Chronique / Balade chez les anthroposophes de Dornach
© Guy Mettan
Nous reprenons ici le récit du tour de la Suisse à pied commencé l’été dernier. Aujourd’hui: Welschenrohr - Hunter Brandberg - Obere Tannmatt - Scheltenpass - Hohe Winde - Kloster Beinwil - Meltingerberg Bergwirtschaft - Meltingen – Ibach – Chessiloch – Grellingen – Dornach.
Ce matin, ma généreuse hôtesse m’a préparé un petit déjeuner de roi. Il est vrai que je suis son unique client. Son mari, cuisinier à la retraite, m’a concocté un demi-kilo de birchermuësli aux fruits frais à se faire exploser la panse. Je me sens prêt à attaquer la journée en tirant une charrue si nécessaire.
Après une rude montée au Hinter Brandberg, face au Weissenstein, la marche consiste à jouer à saute-mouton à travers les plis et replis du Jura, qu’on traverse dans toute son épaisseur jusqu’à Hohe Winde, d’où la vue embrasse l’horizon jusqu’à Bâle et Delémont. On aperçoit même les Alpes bernoises et glaronaises, la Forêt Noire, l’Ajoie et le Jura français. Vingt-sept kilomètres avalés d’une traite, en huit heures de marche. Le ciel est couvert mais sec, avec un pâle soleil: une météo idéale pour marcher sans se mouiller les pieds. Mais les chemins sont encore glissants et boueux et je m’étalerai trois fois dans l’épaisse gadoue malgré ma prudence.
Vers 16 heures, j’arrive au monastère de Beinwil, lové dans un fond de vallée perdu au milieu de nulle part. Fondé en 1085 par un seigneur local, le cloître a été très florissant aux XIII et XIVème siècles, pendant lesquels il a accueilli des nonnes et exploité une scierie, une fromagerie, une herboristerie célèbre ainsi qu’un atelier réputé de copistes auteurs d’une Bible enluminée qui a fait date. Après un lent déclin, le dernier moine est mort en 1555. Le couvent semblait irrémédiablement perdu quand la ville de Soleure, à la faveur du renouveau catholique de la Contre-Réforme, décida de le réhabiliter et de le reconstruire à la mode baroque en lui donnant l’aspect qu’il a conservé jusqu’à aujourd’hui. J’aime savoir que, au fond de ces vallées isolées, des esprits libres et savants ont résisté à la malice des temps et transmis un patrimoine inestimable aux générations suivantes. Ce n’est pas la moindre qualité de ces habitants du Jura que de penser et créer sous cape, à l’insu des citadins qui s’imaginent régir le destin du monde et guider l’humanité à tout jamais.
Je consacre une bonne heure et demie à me décrasser à la fontaine, à paresser dans cette église accueillante et à visiter les bâtiments annexes et leurs expositions, puis à prendre le soleil devant l’écurie en dégustant des glaces maison dénichées dans le «hoflädeli» du domaine.
En fin d’après-midi, je reprends la route pour monter au Meltingerberg et à son auberge, où je caresse l’espoir de passer la nuit bien qu’elle n’ait pas de chambres. Il n’y pas gîte qui vive à des kilomètres à la ronde. Je l’atteins vers 19 heures. Un escadron de joyeux membres du comité de la gym pour aînés de Röschenz, près de Laufon, me salue de vigoureux Grüesser en me voyant débarquer avec mon accoutrement de pèlerin au long cours. J’en profite pour faire un brin de causette. Ils sont très impressionnés qu’un welche ait marché pendant quinze jours pour venir les trouver. D’ailleurs l’un d’eux vient de Genève et me reconnaît. Bon investissement! Ils proposent aussitôt de convaincre le patron de me laisser dormir sous l’auvent du restaurant après la fermeture. Je dois patienter le temps que les derniers clients aient ingurgité le dernier café lutz, après quoi il me donne trois bottes de paille, une paillasse et une couverture. C’est un Italien d’Udine qui a fait le chemin de Compostelle et nous avons vite sympathisé. Les gais lurons du club de gym sont redescendus en plaine, non sans avoir désigné un éclaireur abstinent chargé de repérer les contrôles au cas où la maréchaussée bâloise se serait avisée de faire du zèle. A minuit, je peux donc m’étaler sur le petit podium qui accueillera demain l’orchestre de rock qui animera le Bärg Chibli, la fête patronale du saint local.
