Actuel / Virus, quarantaine et paranoïa: quand la réalité rejoint la fiction
Dans le film Contagion, de Steven Soderbergh, Jude Law interprète un blogueur conspirationniste. Allociné
Du 27 au 29 mai 2019, la chaîne américaine National Geographic programmait The Hot Zone, une minisérie en six épisodes « inspirée de faits réels ». On y découvrait comment, en 1989, deux experts épidémiologistes ont enrayé, aux abords de Washington, une fièvre Ebola importée par des singes de laboratoire.
Christian Chelebourg, Université de Lorraine
La même année, le public slave de TV3 vibrait devant la série Epidemiya, d’après le best-seller Vongozero d’Yana Vagner (2011), odyssée familiale survivaliste dans une Russie décimée par une pandémie. Le 9 janvier 2020, débutait sur TF1 la diffusion de Peur sur le lac, en trois fois deux épisodes hebdomadaires. C’est Annecy qui faisait alors face à un virus sorti d’un laboratoire suisse par une main criminelle. Presque simultanément, le 7 janvier, la chaîne canadienne TVA lançait Épidémie, histoire d’un coronavirus lâché par un furet dans les rues de Montréal – on en est au sixième des dix épisodes prévus.
Pendant ce temps, la Chine et le monde découvraient un mal du même type, apparu sur un marché de Wuhan où l’on pratiquait le commerce traditionnel d’animaux vivants. Et tandis que le public occidental redoutait de voir se réaliser un de ses divertissements à sensation, les citoyens de Wuhan, en quarantaine, dénonçaient les mensonges du régime en se référant sur les réseaux sociaux à une autre série à succès : Chernobyl de Craig Mazin, une production de HBO en cinq épisodes, diffusée aux USA entre le 6 mai et le 3 juin 2019.
On dit souvent que la réalité dépasse la fiction, et Wuhan en fournit un bel exemple ; mais on oublie que la fiction nous offre des grilles pour penser la réalité. La police chinoise, elle, l’a bien compris, qui n’a pas tardé à censurer les allusions à Chernobyl.
Quelles représentations des risques épidémiques prévalent dans les séries écofictionnelles auxquelles les tragiques événements de la métropole chinoise sont venus donner une brûlante actualité ?
De quoi a-t-on peur en matière de contamination, au tournant des années 2020 ? Si le genre est déjà ancien – puisqu’on peut au moins le faire remonter à The Cassandra Crossing de George Pan Cosmatos, en 1976 : un général américain y prenait la décision d’aiguiller vers une mort certaine un millier de voyageurs enfermés dans un train avec un activiste contaminé par une arme biologique illégale – quelles constantes, quelles évolutions relève-t-on dans ces fictions d’un genre particulier ?
On nous cache tout, on ne nous dit rien
Ce qui n’a pas changé, c’est ce procès fait à la manipulation, au secret et au cynisme d’état. On le retrouve dans Outbreak (en VF Alerte !) de Wolfgang Petersen (1995), où l’armée est prête à rayer de la carte la petite ville de Cedar Creek pour garder la maîtrise d’une souche du virus Ebola dont elle a développé l’antidote : « Ils veulent leur arme », martèle à trois reprises Dustin Hoffmann, dans le rôle du Dr Sam Daniels, pour expliquer la résolution criminelle des généraux. Onze ans plus tard, dans Containment (en VF Alerte Contagion), remake américain de la série belge néerlandophone Cordon (2014-2016), c’est l’acharnement de la recherche en biotechnologies militaires qui conduit les autorités à empiler « des mensonges pour cacher d’autres mensonges » tandis qu’Atlanta, en quarantaine, plonge dans le chaos. Pour justifier ses agissements, la représentante du département de la santé invoque la nécessité de se préparer à une attaque bioterroriste. On reconnaît dans ce storytelling la marque de la défiance et du soupçon qui président à tous les complotismes.
Entre maladresse de la directrice du Laboratoire d’Urgence Sanitaire et fatuité de l’expert en communication qu’on lui adjoint, la série québécoise Épidémie insiste sur les difficultés de la prise de parole en période de crise sanitaire. Le modèle PIT (prompt, intègre, transparent) prôné par le communicant tient plus du gadget que de la stratégie efficace. Il touche ses limites dès qu’il s’agit de diffuser les photos des trois premières victimes, toutes d’origine inuit, au risque d’alimenter les tensions communautaires. Information et communication apparaissent, au fond, inconciliables et leur confusion fait le lit des charlatans qui sévissent sur Internet.
En 2011, dans Contagion, Steven Soderbergh dressait un portrait au vitriol du blogueur Alan Krumwiede (Jude Law) qui faisait fortune en vantant les mérites naturels du forsythia contre le virus MEV-1, avant de se lancer dans une ardente campagne anti-vaccination. Dans Épidémie, c’est une mère-porteuse adepte des médecines douces qui promeut auprès de ses nombreux followers les mérites de la tisane de curcuma. C’est une des nouveautés du genre que ce procès de l’interférence néfaste des influenceurs dans les questions de santé publique. Elle met en avant tout à la fois la disqualification des discours officiels et la naïveté d’un corps social déboussolé.
L’Enfer de la quarantaine
La première victime de l’épidémie, c’est en fait le lien social. Le phénomène est bien documenté pour Ebola, comme le rappelle The Hot Zone : « Le virus […] se propage lorsque nous témoignons de l’amour, de l’attention, de l’affection, lorsque nous sommes humains », déclare le Dr Nancy Jaax devant la commission d’enquête du Congrès. Dans The Cassandra Crossing, le personnage du vieux juif Herman Kaplan permettait de développer une analogie entre le traitement des passagers du train et sa propre déportation par les nazis, non loin du pont de Cassandra. On ne saurait mieux établir que le général se livrait à un nouveau crime contre l’humanité.
