Actuel / A Pise, un penchant contesté pour les activités militaires
Au nord de Pise, dans le parc naturel de San Rossore, un projet de base militaire suscite de nombreuses contestations. La région abrite déjà Camp Darby - la plus grande base logistique de l'armée américaine en Europe. Depuis 2008, l'aéroport militaire de la ville est aussi la principale base opérationnelle de l'armée de l'air italienne.
Texte de Dario Antonelli, édité par Giacomo Sini
«Le gouvernement veut faire de Pise un centre de guerre, nous sommes ici pour nous y opposer». Le chant des cigales ne couvre pas la voix amplifiée. Sous les grands pins de Coltano, plus d'une centaine de personnes sont réunies pour l'assemblée tenue par le mouvement No Base.
Il n'y a que vingt-sept kilomètres entre la mer d'Ardenza, au sud de Livourne, et l'extrémité nord de la ville de Pise. Entre pinèdes et champs, le long de la route nationale Aurelia, des clôtures de barbelés délimitent Camp Darby – la plus grande base logistique de l'armée américaine en Europe - et l'aéroport militaire de Pise, principale base opérationnelle de l'armée de l'air italienne depuis 2008.
A l'ombre de la célèbre tour penchée, visitée par des centaines de milliers de touristes chaque année, la présence d'installations militaires a toujours été importante, mais elle s'est accrue ces dernières années. En mars, l'opposition de gauche au conseil municipal de Pise – Diritti in Comune – a attiré l'attention sur une mesure gouvernementale finançant la construction d'une nouvelle grande base militaire à Coltano, un endroit situé dans la campagne asséchée aux abords de la ville. Un nouveau complexe pour les forces spéciales des carabiniers, Tuscania et Gruppi d'intervento Speciale - Groupe d'intervention spéciale, ainsi qu'un centre canin K-9.
En décembre 2019, le Parlement avait déjà engagé le gouvernement dans cette direction, mais les rumeurs étaient restées enfouies dans les dossiers. Gianluca Rizzo, président de la Commission de la défense à la Chambre des députés, a qualifié le projet de «nécessaire» pour trouver un «nouvel emplacement mieux adapté à la disponibilité opérationnelle requise pour les tâches délicates assignées». Le premier plan de faisabilité, rédigé par les carabiniers en juillet 2019, estimait à 190 millions d'euros le coût des travaux et identifiait une superficie de 73 hectares pour la nouvelle base. Le tout dans le parc naturel de San Rossore, qui protège l'écosystème local caractérisé par des zones humides fragiles.
Mais un large mouvement contre la construction de la base militaire est en train de contester le projet. «Le 19 avril 2022, la première assemblée à Coltano a été extraordinairement bien suivie, personne ne pouvait entrer dans la salle où se tenait la réunion», raconte Paola Imperatore, 31 ans, une militante de No Base, «et les raisons de l'opposition ont été immédiatement claires: non à la dévastation de l'environnement, non à la guerre, utilisons cet argent pour améliorer la vie des gens. C'est surtout de Pise que de nombreux militants ont commencé à venir à Coltano. Tout a commencé à partir de là». Grâce à ce premier élan, certains habitants ont mis en place un comité local.
«Nous étions ensemble le 25 avril», explique Mimmo Russo, 69 ans, «et nous nous sommes dit: ... vous devez vous organiser!» C'est ainsi qu'est né le Comité de défense de Coltano pour s'opposer à la base. Mimmo est arrivé ici en 1978, comme il le dit, «pour travailler dans les coopératives agricoles qui avaient obtenu l'attribution de terres non cultivées grâce aux luttes de ces années-là». Il explique que la protestation contre la base a créé de nouveaux liens entre les habitants: «Nous avons rencontré beaucoup de jeunes qui venaient de s'installer ici, et ensemble nous avons formé le Comité. Il y a des familles de Coltano qui travaillent ici depuis des générations, et des gens comme nous qui avons emménagé ici dans les années 1970.»
Mais il ne s'agissait pas seulement d'une rencontre générationnelle: «Il y avait une contamination entre les activistes qui venaient de Pise et nous qui ne voulions pas que la base balaie notre réalité», explique Mimmo. «C'était une rencontre importante». Le Comité rejette également le projet, mais le mouvement No Base a des positions plus complètes sur la guerre et l'antimilitarisme. Au début, entre ces deux mondes, il y avait des préjugés, un peu de méfiance. Mais avec les assemblées, les activités communes et avec la manifestation du 2 juin 2022, une forte collaboration s'est établie.
