Culture / Les transformations actuelles des pratiques artistiques
Foire internationale d'art contemporain, octobre 2013, Paris. © Wikimedia Commons
L’ouvrage collectif «Entre mémoire et oubli», édité par L’Atelier contemporain, expose comment pour exister face au poids de l’histoire, l’art doit faire table rase du passé et s’en remettre au «présentisme» contemporain au point de s’en tenir parfois à des formes conceptuelles ne laissant d’autres traces que le document ou le certificat.
Constant thermomètre de nos inquiétudes, l’art contemporain est-il encore capable de nous donner la vraie température de nos velléités de sublimation? Est-on aussi proche de ce côté-là du dépôt de bilan? En arts, sous le règne du «présentisme», qu’en est-il de la théorie? Entre mémoire et oubli, édité par L’Atelier contemporain dans la collection Beauté, publication collective coordonnée par Camille Saint-Jacques et Eric Suchère, aborde ces questions et le dilemme de notre relation à la mémoire et à l’oubli en tentant d’en souligner la complexité, les multiples facettes et les innombrables contradictions.
Pour cela sont abordés l’histoire à la Renaissance (Michel-Ange, Aby Warburg), l’histoire au cinéma (Godard, De Sica), le rapport à l’histoire de la musique contemporaine (Christian Rosset), la place de l’art contemporain au Louvre, l’enseignement actuel de l’histoire de l’art en école d’art, et, enfin, la remise en question de la domination mondiale de l’art occidental.
La mémoire du passé nous hante, s’immisce dans nos esprits de mille manières. Bien au-delà de l’ordonnance didactique des salles des musées, l’art d’autrefois nous poursuit au point que certains d’entre nous aspirent de plus en plus à un salutaire oubli. Pour l’idéologie dominante de l’art contemporain, l’art doit faire table rase du passé et s’en remettre au présentisme. Et ceci, au point de parfois même s’en tenir à des formes conceptuelles qui ne laisseront d’autres traces dans l’histoire que des documents témoins allant de la photographie à une simple certification imprimée.
A l’école
Il semble que le dialogue entre l’art contemporain et l’art ancien soit totalement rompu dans les écoles d’art. Pour leurs étudiants, même des artistes aussi proches de nous que Picasso, Matisse, Kandinsky ou Klee n’existent pas. De l’art moderne, ils ne citent plus que Marcel Duchamp et parfois, mais rarement, Kazimir Malevitch, pour son Carré noir sur fond noir, explique l’enseignant Eric Suchère.
Ce nouveau paradigme date de 1969 et fait suite à l’exposition bernoise d’Harald Szeemann, Quand les attitudes deviennent formes! Et de nos jours, ce paradigme cristallise trois schémas de pensée: la table rase de Marinetti, le postmoderne pour lequel il n’y a plus ni présent ni passé et dans lequel, côté jugements de valeurs, tout se vaut, et enfin le règne du réseau informatique pour lequel le flux importe plus que toute œuvre matérielle.
En 1969 donc, dans la paisible Helvétie, l’art rompt avec tout passé et dorénavant se fait appeler «contemporain». Plus rien ne se sera plus jamais artisanal, savoir-faire, matières. Tout va devenir circulation de signes. Et lorsque l’on visitera une exposition, on ne le regardera plus, on la photographiera pour l’archiver dans son cloud.
Puis, ensuite, les dernières avant-gardes historiques se sont évaporées à la fin des années 70, ne survivant que comme disques rayés dans un monde où tout se vaut et où tout n’est plus que signes.
Aux archives
Karim Ghaddab nous apprend que les archives ont-elles aussi disparu dans le cloud. L’intégralité des œuvres est désormais publique, consultable et disponible en ligne. La différence entre l’œuvre et sa reproduction est frappée d’obsolescence. Du coup, par un retournement ironique, les temps sont devenus mûrs pour un développement d’admiration fétichiste pour le document traditionnel: classeurs métalliques, papier carbone, fiches cartonnées, bons de commande manuscrits. Le document est devenu vintage. Entre amnésie, fantasme, stratégie et fiction, le phénomène témoigne d’une mutation du regard porté sur l’histoire. «L’engouement pour le document est indissociable de la postmodernité. Désormais, le passé, l’histoire, la mémoire et même la réalité ne sont plus des évidences spontanément ressenties.» L’histoire est considérée comme étant un récit comme les autres. Le document n’est plus passion pour le passé mais espoir de pouvoir continuer à se projeter dans le futur. Très nombreuses sont les expositions collectives qui ont pris explicitement l’archive comme thème et nombreux aussi sont les artistes qui utilisent des fonds d’archives comme matériaux ou premier ou énième degré.
Oui, la prégnance remarquable des procédures liées à l’archive et au document dans les pratiques comme dans les analyses critiques et les dispositifs d’exposition sont l’un des marqueurs de l’activité artistique du XXIe siècle. La dévalorisation de l’objet physique s’accompagnant d’une survalorisation du discours allant même jusqu’au point où l’énoncé verbal remplace l’œuvre.