Dans Gamgi (en VF Pandémie), un film sud-coréen de Kim Seong-su sorti en 2013, la déshumanisation va jusqu’à précipiter les malades avec les morts sur de gigantesques charniers où ils sont incinérés. Pour un chrétien, la vision évoque irrésistiblement les Enfers. On pourrait croire à une illustration de Dante. La déshumanisation des personnes infectées se manifeste aussi dans le croisement fréquent des écofictions épidémiologiques et des histoires de zombies. Des franchises comme Resident Evil (1998-2017) ou 28 Days Later (2002-2009) exploitent à l’envi une thématique qui rompt avec les codes du réalisme prophylactique pour mieux dramatiser la peur de l’autre inhérente à la contagion.
La crainte de la panique qui conduit systématiquement les autorités politiques à minimiser les risques, comme dans tout bon film catastrophe, s’inscrit dans cette logique. Prenant acte de l’incapacité des forces de l’ordre à maintenir la paix dans un contexte de quarantaine, elle exprime la crainte de voir ces zones abandonnées à la loi du plus fort. C’est ce qui se passe dans Containment, où les gangs les plus brutaux s’imposent, arme à la main.
Sitôt clos, sitôt replié sur lui-même, tout espace devient une hétérotopie favorisant la mise en place d’un ordre alternatif à celui des sociétés policées. Les consignes de sécurité prohibant tout contact physique sont une première marque de cette nouvelle donne qui substitue la défiance et l’hostilité à l’empathie et à la solidarité. Toutes les fraternités deviennent proprement héroïques. Dispersés, livrés à eux-mêmes, les individus se retrouvent bientôt en proie à une double violence, celle des caïds à l’intérieur et, à l’extérieur, celle des soldats chargés de faire barrage à la propagation de l’infection. Il n’y a rien d’étonnant, dès lors, à ce que la tentative d’évasion soit un topos récurrent.
David contre Goliath
À la fin de The War of the Worlds (La Guerre des Mondes), les germes pathogènes sauvaient notre planète contre les envahisseurs martiens. Ils réussissaient là où les armes les plus puissantes avaient échoué. Le roman de H.G. Wells, en 1897, se refermait sur un hymne à la sélection naturelle et aux millions d’hommes morts pour que notre espèce s’adapte à son environnement microbien. Une minisérie de la BBC en trois épisodes est venue, à l’automne 2019, rappeler ce dénouement à ceux qui l’avaient oublié. Il projetait une solidarité des formes de vie terrestre, de la plus humble à la plus développée, face à un prédateur venu d’ailleurs. Tel un Deus Ex Machina, l’infection bactérienne suggérait au narrateur un sursaut divin, au moment où ses créatures étaient menacées de disparaître. Les temps ont bien changé.
Le sorcier du village frappé par Ebola au début d’Outbreak met en cause la déforestation : l’épidémie serait la punition infligée aux hommes pour avoir réveillé les dieux et provoqué leur colère. Ainsi teinte-t-il d’écologie une conception expiatoire de la maladie, qui a longtemps prévalu dans l’Occident chrétien. La théorie soutenue en conclusion de The Hot Zone renchérit encore sur le sens à donner aux virus qui menacent non seulement l’Afrique insalubre mais les plus riches de nos métropoles :
« L’émergence du VIH, d’Ebola et de nombreux autres agents infectieux semble être une conséquence naturelle de l’empiétement de l’humanité sur des environnements auparavant non perturbés. On pourrait dire que, cette fois, c’est le système immunitaire de la Terre qui a identifié son agent pathogène le plus destructeur : l’être humain. »
Les mutations responsables de la dangerosité croissante de ces « monstres », comme les appelle le Professeur Wade Carter, seraient la conséquence directe de leur adaptation à de nouveaux milieux. La perspective allie l’évolutionnisme de Wells à l’animisme du griot d’Outbreak, la génétique à l’hypothèse Gaïa par laquelle James Lovelock, en 1979, identifiait la planète à un organisme vivant. Elle spiritualise la science pour mieux éveiller notre conscience écologique à une époque où l’on ne peut plus croire, comme H.G. Wells, à la bienveillance de la nature à notre égard.
Le général Billy Ford, dans Outbreak, reproche à l’épidémiologiste Sam Daniels son « désir morbide d’affronter la fin du monde ». Sans doute conviendrait-il d’étendre la remontrance à tous les amateurs de ces fictions proprement écologiques, puisqu’elles resituent l’homme dans son environnement, lui assignant la place d’un fragile Goliath menacé par la fronde agile de David.
Christian Chelebourg, Professeur de Littérature française et Littérature de jeunesse, Université de Lorraine
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.
