. Une inversion des rôles absolument scandaleuse, puisque le citoyen est soumis à une femme qui occupe une position dominante. Le client fait plaisir à la putain, inférieure socialement à la fois en raison de sa féminité et de son emploi. Un comble !
Ce qui, en outre, semble révoltant, c’est que le lécheur de vulves n’utilise pas son pénis, mais se soumet au sexe de sa partenaire. Sa sexualité n’est pas phallique ; elle n’est ni dominante, ni valorisante. C’est pourquoi, « lécheur de vulves » (cunnulingior) est l’une des pires insultes imaginables pour un citoyen romain. Un graffiti de Pompéi, écrit pour nuire à un candidat aux fonctions d’édile de la cité, est éloquent à ce propos ; il proclame méchamment : « Votez pour Isidore comme édile, c’est le meilleur lécheur de vulves » ! (CIL IV, 1383).
Dans une salle des thermes de la Trinacrie, à Ostie, le port de Rome, on peut lire cette étonnante inscription sur une mosaïque : Statio cunnulingiorum ; c’est-à-dire : « Le coin des lécheurs de vulves ».
Désignait-elle très sérieusement la pièce où des prostitués vendaient à des femmes les services de leur langue ? A moins que des putains y aient vendu leurs vulves aux hommes désireux de les lécher ? S’agissait-il, au contraire, comme pour la peinture de Pompéi, d’une pure provocation destinée à faire éclater de rire les clients des thermes ? Au vu de la condamnation unanime du cunnilingus comme une infamie absolue dans les sources littéraires grecques et latines, c’est l’interprétation humoristique qui paraît, de loin, la plus probable.
Si la fréquentation de prostitués « cunnilingieurs » dans les thermes paraît douteuse, certaines matrones devaient disposer d’esclaves sexuels à domicile. Le poète Martial (Epigrammes IX, 93) évoque un serviteur obligé de lécher (lingere) la vulve (cunnum) de sa patronne ; il en vomissait tous les matins. On peut imaginer de telles pratiques chez des matrones d’un certain âge ou des veuves qui échappaient au strict contrôle de leur famille et pouvaient à leur tour vivre une sexualité imposée à des êtres réputés inférieurs.
Scène montrant quatre partenaires, deux hommes et deux femmes. Fresque de Pompéi et dessin de l’auteur. Author provided
L’appétit hors norme de Philaenis
Le cunnilingus est aussi dénoncé lorsqu’il est pratiqué par une femme, comme le montre une autre fresque de l’apodyterium des thermes suburbains de Pompéi. Parmi les quatre partenaires représentés, on voit une femme à genoux, à droite, en train de lécher la vulve d’une autre femme. À nouveau, l’intention de cette image pornographique est humoristique : il s’agit de condamner une pratique honteuse, d’autant plus grave que toutes formes de relations sexuelles entre femmes étaient alors considérées comme scandaleuses.
Parmi ses portraits de Romaines monstrueuses, le poète latin Martial (Epigrammes VII, 67) imagine une certaine Philaenis, dotée d’un appétit sexuel hors norme et appréciant grandement le « léchage de vulves » (cunnum lingere).
La vulve de la déesse Ishtar, vase de Larsa, vers 1900 av. J.-C. Musée du Louvre, Paris. Wikimedia, CC BY
Douce vulve divine
On trouve toutefois dans l’Orient ancien, quelque deux mille ans avant Suétone et Martial, des formules poétiques évoquant la vulve dans un sens exclusivement positif. Plusieurs poèmes sacrés sumériens chantent le sexe de la déesse Ishtar, garante de la fécondité dans les cités-États de l’ancienne Mésopotamie, notamment Uruk et Ur, au sud de l’Irak actuel. Dans un chant d’amour adressé à Shu-Sin, roi d’Ur (vers 1970 av. J.-C.), est évoquée une mystérieuse « aubergiste » dont la « vulve est douce comme de la bière ».
L’auteur chante : « Comme sa bouche, sa vulve est douce ; douce est sa bière. Sa bière mélangée avec de l’eau ; douce est sa bière ».
Le poème suggère un baiser sur la bouche puis sur la vulve de l’« aubergiste » qui pourrait être la déesse Ishtar ou l’une de ses prêtresses.
Beyoncé dans son clip « Blow my skittles ». Capture d’écran, YouTube
« Peux-tu dévorer mon gâteau ? »
Plusieurs chanteuses américaines des années 2010 font référence au cunnilingus, associé à un discours de réhabilitation de la vulve et de revendication du plaisir féminin. Christina Aguilera s’associe à la rappeuse Nicki Minaj dans Woohoo (2010) pour exprimer son désir érotique : « Embrasse mon woohoo, partout sur mon woohoo » (« Kiss on my woohoo, all over my wooho »).
En 2011, Rihanna souhaite que son amant lui dévore son « gâteau » (cake) dans Birthday cake, même lorsque ce n’est pas son anniversaire ! Deux ans plus tard, Beyoncé renchérit dans Blow, véritable ode à l’orgasme féminin : « Peux-tu manger mes skittles, c’est plus doux au milieu » (Can you eat my skittles, it’s the sweetest in the middle).