Au présent
Pour François Hartog, après 1945, suite à la Shoah et à Hiroshima, on ne peut plus adhérer à l’idée du progrès. Et c’est vers 1970 que l’on constate la perte définitive en une croyance en un futur. Dès les années 60, en Californie, la pratique généralisée du jogging était l’indice d’un refus de tout vieillissement et du désir de garder indéfiniment un corps impeccable. La mort était devenue totalement obscène. Et c’est ainsi qu’à partir des années 80-90, le présent a fini par apparaître comme la seule catégorie possible. Mutation renforcée par l’inouïe révolution technologique de l’époque, l’internet, promouvant immédiateté et aspiration à l’ubiquité. Depuis, seul le présent nous obsède encore, rongeant notre rapport à l’histoire et au passé. C’est ça le «présentisme». Ce régime d’historicité qui se résume au temps qu’il nous reste à vivre, à une accélération perpétuelle de tout et rien et à une innovation effrénée. Oui, notre pauvre monde est devenu inexorablement «présentiste»!
Au Louvre
Entre 2003 et 2013, Marie-Laure Bernadac a été chargée de l’art contemporain au musée du Louvre et dans sa contribution, elle explique que les expositions d’art contemporain y ont pour but d’attirer de nouveaux publics, de redéfinir le musée du XXIe siècle et de tenter de sauver (un peu) les grandes institutions muséales du tourisme de masse.
Le Louvre, à son origine, a été conçu pour les artistes vivants, écrit-elle. Delacroix, Picasso, Braque y ont décoré des salles. Des expositions thématiques, dont la magnifiquement réellement conceptuelle Copier-Créer de 1993 ou l’hallucinante Peinture comme crime de 2001, consacrée, entre autres, à l’actionnisme viennois, avant-garde autrichienne révolutionnaire, active entre 1962 et 1968, y ont eu lieu.
L’opération la plus novatrice fut, dit-elle, Contrepoint, dans laquelle Luc Boltanski se servit des objets perdus par le public: chaussures, sacs, pots de moutardes, montre, carte de métro, ours en peluche, etc. En quoi ces objets quotidiens, soigneusement catalogués à la manière d’objets archéologiques, sont-ils différents des objets quotidiens (chaussures, dés, vases) trouvés lors des fouilles sous le Carrousel?, demande Marie-Laure Bernadac.
Dans ton cloud! Le continent oublié de l’art actuel
Comment ne plus être le centre du monde? «Il en va du culte que notre époque voue aux objets d’art comme de celui des reliques au Moyen Age. Les reliques étaient au cœur de la pratique religieuse et puis, sous l’influence de la Réforme, elles ont peu à peu perdu de leur importance pour devenir un folklore désuet voire embarrassant pour l’Eglise elle-même.» L’Afrique, par exemple, n’a jamais eu le goût du musée et de la collection. N’est-ce pas cette absence de conservation qui est à l’origine de sa formidable créativité?
Depuis deux siècles, notre histoire de l’art occupe le passé, ordonne les musées, l’enseignement, les discours esthétiques et critiques, établit les hiérarchies, restaure les vérités, les réputations et invente et cautionne les seules valeurs admises. La crise actuelle de l’histoire de l’art ne provient-elle pas de ce qu’elle s’est inventée au temps des colonies, avec un marché archi dominant, contribuant à faire et à défaire les cotes à coup de colloques et de publications savantes, justifiant la supériorité d’un art occidental sur tous les arts autres réduits à un art anonyme, sans auteurs dignes d’être identifiés ou nommés?
Camille Saint-Jacques nous apprend que la totalité de ce qui s’est déployé comme peinture moderne s’est accompagné d’une production textuelle considérable alors qu’à présent, alors que nous disposons d’une masse d’images quasi infinie, nous voilà incidemment dépourvus de tout commentaire ou mode d’emploi sur celle-ci. Que pouvons-nous faire de tout ce bruit visuel? Comment sortir d’une histoire de l’art faite sur mesure pour un Occident dominateur? En remettant en cause la notion d’œuvre comme finalité de la création? De nos jours, relève Camille Saint-Jacques, l’art est pratiqué par des millions d’amateurs pour qui le culte fétichiste de l’œuvre originale n’a plus de sens et pour qui l’art est devenu une expérience, une attitude qui ne trace plus de frontière entre arts majeurs et arts mineurs, qui ne professe aucune théorie, qui n’a plus que des pratiques! Evidemment, du coup la quantité d’invendus est devenue proprement hallucinante. De plus, il ne s’agit pas de se leurrer, aussi incontournables que paraissent les stars d’aujourd’hui, demain elles seront elles aussi oubliées. Les questions de stockage, de conservation, d’héritage et de succession vont donc devenir de plus en plus pathétiques.