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On reconnaît dans ce storytelling la marque de la défiance et du soupçon qui président à tous les complotismes.</p> <p>Entre maladresse de la directrice du Laboratoire d’Urgence Sanitaire et fatuité de l’expert en communication qu’on lui adjoint, la série québécoise <em>Épidémie</em> insiste sur les difficultés de la prise de parole en période de crise sanitaire. Le modèle PIT (prompt, intègre, transparent) prôné par le communicant tient plus du gadget que de la stratégie efficace. Il touche ses limites dès qu’il s’agit de diffuser les photos des trois premières victimes, toutes d’origine inuit, au risque d’alimenter les tensions communautaires. Information et communication apparaissent, au fond, inconciliables et leur confusion fait le lit des charlatans qui sévissent sur Internet.</p> <p>En 2011, dans <em>Contagion</em>, Steven Soderbergh dressait un portrait au vitriol du blogueur Alan Krumwiede (Jude Law) qui faisait fortune en vantant les mérites naturels du forsythia contre le virus MEV-1, avant de se lancer dans une ardente campagne anti-vaccination. Dans <em>Épidémie</em>, c’est une mère-porteuse adepte des médecines douces qui promeut auprès de ses nombreux followers les mérites de la tisane de curcuma. C’est une des nouveautés du genre que ce procès de l’interférence néfaste des influenceurs dans les questions de santé publique. 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On ne saurait mieux établir que le général se livrait à un nouveau crime contre l’humanité.</p> <p>Dans <em>Gamgi</em> (en VF <em>Pandémie</em>), un film sud-coréen de Kim Seong-su sorti en 2013, la déshumanisation va jusqu’à précipiter les malades avec les morts sur de gigantesques charniers où ils sont incinérés. Pour un chrétien, la vision évoque irrésistiblement les Enfers. On pourrait croire à une illustration de Dante. La déshumanisation des personnes infectées se manifeste aussi dans le croisement fréquent des écofictions épidémiologiques et des histoires de zombies. 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Les temps ont bien changé.</p> <p>Le sorcier du village frappé par Ebola au début d’<em>Outbreak</em> met en cause la déforestation : l’épidémie serait la punition infligée aux hommes pour avoir réveillé les dieux et provoqué leur colère. Ainsi teinte-t-il d’écologie une conception expiatoire de la maladie, qui a longtemps prévalu dans l’Occident chrétien. La théorie soutenue en conclusion de <em>The Hot Zone</em> renchérit encore sur le sens à donner aux virus qui menacent non seulement l’Afrique insalubre mais les plus riches de nos métropoles :</p> <blockquote> <p>« L’émergence du VIH, d’Ebola et de nombreux autres agents infectieux semble être une conséquence naturelle de l’empiétement de l’humanité sur des environnements auparavant non perturbés. 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Et tandis que le public occidental redoutait de voir se réaliser un de ses divertissements à sensation, les citoyens de Wuhan, en quarantaine, <a href="https://www.washingtonpost.com/world/2020/02/12/chinas-chernobyl-coronavirus-outbreak-leads-loaded-metaphor/">dénonçaient les mensonges</a> du régime en <a href="https://qz.com/1791611/wuhan-coronavirus-chinese-people-channel-anger-through-chernobyl/">se référant sur les réseaux sociaux</a> à une autre série à succès : <em>Chernobyl</em> de Craig Mazin, une production de HBO en cinq épisodes, diffusée aux USA entre le 6 mai et le 3 juin 2019.</p> <p>On dit souvent que la réalité dépasse la fiction, et Wuhan en fournit un bel exemple ; mais on oublie que la fiction nous offre des grilles pour penser la réalité. 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Si le genre est déjà ancien – puisqu’on peut au moins le faire remonter à <a href="https://www.youtube.com/watch?v=aa8vtzUTvh0"><em>The Cassandra Crossing</em></a> de George Pan Cosmatos, en 1976 : un général américain y prenait la décision d’aiguiller vers une mort certaine un millier de voyageurs enfermés dans un train avec un activiste contaminé par une arme biologique illégale – quelles constantes, quelles évolutions relève-t-on dans ces fictions d’un genre particulier ?</p> <h3>On nous cache tout, on ne nous dit rien</h3> <p>Ce qui n’a pas changé, c’est ce procès fait à la manipulation, au secret et au cynisme d’état. On le retrouve dans <em>Outbreak</em> (en VF <em>Alerte !</em>) de Wolfgang Petersen (1995), où l’armée est prête à rayer de la carte la petite ville de Cedar Creek pour garder la maîtrise d’une souche du virus Ebola dont elle a développé l’antidote : « Ils veulent leur arme », martèle à trois reprises Dustin Hoffmann, dans le rôle du Dr Sam Daniels, pour expliquer la résolution criminelle des généraux. Onze ans plus tard, dans <em>Containment</em> (en VF <em>Alerte Contagion</em>), remake américain de la série belge néerlandophone <em>Cordon</em> (2014-2016), c’est l’acharnement de la recherche en biotechnologies militaires qui conduit les autorités à empiler « des mensonges pour cacher d’autres mensonges » tandis qu’Atlanta, en quarantaine, plonge dans le chaos. Pour justifier ses agissements, la représentante du département de la santé invoque la nécessité de se préparer à une attaque bioterroriste. On reconnaît dans ce storytelling la marque de la défiance et du soupçon qui président à tous les complotismes.</p> <p>Entre maladresse de la directrice du Laboratoire d’Urgence Sanitaire et fatuité de l’expert en communication qu’on lui adjoint, la série québécoise <em>Épidémie</em> insiste sur les difficultés de la prise de parole en période de crise sanitaire. Le modèle PIT (prompt, intègre, transparent) prôné par le communicant tient plus du gadget que de la stratégie efficace. Il touche ses limites dès qu’il s’agit de diffuser les photos des trois premières victimes, toutes d’origine inuit, au risque d’alimenter les tensions communautaires. Information et communication apparaissent, au fond, inconciliables et leur confusion fait le lit des charlatans qui sévissent sur Internet.