Un langage féminin et une douceur de la vulve, associée à une friandise, qui n’est pas sans rappeler l’« aubergiste » du chant d’amour sumérien, composé il y a quatre mille ans.
Christian-Georges Schwentzel publie « Débauches antiques. Comment la Bible et les Anciens ont inventé le vice », aux éditions Vendémiaire.
Christian-Georges Schwentzel, Professeur d'histoire ancienne, Université de Lorraine
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.
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L’inventeur en serait un certain Ariphradès, poète dont se moque Aristophane. « Il a inventé une nouvelle forme de vice, il souille sa langue par des plaisirs abominables, en léchant dans les bordels la rosée dégoûtante, en salissant sa barbe. […] Qui ne vomit pas devant un tel homme ne boira jamais avec nous à la même coupe », écrit l’auteur dans sa comédie, <em>Les Cavaliers</em> (vers 1283-1289), représentée à Athènes en 424 av. J.-C.</p> <p>Le même Ariphradès apparaît à nouveau, deux ans plus tard, dans <em>Les Guêpes</em>. Il est décrit comme le lécheur qui « fait travailler sa langue chaque fois qu’il entre dans un bordel ». La « rosée » des vulves se réfère aussi, de manière parodique, à l’inspiration poétique : Ariphradès ne peut composer que des œuvres infâmes, puisque ce n’est pas un fluide divin, envoyé par les dieux, qui anime son esprit créateur, mais le liquide le plus impur qui soit, <a href="https://journals.openedition.org/clio/9584?lang=fr">selon Aristophane</a>.</p> <h3>Le « cochon » et son « épine »</h3> <p>On retrouve plus tard cette même dépréciation de la vulve chez le poète grec Nicarque <em>(Anthologie grecque</em> XI, 329), auteur d’épigrammes satiriques, au I<sup>er</sup> siècle apr. J.-C. L’auteur s’adresse à un certain Démonax, nouvel adepte du cunnilingus, comme Ariphradès cinq siècles plus tôt. « Démonax, ne baisse pas toujours les yeux, cesse de faire plaisir à ta langue. Le cochon a une redoutable épine. Et tu vis et tu dors en Phénicie ».</p> <p>Le cochon (<em>khoïros</em>), terme argotique désignant la vulve, souligne l’obscénité supposée des parties génitales féminines. L’épine (<em>akantha</em>) représente le clitoris comme un petit pénis qui constitue une menace pour les lèvres de l’homme. Quant à la Phénicie, le Liban actuel, c’est une région associée à la teinture pourpre, de couleur rouge violacée, qui y était extraite d’un mollusque et commercialisée. Elle évoque le sang des règles s’écoulant du vagin, de même que la teinture ruisselle des entrailles du mollusque. À nouveau, comme chez Aristophane, mais de manière encore plus crue, la vulve est décrite comme une partie polluée et sanguinolente, vectrice d’impuretés.</p> <p>À travers cette description se profile une mise en garde pour les hommes qui seraient tentés par le cunnilingus : ils risquent de compromettre leur virilité au contact de cet affreux égout.</p> <h4 style="text-align: center;"><img src="https://images.theconversation.com/files/506396/original/file-20230125-20-jdfkld.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" alt="" /><em><span>« Satyre satisfaisant une nymphe », tableau d’Arthur Fischer, 1900.</span></em></h4> <h3>Une souillure indélébile</h3> <p>Les Romains reprirent à leur compte ce type de représentations. L’historien latin Suétone raconte que l’empereur Tibère (14-37 apr. J.-C.) aimait pratiquer le cunnilingus. Une turpitude dévastatrice pour Tibère lui-même, car l’homme lécheur de vulves non seulement se dégrade socialement mais contracte aussi une forme de souillure indélébile.</p> <p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p> <p>Une jeune femme nommée Mallonia, sollicitée par Tibère, préfère se suicider en se frappant d’un coup de poignard plutôt que de laisser l’empereur poser sa langue sur ses parties intimes. Il est intéressant de remarquer que cette matrone aurait, du moins selon Suétone, parfaitement intégré l’imaginaire social dominant considérant la vulve comme impure. Mallonia refuse fermement le cunnilingus proposé par l’empereur. Avant de mourir, elle dénonce « à voix haute le vice infâme de ce vieillard ignoble et répugnant » (Suétone, <em>Vie de Tibère</em> 45).</p> <h3>Une domination féminine scandaleuse</h3> <p>Une étonnante fresque des thermes suburbains, à Pompéi, nous offre la plus célèbre représentation figurée antique d’un cunnilingus. Elle a été peinte dans les vestiaires, ou <em>apodyterium</em>, de l’établissement, afin de provoquer, par son obscénité supposée, l’indignation et le rire des clients.</p> <p>On y voit un homme, à genoux, en train de lécher la vulve d’une jeune femme qui écarte largement les cuisses. L’homme est à terre, tandis que la femme est confortablement installée, en hauteur, sur le rebord d’une couche moelleuse. Elle porte deux chaînes métalliques croisées entre les seins, accessoire typique des prostituées, qui ne laissent aucun doute sur son métier. Le jeune homme en toge, lui, pourrait figurer un citoyen.