La nuit s’est bien passée. A 7 heures et demie, la serveuse s’active déjà et me prépare un café assorti de diverses pâtisseries. Je repars donc le cœur léger et le ventre plein.
Pendant trois heures, le chemin descend en pente douce à travers les hautes futaies de hêtres en suivant l’Ibach qui se jette dans la Birse à Grellingen, avant de remonter vers Bâle sur une dizaine de kilomètres. J’avance si bien que je décide d’aller visiter le Goetheanum à Dornach. L’immense bâtisse de style Art Nouveau sert à la fois de siège et de temple au mouvement des anthroposophes fondé par Rudolf Steiner au début du siècle dernier.
En juillet, Le Monde a consacré une série de cinq doubles pages au père de l’anthroposophie, sans vraiment lui rendre justice. Les Français se méfient par principe des esprits non-cartésiens. Les auteurs commencent par prendre d’infinies précautions oratoires pour se justifier. Ils multiplient les jugements négatifs de peur qu’on les soupçonne de sympathie pour «ce que certains considèrent comme une secte». Comme si la laïcité ne pouvait pas être sectaire elle aussi! Il faut donc trouver ailleurs des éclairages plus inspirés.
Comme au Monte Verità ou à la Colline inspirée de Farinet à Saxon, mais en plus monumental, le site du Goetheanum exprime une vision mystique de la nature et de l’esprit. On y joue en permanence l’intégrale du Faust de Goethe. L’architecture des bâtiments y est tout en biseaux et en rondeurs, en arcs et en creux. Elle abhorre le carré et le rectangle. Elle se veut organique et spirituelle et rejette avec vigueur le fonctionnalisme froid du modernisme contemporain. Les villas ressemblent à de maisons de hobbits, en plus grand. Tolkien, grand connaisseur des légendes allemandes, s’est d’ailleurs inspiré de l’architecture anthroposophique pour son Seigneur des Anneaux.
Le site est en tout cas très agréable, avec ses jardins potagers, ses vergers et ses vaches qui broutent dans les prés. Une riche bibliothèque, une cantine, un restaurant et un magasin végétariens accueillent les touristes et les curieux sans poser de questions. On peut tout savoir sur l’anthroposophie, bien sûr, cette science, ou plutôt cette sagesse qui voit le monde comme mû par des forces spirituelles, sur la pédagogie (les écoles Steiner et Waldorf), les pratiques physiques et artistiques (l’eurythmie, l’architecture et l’art de parler) et agrobiologiques (la biodynamie adoptée par de nombreux vignerons suisses et allemands).
Fruit de l’imagination de Goethe et de l’ésotérisme romantique allemand, l’anthroposophie est à mille lieues de Malherbe, Descartes et Voltaire. On peut s’en moquer. Ou s’en inspirer si l’on estime que l’humanité et la vie sont indissociables de la planète qui les a vues naître. C’est mon cas.