</p> <p>En 2011, dans <em>Contagion</em>, Steven Soderbergh dressait un portrait au vitriol du blogueur Alan Krumwiede (Jude Law) qui faisait fortune en vantant les mérites naturels du forsythia contre le virus MEV-1, avant de se lancer dans une ardente campagne anti-vaccination. Dans <em>Épidémie</em>, c’est une mère-porteuse adepte des médecines douces qui promeut auprès de ses nombreux followers les mérites de la tisane de curcuma. C’est une des nouveautés du genre que ce procès de l’interférence néfaste des influenceurs dans les questions de santé publique. 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On ne saurait mieux établir que le général se livrait à un nouveau crime contre l’humanité.</p> <p>Dans <em>Gamgi</em> (en VF <em>Pandémie</em>), un film sud-coréen de Kim Seong-su sorti en 2013, la déshumanisation va jusqu’à précipiter les malades avec les morts sur de gigantesques charniers où ils sont incinérés. Pour un chrétien, la vision évoque irrésistiblement les Enfers. On pourrait croire à une illustration de Dante. La déshumanisation des personnes infectées se manifeste aussi dans le croisement fréquent des écofictions épidémiologiques et des histoires de zombies. Des franchises comme <em>Resident Evil</em> (1998-2017) ou <em>28 Days Later</em> (2002-2009) exploitent à l’envi une thématique qui rompt avec les codes du réalisme prophylactique pour mieux dramatiser la peur de l’autre inhérente à la contagion.</p> <figure><iframe frameborder="0" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/6H2IEtNBk4M?wmode=transparent&start=0" width="440"></iframe></figure> <p>La crainte de la panique qui conduit systématiquement les autorités politiques à minimiser les risques, comme dans tout bon film catastrophe, s’inscrit dans cette logique. Prenant acte de l’incapacité des forces de l’ordre à maintenir la paix dans un contexte de quarantaine, elle exprime la crainte de voir ces zones abandonnées à la loi du plus fort. C’est ce qui se passe dans <em>Containment</em>, où les gangs les plus brutaux s’imposent, arme à la main.</p> <p>Sitôt clos, sitôt replié sur lui-même, tout espace devient une <a href="http://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/heterotopie">hétérotopie</a> favorisant la mise en place d’un ordre alternatif à celui des sociétés policées. Les consignes de sécurité prohibant tout contact physique sont une première marque de cette nouvelle donne qui substitue la défiance et l’hostilité à l’empathie et à la solidarité. Toutes les fraternités deviennent proprement héroïques. Dispersés, livrés à eux-mêmes, les individus se retrouvent bientôt en proie à une double violence, celle des caïds à l’intérieur et, à l’extérieur, celle des soldats chargés de faire barrage à la propagation de l’infection. Il n’y a rien d’étonnant, dès lors, à ce que la tentative d’évasion soit un topos récurrent.</p> <h3>David contre Goliath</h3> <p>À la fin de <em>The War of the Worlds</em> (<em>La Guerre des Mondes</em>), les germes pathogènes sauvaient notre planète contre les envahisseurs martiens. Ils réussissaient là où les armes les plus puissantes avaient échoué. Le roman de H.G. Wells, en 1897, se refermait sur un hymne à la sélection naturelle et aux millions d’hommes morts pour que notre espèce s’adapte à son environnement microbien. Une minisérie de la BBC en trois épisodes est venue, à l’automne 2019, rappeler ce dénouement à ceux qui l’avaient oublié. Il projetait une solidarité des formes de vie terrestre, de la plus humble à la plus développée, face à un prédateur venu d’ailleurs. Tel un <em>Deus Ex Machina</em>, l’infection bactérienne suggérait au narrateur un sursaut divin, au moment où ses créatures étaient menacées de disparaître. Les temps ont bien changé.</p> <p>Le sorcier du village frappé par Ebola au début d’<em>Outbreak</em> met en cause la déforestation : l’épidémie serait la punition infligée aux hommes pour avoir réveillé les dieux et provoqué leur colère. Ainsi teinte-t-il d’écologie une conception expiatoire de la maladie, qui a longtemps prévalu dans l’Occident chrétien. La théorie soutenue en conclusion de <em>The Hot Zone</em> renchérit encore sur le sens à donner aux virus qui menacent non seulement l’Afrique insalubre mais les plus riches de nos métropoles :</p> <blockquote> <p>« L’émergence du VIH, d’Ebola et de nombreux autres agents infectieux semble être une conséquence naturelle de l’empiétement de l’humanité sur des environnements auparavant non perturbés. 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Wells, à la bienveillance de la nature à notre égard.</p> <figure><iframe frameborder="0" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/pW-ZHlM3RxI?wmode=transparent&start=0" width="440"></iframe></figure> <p>Le général Billy Ford, dans <em>Outbreak</em>, reproche à l’épidémiologiste Sam Daniels son « désir morbide d’affronter la fin du monde ». Sans doute conviendrait-il d’étendre la remontrance à tous les amateurs de ces fictions proprement écologiques, puisqu’elles resituent l’homme dans son environnement, lui assignant la place d’un fragile Goliath menacé par la fronde agile de David.<img src="https://counter.theconversation.com/content/132027/count.gif?distributor=republish-lightbox-basic" alt="The Conversation" width="1" height="1" /></p> <hr /> <p> </p> <h4><span><a href="https://theconversation.com/profiles/christian-chelebourg-344192">Christian Chelebourg</a>, Professeur de Littérature française et Littérature de jeunesse, <em><a href="https://theconversation.com/institutions/universite-de-lorraine-2158">Université de Lorraine</a></em></span></h4> <h4>Cet article est republié à partir de <a href="https://theconversation.com">The Conversation</a> sous licence Creative Commons. 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De retour en Suisse, j’ai soigné ma salpingite et terminé mes études de lettres. Entre deux amants de passage, je traversais de longues périodes d’abstinence sexuelle sans que cela me coûte. A la manif, j’ai trouvé Pierre très beau avec sa moustache et sa barbe de cinq jours. Et je l’ai trouvé irrésistible lorsqu’il a jeté une bouteille vide en direction des forces de l’ordre qui voulaient nous empêcher d’accéder à la salle où se déroulait une assemblée de l’UDC, ce parti d’extrême droite honni par nous. Pierre s’est fait réprimander par les camarades communistes qui assuraient le service d’ordre et il a fini par en venir aux mains avec eux. J’ai spontanément pris sa défense, nous nous sommes faits bousculer et avons quitté la manifestation, lui avec une arcade sourcilière fendue, moi avec un fort désir pour lui. Je l’ai emmené chez moi pour soigner sa blessure et nous avons fait l’amour toute la nuit. 