"Hitler's Madman", Douglas Sirk, 1943. © WBEI
La progression de l’extrême-droite populiste dans plusieurs régions névralgiques du monde; l’instabilité géopolitique internationale liée à la guerre en Ukraine et les dangers sérieux de conflagration nucléaire; les vives inquiétudes liées aux pandémies ainsi que les preuves estivales accablantes concernant le réchauffement climatique apportées par la canicule. La situation planétaire n’incite guère à l’optimisme. Elle peut aussi faire craindre un retour aux pires heures qu’a connues l’humanité au cours du XXème siècle. Ces pages très sombres de l’histoire contemporaine ont profondément marqué le cinéma dans le passé. Et elles continuent d’inspirer au présent le travail de réalisateurs, comme en témoignent plusieurs des films projetés cette année au Festival du film de Locarno.
L’art du silence de Maurizius Staerkle Drux, My neighbor Adolf de Leon Prudovsky et Skazka (Fairytale) d’Alexander Sokurov ont été présentés en première mondiale au bord du lac Majeur. Ces trois films ont permis aux spectateurs de s’interroger sur la représentation de la violence extrême, du totalitarisme et de leurs conséquences au cinéma. Ces thèmes sont abordés avec brio dans le travail de Costa-Gavras, récompensé cette année à l’âge de 89 ans pour l’ensemble de son œuvre. Ils apparaissent aussi de manière très frappante dans celle de Douglas Sirk (né Detlef Sierck), à laquelle une magnifique rétrospective a été consacrée. Retour critique.
L'art du silence
Comment sortir de l’enfermement intérieur? Comment transcender un traumatisme et se reconstruire? Le jeune réalisateur suisse Maurizius Staerkle Drux s’intéresse au célèbre mime Marcel Marceau. Son vrai nom est Marcel Mangel. Enfant de la Shoah, il s’est engagé dans la résistance. Il a fait passer des enfants juifs en train de France en Suisse. Marcel Mangel leur apprenait à se taire car il était essentiel de ne pas faire de bruit pour éviter de se faire repérer. Son propre père et d’autres membres de sa famille sont morts à Auschwitz. Après la guerre, il fut incapable d’évoquer cette partie tragique et héroïque de sa vie. Il se perfectionna dans l’art du mime après avoir découvert Charlie Chaplin.
Maurizius Staerkle Drux a choisi de tourner ce film parce qu’il a lui-même grandi au côté d’un père sourd. La vie de ce dernier a été transformée lorsqu’il a vu le mime Marceau pour la première fois. Christoph Staerkle découvrait qu’il était possible d’exprimer ses émotions sans la parole, sans recourir à des mots. Ensuite, ce père est devenu mime et il s’est spécialisé dans la parodie.
Dans l’Art du silence, le réalisateur interroge l’épouse de Marcel Marceau et ses deux filles, ainsi que son petit-fils qui se forme à la danse. La célébrité du mime s’est construite peu à peu. Le couple a enseigné ensemble l’art théâtral. Leurs filles évoquent un père relativement absent, qui se confondait presque entièrement avec le personnage de Bip qu’il avait créé. Quant à son petit-fils, il avait six ans lors de la mort de son grand-père. Il n’en garde pas de souvenir précis. Cependant, il a une conscience affutée d’avoir grandi dans une famille d’artistes extraordinaire. L’Art du silence revient enfin avec délicatesse sur la carrière de Marcel Marceau, son rapport très particulier à la création. Il se met en quête de son personnage. La caméra capture le souffle poétique qui habite le mime Marceau lorsqu’il imite le papillon. Marceau et Bip avaient pour vocation d’incarner l’amour universel. Ils étaient la réponse à la tragédie que Marcel Mangel avait dû surmonter, à l’indicible, au fait d’avoir perdu sa famille, son père et les circonstances horribles de leur disparition. Ayant joué en Allemagne après la Shoah, Marceau avait même serré la main de nombreux Allemands. Parmi eux se trouvait peut-être – il en était conscient – le bourreau de son propre père.
My neighbor Adolf
A l’instar de l’Art du Silence, My neighbor Adolf de Leon Prudovsky évoque lui aussi, sur le mode de la fiction, la question de la difficulté à surmonter un traumatisme. Un rescapé ayant perdu toute sa famille dans la Shoah, réfugié en Argentine dans les années 1960, vit seul dans une grande maison totalement délabrée. Il est sans le sou; il n’a pu recréer une famille, ni développer des relations sociales normales. Le protagoniste est persuadé que son nouveau voisin, n’est autre qu’Adolf Hitler, qu’il avait pu apercevoir brièvement en personne en 1936. Il décide alors de prouver son étrange théorie en récoltant des preuves objectives. Mais personne ne le croit, pas même le consulat d'Israël (dont l’intervention pour capturer le haut dignitaire et criminel de guerre Adolf Eichmann avait été décisive dans la réalité au moment des faits). Le protagoniste tente de dialoguer avec son voisin nouveau venu pour confirmer ses soupçons. S’approcher du Mal en personne n’est de loin pas une mince affaire… Au fur et à mesure que l’intrigue se noue, le héros se rend compte que son voisin, avec lequel il partage une passion pour le jeu d’échecs, souffre, lui aussi, d’une grande solitude. Celle-ci est avant tout d’ordre moral et spirituel. Et pour cause: s’il n’est pas Hitler en personne, il en a bien été l’un des sosies officiels durant toute la période du Troisième Reich! Puis, quand le régime nazi s’est effondré, il est devenu un criminel d’un genre différent. Toujours escroc, il a continué à vendre des toiles peintes à la façon d’Hitler à des nostalgiques du régime et à des détraqués.
Le protagoniste principal est-il victime du syndrome de Stockholm? Très bien interprétés par David Hayman et Udo Kier, toujours est-il que les deux voisins paraissent inséparables. Ils sont tour à tour agressifs, pitoyables et pathétiques. L’originalité du film réside dans les lieux où le récit se déploie: deux masures perdues dans la pampa argentine, ainsi que dans le ton décalé des dialogues et le comique de situation. La quête obsessionnelle à laquelle se livre le héros donne lieu en effet à des quiproquos grotesques. Le film pose en creux la question de la mémoire et de la responsabilité individuelle et collective. Mais son humour noir n’aurait vraisemblablement pas pu être employé il y a quelques décennies. Il aurait probablement suscité des réactions scandalisées. Aujourd’hui encore, gageons que tout le monde ne sera pas convaincu par les choix opérés par le cinéaste pour traiter de sujets aussi graves.
Comme l’a rapporté notamment le Hollywood Reporter, à l’heure actuelle, la polémique autour de ce film porte sur un autre enjeu. Un groupe de réalisateurs et d'artistes israéliens ont demandé en vain au Festival du film de Locarno de renoncer à la projection en première mondiale sur la Piazza Grande du long métrage My Neighbor Adolf «en raison des conditions "racistes" et "explicitement politiques" liées à son financement». Ce film a été en grande partie financé par le Rabinovich Foundation’s Israel Cinema Project, le plus grand fonds dédié au financement cinématographique en Israël. Cette fondation obligerait contractuellement les producteurs à accepter que leurs films n'incluent aucune déclaration ou message niant «l'existence de l'Etat d'Israël en tant qu'Etat juif et démocratique». Selon le groupe ayant interpellé la direction du Festival, cette exigence va à l'encontre des rapports d'organisations de défense des droits humains telles qu'Amnesty International, Human Rights Watch et B'Tselem, qui ont toutes décrit Israël comme déployant un système d'«apartheid» contre les Palestiniens.
Shazka (Fairytale)
C’est le film d’un artiste très talentueux, d’un homme extrêmement cultivé connu aussi comme un défenseur de la liberté et de la démocratie. Comme à son habitude, Alexander Sokurov parvient à nous surprendre en créant un univers visuel aussi impressionnant qu’inhabituel. Tout dans l’image relève de la monumentalité, d’un «baroque» volontairement excessif. Doit-on se risquer à classer Skazka dans le genre du film fantastique? Ou du film noir? Le spectateur est plongé en tous les cas dans un univers irréel et sombre qui évoque la fantasmagorie. Celle-ci est l’art de projeter des fantômes ou des figures diaboliques en public. Influencé par son ami et maître Andrei Tarkowsky, Alexander Sokurov joue avec la possibilité d’animer, d’agrandir ou de rapetisser l’image par des manipulations optiques multiples. Cependant, l’univers dans lequel est plongé le spectateur dans ce film est surtout, à proprement parler, cauchemardesque. Sokurov nous montre une brochette de dictateurs. Pas n’importe lesquels. Il s’agit certainement des plus sanguinaires dictateurs du XXème siècle, ceux qui ont incarné le pouvoir totalitaire de la façon la plus sinistre et exemplaire, à savoir Hitler, Staline et Mussolini. Grâce à un procédé de synthèse, l’écran nous confronte aux silhouettes authentiques et aux vrais visages des protagonistes. Les trois criminels se promènent dans les limbes et s’arrêtent à plusieurs reprises devant des hautes portes symbolisant l’entrée du paradis. Hitler déclare espérer y accéder pour y retrouver Napoléon. Les portes s’entrouvrent et l’on aperçoit le visage de l’empereur. Sokurov fait converser entre eux les dictateurs. La médiocrité de leur personnalité et de leur caractère est mise en exergue sous toutes les coutures. Ils sont fats. Ils ont les idées courtes. Ils sont incapables de développer un propos au-delà d’un slogan; ils ânonnent toujours les mêmes mantras politiques de leur parti. Ils se font entre eux les compliments les plus ridicules sur leurs habits. Staline affirme être fier d’avoir assassiné la moitié de la Russie. Mais, allongé sur son lit de mort, il se plaint que ses bottes lui font mal. Hitler déclare regretter de n’avoir pas pu détruire Paris. Les trois dictateurs sont à la fois incultes et haineux; ils demeurent toujours aussi assoiffés de pouvoir et de destruction. Ils apparaissent devant des charniers inconscients et satisfaits. Leur errance est interminable. Certes, ils ne parviennent finalement pas à entrer au paradis. Leurs actes ne vont pas être cautionnés par Dieu; Seul Churchill apparaît à un moment donné nimbé d’un peu de lumière. Hitler, Staline et Mussolini restent réduits à leur pure corporalité, grotesques, dénués du moindre remord, encore et toujours animés par une haine viscérale et abjecte.
Alexander Sokurov a déclaré récemment: «L’humanisme est bel et bien mort et sans doute pour longtemps». On peut dès lors voir son film comme une allégorie du retour du totalitarisme. Son film semble être conçu comme un avertissement contre les discours démagogiques qui pullulent aujourd’hui un peu partout et qui parviennent malheureusement toujours et encore à mobiliser les foules. Le réalisateur cherche-t-il à nous interpeller, à nous questionner sur les dangers qui nous guettent en nous plongeant dans cet univers de mort et de ténèbres? Cependant, Skazka n’esquisse pas de réponse à la question du «pourquoi». On comprend que le cauchemar pourrait redevenir réalité si ces trois-là parvenaient à rejoindre le paradis; si leurs émules contemporains parvenaient eux aussi à progresser dans leurs desseins. Cependant, une interrogation demeure comment des êtres aussi primaires, aussi haineux, aussi primitifs ont-ils pu mobiliser de telles foules? Le film n’aborde pas la question. Szaka sonne comme une alerte, comme un avertissement salutaire, en cherchant à susciter et à catalyser les émotions du spectateur. Parce qu’il est dénué de portée didactique vraiment explicite et compte tenu de sa forme esthétique particulièrement originale, certains spectateurs risquent cependant de passer à côté du sujet de ce film.
Costa-Gavras: une voix contre les dictatures et le totalitarisme récompensée
Le 11 août, à l’occasion de la remise d’une récompense méritée pour l’ensemble de son œuvre, le premier film de Costa-Gavras, Compartiments tueurs (1965), a été projeté dans l’atmosphère enchanteresse de la Piazza Grande. A l’écran, on a pu reconnaître plusieurs de ses amis, restés fidèles tout au long de sa carrière, en particulier Simone Signoret, Yves Montand et Jacques Perrin. Le succès de Compartiments tueurs en 1965 avait de quoi surprendre. Konstantinos Gavras, dit Costa-Gavras, était arrivé à Paris en 1955 à l’âge de vingt-deux ans. Son statut d’exilé et ses origines sociales modestes contrastaient avec celles de ses contemporains parisiens issus de la bourgeoisie. Costa-Gavras a gardé un souvenir très vif de la famine vécue en Grèce comme enfant. Et du dur travail effectué avec les paysans de son village pour survivre entre 1939 et 1945. Il a été témoin de la répression par les troupes royalistes des sympathisants communistes, pour la plupart d’anciens résistants au nazisme, dont celle vécue par son propre père. Son œuvre sera profondément marquée par le souvenir de la Seconde guerre mondiale, du nazisme et de l’exil. Son deuxième film, Un homme de trop (1967), a aussi été projeté au Tessin. Le cinéaste évoque l’atmosphère très particulière qui régnait sur le tournage de ce film dans le Massif central dans ses passionnantes mémoires Va où il est impossible d’aller (Editions du Seuil, 2019). Il attribue cette ambiance aux thèmes encore très chauds et chargés de signification abordés dans le film - la guerre, la clandestinité, l’héroïsme, l’ambivalence, etc – ainsi qu’à la jeunesse et à l’énergie débordante des acteurs présents sur le tournage. «Un homme de trop fut un échec assez cuisant à sa sortie. Puis, une bataille juridique a duré trente ans autour des droits du film. Aujourd’hui pourtant, cinquante-cinq ans plus tard, la critique aussi bien française qu’américaine, est très élogieuse à son propos», a souligné le cinéaste. Costa-Gavras a réalisé en plus de soixante ans de carrière plusieurs œuvres majeures du cinéma politique. Consacrés aux dictatures et au totalitarisme, ces films ont marqué des générations de cinéphiles et de militants engagés. On peut citer en particulier Z (1969), l’Aveu (1970), Etat de siège (1973), Missing (1982), Section spéciale (1975), Music Box (1989)et Amen (2002). Ses films ont exploré avec brio les mécanismes du pouvoir et de la violence. Ils interrogent aussi subtilement les notions de responsabilité et de moralité chez les individus et au sein des groupes humains. Ils n’ont pas pris une ride.
Hitler's Madman de Douglas Sirk (1943)
Ce film fait partie des réalisations incontournables pour quiconque s’intéresse à la représentation de la terreur totalitaire au cinéma. Les festivaliers locarnais ont eu la chance de le découvrir ou de le re-découvrir lors de la rétrospective consacrée à Douglas Sirk. En grande partie reprise à la Cinémathèque suisse à partir du 24 août, cette rétrospective propose un sélection de longs métrages issu de la période allemande du réalisateur. Cependant, elle se focalise surtout sur les années qui ont suivi sa fuite du régime nazi en direction des Etats-Unis. Durant cette «période américaine», Sirk travaille pour les plus grands studios hollywoodiens et développe son style en plaçant les émotions au centre de ses préoccupations.
«On a reconnu en lui, depuis longtemps, le maître du mélodrame américain; son point de vue critique sur les Etats-Unis, sa sensibilité féministe, ont été analysés. Avec le recul, on découvre une productivité et une diversité étonnantes: 40 films en vingt-cinq ans, avec au milieu une interruption de quatre ans due à l’exil», souligne Bernard Eisenschitz, co-curateur avec Roberto Turigliatto de la magnifique rétrospective locarnaise et auteur d’un superbe ouvrage Douglas Sirk, né Detlef Sierck, qui vient de paraître aux éditions de l’œil. Sierck a en effet d’abord été un metteur en scène prolifique de théâtre, en prenant la direction après la Première guerre mondiale du théâtre de Chemnitz, puis de Brême et de Leipzig. Ensuite, il s’est voué corps et âme au cinéma. Il a réalisé sept longs métrages en trois ans pour la UFA. Mais, en 1937, Goebbels met la main sur la UFA, qui sera désormais au service de l’Etat nazi. Sierck est attaqué car il a épousé une femme juive. Plutôt que d’accepter les compromis, il choisit de s’exiler avec elle. Après une errance de deux ans à travers l’Europe, il arrive aux Etats-Unis. En 1943, un groupe d’exilés fait appel à lui pour diriger Hitler’s Madman (1943).
«Le genre du mélodrame a longtemps été considéré comme un genre moins important que le drame, le film historique ou le film de guerre. Or, c’est un des genres les plus difficiles au cinéma. Pour ne pas paraître ridicule, il faut donner aux symboles l’apparence de la réalité pour susciter des émotions et bouleverser le spectateur», a fait remarquer Lionel Baier, réalisateur et responsable du Département cinéma de l’Ecole d’art cantonal de Lausanne (ECAL), avant la projection du film au Cinéma Grand Rex de Locarno. Hitler’s Madman est un vrai film de fiction, mais sa qualité est presque documentaire. Il a été tourné dans le temps record d’une semaine en dehors des studios. Puis, il été repris par les producteurs de la MGM convaincus de son potentiel. On ne peut qu’être subjugué par l’extraordinaire précision de la mise en scène. Les événements atroces du printemps 1942 racontés dans le film sont quasiment contemporains du tournage. Sirk construit son récit autour de la destruction du village de Lidice et de ses habitants par les nazis en représailles pour le meurtre du SS-Obergruppenführer Reinhard Heydrich par les partisans tchèques. Il dépeint non seulement avec une parfaite lucidité et sans la moindre ambiguïté la violence et le sadisme des hauts dignitaires nazis, mais aussi l’extraordinaire courage d’une partie des villageoises et des villageois qui leur opposent une résistance, quand bien même ils sont conscients que celle-ci va les conduire vers une mort certaine. Sirk honore avec justesse et talent leur capacité extraordinaire à trouver la force nécessaire pour résister.
Les films du passé comme du présent au sujet du phénomène totalitaire, à l’instar de ceux projetés lors de cette 75ème édition du Festival de Locarno, convoquent des images puissantes et durables. Les questionner est une nécessité pour consolider les valeurs et l’imaginaire démocratiques.