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Une guerre n’éclate jamais par hasard ou par caprice. Les raisons en sont toujours multiples, politiques, économiques, culturelles, sociales, émotionnelles. On peut en débattre sans fin. Pour la paix, l’équation est plus simple. On y parvient en remplissant deux conditions: la justice et la vérité. Simple à exprimer mais très difficile à réaliser.</p> <h3><strong>Faisons un peu de philosophie</strong></h3> <p>La justice est la condition de la paix: une paix durable ne peut exister sans justice. Lorsque des injustices subsistent, elles nourrissent la haine, les conflits et les revendications sans fin. De plus, la justice restaure l’équilibre social et répare les dommages, permettant ainsi aux individus et aux communautés de coexister pacifiquement dans la durée.</p> <p>La vérité est la condition de la justice: la justice repose sur la vérité, car elle nécessite des faits établis et vérifiés pour évaluer les torts et prendre des décisions équitables. Raison pour laquelle on jure de dire toute la vérité, rien que la vérité dans les tribunaux. Sans vérité, les décisions risquent d’être injustes, fondées sur des erreurs, des mensonges ou des manipulations.</p> <p>En période de guerre, la vérité permet de comprendre les causes profondes des conflits et de reconnaître les erreurs passées, favorisant la réconciliation. Elle permet surtout de reconstruire la paix sur des bases solides en reconnaissant les torts commis et les injustices subies par toutes les parties. Elle permet encore de dire ses quatre vérités à la partie qui se sent la plus forte en la renvoyant à ses responsabilités. Inversement, chercher une paix immédiate sans vérité ni justice ne peut que conduire à des accords superficiels ou déséquilibrés, qui voleront en éclats dès que les causes sous-jacentes du conflit réapparaîtront. Voir les effets délétères du Traité de Versailles.</p> <p>Enfin, la recherche de vérité permet aux parties impliquées de tourner la page sans ressentiment et de consolider la paix, en évitant que des tensions latentes ne dégénèrent à nouveau.</p> <p>En résumé, <strong>la paix, la justice et la vérité sont inséparables</strong>, car elles sont les piliers sur lesquels repose la stabilité et la dignité humaine. Ignorer l'un de ces éléments compromet souvent les deux autres.</p> <p>Fin de la leçon de philosophie.</p> <h3><strong>Le rôle délétère des médias dans la quête de la vérité</strong></h3> <p>Vous voyez où je veux en venir: la recherche de la vérité étant la condition essentielle de la justice et celle-ci étant la condition d’un retour à une paix authentique et durable, il convient de s’attaquer d’abord aux mensonges, à la propagande, aux préjugés qui barrent le chemin vers la justice et la paix. Or nous en sommes très loin, tant en Ukraine qu’en Palestine. En principe, cette fonction de recherche de la vérité a été déléguée aux médias et aux journalistes dans les sociétés modernes. Pour des raisons diverses, l’immense majorité d’entre eux se sont fait les relais des pouvoirs et des intérêts en place, renonçant à leur mission de recherche de vérité, et cela dans tous les pays, à Gaza et en Russie certes, mais aussi, et peut-être surtout, en Ukraine, en Israël et en Occident.</p> <p>Dans ces conditions on pourra signer autant de cessez-le-feu et d’accords qu’on voudra, ils ne tiendront jamais longtemps. Le plus fort, sûr de son impunité et de sa capacité à imposer sa version mensongère des faits, sera toujours prêt à les violer, et le plus faible attendra son heure pour riposter ou contre-attaquer. Les accords de Minsk de 2014 et 2015 n’ont jamais été respectés par les puissances occidentales et ont été utilisés pour réarmer l’Ukraine, comme l’a révélé Angela Merkel, et ceux du Liban avec le Hezbollah ont servi de paravent à la reprise des combats à Gaza.</p>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'pas-de-paix-sans-justice-pas-de-justice-sans-verite', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 324, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 8, 'person_id' => (int) 5708, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'comments' => [ [maximum depth reached] ], 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Posts' }, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 5267, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => true, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => null, 'readed' => null, 'subhead' => null, 'title' => 'Sanctions: la Suisse fait du zèle … et puis s’oublie!', 'subtitle' => 'Lors de la dernière Conférence sur la sécurité en Eurasie à Minsk, j’ai eu le redoutable honneur de modérer le panel sur les sanctions, en présence de représentants des pays les plus vilipendés, et donc les plus sanctionnés, au monde. 