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Pierre est devenu agressif avec Mireille lorsque celle-ci a déclaré que les néo-féministes exagéraient et que #MeToo décourageait toute tentative de séduction de la part des hommes. «Je n’ai pas peur de le dire, j’aime bien que l’on me tienne la porte et que les hommes me fassent sentir qu’ils me désirent…» Pierre lui a rétorqué que le patriarcat était une forme de fascisme et qu’en tant que progressiste nous devions tout faire pour l’abattre. J’ai essayé de dévier la conversation sur la nourriture bio mais très vite c’est l’écriture inclusive qui a fait s’échauffer les esprits. Serge, qui se pique d’aimer la littérature, a déclaré que le français était en danger, qu’il fallait le sauver des points médians et des réformes de l’orthographe. Pierre a rétorqué que pour rester vivantes les langues devaient changer, que les normes les étouffaient, que les règles orthographiques avaient été inventées pour empêcher les pauvres d’accéder aux études. «Etes-vous allés récemment au cinéma?» ai-je incidemment demandé à Mireille?</p> <p>Le lendemain, elle m’a appelée. «Avec Serge, on se demande si Pierre n’est pas en train devenir woke…» Mon sang s’est figé dans mes veines, une sourde angoisse est montée de mon estomac jusque dans ma gorge. «Non, non… Vous vous trompez… Vous avez bien vu, il continue de manger de la viande», ai-je rassuré Mireille. Mais le doute s’était instillé en moi, je me suis mise à mieux observer Pierre et, pour la première fois, j’ai fouillé dans ses poches et ses agendas, même dans son ordinateur. 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Il s’agit des travailleurs qui récupèrent, réutilisent ou revendent les plastiques, les textiles, l’aluminium et d’autres matériaux précieux issus des déchets.</p> <p>Dans le cadre du traité sur les plastiques, pour que ces travailleurs informels soient reconnus, que leurs conditions de travail puissent être améliorées et qu’ils puissent bénéficient d’une transition écologique plus équitable, les solutions politiques doivent aller au-delà des mécanismes économiques basés sur le seul marché et des stratégies axées sur le profit.</p> <p>Si ce n’est pas le cas, les efforts en faveur d’un recyclage plus inclusif et du développement de l’économie circulaire risquent de renforcer les injustices mêmes qu’ils prétendent combattre.</p> <h3>Qui sont les ramasseurs informels de déchets?</h3> <p>Les collecteurs de déchets – et les autres personnes travaillant avec eux dans un cadre informel et coopératif – effectuent une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0921344924001824#sec0021">grande partie du travail de recyclage à l’échelle mondiale</a>. Ils réduisent de manière significative la quantité de plastique qui se retrouve dans les océans.</p> <p>Malgré cela, et parce qu’ils font un travail salissant et vivent dans des endroits sales, ils sont souvent tenus pour responsables du problème de la pollution plastique. Dans les discours politiques des villes et des Etats, leur travail a longtemps été <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/0956247816657302">tourné en dérision, considéré comme non qualifié et inefficace</a>. <a href="https://www.undp.org/blog/unsung-heroes-four-things-policymakers-can-do-empower-informal-waste-workers">L’absence de reconnaissance officielle</a> de leur travail rend leurs revenus particulièrement instables et précaires. Les réglementations environnementales peuvent <a href="https://iopscience.iop.org/article/10.1088/1748-9326/ac6b49">aggraver ces menaces</a> en accélérant la privatisation du traitement des déchets.</p> <p>Alors que les efforts de lutte contre la pollution plastique gagnent du terrain, les ramasseurs informels sont soumis à une double pression:</p> <ul> <li> <p>Ils doivent protéger leur accès aux déchets, car c’est l’un des rares moyens de subsistance dont ils disposent.</p> </li> <li> <p>En même temps, ils cherchent à améliorer leurs conditions de vie et de travail.</p> </li> </ul> <p>Un groupe de ramasseurs de déchets a donc profité de l’ouverture des négociations pour <a href="https://globalrec.org/document/just-transition-waste-pickers-un-plastics-treaty/">plaider en faveur de la reconnaissance de leur travail</a>. Il a été demandé que leurs contributions historiques à la réduction de la pollution plastique soient explicitement reconnues, et qu’un objectif explicite de transition juste soit intégré au traité sur les plastiques.</p> <h3>Avec l’économie circulaire, tout le monde est gagnant?</h3> <p>La <a href="https://theconversation.com/quatre-idees-recues-sur-la-transition-juste-227569">transition juste</a> est un principe défendu par les groupes de travailleurs et les défenseurs de la justice sociale afin de garantir que les politiques de transition écologique protègent, améliorent et compensent équitablement les moyens de subsistance des travailleurs et des communautés affectés par l’environnement.</p> <p>Les ramasseurs de déchets ont utilisé ce terme pour réclamer que le traité comprenne des dispositions pour améliorer leurs conditions de travail et de sécurité. Mais également pour que le traité intègre davantage les travailleurs informels aux systèmes de gestion des déchets, et pour exiger que les systèmes de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/responsabilite-elargie-du-producteur-67766">responsabilité élargie des producteurs</a> (REP) soutiennent aussi les travailleurs du secteur des déchets, en particulier les <a href="https://www.wiego.org/gender-waste-project">femmes et d’autres groupes vulnérables</a>.</p> <p>Etonnamment, ces demandes ont obtenu le soutien d’un large éventail de parties prenantes puissantes. Par exemple la <a href="https://www.businessforplasticstreaty.org/vision-statement#Key-elements">Business Coalition for a Plastics Treaty</a>, les <a href="https://news.un.org/en/story/2024/10/1156301">dirigeants des Nations unies</a> et même <a href="https://resolutions.unep.org/resolutions/uploads/american_chemistry_council.pdf">l’industrie pétrochimique</a>.