</p> <p>L’œuvre dénonce ainsi ironiquement cette pose réputée dégradante pour un homme de condition libre, alors que de nombreuses prostituées étaient des esclaves ou des étrangères de statut inférieur. Une inversion des rôles absolument scandaleuse, puisque le citoyen est soumis à une femme qui occupe une position dominante. Le client fait plaisir à la putain, inférieure socialement à la fois en raison de sa féminité et de son emploi. Un comble !</p> <p>Ce qui, en outre, semble révoltant, c’est que le lécheur de vulves n’utilise pas son pénis, mais se soumet au sexe de sa partenaire. Sa sexualité n’est pas phallique ; elle n’est ni dominante, ni valorisante. C’est pourquoi, « lécheur de vulves » (<em>cunnulingior</em>) est l’une des pires insultes imaginables pour un citoyen romain. Un graffiti de Pompéi, écrit pour nuire à un candidat aux fonctions d’édile de la cité, est éloquent à ce propos ; il proclame méchamment : « Votez pour Isidore comme édile, c’est le meilleur lécheur de vulves » ! (<em>CIL</em> IV, 1383).</p> <p>Dans une salle des thermes de la Trinacrie, à Ostie, le port de Rome, <a href="https://www.ostia-antica.org/piazzale/p-contents-name.htm">on peut lire</a> cette étonnante inscription sur une mosaïque : <em>Statio cunnulingiorum</em> ; c’est-à-dire : « Le coin des lécheurs de vulves ».</p> <p>Désignait-elle très sérieusement la pièce où des prostitués vendaient à des femmes les services de leur langue ? A moins que des putains y aient vendu leurs vulves aux hommes désireux de les lécher ? S’agissait-il, au contraire, comme pour la peinture de Pompéi, d’une pure provocation destinée à faire éclater de rire les clients des thermes ? Au vu de la condamnation unanime du cunnilingus comme une infamie absolue dans les sources littéraires grecques et latines, c’est l’interprétation humoristique qui paraît, de loin, la plus probable.</p> <p>Si la fréquentation de prostitués « cunnilingieurs » dans les thermes paraît douteuse, certaines matrones devaient disposer d’esclaves sexuels à domicile. Le poète Martial (<em>Epigrammes</em> IX, 93) évoque un serviteur obligé de lécher (<em>lingere</em>) la vulve (<em>cunnum</em>) de sa patronne ; il en vomissait tous les matins. On peut imaginer de telles pratiques chez des matrones d’un certain âge ou des veuves qui échappaient au strict contrôle de leur famille et pouvaient à leur tour vivre une sexualité imposée à des êtres réputés inférieurs.</p> <h4 style="text-align: center;"><img src="https://images.theconversation.com/files/506398/original/file-20230125-3412-rhwcld.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" alt="" /><em><span>Scène montrant quatre partenaires, deux hommes et deux femmes. Fresque de Pompéi et dessin de l’auteur.</span> <span><span>Author provided</span></span></em></h4> <h3>L’appétit hors norme de Philaenis</h3> <p>Le cunnilingus est aussi dénoncé lorsqu’il est pratiqué par une femme, comme le montre une autre fresque de l’<em>apodyterium</em> des thermes suburbains de Pompéi. Parmi les quatre partenaires représentés, on voit une femme à genoux, à droite, en train de lécher la vulve d’une autre femme. À nouveau, l’intention de cette image pornographique est humoristique : il s’agit de condamner une pratique honteuse, d’autant plus grave que toutes formes de relations sexuelles entre femmes étaient alors considérées comme scandaleuses.</p> <p>Parmi ses portraits de Romaines monstrueuses, le poète latin Martial (<em>Epigrammes</em> VII, 67) imagine une certaine Philaenis, dotée d’un appétit sexuel hors norme et appréciant grandement le « léchage de vulves » (<em>cunnum lingere</em>).</p> <h4 style="text-align: center;"><a href="https://images.theconversation.com/files/506402/original/file-20230125-20-h66eok.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img src="https://images.theconversation.com/files/506402/original/file-20230125-20-h66eok.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" alt="" /></a></h4> <h4 style="text-align: center;"><em><span>La vulve de la déesse Ishtar, vase de Larsa, vers 1900 av. J.-C. Musée du Louvre, Paris.</span> <span><span>Wikimedia</span>, <a href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></em></h4> <h3>Douce vulve divine</h3> <p>On trouve toutefois dans l’Orient ancien, quelque deux mille ans avant Suétone et Martial, des formules poétiques évoquant la vulve dans un sens exclusivement positif. Plusieurs poèmes sacrés sumériens chantent le sexe de la déesse Ishtar, garante de la fécondité dans les cités-États de l’ancienne Mésopotamie, notamment Uruk et Ur, au sud de l’Irak actuel. Dans un chant d’amour adressé à Shu-Sin, roi d’Ur (vers 1970 av. J.-C.), est évoquée une <a href="https://www.jstor.org/stable/23282370">mystérieuse « aubergiste » dont la « vulve est douce comme de la bière »</a>.