Culture / Mohamed Mbougar Sarr exorcise l’horreur du réel par le roman
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Avant la consécration du Prix Goncourt 2021, l’auteur de «La plus secrète mémoire des hommes» avait publié deux romans témoignant d’un courage impressionnant: «Terre ceinte» et «De Purs hommes». Le premier détaillait l’emprise d’une «Fraternité» islamiste imposant sa terreur aux habitants d’une petite ville imaginaire; et le second s’en prenait à la persécution des homosexuels, au Sénégal d’aujourd’hui. D’abord célébré dans son pays, le jeune écrivain n’a pas tardé à être vilipendé par les intégristes et leurs ouailles...
C’était à prévoir, me suis-je dit en lisant récemment De purs hommes, après avoir découvert le formidable roman de Mohamed Mbougar Sarr justement récompensé par le Prix Goncourt, et d’ailleurs les premières réactions avaient précédé le succès international du jeune auteur après la première édition du roman. De fait, au lendemain du salamalec présidentiel saluant l’honneur national que représentait, pour un auteur sénégalais, la consécration du prix littéraire le plus prestigieux de francophonie, l’on pouvait s’attendre, en fièvre virale sur les réseaux sociaux, à un retour de flamme de ceux qui se firent un devoir vertueux de rappeler que l’écrivain fêté n’était autre qu’un suppôt de la décadence occidentale appliqué à défendre cette maladie précisément importée d’Occident qu’est l’homosexualité.
Mais qu’est-ce à dire? Le roman De purs hommes fait-il l’apologie de l’homosexualité? Nullement, mais encore faut-il le lire pour voir, de bonne foi, qu’il n’en est rien. Par ailleurs, faut-il s’affliger de cette réaction vive, quoique sans commune mesure avec la fureur assassine soulevée en 1988 par Les Versets sataniques de Salman Rushdie, correspondant au choc de deux cultures? Je ne le crois pas du tout, car cette réaction prouve que la littérature peut encore, aujourd’hui, non pas choquer gratuitement mais exposer une situation complexe et faire réfléchir sur la base de situations vécues, incarnées par des personnages de chair et de sang parfois déchirés entre plusieurs «fidélités»…
Le prof, l’infâme vidéo et Verlaine censuré…
Lorsque Ndéné Gueye, le narrateur de De purs hommes, encore estourbi de volupté amoureuse partagée avec la superbe Rama, est prié par celle-ci de regarder une vidéo «virale» infectant tous les téléphones portables de la capitale sénégalaise et environs, où l’on voit deux forcenés, encouragés par une meute hurlante, déterrer le cadavre d’un jeune homme, sa seule réaction, devant son amante, est, quoique choqué, de ne pas trop «savoir qu’en penser», supposant du moins que le malheureux était un «góor-jigéen» (littéralement un homme-femme, un homosexuel en langue wolof), sans se douter que cette réaction mollement dilatoire provoquerait la colère la plus vive de sa compagne.
Aussi bien est-ce avec une violente intransigeance que Rama, d’«intelligence vive et sauvage», prend son apparente indifférence, lui lançant à la figure qu’il est «finalement semblable aux autres. Aussi con». Puis d’ajouter que «les autres au moins ont parfois l’excuse des ne pas être des professeurs d’université, de supposés hommes de savoir, éclairés». Et de conclure: «Ce n’était qu’un góor-jigéen, après tout, hein?», avant de l’envoyer promener…
Aussi secoué par cette admonestation que par la vidéo, le jeune prof va faire, peu après, une autre expérience qui achèvera de le déstabiliser, quand une note du Ministère de l’enseignement ordonnera d’«éviter l’étude d’écrivains dont l’homosexualité est avérée ou même soupçonnée», tel Verlaine dont il se fait un devoir et un plaisir de parler à ses étudiants.
Au demeurant — et c’est tout l’art de Mohamed Mbougar Sarr de plonger dans la complexité humaine —, le jeune homme a été troublé par la vision du corps déterré et exposé d’obscène façon, et le mélange de la scène éminemment érotique qu’il vient de vivre avec Rama, d’un souvenir personnel mêlant désir et violence, et de l’effroyable souillure imposée à un défunt, sur fond d’interdit social (l’homosexualité reste punissable au Sénégal) et de préjugés omniprésents, vont l’amener à s’interroger sur l’identité et le vécu réel du déterré, avec des conséquences inimaginables pour lui et combien révélatrices pour nous autres lecteurs.
Et vous qu’auriez-vous donc fait, Monsieur le pape, et vous Monsieur l’imam?