Même les peintres actuels les plus prétentieux posent parfois l’hypothèse que leur œuvre toute entière pourrait disparaître un jour dans une décharge.
Oui, montrer que l’art est avant tout une expérience, qu’il peut y avoir des artistes sans œuvre comme il y a des révolutionnaires sans révolution, est certainement l’un des enjeux esthétiques de notre époque. Ainsi qu’Harald Szeemann l’avait perçu dès 1969, la notion d’œuvre est désuète et en finir avec le fétichisme de la marchandise artistique passe par l’élargissement du domaine de l’expérience artistique.
«Entre mémoire et oubli», L’Atelier contemporain, 224 pages.
Avec des contributions de Jean-Christophe Bailly; Marie-Laure Bernadac; Giovanni Careri; François Hartog; Karim Ghaddab; Fabrice Lauterjung; Roland Recht; François Raison; Christian Rosset; Camille Saint-Jacques; Eric Suchère.
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Et lorsque l’on visitera une exposition, on ne le regardera plus, on la photographiera pour l’archiver dans son cloud.</p> <p>Puis, ensuite, les dernières avant-gardes historiques se sont évaporées à la fin des années 70, ne survivant que comme disques rayés dans un monde où tout se vaut et où tout n’est plus que signes.</p> <h3><strong>Aux archives</strong></h3> <p>Karim Ghaddab nous apprend que les archives ont-elles aussi disparu dans le cloud. L’intégralité des œuvres est désormais publique, consultable et disponible en ligne. La différence entre l’œuvre et sa reproduction est frappée d’obsolescence. Du coup, par un retournement ironique, les temps sont devenus mûrs pour un développement d’admiration fétichiste pour le document traditionnel: classeurs métalliques, papier carbone, fiches cartonnées, bons de commande manuscrits. Le document est devenu <em>vintage</em>. 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La dévalorisation de l’objet physique s’accompagnant d’une survalorisation du discours allant même jusqu’au point où l’énoncé verbal remplace l’œuvre.</p> <h3><strong>Au présent</strong></h3> <p>Pour François Hartog, après 1945, suite à la Shoah et à Hiroshima, on ne peut plus adhérer à l’idée du progrès. Et c’est vers 1970 que l’on constate la perte définitive en une croyance en un futur. Dès les années 60, en Californie, la pratique généralisée du jogging était l’indice d’un refus de tout vieillissement et du désir de garder indéfiniment un corps impeccable. La mort était devenue totalement obscène. Et c’est ainsi qu’à partir des années 80-90, le présent a fini par apparaître comme la seule catégorie possible. Mutation renforcée par l’inouïe révolution technologique de l’époque, l’internet, promouvant immédiateté et aspiration à l’ubiquité. Depuis, seul le présent nous obsède encore, rongeant notre rapport à l’histoire et au passé. C’est ça le «présentisme». Ce régime d’historicité qui se résume au temps qu’il nous reste à vivre, à une accélération perpétuelle de tout et rien et à une innovation effrénée. Oui, notre pauvre monde est devenu inexorablement «présentiste»!</p> <h3><strong>Au Louvre</strong></h3> <p>Entre 2003 et 2013, Marie-Laure Bernadac a été chargée de l’art contemporain au musée du Louvre et dans sa contribution, elle explique que les expositions d’art contemporain y ont pour but d’attirer de nouveaux publics, de redéfinir le musée du XXIe siècle et de tenter de sauver (un peu) les grandes institutions muséales du tourisme de masse.</p> <p>Le Louvre, à son origine, a été conçu pour les artistes vivants, écrit-elle. Delacroix, Picasso, Braque y ont décoré des salles. Des expositions thématiques, dont la magnifiquement réellement conceptuelle <em>Copier-Créer</em> de 1993 ou l’hallucinante <em>Peinture comme crime</em> de 2001, consacrée, entre autres, à l’actionnisme viennois, avant-garde autrichienne révolutionnaire, active entre 1962 et 1968, y ont eu lieu.</p> <p>L’opération la plus novatrice fut, dit-elle, <em>Contrepoint</em>, dans laquelle Luc Boltanski se servit des objets perdus par le public: chaussures, sacs, pots de moutardes, montre, carte de métro, ours en peluche, etc. En quoi ces objets quotidiens, soigneusement catalogués à la manière d’objets archéologiques, sont-ils différents des objets quotidiens (chaussures, dés, vases) trouvés lors des fouilles sous le Carrousel?, demande Marie-Laure Bernadac. </p> <h3><strong>Dans ton cloud!</strong> <strong>Le continent oublié de l’art actuel</strong></h3> <p>Comment ne plus être le centre du monde? «Il en va du culte que notre époque voue aux objets d’art comme de celui des reliques au Moyen Age. Les reliques étaient au cœur de la pratique religieuse et puis, sous l’influence de la Réforme, elles ont peu à peu perdu de leur importance pour devenir un folklore désuet voire embarrassant pour l’Eglise elle-même.» L’Afrique, par exemple, n’a jamais eu le goût du musée et de la collection. N’est-ce pas cette absence de conservation qui est à l’origine de sa formidable créativité?