</p> <p><a href="https://www.helsinki.fi/en/researchgroups/ancient-near-eastern-empires/news/womens-writing-of-ancient-mesopotamia-cambridge-up-out-now">L’auteur chante</a> : « Comme sa bouche, sa vulve est douce ; douce est sa bière. Sa bière mélangée avec de l’eau ; douce est sa bière ».</p> <p>Le poème suggère un baiser sur la bouche puis sur la vulve de l’« aubergiste » qui pourrait être la déesse Ishtar ou l’une de ses prêtresses.</p> <h4 style="text-align: center;"><img src="https://images.theconversation.com/files/506400/original/file-20230125-20-4t7llb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" alt="" /><em><span>Beyoncé dans son clip « Blow my skittles ».</span> <span><a href="https://www.youtube.com/watch?v=CIELYkfoKy8">Capture d’écran, YouTube</a></span></em></h4> <h3>« Peux-tu dévorer mon gâteau ? »</h3> <p>Plusieurs chanteuses américaines des années 2010 font référence au cunnilingus, associé à un discours de réhabilitation de la vulve et de revendication du plaisir féminin. Christina Aguilera s’associe à la rappeuse Nicki Minaj dans <em>Woohoo</em> (2010) pour exprimer son désir érotique : « Embrasse mon woohoo, partout sur mon woohoo » (« Kiss on my woohoo, all over my wooho »).</p> <p>En 2011, Rihanna souhaite que son amant lui dévore son « gâteau » (<em>cake</em>) dans <em>Birthday cake</em>, même lorsque ce n’est pas son anniversaire ! Deux ans plus tard, Beyoncé <a href="https://genius.com/Beyonce-blow-lyrics">renchérit dans <em>Blow</em></a>, véritable ode à l’orgasme féminin : « Peux-tu manger mes skittles, c’est plus doux au milieu » (<em>Can you eat my skittles, it’s the sweetest in the middle</em>).</p> <p>Un langage féminin et une douceur de la vulve, associée à une friandise, qui n’est pas sans rappeler l’« aubergiste » du chant d’amour sumérien, composé il y a quatre mille ans.</p> <hr /> <h4><em>Christian-Georges Schwentzel publie <a href="https://www.editions-vendemiaire.com/catalogue/collection-chroniques/debauches-antiques-christian-georges-schwentzel/">« Débauches antiques. 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Elle comprend tout ce qui est réputé socialement incorrect à une certaine époque, c’est-à-dire une série de vices réels ou supposés : l’adultère, la prostitution, ou encore des pratiques sexuelles comme la sodomie ou le cunnilingus – le tout sur fond de société patriarcale.</p> <p>Le terme cunnilingus provient du latin <em>cunnus</em> qui désigne le sexe féminin et du verbe <em>lingere</em> « lécher ». Il désigne étymologiquement un « léchage de vulve ». Cette pratique sexuelle était généralement vue dans l’Antiquité comme répugnante et lourde de conséquences pour l’homme qui avait le malheur de s’y complaire.</p> <h3>Quand Ariphradès « travaille avec sa langue »</h3> <p>Au V<sup>e</sup> siècle av. J.-C., l’auteur comique grec Aristophane évoque le cunnilingus à plusieurs reprises dans ses pièces de théâtre. C’est un acte dégradant consistant à <em>glôttopoiein</em>, c’est-à-dire à « travailler avec sa langue » un sexe féminin. L’inventeur en serait un certain Ariphradès, poète dont se moque Aristophane. « Il a inventé une nouvelle forme de vice, il souille sa langue par des plaisirs abominables, en léchant dans les bordels la rosée dégoûtante, en salissant sa barbe. […] Qui ne vomit pas devant un tel homme ne boira jamais avec nous à la même coupe », écrit l’auteur dans sa comédie, <em>Les Cavaliers</em> (vers 1283-1289), représentée à Athènes en 424 av. J.-C.</p> <p>Le même Ariphradès apparaît à nouveau, deux ans plus tard, dans <em>Les Guêpes</em>. Il est décrit comme le lécheur qui « fait travailler sa langue chaque fois qu’il entre dans un bordel ». La « rosée » des vulves se réfère aussi, de manière parodique, à l’inspiration poétique : Ariphradès ne peut composer que des œuvres infâmes, puisque ce n’est pas un fluide divin, envoyé par les dieux, qui anime son esprit créateur, mais le liquide le plus impur qui soit, <a href="https://journals.openedition.org/clio/9584?lang=fr">selon Aristophane</a>.</p> <h3>Le « cochon » et son « épine »</h3> <p>On retrouve plus tard cette même dépréciation de la vulve chez le poète grec Nicarque <em>(Anthologie grecque</em> XI, 329), auteur d’épigrammes satiriques, au I<sup>er</sup> siècle apr. J.-C. L’auteur s’adresse à un certain Démonax, nouvel adepte du cunnilingus, comme Ariphradès cinq siècles plus tôt. « Démonax, ne baisse pas toujours les yeux, cesse de faire plaisir à ta langue. Le cochon a une redoutable épine. Et tu vis et tu dors en Phénicie ».</p> <p>Le cochon (<em>khoïros</em>), terme argotique désignant la vulve, souligne l’obscénité supposée des parties génitales féminines. L’épine (<em>akantha</em>) représente le clitoris comme un petit pénis qui constitue une menace pour les lèvres de l’homme. Quant à la Phénicie, le Liban actuel, c’est une région associée à la teinture pourpre, de couleur rouge violacée, qui y était extraite d’un mollusque et commercialisée. Elle évoque le sang des règles s’écoulant du vagin, de même que la teinture ruisselle des entrailles du mollusque. À nouveau, comme chez Aristophane, mais de manière encore plus crue, la vulve est décrite comme une partie polluée et sanguinolente, vectrice d’impuretés.