En 1555, au lendemain de la paix religieuse d’Augsbourg signée la même année, un certain Gian Pietro Carafa, devenu pape sous le nom de Paul IV, se signala par l’introduction du ghetto obligatoire pour les Juifs et par le rétablissement de bûchers destinés aux hérétiques (il fit exécuter vingt-quatre marranes deux mois après son intronisation), tout en instaurant l’Index des livres prohibés qui ne serait aboli que par un autre Paul, sixième de la série, en 1963…
A relever que le charmant Paul IV s’illustra également par cette déclaration fameuse: «Même si mon propre père était hérétique, j’irais moi-même chercher le bois pour le brûler». Or ce sont les mêmes mots, inspirés par une violence de «droit divin» parallèle, que nous retrouvons dans la bouche des religieux musulmans de divers grades, qu’ils soient confrontés aux homosexuels, dans De purs homme, ou au couple de jeunes amants non mariés exécutés dès les premières pages, atroces, de Terre ceinte, par les «frères» islamistes jugeant leur conduite immorale…
Quant à Ndéné Gueye, narrateur de De purs hommes, qui demande à son père, faisant office d’imam dans sa communauté, comment il réagirait s’il avait un fils homosexuel, et qui entend le même discours d’intolérance, à ses yeux intolérable - d’autant plus qu’il est tenu par un père respecté et aimé -, c’est bel et bien à partir de là qu’il va développer une véritable enquête à laquelle Rama, dont il a retrouvé la confiance, participera activement avec une autre amie non moins libre d’esprit.
Comme on l’a vu dans La plus secrète mémoire des hommes, les femmes jouent un rôle majeur dans l’univers romanesque de Mohamed Mbougar Sarr, et cela vaut tout autant pour Terre ceinte que pour De purs hommes où l’on trouve, plus précisément, quelques pages d’une saisissante intensité émotionnelle, d’une profondeur de réflexion bien rare chez un auteur trentenaire, et d’une rare beauté d’écriture, relatives au deuil de la mère dont on a injustement bafoué le fils défunt…
Le roman pour mieux comprendre, au lieu de juger
Avec les moyens intellectuels dont il dispose, son éducation (fils de médecins), sa formation (en hautes études sociales) et sa culture personnelle (notamment littéraire) , Mohamed Mbougar Sarr aurait fort bien pu combattre l’homophobie et l’islamisme radical en intellectuel engagé, si tant est que ces deux «sujets» l’eussent mobilisé à ce point, mais nous toucherait-il autant qu’avec les deux romans qui abordent ces deux questions, dont chacun inscrit celles-ci dans un contexte social, familial et psychologique général, avec une foison de personnages illustrant les diverses perceptions de la liberté sexuelle et de la religion en dialogue ou en conflit dans la société sénégalaise actuelle – et a fortiori dans toute société?
Un peu comme les personnages «questionneurs» de Voltaire, Candide ou Zadig, le protagoniste de De purs hommes, type de l’intellectuel qui se croit ouvert plus que les autres, découvre peu à peu une réalité multiple qui ne se réduit pas à l’opposition du noir et du blanc, de l’hétéro garant de stabilité sociale et de l’homo «malade» ou «pervers», alors qu’un de ses collègues plus âgés (homo prudemment resté dans son placard) s’oppose à la «provocation publique» des gays fiers de l’être, ou qu’un travesti célèbre – et toléré dans la rue pour ses extravagances - lui révèle qu’il n’«en est pas».
Surtout, il va découvrir, et c’est valable partout, qu’un seul soupçon de manquement à la virilité suffit parfois à provoquer une rumeur, à nourrir l’opprobre et à déclencher la chasse au «différent» et à l’«impur», la question fondamentale de la pureté ressurgissant alors en force dans les injonctions du patriarcat en mal de cohésion sociale, soucieux de surveillance et de punition – l’impureté sexuelle reliant évidemment la question de l’inversion et du transgressif amour libre, tout en renvoyant le protagoniste à ses propres pulsions et contradictions.
S’il a une intelligente clarté qu’on pourrait dire voltairienne, Mohamed Mbougar Sarr, comme il l’a surabondamment illustré dans La plus secrète mémoire des hommes, écrit en français mais pense, perçoit, exprime aussi son ressenti en Africain fils de sa langue et rejeton de plusieurs cultures, mais aussi en mec puissant, sensuel et conscient des pulsions multiples qui cohabitent dans un corps d’homme ou de femme, enfin en romancier d’une porosité aussi exceptionnelle que sa grâce verbale.
Henri James dit quelque part qu’un grand romancier donne raison à tous ses personnages, ce qui ne signifie pas pour autant que tous aient raison aux yeux du lecteur, mais le romancier, plus que le prédicateur ou que le défenseur d’une thèse, applique en somme la devise de Simenon qui était de «comprendre et ne pas juger», au dam de ceux qui tranchent, édictent, proclament, surveillent et punissent sans un début de compréhension, au nom des Bonnes Mœurs ou d’un Dieu vengeur justifiant bûchers et lapidations, etc.
«Terre ceinte», Mohamed Mbougar Sarr, Présence africaine, 354 pages.
«De purs hommes», Mohamed Mbougar Sarr, Editions Philippe Rey /Jimsaan, 190 pages. Réédité en 2021.