Notice (8): Trying to access array offset on value of type null [APP/Template/Posts/view.ctp, line 147]Code Context<div class="col-lg-12 order-lg-4 order-md-4">
<? if(!$connected['active']): ?>
<div class="utils__spacer--default"></div>
$viewFile = '/data01/sites/bonpourlatete.com/dev/bonpourlatete.com/src/Template/Posts/view.ctp' $dataForView = [ 'referer' => 'https://dev.bonpourlatete.com/like/3761', 'OneSignal' => '8a2ea76e-2c65-48ce-92e5-098c4cb86093', '_serialize' => [ (int) 0 => 'post' ], 'post' => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 3761, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => true, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => null, 'readed' => null, 'subhead' => null, 'title' => 'L’ombre portée des totalitarismes', 'subtitle' => 'La progression de l’extrême-droite populiste dans plusieurs régions névralgiques du monde; l’instabilité géopolitique internationale liée à la guerre en Ukraine et les dangers sérieux de conflagration nucléaire; les vives inquiétudes liées aux pandémies ainsi que les preuves estivales accablantes concernant le réchauffement climatique apportées par la canicule. La situation planétaire n’incite guère à l’optimisme. Elle peut aussi faire craindre un retour aux pires heures qu’a connues l’humanité au cours du XXème siècle. Ces pages très sombres de l’histoire contemporaine ont profondément marqué le cinéma dans le passé. Et elles continuent d’inspirer au présent le travail de réalisateurs, comme en témoignent plusieurs des films projetés cette année au Festival du film de Locarno. ', 'subtitle_edition' => 'La progression de l’extrême-droite populiste dans plusieurs régions névralgiques du monde; l’instabilité géopolitique internationale liée à la guerre en Ukraine et les dangers sérieux de conflagration nucléaire; les vives inquiétudes liées aux pandémies ainsi que les preuves estivales accablantes concernant le réchauffement climatique apportées par la canicule. La situation planétaire n’incite guère à l’optimisme. ', 'content' => '<p><i>L’art du silence </i>de Maurizius Staerkle Drux, <i>My neighbor Adolf</i> de Leon Prudovsky et <i>Skazka (Fairytale)</i> d’Alexander Sokurov ont été présentés en première mondiale au bord du lac Majeur. Ces trois films ont permis aux spectateurs de s’interroger sur la représentation de la violence extrême, du totalitarisme et de leurs conséquences au cinéma. Ces thèmes sont abordés avec brio dans le travail de Costa-Gavras, récompensé cette année à l’âge de 89 ans pour l’ensemble de son œuvre. Ils apparaissent aussi de manière très frappante dans celle de Douglas Sirk (né Detlef Sierck), à laquelle une magnifique rétrospective a été consacrée. Retour critique.</p> <h3><em>L'art du silence</em></h3> <p>Comment sortir de l’enfermement intérieur? Comment transcender un traumatisme et se reconstruire? <b></b>Le jeune réalisateur suisse Maurizius Staerkle Drux s’intéresse au célèbre mime Marcel Marceau. Son vrai nom est Marcel Mangel. Enfant de la Shoah, il s’est engagé dans la résistance. Il a fait passer des enfants juifs en train de France en Suisse. Marcel Mangel leur apprenait à se taire car il était essentiel de ne pas faire de bruit pour éviter de se faire repérer. Son propre père et d’autres membres de sa famille sont morts à Auschwitz. Après la guerre, il fut incapable d’évoquer cette partie tragique et héroïque de sa vie. Il se perfectionna dans l’art du mime après avoir découvert Charlie Chaplin.</p> <p>Maurizius Staerkle Drux a choisi de tourner ce film parce qu’il a lui-même grandi au côté d’un père sourd. La vie de ce dernier a été transformée lorsqu’il a vu le mime Marceau pour la première fois. Christoph Staerkle découvrait qu’il était possible d’exprimer ses émotions sans la parole, sans recourir à des mots. Ensuite, ce père est devenu mime et il s’est spécialisé dans la parodie. </p> <p>Dans <i>l’Art du silence</i>, le réalisateur interroge l’épouse de Marcel Marceau et ses deux filles, ainsi que son petit-fils qui se forme à la danse. La célébrité du mime s’est construite peu à peu. Le couple a enseigné ensemble l’art théâtral. Leurs filles évoquent un père relativement absent, qui se confondait presque entièrement avec le personnage de Bip qu’il avait créé. Quant à son petit-fils, il avait six ans lors de la mort de son grand-père. Il n’en garde pas de souvenir précis. Cependant, il a une conscience affutée d’avoir grandi dans une famille d’artistes extraordinaire. <i>L</i>’<i>Art du silence </i>revient enfin avec délicatesse sur la carrière de Marcel Marceau, son rapport très particulier à la création. Il se met en quête de son personnage. La caméra capture le souffle poétique qui habite le mime Marceau lorsqu’il imite le papillon. Marceau et Bip avaient pour vocation d’incarner l’amour universel. Ils étaient la réponse à la tragédie que Marcel Mangel avait dû surmonter, à l’indicible, au fait d’avoir perdu sa famille, son père et les circonstances horribles de leur disparition. Ayant joué en Allemagne après la Shoah, Marceau avait même serré la main de nombreux Allemands. Parmi eux se trouvait peut-être – il en était conscient – le bourreau de son propre père.</p> <h3><em>My neighbor Adolf</em></h3> <p>A l’instar de <i>l’Art du Silence</i>, <i>My neighbor Adolf</i> de Leon Prudovsky évoque lui aussi, sur le mode de la fiction, la question de la difficulté à surmonter un traumatisme. Un rescapé ayant perdu toute sa famille dans la Shoah, réfugié en Argentine dans les années 1960, vit seul dans une grande maison totalement délabrée. Il est sans le sou; il n’a pu recréer une famille, ni développer des relations sociales normales. Le protagoniste est persuadé que son nouveau voisin, n’est autre qu’Adolf Hitler, qu’il avait pu apercevoir brièvement en personne en 1936. Il décide alors de prouver son étrange théorie en récoltant des preuves objectives. Mais personne ne le croit, pas même le consulat d'Israël (dont l’intervention pour capturer le haut dignitaire et criminel de guerre Adolf Eichmann avait été décisive dans la réalité au moment des faits). Le protagoniste tente de dialoguer avec son voisin nouveau venu pour confirmer ses soupçons. S’approcher du Mal en personne n’est de loin pas une mince affaire… Au fur et à mesure que l’intrigue se noue, le héros se rend compte que son voisin, avec lequel il partage une passion pour le jeu d’échecs, souffre, lui aussi, d’une grande solitude. Celle-ci est avant tout d’ordre moral et spirituel. Et pour cause: s’il n’est pas Hitler en personne, il en a bien été l’un des sosies officiels durant toute la période du Troisième Reich! Puis, quand le régime nazi s’est effondré, il est devenu un criminel d’un genre différent. Toujours escroc, il a continué à vendre des toiles peintes à la façon d’Hitler à des nostalgiques du régime et à des détraqués.</p> <p>Le protagoniste principal est-il victime du syndrome de Stockholm? Très bien interprétés par David Hayman et Udo Kier, toujours est-il que les deux voisins paraissent inséparables. Ils sont tour à tour agressifs, pitoyables et pathétiques. L’originalité du film réside dans les lieux où le récit se déploie: deux masures perdues dans la pampa argentine, ainsi que dans le ton décalé des dialogues et le comique de situation. La quête obsessionnelle à laquelle se livre le héros donne lieu en effet à des quiproquos grotesques. Le film pose en creux la question de la mémoire et de la responsabilité individuelle et collective. Mais son humour noir n’aurait vraisemblablement pas pu être employé il y a quelques décennies. Il aurait probablement suscité des réactions scandalisées. Aujourd’hui encore, gageons que tout le monde ne sera pas convaincu par les choix opérés par le cinéaste pour traiter de sujets aussi graves. </p> <p>Comme l’a rapporté notamment le <i>Hollywood Reporter</i>, à l’heure actuelle, la polémique autour de ce film porte sur un autre enjeu. Un groupe de réalisateurs et d'artistes israéliens ont demandé en vain au Festival du film de Locarno de renoncer à la projection en première mondiale sur la Piazza Grande du long métrage <i>My Neighbor Adolf</i> «en raison des conditions "racistes" et "explicitement politiques" liées à son financement». <b></b>Ce <b></b>film a été en grande partie financé par le Rabinovich Foundation’s Israel Cinema Project, le plus grand fonds dédié au financement cinématographique en Israël. Cette fondation obligerait contractuellement les producteurs à accepter que leurs films n'incluent aucune déclaration ou message niant «l'existence de l'Etat d'Israël en tant qu'Etat juif et démocratique». Selon le groupe ayant interpellé la direction du Festival, cette exigence va à l'encontre des rapports d'organisations de défense des droits humains telles qu'Amnesty International, Human Rights Watch et B'Tselem, qui ont toutes décrit Israël comme déployant un système d'«apartheid» contre les Palestiniens.</p> <h3><em>Shazka</em> (Fairytale)</h3> <p>C’est le film d’un artiste très talentueux, d’un homme extrêmement cultivé connu aussi comme un défenseur de la liberté et de la démocratie. Comme à son habitude, Alexander Sokurov parvient à nous surprendre en créant un univers visuel aussi impressionnant qu’inhabituel. <b></b>Tout dans l’image relève de la monumentalité, d’un «baroque» volontairement excessif. Doit-on se risquer à classer <i>Skazka</i> dans le genre du film fantastique? Ou du film noir? Le spectateur est plongé en tous les cas dans un univers irréel et sombre qui évoque la fantasmagorie. Celle-ci est l’art de projeter des fantômes ou des figures diaboliques en public. Influencé par son ami et maître Andrei Tarkowsky, Alexander Sokurov joue avec la possibilité d’animer, d’agrandir ou de rapetisser l’image par des manipulations optiques multiples. Cependant, l’univers dans lequel est plongé le spectateur dans ce film est surtout, à proprement parler, cauchemardesque. Sokurov nous montre une brochette de dictateurs. Pas n’importe lesquels. Il s’agit certainement des plus sanguinaires dictateurs du XXème siècle, ceux qui ont incarné le pouvoir totalitaire de la façon la plus sinistre et exemplaire, à savoir Hitler, Staline et Mussolini. Grâce à un procédé de synthèse, l’écran nous confronte aux silhouettes authentiques et aux vrais visages des protagonistes. Les trois criminels se promènent dans les limbes et s’arrêtent à plusieurs reprises devant des hautes portes symbolisant l’entrée du paradis. Hitler déclare espérer y accéder pour y retrouver Napoléon. Les portes s’entrouvrent et l’on aperçoit le visage de l’empereur. Sokurov fait converser entre eux les dictateurs. La médiocrité de leur personnalité et de leur caractère est mise en exergue sous toutes les coutures. Ils sont fats. Ils ont les idées courtes. Ils sont incapables de développer un propos au-delà d’un slogan; ils ânonnent toujours les mêmes mantras politiques de leur parti. Ils se font entre eux les compliments les plus ridicules sur leurs habits. Staline affirme être fier d’avoir assassiné la moitié de la Russie. Mais, allongé sur son lit de mort, il se plaint que ses bottes lui font mal. Hitler déclare regretter de n’avoir pas pu détruire Paris. Les trois dictateurs sont à la fois incultes et haineux; ils demeurent toujours aussi assoiffés de pouvoir et de destruction. Ils apparaissent devant des charniers inconscients et satisfaits. Leur errance est interminable. Certes, ils ne parviennent finalement pas à entrer au paradis. Leurs actes ne vont pas être cautionnés par Dieu; Seul Churchill apparaît à un moment donné nimbé d’un peu de lumière. Hitler, Staline et Mussolini restent réduits à leur pure corporalité, grotesques, dénués du moindre remord, encore et toujours animés par une haine viscérale et abjecte. </p> <p>Alexander Sokurov a déclaré récemment: «L’humanisme est bel et bien mort et sans doute pour longtemps». On peut dès lors voir son film comme une allégorie du retour du totalitarisme. Son film semble être conçu comme un avertissement contre les discours démagogiques qui pullulent aujourd’hui un peu partout et qui parviennent malheureusement toujours et encore à mobiliser les foules. Le réalisateur cherche-t-il à nous interpeller, à nous questionner sur les dangers qui nous guettent en nous plongeant dans cet univers de mort et de ténèbres? Cependant, <i>Skazka</i> n’esquisse pas de réponse à la question du «pourquoi». On comprend que le cauchemar pourrait redevenir réalité si ces trois-là parvenaient à rejoindre le paradis; si leurs émules contemporains parvenaient eux aussi à progresser dans leurs desseins. Cependant, une interrogation demeure comment des êtres aussi primaires, aussi haineux, aussi primitifs ont-ils pu mobiliser de telles foules? Le film n’aborde pas la question. <i>Szaka</i> sonne comme une alerte, comme un avertissement salutaire, en cherchant à susciter et à catalyser les émotions du spectateur. Parce qu’il est dénué de portée didactique vraiment explicite et compte tenu de sa forme esthétique particulièrement originale, certains spectateurs risquent cependant de passer à côté du sujet de ce film. </p> <h3>Costa-Gavras: une voix contre les dictatures et le totalitarisme récompensée</h3> <p>Le 11 août, à l’occasion de la remise d’une récompense méritée pour l’ensemble de son œuvre, le premier film de Costa-Gavras,<i> Compartiments tueurs</i> (1965)<i>, </i>a été projeté dans l’atmosphère enchanteresse de la Piazza Grande. A l’écran, on a pu reconnaître plusieurs de ses amis, restés fidèles tout au long de sa carrière, en particulier Simone Signoret, Yves Montand et Jacques Perrin. Le succès de <i>Compartiments tueurs</i> en 1965 avait de quoi surprendre. Konstantinos Gavras, dit Costa-Gavras, était arrivé à Paris en 1955 à l’âge de vingt-deux ans. Son statut d’exilé et ses origines sociales modestes contrastaient avec celles de ses contemporains parisiens issus de la bourgeoisie. Costa-Gavras a gardé un souvenir très vif de la famine vécue en Grèce comme enfant. Et du dur travail effectué avec les paysans de son village pour survivre entre 1939 et 1945. Il a été témoin de la répression par les troupes royalistes des sympathisants communistes, pour la plupart d’anciens résistants au nazisme, dont celle vécue par son propre père. Son œuvre sera profondément marquée par le souvenir de la Seconde guerre mondiale, du nazisme et de l’exil. Son deuxième film, <i>Un homme de trop</i> (1967), a aussi été projeté au Tessin. Le cinéaste évoque l’atmosphère très particulière qui régnait sur le tournage de ce film dans le Massif central dans ses passionnantes mémoires <i>Va où il est impossible d’aller</i> (Editions du Seuil, 2019). Il attribue cette ambiance aux thèmes encore très chauds et chargés de signification abordés dans le film - la guerre, la clandestinité, l’héroïsme, l’ambivalence, etc – ainsi qu’à la jeunesse et à l’énergie débordante des acteurs présents sur le tournage. «<i>Un homme de trop</i> fut un échec assez cuisant à sa sortie. Puis, une bataille juridique a duré trente ans autour des droits du film<i>.</i> Aujourd’hui pourtant, cinquante-cinq ans plus tard, la critique aussi bien française qu’américaine, est très élogieuse à son propos», a souligné le cinéaste. Costa-Gavras a réalisé en plus de soixante ans de carrière plusieurs œuvres majeures du cinéma politique. Consacrés aux dictatures et au totalitarisme, ces films ont marqué des générations de cinéphiles et de militants engagés. <i></i>On peut citer en particulier<i> Z</i> (1969)<i>, l’Aveu</i> (1970)<i>, Etat de siège</i> (1973)<i>, Missing</i> (1982)<i>, Section spéciale </i>(1975)<i>, Music Box</i> (1989)<i></i>et<i> Amen</i> (2002). Ses films ont exploré avec brio les mécanismes du pouvoir et de la violence. Ils interrogent aussi subtilement les notions de responsabilité et de moralité chez les individus et au sein des groupes humains. Ils n’ont pas pris une ride.</p> <h3><em>Hitler's Madman</em> de Douglas Sirk (1943)</h3> <p>Ce film fait partie des réalisations incontournables pour quiconque s’intéresse à la représentation de la terreur totalitaire au cinéma. Les festivaliers locarnais ont eu la chance de le découvrir ou de le re-découvrir lors de la rétrospective consacrée à Douglas Sirk. En grande partie reprise à la Cinémathèque suisse à partir du 24 août, cette rétrospective propose un sélection de longs métrages issu de la période allemande du réalisateur. Cependant, elle se focalise surtout sur les années qui ont suivi sa fuite du régime nazi en direction des Etats-Unis. Durant cette «période américaine», Sirk travaille pour les plus grands studios hollywoodiens et développe son style en plaçant les émotions au centre de ses préoccupations. </p> <p>«On a reconnu en lui, depuis longtemps, le maître du mélodrame américain; son point de vue critique sur les Etats-Unis, sa sensibilité féministe, ont été analysés. Avec le recul, on découvre une productivité et une diversité étonnantes: 40 films en vingt-cinq ans, avec au milieu une interruption de quatre ans due à l’exil», souligne Bernard Eisenschitz, co-curateur avec Roberto Turigliatto de la magnifique rétrospective locarnaise et auteur d’un superbe ouvrage <i>Douglas Sirk, né Detlef Sierck,</i> qui vient de paraître aux éditions de l’œil. Sierck a en effet d’abord été un metteur en scène prolifique de théâtre, en prenant la direction après la Première guerre mondiale du théâtre de Chemnitz, puis de Brême et de Leipzig. Ensuite, il s’est voué corps et âme au cinéma. Il a réalisé sept longs métrages en trois ans pour la UFA. Mais, en 1937, Goebbels met la main sur la UFA, qui sera désormais au service de l’Etat nazi. Sierck est attaqué car il a épousé une femme juive. Plutôt que d’accepter les compromis, il choisit de s’exiler avec elle. Après une errance de deux ans à travers l’Europe, il arrive aux Etats-Unis. En 1943, un groupe d’exilés fait appel à lui pour diriger <i>Hitler’s Madman </i>(1943).</p> <p>«Le genre du mélodrame a longtemps été considéré comme un genre moins important que le drame, le film historique ou le film de guerre. Or, c’est un des genres les plus difficiles au cinéma. Pour ne pas paraître ridicule, il faut donner aux symboles l’apparence de la réalité pour susciter des émotions et bouleverser le spectateur», a fait remarquer Lionel Baier, réalisateur et responsable du Département cinéma de l’Ecole d’art cantonal de Lausanne (ECAL), avant la projection du film au Cinéma Grand Rex de Locarno. <i>Hitler’s Madman</i> est un vrai film de fiction, mais sa qualité est presque documentaire. Il a été tourné dans le temps record d’une semaine en dehors des studios. Puis, il été repris par les producteurs de la MGM convaincus de son potentiel. On ne peut qu’être subjugué par l’extraordinaire précision de la mise en scène. Les événements atroces du printemps 1942 racontés dans le film sont quasiment contemporains du tournage. Sirk construit son récit autour de la destruction du village de Lidice et de ses habitants par les nazis en représailles pour le meurtre du SS-Obergruppenführer<b> </b>Reinhard Heydrich par les partisans tchèques. Il dépeint non seulement avec une parfaite lucidité et sans la moindre ambiguïté la violence et le sadisme des hauts dignitaires nazis, mais aussi l’extraordinaire courage d’une partie des villageoises et des villageois qui leur opposent une résistance, quand bien même ils sont conscients que celle-ci va les conduire vers une mort certaine. Sirk honore avec justesse et talent leur capacité extraordinaire à trouver la force nécessaire pour résister.