</p> <p>Certaines de ces demandes ont été intégrées aux projets de traité sur les plastiques discutés au cours des négociations, ce qui représente une victoire majeure pour les travailleurs du secteur informel des déchets.</p> <p>Un consensus se dégage sur le fait qu’une économie circulaire inclusive peut être bénéfique à la fois pour l’environnement, l’économie et les travailleurs en améliorant la gestion de la pollution, les moyens de subsistance et les opportunités de croissance économique pour les entreprises.</p> <p>Ces promesses demandent toutefois à être vérifiées sur le terrain. Et c’est là que les choses se compliquent.</p> <h3>« Gagnant-gagnant », mais la victoire de qui ?</h3> <p>Dans mon livre <a href="https://mitpress.mit.edu/9780262546973/recycling-class/"><em>Recycling Class</em></a>, j’examine comment les efforts de recyclage inclusif ont été mis en œuvre à Bengaluru, l’une des plus grandes villes de l’Inde.</p> <figure><a href="https://images.theconversation.com/files/635250/original/file-20241129-15-cdpt12.jpg?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img src="https://images.theconversation.com/files/635250/original/file-20241129-15-cdpt12.jpg?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" alt="" /></a> <figcaption><span></span></figcaption> </figure> <p>Dans cet ouvrage, je défends que l’intégration dans des programmes d’économie circulaire basés sur le marché n’est pas une solution miracle aux injustices ancrées dans les systèmes de production, de consommation et de production des déchets.</p> <p>La plupart des politiques d’économie circulaire et de recyclage inclusif reposent sur des mécanismes de marché, partant du principe que la création de marchés pour les déchets incitera les acteurs du marché à récupérer efficacement les déchets et à les convertir en ressources.</p> <p>Pour remplir leurs obligations en matière de <a href="https://theconversation.com/faire-payer-plus-les-entreprises-pour-quelles-reduisent-les-emballages-130073">responsabilité élargie des producteurs</a> (REP), les marques peuvent alors s’engager à acheter des plastiques recyclés et à financer la collecte des déchets en achetant des <a href="https://www.worldbank.org/en/programs/problue/publication/unlocking-financing-to-combat-the-plastics-crisis">crédits plastique</a>.</p> <p>Cette approche vise à améliorer le prix des déchets, à augmenter les salaires et à encourager les efforts de collecte, tout en attirant des investissements pour financer l’amélioration des infrastructures et des technologies.</p> <p>Cependant, les mécanismes fondés sur le marché aggravent les inégalités existantes en matière d’accès au marché. Les efforts visant à donner la priorité à la traçabilité et à la transparence – dans le but d’améliorer l’efficacité du marché et le respect de la réglementation – désavantagent souvent les travailleurs informels.</p> <p>Ces derniers ne disposent pas des ressources et des capacités techniques nécessaires pour adopter des systèmes de suivi complexes basés sur les SIG ou la blockchain, et se retrouvent exclus des processus formalisés. Les start-up financées par le capital-risque et les grandes entreprises s’emparent alors du secteur du recyclage.</p> <p>Les multinationales préfèrent d’ailleurs les partenariats avec des start-up technologiques qui offrent des services à «valeur ajoutée» tels que des indicateurs et des tableaux de bord environnementaux, permettant aux entreprises de mettre en scène leur propre récit sur le développement durable. Souvent issus de milieux éduqués et privilégiés, les employés de ces firmes <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S001671852300057X">concurrencent les travailleurs informels existants, les subordonnant au passage</a>.</p> <p>A l’inverse, les femmes et les membres des minorités ethno-raciales et religieuses, qui constituent la majorité des travailleurs des économies informelles des déchets, sont confrontés à des obstacles supplémentaires. Notamment des <a href="https://mouvements.info/recuperateurs-de-dechets/">stigmates sociaux bien ancrés</a> qui limitent leur capacité à participer sur un pied d’égalité à ces marchés émergents. Ils restent toujours relégués aux mêmes tâches manuelles et difficiles, même si leurs conditions de travail en ressortent légèrement améliorées.</p> <h3>L’industrie du plastique maintient le <em>statu quo</em></h3> <p>Malgré les bonnes intentions de départ, des termes tels que «économie circulaire inclusive» sont donc trop souvent utilisés à des fins de <em>green washing</em> et même de <em>justice washing</em>, tandis que les travailleurs continuent à endurer des conditions difficiles. Une étude de <a href="https://www.circle-economy.com/resources/decent-work-in-the-circular-economy">Circle Economy</a> souligne que la plupart des emplois du secteur de l’économie circulaire restent ad-hoc et informels et ne bénéficient pas des garanties d’un emploi décent.</p> <p>En fin de compte, les travailleurs informels sont confrontés à un choix difficile: soit ils acceptent d’être exploités au sein des circuits de traitements des déchets en tant que simples ressources, soit ils risquent de perdre complètement leurs moyens de subsistance.</p> <p>Les systèmes actuels de production et de consommation du plastique déplacent donc la charge des déchets sur des communautés autochtones ou ethniques marginalisées, créant ainsi des <a href="https://www.dukeupress.edu/pollution-is-colonialism">zones sacrifiées</a>. Ce déplacement permet de maintenir la rentabilité, tout en perpétuant les atteintes à l’environnement et les inégalités sociales.</p> <p>En promouvant des technologies de <a href="https://www.bbc.com/afrique/monde-57087908">recyclage chimique</a> non éprouvées et en étendant les marchés du plastique, les entreprises <a href="https://theconversation.com/comment-lindustrie-fossile-influence-les-negociations-mondiales-sur-le-plastique-222112">pétrochimiques</a> et de matières plastiques <a href="https://direct.mit.edu/glep/article/21/2/121/97367/Future-Proofing-Capitalism-The-Paradox-of-the">s’approprient le langage de l’économie circulaire</a>. Cela leur permet de donner un vernis écologique à leurs propositions, tout en maintenant le <em>statu quo</em> sur les inégalités.