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Je ne le crois pas du tout, car cette réaction prouve que la littérature peut encore, aujourd’hui, non pas choquer gratuitement mais exposer une situation complexe et faire réfléchir sur la base de situations vécues, incarnées par des personnages de chair et de sang parfois déchirés entre plusieurs «fidélités»…</p> <h3>Le prof, l’infâme vidéo et Verlaine censuré…</h3> <p>Lorsque Ndéné Gueye, le narrateur de <i>De purs hommes</i>, encore estourbi de volupté amoureuse partagée avec la superbe Rama, est prié par celle-ci de regarder une vidéo «virale» infectant tous les téléphones portables de la capitale sénégalaise et environs, où l’on voit deux forcenés, encouragés par une meute hurlante, déterrer le cadavre d’un jeune homme, sa seule réaction, devant son amante, est, quoique choqué, de ne pas trop «savoir qu’en penser», supposant du moins que le malheureux était un «góor-jigéen» (littéralement un homme-femme, un homosexuel en langue wolof), sans se douter que cette réaction mollement dilatoire provoquerait la colère la plus vive de sa compagne. </p> <p>Aussi bien est-ce avec une violente intransigeance que Rama, d’«intelligence vive et sauvage», prend son apparente indifférence, lui lançant à la figure qu’il est «finalement semblable aux autres. 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Et de conclure: «Ce n’était qu’un <i>góor-jigéen</i>, après tout, hein?», avant de l’envoyer promener…</p> <p>Aussi secoué par cette admonestation que par la vidéo, le jeune prof va faire, peu après, une autre expérience qui achèvera de le déstabiliser, quand une note du Ministère de l’enseignement ordonnera d’«éviter l’étude d’écrivains dont l’homosexualité est avérée ou même soupçonnée», tel Verlaine dont il se fait un devoir et un plaisir de parler à ses étudiants.</p> <p>Au demeurant — et c’est tout l’art de Mohamed Mbougar Sarr de plonger dans la complexité humaine —, le jeune homme a été troublé par la vision du corps déterré et exposé d’obscène façon, et le mélange de la scène éminemment érotique qu’il vient de vivre avec Rama, d’un souvenir personnel mêlant désir et violence, et de l’effroyable souillure imposée à un défunt, sur fond d’interdit social (l’homosexualité reste punissable au Sénégal) et de préjugés omniprésents, vont l’amener à s’interroger sur l’identité et le vécu réel du déterré, avec des conséquences inimaginables pour lui et combien révélatrices pour nous autres lecteurs.</p> <h3>Et vous qu’auriez-vous donc fait, Monsieur le pape, et vous Monsieur l’imam?</h3> <p>En 1555, au lendemain de la paix religieuse d’Augsbourg signée la même année, un certain Gian Pietro Carafa, devenu pape sous le nom de Paul IV, se signala par l’introduction du ghetto obligatoire pour les Juifs et par le rétablissement de bûchers destinés aux hérétiques (il fit exécuter vingt-quatre marranes deux mois après son intronisation), tout en instaurant l’Index des livres prohibés qui ne serait aboli que par un autre Paul, sixième de la série, en 1963… </p> <p>A relever que le charmant Paul IV s’illustra également par cette déclaration fameuse: «Même si mon propre père était hérétique, j’irais moi-même chercher le bois pour le brûler». Or ce sont les mêmes mots, inspirés par une violence de «droit divin» parallèle, que nous retrouvons dans la bouche des religieux musulmans de divers grades, qu’ils soient confrontés aux homosexuels, dans <i>De purs homme</i>, ou au couple de jeunes amants non mariés exécutés dès les premières pages, atroces, de <i>Terre ceinte</i>, par les «frères» islamistes jugeant leur conduite immorale…</p> <p>Quant à Ndéné Gueye, narrateur de <i>De purs hommes</i>, qui demande à son père, faisant office d’imam dans sa communauté, comment il réagirait s’il avait un fils homosexuel, et qui entend le même discours d’intolérance, à ses yeux intolérable - d’autant plus qu’il est tenu par un père respecté et aimé -, c’est bel et bien à partir de là qu’il va développer une véritable enquête à laquelle Rama, dont il a retrouvé la confiance, participera activement avec une autre amie non moins libre d’esprit.</p> <p>Comme on l’a vu dans <i>La plus secrète mémoire des hommes</i>, les femmes jouent un rôle majeur dans l’univers romanesque de Mohamed Mbougar Sarr, et cela vaut tout autant pour <i>Terre ceinte</i> que pour <i>De purs hommes</i> où l’on trouve, plus précisément, quelques pages d’une saisissante intensité émotionnelle, d’une profondeur de réflexion bien rare chez un auteur trentenaire, et d’une rare beauté d’écriture, relatives au deuil de la mère dont on a injustement bafoué le fils défunt…</p> <h3>Le roman pour mieux comprendre, au lieu de juger </h3> <p>Avec les moyens intellectuels dont il dispose, son éducation (fils de médecins), sa formation (en hautes études sociales) et sa culture personnelle (notamment littéraire) , Mohamed Mbougar Sarr aurait fort bien pu combattre l’homophobie et l’islamisme radical en intellectuel engagé, si tant est que ces deux «sujets» l’eussent