</p> <p>Depuis deux siècles, notre histoire de l’art occupe le passé, ordonne les musées, l’enseignement, les discours esthétiques et critiques, établit les hiérarchies, restaure les vérités, les réputations et invente et cautionne les seules valeurs admises. La crise actuelle de l’histoire de l’art ne provient-elle pas de ce qu’elle s’est inventée au temps des colonies, avec un marché archi dominant, contribuant à faire et à défaire les cotes à coup de colloques et de publications savantes, justifiant la supériorité d’un art occidental sur tous les arts autres réduits à un art anonyme, sans auteurs dignes d’être identifiés ou nommés?</p> <p>Camille Saint-Jacques nous apprend que la totalité de ce qui s’est déployé comme peinture moderne s’est accompagné d’une production textuelle considérable alors qu’à présent, alors que nous disposons d’une masse d’images quasi infinie, nous voilà incidemment dépourvus de tout commentaire ou mode d’emploi sur celle-ci. Que pouvons-nous faire de tout ce bruit visuel? Comment sortir d’une histoire de l’art faite sur mesure pour un Occident dominateur? En remettant en cause la notion d’œuvre comme finalité de la création? De nos jours, relève Camille Saint-Jacques, l’art est pratiqué par des millions d’amateurs pour qui le culte fétichiste de l’œuvre originale n’a plus de sens et pour qui l’art est devenu une expérience, une attitude qui ne trace plus de frontière entre arts majeurs et arts mineurs, qui ne professe aucune théorie, qui n’a plus que des pratiques! Evidemment, du coup la quantité d’invendus est devenue proprement hallucinante. De plus, il ne s’agit pas de se leurrer, aussi incontournables que paraissent les stars d’aujourd’hui, demain elles seront elles aussi oubliées. 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Il a revendiqué ce point de vue dès le début de sa très longue carrière. Appartenant donc à un genre souverain et indépendant, ses dessins proposent une très grande variété d’approches et de couleurs, dans des palettes de tons différenciés, et dégagent souvent une impression de grande vitalité, de plaisir, de sensualité, l’impression d’une perception subjective plutôt qu’objective. L’expression est émotion immédiate et dans ses productions, il ne cherche jamais à rendre la réalité mais bien plutôt le fourmillement des sensations qui le traversent, quand, concentré, il s’exerce à capter l’expression d’un visage, un geste, un paysage, un mouvement. Ses nus, devenus très vite non conventionnels, accordent une attention particulière aux chevelures et aux mains. Auguste Rodin, Ferdinand Hodler, Gustav Klimt, Aubrey Beardsley sont ceux qu’il espère dépasser. 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En 1909, il expose des nus qui plaisent beaucoup et sont très rapidement vendus. Dans les années 1910, il réalise des dessins très travaillés, entre autres pour la revue <i>Sturm</i>. Traits secs et nerveux, densification des lignes, portraits expressionnistes d’hommes et de femmes, suites d’illustrations, passage à la lithographie, il expérimente à tout va. En 1911, il donne des cours dans une école privée et en 1912 et 1913, enseigne le nu au sein d’une institution qu’il a lui-même créée. 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Adolf Loos, en 1913, organise au Kunsthaus de Zurich une présentation d’une douzaine de ceux-ci, présentation ressentie par la plupart des indigènes helvètes comme un conte d’épouvante.</p> <p>Mais, événement entre tous historique, voici que Dada débarque et que la comédie de Kokoschka, <i>Le sphinx et l’homme de paille, </i>est jouée le 14 avril 1917 au Cabaret Voltaire à Zurich. Marcel Janco en signe les masques que portent les comédiens et la mise en scène, Tristan Tzara joue le rôle du perroquet, Emmy Hennings celui de l’infidèle Anima, Friedrich Glauser, la mort et Hugo Ball, Firdusi, l’époux trompé. Dans <i>La fuite hors du temps</i>, qu’il écrit et publie dix ans plus tard, Ball nous raconte le chaos qui règne ce soir-là sur la scène: «Malgré le prix d’entrée élevé, la Galerie était trop petite pour contenir tous les visiteurs. Dans une pièce du fond, Tzara était responsable de l’éclair et du tonnerre et, comme un perroquet, il devait répéter "Anima, douce Anima!". Mais il confondait les entrées et les sorties, faisait éclater l’orage aux mauvais moments et donnait, à tout prendre, l’impression que c’étaient des effets spéciaux, une confusion calculée des arrière-plans. Finalement, lorsque Monsieur Firdusi était censé tomber, tout s’est embrouillé dans une pagaille de fils électriques et de lampes. Pendant quelques minutes, ce fut la nuit noire et la confusion totale; après quoi la Galerie a retrouvé son aspect habituel.» </p> <p>La Seconde Guerre mondiale passée, la Suisse offrant à Kokoschka des perspectives de commandes de portraits et une clientèle prospère, en 1951, il décide de se faire construire une petite villa sur les bords du lac Léman: «Ce n’est pas par fierté de propriétaire, mais simplement le désir de pouvoir souffler de temps en temps quelque part au cœur de l’Europe dans un lieu politiquement paisible», écrit-il à sa sœur.