Le 2 juin 2022, une manifestation contre la base a été organisée à Coltano, à laquelle ont participé environ 10'000 personnes. La plupart venaient des villes les plus proches. Mais des délégations de toute l'Italie ont également participé, de sorte que la manifestation était composite: «Il y avait une section antimilitariste, la composante transféministe Non Una di Meno, le réseau écologiste toscan et les Vendredis pour l'avenir, les travailleurs de l'usine GKN et les syndicats de base», se souvient Mimmo. Puis il y avait les associations et les collectifs, les partis de gauche et la Fédération anarchiste. «Cette manifestation a été un marqueur important», confirme Mimmo, qui conduisait ce jour-là un tracteur agricole et a ouvert le rassemblement avec les habitants du Comité.
Une «manifestation recomposante» selon Paola. «J'ai eu la perception que dans cette pluralité, un pas était fait vers une perspective d'intersection des luttes. Nous savons que personne n'est sauvé seul, à cette occasion nous n'avons pas seulement dit 'Non à la base' mais nous avons donné de la force à beaucoup de voix différentes». Puis elle ajoute: «Nous sommes confrontés à une question territoriale qui est apparemment locale, mais qui ouvre une fenêtre sur des dynamiques et des contradictions globales».
En particulier, affirme Paola, l'activité du mouvement «a réussi à mettre en évidence les relations entre la base militaire, les missions à l'étranger et l'importante quantité de dépenses publiques utilisées pour défendre les actifs stratégiques des entreprises fossiles, mettant ainsi au centre le problème du capitalisme fossile». Ce lien à l'échelle globale entre la thématique militaire/guerre et la question environnementale/climatique a également été mis en évidence par certaines ONG. Greenpeace, par exemple, dans son rapport «Missions militaires pour protéger les intérêts de l'industrie pétrolière et gazière» publié en décembre 2021, a souligné que sur le coût total des missions militaires italiennes à l'étranger en 2021, 64,15% étaient destinés à couvrir la protection des intérêts fossiles, en particulier le pétrole et le gaz. Et précisément ces forces spéciales, qui sont censées être stationnées à Coltano, seraient souvent employées dans ce genre de missions militaires, dénonce le mouvement No Base.
Paola ouvre la porte couverte d'autocollants et entre dans l'Aula R, un espace autogéré du département de sciences politiques de l'université de Pise. «Dès le début du mouvement, il était clair que quelque chose de nouveau était en train de naître. Nous nous sommes donné une organisation non bureaucratique, basée sur des assemblées, en essayant de construire un enracinement territorial». Paola vit depuis plus de dix ans à Pise où elle travaille comme chercheuse précaire. Elle explique qu’il était «essentiel de pouvoir rassembler et retravailler les expériences antérieures de lutte pour tisser un nouveau fil conducteur, en ce sens Pise offre un terrain fertile». En effet, les affiches qui recouvrent les murs de la classe autogérée racontent l'histoire des luttes des dernières décennies à Pise.
Non loin de là, sur la rive opposée de l'Arno, le conseil municipal s'est tenu le 13 septembre 2022 au Palazzo Gambacorti. Le maire Michele Conti, élu en 2018 dans les rangs de l'extrême droite – dans une ville qui a toujours été administrée par le centre-gauche depuis 1945 – s'est exprimé sur la question: «La ville de Pise est prête à accepter ce type de projet». Dans ce même palais, le 28 septembre, une autre réunion a eu lieu. La table interinstitutionnelle, créée en mai 2022 par l'ancien gouvernement de Mario Draghi et chargée de discuter de l'emplacement de la base, de faire face aux protestations et de gérer les différents intérêts en jeu. Les Carabinieri ont proposé de revoir le projet: non plus une seule grande base, mais de nombreuses installations militaires diffuses, séparant les zones d'entraînement des zones résidentielles, restant à l'intérieur du parc.
Une solution qui, selon le mouvement No Base, serait en fait pire que le projet initial, car de cette façon «la base triplerait et s'enracinerait dans le parc, augmentant les coûts». Ce n'est qu'après la formation du nouveau gouvernement que des décisions officielles seront prises.