</p> <p>Les films du passé comme du présent au sujet du phénomène totalitaire, à l’instar de ceux projetés lors de cette 75ème édition du Festival de Locarno, convoquent des images puissantes et durables. Les questionner est une nécessité pour consolider les valeurs et l’imaginaire démocratiques.</p>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'l-ombre-portee-des-totalitarismes', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 461, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 6, 'person_id' => (int) 1259, 'post_type_id' => (int) 1, 'poster_attachment' => null, 'editions' => [ [maximum depth reached] ], 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'attachments' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'comments' => [[maximum depth reached]], 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Posts' }, 'relatives' => [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Post) {}, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Post) {}, (int) 2 => object(App\Model\Entity\Post) {}, (int) 3 => object(App\Model\Entity\Post) {} ], 'embeds' => [], 'images' => [ (int) 0 => object(Cake\ORM\Entity) {} ], 'audios' => [], 'comments' => [], 'author' => 'Emmanuel Deonna', 'description' => 'La progression de l’extrême-droite populiste dans plusieurs régions névralgiques du monde; l’instabilité géopolitique internationale liée à la guerre en Ukraine et les dangers sérieux de conflagration nucléaire; les vives inquiétudes liées aux pandémies ainsi que les preuves estivales accablantes concernant le réchauffement climatique apportées par la canicule. La situation planétaire n’incite guère à l’optimisme. Elle peut aussi faire craindre un retour aux pires heures qu’a connues l’humanité au cours du XXème siècle. Ces pages très sombres de l’histoire contemporaine ont profondément marqué le cinéma dans le passé. Et elles continuent d’inspirer au présent le travail de réalisateurs, comme en témoignent plusieurs des films projetés cette année au Festival du film de Locarno. ', 'title' => 'L’ombre portée des totalitarismes', 'crawler' => true, 'connected' => null, 'menu_blocks' => [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Block) {}, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Block) {} ], 'menu' => [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Category) {}, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Category) {}, (int) 2 => object(App\Model\Entity\Category) {}, (int) 3 => object(App\Model\Entity\Category) {}, (int) 4 => object(App\Model\Entity\Category) {}, (int) 5 => object(App\Model\Entity\Category) {}, (int) 6 => object(App\Model\Entity\Category) {}, (int) 7 => object(App\Model\Entity\Category) {}, (int) 8 => object(App\Model\Entity\Category) {}, (int) 9 => object(App\Model\Entity\Category) {}, (int) 10 => object(App\Model\Entity\Category) {}, (int) 11 => object(App\Model\Entity\Category) {}, (int) 12 => object(App\Model\Entity\Category) {} ] ] $bufferLevel = (int) 1 $referer = 'https://dev.bonpourlatete.com/like/3761' $OneSignal = '8a2ea76e-2c65-48ce-92e5-098c4cb86093' $_serialize = [ (int) 0 => 'post' ] $post = object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 3761, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => true, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => null, 'readed' => null, 'subhead' => null, 'title' => 'L’ombre portée des totalitarismes', 'subtitle' => 'La progression de l’extrême-droite populiste dans plusieurs régions névralgiques du monde; l’instabilité géopolitique internationale liée à la guerre en Ukraine et les dangers sérieux de conflagration nucléaire; les vives inquiétudes liées aux pandémies ainsi que les preuves estivales accablantes concernant le réchauffement climatique apportées par la canicule. La situation planétaire n’incite guère à l’optimisme. Elle peut aussi faire craindre un retour aux pires heures qu’a connues l’humanité au cours du XXème siècle. Ces pages très sombres de l’histoire contemporaine ont profondément marqué le cinéma dans le passé. Et elles continuent d’inspirer au présent le travail de réalisateurs, comme en témoignent plusieurs des films projetés cette année au Festival du film de Locarno. ', 'subtitle_edition' => 'La progression de l’extrême-droite populiste dans plusieurs régions névralgiques du monde; l’instabilité géopolitique internationale liée à la guerre en Ukraine et les dangers sérieux de conflagration nucléaire; les vives inquiétudes liées aux pandémies ainsi que les preuves estivales accablantes concernant le réchauffement climatique apportées par la canicule. La situation planétaire n’incite guère à l’optimisme. ', 'content' => '<p><i>L’art du silence </i>de Maurizius Staerkle Drux, <i>My neighbor Adolf</i> de Leon Prudovsky et <i>Skazka (Fairytale)</i> d’Alexander Sokurov ont été présentés en première mondiale au bord du lac Majeur. Ces trois films ont permis aux spectateurs de s’interroger sur la représentation de la violence extrême, du totalitarisme et de leurs conséquences au cinéma. Ces thèmes sont abordés avec brio dans le travail de Costa-Gavras, récompensé cette année à l’âge de 89 ans pour l’ensemble de son œuvre. Ils apparaissent aussi de manière très frappante dans celle de Douglas Sirk (né Detlef Sierck), à laquelle une magnifique rétrospective a été consacrée. Retour critique.</p> <h3><em>L'art du silence</em></h3> <p>Comment sortir de l’enfermement intérieur? Comment transcender un traumatisme et se reconstruire? <b></b>Le jeune réalisateur suisse Maurizius Staerkle Drux s’intéresse au célèbre mime Marcel Marceau. Son vrai nom est Marcel Mangel. Enfant de la Shoah, il s’est engagé dans la résistance. Il a fait passer des enfants juifs en train de France en Suisse. Marcel Mangel leur apprenait à se taire car il était essentiel de ne pas faire de bruit pour éviter de se faire repérer. Son propre père et d’autres membres de sa famille sont morts à Auschwitz. Après la guerre, il fut incapable d’évoquer cette partie tragique et héroïque de sa vie. Il se perfectionna dans l’art du mime après avoir découvert Charlie Chaplin.</p> <p>Maurizius Staerkle Drux a choisi de tourner ce film parce qu’il a lui-même grandi au côté d’un père sourd. La vie de ce dernier a été transformée lorsqu’il a vu le mime Marceau pour la première fois. Christoph Staerkle découvrait qu’il était possible d’exprimer ses émotions sans la parole, sans recourir à des mots. Ensuite, ce père est devenu mime et il s’est spécialisé dans la parodie. </p> <p>Dans <i>l’Art du silence</i>, le réalisateur interroge l’épouse de Marcel Marceau et ses deux filles, ainsi que son petit-fils qui se forme à la danse. La célébrité du mime s’est construite peu à peu. Le couple a enseigné ensemble l’art théâtral. Leurs filles évoquent un père relativement absent, qui se confondait presque entièrement avec le personnage de Bip qu’il avait créé. Quant à son petit-fils, il avait six ans lors de la mort de son grand-père. Il n’en garde pas de souvenir précis. Cependant, il a une conscience affutée d’avoir grandi dans une famille d’artistes extraordinaire. <i>L</i>’<i>Art du silence </i>revient enfin avec délicatesse sur la carrière de Marcel Marceau, son rapport très particulier à la création. Il se met en quête de son personnage. La caméra capture le souffle poétique qui habite le mime Marceau lorsqu’il imite le papillon. Marceau et Bip avaient pour vocation d’incarner l’amour universel. Ils étaient la réponse à la tragédie que Marcel Mangel avait dû surmonter, à l’indicible, au fait d’avoir perdu sa famille, son père et les circonstances horribles de leur disparition. Ayant joué en Allemagne après la Shoah, Marceau avait même serré la main de nombreux Allemands. Parmi eux se trouvait peut-être – il en était conscient – le bourreau de son propre père.</p> <h3><em>My neighbor Adolf</em></h3> <p>A l’instar de <i>l’Art du Silence</i>, <i>My neighbor Adolf</i> de Leon Prudovsky évoque lui aussi, sur le mode de la fiction, la question de la difficulté à surmonter un traumatisme. Un rescapé ayant perdu toute sa famille dans la Shoah, réfugié en Argentine dans les années 1960, vit seul dans une grande maison totalement délabrée. Il est sans le sou; il n’a pu recréer une famille, ni développer des relations sociales normales. Le protagoniste est persuadé que son nouveau voisin, n’est autre qu’Adolf Hitler, qu’il avait pu apercevoir brièvement en personne en 1936. Il décide alors de prouver son étrange théorie en récoltant des preuves objectives. Mais personne ne le croit, pas même le consulat d'Israël (dont l’intervention pour capturer le haut dignitaire et criminel de guerre Adolf Eichmann avait été décisive dans la réalité au moment des faits). Le protagoniste tente de dialoguer avec son voisin nouveau venu pour confirmer ses soupçons. S’approcher du Mal en personne n’est de loin pas une mince affaire… Au fur et à mesure que l’intrigue se noue, le héros se rend compte que son voisin, avec lequel il partage une passion pour le jeu d’échecs, souffre, lui aussi, d’une grande solitude. Celle-ci est avant tout d’ordre moral et spirituel. Et pour cause: s’il n’est pas Hitler en personne, il en a bien été l’un des sosies officiels durant toute la période du Troisième Reich! Puis, quand le régime nazi s’est effondré, il est devenu un criminel d’un genre différent. Toujours escroc, il a continué à vendre des toiles peintes à la façon d’Hitler à des nostalgiques du régime et à des détraqués.</p> <p>Le protagoniste principal est-il victime du syndrome de Stockholm? Très bien interprétés par David Hayman et Udo Kier, toujours est-il que les deux voisins paraissent inséparables. Ils sont tour à tour agressifs, pitoyables et pathétiques. L’originalité du film réside dans les lieux où le récit se déploie: deux masures perdues dans la pampa argentine, ainsi que dans le ton décalé des dialogues et le comique de situation. La quête obsessionnelle à laquelle se livre le héros donne lieu en effet à des quiproquos grotesques. Le film pose en creux la question de la mémoire et de la responsabilité individuelle et collective. Mais son humour noir n’aurait vraisemblablement pas pu être employé il y a quelques décennies. Il aurait probablement suscité des réactions scandalisées. Aujourd’hui encore, gageons que tout le monde ne sera pas convaincu par les choix opérés par le cinéaste pour traiter de sujets aussi graves. </p> <p>Comme l’a rapporté notamment le <i>Hollywood Reporter</i>, à l’heure actuelle, la polémique autour de ce film porte sur un autre enjeu. Un groupe de réalisateurs et d'artistes israéliens ont demandé en vain au Festival du film de Locarno de renoncer à la projection en première mondiale sur la Piazza Grande du long métrage <i>My Neighbor Adolf</i> «en raison des conditions "racistes" et "explicitement politiques" liées à son financement». <b></b>Ce <b></b>film a été en grande partie financé par le Rabinovich Foundation’s Israel Cinema Project, le plus grand fonds dédié au financement cinématographique en Israël. Cette fondation obligerait contractuellement les producteurs à accepter que leurs films n'incluent aucune déclaration ou message niant «l'existence de l'Etat d'Israël en tant qu'Etat juif et démocratique». Selon le groupe ayant interpellé la direction du Festival, cette exigence va à l'encontre des rapports d'organisations de défense des droits humains telles qu'Amnesty International, Human Rights Watch et B'Tselem, qui ont toutes décrit Israël comme déployant un système d'«apartheid» contre les Palestiniens.</p> <h3><em>Shazka</em> (Fairytale)</h3> <p>C’est le film d’un artiste très talentueux, d’un homme extrêmement cultivé connu aussi comme un défenseur de la liberté et de la démocratie. Comme à son habitude, Alexander Sokurov parvient à nous surprendre en créant un univers visuel aussi impressionnant qu’inhabituel. <b></b>Tout dans l’image relève de la monumentalité, d’un «baroque» volontairement excessif. Doit-on se risquer à classer <i>Skazka</i> dans le genre du film fantastique? Ou du film noir? Le spectateur est plongé en tous les cas dans un univers irréel et sombre qui évoque la fantasmagorie. Celle-ci est l’art de projeter des fantômes ou des figures diaboliques en public. Influencé par son ami et maître Andrei Tarkowsky, Alexander Sokurov joue avec la possibilité d’animer, d’agrandir ou de rapetisser l’image par des manipulations optiques multiples. Cependant, l’univers dans lequel est plongé le spectateur dans ce film est surtout, à proprement parler, cauchemardesque. Sokurov nous montre une brochette de dictateurs. Pas n’importe lesquels. Il s’agit certainement des plus sanguinaires dictateurs du XXème siècle, ceux qui ont incarné le pouvoir totalitaire de la façon la plus sinistre et exemplaire, à savoir Hitler, Staline et Mussolini. Grâce à un procédé de synthèse, l’écran nous confronte aux silhouettes authentiques et aux vrais visages des protagonistes. Les trois criminels se promènent dans les limbes et s’arrêtent à plusieurs reprises devant des hautes portes symbolisant l’entrée du paradis. Hitler déclare espérer y accéder pour y retrouver Napoléon. Les portes s’entrouvrent et l’on aperçoit le visage de l’empereur. Sokurov fait converser entre eux les dictateurs. La médiocrité de leur personnalité et de leur caractère est mise en exergue sous toutes les coutures. Ils sont fats. Ils ont les idées courtes. Ils sont incapables de développer un propos au-delà d’un slogan; ils ânonnent toujours les mêmes mantras politiques de leur parti. Ils se font entre eux les compliments les plus ridicules sur leurs habits. Staline affirme être fier d’avoir assassiné la moitié de la Russie. Mais, allongé sur son lit de mort, il se plaint que ses bottes lui font mal. Hitler déclare regretter de n’avoir pas pu détruire Paris. Les trois dictateurs sont à la fois incultes et haineux; ils demeurent toujours aussi assoiffés de pouvoir et de destruction. Ils apparaissent devant des charniers inconscients et satisfaits. Leur errance est interminable. Certes, ils ne parviennent finalement pas à entrer au paradis. Leurs actes ne vont pas être cautionnés par Dieu; Seul Churchill apparaît à un moment donné nimbé d’un peu de lumière. Hitler, Staline et Mussolini restent réduits à leur pure corporalité, grotesques, dénués du moindre remord, encore et toujours animés par une haine viscérale et abjecte. </p> <p>Alexander Sokurov a déclaré récemment: «L’humanisme est bel et bien mort et sans doute pour longtemps». On peut dès lors voir son film comme une allégorie du retour du totalitarisme. Son film semble être conçu comme un avertissement contre les discours démagogiques qui pullulent aujourd’hui un peu partout et qui parviennent malheureusement toujours et encore à mobiliser les foules. Le réalisateur cherche-t-il à nous interpeller, à nous questionner sur les dangers qui nous guettent en nous plongeant dans cet univers de mort et de ténèbres? Cependant, <i>Skazka</i> n’esquisse pas de réponse à la question du «pourquoi». On comprend que le cauchemar pourrait redevenir réalité si ces trois-là parvenaient à rejoindre le paradis; si leurs émules contemporains parvenaient eux aussi à progresser dans leurs desseins. Cependant, une interrogation demeure comment des êtres aussi primaires, aussi haineux, aussi primitifs ont-ils pu mobiliser de telles foules? Le film n’aborde pas la question. <i>Szaka</i> sonne comme une alerte, comme un avertissement salutaire, en cherchant à susciter et à catalyser les émotions du spectateur. Parce qu’il est dénué de portée didactique vraiment explicite et compte tenu de sa forme esthétique particulièrement originale, certains spectateurs risquent cependant de passer à côté du sujet de ce film. </p> <h3>Costa-Gavras: une voix contre les dictatures et le totalitarisme récompensée</h3> <p>Le 11 août, à l’occasion de la remise d’une récompense méritée pour l’ensemble de son œuvre, le premier film de Costa-Gavras,<i> Compartiments tueurs</i> (1965)<i>, </i>a été projeté dans l’atmosphère enchanteresse de la Piazza Grande. A l’écran, on a pu reconnaître plusieurs de ses amis, restés fidèles tout au long de sa carrière, en particulier Simone Signoret, Yves Montand et Jacques Perrin. Le succès de <i>Compartiments tueurs</i> en 1965 avait de quoi surprendre. Konstantinos Gavras, dit Costa-Gavras, était arrivé à Paris en 1955 à l’âge de vingt-deux ans. Son statut d’exilé et ses origines sociales modestes contrastaient avec celles de ses contemporains parisiens issus de la bourgeoisie. Costa-Gavras a gardé un souvenir très vif de la famine vécue en Grèce comme enfant. Et du dur travail effectué avec les paysans de son village pour survivre entre 1939 et 1945. Il a été témoin de la répression par les troupes royalistes des sympathisants communistes, pour la plupart d’anciens résistants au nazisme, dont celle vécue par son propre père. Son œuvre sera profondément marquée par le souvenir de la Seconde guerre mondiale, du nazisme et de l’exil. Son deuxième film, <i>Un homme de trop</i> (1967), a aussi été projeté au Tessin. Le cinéaste évoque l’atmosphère très particulière qui régnait sur le tournage de ce film dans le Massif central dans ses passionnantes mémoires <i>Va où il est impossible d’aller</i> (Editions du Seuil, 2019). Il attribue cette ambiance aux thèmes encore très chauds et chargés de signification abordés dans le film - la guerre, la clandestinité, l’héroïsme, l’ambivalence, etc – ainsi qu’à la jeunesse et à l’énergie débordante des acteurs présents sur le tournage. «<i>Un homme de trop</i> fut un échec assez cuisant à sa sortie. Puis, une bataille juridique a duré trente ans autour des droits du film<i>.