mobilisé à ce point, mais nous toucherait-il autant qu’avec les deux romans qui abordent ces deux questions, dont chacun inscrit celles-ci dans un contexte social, familial et psychologique général, avec une foison de personnages illustrant les diverses perceptions de la liberté sexuelle et de la religion en dialogue ou en conflit dans la société sénégalaise actuelle – et <i>a fortiori </i>dans toute société? </p> <p>Un peu comme les personnages «questionneurs» de Voltaire, Candide ou Zadig, le protagoniste de <i>De purs hommes</i>, type de l’intellectuel qui se croit ouvert plus que les autres, découvre peu à peu une réalité multiple qui ne se réduit pas à l’opposition du noir et du blanc, de l’hétéro garant de stabilité sociale et de l’homo «malade» ou «pervers», alors qu’un de ses collègues plus âgés (homo prudemment resté dans son placard) s’oppose à la «provocation publique» des gays fiers de l’être, ou qu’un travesti célèbre – et toléré dans la rue pour ses extravagances - lui révèle qu’il n’«en est pas». </p> <p>Surtout, il va découvrir, et c’est valable partout, qu’un seul soupçon de manquement à la virilité suffit parfois à provoquer une rumeur, à nourrir l’opprobre et à déclencher la chasse au «différent» et à l’«impur», la question fondamentale de la pureté ressurgissant alors en force dans les injonctions du patriarcat en mal de cohésion sociale, soucieux de surveillance et de punition – l’impureté sexuelle reliant évidemment la question de l’inversion et du transgressif amour libre, tout en renvoyant le protagoniste à ses propres pulsions et contradictions. </p> <p>S’il a une intelligente clarté qu’on pourrait dire voltairienne, Mohamed Mbougar Sarr, comme il l’a surabondamment illustré dans<i> La plus secrète mémoire des hommes</i>, écrit en français mais pense, perçoit, exprime aussi son ressenti en Africain fils de sa langue et rejeton de plusieurs cultures, mais aussi en mec puissant, sensuel et conscient des pulsions multiples qui cohabitent dans un corps d’homme ou de femme, enfin en romancier d’une porosité aussi exceptionnelle que sa grâce verbale. </p> <p>Henri James dit quelque part qu’un grand romancier donne raison à tous ses personnages, ce qui ne signifie pas pour autant que tous aient raison aux yeux du lecteur, mais le romancier, plus que le prédicateur ou que le défenseur d’une thèse, applique en somme la devise de Simenon qui était de «comprendre et ne pas juger», au dam de ceux qui tranchent, édictent, proclament, surveillent et punissent sans un début de compréhension, au nom des Bonnes Mœurs ou d’un Dieu vengeur justifiant bûchers et lapidations, etc.</p> <hr /> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1643274045_81fqi1ikmrs.jpg" class="img-responsive img-fluid left " width="244" height="370" /></p> <h4>«Terre ceinte», Mohamed Mbougar Sarr, Présence africaine, 354 pages.</h4> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1643274117_61ghjo1miul.jpg" class="img-responsive img-fluid left " width="243" height="370" /></p> <h4>«De purs hommes», Mohamed Mbougar Sarr, Editions Philippe Rey /Jimsaan, 190 pages. 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Ah bon, le milieu médical de l’époque pratiquait déjà l’omertà? Pas que!</p> <p>Plus on avance dans la lecture de ces <em>Notes d’un médecin,</em> plus on constate en effet l’actualité «brûlante» de ses observations, où il s’implique souvent lui-même. Cela commence par deux diagnostics erronés qu’il formule, étudiant en troisième année, en se croyant atteint d’un sarcome (un grain de beauté irrité par sa chemise), puis en croyant identifier les symptômes d’une «diabète insipide» en interprétant (mal) un ouvrage de référence du célèbre Adolf von Strümpeli – à relever alors au passage que Veressaïev ne cesse de citer la pléthorique littérature médicale de l’époque dont il se gave comme un fou pour compléter son savoir.</p> <h3><strong>Un ouvrage au caractère éminemment actuel</strong></h3> <p>Or dès ses débuts de médecin «sur le terrain», le jeune diplômé constate le malentendu: qu’il est censé désormais faire partie des «augures», alors qu’il ne sait rien. 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Un être humain normal, c’est un être humain malade! 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Est-il vrai qu’il aurait apprécié le fait de ne pas être maltraité? Est-il vrai qu’il aurait affirmé ces derniers temps qu’il en avait assez de vivre? Et que voit-il par la fenêtre, si tant est que les murs qui l'enferment soient pourvus de la moindre ouverture? 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Elle met à votre disposition un vaisseau qui peut emporter trois milliards de passagers, sur les huit que compte la planète. En les tassant, en les affamant un peu, vous prendrez peut-être un milliard de plus. Messieurs les religieux, nous voulons apprendre de vous. La question est celle-ci: que ferez-vous?» Quelqu’un devait commencer par lancer la discussion, ce fut l’imam. Je m’y attendais, c’est un corps d’élite, les imams, toujours prêts à bondir et à rendre service, comme les scouts »...