</p> <p>Pendant ce temps, la HAC, plusieurs ONG et même certains ramasseurs de déchets invoquent également l’économie circulaire comme solution à la crise du plastique, en mettant l’accent sur le réemploi et le recyclage inclusif.</p> <h3>Demander des comptes aux pollueurs plutôt que compter sur l’efficacité du marché</h3> <p>Pour que l’économie circulaire aille au-delà de la simple protection du capitalisme fossile, elle doit prendre en compte les collecteurs de déchets et recycleurs informels dans le Sud et reconnaître les limites des mécanismes basés sur le marché. C’est vrai aussi bien pour le traité international sur la pollution plastique que pour d’autres démarches régionales comme le <a href="https://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/ATAG/2021/679066/EPRS_ATA(2021)679066_FR.pdf">plan d’action de l’UE pour l’économie circulaire</a>.</p> <p>En effet, toute stratégie de lutte contre la pollution plastique basée sur le marché et axée sur le profit est susceptible de reproduire ces schémas d’inégalité. Et par la même occasion, de pérenniser les injustices systémiques qui soutiennent le statu quo. Pour une transition vraiment juste, la lutte contre la pollution plastique ne doit donc pas devenir une opportunité de croissance économique ou de profit.</p> <p>Au contraire, nous avons besoin d’une approche centrée sur la réparation. Il faut d’abord, pour cela, reconnaître les contributions historiques des collecteurs informels du plastique ainsi que les préjudices qu’ils subissent. Puis redistribuer les ressources aux personnes les plus touchées et créer des systèmes qui donnent la priorité à la restauration de l’environnement et à la justice sociale plutôt qu’au profit des entreprises.</p> <p>Une économie circulaire bien financée devrait d’abord renforcer le pouvoir des travailleurs, puis améliorer les capacités des infrastructures et réduire la concentration de ces déchets en produits chimiques toxiques, plutôt que de s’appuyer sur des solutions basées sur le marché qui aggravent les inégalités.</p> <p>Les vraies solutions consistent à demander des comptes aux pollueurs et à adopter des approches circulaires fondées sur la sobriété et la réparation, et non sur l’efficacité du marché.<img src="https://counter.theconversation.com/content/244065/count.gif?distributor=republish-lightbox-basic" alt="The Conversation" width="1" height="1" /></p> <hr /> <h4><span><a href="https://theconversation.com/profiles/manisha-anantharaman-1526162">Manisha Anantharaman</a>, Assistant Professor, Center for the Sociology of Organisations, CNRS/Sciences Po, <em><a href="https://theconversation.com/institutions/sciences-po-2196">Sciences Po </a></em></span></h4> <h4>Cet article est republié à partir de <a href="https://theconversation.com">The Conversation</a> sous licence Creative Commons. Lire l’<a href="https://theconversation.com/les-ramasseurs-de-dechets-grands-perdants-du-recit-dominant-sur-la-pollution-plastique-244065">article original</a>.</h4> </div>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'les-ramasseurs-de-dechets-grands-perdants-du-recit-dominant-sur-la-pollution-plastique', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 42, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 5, 'person_id' => (int) 85, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'comments' => [[maximum depth reached]], 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Posts' }, (int) 2 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 5283, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => true, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => null, 'readed' => null, 'subhead' => null, 'title' => 'Les Etats-Unis financent un collectif international de journalistes', 'subtitle' => 'Si le réseau Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP) a révélé des avoirs russes cachés ou la corruption au Venezuela, le Delaware, paradis de l'évasion fiscale, reste pour lui un tabou. «Notre politique veut que nous ne fassions pas de rapports sur un pays avec son propre argent», a déclaré Drew Sullivan, son cofondateur.', 'subtitle_edition' => 'Si le réseau Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP) a révélé des avoirs russes cachés ou la corruption au Venezuela, le Delaware, paradis de l'évasion fiscale, reste pour lui un tabou. «Notre politique veut que nous ne fassions pas de rapports sur un pays avec son propre argent», a déclaré Drew Sullivan, son cofondateur.', 'content' => '<p style="text-align: center;"><strong>Urs P. Gasche</strong>, article publié sur <a href="https://www.infosperber.ch/medien/medienkritik/die-usa-finanzieren-internationales-journalisten-kollektiv/" target="_blank" rel="noopener"><em>Infosperber</em></a> le 5 décembre 2024, traduit par <em>Bon Pour La Tête</em></p> <hr /> <p>Parmi de nombreux autres médias, la <em>NZZ</em> et le <em>Tages-Anzeiger</em> ont diffusé à plusieurs reprises des révélations du réseau international de journalistes Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP). Ce faisant, ils n'ont pas rendu transparent le fait que les services gouvernementaux américains paient la moitié du budget de l'OCCRP. 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De plus, l'agence gouvernementale américaine interdit d'utiliser son argent pour mettre au jour la corruption aux Etats-Unis.</p> <p>Certaines subventions étaient même affectées à un but précis: le Department of State, par exemple, a versé 173 000 dollars à l'OCCRP pour «détecter et combattre la corruption au Venezuela». Ou l'<a href="https://www.usaid.gov/">Agence pour le développement international (USAID)</a> a versé plus de deux millions de dollars dans le but de «mettre au jour la criminalité et la corruption à Malte et à Chypre».</p> <p>Le journal en ligne français indépendant <a href="https://www.mediapart.fr/en/journal/international/021224/hidden-links-between-giant-investigative-journalism-and-us-government">« Mediapart »</a> en a parlé le 2 décembre 2024 <a href="https://www.mediapart.fr/en/journal/international/021224/hidden-links-between-giant-investigative-journalism-and-us-government">.