</p> <p>À travers cette description se profile une mise en garde pour les hommes qui seraient tentés par le cunnilingus : ils risquent de compromettre leur virilité au contact de cet affreux égout.</p> <h4 style="text-align: center;"><img src="https://images.theconversation.com/files/506396/original/file-20230125-20-jdfkld.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" alt="" /><em><span>« Satyre satisfaisant une nymphe », tableau d’Arthur Fischer, 1900.</span></em></h4> <h3>Une souillure indélébile</h3> <p>Les Romains reprirent à leur compte ce type de représentations. L’historien latin Suétone raconte que l’empereur Tibère (14-37 apr. J.-C.) aimait pratiquer le cunnilingus. Une turpitude dévastatrice pour Tibère lui-même, car l’homme lécheur de vulves non seulement se dégrade socialement mais contracte aussi une forme de souillure indélébile.</p> <p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p> <p>Une jeune femme nommée Mallonia, sollicitée par Tibère, préfère se suicider en se frappant d’un coup de poignard plutôt que de laisser l’empereur poser sa langue sur ses parties intimes. Il est intéressant de remarquer que cette matrone aurait, du moins selon Suétone, parfaitement intégré l’imaginaire social dominant considérant la vulve comme impure. Mallonia refuse fermement le cunnilingus proposé par l’empereur. Avant de mourir, elle dénonce « à voix haute le vice infâme de ce vieillard ignoble et répugnant » (Suétone, <em>Vie de Tibère</em> 45).</p> <h3>Une domination féminine scandaleuse</h3> <p>Une étonnante fresque des thermes suburbains, à Pompéi, nous offre la plus célèbre représentation figurée antique d’un cunnilingus. Elle a été peinte dans les vestiaires, ou <em>apodyterium</em>, de l’établissement, afin de provoquer, par son obscénité supposée, l’indignation et le rire des clients.</p> <p>On y voit un homme, à genoux, en train de lécher la vulve d’une jeune femme qui écarte largement les cuisses. L’homme est à terre, tandis que la femme est confortablement installée, en hauteur, sur le rebord d’une couche moelleuse. Elle porte deux chaînes métalliques croisées entre les seins, accessoire typique des prostituées, qui ne laissent aucun doute sur son métier. Le jeune homme en toge, lui, pourrait figurer un citoyen.</p> <p>L’œuvre dénonce ainsi ironiquement cette pose réputée dégradante pour un homme de condition libre, alors que de nombreuses prostituées étaient des esclaves ou des étrangères de statut inférieur. Une inversion des rôles absolument scandaleuse, puisque le citoyen est soumis à une femme qui occupe une position dominante. Le client fait plaisir à la putain, inférieure socialement à la fois en raison de sa féminité et de son emploi. Un comble !</p> <p>Ce qui, en outre, semble révoltant, c’est que le lécheur de vulves n’utilise pas son pénis, mais se soumet au sexe de sa partenaire. Sa sexualité n’est pas phallique ; elle n’est ni dominante, ni valorisante. C’est pourquoi, « lécheur de vulves » (<em>cunnulingior</em>) est l’une des pires insultes imaginables pour un citoyen romain. Un graffiti de Pompéi, écrit pour nuire à un candidat aux fonctions d’édile de la cité, est éloquent à ce propos ; il proclame méchamment : « Votez pour Isidore comme édile, c’est le meilleur lécheur de vulves » ! (<em>CIL</em> IV, 1383).</p> <p>Dans une salle des thermes de la Trinacrie, à Ostie, le port de Rome, <a href="https://www.ostia-antica.org/piazzale/p-contents-name.htm">on peut lire</a> cette étonnante inscription sur une mosaïque : <em>Statio cunnulingiorum</em> ; c’est-à-dire : « Le coin des lécheurs de vulves ».</p> <p>Désignait-elle très sérieusement la pièce où des prostitués vendaient à des femmes les services de leur langue ? A moins que des putains y aient vendu leurs vulves aux hommes désireux de les lécher ? S’agissait-il, au contraire, comme pour la peinture de Pompéi, d’une pure provocation destinée à faire éclater de rire les clients des thermes ? Au vu de la condamnation unanime du cunnilingus comme une infamie absolue dans les sources littéraires grecques et latines, c’est l’interprétation humoristique qui paraît, de loin, la plus probable.</p> <p>Si la fréquentation de prostitués « cunnilingieurs » dans les thermes paraît douteuse, certaines matrones devaient disposer d’esclaves sexuels à domicile. Le poète Martial (<em>Epigrammes</em> IX, 93) évoque un serviteur obligé de lécher (<em>lingere</em>) la vulve (<em>cunnum</em>) de sa patronne ; il en vomissait tous les matins. 