</p> <h3><strong>Un hymne insolent à la vie libre !</strong></h3> <p>Sacré Boualem, qui fait passer le salut des Terriens par le truchement de la connexion onirique – et quel régal panaché que la suite des réponses de l’imam, du rabbin, du curé et de l’hindouiste vegan, quelle fiesta d’ironie sagace et de lucidité débonnaire quoique sans illusion, aboutissant à une conclusion d’un surprenant optimisme, à savoir que «l’avenir appartient aux gens de bien», ce que Sansal commente tranquillement (je l’imagine plutôt tranquille, ce matin, dans sa réclusion), en ces termes: «Tiens, je crois que c’est ça la bonne définition de cet objet non identifié qu’est l’humanité, que je cherche depuis des années, L’humanité, ce sont ces gens de bien qui, vaille que vaille, assurent le service de la vie»…</p> <p>Aussi bien ne me fais-je pas trop de souci, malgré tout, pour ce cher homme dont la force morale, l’intelligence et l’immense savoir «humain», modulés dans ses livres si variés de forme – jusqu’à ce roman d’anticipation parodiant joyeusement la littérature conjecturale pour ados de tous les âges – me font penser qu’il vit son incarcération actuelle, par les morts-vivants du pouvoir, comme une péripétie parmi d’autres, mais combien révélatrice pour nous qui en découvrons les effets de solidarité massive autant que les retombées de haine et d’abjection.</p> <p>Vivre, oui, et d’abord lire ce livre tonique, hymne insolent et généreux à la vie libre (!) au lieu de radoter dans le vide des idéologies «divinement» meurtrières. Boualem Sansal sera-t-il libre à Noël? C’est évidemment à espérer, même si cette fête d’«infidèles» tourne au marché de pacotille. Et les Terriens méritent-ils d’ailleurs d’être sauvés! Salut le mystère!</p> <hr /> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1733404354_g08284.jpg" class="img-responsive img-fluid normal " width="161" height="235" /></p> <p><strong>Boualem Sansal. <em>Vivre. Le compte à rebours</em>. </strong><strong>Gallimard, 2024, 233p. </strong></p> <p><strong><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1733404445_laviedanslunivers.jpg" class="img-responsive img-fluid normal " width="156" height="248" /></strong></p> <p><strong>Freeman J. Dyson. </strong><strong><em>La vie dans l’univers. Réflexions d’un physicien. </em></strong><strong>Gallimard, Bibliothèques des sciences humaines, 2009. 255p.</strong></p> <hr /> <h2><strong>Entretien avec Boualem Sansal, en 2006 </strong></h2> <p><strong> </strong><strong>(paru dans le quotidien <em>24 heures </em>le 9 mai 2006)</strong></p> <p>Boualem Sansal est l’une des grandes voix de la littérature algérienne francophone, dont les romans ressaisissent la tragique et complexe réalité contemporaine avec une porosité et une faconde sans pareilles. Après <em>Le serment des barbares</em> (1999), <em>L’enfant fou de l’arbre creux</em> (2000) et <em>Dis-moi le paradis</em> (2003), son quatrième roman, Harraga, s’attache à deux destinées de femmes avec autant d’empathie que de lucidité révoltée. Au printemps 2006, cet auteur qui a «mal à l’Algérie» adressait une lettre ouverte à ses compatriotes intitulée <em>Poste restante: Alger,</em> d’un courage civique impressionnant. Nous avions rencontré l’auteur après cette parution...</p> <p><strong>Comment, Boualem Sansal, vivez-vous aujourd’hui en Algérie?</strong></p> <p>Plutôt mal, après une amnistie marquant la réhabilitation des criminels d’hier, qui se retrouvent à plastronner en ville avec une arrogance extraordinaire. La chape d’un ordre moral intolérant se fait de nouveau ressentir, parallèlement à la réintroduction de l’enseignement religieux et à l’occupation des mosquées. Or la population semble l’accepter, tant elle est respectueuse de l’islam.</p> <p><strong>Quelle a été votre éducation personnelle?</strong></p> <p>Je suis né dans une famille où l’on pensait que l’instruction était essentielle. Ayant perdu mon père très tôt, j’ai été soumis, avec mes trois frères, à la discipline rigoureuse d’un grand-père chef de gare qui avait fait la guerre de 14-18, laïc et profondément attaché à la France et à sa culture. Après un début d’études classiques en latin-grec, j’ai cependant bifurqué sur une formation d’ingénieur, l’Algérie de l’indépendance ayant besoin de bâtisseurs et de techniciens plus que de «beaux parleurs», comme on disait alors. C’est pourquoi je me suis retrouvé, en 1992, au poste de Directeur de l’industrie, où m’avait appelé un condisciple devenu ministre.</p> <p><strong>Qu’avez-vous appris dans les allées du pouvoir?</strong></p> <p>Ce qui m’a le plus frappé, c’est la morgue, la corruption, les luttes entre clans et, d’une manière générale, le mépris de la population, ainsi qu’une formidable incompétence des apparatchiks du parti unique.</p> <p><strong>En avez-vous un exemple?