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Ce qui signifie d’une part que l’immense majorité des sanctions sont prises par une poignée de pays anglo-saxons – servilement accompagnés de leurs caniches européens – et d’autre part que ces sanctions sont unilatérales, c’est-à-dire en dehors du droit international puisqu’en droit international seules les sanctions décidées par le Conseil de sécurité ont force de loi. La Suisse, qui prétend respecter le droit international, devrait s’en alarmer.</p> <p>En face, on trouve les pays les plus sanctionnés. Les classements donnent en général l’Iran en tête, suivi par la Russie, la Corée du Nord, la Syrie, le Venezuela, Cuba, le Myanmar, et enfin la Biélorussie, le Soudan et le Zimbabwe. Ici encore pas de surprise. Les deux tableaux donnent un excellent résumé de la guerre que livre le monde anglo-saxon à ses ennemis supposés, soit la dizaine de pays qui résistent à son suprémacisme et à ses prétentions à la domination mondiale. </p> <p>La Chine ne figure pas dans la liste: par sa taille et l’imbrication étroite de son économie dans la globalisation anglo-saxonne, elle échappe aux sanctions. Ou plutôt celles-ci s’y appliquent de façon détournée, sous forme de guerre des tarifs douaniers imposés à ses produits et de boycott de ses entreprises sous prétexte d’espionnage.</p> <p>Depuis l’intervention militaire de la Russie en Ukraine en 2022, le business des sanctions a littéralement explosé. Le site Castellum.AI en dresse le palmarès. Et là, surprise, la Suisse figure en troisième position des pays les plus sanctionneurs: sur les 19'535 sanctions antirusses prises à ce jour (le site est remis à jour quotidiennement), 2'753 l’ont été par la Suisse (USA 4'869, Canada 3'176), soit 30% plus que l’Union européenne (2'130), la France (2'071) ou même le Royaume-Uni (1'842), pourtant de loin le pays occidental le plus vociférant contre la Russie. L’Australie et le Japon ferment la marche avec moins de 1'400 sanctions chacun.</p> <p>Le championnat des plus sanctionnés est remporté sans conteste par la Russie avec près de 22'000 sanctions à son tableau de chasse, si l’on y ajoute celles prises avant 2022. L’Iran dépasse de peu les 5'000 tandis que la modeste Syrie gagne la médaille de bronze avec 2'867 sanctions. La Corée du Nord rate le podium à 660 sanctions près, la Biélorussie puis le Venezuela et le Myanmar fermant la marche avec plus de mille sanctions à leur passif.</p> <p>Il est amusant – ou plutôt affligeant – de constater que la Suisse, qui ne cesse de répéter qu’elle s’aligne sur l’Europe, fait en réalité bien pire et qu’elle singe plutôt les Etats-Unis, sans doute pour plaire à son vrai maitre et mettre sa place financière à l’abri du harcèlement qui ne manquerait pas de s’abattre sur elle à la moindre incartade. Cet excès de zèle, cette obséquiosité, cette lâcheté honteuse sont révoltants de la part d’un pays qui se prétend indépendant.</p> <p>Et ça l’est d’autant plus que notre pays s’oublie lorsqu’il s’agit d’appliquer des sanctions ou d’infliger des punitions aux autres pays coupables de crimes contre la démocratie et les droits de l’Homme. Nos ministres s’offusquent quand Poutine est soupçonné de déporter des enfants ukrainiens en Russie mais il ne trouve rien à dire quand un pays dit démocratique – Israël en l’occurrence – massacre plus de 18'000 femmes et enfants à Gaza et au Liban. Il est vrai qu’il n’avait rien dit non plus lorsqu’un demi-million d’enfants étaient décédés des suites des sanctions américaines en Irak dans les années 1990. 