Ce qui est certain, c'est que le parti de droite de Giorgia Meloni, qui s'apprête à diriger le gouvernement, souhaite fermement la construction de la base militaire, et que le Mouvement No Base continuera à s'y opposer même en cas de délocalisation. «Ni un centimètre de terrain ni un euro – comme écrit dans une déclaration – ne doivent être investis pour de nouvelles infrastructures militaires».
Cependant, à Coltano, ce n'est pas seulement une forte opposition qui a été créée. «Nous essayons aussi de repenser le territoire», dit Mimmo. «C'est un travail important que nous faisons en tant que comité avec le mouvement No Base. Ensemble, nous identifions les problèmes du territoire, nous réfléchissons à ce que nous aimerions voir à Coltano, du service de transport public à une boulangerie, afin de dire que ces 190 millions pourraient être dépensés différemment, pour améliorer la vie de tous».
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Paola vit depuis plus de dix ans à Pise où elle travaille comme chercheuse précaire. Elle explique qu’il était «essentiel de pouvoir rassembler et retravailler les expériences antérieures de lutte pour tisser un nouveau fil conducteur, en ce sens Pise offre un terrain fertile». En effet, les affiches qui recouvrent les murs de la classe autogérée racontent l'histoire des luttes des dernières décennies à Pise.</p> <p>Non loin de là, sur la rive opposée de l'Arno, le conseil municipal s'est tenu le 13 septembre 2022 au Palazzo Gambacorti. Le maire Michele Conti, élu en 2018 dans les rangs de l'extrême droite – dans une ville qui a toujours été administrée par le centre-gauche depuis 1945 – s'est exprimé sur la question: «La ville de Pise est prête à accepter ce type de projet». Dans ce même palais, le 28 septembre, une autre réunion a eu lieu. 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Ce n'est qu'après la formation du nouveau gouvernement que des décisions officielles seront prises.</p> <p>Ce qui est certain, c'est que le parti de droite de Giorgia Meloni, qui s'apprête à diriger le gouvernement, souhaite fermement la construction de la base militaire, et que le Mouvement No Base continuera à s'y opposer même en cas de délocalisation. «Ni un centimètre de terrain ni un euro – comme écrit dans une déclaration – ne doivent être investis pour de nouvelles infrastructures militaires».</p> <p>Cependant, à Coltano, ce n'est pas seulement une forte opposition qui a été créée. «Nous essayons aussi de repenser le territoire», dit Mimmo. «C'est un travail important que nous faisons en tant que comité avec le mouvement No Base. 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A l'ombre de la célèbre tour penchée, visitée par des centaines de milliers de touristes chaque année, la présence d'installations militaires a toujours été importante, mais elle s'est accrue ces dernières années. En mars, l'opposition de gauche au conseil municipal de Pise – Diritti in Comune – a attiré l'attention sur une mesure gouvernementale finançant la construction d'une nouvelle grande base militaire à Coltano, un endroit situé dans la campagne asséchée aux abords de la ville. Un nouveau complexe pour les forces spéciales des carabiniers, Tuscania et Gruppi d'intervento Speciale - Groupe d'intervention spéciale, ainsi qu'un centre canin K-9. 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Mais rien ne permet d’abandonner l’idée que la parole reste « le propre de l’homme », c’est-à-dire la capacité à articuler avec sa bouche des sons distinctifs qui peuvent se combiner à l’infini pour donner une infinité de sens.</p> <p>C’est sans doute à cette spécificité que la question de l’émergence de la parole dans l’évolution humaine doit d’être restée à travers les âges au cœur de recherches dans le domaine de la philosophie, de la linguistique et, plus récemment, de l’éthologie, de la psychologie et des neurosciences. 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Nos travaux visent à contribuer à ces débats, en étudiant si les capacités des hominines fossiles (les Néandertaliens qui sont proches de nous comme leurs ancêtres, les H. heidelbergensis datant de 500 000 ans voire les Australopithèques qui sont beaucoup plus anciens et appartiennent à un autre genre) leur permettaient d’articuler suffisamment de sons distinctifs pour constituer la base du langage parlé.</p> <h3>Depuis quand peut-on articuler ?