</i> Aujourd’hui pourtant, cinquante-cinq ans plus tard, la critique aussi bien française qu’américaine, est très élogieuse à son propos», a souligné le cinéaste. Costa-Gavras a réalisé en plus de soixante ans de carrière plusieurs œuvres majeures du cinéma politique. Consacrés aux dictatures et au totalitarisme, ces films ont marqué des générations de cinéphiles et de militants engagés. <i></i>On peut citer en particulier<i> Z</i> (1969)<i>, l’Aveu</i> (1970)<i>, Etat de siège</i> (1973)<i>, Missing</i> (1982)<i>, Section spéciale </i>(1975)<i>, Music Box</i> (1989)<i></i>et<i> Amen</i> (2002). Ses films ont exploré avec brio les mécanismes du pouvoir et de la violence. Ils interrogent aussi subtilement les notions de responsabilité et de moralité chez les individus et au sein des groupes humains. Ils n’ont pas pris une ride.</p> <h3><em>Hitler's Madman</em> de Douglas Sirk (1943)</h3> <p>Ce film fait partie des réalisations incontournables pour quiconque s’intéresse à la représentation de la terreur totalitaire au cinéma. Les festivaliers locarnais ont eu la chance de le découvrir ou de le re-découvrir lors de la rétrospective consacrée à Douglas Sirk. En grande partie reprise à la Cinémathèque suisse à partir du 24 août, cette rétrospective propose un sélection de longs métrages issu de la période allemande du réalisateur. Cependant, elle se focalise surtout sur les années qui ont suivi sa fuite du régime nazi en direction des Etats-Unis. Durant cette «période américaine», Sirk travaille pour les plus grands studios hollywoodiens et développe son style en plaçant les émotions au centre de ses préoccupations. </p> <p>«On a reconnu en lui, depuis longtemps, le maître du mélodrame américain; son point de vue critique sur les Etats-Unis, sa sensibilité féministe, ont été analysés. Avec le recul, on découvre une productivité et une diversité étonnantes: 40 films en vingt-cinq ans, avec au milieu une interruption de quatre ans due à l’exil», souligne Bernard Eisenschitz, co-curateur avec Roberto Turigliatto de la magnifique rétrospective locarnaise et auteur d’un superbe ouvrage <i>Douglas Sirk, né Detlef Sierck,</i> qui vient de paraître aux éditions de l’œil. Sierck a en effet d’abord été un metteur en scène prolifique de théâtre, en prenant la direction après la Première guerre mondiale du théâtre de Chemnitz, puis de Brême et de Leipzig. Ensuite, il s’est voué corps et âme au cinéma. Il a réalisé sept longs métrages en trois ans pour la UFA. Mais, en 1937, Goebbels met la main sur la UFA, qui sera désormais au service de l’Etat nazi. Sierck est attaqué car il a épousé une femme juive. Plutôt que d’accepter les compromis, il choisit de s’exiler avec elle. Après une errance de deux ans à travers l’Europe, il arrive aux Etats-Unis. En 1943, un groupe d’exilés fait appel à lui pour diriger <i>Hitler’s Madman </i>(1943).</p> <p>«Le genre du mélodrame a longtemps été considéré comme un genre moins important que le drame, le film historique ou le film de guerre. Or, c’est un des genres les plus difficiles au cinéma. Pour ne pas paraître ridicule, il faut donner aux symboles l’apparence de la réalité pour susciter des émotions et bouleverser le spectateur», a fait remarquer Lionel Baier, réalisateur et responsable du Département cinéma de l’Ecole d’art cantonal de Lausanne (ECAL), avant la projection du film au Cinéma Grand Rex de Locarno. <i>Hitler’s Madman</i> est un vrai film de fiction, mais sa qualité est presque documentaire. Il a été tourné dans le temps record d’une semaine en dehors des studios. Puis, il été repris par les producteurs de la MGM convaincus de son potentiel. On ne peut qu’être subjugué par l’extraordinaire précision de la mise en scène. Les événements atroces du printemps 1942 racontés dans le film sont quasiment contemporains du tournage. Sirk construit son récit autour de la destruction du village de Lidice et de ses habitants par les nazis en représailles pour le meurtre du SS-Obergruppenführer<b> </b>Reinhard Heydrich par les partisans tchèques. Il dépeint non seulement avec une parfaite lucidité et sans la moindre ambiguïté la violence et le sadisme des hauts dignitaires nazis, mais aussi l’extraordinaire courage d’une partie des villageoises et des villageois qui leur opposent une résistance, quand bien même ils sont conscients que celle-ci va les conduire vers une mort certaine. Sirk honore avec justesse et talent leur capacité extraordinaire à trouver la force nécessaire pour résister.</p> <p>Les films du passé comme du présent au sujet du phénomène totalitaire, à l’instar de ceux projetés lors de cette 75ème édition du Festival de Locarno, convoquent des images puissantes et durables. Les questionner est une nécessité pour consolider les valeurs et l’imaginaire démocratiques.</p>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'l-ombre-portee-des-totalitarismes', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 461, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 6, 'person_id' => (int) 1259, 'post_type_id' => (int) 1, 'poster_attachment' => null, 'editions' => [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Edition) {} ], 'tags' => [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Tag) {}, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Tag) {}, (int) 2 => object(App\Model\Entity\Tag) {} ], 'locations' => [], 'attachment_images' => [ (int) 0 => object(Cake\ORM\Entity) {} ], 'attachments' => [ (int) 0 => object(Cake\ORM\Entity) {} ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'comments' => [], 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ '*' => true, 'id' => false ], '[dirty]' => [], '[original]' => [], '[virtual]' => [], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [], '[invalid]' => [], '[repository]' => 'Posts' } $relatives = [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 4866, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => false, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => null, 'readed' => null, 'subhead' => null, 'title' => 'Jia Zhang-Ke. Frénésie et solitudes chinoises', 'subtitle' => 'Le cinéaste chinois Jia Zhang-Ke est l’invité d’honneur de la 55e édition du Festival Visions du réel de Nyon. Emblème du cinéma indépendant chinois, très estimé par la critique internationale, Jia Zhang-Ke recevra le Prix du réel et dirigera une masterclass mardi 16 avril. Une sélection de ses œuvres est également visible jusqu’à la fin du mois à la Cinémathèque suisse. Retour sur l’œuvre de ce cinéaste né en 1970 qui questionne une société chinoise en mutation et redéfinit les frontières entre le réel et la fiction.', 'subtitle_edition' => 'Le cinéaste chinois Jia Zhang-Ke est l’invité d’honneur de la 55e édition du Festival Visions du réel de Nyon. Retour sur l’œuvre de ce cinéaste né en 1970 qui questionne une société chinoise en mutation et redéfinit les frontières entre le réel et la fiction. ', 'content' => '<p>En 2006, Jia Zhang-Ke avait été récompensé par un prestigieux <em>Lion d’or </em>à Venise pour <em>Still Life. </em>Ses films suivants ont presque tous été sélectionnés en compétition au Festival de Cannes où il a reçu le prix du meilleur scénario pour <em>A Touch of Sin </em>en 2013. La critique internationale estimait il y a vingt ans déjà qu’il était un des cinéastes les plus doués de sa génération. À l’instar d’un <em>Wang Bing</em>, il est appelé à rester l’un des meilleurs cinéastes de son pays.</p> <p>Interdits par le gouvernement chinois jusqu’en 2004, ses films n’y suscitent depuis lors plus la même méfiance. Souvent critiquées pour leur financement et pour leur popularité à l’étranger, les oeuvres de Jia Zhang-Ke sont depuis lors vues en Chine, en tous cas par une partie de la jeunesse urbaine chinoise éduquée. En témoignent leur programmation dans des ciné-clubs, leur projection dans des espaces informels de visionnement et les discussions que l’on peut trouver à leur propos sur les forums internet.</p> <p>À cause de son style unique et déroutant, son sens subtil de l’observation, sa capacité à restituer l’atmosphère d’environnements sociaux et de décors géographiques peu explorés, Jia Zhang-Ke est demeuré au cours des vingt dernières années un cinéaste de référence à l’international.</p> <p><strong>Le cinéma indépendant chinois et le réalisme post-soviétique</strong></p> <p>Le cinéma d’art et d’essai chinois a émergé au début des années 1990. Avec son film <em>Mama</em> Zhang Yuan inaugure une tradition consistant à produire des films à l’extérieur du système officiel des studios chinois. D’autres jeunes réalisateurs le suivent dans cette voie à l’instar de Wan Xiaoshuai et He Jianjun. Ils entrent en lice pour des récompenses internationales en s’attirant l’attention des producteurs étrangers.</p> <p>Avec ces trois réalisateurs, Jia Zhang-Ke partage lui aussi non seulement un mode de production indépendant, mais encore un style assez aisément reconnaissable, celui du réalisme critique post-soviétique.</p> <p>Influencé par le réalisme soviétique, le réalisme sous l’ère de Mao Tsé-toung prétendait dépeindre non seulement la surface brute et visible de la réalité, mais aussi, de manière plus profonde encore, une vérité idéologique sous-jacente composée par la lutte des classes et un mouvement historique inexorable vers l’utopie communiste. Au contraire, au lieu de professer une vérité idéologique, le réalisme critique des cinéastes indépendants chinois veut dévoiler la réalité brute en l’arrachant aux griffes des représentations idéologiques qui la déforment.</p> <p>Plutôt que de s’y opposer ouvertement, le réalisme post-soviétique critique l’idéologie dominante en mettant en évidence la souffrance des gens ordinaires. Elle place en son centre celles et ceux qui sont exclus à la fois des représentations médiatiques et du cinéma chinois traditionnels. Se confronter aux gens ordinaires avec une caméra et filmer la vie de la rue chinoise telle qu’elle est permet de lever le voile sur l’idéologie tout en documentant la réalité contemporaine chinoise. Telles sont les convictions qui animent les cinéastes indépendants issus du courant du réalisme post-soviétique.</p> <p><strong>Filmer la réalité d’une société en mutation permanente</strong></p> <p>Selon Jia Zhang-Ke, la vraie objectivité à l’écran n’existe pas. Le premier film de Jia Zhang-Ke témoigne déjà d’une volonté de construire une impression de confrontation brute avec la réalité. Dans son premier court-métrage, <em>One day in Beinjing,</em> sa caméra se fixe sur une foule de touristes à la Place Tiananmen de Pékin, en particulier sur des gens de la campagne. « Il y a toute sorte de gens sur la place – des préposés à l’entretien, des gens locaux qui promènent leurs enfants, des amateurs de cerf-volant. Pour ma part, allez savoir pourquoi, j’ai été naturellement attiré par ceux qui viennent de la campagne. D’un point de vue émotionnel, il y avait quelque chose qui m’attirait vers eux».</p> <p>Ainsi, <em>Xiao Shan going home </em>prend donc logiquement ensuite pour sujet l’histoire de travailleurs provinciaux qui viennent à Pékin pour chercher du travail. Xiao Shan est le nom d’un travailleur de la province du Henan, et son histoire se déroule juste avant le Festival du printemps lorsque le protagoniste veut rentrer à la maison pour rendre visite à sa famille pour le Nouvel An, comme le veut la coutume chinoise. Cependant, Xiao Shan ne veut pas y aller seul et se met à chercher quelqu’un de sa ville natale qui veuille bien l’accompagner. Parmi ces derniers on trouve des maçons, des revendeurs de tickets, des prostituées et des étudiants d’université – mais personne ne souhaite y aller avec lui. En fin de compte, le protagoniste accroche une annonce dans la rue, et le film se conclut sur une image de lui chez un barbier du coin en train de faire couper ses longs cheveux.</p> <p>Jian Zhang-Ke a réalisé ces deux premiers courts-métrages – et un troisième <em>Du Du –</em> grâce à ses études à la Beijing Film Academy. C’est dans cet univers très ouvert sur le cinéma et la littérature étrangère qu’il a découvert son ambition de cinéaste : « <em>Xiao Shan Going Home </em>a remporté un prix au Festival du film indépendant de Hong-kong, et c’est pendant ce voyage à Hong-kong que j’ai rencontré les producteurs Chow Kueng (Zhou Qiang) et Lit Kit-ming (Li Jieming) et le chef opérateur Yu Lik Wai (Yu Liwei). Ils sont devenus les trois membres indispensables de mon équipe. Nous avons décidé de faire des films ensemble.»</p> <p><strong>Marchandisation, délitement des liens et solitude</strong></p> <p>La décision de filmer son prochain film <em>Xia Wu (Pickpocket</em>) à Fenyang dans sa ville natale qui borde le fleuve jaune, dans la province du Shanxi, ne doit rien au hasard. Elle est en parfaite cohérence avec la vision artistique qu’il a déjà élaborée. « J’ai décidé de débuter le film avec un plan de ses mains parce que c’est un pickpocket, un voleur, et ses mains sont son outil de travail. Le paquet d’allumettes est muni d’une inscription «Shanxi». J’ai décidé d’ajouter cet accessoire pour fournir un point de référence spatial, ce qui est très important pour les spectateurs. Toute la question du «local» était très importante pour moi lorsque j’ai fait le film, et je souhaitais souligner le fait qu’il s’agissait d’une histoire sur le Shanxi. C’était vraiment une rareté de voir une équipe de tournage arriver dans un lieu comme celui-ci et se frotter à la réalité sur place, je voulais rendre cela clair dès le début. Ce qui explique le zoom sur les mains du voleur et les allumettes <em>Shanxi</em>».</p> <p>Toute la filmographie de Jia Zang-Ke s’articule en fait dès cet instant autour des nombreux et intenses bouleversements qui ont marqué la Chine depuis le milieu des années 1980. Économiques, technologiques, urbanistiques et architecturaux pour citer celles qui ne relèvent que de la sphère matérielle, ces transformations ont eu un impact multiforme et profond, encore difficile à mesurer avec exactitude, notamment sur les sphères sociales, familiales et individuelles.</p> <p>Dès les années 1980, les autorités chinoises ont voulu partager avec la population leur optimisme pour l’avenir. Dans le sillage de la libéralisation des échanges commerciaux avec le reste du monde et des progressives privatisations, les régions les plus reculées de Chine ont vu arriver notamment le vélomoteur, la télévision ou le lave-linge individuel. Cependant, le capitalisme marchand autoritaire - avec son corollaire, la réification de toute chose, et de tout échange entre les individus - ont un coût social et humain très élevé. « Les transformations arrivaient au Fenyang d’une façon tellement visible. Elles touchaient le comportement des gens. Les relations de famille aussi changeaient. C’était une époque d’intense douleur aussi pour l’homme chinois vivant dans cet environnement de transformation et de changement social colossal et permanent ». Le cinéaste tente de garder à l’égard de ces phénomènes une posture de distanciation critique.</p> <p>Cette adaptation à marche forcée entraîne son cortège de destruction physique et des déplacements massifs – notamment entre les villes et les provinces chinoises. Elle provoque peut-être un sentiment mêlé de fascination et de profonde aliénation. Jia Zhang-Ke est dès le départ habité par le besoin d’en témoigner visuellement de la façon la plus créative possible. Ce qu’il continuera à faire avec talent dans l’ensemble de ses films. On peut citer notamment <em>Hidden Pleasures </em>(2002), <em>Still Life </em>(2006), <em>24 City </em>(2008)<em>, A Touch of Sin</em> (2013) et <em>Moutains May Depart </em>(2015). « Pour moi, il était important de faire quelque chose de cette réalité chinoise que je connaissais. Je ne voulais pas rester confiné au registre des cinéastes certes talentueux de la cinquième génération du cinéma chinois comme Cheng Kaige et Zhang Yimou, mais qui restaient confinés à une représentation imaginaire et idéalisée de la société chinoise traditionnelle ».</p> <p>Pour témoigner de l’impact des mutations sociétales chez la jeunesse et aussi de l’oppression ressentie par les individus dans la société chinoise, le réalisateur s’intéresse dans <em>Platform </em>(2002) à l’évolution d’une troupe de chanson et de danse. « Ces ensembles relèvent du totem chez les travailleurs de la culture en Chine. À partir d’elles, on peut observer les transformations de la Chine dans son ensemble».</p> <p>Jia Zang-Ke fait exister autant qu’il interroge la notion de culture populaire dans presque tous ses films. Il s’intéresse à cet égard en particulier à la musique, du karaoké à l’opéra, en passant par le Canto pop’ rock, les mélodies fredonnées et les briquets chantants. Les actrices et acteurs fétiches avec qui il collabore étroitement depuis longtemps – à l’instar de Wanh Hongwe et Zhao Tao - ont acquis une stature dans le milieu du cinéma en apparaissant dans nombre de ses films. Jia Zhang-Ke a apprécié et aime cependant particulièrement travailler avec des acteurs non professionnels. Ces acteurs jouent leur vraie vie dans les espaces qu’ils connaissent et qu’ils arpentent en effet quotidiennement. L’effet de réel et la créativité sont ainsi générés spontanément. Cependant, le travail avec des non-professionnels doit se fonder sur des liens d’amitié et de confiance.</p> <p>Bien qu’elle soit associée à certaines contraintes, Jia Zhang-Ke a fait usage de la caméra digitale sur plusieurs de ces tournages, notamment <em>Unknown Pleasures </em>(2002) et <em>Still Life </em>(2006). « Cet équipement procure l’avantage de tourner dans une atmosphère relaxante et donne la liberté d’expérimenter toute sorte de choses.» Le réalisateur a suivi de très près les avancées technologiques – du digital à la 3D en passant la réalité virtuelle.</p> <p>Ancrée dans le réalisme social et teintée de mélancolie, l’oeuvre de Jian Zhang-Ke explore avec brio les paradoxes de la modernité chinoise. Elle emmène aussi le spectateur dans une quête esthétique jubilatoire sans cesse renouvelée.</p> <hr /> <p>Sources bibliographiques :</p> <p>Michael Berry (Foreword by Martin Scorsese), <em>Interview with contemporary chinese filmmakers</em>, Columbia University Press, New York, Chichester West Sussex, 2004.</p> <p>Antony Fiant, <em>Le cinéma de Jia Zhang-Ke</em>, Presses Universitaires de Rennes, 2009.</p> <p>Zhang Zen, <em>The Urban Generation : Chinese cinema and society at the Turn of the Twentieth-first Century</em>, Duke University Press, Durham and London, 2007.