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Grimpez les escaliers souvent étroits et raides du Palais Blanc et du Palais Rouge du Potala, brûlez une chandelle de beurre de yack devant l’un des milliers de bouddhas peints du Jokhang. Ils sont à Lhassa ce que Versailles et Notre-Dame sont à Paris. Mais ne négligez pas l’étape du tout nouveau musée d’art, ouvert en décembre 2023 dans l’ancienne cimenterie de Lhassa, magistralement transformée et restaurée par les designers et architectes de l’Université Tongji de Shanghai. Vous y découvrirez une facette radicalement nouvelle de la province autonome du Tibet, ou plutôt du Xizang, comme elle s’appelle officiellement.', 'subtitle_edition' => 'La prochaine fois que vous irez à Lhassa, n’oubliez pas d’y visiter le musée d’Art moderne. Grimpez les escaliers souvent étroits et raides du Palais Blanc et du Palais Rouge du Potala, brûlez une chandelle de beurre de yack devant l’un des milliers de bouddhas peints du Jokhang. Ils sont à Lhassa ce que Versailles et Notre-Dame sont à Paris. 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Montagneuses, semi-désertiques, au climat très rude et peuplées d’une dizaine de millions d’habitants pour un territoire grand comme quatre fois la France, elles forment à elles deux le cœur des hauts plateaux et du bouddhisme tibétains. Contrairement au stéréotype qui en fait un espace soumis au seul dalaï-lama, elles abritent des sectes bouddhiques de différentes obédiences et de nombreuses minorités religieuses et ethniques, Musulmans, Chrétiens, Taoïstes, Han, Hui, Tu, Salar, Mongols. S’étageant entre 2'600 mètres et 8'000 mètres d’altitude, la région forme le château d’eau de l’Asie et sert de source aux grands fleuves qui irriguent les plaines chinoises, Fleuve Jaune et Yangtsé notamment.</p> <p>Pour faire simple, on rappellera que le bouddhisme tibétain dérive du tantrisme et se divise en quatre écoles principales: Gelug, l’école la plus récente, dite des Chapeaux Jaunes, dont se réclament à la fois le XIVème Dalaï-lama, réfugié en Inde depuis 1959, et le XIème Panchen-lama, qui vit entre Pékin et Shigatse; Nyingma, la plus ancienne, dite des Chapeaux Rouges, plus proche de la religion tibétaine primitive et regroupée autour de six grands monastères; Kagyu, la secte Blanche à cause des bandes blanches ornant la robe des moines, et la plus petite, l’école Sakya, dite bigarrée (Gris-blanche). Chacune possède ses traditions, sa doctrine, ses pratiques, plus ou moins rigoristes, et qui ne font pas toujours bon ménage entre elles. Les diverses obédiences comptent quelque 46'000 moines.</p> <p>Voilà pour le contexte général.</p> <p>A Xining, notre programme comprenait la visite de complexe monastique de Ta’er, l’un de plus anciens et des plus vastes du pays, avec des dizaines de bâtiments et près de dix mille moines, la réserve biologique du lac salé de Qinghai, l’un des plus étendus et des plus hauts d’Asie continentale (3'000 mètres d’altitude), le village de Deji, qui abrite près de 250 familles provenant des régions les plus isolées de la province, la ville de Tongren, centre commercial et culturel historique, la célèbre Ecole d’art Regong de Longshu (peinture traditionnelle sur thangka, fresques et patchwork), et le lycée ethnique de Golog, un internat gratuit qui regroupe 800 élèves issus des diverses minorités ethniques de la région.</p> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1731591304_img_4901.jpg" class="img-responsive img-fluid normal " width="666" height="603" /></p> <h4 style="text-align: center;"><em>Des moines étudiant dans une académie de bouddhisme. © G.M.</em></h4> <p>Mais la visite la plus spectaculaire fut sans doute celle du complexe énergétique de la préfecture de Hainan. Vingt milliards de dollars y ont été investis pour construire, à perte de vue, la plus grande ferme solaire du monde (600 km<sup>2</sup> de panneaux photovoltaïques soit plus deux fois le canton de Genève), couplée avec des tours d’énergie solaire concentrée et de vastes parcs éoliens sur une aire plus grande que le canton de Vaud (4'000 km<sup>2</sup>), le tout couplé avec des barrages hydroélectriques sur le Fleuve Jaune. Avec 1'200 gigawatts de puissance solaire et éolienne installée à ce jour (Cf. <em>Le Temps</em> du 14 décembre), la Chine est devenue de loin le premier producteur mondial de ces formes d’énergie renouvelable.