</h3> <p>Sur le plan physique, c’est l’usage de la bouche qui est au cœur de la capacité à parler. <a href="https://www.youtube.com/watch?v=XVE4B6TxlfM">Le célèbre ethnologue français André Leroi-Gourhan</a> (1911-1986) voyait dans le passage de la quadrupédie à la bipédie une étape essentielle dans l’émergence du langage parlé : permettant l’usage de la main pour des gestes de préhension jusqu’alors effectués par la bouche, la bipédie a « libéré » la mandibule, les lèvres et la langue pour leur permettre d’exécuter un répertoire gestuel riche et structuré, capable de transmettre le langage via le son.</p> <p>Quand est apparue la capacité physique à articuler des sons distinctifs ? C’est lorsque l’ensemble de cartilages marqué par la pomme d’Adam, qu’on appelle le larynx, est suffisamment descendu dans le cou, répondit le <a href="https://www.science.org/doi/10.1126/science.164.3884.1185">chercheur américain Philip Lieberman</a> (1934-2022) dans le journal Science en 1969. Cette descente du larynx aurait, selon lui, offert à la langue un espace vertical nouveau, suffisamment large pour qu’elle puisse se déformer, se bomber ou s’aplatir pour générer une variété de formes et de sons appropriée à la richesse combinatoire du langage.</p> <p>Cette hypothèse, qui a fonctionné pendant plusieurs décennies, en sclérosant quelque peu la recherche dans ce domaine, a depuis lors été fortement contestée. Le chercheur <a href="https://theconversation.com/la-parole-ne-serait-pas-apparue-avec-homo-sapiens-et-ce-sont-les-singes-qui-nous-le-disent-128708">Louis-Jean Boë et ses collègues</a> ont en effet montré que les cris de babouins, dont le larynx est élevé et la langue plate, contiennent des sons proches du « a », du « ou » et du « i », les trois voyelles qui constituent la base fondamentale des systèmes vocaliques des langues du monde.</p> <p>De même, Fitch, pourtant disciple de Lieberman, et ses collègues, <a href="https://www.science.org/doi/10.1126/sciadv.1600723">dans un article paru dans <em>Science Advances</em> en 2016</a>, ont montré, à partir de radiographies de la gueule de macaques au cours de la déglutition, que malgré leur larynx élevé, ces primates pouvaient générer des formes de langue compatibles avec la production de voyelles suffisamment variées et distinctes pour constituer les bases sonores d’un langage parlé. La descente du larynx ne semble donc pas constituer un marqueur fiable de l’émergence de la capacité physique à parler au cours de l’évolution humaine, et le mystère reste entier.</p> <p>Pour tenter de le percer, notre projet <a href="https://iscd.sorbonne-universite.fr/research/sponsored-junior-teams/origins-of-speech/">« Origins of Speech »</a>, s’est proposé d’élaborer des modèles biomécaniques de langue d’humains fossiles.</p> <p>Un modèle biomécanique est un modèle numérique, sur ordinateur, qui représente une partie du corps humain, avec son anatomie, ses structures osseuses, ses tissus mous, ses muscles, et est capable de rendre compte des mécanismes physiques qui régissent leurs mouvements et leurs déformations sous l’action d’activations musculaires. Pour la langue, de tels modèles permettent d’étudier comment les muscles linguaux influencent la forme et la position de la langue dans la bouche. Ainsi, pour les fossiles, ces modèles offriraient la possibilité d’étudier, quantitativement et systématiquement, leur capacité à produire des sons de parole.</p> <h3>Prédire la langue des humains fossiles à partir des os de la tête</h3> <p>Mais sur quoi s’appuyer pour élaborer de tels modèles ? Aucune donnée anatomique n’existe. En effet, les tissus mous de langue, des parois de la bouche, et du visage ne fossilisent pas. Seuls restent les os, plus ou moins abîmés par les sévices du temps.</p> <p>C’est l’idée originale de notre projet, présentée dans <a href="https://journals.plos.org/ploscompbiol/article?id=10.1371/journal.pcbi.1011808">notre article récent</a> publié dans le journal <em>PLoS Computational Biology</em> porté par les jeunes chercheurs de notre équipe, Pablo Alvarez, Marouane El Mouss et Maxime Calka.</p> <h4><a href="https://images.theconversation.com/files/590916/original/file-20240429-20-zn36pe.png?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img src="https://images.theconversation.com/files/590916/original/file-20240429-20-zn36pe.png?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" alt="" /></a><em><span>Processus permettant la génération d’un modèle biomécanique de langue de babouin par la transformation d’un modèle de référence élaboré sur un humain actuel. Cette transformation s’appuie sur la modélisation mathématique des différences morphologiques entre les structures osseuses crâniennes de l’humain actuel et du babouin.