</a></p> <p>Le fondateur de l'OCCRP est un ancien employé <a href="https://www.rockwellautomation.com/de-ch.html">de Rockwell</a> devenu journaliste: <a href="https://www.occrp.org/en/staff/drew-sullivan">Drew Sullivan</a>. L'OCCRP a été créé à l'instigation de fonctionnaires du gouvernement américain. Selon Mediapart, Sullivan a reçu pour cela, en 2008, un financement de départ de 1,7 million de dollars du <a href="https://www.state.gov/bureaus-offices/under-secretary-for-civilian-security-democracy-and-human-rights/bureau-of-international-narcotics-and-law-enforcement-affairs/">Bureau of International Narcotics and Law Enforcement Affairs</a>(INL). Il s'agit d'une agence d'application de la loi du Département d'Etat américain.</p> <p>L'OCCRP s'appuie souvent sur des documents divulgués provenant de sources non identifiées. La qualité des recherches et des révélations de l'OCCRP n'est pas mise en doute. L'orientation unilatérale des recherches et le manque de transparence des informations sur le financement donnent lieu à des critiques.</p> <p>L'ampleur des liens personnels et financiers de l'OCCRP avec le gouvernement américain va à l'encontre de «tous les principes de l'éthique journalistique». 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[...] Je suis très reconnaissant au gouvernement américain.»</p> <p>Par écrit, Sullivan a renchéri: «Nous avons dû décider si nous voulions accepter de l'argent du gouvernement ou ne pas exister.» Sur le site web de l'OCCRP, les montants des sponsors ne sont pas indiqués.</p> <h3><strong>Conditions posées</strong></h3> <p>Sullivan a confirmé à la NDR le pouvoir d'influence des autorités américaines: «Dans le cadre d'accords de coopération que nous n'aimons pas conclure, ils ont un droit de regard sur le choix des personnes [...] Ils peuvent mettre leur veto sur quelqu'un [...] Ils n'ont jamais mis leur veto sur quelqu'un.»</p> <p>L'OCCRP ne peut pas enquêter sur des affaires américaines avec l'argent fourni par Washington. «Notre politique veut que nous ne fassions pas de rapports sur un pays avec son propre argent», a déclaré Sullivan à la NDR. «Je pense que le gouvernement américain ne le permet pas. Mais même dans d'autres pays où ces dispositions n'existent pas, nous ne le faisons pas parce que cela vous place dans une situation de conflit d'intérêts et que vous préférez rester à l'écart de telles situations.»</p> <p>Ainsi, le paradis fiscal américain du Delaware n'a jamais fait l'objet de toutes les recherches sur l'évasion fiscale et l'argent de la corruption.</p> <p>L'OCCRP a tout de même effectué des recherches isolées aux Etats-Unis: par exemple sur les <a href="https://www.occrp.org/en/investigation/meet-the-florida-duo-helping-giuliani-investigate-for-trump-in-ukraine">hommes d'affaires</a> qui avaient soutenu l'avocat de Donald Trump pour nuire à Joe Biden, ou sur la manière dont le Pentagone a dépensé des sommes énormes pour <a href="https://www.occrp.org/en/project/making-a-killing/revealed-the-pentagon-is-spending-up-to-22-billion-on-soviet-style-arms-for-syrian-rebels">fournir des armes</a> à des groupes rebelles en Syrie, ou encore sur un <a href="https://www.occrp.org/en/investigation/flight-of-the-monarch-us-govt-contracted-airline-once-owned-by-criminals-with-ties-to-russian-mob">contrat</a> entre le gouvernement américain et une compagnie aérienne dont les propriétaires sont liés au crime organisé en Russie.</p> <p>Ces recherches ont manifestement respecté une autre condition imposée par les autorités américaines à l'OCCRP: l'activité doit être «en accord avec la politique étrangère et les intérêts économiques des Etats-Unis et les promouvoir.» (<a href="https://www.govinfo.gov/content/pkg/COMPS-1071/pdf/COMPS-1071.pdf">US Foreign Assistance Act</a>).</p> <h3><strong>Voici comment la «NZZ» et Tamedia ont présenté la source OCCRP</strong></h3> <p><strong>«NZZ» du 19 juillet 2023</strong></p> <p>«L'Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP) est un réseau d'organisations journalistiques fondé en 2006, basé dans de nombreux pays différents et fonctionnant sous cette forme en tant que filiale du Journalism Development Network à but non lucratif, dont le siège est dans le Maryland.»</p> <p><strong>«Tages-Anzeiger» du 21 juin 2023</strong></p> <p>«Grâce à l'organisation OCCRP, des journalistes femmes de plusieurs pays ont pu étudier ces données, dont <em>Der Standard</em> en Autriche et <em>Der Spiegel</em> en Allemagne. Pour la Suisse, le bureau de recherche de Tamedia et Paper Trail Media était de la partie.»</p> <h3><strong>Informations complémentaires</strong></h3> <p><strong>22 décembre 2022</strong> <a href="https://www.infosperber.ch/politik/welt/twitter-diente-jahrelang-als-gehilfe-des-pentagons/">Twitter a servi pendant des années d'auxiliaire au Pentagone</a>. Elon Musk a partiellement révélé les outils internes de Twitter. Ils prouvent des services d'hommes de main pour la propagande de l'armée américaine à l'étranger.</p> <p><strong>12 février 2009</strong> <a href="https://www.tagesanzeiger.ch/27-000-pr-berater-polieren-image-der-usa-631302390683">27 000 conseillers en relations publiques polissent l'image des Etats-Unis</a>. Des faits presque incroyables sur le travail de relations publiques du Pentagone.</p> <p><strong>20 avril 2008</strong> <a href="https://www.spiegel.de/kultur/gesellschaft/gekaufte-meinung-pentagon-beschaeftigt-pr-armee-fuer-us-tv-a-548519.html">Le Pentagone emploie une armée de RP pour la télévision américaine</a>. 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1 Commentaire
@kajagoogoo 27.11.2021 | 12h55
«moins "fin des temps" mais plus dans l'air du temps, "bienvenue à Gattaca" ne s'attaque pas à l'évolution d'un virus mais traite plutôt la ségrégation des "invalidés" vis-à-vis des "génétiquement modifiés". Dans la même thématique on trouve des séries comme "Dark Angel" qui dans le fond, traite des questions politiques et sociales.
Cette thématique ostentatoire dans la littérature et le cinéma semble avoir anticipé la manière d'agir, les bonnes pratiques et les décisions des dirigeants (le côté anticipation). Ou faut-il retourner le problème et constater que la prise de décisions de nos dirigeants est orientée par ces dystopies sans effort de discernement.»