</p> <p>En 1953, il s’établit définitivement non loin du Château de Chillon, à Villeneuve. 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Bref, c’est son destin, il l’a accepté et il dessine et redessine sans trêve ni repos.</p> <p>Pendant septante ans, à coups de traits outrés et fracturés, de visions oniriques, il alterne des représentations d’insectes, de nus, de scènes bibliques ou mythologiques et des paysages aux perspectives bizarres, Kokoschka préférant une vue bifocale à la perspective cavalière, vue embrassant l’étendue du paysage, des représentations de fleurs, d’animaux. Dans le paysage, ce qui l’intéresse, ce n’est pas l’idylle, mais la nature à l’état sauvage, indomptée. 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Oui, de porter une attention soutenue à ce qui nous environne, car si le dessin, comme il l’écrit, déplie le visible, cela ne peut être que pour le pénétrer plus intensément.</p> <h3>Les débuts</h3> <p>Le dessin est une activité solitaire, peinture des jours de pluie, enfermé dans une pièce et l’infini plaisir de n’avoir à faire que ça, ok, d’accord, mais c’est avec sa main dans le bac à sable que Philippe Comar a commencé à dessiner, ou avec un doigt sur des meubles couverts de poussière, sur des vitres embuées, dans de la farine, de la pâte à tarte, en piétinant la neige, en courant dans le sable. Il a dessiné dans le noir avec la pointe de sa langue dans le creux de sa main. En crachant sur les murs, en envoyant gicler des gouttes à la brosse à dent, à la craie sur les trottoirs, au canif sur les arbres. Il a dessiné sur ses mains avec un stylo à bille et comme Léonard de Vinci, il a aimé contempler sans penser à rien les tâches fortuites sur les murs, les traces de moisissure. Il a eu une période labyrinthes, dédales, passerelles, escaliers dérobés, tout un monde à la Piranèse. Il s’est essayé à l’anamorphose, aux dessins étirés, gonflés, dilatés. Pour lui, le dessin n’est jamais au service de quelque chose d’autre. Il est une fin en soi, un moment de grâce durant lequel on peut enfin s’abandonner à un afflux de sensations. Bien sûr, croyant observer, on ne fait qu’effleurer ce qu’on voit et c’est en cela que l’acte de dessiner est plus important que le dessin fini. Comme l’écrivait en 1971 le célèbre historien d’art John Berger, il s’agit de voir le voir. Et même en dessinant d’après nature, de trouver non pas ce que l’on voit mais ce que l’on sent.</p> <h3>Les fluides</h3> <p>Ces <i>Premiers traits</i>, indiqués dans le titre de ce nouvel opus, sont ceux que tracent, depuis l’enfance, tous les fluides qui s’écoulent du corps: salive, lait, larmes, urine. A l’école primaire, un jour, la maitresse le sermonne: il a couvert pendant des mois son bureau de centaines de petits dessins. Et pourquoi pas faire pipi sur les pupitres, s’exclame-t-elle. Toute la classe se gondole et en guise de punition, le petit Philippe est enfermé toute une longue et interminable journée dans les toilettes, et ceci sans manger ni boire et sans lumière. D’où que depuis ce jour-là, il associe l’acte d’uriner et le dessin. Et effectivement, tel Gargantua, du haut des tours de Notre-Dame, il adore dessiner ainsi sur le sable. 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Répétons-le: pour lui, il ne s’agit pas d’imiter mais de traduire un ressenti.</p> <h3>Le trait, la tache</h3> <p>Lorsqu’il a sept ans, sensible à l’application qu’il met à copier des tableaux, ceux du Greco par exemple, ses parents l’inscrivent dans une Académie dite «du Jeudi». Les enfants y peignent debout et n’y apprennent rien mais pratiquent assidument la chose. Et notre jeune futur artiste y prend plaisir à tracer des lignes parallèles et à s’y s’entraîner à tracer des lignes régulières, à main levée ou à la règle. C’est une technique qu’il connaît par les illustrations exécutées au burin figurant dans ses livres de classe. Dans son ouvrage, après une vibrante apologie de la gomme, il enchaîne avec celle d’une roulotte de bohémiens, de leur osier tressé pour les paniers, et de la petite bohémienne, pieds nus et cheveux sales pour laquelle il ressent une forte attirance physique. Sujet à sa première érection spontanée, il apprend ce jour-là que le sale et le sexuel ont affaire ensemble et que la découverte de l’outil peut précéder la connaissance de sa fonction. D’un côté, le trait aigu qui cerne. De l’autre, la tâche qui bave. Deux bornes: idéalisme et réalisme. Rodin, dans ses dessins érotiques, associe d’ailleurs ces deux démarches.