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À nouveau, l’intention de cette image pornographique est humoristique : il s’agit de condamner une pratique honteuse, d’autant plus grave que toutes formes de relations sexuelles entre femmes étaient alors considérées comme scandaleuses.</p> <p>Parmi ses portraits de Romaines monstrueuses, le poète latin Martial (<em>Epigrammes</em> VII, 67) imagine une certaine Philaenis, dotée d’un appétit sexuel hors norme et appréciant grandement le « léchage de vulves » (<em>cunnum lingere</em>).</p> <h4 style="text-align: center;"><a href="https://images.theconversation.com/files/506402/original/file-20230125-20-h66eok.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img src="https://images.theconversation.com/files/506402/original/file-20230125-20-h66eok.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" alt="" /></a></h4> <h4 style="text-align: center;"><em><span>La vulve de la déesse Ishtar, vase de Larsa, vers 1900 av. J.-C. Musée du Louvre, Paris.</span> <span><span>Wikimedia</span>, <a href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></em></h4> <h3>Douce vulve divine</h3> <p>On trouve toutefois dans l’Orient ancien, quelque deux mille ans avant Suétone et Martial, des formules poétiques évoquant la vulve dans un sens exclusivement positif. Plusieurs poèmes sacrés sumériens chantent le sexe de la déesse Ishtar, garante de la fécondité dans les cités-États de l’ancienne Mésopotamie, notamment Uruk et Ur, au sud de l’Irak actuel. Dans un chant d’amour adressé à Shu-Sin, roi d’Ur (vers 1970 av. J.-C.), est évoquée une <a href="https://www.jstor.org/stable/23282370">mystérieuse « aubergiste » dont la « vulve est douce comme de la bière »</a>.</p> <p><a href="https://www.helsinki.fi/en/researchgroups/ancient-near-eastern-empires/news/womens-writing-of-ancient-mesopotamia-cambridge-up-out-now">L’auteur chante</a> : « Comme sa bouche, sa vulve est douce ; douce est sa bière. 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Christina Aguilera s’associe à la rappeuse Nicki Minaj dans <em>Woohoo</em> (2010) pour exprimer son désir érotique : « Embrasse mon woohoo, partout sur mon woohoo » (« Kiss on my woohoo, all over my wooho »).</p> <p>En 2011, Rihanna souhaite que son amant lui dévore son « gâteau » (<em>cake</em>) dans <em>Birthday cake</em>, même lorsque ce n’est pas son anniversaire ! Deux ans plus tard, Beyoncé <a href="https://genius.com/Beyonce-blow-lyrics">renchérit dans <em>Blow</em></a>, véritable ode à l’orgasme féminin : « Peux-tu manger mes skittles, c’est plus doux au milieu » (<em>Can you eat my skittles, it’s the sweetest in the middle</em>).</p> <p>Un langage féminin et une douceur de la vulve, associée à une friandise, qui n’est pas sans rappeler l’« aubergiste » du chant d’amour sumérien, composé il y a quatre mille ans.</p> <hr /> <h4><em>Christian-Georges Schwentzel publie <a href="https://www.editions-vendemiaire.com/catalogue/collection-chroniques/debauches-antiques-christian-georges-schwentzel/">« Débauches antiques. Comment la Bible et les Anciens ont inventé le vice »</a>, aux éditions Vendémiaire.</em><img src="https://counter.theconversation.com/content/197928/count.gif?distributor=republish-lightbox-basic" alt="The Conversation" width="1" height="1" /></h4> <h4><span><a href="https://theconversation.com/profiles/christian-georges-schwentzel-259613">Christian-Georges Schwentzel</a>, Professeur d'histoire ancienne, <em><a href="https://theconversation.com/institutions/universite-de-lorraine-2158">Université de Lorraine</a></em></span></h4> <h4>Cet article est republié à partir de <a href="https://theconversation.com">The Conversation</a> sous licence Creative Commons. 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Cette déclaration est catégorique : « La guerre non provoquée et injustifiable de la Russie contre l’Ukraine, soutenue par le gouvernement biélorusse, est répugnante et constitue une violation flagrante de ses obligations internationales. » Ainsi, du point de vue sportif et diplomatique, la Russie se retrouve isolée.</p> <h3>La création d’un nouvel ordre mondial du sport ?</h3> <p>Dans les paroles et les actions, le pouvoir russe privilégie depuis le début de l’invasion la création d’un pôle sportif alternatif à l’échelle mondiale pour contrer les institutions sportives internationales traditionnelles telles que le CIO ou la Fifa.</p> <p>En pratique, cela impliquerait de se passer du sport mondial, de le remplacer ou de rivaliser avec lui. En Russie, par exemple, l’idée de diviser le mouvement olympique gagne du terrain. Il s’agirait de séparer les Jeux en deux parties : à l’Ouest, les Jeux occidentaux, et à l’Est, les Jeux russes « traditionnels ». Ces Jeux à la russe se dérouleraient en été en Crimée et en hiver à Sotchi. Ils puiseraient leur légitimité dans les liens historiques plus ou moins confirmés de ces régions avec la Grèce antique. En 2007, pour obtenir les Jeux de Sotchi, Vladimir Poutine avait rappelé aux membres du CIO que « les Grecs anciens ont vécu près de Sotchi. J’ai vu le rocher près de Sotchi où, selon la légende, Prométhée était enchaîné. Prométhée qui a donné le feu aux hommes, le feu qui est finalement la flamme olympique ». Depuis, l’argument du mythe est souvent utilisé pour évoquer cette région russe, composée du Caucase et de la péninsule de Crimée. 