</p> <p>Au Xizang (province autonome du Tibet), le programme était tout aussi concentré: palais du Potala, avec ses murs blanchis au lait de yack, temple du Jokhang, haut lieu de pèlerinage, musée d’art moderne et galerie d’art contemporain Jieguan avec des œuvres valant plusieurs millions de dollars, Centre de médecine tibétaine, Université, Académie du bouddhisme tibétain (un vaste campus de théologie comprenant 700 moines et une centaine de nonnes des différentes écoles), et même une fabrique de casseroles et de poêles antiadhésives hightech à base de titane! </p> <p>La fin du périple a été consacrée aux beautés naturelles de la préfecture de Nyingchi («Le trône du soleil» pour les Tibétains et «la Suisse du Tibet» pour les touristes), qu’on atteint par une autoroute flambant neuve qui s’élève jusqu’à 5'000 mètres d’altitude. Cette ville de 500'000 habitants est située au cœur de vallées boisées et bordées de lacs et de hauts sommets, à l’image du spectaculaire massif du Namcha Barwa, qui culmine à 7'782 mètres et est considérée comme la montagne la plus sacrée du Tibet avec le Mont Kailash.</p> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1731591485_img_4657.jpg" class="img-responsive img-fluid normal " width="667" height="500" /></p> <h4 style="text-align: center;"><em>Ferme solaire. © G.M.</em></h4> <p>Quels enseignements tirer de ce voyage? Tout d’abord, une surprenante impression de modernité et de développement économique. Autant la ville et les environs de Lhassa m’avaient paru endormis, poussiéreux, légèrement déprimants lors de ma première visite en 2003, autant ils m’ont semblé actifs, vivants, énergiques aujourd’hui. Autoroutes, voies de chemins de fer à grande vitesse (ligne Pékin-Xian-Lhassa et ligne Chengdu-Nyingchi), aéroports impeccables, mais aussi immeubles d’habitations, bâtiments patrimoniaux et vieille ville entièrement restaurés, routes bitumées et parc automobile électrique, lignes à haute tension, infrastructures touristiques, écoles, lycées, hôpitaux, petites et grandes entreprises. Depuis la décision prise en 2012 de développer les provinces de l’est, des centaines de milliards de dollars ont été investis dans le développement des infrastructures. Cela se voit. Le Tibet est en train de devenir une destination prisée des touristes chinois et asiatiques. </p> <p>La croissance y dépasse 10% par an depuis plusieurs années. Pour parvenir à ce résultat, Pékin a mobilisé le pays à grande échelle avec une mesure assez originale, qui consiste à mobiliser les ressources financières mais aussi entrepreneuriales et sociales des riches provinces de la côte. C’est ainsi que la production d’énergie est développée par des consortiums du centre ou de l’ouest de la Chine et que les riches provinces de Shanghai ou de Canton construisent des routes, des écoles, des hôpitaux ou ouvrent des usines en fournissant non seulement les moyens matériels mais aussi les ressources humaines et techniques en y envoyant en stage des cadres, des enseignants, des managers, des fonctionnaires pour former la main d’œuvre locale. </p> <p>Une forme de mentorat qui a l’avantage de responsabiliser les uns comme les autres au développement du pays. La propagande occidentale y a vu une forme de mise sous tutelle des Tibétains. Cela reste à prouver tant les résultats sont spectaculaires: en moins de dix ans, la grande pauvreté et l’analphabétisme ont été éradiqués. 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Plus de 200 chercheurs se consacrent à ce travail, que ce soit à l’université du Xizang ou au Centre de recherche en tibétologie de Pékin. </p> <p>Sur le site du gouvernement, on peut même trouver un document officiel qui vante la liberté de culte et de religion au Tibet. Il est vrai que dans les temples, on trouvera plus facilement le portait du panchen lama que celui du dalaï-lama, honni depuis sa fuite à Dharamshala et qu’on soupçonne d’avoir soutenu des mouvements de résistance et les émeutes de 2008 à Lhassa. C’est sans doute un paradoxe pour un Européen, mais à Lhassa et à Xining la tradition et la religion tibétaine m’ont semblé bien plus vivantes que la tradition et le culte chrétien en Europe.</p> <p>La campagne de modernisation et d’intégration du Tibet historique dans la Chine moderne a été réalisée sous le slogan: «<em>Tibet is our home, China is our homeland</em>»: le Tibet est notre maison, la Chine est notre patrie. 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2 Commentaires
@Chan clear 22.08.2022 | 17h41
«Trés jolie cette déscritpion de randonnée, Merci pour l’idée!
»
@freinet 24.08.2022 | 15h38
«Bravo! Et effectivement la laïcité peut être sectaire. L’ouverture à tout prix peut vite se refermer sur elle-même. Merci pour cette randonnée!»