</p> <h3>Le dessin: une habitude</h3> <p>Notre artiste, cent pour cent sédentaire, habitant depuis cinquante ans la même maison, homme d’habitudes, retrouve ce trait de caractère dans l’acte même de dessiner: le désir de retenir à tout prix, de saisir ce qui fuit. Très tôt sensible au pouvoir du dessin et des mots, la frontière entre les deux n’étant pas aussi nette qu’il y paraît, pour lui les mots ne sont pas que des signes arbitraires. Leur graphie suggère des figures. Ne parle-on pas en typographie de corps de la lettre, de jambage et d’empattement.</p> <h3>Palimpsestes, copies et détournements</h3> <p>En 1961, un sigle <i>OAS</i> ayant été transformé dans son quartier en <i>ONASSIS</i>, nom de l’amant de la Callas et de l’époux de Jacqueline Kennedy, il découvre l’art du détournement. On peut donc masquer le mot originel sans le rayer ou le biffer. Dès lors, il s’applique à faire disparaître ses propres dessins obscènes sous des dessins anodins. Ces palimpsestes sont suivis du détournement de photos de magazines sur lesquelles il modifie le sens d’une image sans que la retouche y soit visible. Il devient aussi, très tôt, faussaire. A dix, onze ans, il réalise déjà de faux tickets d’autobus et de faux timbres-poste, chaque ticket lui demandant plusieurs heures de travail. Une bonne copie doit être plus allusive que descriptive, pas trop précise pour ne pas se faire remarquer. Et petit-à-petit, il se met à remplacer la Marianne sur les lettres et cartes postales par des fragments de corps nus de dame. Oblitéré par la Poste, le timbre devient œuvre.</p> <h3>S'auto créer par et pour le dessin</h3> <p>Ses parents n’ont pas une sensualité marquée, son père lui inflige des fessées pantalon baissé, sa mère répugne au contact physique avec ses enfants et lui, il dessine en cachette des femmes nues, dessins qu’il détruit ensuite. Il rêve aussi d’auto-fellation et de s’auto-dévorer lui-même et retrouve cela dans un personnage de Saul Steinberg, personnage s’auto-dessinant et dans certains dessins de Hans Bellmer, un corps s’auto-dessinant également; et finit par penser que le phantasme d’auto-engendrement est l’essence même de l’art.</p> <h3>Dessin d'enfant</h3> <p>Les dessins d’enfant permettent-ils de retracer les fondements d’une œuvre à venir? Rien n’est moins certain, tant les choix individuels et les partis pris d’un artiste ne se dégagent que lentement des archétypes propres aux dessins d’enfant. Tout en tentant de saisir ce qui, dans ses premières expériences graphiques, a nourri sa pratique actuelle de dessinateur, Philippe Comar n’est guère porté à leur attribuer plus d’attention qu’ils n’en méritent. </p> <p>Pourtant, le XXème siècle a préféré cette naïveté à tous les savoirs. Lui, à l’inverse, défend la maitrise du dessin en tant que plaisir originel secondant phantasme jouissance et hédonisme. Il n’angélise rien, goûte à tout, nous raconte ses émois les plus anciens, scatologie et signes fortement sexués. Oui, décidément, dessiner, c’est voir et voir mieux.</p> <h3>Epitaphe</h3> <p>Très tôt, il a été obnubilé par la représentation des rayons lumineux. Fasciné donc par tout ce qui trace, que ce soit droit ou courbe, une ligne dans l’air, sans écran, ni feuille de papier: étoile filante, sillage d’avion, etc. Les traités de balistique en sont pleins. Un trait est un signe, une abstraction, les rayons de soleil, la ligne d’horizon en sont aussi mais dans la nature rien n’est parfait et tout a une dimension charnelle. Aux lignes droites qu’il observe dans le ciel s’ajoutent les cercles concentriques entourant le caillou qu’il vient de jeter dans l’eau. Et la courbe que trace en l’air, écrit-il, le jet mictionnel et qui se retrouve chez les peintres Lorenzo Lotto, Jean Cousin, Titien, Rubens, Rembrandt, Guido Remi et tant d’autres encore. Et les coquillages, les vignes, les crosses de fougère. Mais de toutes les lignes, celles qui l’ont le plus fasciné sont les herbes. Toutes les sortes d’herbes qui existent, le gazon dru, le chiendent, les hautes graminées et la <i>Grande touffe d’herbes </i>de Dürer lui paraît être le plus beau dessin jamais exécuté. Une douzaine d’espèces d’herbacés y sont représentées. A l’âge adulte, de la pousse native jusqu’à la pourriture, il a lui aussi tenté de relever le défi et exécuté plusieurs séries de cet inépuisable sujet. 