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Concomitante à une dynamique plus générale de désoccidentalisation du monde, cette influence dépasse très largement le cadre sportif.</p> <h3>Le sport ukrainien, c’est la guerre avec les balles</h3> <p>Depuis le 24 février 2022, pour Volodymyr Zelensky et l’Ukraine, le sport, c’est la <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/culturesmonde/le-sport-c-est-la-guerre-les-fusils-en-moins-g-orwell-1945-2-4-la-guerre-un-sport-comme-les-autres-7282852">guerre avec les balles</a>. En effet, à l’heure du conflit russo-ukrainien, le domaine sportif en Ukraine a subi une transformation significative.</p> <p>Initialement, au lendemain de l’invasion et sur une période de moins de deux mois, les autorités nationales ont suspendu l’ensemble des activités sportives en Ukraine. L’accent était alors mis sur l’effort de guerre, et les installations sportives ont été utilisées par les militaires ukrainiens comme bases de repli ou de déploiement. Cela explique pourquoi les installations sportives, telles que les stades ou les gymnases, sont souvent la cible des forces russes, car elles pourraient potentiellement abriter des unités ukrainiennes entières.</p> <p>Par la suite, lorsque l’armée russe a commencé à faire du surplace voire à reculer sur le terrain, le secteur sportif ukrainien a pris une nouvelle orientation. Certains clubs de football ont obtenu la permission de jouer des matchs de charité à l’étranger, malgré la loi martiale interdisant aux hommes âgés de 18 à 60 ans de quitter le territoire. Ces matchs visaient à sensibiliser à la cause ukrainienne. De même, les athlètes en préparation pour d’importantes compétitions ont pu s’entraîner à l’étranger.</p> <p>Par exemple, l’équipe nationale de football a été autorisée à s’entraîner en Slovénie pendant un mois en mai 2022 en vue des qualifications pour la Coupe du monde de football 2022 au Qatar. Ainsi, le soft power sportif a contribué symboliquement à l’effort de guerre. Les autorités estimaient qu’un athlète ukrainien était plus utile sur le terrain sportif que sur le front militaire. Selon elles, il offrait un double avantage en donnant à l’Ukraine une visibilité internationale et en pouvant potentiellement rehausser le moral des troupes déployées sur le terrain. Cette dimension ne doit pas être sous-estimée : une victoire sportive pour un athlète ukrainien procurait aux soldats, qui suivaient régulièrement les matchs et les résultats, un certain espoir et un regain de moral.</p> <p>À partir de la mi-juin 2022, le sport à l’échelle nationale a progressivement retrouvé sa place, bien que dans des conditions exceptionnelles. Par exemple, la Première Ligue ukrainienne de football a obtenu l’autorisation de débuter la saison 2022-2023 fin août. Toutefois, les règles ont été adaptées à la situation du moment. Les spectateurs ne sont plus autorisés à assister aux matchs, et ceux-ci nécessitent une autorisation systématique de l’administration militaire pour avoir lieu. Si une alerte de raid aérien potentiel retentit dans un rayon de moins de 500 mètres, le match est interrompu et les joueurs se réfugient dans les vestiaires, ce qui se produit régulièrement. Après un an et demi de guerre, aucun footballeur ukrainien n’a été blessé. Cependant, certains matchs ont duré plus de cinq heures au total.</p> <p>Paradoxalement, l’Ukraine continue de participer activement aux événements sportifs européens et mondiaux. Chaque compétition internationale offre l’opportunité aux autorités de promouvoir les intérêts du pays dans un contexte de guerre. De plus, certains clubs ukrainiens sont accueillis par les alliés géopolitiques les plus proches de l’Ukraine. Par exemple, le Dynamo Kyiv s’entraîne et joue certains de ses matchs à Cracovie, en Pologne. Dnipro, quant à lui, joue et s’entraîne à Košice, en Slovaquie, de manière permanente. En général, de nombreux athlètes et entraîneurs ukrainiens, actifs ou non, ont choisi de rejoindre le front dans l’est de l’Ukraine, mettant leur carrière en suspens. Le cas emblématique est peut-être celui de Yuriy Vernydub, entraîneur ukrainien du Sheriff Tiraspol, qui est parti au front dès le lendemain de l’invasion. Il est important de noter que ces professionnels du sport proviennent souvent de divisions sportives moins importantes. En effet, les athlètes de renom préfèrent généralement contribuer à l’effort de guerre d’un point de vue sportif et symbolique.