</p> <p> </p>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'jia-zhang-ke-frenesie-et-solitudes-chinoises', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 154, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 6, 'person_id' => (int) 1259, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'comments' => [[maximum depth reached]], 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Posts' }, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 4686, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => false, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => null, 'readed' => null, 'subhead' => null, 'title' => 'Caméras françaises', 'subtitle' => 'Après avoir consacré l’an dernier une rétrospective à l’âge d’or hollywoodien, les Cinémas du Grütli de Genève proposent jusqu’au 19 janvier une plongée au cœur des classiques du cinéma français de 1930 à 1968. Coup de projecteur sur plusieurs films et cinéastes emblématiques de cette période d’effervescence créative.', 'subtitle_edition' => 'Après avoir consacré l’an dernier une rétrospective à l’âge d’or hollywoodien, les Cinémas du Grütli de Genève proposent jusqu’au 19 janvier une plongée au cœur des classiques du cinéma français de 1930 à 1968. Coup de projecteur sur plusieurs films et cinéastes emblématiques de cette période d’effervescence créative.', 'content' => '<h3>«T'as de beaux yeux, tu sais»</h3> <p>La réplique devenue mythique de Jean Gabin à Michèle Morgan est tirée du film <i>Le Quai des Brumes </i>de Marcel Carné.</p> <p>Le film est sorti en 1938 adapté du roman <i>Le Quai des Brumes </i>de Pierre Mac Orlan <b></b>publié en <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/1927">1927</a>. Jean Gabin y joue le rôle d’un déserteur de la Coloniale arrivé dans le port du Havre et qui cherche à se cacher avant de pouvoir quitter le pays. </p> <p>Grâce à un sympathique SDF, Jean trouve un abri dans une baraque du port où il fait la connaissance d’un peintre original et de Nelly, une jeune orpheline de dix-sept ans dont il s’éprend. En dépit de leur passion et du goût retrouvé par le héros pour l’existence, le destin, tragique, va l’emporter. Nelly soupçonne Zabel (Michel Simon) d'avoir assassiné Maurice, son amant. Pour défendre Nelly, Jean assassine Zabel. Alors qu'il s'enfuit pour rejoindre le bateau qui doit l'emmener au Venezuela, il est tué par Lucien (Pierre Brasseur), un jeune voyou local dont il s'est attiré les foudres.</p> <p>Le film est interdit sous l’Occupation allemande par la censure française et devra attendra mai 2011 pour entrer dans la catégorie des «tous publics». Il est projeté en Italie avec des dialogues modifiés par la censure fasciste qui change le personnage du déserteur incarné par Jean Gabin en un militaire en permission. En France, le scénario passe le cap de la censure mais le représentant du ministère de la Guerre demande que le mot «déserteur» ne soit pas prononcé dans le film.</p> <p>Avant de s’emparer de la caméra, Carné a d’abord été un brillant critique de cinéma. Au moment de l’avènement du parlant, il nourrissait une forte nostalgie pour le cinéma muet. Il rêve d’un cinéma parlant qui ne soit pas trop théâtral. Filmer la parole doit permettre selon lui de répondre aux exigences d’un «réalisme populaire», reflétant fidèlement la France des années 1930, à l’opposé de conventions du théâtre de boulevard. Son <i>Quai des Brumes</i> exsude un réalisme pesant. Le temps gris, la pluie, les pavés luisants, les aubes sinistres annoncent le triomphe de la fatalité. Le destin tragique s’empare des individus, comme une brume. Le quai est un carrefour du malheur où s’entrechoquent des êtres comme issus de nulle part et de partout. Leurs tentatives de rédemption sont entièrement vouées à l’échec.</p> <p>Le genre du réalisme poétique s’est déployé aussi bien dans les fantaisies de René Clair que dans certains drames de Raymond Bernard. Il a reçu l’apport des émigrés d’Allemagne et d’Europe centrale et a pris corps, autour de Jean Gabin, dans les films de Julien Duvivier et de Marcel Carné, de 1935 à 1939. Avec <i>Le Quai des Brumes</i> et <i>Le Jour se lève</i>, le réalisme poétique est spécialement associé à Jacques Prévert, scénariste-dialoguiste, et à Marcel Carné. Empreint d’une atmosphère pessimiste, le régime de Vichy reprochait au réalisme poétique son influence délétère. Il met le genre à l’index en lui imputant une part de responsabilité dans la défaite de 1940.</p> <h3><em>La Règle du jeu</em></h3> <p>L’affiche de <i>La Règle du jeu </i>(1939) de Jean Renoir illustre l’évolution théâtrale des événements au château du marquis Robert de la Chesnaye qui organise une soirée avec sa femme Christine. Jurieux, un aviateur téméraire, est amoureux sans espoir de Christine. Son ami Octave, un musicien manqué, fait aussi partie des invités. Marceau, un braconnier engagé depuis peu comme domestique, est épris de la femme de chambre de Christine, Lisette, ce qui provoque l’ire du mari, le garde-chasse jaloux Schumacher. </p> <p>Au premier abord, le film a l’air d’une comédie légère habilement formatée et faite de malentendus amoureux. Cependant, peu à peu, la légèreté s’estompe pour laisser place à une atmosphère plus lourde faite d’instabilité morale, alors que la France s’apprête à entrer dans la guerre. Renoir effectue en fait une analyse du système français des classes sociales et réalise, selon ses propres dires, le portrait «d’une société qui danse sur un volcan».</p> <p>Un jeu de caméra très soigné et une chorégraphie haletante transforment l’espace intérieur du château en labyrinthe et en scène de vaudeville. La bande-son masque une théâtralité exacerbée, provoquant une impression intriguante de dialogues superposés. La scène de la partie de chasse, avec ses longs plans-séquences et sa tonalité quasi documentaire, fait poindre une violence sourde sous le vernis de l’élégance mondaine.</p> <p>Le film a été prohibé par le gouvernement français à cause de son effet soi-disant démoralisant. Il n’est redécouvert dans sa version originale qu’à la fin des années 1950. Très apprécié par les réalisateurs de la Nouvelle Vague, encensé par François Truffaut en particulier, <i>La Règle du jeu </i>est un des films les plus commentés de l'histoire du cinéma. Il a influencé un nombre très important de scénaristes et de réalisateurs, comme notamment Robert Altman (G<i>osford Park</i>, 1981), Woody Allen, Eric Rohmer, Nicole Holofcener, Lisa Cholodenko et Satyajit Ray.</p> <p>A l’instar du critique Léon Moussinac, les professionnels du cinéma comme Jean Renoir, Jacques Becker et Georges Sadoul avaient compris le rôle du cinéma comme média de masse, comme agent d’une communication à visée sociale et politique et non pas seulement esthétique. Jean Renoir entreprend la production de «films sociaux» formatés pour l’exploitation régulière, dont les plus célèbres sont la <em>Vie est à nous</em> (1936) et <em>La Marseillaise</em> (1938). Il se fait connaître du grand public avec <i>Le Crime de Monsieur Lange</i>, écrit par Jacques Prévert (1936), <i>La Grande illusion</i> (1937) avec Jean Gabin et Eric von Stroheim et <i>La Bête humaine</i> (1938) adapté du roman d’Emile Zola avec Jean Gabin.</p> <h3>«Tendresse et violence» des bas-fonds</h3> <p>Né à Paris d’un père français et d’une mère écossaise, Jacques Becker a été l’assistant, l’ami et le disciple de Jean Renoir. Révélé sous l’Occupation par <i>Dernier atout (1942)</i>, <i>Goupi Mains rouges (1943) </i>et <i>Falbalas (1944)</i>, ses films témoignent de sa connaissance subtile des milieux sociaux et d’une rare intelligence psychologique.</p> <p>Dans les années 1950, Jacques Becker dirige deux de ses meilleurs longs-métrages <i>Casque d’or </i>(1952) et <i>Touchez pas au grisbi (</i>1954). L’intrigue de <i>Casque d’Or</i> a pour cadre le Paris des «Apaches», gangs rivaux de la Belle époque. Le tout est reconstitué jusqu’aux moindres détails. Les personnages se déplacent, parlent et agissent de manière extrêmement crédible. Leur jeu est tel qu’il donne aux spectateurs, comme le remarque Becker lui-même, «l’impression qu’ils continuent à vivre hors écran, entre les scènes et qu’ils existaient avant même le début du film».</p> <p>Les amants maudits, Marie et Manda, incarnés par Simone Signoret et Serge Reggiani, sont bouleversants et inoubliables. Ainsi, la chanteuse et pianiste Eunice Kathleen Waymon, futur icône du jazz et du mouvement des droits civiques aux Etats-Unis, prit pour pseudonyme Nina Simone: «Nina» pour niña, petite fille en espagnol et «Simone» en référence à Simone Signoret car l’artiste fut éblouie par la prestation de Simone Signoret dans le film de Becker.</p> <p>La force des liens qui les unit est immédiatement perceptible. Manda (Reggiani) est tendre et déterminé, sous des abords fragile et impénétrable. Marie (Signoret) est à la fois décidée et vulnérable. La majorité de l’action se déroule dans les rues et les estaminets enfumés de Paris. Cependant, au milieu du film, Becker octroie aux amants une courte idylle au bord de la rivière. D’autres scènes d’extérieur évoquent «Une partie de campagne» de Jean Renoir. Echec commercial à sa sortie, <i>Casque d’or </i>suscitera l’admiration des futurs représentants de la Nouvelle Vague. François Truffaut loua le film en particulier, et à très juste titre, pour «la tendresse et la violence» de son évocation du passé.</p> <h3>Le mouvement orchestré</h3> <p>«Le goût du luxe chez Max Ophuls masquait, en réalité, une grande pudeur; ce qu’il recherchait – un tempo, une courbe – était si frêle et cependant tellement précis, qu’il fallait l’abriter dans un emballage disproportionné comme un bijou précieux que l’on enfouirait dans quinze écrins toujours plus vastes, s’emboitant les uns dans les autres», nous dit François Truffaut dans <i>Les films de ma vie </i>(p. 308). </p> <p>Comme le père de la Nouvelle Vague, Max Ophuls s’inspire de l’énergie de la vie qu’il cherche à capturer. «Ma caméra, et on me l’a du reste suffisamment reproché, est en mouvement car elle s’adapte au rythme de la scène. Je ne travaille pas à l’avance, le plus souvent, mais j’attends de voir comment la scène évolue au studio. Je suis seulement transporté par le mouvement qu’il y a dans un film, non par le mouvement externe, mais par le mouvement interne» (Max Ophuls, Radio bavaroise, 1954). </p> <p>Parmi les premiers films de Max Ophuls, le plus acclamé est <i>Liebelei</i> (1933). Cet opus comprend un certain nombre d'éléments permettant de reconnaître la signature du cinéaste: des décors luxueux, une attitude féministe et un duel entre un homme plus jeune et un homme plus âgé.</p> <p>Conscient des dangers liés à l’ascension des nazis, Max Ophüls, juif né à Sarrebrück en Allemagne, s'enfuit en France en 1933. Il devient citoyen français en 1938. Après l'armistice de 1940, il voyage à travers la Suisse et l'Italie, où il réalise <i>La Femme de tout le monde </i>(1934). En juillet 1941, avant de partir pour les Etats-Unis, il fait escale au Portugal, à Estoril, à Casa Mar e Sol. Une fois arrivé à Hollywood, défendu par le réalisateur Preston Surges, acquis de longue date à son style, il réalise un certain nombre de films appréciés par la critique.</p> <p>De retour en France, il adapte <i>La Ronde </i>(1950) d'Arthur Schnitzler, qui remporte le BAFTA Award du meilleur film en 1951, <i>Lola Montes</i> (1955) avec Martine Carol et Peter Ustinov, ainsi que <i>Le Plaisir</i> et<i> Les Boucles d’oreille de Madame De</i> (1953). Ce dernier, avec Danielle Darieux et Charles Boyer, couronne sa carrière. </p> <p>Dans <i>Madame De</i>, d’après le roman de Louise de Vilmorin, Danielle Darieux, alors l’héroïne emblématique de Max Ophuls, se débat avec les tracas d’une grande dame, coquette, futile et dépensière. Soudain touchée par la passion amoureuse, elle va devoir affronter tous ses périls. Le style baroque et lyrique décrit à la perfection le tourbillon de la vie mondaine 1900, son calendrier réglé et son cortège d’us et coutumes: caprices, bals, sentiments dissimulés, élans du cœur et rivalités masculines (Charles Boyer et Vittorio de Sica). Le cinéaste porte un regard amusé, mais critique et acéré sur l’art du mariage, le bonheur que l’institution bourgeoise fait miroiter et qui cache mal l’implacable subordination des femmes. </p> <p>Max Ophüls est décédé en 1957 à Hambourg d’une maladie cardiaque rhumatismale alors qu'il tournait des intérieurs sur <i>Les Amoureux de Montparnasse</i>. Il a été enterré au cimetière du Père Lachaise à Paris. Ce dernier film a été réalisé par son ami Jacques Becker.</p> <h3>Amour vécu, amour perdu, d'une beauté sans égale</h3> <p>La ville d’Hiroshima est hantée par la mémoire de la Seconde Guerre mondiale et de l’usage de la bombe atomique contre les civils. Au cours de son séjour sur place, une Française va revivre dans les bras d’un Japonais l’amour auquel elle a succombé pendant la guerre avec un soldat allemand. Cette aventure lui avait valu d’être tondue et de subir l’humiliation et l’opprobre à la Libération. L’écriture incantatoire de Marguerite Duras et la caméra avant-gardiste de Resnais plongent le spectateur dans un vertige amoureux et existentiel. Le récit littéraire – tout comme le récit filmique adapté de ce dernier – est celui de l’amour et de son impossibilité, à la fois pratique et morale. L’amour vécu et l’amour perdu, passé et présent, se vivent à la fois dans le cadre du récit et à travers son souvenir, ce qui leur confère une portée obsédante, d’une beauté sans égale.</p> <p><i>Hiroshima mon amour</i> a déconstruit les concepts classiques du récit cinématographique et exposé, de manière nouvelle pour l’époque, les notions de mémoire et d’oubli. Le film évoquait les différents traumatismes liés à la Seconde Guerre mondiale. Avec 2,2 millions d'entrées en France, il a obtenu un immense succès. <i>Hiroshima mon amour </i>est récompensé en 1959 par le prix Meliès <i>ex æquo </i>avec un autre film qui, comme lui, connut un très grand retentissement et devint tout de suite un classique du cinéma: <i>Les Quatre cent coups</i> de François Truffaut.</p> <p>Réalisateur d'<i>Hiroshima Mon amour </i>(1959) et de <i>L’année dernière à Marienbad</i> (1961), Alain Resnais a été rapidement considéré comme l'un des grands représentants du courant de la <i>Nouvelle Vague</i>. Il est aussi perçu comme l’un des tenants de la modernité cinématographique européenne, avec Roberto Rossellini, Ingmar Bergman et Michelangelo Antonioni, en raison de sa façon de questionner la grammaire du cinéma et de battre en brèche la narration linéaire classique.</p> <p>Alain Resnais est reconnu pour sa propension à créer des formes inédites et à enrichir les codes de la représentation cinématographique par le biais d’apports d’autres arts: littérature, théâtre, musique, peinture ou bande dessinée. On retrouve dans son œuvre des sujets historiques, la mémoire, l'engagement politique, l'intimité, la réalité de l'esprit, le rêve, le conditionnement des êtres, la mort, la mélancolie et l'art.</p> <p><i>Hiroshima mon amour </i>est présenté hors compétition au Festival de Cannes en 1959. Il divise alors les spectateurs. Le film fait parler de lui très loin à la ronde. Il s’attire les grâces de la critique et du public. Pour Louis Malle, «ce film fait faire un bond dans l'histoire du cinéma». Jean-Luc Godard s’estimera plus tard envieux du film: «Je me souviens avoir été très jaloux de <i>Hiroshima mon amour</i>. Je me disais: "Ça c'est bien et ça nous a échappé, on n'a pas de contrôle là-dessus"».</p> <h3>Une femme dans la ville</h3> <p>Le courant de <i>La Nouvelle Vague</i> du tournant des années 1960 est devenu un modèle de l’art au cinéma sur le plan international. Il a combiné la subjectivité du créateur, sa maîtrise totale de l’œuvre et la transgression des nombreuses normes, à la fois culturelles et morales.</p> <p>Ce courant<i> </i>a redonné une vigueur au cinéma français. Il lui a offert une immense bouffée d’oxygène, faisant respirer le milieu jusqu’alors très hermétique et hiérarchisé de l’industrie cinématographique française. Depuis la fin de la guerre et jusqu’au milieu des années 1950, Henri-Georges Clouzot, Jean Delannoy, Claude Autant-Lara, Christian-Jaque et Marc Allégret dominent en effet la production et les studios. Ces cinéastes se réclament d’une «tradition de la qualité» grâce à leur important savoir-faire. Cependant, le système qu’ils ont érigé est très défavorable à la jeunesse et au renouvellement des cadres. Comme l’explique Antoine de Baecque, «parmi la vingtaine de réalisateurs de la <i>Nouvelle Vague</i> ayant laissé une empreinte durable, on peut discerner sinon quelques écoles, du moins certaines filiations. Le groupe issu des <em>Cahiers du cinéma</em>, celui dit des Jeunes Turcs devenus cinéastes tels que Claude Chabrol, François Truffaut, Jean-Luc Godard, Jacques Rivette, Eric Rohmer, véritable noyau dur de la Nouvelle Vague. Les auteurs <i>Rive Gauche </i>ensuite, appellation spatiale, culturelle, politique, littéraire, certains travaillant avec les écrivains du Nouveau Roman: Alain Resnais, Jacques Doniol-Valcroze, Pierre Kast, Chris Marker, Agnès Varda, Jean-Daniel Pollet. Ceux que l’on pourrait regrouper sous le nom d’"aventuriers de la caméra", adeptes des expériences de caméra légère, de cinéma direct, pris sur le vif, proches de l’école documentaire, tels que Jean Rouch, François Reichenbach, Pierre Schoendoerffer. Quelques francs-tireurs, inclassables, autodidactes de la caméra, comme Jacques Demy, Jean-Pierre Mocky ou Jacques Rozier. Enfin, un dernier groupe plus éclaté encore, comportant de jeunes cinéastes issus du cinéma commercial (ils ont fait une carrière d’assistant dans les années 1950) mais portés par la vague au point de s’identifier à elle (Roger Vadim, Louis Malle, Edouard Molinaro, Claude Sautet, Philippe de Broca)». (<em>Dictionnaire de la pensée du cinéma</em>, Antoine de Baecque & Philippe Chevallier, Presses Universitaires de France, 2012, pp. 518-519).</p> <p>Lors de son émergence, le cinéma de la <i>Nouvelle Vague</i> est avant tout apprécié pour l’authenticité des images de la jeunesse qu’il véhicule et sa façon d’explorer les rapports amoureux. D’après l’historienne et critique du cinéma Genève Sellier, du fait que les cinéastes qui en sont issus étaient quasiment tous des hommes, le cinéma de la <i>Nouvelle Vague</i> allait privilégier l’expression de la subjectivité et le culte de la nouveauté formelle au détriment des enjeux de société. De jeunes acteurs masculins incarnent le rôle d’alter-egos des réalisateurs alors que les personnages féminins représentent un mélange d’archaïsme et de modernité. Les deux représentantes les plus célèbres de la Nouvelle Vague sont Jeanne Moreau, incarnant l’amoureuse éperdue ou la femme fatale, ainsi que Brigitte Bardot, icône ambigüe de la culture de masse. En dépit des films passionnants de Marguerite Duras et d’Agnès Varda ou du regard indomptable de Jacqueline Audry (treize long-métrages à son actif), le cinéma de la génération <i>Nouvelle Vagu</i>e est resté tributaire d’un regard masculin souvent misogyne, et de son imaginaire tel que façonné par des siècles d’éducation ainsi que par l’influence des arts et des lettres (Geneviève Sellier, <i>La nouvelle vague, un cinéma au masculin singulier</i>, Paris, CNRS Ed., coll. Cinéma & Audiovisuel, 2005, 217 pages).