</strong></p> <p>Le plus éloquent est ce rapport qu’un ministre m’a chargé d’établir, sur les relations entre l’endettement des pays du Sud méditerranéen et leur niveau de développement. Me fiant aux chiffres de la Banque mondiale et du FMI, j’ai constaté que les pays les plus endettés à régimes autoritaires, à commencer par l’Égypte, étaient aussi les plus déficients en matière de développement, alors qu’Israël, super-endetté, affichait un développement constant. Ce constat a mis le ministre en fureur, qui m’a prié de supprimer la mention d’Israël, ce que l’honnêteté m’interdisait. Je lui ai donc proposé ma démission immédiate, qui a été refusée en même temps qu’on enterrait le rapport. Par la suite, mes positions et mes livres m’ont valu d’être limogé.</p> <p><strong>Comment en êtes-vous venu au roman?</strong></p> <p>Cela s’est fait comme ça, pendant la terreur islamiste qui nous cloîtrait. Or que fait-on dans ces conditions ? On tourne en rond, on remâche les dernières horreurs du jour, on prend des notes sur ce qu’on observe, et tout à coup le « roman » est là, dicté par la vie. C’est ainsi qu’est né Le serment des barbares.</p> <p><strong>Décrire la réalité si fidèlement, comme l’a fait aussi votre ami Rachid Mimouni, ne représentait-il pas un risque?</strong></p> <p>Bien entendu, mais sortir dans la rue était déjà risqué. A propos de mon ami Rachid, la nuit suivant son enterrement en Algérie, des fanatiques ont exhumé son cadavre pour le livrer aux chiens. Ce n’est pas du roman : c’est la réalité, comme <em>Harraga </em>relève d’une réalité vécue.</p> <p><strong>Dans votre lettre ouverte aux Algériens, vous vous en prenez violemment à l’amnistie…</strong></p> <p>Pour aboutir à une vraie réconciliation, il fallait enquêter et rendre la justice. Je ne suis pas contre le pardon, au contraire, mais cette amnistie était une insulte aux victimes et un déni de justice.</p> <p><strong>Pensez-vous être entendu? Et menacé?</strong></p> <p>On m’a appris récemment que le livre faisait l’objet d’une mesure de censure, mais de nombreux compatriotes partagent mon point de vue, même si mes adversaires me font passer pour un « agent de la France » Menacé ? L’Algérie est un grand pays, dans lequel je reste à peu près invisible. Par ailleurs, comme Mimouni, je suis protégé par ma notoriété. 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Celle-ci l’éloigne-t-elle du réel, ou lui permet-elle au contraire de se libérer du «nombrilisme» et de mieux accéder à l’«universel»?</p> <p>De telles questions auront peut-être «fait débat», cet hiver-là, tandis qu’il neigeait sur Vilnius, à tel festival de littérature auquel venait de participer Sarah Popp (quel nom, n’est-ce pas? pour une auteure, autrice, auteuse ou autorelle en langage d’inclusion), qui se réjouissait de revenir en Suisse pour y retrouver, à la veille de son cinquante-neuvième anniversaire, son compagnon Tobie, aussi à l’aise à son piano que devant les fourneaux, et leur fille Matild associée à une mini-troupe d’animateurs de robots-marionnettes au goût dernier cri de la nouvelle génération théâtrale.</p> <p>Alors quoi, un roman de plus sur les «problèmes du roman»? Mais quelle barbe! Et pourtant non: grâce à la neige et au gel, aux avions cloués au sol et donc à l’imprévu illico salué par Tobie («accepte ce qui arrivera» lui chante-t-il au téléphone quand elle lui expose son retard de deux ou trois jours), et Sarah de se réjouir de l’imprévisible occasion de vivre elle ne sait encore quoi alors que, de la fenêtre du bus qui la ramène de l’aéroport en ville, elle voit sans le voir un grand camion blanc dont la cabine figure une petite maisonnette, prélude à un conte à dormir debout. 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Ainsi se met-elle bel et bien à écrire des fragments de sa «vraie vie» sur la table de la maisonnette roulante, tandis que la romancière module sa propre vision des choses, où la poésie se joue allègrement des règles de la théorie, autant que des conventions morales.</p> <h3>Au dam du «poulailler paroissial»</h3> <p>Comment une romancière d’aujourd’hui doit-elle parler de la violence faite aux femmes, ou des humiliations subies au nom de la morale courante? Le kidnappeur de Sarah Popp, comme les gens «adultes et responsables», croit avoir la réponse, enjoignant la romancière de témoigner comme au commissariat ou au tribunal – aujourd’hui aux assises des médias friands d’accusations – «on veut des noms!» </p> <p>Or ce n’est pas minimiser les souffrances que de les confronter à la complexité de la vie, jamais réductibles aux seules sentences morales. Dans le roman de Rose-Marie Pagnard, en tout cas, la morale des bien-pensants, de telle tante bigote ou de tels voisins malveillants dans un village «gonflé de méchanceté», pèse lourdement sur les jugements portés sur telle jeune fille libre ou, d’une génération antérieure, sur telle «fille-mère» passible de la prison. Mais Sarah Popp n’est pas du genre, en tant que romancière, à se contenter d’une «dénonciation» univoque. Est-ce dire qu’elle fuit dans l’équivoque? Pas non plus. Il faudrait alors, par manière de réponse, détailler le roman et ses rebondissements, les multiples facettes de ses personnages, «raconter» le vieil Anders et le pourquoi de sa révolte remontant au calvaire social de sa mère, raconter celle-ci et sa propre façon de se libérer voire de se fiche de son passé, raconter l’amour fou de Sarah et de Tobie en butte au qu’en dira-t-on, raconter la sensualité persistante de Sarah la quasi sexa, raconter Sarah et sa fille, Sarah et l’angoisse, Sarah et les maux - Sarah et les mots, Sarah et la magie des objets, Sarah et la fantaisie de la fée-sorcière Rose-Marie.