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Les salles suivantes retracent l'ensemble de son parcours artistique, des carnets y côtoyant des planches dessinées et de grands formats peints, mêlant fantasmes et plongées dans l'intime. Dans les dernières salles, partant d’annonces de sites de rencontre, Dominique Goblet et Kai Pfeiffer, les deux auteurs du <i>Jardin des candidats</i>, imbriquent leurs dessins, décloisonnent les disciplines et incluent dans leur scénographie installations et fresques murales.</p> <p>Par ailleurs, dans une vidéo qui figure sur le site du musée, on peut entrapercevoir Dominique Goblet pleine de vie et d’énergie pétillante bloquant un tram à Bâle pour laisser passer la fanfare invitée en l’honneur de son show.</p> <h3>Le livre</h3> <p><i>Le</i> <i>Jardin des Candidats</i> est totalement convaincant et on ne peut qu’en vanter l’indéniable réussite plastique. Toutes les expérimentations formelles y sont au service d'une écriture et tout y est rendu comme étant nécessaire et parfait.</p> <p>En ouverture, un paon déclare dans une bulle: «cherche relation suivie pour moments câlins dans le jardin». <i>Aléa jacta es</i>, les dés sont jetés, toutes les citations sont issues de véritables textes de profils sur des sites de rencontre, apprend-t-on ensuite. Il y a ainsi de la végétation et une voix, celle de la Mère, figure mythique de l’adoration. Elle est «La Grande Absence». Elle possède un amas de livres détrempés et une piscine inachevée. Elle est l’Unique Divin Problème et quand il fait soleil ou quand il pleut, c’est parce qu’elle en a besoin. Les candidats repérés sur internet sont rassemblés dans le parc parmi des buissons, des vases, des paons, des trous et un barbecue. Ils y errent, ils y besognent, jardinent ou se délassent. 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Des métiers demandant un grand engagement physique comme maître-nageur, guide chasse et pêche, sauveteur, interprète en langue des signes, souffleur, voix off, choriste, professeur de yoga. Et du côté col blanc, nous avons un game designer, un ministre du culte, un greffier, un fiscaliste, un échevin, un architecte de jardin, un humoriste, un acarologue, un acousticien, un fiscaliste, un diamantaire, un médecin légiste, un dénicheur de talent et un très utile dermatologue, l’un possédant une webcam et un autre avouant que cela suffit à son bonheur.</p> <h3>Les objets, les animaux, les décors, la Mère</h3> <p>On l’appelle «La Mère» et elle est «La Grande Absence». Sa maison est envahie par des amas de livres détrempés et son jardin contient une piscine inachevée. Mais tout en étant l’Unique Divin Problème, elle n’a pas de problème. Quand il fait soleil ou quand il pleut, c’est parce qu’Elle en a besoin.</p> <p>Des hommes en manque comme s’il en pleuvait, se soumettent avec docilité à tous ses caprices, elle leur demande de creuser, ils creusent. Des hommes avec des cheveux frisés, des cheveux raides, chauves, des casquettes, des lunettes, des cravates, des hommes nus, des hommes en pierre, en terre, assis, couchés, debout, enlacés entre eux, sur un banc, en tablier devant un barbecue, des paons, une centaine de candidats corvéables à merci. 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La majeure partie des faits divers relatés par la presse du XIXème siècle ne sont pas des crimes spectaculaires, de grandes affaires retentissantes, mais de minuscules incidents de la vie quotidienne, des crimes sans éclats.</p> <p>Le roman réaliste et naturaliste, Dostoïevski, Flaubert et Balzac, ce sont eux, l’héritage revendiqué du roman noir. Il s’agit de représenter la réalité sociale et, comme le disait Zola dans la préface de <i>L’Assommoir</i>, de rédiger une œuvre de vérité qui ait la vitalité et l’odeur du peuple.</p> <h3>Prolétaires et classes moyennes</h3> <p>Le roman dit prolétarien ne sera pas grand-chose et, contrairement à Céline, n’usant pas de la vraie langue du peuple, il ne rencontrera jamais son public. 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Leur contre-société est pour eux la seule communauté qui existe. Ils nomment leur milieu le Milieu et ils se nomment eux-mêmes les Hommes. Le reste de la société n’étant qu’un ramassis de pue-la-sueur soumis aux politiciens et craignant les flics.</p> <h3>Ultragauche, le néo-polar</h3> <p>Après Mai 68, le roman noir français reconvertit le genre en acte critique, en radiographie politique de la société et de ses institutions, en instrument d’intervention sociale. Le néo-polar intègre dans ses récits les banlieues, les grands ensembles, les HLM, et décrit de nouveaux espaces tels les caves, les terrains vagues, les cages d’escaliers. La violence sociale n’y est plus un écart mais la norme et toute révolte individuelle y est, par nature, vouée à échouer. Paranoïa et haine de soi y dominent.