</p> <p>Le cas des supporters des clubs ukrainiens est également notable. Depuis 2014 et surtout depuis l’invasion russe en Ukraine, de nombreux ultras ont rejoint le front pour combattre ensemble, mettant de côté leur rivalité sportive. En temps de paix rivaux, les supporters du Shakhtar Donetsk et du Dynamo Kyiv combattent ensemble contre leur ennemi commun.</p> <h3>La stratégie politique et sportive de Volodymyr Zelensky après l’invasion russe</h3> <p>Depuis le 24 février 2022, la stratégie internationale de Volodymyr Zelensky s’est intensifiée dans le domaine sportif, trouvant écho dans l’espace médiatique mondial. Les ministères, les organisations privées et le comité olympique ukrainien, tous les organes politiques, économiques et sportifs du pays sont mobilisés pour transmettre un message : l’exclusion de la Russie doit durer tant que l’invasion se poursuit.</p> <figure><iframe frameborder="0" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/YQiSJ3AO5CI?wmode=transparent&start=0" width="440"></iframe></figure> <p>Le hashtag #boycottrussiansport en est devenu le symbole. De manière concrète, les arguments ukrainiens peuvent être résumés en cinq points. La Russie devrait être exclue des événements sportifs mondiaux et des Jeux olympiques de Paris 2024 car elle est un État envahisseur et terroriste ; les athlètes russes sont de quelque manière liés à l’État russe ou à l’armée russe ; le régime de Vladimir Poutine exploite le sport à des fins de propagande ; dans de telles conditions, l’équité des compétitions sportives (Jeux olympiques, Coupe du monde, etc.) ne peut être maintenue ; les athlètes ukrainiens perdent la vie au front ou ne peuvent pas s’entraîner convenablement pour les grandes compétitions internationales, par conséquent la Russie et la Biélorussie ne devraient pas être autorisés à y participer.</p> <p>Pour diffuser ces arguments, le gouvernement ukrainien utilise divers canaux. Tout comme Volodymyr Zelensky utilise son smartphone pour communiquer avec différentes générations, les principaux porte-parole du sport ukrainien exploitent les canaux et les codes contemporains pour diffuser leur message. Les réseaux sociaux tels que TikTok, Facebook ou Instagram sont fréquemment utilisés pour diffuser des propos politiques liés au sport. On peut souvent voir circuler des vidéos de quelques secondes transmettant un message percutant. Par exemple, l’une de ces vidéos virales montre un athlète russe lançant un javelot dans les airs. Le javelot se transforme ensuite en obus, suit la trajectoire de l’athlète et finit par s’écraser sur un bâtiment ukrainien. Un message s’affiche alors à l’écran : « Boycott Russian Sport. »</p> <h4 style="text-align: center;"><a href="https://images.theconversation.com/files/592021/original/file-20240503-16-h8q7b1.jpeg?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img src="https://images.theconversation.com/files/592021/original/file-20240503-16-h8q7b1.jpeg?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" alt="" /></a></h4> <h4 style="text-align: center;"><em><span>Ces extraits sont issus de « La Guerre du sport. 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Il y voyait un moyen efficace de lutter contre les maladies dues à une carence en vitamine A, très répandues en Asie du Sud-Est et qui peuvent entraîner la cécité, voire la mort. Potrykus était alors loin de se douter qu'un tribunal philippin retoquerait son invention un an et demi après son autorisation.</p> <h3>Syngenta acquiert des droits de brevet</h3> <p>La route a été longue jusqu'à la première récolte du riz doré: en 1999 déjà, Potrykus et son collègue Peter Beyer avaient présenté un prototype. Celui-ci contenait des gènes de jonquille qui produisaient de la provitamine A dans le grain de riz et le faisaient ainsi briller d'un jaune doré. En 2005, les chercheurs avaient développé une deuxième variante en collaboration avec le géant de l'agroalimentaire Syngenta. 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En effet, le corps humain n'utiliserait la provitamine A que s'il dispose de suffisamment de graisse, ce qui, selon Greenpeace, n'est souvent pas le cas chez ces personnes. De plus, il y aurait un risque que le riz génétiquement modifié, une fois introduit dans le champ, se reproduise de manière autonome, se propage et contamine ainsi d'autres variétés de riz. En raison de ces doutes, il a fallu attendre 16 ans de plus pour que les autorités philippines en charge de la biosécurité donnent finalement le feu vert à la culture du riz doré en 2021.</p> <h3>Le tribunal révoque l’autorisation</h3> <p>Mais aujourd'hui, une nouvelle décision de justice met déjà un frein à la propagation de la variété de riz transgénique. Ainsi, une Cour d'appel philippine a révoqué l'autorisation le 17 avril dernier en se référant au principe de précaution: «En l'absence de consensus scientifique sur la sécurité du riz doré, il ne devrait plus être cultivé à des fins commerciales». 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