</p> <p>La cinéaste Agnès Varda s’intéresse aux mouvements d’émancipation collectifs. Elle a signé plusieurs œuvres marquantes sur le mouvement d’émancipation féminine. <i>Réponse de Femmes: notre corps, notre sexe</i> (1975) explore d’un point de vue féministe le rapport des femmes à leur corps. <i>L’une chante, l’autre pas</i> (1976) évoque, par-delà les barrières sociales existantes, la question du droit à l’avortement. <i>Cléo de 5 à 7</i> (1962) peut se lire comme un appel à une conscientisation féministe. L’héroïne de cette fiction est une diva de la chanson. Son personnage satisfait à tous les critères esthétiques et comportementaux du glamour médiatique. Des cheveux blonds permanentés; la perfection surfaite du maquillage; la taille de guêpe et les talons aiguilles; l’allure, mais aussi le discours et les manières hyper stéréotypées: Cléo est l’incarnation de l’idéal féminin sur papier glacé. Pourtant, elle ne respire de loin pas le bonheur. Elle attend les résultats d’une analyse médicale. Son esprit tourmenté lui fait croire à l’imminence de l’annonce d’une maladie cancéreuse qui viendrait rapidement l’emporter. Son angoisse de mort est symbolisée par une peur panique d’atteinte à son intégrité corporelle. Celle-ci n’est que le reflet de son obsession à voir sa beauté, son seul et unique atout dans sa triste manche existentielle, à jamais préservée. L’exploration de cette névrose très spécifique, qui prend dans certaines scènes carrément la forme d’une angoisse de mutilation (verbalisée par l’héroïne), est une critique de la fétichisation du corps féminin dans une société où règne encore la domination du masculin, de ses fantasmes et de ses valeurs. Le spectateur est bientôt l’heureux témoin de la transformation intérieure de l’héroïne. Celle-ci s’opère en écho à la rébellion qu’elle va mettre en œuvre contre les codes et usages qui l’avaient jusqu’ici enfermée. Cette libération s’effectue au travers d’une déambulation, à pied et virevoltante, par les rues de Paris. Dans la culture occidentale, la flânerie était jusqu’à récemment l’apanage quasi exclusif du masculin. L’affirmation de l’héroïne se joue donc dans l’acte de flâner. La transformation intérieure implique un changement d’attitude vis-à-vis du monde extérieur. Une porte d’accès vers l’Autre s’ouvre alors que la caméra, comme en écho à ce nouveau regard, adopte une multiplicité de points de vue sur la ville.</p> <h3>Décor enchanté</h3> <p>Comme Agnès Varda, son compagnon Jacques Demy est venu à la réalisation par le court-métrage. Ils font tous deux partie de la constellation de la <i>Nouvelle Vague</i>. Cependant, leurs films sont très différents. Enclin à la rêverie poétique et aux sentiments exacerbés, Jacques Demy se laisse très volontiers aller au lyrisme. Il s’attarde longuement au pays des amours contrariées et des aventures passionnées. Ses personnages féminins sont parés d’une auréole quasi mythique. Le blanc laiteux prévaut dans ses films en noir et blanc. Il affectionne particulièrement les couleurs pastel. Cependant, le rose, le bleu et le jaune, si présents dans ses films en couleur, ne sont pas censés évoquer uniquement la béatitude. </p> <p><i>Les parapluies de Cherbourg </i>(1964) raconte l’histoire d’un amour brisé par la guerre d’Algérie. Les acteurs parlent une prose mélodique sur une musique enivrante de Michel Legrand. La musique est une composante cruciale du récit cinématographique. Catherine Deneuve, Nino Castelnuovo et les autres interprètes du film sont doublés par des chanteurs dont les voix ressemblent parfaitement aux leurs. Les rues, les maisons, les décors, les costumes changent d’apparence et de couleurs en fonction des états d’âme et des pensées des personnages. Romantique, tendre, mélancolique, le film échappe toutefois à la niaiserie et au happy-end. Selon l’actrice Virginie Ledoyen, il fait l’effet d’un «bonbon empoisonné». En 1964, <i>Les parapluies de Cherbourg</i> reçoit le prix Louis-Delluc, la Palme d’Or du Festival de Cannes, le prix de l’Office catholique du cinéma et, enfin, le prix Meliès 1965.</p> <h3><em>Playtime</em></h3> <p>Dans ce film «comique» sorti en 1967, Jacques Tati incarne une nouvelle fois Monsieur Hulot, le personnage populaire qui a joué une partition cruciale dans ses films précédents, <i>Les Vacances de Monsieur Hulot </i>(1953) et <i>Mon oncle</i> (1958).</p> <p><i>Playtime </i>se déroule dans un Paris moderniste en proie à la surconsommation permanente. L’histoire est structurée en six séquences, liées par deux personnages qui se croisent à plusieurs reprises au cours d’une journée: Barbara, une jeune américaine en visite à Paris accompagnée de touristes américaines, et Monsieur Hulot, un Français déconcerté et perdu dans une modernité trop grande pour lui. La venue des voyageuses, plus ou moins aisées, dans la mégalopole française, est annonciatrice du tourisme de masse.</p> <p>Le film est dépourvu <b></b>d’une vraie narration. Il met en scène la frénésie d’un monde animé par la recherche du profit et de l’utilité, mais aussi par la soif de loisirs et de divertissements caractéristique des décennies 1960 et 1970.<b></b></p> <p>Le personnage de Monsieur Hulot, avec son manteau à carreau porté comme une cape à l’anglaise, sa silhouette élancée et sa pipe, fait corps avec Jacques Tati. L’acteur-réalisateur s’est comparé à Charlie Chaplin ou à Buster Keaton.<b></b>Toutefois, il a renoncé à faire de son personnage comique le cœur de ses films et il a choisi plutôt de mettre en avant ses très nombreux figurants.</p> <p>La vie sociale a cependant un goût quelque peu amer dans <i>Playtime</i> comme dans d’autres des réalisations de Tati car les gens ne s’y parlent pas vraiment. Le vieux camarade de service militaire rencontré par hasard<i> </i>semble ainsi ravi de montrer à Hulot son nouvel appartement, mais pas intéressé à prendre de ses nouvelles et à échanger avec lui. Les personnages vivent dans une culture des apparences qui empêchent une réelle communication. Tati observe la société contemporaine avec l’œil d’un anthropologue ou d’un sociologue. Il se moque abondamment du monde moderne, en particulier de la technique. Cependant, le regard qu’il porte sur l’humanité demeure bienveillant. Ses personnages sont plus burlesques que méchants ou violents. Même les plus caricaturaux d’entre eux conservent une part attachante ou paraissent la retrouver au gré des péripéties.</p> <p>L’univers de <i>Playtime</i> est celui du gigantisme urbain et de la modernité technologique, tout en couleur bleu, gris ou violet pâle. On comprend à peine les mots prononcés le plus souvent en anglais par les personnages. En dépit de la quasi absence de dialogues dans ses films, Tati apporte un soin très prononcé aux bandes-son. Totalement composée en postsynchronisation, travaillée avec un soin et une minutie extrêmes, la bande-son permet par la précision de chaque élément, de donner l’impression d’une ruche dans laquelle les personnages évoluent et interagissent de manière bruyante. De l’avis de nombreux critiques, l’on peut reconnaître immédiatement un film de Tati en écoutant la bande-son, sans les images.</p> <p>Pourtant, à propos de <i>Playtime</i>, Jacques Tati estimait que «ce film n’est pas fait exactement pour un écran, mais fait pour l’œil». «Il considérait en effet que ce film était moins le sien que celui du spectateur. "Les plans sont ainsi conçus que si vous voyez le film deux ou trois fois, ce n’est déjà plus mon film. Cela devient le vôtre. Vous reconnaissez les gens, vous savez qui ils sont et vous ne savez même plus qui a dirigé le film. C’est n’est pas un film qu’on signe comme <i>Fellini Roma"</i>», ajoutait Tati avant de conclure dans cet entretien en anglais par "<i>Playtime</i> is nobody".» (<em>Playtime</em> (1967), Emmanuel Dreux, <em>Dictionnaire de la pensée du cinéma</em>, Antoine Baecque et Philippe Chevallier, Presses Universitaires de France, 2012).</p> <p><i>Playtime </i>est entré dans les annales pour son immense décor et sa scène de fond spécialement construits pour l’occasion, connus sous le nom de «Tativille». Ils ont grandement contribué au budget colossal du film, évalué à 17 millions de francs (environ 3,4 millions de dollars américains en 1964). Le tout a exigé le travail d’une centaine d’ouvriers ainsi que d’une centrale électrique dédiée. Les crises budgétaires et autres complications ont fait s’étirer le calendrier de tournage sur trois ans, dont 1,4 million de francs de réparations après que le décor a été mis à mal par des tempêtes.</p> <p>Tati faisait observer un brin malicieusement que le coût de construction du décor n’était pas supérieur à ce qu'il aurait coûté s’il avait recouru aux actrices Elizabeth Taylor ou Sofia Loren pour incarner le rôle principal!</p> <hr /> <h4>«<a href="https://www.cinemas-du-grutli.ch/agenda/44146-les-grands-classiques-du-cinema-francais-1930-1968" target="_blank" rel="noopener">Les Grands Classiques du cinéma français: 1930-1968</a>», Rétrospective, aux Cinémas du Grütli, Genève, jusqu'au 19 janvier 2024.</h4>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'cameras-francaises', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 187, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 6, 'person_id' => (int) 1259, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'comments' => [[maximum depth reached]], 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Posts' }, (int) 2 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 4472, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => true, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => null, 'readed' => null, 'subhead' => null, 'title' => 'Marisa Cornejo, un art inclusif en faveur de la mémoire chilienne', 'subtitle' => 'Elle est une figure de la vie artistique romande. Exposée à New York en ce mois de septembre, elle vient de recevoir une invitation du ministère de la Culture de son pays natal, lequel veut faire entrer une de ses œuvres dans sa collection nationale. Son travail est visible jusqu’à aujourd’hui au Commun, espace culturel de la Ville de Genève. Il symbolise aussi celui de toute une communauté à laquelle la ville de Genève a rendu hommage au plus haut niveau. Portrait.', 'subtitle_edition' => 'Elle est une figure de la vie artistique romande. Exposée à New York en ce mois de septembre, elle vient de recevoir une invitation du ministère de la Culture de son pays natal, lequel veut faire entrer une de ses œuvres dans sa collection nationale. Son travail est visible jusqu’à aujourd’hui au Commun, espace culturel de la Ville de Genève. Portrait.', 'content' => '<p>Un moment de grande émotion. L’inauguration de l’exposition «No Memorials: histoires matérielles de l’exil chilien à Genève» du curateur Cristóbal F. Barria Bignotti au Commun, espace culturel de la Ville de Genève, le 23 août dernier, fera date. Pour tous les membres de la communauté chilienne qui résident à Genève et leur.e.s ami.e.s. Et pour Marisa Cornejo en particulier.</p> <p>Elle est née en 1971, à Santiago du Chili. Artiste plasticienne dotée d’un grand talent d’écriture, son travail s’articule depuis plus de vingt ans autour des thèmes de la mémoire et de la réparation de l'identité déterritorialisée.</p> <p>Marisa Cornejo Studio, l’association au travers de laquelle son travail d’artiste se déploie, a reçu récemment le soutien de Pro Helvetia. Plusieurs de ses œuvres sont exposées à la Galerie Gallatin de New York en ce moment et jusqu’à la fin du mois.</p> <p>Les traumatismes nécessitent de faire le bilan du passé. Cependant, ils exigent également de trouver un chemin vers l'avenir, une voie transformatrice, constructive et, idéalement, porteuse d’espoir. Dans <i>Chili: Memory and The Future</i>, Marisa Cornejo et d'autres artistes chiliens contemporains reconnus et qui résident pour la plupart hors du Chili proposent leurs visions du monde d'aujourd'hui et de ce qu'il pourrait être à l'avenir.<b></b></p> <p>Artiste-autrice, Marisa Cornejo propose depuis longtemps déjà des performances filmées, mais aussi des œuvres tridimensionnelles et des livres illustrés où textes et images se répondent.</p> <p>En 2008, on pouvait découvrir ainsi <i>Personal</i>, un livre d'artiste sous la forme d'un dossier administratif, celui avec lequel son père Eugenio faisait des démarches pour obtenir – sans succès – le statut de réfugié. Dans ce très beau livre, on trouvait des lettres authentiques, copiées, que l'artiste avait dactylographiées, mais aussi des dessins, hommage à la mémoire de son père, décédé en 2002.</p> <p>En 2013, dans «I am, inventaire de rêves» elle offrait au lecteur une plongée dans ses rêves par le biais de dessins le plus souvent très colorés, mêlant destin personnel et grande Histoire.</p> <h3>L’empreinte de l’exil, l’empreinte d’Eugenio<b></b></h3> <p>Marisa Cornejo et sa famille ont vécu un très long exil, sur les routes d’Argentine, de Bulgarie, du Mexique, de Belgique, de France et de Suisse.<b></b></p> <p>L’exil a laissé des traces profondes que l’artiste évoque encore dans un magnifique ouvrage paru cette année <em>L’empreinte: une archive d’artiste soustraite au terrorisme d’Etat</em> (Collectif Pacific/Terrain, Edition Art & Fiction). L’empreinte dans son œuvre est une notion polysémique. C’est d’abord l’irruption dans l’appartement familial à Santiago de paramilitaires, à laquelle elle a assisté impuissante en tant qu’enfant. Ainsi, il s’agit du souvenir traumatique lié à cette image. L’empreinte, c’est aussi la torture et la violence d’Etat que son père a subie à l’instar de nombreux prisonniers politiques chiliens disparus sans laissé aucune trace; cependant, enfin, dans une perspective de transmission et de vocation filiale, l’empreinte évoque les archives de son père. Lui-même artiste, son travail plastique a malheureusement été privé de reconnaissance de son vivant à cause de son statut d’apatride. Le livre paru aux éditions Art & Fiction en 2023 permet d’évoquer mais aussi d’apprécier visuellement les gravures, dessins, affiches, meubles, objets d’art et très nombreuses photographies qu’Eugenio transportait au cours des déménagements familiaux successifs. Au fil des années, Marisa Cornejo a décidé de numériser le contenu de boîtes de diapositives retraçant tout l’itinéraire du tortueux exil de sa famille au beau milieu de la guerre froide. Sites archéologiques, beautés de la nature, scènes de famille, excursions, les images qu’elle a ainsi redécouvertes ont permis de remplir les vides de la mémoire de la jeune fille qu’elle était. Reconstruire un récit de vie cohérent lui a permis de surmonter un vécu traumatique indicible.</p> <p><em>«L’Empreinte, une archive d’artiste soustraite au terrorisme d’Etat</em>, a reçu un accueil enthousiaste dans les différents lieux où nous l’avons présenté. Le livre a suscité des discussions passionnées à Bruxelles et à Paris notamment», souligne Stéphane Fretz, directeur de la Maison d’édition Art & Fiction. </p> <p>En écho au livre, on a pu retrouver les gravures d’Eugenio Cornejo, rassemblées pour la première fois, dans l’exposition du Commun, espace culturel de la Ville de Genève.</p> <p>L’exposition au Commun a résonné comme un achèvement pour Marisa Cornejo. Mais aussi pour toutes les personnes qui ont collaboré ou été inspirées par son travail: «L’installation vidéo "La Huella" qu’on a pu voir dans le Commun est la compilation d’une série de performances que j’ai réalisées et documentées pendant cinq ans dans différents territoires liés à la mémoire de mon exil. Au cours de ce long processus de détraumatisation, j’ai rencontré de nombreuses personnes qui m’ont aidée. Elles faisaient souvent partie des associations de victimes de la dictature militaire de Pinochet. Il s’agissait aussi d’amis de mon enfance en exil ou des collaborateurs solidaires qui ont vu dans mon travail une possibilité de réparer les dommages causés par la dictature».</p> <hr /> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1694611380_oa44566229.jpg" class="img-responsive img-fluid left " width="200" height="283" /></p> <h4>«<a href="https://www.geneve.ch/fr/agenda/memorials-histoires-materielles-exil-chilien-geneve" target="_blank" rel="noopener">NO MEMORIALS. Histoires matérielles de l'exil chilien à Genève</a>», jusqu'à ce vendredi 20h, au Commun, Genève. Au sein de l'exposition, ne pas manquer l'espace «No Podemos Dejar Nada», curatée par l'anthropologue et musicologue Fulvia Torricelli du Collectif Migrations Sonores.</h4>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'marisa-cornejo-un-art-inclusif-en-faveur-de-la-memoire-chilienne', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 253, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 6, 'person_id' => (int) 1259, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'comments' => [[maximum depth reached]], 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Posts' }, (int) 3 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 4294, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => true, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => null, 'readed' => null, 'subhead' => null, 'title' => 'Jean-Louis Trintignant: talent et profondeur', 'subtitle' => 'La Cinémathèque suisse diffuse jusqu’au 2 juillet une sélection de trente films du grand acteur et comédien français disparu il y a une année. L’occasion de se pencher sur l’empreinte que sa présence a laissée sur les écrans. Et de redécouvrir les commentaires éclairants qu’il a formulés au sujet de son métier et de sa vie.', 'subtitle_edition' => 'La Cinémathèque suisse diffuse jusqu’au 2 juillet une sélection de trente films du grand acteur et comédien français disparu il y a une année. L’occasion de se pencher sur l’empreinte que sa présence a laissée sur les écrans. Et de redécouvrir les commentaires éclairants qu’il a formulés au sujet de son métier et de sa vie.', 'content' => '<p>Sa carrière compte près de cent trente films. Il a joué également dans près d’une soixantaine d’œuvres de théâtre. Il a été coureur automobile et il s’est essayé à la réalisation. Par sa liberté de ton, sa franchise, son sens de la provocation mais aussi sa frappante délicatesse, Jean-Louis Trintignant apparaît comme un être attachant, mystérieux, aux multiples facettes. Il évoquait régulièrement ses sentiments. Sa personnalité véhiculait avec charme ses paradoxes et ses contradictions.</p> <h3>Une voix inimitable</h3> <p>Le magnifique timbre de sa voix – tellement reconnaissable – a notamment servi pour le disque du <i>Petit Prince</i> de Saint-Exupéry en 1972, la version française d’<i>Ernesto Che Guevara: Journal de Bolivie </i>du cinéaste suisse Richard Dindo en 1994 ou pour le récit du <i>Ruban Blanc</i> du réalisateur allemand Michael Haneke (Palme d’Or à Cannes en 2009). Au début des années 1980, Stanley Kubrick avait insisté pour utiliser sa voix pour doubler Jack Nicholson dans la version française de <i>Shining</i>.