</p> <p>Jean-Patrick Manchette, invité à l'émission <i>Apostrophes</i> par Bernard Pivot, en utilisant le terme de néo-polar devant des millions de spectateurs, rend son usage universel. 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Manchette se définira d’ailleurs lui-même comme étant un indécrottable intello pas honteux de l’être.</p> <h3>La reconnaissance du genre</h3> <p>Pendant que la contre-culture se dote de ses propres outils de communication, journaux satiriques, BD, fanzines, l’éditeur Plon réagit et crée des collections qui rencontrent un succès phénoménal comme <i>SAS</i> de Gérard de Villiers, avec ses romans d’espionnage racistes et sexistes, homophobes et anticommunistes. De même, la série Brigade spéciale associe toujours l’acte sexuel à des coups et de la torture, d’un racisme appuyé, elle use de termes comme «bougnoule», «négresse» et est riche en descriptions de traitements dégradants. </p> <p>Les années 1980 voient l’entrée en scène de l’amateur érudit et naissent des almanachs, des chroniques, des fanzines, des revues spécialisées vendues en kiosque, comme <i>Gang</i>, <i>Polar</i> ou <i>813</i>, un Festival du roman et du film policier, une exposition au Centre Pompidou, l’ouverture en 1983 de la Bilipo, Bibliothèque des littératures policières à Paris, des thèses sur le sujet sont soutenues et en 1994 paraissent 471 nouveaux titres, en 1995, 700, en 2001, 1'709. </p> <p>Lors du cinquantième anniversaire de la <i>Série noire</i>, Patrick Raynal en devient directeur. <i>Œdipe roi</i> de Sophocle y est publié, Jean-Claude Izzo et Maurice G. Dantec sont recrutés, les ventes repartent à la hausse.</p> <h3>Féminisation du roman noir</h3> <p>Dans les années 1990, on assiste à une entrée progressive d’auteurs femmes et ensuite, au siècle suivant, massive, à la fois comme productrices d’ouvrages et comme lectrices de ceux-ci, la lecture de roman devenant une activité de plus en plus essentiellement féminine.</p> <p>En 2024, 60% des acheteurs et du lectorat de romans policiers sont des acheteuses et des lectrices. Il paraît beaucoup d’articles sur les femmes auteures de polars dont certaines avaient néanmoins choisi un pseudonyme androgyne, telles Fred Vargras, Dominique Manotti ou Claude Amoz. La plus célèbre de toutes, Virginie Despentes, décrit des personnages qui n’ont rien de victimes soumises, ni de douceur féminine et retourne, avec brio, la violence contre les hommes dans des récits urbains, violents, crus et nihilistes.</p> <h3>Auteurs enquêteurs, profs, journalistes et policiers</h3> <p>Le polar du XXIème siècle marque l’avènement d’une prise de parole qui n’est ni le fruit d’un engagement ni le résultat d’une déception militante.</p> <p>Chercheurs, enseignants-chercheurs, journalistes, documentaristes, médecins, psychanalystes, avocats pénalistes, policiers, ils sont très nombreux à exercer ou avoir exercé des professions qui relèvent du paradigme indiciaire. Beaucoup d’auteurs travaillent dans l’audiovisuel, sont profs ou policiers – généralement des officiers. D’autres sont journalistes, donc précarisés ou en voie de l’être, et trouvent dans le polar une liberté dont ne disposent plus les médias d’information. Par le polar, ils peuvent raconter tout ce qu’ils ne peuvent plus dire par le journalisme. Ils utilisent dans l’écriture leur méthodologie d’investigation: collecte de données, recueil de témoignages, enquête de terrain, étude d’archives.</p> <p>Carlos Ginsburg dans <i>Signes, traces et pistes,</i> son article paru en 1980, article faisant lui-même référence à l’article <i>Attribution</i> d’Enrico Castelnuovo paru en 1968 dans l’Encyclopédie Universalis: en 1876, il y a beaucoup de fausses attributions dans les musées, G. Morelli postule que pour distinguer les originaux des copies, il ne faut pas se baser sur les caractères les plus apparents et, par conséquent, les plus faciles à imiter mais examiner les détails les plus négligeables: les lobes des oreilles, les ongles, la forme des doigts des mains et des pieds. 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VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET
1 Commentaire
@Lore 22.07.2022 | 08h12
«Merci pour cet article intéressant
Dans quelle mesure la créativité de l’artiste se déploie dans sa volonté de tromper la certitude de la mort, si présente dans ses oeuvres.
Intuitivement j’aurais pensé que la fin des archives/œuvres matérielles était en
relation avec la prise de conscience que le futur se construit au présent. Non pas
du présentisme statique, plutôt l’idée que le présent porte intrinsèquement les empreintes du passé et la place de l’artiste est comme celle du scientifique une ébauche de ce qui sera peut-être.
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