</p> <p>Rose-Marie Pagnard est poète autant sinon plus qu’elle est romancière, à savoir que chez elle les mots et les images passent avant les «scènes à faire», qui tissent une sorte de tapisserie «musicale» aux détails reproduisant à foison la joyeuse profusion de la réalité.</p> <h3>Féerie kaléidoscopique</h3> <p>Et c’est alors qu’il faudrait citer à qui mieux mieux, quitte à tirer «la ficelle folie». Citer le «sac de tristesse» de l’ancien voisin bûcheron, «vieux mais propre» et fleurant le savon, le bois et le citron. Citer le syndrome des jambes de Sarah dont les cauchemars l’empêchent de dormir car «chaque nuit est un piège», telle étant la part d’ombre de ce tourbillon lumineux de neige comme produite par une usine à farine. Citer les vitrines, les concerts, les biscuits de Noël qui peut être «poussent les pensées vers la mélancolie». Citer la «tête osseuse» à «noblesse de cheval» du faux ogre estimant qu’on est tous des «maltraités de la vie». Citer le «cœur explosif» du passé de Sarah entrevu par Tobie, lequel inspire celle-ci quand il rage. Citer le souvenir pénible du «poulailler paroissial» de la mesquine petite ville. Citer les deux enfants morts emportés par le père dans un carton à chaussures – «il faut beaucoup de calme et de propreté pour que ces faits révèlent leur beauté». Citer la beauté partout quand on a l’âme clame et propre à l’écart des «bandits en soutanes», ou citer par la fenêtre du bus les bonds de dauphins que suggèrent les ondulations d’un pipeline russe violet sur fond de neige, citer la forêt qui «se serre autour de l’histoire» avec «cette petite histoire humaine à l’intérieur», etc.</p> <p>Rose-Marie Pagnard a l’âge des seniors et la grâce des enfants, ou plutôt de l’enfance en tant qu’instance de l’imagination sans âge, et c’est à l’enfance grave des contes que la fugue dans la neige lituanienne de <i>L’enlèvement de Sarah Popp</i> fait penser, à l’enfance tissée d’émerveillements primesautiers et d’effrois secrets, à ce qui nous reste de bonne rage vivace après les déceptions et les larmes, à ce qui relance notre joie. </p> <p>Dans ce conte foisonnant qui ressemble si fort à la vie, peut-être même plus réel qu’elle, il y aurait, au conditionnel de l’enfance, un poney cinquantenaire aux yeux bleus, un drôle de type nommé Robert Louis Stevenson comme le conteur fameux mort aux îles Samoa d’un AVC après avoir fait rêver les jeunesses du monde à son île au trésor, un beau garçon surnommé Chasseur qui se fait draguer «grave» par Sarah, laquelle n’est plus à la fin qu’une poussière géante ou qu’une araignée en chocolat sous le balai de la mémoire passée et future, avec les mots de Rose-Marie Pagnard, fée et sorcière-sourcière emmêlée dans ses pinceaux et autres stylos dans sa féerie évoquant «une danse de Lapons endormis», lapins d’Alice et compagnie, sous les étoiles dont les noms (Chevelure de Bérénice ou Petit Lion) «valent le coup de vivre cent ans», enfin Sarah, agitant son kaléidoscope, se dit comme ça, «qu’il ne lui est pas nécessaire de tout comprendre, seulement de vivre et d’être amie de l’imagination».</p> <hr /> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1732184054_zoelenlevementdesarahpoppcopie.jpg" class="img-responsive img-fluid left " width="200" height="298" /></p> <h4>«L’enlèvement de 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tous ceux et celles qui, dans le monde, s’interrogent sur l’évolution de celui-ci, entre attachement et possible effroi.</p> <p>Comme Douglas Kennedy, sur un ton de quasi camaraderie, au fil d’une narration d’une lumineuse intelligence, mais sans pédantisme en dépit de ses richissimes observations en matière d’histoire contemporaine et de politique, de littérature et de création artistique (de superbes pages sur le jazz, notamment) s’implique très personnellement, et sa famille, et ses amis, dans cette traversée à valeur de témoignage intimiste et collectif, je me suis senti impliqué à mon tour, comme d’innombrables lectrices ou lecteurs le seront probablement, me rappelant plus précisément ma première découverte des States, en 1981 (les otages de l’Iran venaient d’être libérés) et mon escale à La Nouvelle Orléans où Kennedy, après une traversée du Texas me rappelant la sienne, voit une île de bonne vie «bohème» au milieu d’une Amérique névrosée soumise au stress et à l’obsession du 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Vladmir Volkoff, enseignant alors à Macon (Georgia) après la parution des <i>Humeurs de la