</p> <p>Sa filmographie est riche et pléthorique au plein sens des termes. Jean-Louis Trintignant a joué dans des films de cinéastes majeurs de la Nouvelle Vague française (Chabrol, Rohmer, Truffaut), qui s’identifiaient à elle (Vadim) ou furent de près ou de loin inspirés par ce courant majeur du cinéma d’auteur (Deville, Robbe-Grillet, Techiné, etc). On peut le voir également dans des films importants non seulement de grands cinéastes italiens (Bertolucci, Comencini, Risi, Scola, Zurlini), mais aussi d’autres cinéastes français et européens connus ou reconnus internationalement (Audiard, Bilal, Chéreau, Clément, Gavras, Haneke, Lelouch, Kieslowski, Soutter, Tanner, etc). Les différents rôles qu’il a incarnés dessinent les contours du septième art de l’après-guerre en Europe, ceux du cinéma commercial comme du cinéma d’auteur. Ils reflètent ses motifs récurrents, son imaginaire et ses esthétiques.</p> <p>Jean-Louis Trintignant observait avec lucidité le cours de sa carrière et de sa vie. Il a livré dans ses entretiens radiophoniques et télévisuels des clés subtiles de compréhension des diverses facettes des métiers de l’art dramatique. Les nombreuses épreuves ayant jalonné son existence – la mort de son frère et de ses deux filles dans des circonstances particulièrement tragiques – enrichirent positivement son répertoire et ses performances d’acteur. «Les êtres humains sont faits de leur bonheur et de leur drame, d’où leur profonde humanité», soulignait-il en commentant sa double vie, entrelacée, d’homme et de comédien.</p> <h3>Enfance et jeunesse</h3> <p>Jean-Louis Trintignant est né à Piolenc en 1930 dans une famille de notables du Vaucluse. Son père, un industriel, est maire de Pont-Esprit et Conseiller général du Gard entre 1944 et 1949. Engagé dans la Résistance, il rejoint un maquis de l’Ardèche avant d’être fait prisonnier par les Allemands. Il échappe de peu à la fusillade. Sa mère est tondue après la guerre pour avoir eu une liaison avec un Allemand. Dans un entretien pour l’émission «Presque rien sur presque tout» de la RTS donné en 2012, Jean-Louis évoque l’humiliation publique de sa mère baladée aux yeux de tous sur une carriole à travers le village. Cet épisode empoisonne la vie du couple de ses parents pour le restant de leurs jours: «Il n’y avait plus que de la haine entre eux jusqu’à la fin». Le père de Jean-Louis reprocha à son fils, pourtant très jeune au moment des faits, de ne pas avoir pu prévenir le comportement de sa mère pendant la guerre.</p> <p>Le fracas de la grande Histoire, les déchirements et drames familiaux le prédestinaient-il à une vie artistique? «Une enfance conventionnelle et facile ne m’aurait en tous cas pas permis de devenir acteur», estimait-il.</p> <p>Jean-Louis Trintignant étudia le droit à Aix-en-Provence avant de se frotter au jeu et à la mise en scène à Paris. A treize ans, il s’initie à la poésie par la lecture de Prévert. Il entend sa mère réciter des vers tragiques de Corneille et surtout Racine. Il en gardera un goût prononcé pour la poésie. Apollinaire, Baudelaire, Cendras, Cocteau, Desnos, Rimbaud, etc. La poésie lui permit de combiner deux inclinations en apparence contradictoires, l’introspection solitaire et recluse d’un côté, le dévoilement intime face au public de l’autre.</p> <h3>Découverte du théâtre</h3> <p>Jeune étudiant en droit à Aix-en-Provence, Trintignant est fasciné par l’interprétation d’Harpagon de <i>L’Avare</i> de Molière par le comédien et chef de troupe Charles Dullin. Il assiste également à une représentation de <i>Jules César</i> par Raymond Hermantier. Il en tire une fascination pour Shakespeare. Il décide de laisser tomber ses études, de suivre les cours des disciples de Charles Dullin qui vient de mourir et de Tania Balachova à Paris. «J’ai aussi eu le privilège d’assister à toutes les représentations du Théâtre national populaire de Jean Vilar. Quand on n’était pas en scène, on était dans les coulisses et on pouvait observer. J’ai ainsi énormément appris.» </p> <p>«Beaucoup d’acteurs sont des gens timides. Le théâtre m’a arraché à ma mélancolie et à ma timidité». Et de faire ce constat paradoxal: «Le théâtre permet de sortir de sa timidité, d’enlever ses masques et de se trouver soi-même. Se montrer sur un plateau est une très bonne façon de se cacher pour toujours. Le fait d’avoir du culot et des certitudes n’est pas un atout pour un comédien. Cela donne un registre trop limité. En ce qui me concerne, j’ai tôt été conscient de posséder deux qualités indispensables pour ce métier: l’imagination et la sensibilité». Parallèlement à l’apprentissage du théâtre, Jean-Louis Trintignant suit des cours de cinéma à l’Institut des hautes études cinématographiques (IDHEC) dans l’espoir d’apprendre la réalisation. Au théâtre, ses professeurs sont sévères avec lui, mais leur attitude l’encourage justement à continuer. Très emprunté à ses débuts, tenu de se débarrasser de son accent méridional, il doit son succès à sa patience et à sa ténacité.</p> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1686223808_capturedcran2023060813.29.16.png" class="img-responsive img-fluid center " width="516" height="753" /></p> <h4><em>"L'Escapade", de Michel Soutter, 1974. © Collection Cinémathèque suisse. DR.</em></h4> <h3>Débuts au cinéma</h3> <p>«Si je n’avais pas été joli, je n’aurais pas fait de ciné», estime-t-il en esquissant un sourire. Son physique agréable de jeune premier est un atout important pour <i>Et Dieu créa la femme</i>, le film qui lui donna une visibilité à l’échelle internationale. Dans cet opus à scandale mythique de Roger Vadim sorti en 1956, Trintignant incarne le jeune mari éperdument amoureux de Juliette, une jeune femme à la beauté envoûtante qui ne pense qu’à aimer les hommes dans un village balnéaire de la communauté de Saint-Tropez attaché aux bonnes mœurs. «Roger Vadim voulait faire un film en couleurs. Et en engageant la star allemande Kurt Jurgens, il a pu effectivement se payer cette nouveauté. Le film véhiculait une image inédite de la femme: une femme qui allait se faire respecter. Mais ce n’était pas un grand film, ses vertus artistiques étaient mineures». Trintignant assiste cependant à la naissance du phénomène Bardot avec qui les médias lui prêtent une liaison. Il pose déjà alors un regard critique sur le phénomène de la starification. «Brigitte Bardot était littéralement harcelée par les journalistes. Cette notoriété était délétère et désagréable, surtout pour une personne secrète comme moi n’aimant pas faire de déclarations tapageuses.»</p> <h3>Films politiques</h3> <p>Ces débuts au cinéma sont interrompus par le service militaire. Trintignant parvient en se rendant malade à éviter d’être envoyé dans les Aurès en Algérie. Cependant, il est assigné à Trèves en Allemagne, puis à la caserne Dupleix à Paris. «J’ai voulu oublier cette période. A 26 ans, j’étais plus âgé et plus lucide que les autres. La torture était totalement banalisée. On me disait "Ah tu sais, le Français est cruel!" Ce fut pour moi une très mauvaise période. J’étais démoli. Je pensais ne pas avoir la force de redevenir comédien». L’expérience militaire le marqua profondément. Sympathisant de la gauche, elle l’incitera à accepter des rôles dans des films situés historiquement de manière explicite ou engagés politiquement: <i>Le combat dans l’île</i> d’Alain Cavalier (1962), <i>Z </i>de Costa-Gavras (1969), <i>Le conformiste</i> de Bernardo Bertolucci (1970), <i>L’attentat </i>d’Yves Boisset (1972), <i>Paris brûle-t-il</i>? de René Clément (1966), <i>Le Train</i> de Pierre Granier-Deferre (1973), <i>L’argent des autres </i>de Christian de Chalonge (1978), <em>Under Fire</em> de Roger Spottiswoode (1985) et <em>Fiesta</em> de Pierre Boutron (1995). </p> <p>Trintignant revient toutefois au théâtre grâce à Maurice Jacquemont. Il travaille longuement avec le metteur en scène sur <em>Hamlet</em> de Shakespeare. La première version de la pièce est «raccourcie» d’une durée de 5h15 à une version de 3h30! Elle reçoit un très bon accueil au Grand Théâtre des Champs-Elysées de Paris. «On peut passer toute une vie avec Hamlet! C’est le plus beau rôle dont un acteur puisse rêver! On peut le relire indéfiniment. On en a jamais fini avec ses personnages!» L’occasion de réapparaître à l’écran lui est fournie par Roger Vadim et son adaptation sulfureuse des <i>Liaisons dangereuses</i> de Choderlos de Laclos. Il y joue aux côtés des grands acteurs Gérard Philippe, Jeanne Moreau, Annette Vadim et Boris Vian. Ce film réalisera les plus importantes recettes du cinéma français pendant de longues années.</p> <h3>Cinéma italien</h3> <p>Trintignant connait rapidement le succès avec <i>Le Fanfaron</i> de Dino Risi, film culte de la comédie italienne des années 1960 avec Vittorio Gassman. Il inaugure avec cet opus une longue présence sur grand écran en Italie. Il y apparaît dans une vingtaine de films. «Je n’acceptais pas d’être un acteur sans voix et d’être doublé en dépit du fait que je ne parlais pas l’italien parfaitement. J’ai toujours joué des rôles d’Italiens, refusé de jouer seulement un étranger avec un accent.» Trintignant s'éprend du cinéma de la péninsule: «Il y avait quelque chose de très joyeux, de très gai, de très insouciant dans le cinéma italien de cette époque, qui était magnifique». Selon lui, les cinéastes italiens possédaient aussi presque instinctivement un très bon goût. «Ils étaient très portés vers les arts plastiques et la photographie. Ils étaient très intéressés par l’habillage et le maquillage, ce qui me plaisait».</p> <p>Le jeune et séduisant Trintignant s’était fait repérer en 1959 des spectateurs d’<i>Eté violent</i> de Valerio Zurlini. Dans <i>Le conformiste </i>(1969) de Bertolucci, adapté du roman éponyme d’Alberto Moravia, il jouera l’un des plus grands rôles de sa très longue carrière. Il incarne le personnage complexe et ambigu de Clerici. Ce dernier est tourmenté par un sentiment de culpabilité et d'anormalité liés à des abus subis dans l’enfance. Il ressent la nécessité d'être conforme à ce que la société attend d'un homme de son époque et le besoin de se fondre dans la masse en adhérant au fascisme. Parallèlement, dans la vraie vie, Jean-Louis Trintignant devient ami du cinéaste Ettore Scola. Les deux sont contemporains. Il joue des petits rôles dans ses films. «J’ai joué notamment dans <i>La Terrasse </i>avec <i></i>les quatre grands du cinéma italien, Ugo Tognazzi, Marcello Mastroianni, Serge Regianni et Vittorio Gassman». Dans ce film, quatre amis de longue date, proches des milieux de la gauche culturelle, se retrouvent à Rome pour une soirée-buffet sur la grande terrasse de l'un d'entre eux. L'enthousiasme de la jeunesse fait place pour eux à l'amertume et aux constats d'échecs, autant professionnels que sentimentaux. «Les personnages principaux de ce film incarnent une certaine décadence. Ce fut le film testament de la comédie italienne. C’était déplaisant d’être aussi lucide. Ettore Scola est un homme drôle, mais très lucide», souligne Trintignant. </p> <h3>Amis réalisateurs</h3> <p>Comment décidait-il d’accepter ou de refuser une proposition de tournage? «J’ai très souvent choisi en fonction du réalisateur. Le rôle m’importait peu.» Le courant de la Nouvelle Vague française y est peut-être pour quelque chose. Ses films se distinguent par les conditions inhabituelles dans lesquels ils sont tournés. Ses principaux réalisateurs ont fondé leur propre société pour s’émanciper des structures rigides de production qui avaient cours jusqu’alors dans l’Hexagone. Dans <i>Ma nuit chez Maud </i>d’Eric Rohmer, la morale du héros est éprouvée. Incarné par Trintignant, ce dernier examine si les promesses qu'elle contient sont valables, utiles ou hypocrites, dans la réalité. «J’ai adoré le scénario de <i>Ma nuit chez Maud</i>. Au début, j’ai décliné la proposition, mais comme le réalisateur Eric Rohmer et le producteur Barbet Schroeder insistaient, j’ai décidé de participer et de financer le film.»</p> <p>Trintignant s’était déjà illustré dans <i>Compartiments tueurs</i> (1965), le premier film réunissant une pléiade d’amis du réalisateur franco-grec Costa-Gavras. Tout comme Yves Montand, Irène Papas et Jacques Perrin et également par affinité élective, il accepte d’incarner bénévolement le rôle du juge d’instruction dans <i>Z</i> de Costa-Gavras (1968). «Egalement producteur, Jacques Perrin a obtenu que le film soit tourné en Algérie. Nous n’étions pas payés». Jean-Louis Trintignant aime travailler avec certains cinéastes non-conventionnels. Il affectionne la sensibilité qui émane du nouveau cinéma suisse, le vent discret de contestation qui souffle dans ses films. On peut le voir ainsi à l’écran dans trois films des réalisateurs genevois Michel Soutter (<i>L’escapade </i>(1974) et <i>Repérages </i>(1977)) et Alain Tanner (<i>La vallée fantôme</i> (1987)). Il partage avec ces cinéastes un même humour, fait vœu avec eux d’une même liberté et inventivité. Il communique son enthousiasme dans le cadre de l’émission Spécial Cinéma de la Radio-télévision suisse à Genève en 1977: «Les cinéastes suisses sont privilégiés. A Genève, vous avez la chance d’avoir un groupe de producteurs qui vous soutiennent pour faire ce que vous voulez. J’aime travailler avec vous!»</p> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1686224055_capturedcran2023060813.33.31.png" class="img-responsive img-fluid center " width="699" height="555" /></p> <h4><em>"La Vallée fantôme", Alain Tanner, 1987. © Collection Cinémathèque suisse. DR.</em></h4> <h3>Des rôles très variés</h3> <p><i>Z</i> de Costa-Gavras dénonçait la dictature des colonels instaurée en Grèce à la fin des années 1960. Avec ce rôle, Trintignant obtient le prix d’interprétation au Festival de Cannes en 1969. A l’instar de celui de <i>Z</i>, le personnage qu’il incarne dans <i>Ma Nuit chez Maud</i> est habité par le doute. Cependant, Jean-Louis Trintignant brille également lorsqu’il se glisse dans la peau de personnages plus décidés et volontaires, mus par le goût de l’action, le désir sexuel ou par le sentiment amoureux. En témoignent <i>Un homme et une femme</i> de Claude Lelouch (Palme d’Or à Cannes en 1966 avec Anouk Aimée), <em>Mon amour, mon amour</em> de Nadine Trintignant (1967), <i>L’homme qui ment</i> d’Alain Robbe-Grillet (Ours d’argent au Festival du film de Berlin en 1968), <i>Le train</i> de Pierre Granier-Deferre (sorti en 1973 avec Romy Schneider), <em>Je vous aime</em> de Claude Berri (1980, avec Catherine Deneuve, Gérard Depardieu, Alain Souchon, Serge Gainsbourg), <i>Le mouton enragé</i> (diffusé en 1984 avec Romy Schneider et Jane Birkin) et <em>Rendez-vous</em> d'André Techiné (1985 avec Juliette Binoche).</p> <h3>Intransigeance artistique</h3> <p>Sa compagne à la ville, Nadine Marquand-Trintignant, est une femme à poigne. Elle-même réalisatrice, elle souhaite que son compagnon fasse du cinéma. Elle l’encourage beaucoup. Une tragédie frappe le couple. Leur première fille Pauline qui vient à peine de naître meurt subitement en 1970 à l’âge de dix mois. «J’ai eu ma part de malheur. Ce fut une période douloureuse de ma vie. Pauline est morte d’une asphyxie du nourrisson pendant le tournage du film alors qu’elle était avec nous à Rome. Je l’ai trouvée morte dans mon lit d’hôtel. J’ai décidé de continuer à tourner <i>Le Conformiste</i> quand bien même j’étais dévasté intérieurement. Si on accepte d’être acteur, de jouer la comédie, il faut aller jusqu’au bout. Tous les grands metteurs en scène sont très durs. Bernardo Bertolucci, c’est évident, en a profité. Mon personnage a dans <i>Le Conformiste </i>une sensibilité écorchée. Cette interprétation est peut-être ce que j’ai fait de mieux, de plus fort, de toute ma carrière.» Un an après le drame, Nadine décide d’écrire et de réaliser le film <i>Ça n’arrive qu’aux autres</i>. Pour ce récit directement inspiré du drame que le couple vient de vivre, elle sollicite Catherine Deneuve et Marcello Mastroianni. </p> <p>Il se plaît à explorer les interstices de la fiction et de la réalité. Dans <i>Flic Story </i><b></b>de Jacques Deray (1975), Jean-Louis Trintignant incarne un tueur en série. Il commente ainsi les exigences du rôle: «On ne peut pas être un personnage auquel tout nous oppose naturellement. Il faut faire un effort. Pendant le film, je suis devenu antipathique. Je me suis enfermé dans un hôtel pour épargner cela à mes proches. Cela m’est arrivé pour d’autres rôles. Je donne d’ailleurs souvent ce conseil aux comédiens: s’isoler pour entrer dans la peau de leur personnage». A la fin des années 1980 et durant les années 1990, Trintignant incarne des rôles plus énigmatiques. Il joue des personnages souvent misanthropes, cyniques ou enfermés dans leur solitude: <em>Rendez-vous</em> d’André Techiné (1985), <i>La vallée fantôme</i> d’Alain Tanner (1987), <i>Trois couleurs: Rouge</i> de Krzystof Kieslowski (1994), <i>Regarde les hommes tomber</i> de Jacques Audiard (1994)<i>, Ceux qui m’aiment prendront le train</i> de Patrice Chéreau (1997).</p> <h3>Eclectisme, autonomie et goût du risque</h3> <p>Jean-Louis Trintignant s’essaie à la réalisation une première fois avec la comédie d’humour noir <i>Une journée bien remplie</i>, puis une deuxième fois avec <i>Le Maître-Nageur</i>, un récit empreint de la même tonalité sardonique que le précédent. Il décide de ne pas poursuivre dans cette voie. S’il le regrette, il observe manquer de certitudes et des compétences de leadership nécessaires pour exercer le métier de réalisateur. Malgré quelques apparitions dans des films tournés outre-Atlantique (<i>Un homme est mort</i> de Jacques Deray (1972) et <em>Under Fire</em> de Roger Spottiswoode (1985)), le cinéma américain ne le fait pas rêver. Il décline les invitations à incarner les personnages de Lacombe dans <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Rencontres_du_troisi%25C3%25A8me_type"><i>Rencontres du troisième type</i></a> de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Steven_Spielberg">Steven Spielberg</a> et d'un journaliste dans <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Apocalypse_Now"><i>Apocalypse Now</i></a> de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Francis_Ford_Coppola">Francis Ford Coppola</a>. Ces rôles sont respectivement repris par <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Fran%25C3%25A7ois_Truffaut">François Truffaut</a> et <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Dennis_Hopper">Dennis Hopper</a>. Cependant, il parvient à exaucer un souhait qu’il nourrit de longue date, celui de collaborer avec le père de la Nouvelle Vague en apparaissant aux côtés de Fanny Ardant dans <i>Vivement Dimanche</i> le dernier film de François Truffaut (1983).