</span> <span><span>Fourni par l'auteur</span></span></em></h4> <p>Elle consiste à exploiter les structures osseuses fossilisées pour prédire la forme et l’anatomie de la langue de ces humains disparus. Pour cela, nous utilisons comme référence le modèle biomécanique de langue d’un humain vivant, que nous avons soigneusement conçu dans nos laboratoires grenoblois GIPSA-lab et TIMC au cours de près de 3 décennies de recherches coordonnées.</p> <p>Ce modèle rend compte fidèlement de la morphologie de la langue, de ses structures musculaires, des caractéristiques mécaniques de ses tissus mous, et de ses interactions mécaniques avec la mandibule, le palais et l’os hyoïde, un petit os mobile qui relie la langue… au larynx.</p> <h4 style="text-align: center;"><iframe frameborder="0" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/Pz0A5HTYFeM?wmode=transparent&start=0" width="440"></iframe><em><span>Modèle de langue TIMC et Gipsa lab Grenoble.</span></em></h4> <p>C’est en modifiant la géométrie du modèle de référence que nous générerons des modèles biomécaniques pour les langues fossiles. Pour cela, en nous appuyant sur des outils mathématiques combinant des transformations géométriques complexes, nous déterminons tout d’abord la transformation géométrique optimale qui permet de passer de la géométrie du crâne et de la mandibule de l’humain actuel à celle du crâne et de la mandibule de l’humain fossile.</p> <p>Puis nous appliquons cette transformation géométrique au modèle de langue du premier pour le déformer et en faire un modèle de langue pour le second, avec sa forme spécifique, ses structures musculaires, et ses interactions avec la mandibule, le palais et l’os hyoïde…</p> <p>Mais dans quelle mesure peut-on faire confiance à une transformation géométrique basée sur les structures osseuses pour prédire les tissus mous de la langue ? Pour répondre à cette question, cruciale pour valider la méthode, nous avons choisi d’évaluer leur méthode sur la génération d’un modèle biomécanique de langue de babouin, un primate non-humain dont la morphologie de la tête est très différente de celle d’un Homo Sapiens.</p> <p>Notre hypothèse en la matière consiste à dire que si cette méthode marche pour un tel primate, alors il est vraisemblable qu’elle sera fiable pour la prédiction de la langue de tous les humains fossiles dont les crânes sont moins différents de celui d’un Homo Sapiens, que ne l’est celui d’un babouin.Nous avons alors généré deux modèles de langue de babouin. Le premier a été conçu en utilisant une transformation géométrique optimale déterminée en prenant en compte les structures osseuses et les tissus mous de la tête. Comme on peut s’y attendre, la complétude des informations morphologiques prises en compte permet d’obtenir un modèle qui décrit avec une grande précision la morphologie de la langue du babouin.</p> <p>Puis nous avons généré un second modèle, en déterminant la transformation géométrique optimale sur la seule base des informations sur les structures osseuses, ignorant celles sur les tissus mous. Ce second modèle s’est avéré être très proche du premier et la fiabilité de cette prédiction a été validée par des outils statistiques de quantification des incertitudes développés par Anca Belme à l’Institut Jean Le Rond d’Alembert de Sorbonne Université. Nous avons alors pu conclure que notre méthode est fiable pour générer, à partir des seules structures osseuses, des modèles biomécaniques réalistes pour les langues de primates, qu’ils soient humains ou non humains, qu’ils soient vivants ou (bientôt car les analyses sont en cours) fossiles.</p> <p>C’est en exploitant cette méthode, que nous travaillons actuellement à la génération de modèles biomécaniques de la langue d’humains fossiles, tels que les <em>Homo Heidelbergensis</em> connus en Europe à partir de 600 000 ans ou les Néandertaliens de 70-50 000 ans, à partir respectivement des ossements d’Arago 21 (grotte à proximité de Perpignan) et de ceux de La Ferrassie 1 en Dordogne. Notre but est d’explorer systématiquement les conséquences des activations des muscles de la langue dans ces modèles, d’observer le spectre des formes de la bouche qui peuvent ainsi être générées et d’analyser les caractéristiques des sons qui seraient ainsi produits par les fossiles, en faisant l’hypothèse qu’ils possédaient des cordes vocales et des capacités pulmonaires similaires à celles des Homo Sapiens. Il sera aussi possible de tester quantitativement, en jouant sur la position de l’os hyoïde, connecté au larynx, dans quelle mesure la position, plus ou moins haute, du larynx est susceptible d’influencer la richesse des formes de bouches et des sons produits.