mer</i>, peu de trace alors de l’agressivité opposant les tenants de telle ou telle position idéologique ou politique, alors que Kennedy affirme aujourd’hui que, désormais, «les discussions politiques aux Etats-Unis sont trop souvent réduites à deux individus s’affrontant de loin à grands cris haineux»… </p> <h3>Histoire d’une rupture</h3> <p>Le dépouillement des urnes de ces jours révèle, une fois de plus, la fracture profonde affectant les USA en 2024, dont l’histoire est retracée par Douglas Kennedy dès l’évocation de son enfance, marquée par un père violent, anticommuniste furieux, lui-même jamais guéri du traumatisme de la guerre (200'000 morts à Okinawa…) et partageant la frustration domestique de toute une génération, la mère de l’écrivain vivant de son côté l’humiliation des femmes. 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Ainsi Douglas Kennedy, compose-t-il un patchwork où la tendresse généreuse le dispute à la critique du «râleur-né» de l’East Village new yorkais. Deux autres auteurs «expatriés», à savoir Gore Vidal longtemps établi en Italie, et James Baldwin séjournant en France, sont en outre cités par Kennedy comme exemples de virulents critiques restés fondamentalement attachés à leur pays, comme il l’est lui-même, revenu aux States en 2011 après un long séjour en Irlande et de constants déplacements entre Paris et Berlin, notamment.</p> <h3>L’avenir à reculons</h3> <p>Alors que nous nous demandons ces jours où ira demain l’Amérique de Trump, l’on peut rappeler que le même Douglas Kennedy nous a proposé l’an dernier un détour par l’avenir, avec un roman d’anticipation grinçant intitulé <i>Et c’est ainsi que nous vivrons,</i> situé en 2045 où les etats désunis ont fait scission en deux entités, l’une représentant une théocratie où l’on brûle les hérétiques comme au bon vieux temps de l’Inquisition espagnole (ou calviniste), l’autre une République dont le progressisme coercitif passe par la surveillance de tous ses citoyens, comme chez Orwell, par un Big Brother évoquant la Corée du nord ou le paradis selon Elon Musk… </p> <p>Fort heureusement, les prédictions catastrophistes des écrivains sont souvent démenties par la complexe réalité humaine, et Douglas Kennedy, tout réaliste et pessimiste qu’il soit, n’en finit pas pour autant de parier pour les «surprises de l’Histoire». Si persuadé qu’il soit qu’une démocratie sociale et progressiste est le seul moyen pour son pays d’aller de l’avant, il poursuit aussi bien le dialogue avec tel ami voyant en Trump la mort de la démocratie américaine et l’éventualité d’un nouveau totalitarisme ploutocratique, autant qu’avec tel autre qui voit en Trump «un président incompris, critiqué à tort». </p> <p>Sans équivoque pour autant, son livre, comme un roman, est un miroir promené le long de la route américaine (une évocation de la Route 66 rappelle le mythe national, avec un éloge chaleureux quoique nuancé de Jack Kerouac le beatnik virant «réac» sur le tard ), dans un «ailleurs» de citoyen du monde qui pourrait être aussi le nôtre…</p> <hr /> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1730993956_ailleurschezmoi.jpg" class="img-responsive img-fluid left " width="200" height="322" /></p> <h4>«Ailleurs, chez moi», Douglas Kennedy, traduit de l'anglais (USA) par Chloé Royer, Editions Belfond, 256 pages.</h4> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1730994068_9782266341042ori.jpg" class="img-responsive img-fluid left " width="200" height="328" /></p> <h4>«Et c'est ainsi que nous vivrons», Douglas Kennedy, traduit de l'anglais (USA) par Chloé Royer, Editions Belfond/Pocket, 451 pages.</h4>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'douglas-kennedy-interroge-l-amerique-qui-le-divise', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 66, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 6, 'person_id' => (int) 675, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'comments' => [ [maximum depth reached] ], 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Posts' } ] $embeds = [] $images = [ (int) 0 => object(Cake\ORM\Entity) { 'id' => (int) 8956, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'name' => 'Capture d’écran 2022-01-27 à 17.57.png', 'type' => 'image', 'subtype' => 'png', 'size' => (int) 848128, 'md5' => '548ebf6223d52b07300d086bf39d5e0c', 'width' => (int) 969, 'height' => (int) 547, 'date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'title' => '', 'description' => '', 'author' => '', 'copyright' => '© DR', 'path' => '1643302840_capturedcran2022012717.57.png', 'embed' => null, 'profile' => 'default', '_joinData' => object(Cake\ORM\Entity) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Attachments' } ] $audios = [] $comments = [] $author = 'Jean-Louis Kuffer' $description = 'Avant la consécration du Prix Goncourt 2021, l’auteur de «La plus secrète mémoire des hommes» avait publié deux romans témoignant d’un courage impressionnant: «Terre ceinte» et «De Purs hommes». 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