</p> <p>Jean-Louis Trintignant aime l’inattendu. Il a le goût du risque. Il s'intéresse à la compétition automobile et devient pour un temps pilote automobile professionnel. Il participe à plusieurs <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Rallye_automobile">rallyes</a>, notamment à celui de Monte-Carlo à six reprises et les <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/24_Heures_du_Mans">24 heures du Mans</a> en 1980. Il termine deuxième aux <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/24_Heures_de_Spa">24 heures de Spa</a> en 1982 avec ses coéquipiers <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Pierre_Jarier">Jean-Pierre Jarier</a> et Thierry Tassin.</p> <p>En 1996, à l’instar de son oncle Maurice Trintignant (1917-2015) retiré de la course automobile dans son domaine viticole de Vergèze dans le Gard, il se lance dans une nouvelle aventure en achetant cinq hectares de vignes dans les côtes du Rhône avec un couple d’amis.</p> <h3>Surmonter l’horreur, vivre et jouer malgré le deuil</h3> <p>Marie Trintignant a débuté sa carrière d'actrice en 1966, à l'âge de quatre ans, dans <i>Mon amour, mon amour</i> de sa mère Nadine, aux côtés de son père Jean-Louis. Puis, elle enchaîne d'autres films avec sa mère, ensuite sous l’égide de son père adoptif le cinéaste Alain Corneau et d’autres réalisateurs. Active au théâtre, elle est nominée cinq fois aux César. Pendant quatre ans, de 1999 à 2003, Jean-Louis et Marie Trintignant jouent sur scène <i>Lettre d’amour du poète Guillaume Apollinaire à sa bien aimée Lou</i> mise en scène par Samuel Benchétrit. Trois ans plus tard, en 2002, Marie Trintignant est assassinée par son compagnon le chanteur Bertrand Cantat à Vilnius où elle tourne le téléfilm <i>Colette, une femme libre</i>, suite à une dispute au sujet d'un message envoyé par son mari Samuel Benchétrit dont elle est séparée.</p> <p>La mort de Marie plonge son père dans une stupeur et un désarroi total. «Cela m’a complètement détruit. Je n’arrive pas à m’en remettre. Marie est la personne que j’aime le plus au monde. Elle était très maternelle avec moi. Elle a établi cette relation avec moi sachant que cela me plaisait. J’ai pensé au suicide. J’ai appris à vivre sans consolation».</p> <p>En 2005, en hommage à sa fille tuée, Jean-Louis Trintignant lit la pièce d’Apollinaire, crée avec elle, au Festival d’Avignon. «Les mots ne m’ont pas guéri, mais ils m’ont nourri. J’ai réalisé que je pouvais vivre encore, partager des choses en redevenant comédien». Au cours de la même année, il joue avec Roger Dumas dans la pièce <i>Moins 2</i>, écrite et mise en scène par Samuel Benchetrit au Théâtre Hébertot. Au côté de Daniel Mille à l’accordéon et de Grégoire Korniluk au violoncelle et après l’avoir présenté en province en 2011, il joue au théâtre de l’Odéon de Paris son spectacle «Trois poètes libertaires: Boris Vian, Jacques Prévert et Robert Desnos». Ce spectacle tourne dans d’autres villes en 2012 et 2013.</p> <p>Après quatorze années loin des caméras, Jean-Louis Trintignant accepte de revenir au cinéma dans <i>Amour</i> de Michael Haneke. Son interprétation magistrale d’un mari aimant au chevet de son épouse qui perd la mémoire est saluée unanimement par la critique. Ce drame familial et universel au sujet de la maladie, la vieillesse et de la mort est récompensé par la Palme d’or au 65ème Festival de Cannes, le César du meilleur film et l’Oscar du meilleur film étranger.</p> <p>En dépit de ses succès, Jean-Louis Trintignant est conscient de devoir affronter une double épreuve, la mort atroce de sa fille et celle sa propre vieillesse. «On nous avait pas prévenus que la vieillesse n’est pas une continuité! C’est une situation qui est très déplaisante. Il faut essayer de vivre le naufrage de la vieillesse le mieux possible». L’acteur pose sur sa vie un regard rétrospectif: «J’ai eu une adolescence très difficile. J’ai vécu l’âge adulte comme une renaissance. Le théâtre m’a arraché à la mélancolie. Et les femmes – l’amour – aussi.» Son art a été enrichi par ses expériences de vie, y compris celles les plus terriblement douloureuses et dramatiques. Cependant, il confesse le plaisir intense qu’il éprouve à remonter sur les planches. «Porter un masque tout en étant au plus proche de qui on est: c’est ce à quoi l’on peut aspirer une fois l’âge venu». «Ce que je préfère au théâtre, c’est le temps pour l’improbable et la place pour l’improvisation. J’aime l’expérimentation de jeu possible au théâtre. J’aime l’action sur le moment présent. J’aime l’instantanéité, le hasard, le jeu, le risque. La noblesse de l’art du théâtre, c’est qu’on ne peut pas s’installer dans une routine. J’aime la liberté que la poésie nous procure. La poésie nous dépasse, elle réussit à enthousiasmer. J’ai cherché et je cherche un théâtre pur, un jeu sincère qui puisse susciter l’émotion.»</p> <p>Jean-Louis Trintignant est mort le 17 juin 2022, à Collias dans le Gard, «entouré de ses proches», selon son épouse Marianne Hoepfner Trintignant, à l’âge de 91 ans. Il a consacré sa vie à faire rayonner les arts du théâtre et du cinéma, à partager avec beaucoup de justesse, de sincérité et de générosité ses émotions et les réflexions que nourrissaient sa personnalité hors du commun.</p> <hr /> <h4><a href="https://live.cinematheque.ch/cycle/2006-jean-louis-trintignant-un-an-dj" target="_blank" rel="noopener">Jean-Louis Trintignant, un an déjà. Rétrospective à la Cinémathèque suisse</a>.</h4> <hr /> <h4>Pour aller plus loin:</h4> <h4><a href="https://www.rts.ch/archives/tv/culture/special-cinema/3470191-jl-trintignant.html">Spécial Cinéma de Christian Defaye avec Jean-Louis Trintignant, Radio-télévsion suisse, 1977</a>.</h4> <h4><a href="https://www.rts.ch/archives/tv/culture/special-cinema/7917214-trintignant-et-soutter.html">Spécial Cinéma de Christian Defaye avec Trintignant & Soutter, Ma RTS, Les Archives de la Radio-télévision suisse, 1977.</a></h4> <h4><a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/serie-jean-louis-trintignant-l-integrale-en-cinq-entretiens-2004">Jean-Louis Trintignant – A Voix nue, France Culture, 2004</a>.</h4> <h4><a href="https://www.youtube.com/watch?app=desktop&v=XD5t1VyyRT8&feature=youtu.be" target="_blank" rel="noopener">Jean-Louis Trintignant - Vie privée, Vie publique, Mireille Dumas, 2005.</a></h4> <h4><a href="https://www.youtube.com/watch?v=9QhrA2JJdI4">Portrait de Jean-Louis Trintignant, pour la collection "empreintes", produit par Pierre Bouteiller et écrit et réalisé par François Chayé, Youtube, 2015.</a></h4> <h4><a href="https://www.youtube.com/watch?v=KWZCCjPu2Ko">Jean-Louis Trintignant: c’est quoi? Blow-up – Arte, 2017.</a></h4> <h4><a href="https://www.youtube.com/watch?app=desktop&v=FQPbDMn67dY&feature=youtu.be" target="_blank" rel="noopener">Jean-Louis Trintignant mort à 91 ans. Hommage C à vous, 2022.</a></h4> <h4><a href="https://www.youtube.com/watch?v=SkLs_PioFNo">Jean-Louis Trintignant: le monstre sacré, Code source, le podcast quotidien d'actualité du Parisien, 2022.</a></h4> <h4><a href="https://www.rts.ch/info/culture/cinema/9737168-jeanlouis-trintignant-le-discret.html#chap03">Jean-Louis Trintignant, le discret, Marie-Claude Martin, Radio-télévision suisse, 2022.</a></h4>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'jean-louis-trintignant-talent-et-profondeur', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 281, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 6, 'person_id' => (int) 1259, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'comments' => [[maximum depth reached]], 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Posts' } ] $embeds = [] $images = [ (int) 0 => object(Cake\ORM\Entity) { 'id' => (int) 9488, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'name' => 'Hitler’s Madman_9 © 1943 WBEI.png', 'type' => 'image', 'subtype' => 'png', 'size' => (int) 3733747, 'md5' => '5bca3a752deba333063a5b7f5e9d2054', 'width' => (int) 3231, 'height' => (int) 2559, 'date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'title' => '', 'description' => '"Hitler's Madman", Douglas Sirk, 1943.', 'author' => '', 'copyright' => '© WBEI', 'path' => '1660810064_hitlersmadman_91943wbei.png', 'embed' => null, 'profile' => 'default', '_joinData' => object(Cake\ORM\Entity) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Attachments' } ] $audios = [] $comments = [] $author = 'Emmanuel Deonna' $description = 'La progression de l’extrême-droite populiste dans plusieurs régions névralgiques du monde; l’instabilité géopolitique internationale liée à la guerre en Ukraine et les dangers sérieux de conflagration nucléaire; les vives inquiétudes liées aux pandémies ainsi que les preuves estivales accablantes concernant le réchauffement climatique apportées par la canicule. La situation planétaire n’incite guère à l’optimisme. Elle peut aussi faire craindre un retour aux pires heures qu’a connues l’humanité au cours du XXème siècle. Ces pages très sombres de l’histoire contemporaine ont profondément marqué le cinéma dans le passé. Et elles continuent d’inspirer au présent le travail de réalisateurs, comme en témoignent plusieurs des films projetés cette année au Festival du film de Locarno. ' $title = 'L’ombre portée des totalitarismes' $crawler = true $connected = null $menu_blocks = [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Block) { 'id' => (int) 56, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'active' => true, 'name' => '#Trends', 'subtitle' => null, 'description' => null, 'color' => null, 'order' => null, 'position' => null, 'type' => 'menu', 'slug' => 'menu_tags', 'extern_url' => null, 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'posts' => [[maximum depth reached]], '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Blocks' }, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Block) { 'id' => (int) 55, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'active' => true, 'name' => 'Les plus lus cette semaine', 'subtitle' => null, 'description' => null, 'color' => null, 'order' => null, 'position' => null, 'type' => 'menu', 'slug' => 'menu_highlight', 'extern_url' => null, 'tags' => [[maximum depth reached]], 'posts' => [ [maximum depth reached] ], '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Blocks' } ] $menu = [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Category) { 'id' => (int) 2, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'name' => 'A vif', 'menu' => true, 'menu_order' => (int) 4, 'description' => 'Lorsque nos auteurs ont envie de réagir sur le vif à un événement, des concerts aux disparitions célèbres, ils confient leurs écrits à la rubrique "A vif", afin que ceux-ci soient publiés dans l’instant.', 'slug' => 'a-vif', 'attachment_id' => '0', 'lft' => null, 'rght' => null, 'parent_id' => null, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Categories' }, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Category) { 'id' => (int) 3, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'name' => 'Chronique', 'menu' => true, 'menu_order' => (int) 5, 'description' => '<p>La réputation des chroniqueurs de Bon pour la tête n’est plus à faire: Tout va bien, Le billet du Vaurien, la chronique de JLK, ou encore Migraine et In#actuel, il y en a pour tous les goûts!</p>', 'slug' => 'chroniques', 'attachment_id' => '0', 'lft' => null, 'rght' => null, 'parent_id' => null, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Categories' }, (int) 2 => object(App\Model\Entity\Category) { 'id' => (int) 4, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'name' => 'Lu ailleurs', 'menu' => true, 'menu_order' => (int) 5, 'description' => 'Pourquoi ne pas mettre en avant nos collègues lorsque l'on est sensibles à leur travail? Dans la rubrique « Lu ailleurs » vous trouverez des reprises choisies par la rédaction et remaniées façon BPLT.', 'slug' => 'ailleurs', 'attachment_id' => '0', 'lft' => null, 'rght' => null, 'parent_id' => null, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Categories' }, (int) 3 => object(App\Model\Entity\Category) { 'id' => (int) 5, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'name' => 'Actuel', 'menu' => true, 'menu_order' => (int) 1, 'description' => 'Bon pour la tête n’a pas vocation à être un site d’actualité à proprement parler, car son équipe prend le temps et le recul nécessaire pour réagir à l’information.', 'slug' => 'actuel', 'attachment_id' => '0', 'lft' => null, 'rght' => null, 'parent_id' => null, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Categories' }, (int) 4 => object(App\Model\Entity\Category) { 'id' => (int) 6, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'name' => 'Culture', 'menu' => true, 'menu_order' => (int) 3, 'description' => '', 'slug' => 'culture', 'attachment_id' => '0', 'lft' => null, 'rght' => null, 'parent_id' => null, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Categories' }, (int) 5 => object(App\Model\Entity\Category) { 'id' => (int) 7, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'name' => 'Vos lettres', 'menu' => true, 'menu_order' => (int) 6, 'description' => 'Bon pour la tête donne la parole à ses lecteurs, qu’ils aient envie de partager leur avis, pousser un coup de gueule ou contribuer à la palette diversifiée d’articles publiés. A vous de jouer!', 'slug' => 'vos-lettres-a-bon-pour-la-tete', 'attachment_id' => '0', 'lft' => null, 'rght' => null, 'parent_id' => null, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Categories' }, (int) 6 => object(App\Model\Entity\Category) { 'id' => (int) 8, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'name' => 'Analyse', 'menu' => true, 'menu_order' => (int) 3, 'description' => '', 'slug' => 'analyse', 'attachment_id' => '0', 'lft' => null, 'rght' => null, 'parent_id' => null, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Categories' }, (int) 7 => object(App\Model\Entity\Category) { 'id' => (int) 10, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'name' => 'Science', 'menu' => true, 'menu_order' => null, 'description' => '', 'slug' => 'sciences', 'attachment_id' => '0', 'lft' => (int) 1, 'rght' => (int) 2, 'parent_id' => null, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Categories' }, (int) 8 => object(App\Model\Entity\Category) { 'id' => (int) 11, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'name' => 'Histoire', 'menu' => true, 'menu_order' => null, 'description' => '', 'slug' => 'histoire', 'attachment_id' => '0', 'lft' => (int) 3, 'rght' => (int) 4, 'parent_id' => null, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Categories' }, (int) 9 => object(App\Model\Entity\Category) { 'id' => (int) 12, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'name' => 'Humour', 'menu' => true, 'menu_order' => null, 'description' => '', 'slug' => 'humour', 'attachment_id' => '0', 'lft' => (int) 5, 'rght' => (int) 6, 'parent_id' => null, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Categories' }, (int) 10 => object(App\Model\Entity\Category) { 'id' => (int) 13, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'name' => 'Débat', 'menu' => true, 'menu_order' => null, 'description' => '', 'slug' => 'debat', 'attachment_id' => '0', 'lft' => (int) 7, 'rght' => (int) 8, 'parent_id' => null, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Categories' }, (int) 11 => object(App\Model\Entity\Category) { 'id' => (int) 14, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'name' => 'Opinion', 'menu' => true, 'menu_order' => null, 'description' => '', 'slug' => 'opinion', 'attachment_id' => '0', 'lft' => (int) 9, 'rght' => (int) 10, 'parent_id' => null, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Categories' }, (int) 12 => object(App\Model\Entity\Category) { 'id' => (int) 15, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'name' => 'Reportage', 'menu' => true, 'menu_order' => null, 'description' => '', 'slug' => 'reportage', 'attachment_id' => '0', 'lft' => (int) 11, 'rght' => (int) 12, 'parent_id' => null, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Categories' } ] $tag = object(App\Model\Entity\Tag) { 'id' => (int) 135, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'name' => 'Locarno', 'slug' => 'locarno', '_joinData' => object(Cake\ORM\Entity) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ '*' => true, 'id' => false ], '[dirty]' => [], '[original]' => [], '[virtual]' => [], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [], '[invalid]' => [], '[repository]' => 'Tags' } $edition = object(App\Model\Entity\Edition) { 'id' => (int) 75, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'num' => (int) 74, 'active' => true, 'title' => 'Edition 74', 'header' => null, '_joinData' => object(App\Model\Entity\EditionsPost) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ '*' => true, 'id' => false ], '[dirty]' => [], '[original]' => [], '[virtual]' => [], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [], '[invalid]' => [], '[repository]' => 'Editions' }include - APP/Template/Posts/view.ctp, line 147 Cake\View\View::_evaluate() - CORE/src/View/View.php, line 1435 Cake\View\View::_render() - CORE/src/View/View.php, line 1393 Cake\View\View::render() - CORE/src/View/View.php, line 892 Cake\Controller\Controller::render() - CORE/src/Controller/Controller.php, line 791 Cake\Http\ActionDispatcher::_invoke() - CORE/src/Http/ActionDispatcher.php, line 126 Cake\Http\ActionDispatcher::dispatch() - CORE/src/Http/ActionDispatcher.php, line 94 Cake\Http\BaseApplication::__invoke() - CORE/src/Http/BaseApplication.php, line 256 Cake\Http\Runner::__invoke() - CORE/src/Http/Runner.php, line 65 App\Middleware\IpMatchMiddleware::__invoke() - APP/Middleware/IpMatchMiddleware.php, line 28 Cake\Http\Runner::__invoke() - CORE/src/Http/Runner.php, line 65 Cake\Routing\Middleware\RoutingMiddleware::__invoke() - CORE/src/Routing/Middleware/RoutingMiddleware.php, line 164 Cake\Http\Runner::__invoke() - CORE/src/Http/Runner.php, line 65 Cors\Routing\Middleware\CorsMiddleware::__invoke() - ROOT/vendor/ozee31/cakephp-cors/src/Routing/Middleware/CorsMiddleware.php, line 32 Cake\Http\Runner::__invoke() - CORE/src/Http/Runner.php, line 65 Cake\Routing\Middleware\AssetMiddleware::__invoke() - CORE/src/Routing/Middleware/AssetMiddleware.php, line 88 Cake\Http\Runner::__invoke() - CORE/src/Http/Runner.php, line 65
Warning: file_put_contents(/data01/sites/bonpourlatete.com/dev/bonpourlatete.com/logs/debug.log) [function.file-put-contents]: failed to open stream: Permission denied in /data01/sites/bonpourlatete.com/dev/bonpourlatete.com/vendor/cakephp/cakephp/src/Log/Engine/FileLog.php on line 133
VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET
0 Commentaire