</p> <p>C’est la méthodologie de recherche que nous avons choisie pour percer le mystère de l’émergence au cours de l’évolution humaine de la capacité à produire avec la bouche des sons suffisamment variés pour constituer la base d’un langage utilisant l’acoustique pour véhiculer des idées entre congénères…<img src="https://counter.theconversation.com/content/226977/count.gif?distributor=republish-lightbox-basic" alt="The Conversation" width="1" height="1" /></p> <hr /> <h4><span><a href="https://theconversation.com/profiles/pascal-perrier-1528361">Pascal Perrier</a>, Professeur en Mathématiques du Signal - Modèles biomécaniques orofociaux - Modèlisation du contrôle moteur de la production de la parole, <em><a href="https://theconversation.com/institutions/institut-polytechnique-de-grenoble-grenoble-inp-2428">Institut polytechnique de Grenoble (Grenoble INP)</a></em>; <a href="https://theconversation.com/profiles/amelie-vialet-1528373">Amélie Vialet</a>, Maître de conférences en paléoanthropologie, <em><a href="https://theconversation.com/institutions/museum-national-dhistoire-naturelle-mnhn-2191">Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)</a></em> et <a href="https://theconversation.com/profiles/yohan-payan-1528354">Yohan Payan</a>, Chercheur en biomécanique des tissus mous, laboratoire TIMC (CNRS, Univ. 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Lire l’<a href="https://theconversation.com/emergence-du-langage-dans-levolution-humaine-des-chercheurs-font-parler-les-structures-osseuses-fossilisees-226977">article original</a>.</h4> </div>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'emergence-du-langage-dans-l-evolution-humaine-des-chercheurs-font-parler-les-structures-osseuses-fossilisees', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 25, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => 'https://theconversation.com/emergence-du-langage-dans-levolution-humaine-des-chercheurs-font-parler-les-structures-osseuses-fossilisees-226977', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 10, 'person_id' => (int) 85, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'comments' => [ [maximum depth reached] ], 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Posts' } ] $embeds = [] $images = [ (int) 0 => object(Cake\ORM\Entity) { 'id' => (int) 9631, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'name' => 'IMG_0492.jpg', 'type' => 'image', 'subtype' => 'jpeg', 'size' => (int) 7830176, 'md5' => '92a27cf7451a2e6710b98b8dc5e119c8', 'width' => (int) 3888, 'height' => (int) 2592, 'date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'title' => '', 'description' => '', 'author' => '', 'copyright' => '© Giacomo Sini et Dario Antonelli', 'path' => '1665641433_img_0492.jpg', 'embed' => null, 'profile' => 'default', '_joinData' => object(Cake\ORM\Entity) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Attachments' }, (int) 1 => object(Cake\ORM\Entity) { 'id' => (int) 9635, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'name' => 'IMG_4946.jpg', 'type' => 'image', 'subtype' => 'jpeg', 'size' => (int) 6602140, 'md5' => 'afd8daddac0e68a1669919ea24cb8f51', 'width' => (int) 5472, 'height' => (int) 3648, 'date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'title' => '', 'description' => '', 'author' => '', 'copyright' => '© Giacomo Sini et Dario Antonelli', 'path' => '1665655881_img_4946.jpg', 'embed' => null, 'profile' => 'default', '_joinData' => object(Cake\ORM\Entity) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Attachments' } ] $audios = [] $comments = [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Comment) { 'id' => (int) 5445, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'status' => 'ACCEPTED', 'comment' => 'Ce qui est décrit dans cet article doit servir pour les luttes à venir. 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VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET
1 Commentaire
@Boas Erez 14.10.2022 | 06h29
«Ce qui est décrit dans cet article doit servir pour les luttes à venir. Il est courant que les activistes se concentrent sur le thème qui leur tient le plus à coeur, et négligent les liens que leur cause peut avoir avec d'autres. C'est donc d'autant plus intéressant de voir comment ici ont été mises "en évidence les relations entre la base militaire, les missions à l'étranger et l'importante quantité de dépenses publiques utilisées pour défendre les actifs stratégiques des entreprises fossiles, mettant ainsi au centre le problème du capitalisme fossile".»