La vape est un substitut efficace pour se sevrer du tabac. © Unsplash
Selon le Baromètre Santé 2017, publié en 2019 par Santé Publique France, la vape est le recours le plus fréquent utilisé par les fumeurs qui désirent arrêter la cigarette. On y apprend notamment que dans notre pays, « les vapoteurs âgés de 18 à 75 ans ont quasiment déjà tous une expérience avec le tabac : parmi les vapoteurs quotidiens, 49,5 % sont d’anciens fumeurs et moins de 1 % n’ont jamais fumé ».
Philippe Arvers, Université Grenoble Alpes (UGA)
En outre, un nombre très conséquent d’entre eux (76,3 %) déclarent que l’e‐cigarette les a aidés à arrêter de fumer. Si 8,6 % de ceux qui y ont eu recours l’ont utilisé en combinaison avec d’autres substituts, 67,8 % ont réussi à se sevrer du tabac sans autre aide.
La cigarette électronique semble donc rencontrer un franc succès auprès des Français. Ce qui n’empêche pas certaines interrogations : la vape, qui séduit également les jeunes, pourrait-elle les inciter à passer au tabac ? Peut-on vapoter quand on est enceinte ? Et plus largement, la vape présente-t-elle des risques ?
Quelle est la position des autorités de santé sur la vape ?
Si les recommandations de la Haute Autorité de Santé en matière de sevrage tabagique, mises en ligne en 2006, n’ont pas été actualisées depuis 2010, les sociétés savantes ont évolué quant à la place de la vape dans le sevrage tabagique.
Ainsi, en 2018, la Société française d’anesthésie-réanimation (SFAR) a précisé que
« l’usage de la cigarette électronique, alors que la population des fumeurs et ex-fumeurs qui y a recours ne cesse d’augmenter, doit être considéré par les médecins anesthésistes-réanimateurs comme une aide très positive en période préopératoire, cette dernière étant bien identifiée comme très favorable à la décision d’arrêt du tabac».
Dans le cadre du mois sans tabac 2019, la Société francophone de tabacologie (SFT) et la Société de pneumologie de langue française (SPLF) ont publié un communiqué de presse commun. On pouvait notamment y lire que
« La cigarette électronique est probablement une aide efficace pour arrêter de fumer. Elle doit dans ce cas être utilisée de façon transitoire (en l’absence de donnée précise sur ses effets à long terme) en vue de l’arrêt de la consommation tabagique. Elle doit être proscrite chez les non-fumeurs. […] Fumer et vapoter dans le même temps n’est pas une solution, car cette conduite ne réduit pas les risques liés au tabac. »
L’Institut national du cancer (InCA) ne dit pas autre chose dans sa brochure Agir pour sa santé, précisant que la cigarette électronique « peut être un outil d’aide à l’arrêt du tabac. Utilisée seule et non en association avec la cigarette traditionnelle, elle permet de réduire les risques liés au tabac. »
Mais quelle est l’efficacité réelle de la cigarette électronique pour le sevrage tabagique ? Pour le savoir, il faut se tourner vers les études scientifiques.
Une aide efficace au sevrage
Peter Hajek et son équipe ont cherché à évaluer cette efficacité. Ils ont pour cela mené une étude impliquant 886 fumeurs ayant recours soit à un traitement de substitution nicotinique, soit à une vapoteuse de seconde génération (avec 18 mg de nicotine). Dans les deux groupes, les participants assistaient chaque semaine à une séance hebdomadaire de soutien comportemental, 4 semaines durant. Les résultats de ces travaux ont été publiés en 2019 dans la prestigieuse revue médicale New England Journal of Medicine
Au bout d’un an de suivi, il est ressorti que la vape avait de meilleurs résultats, cependant son utilisation persistait dans le temps. Les chercheurs ont ainsi constaté près de deux fois plus d’abstinence tabagique parmi les vapoteurs (18 %) que parmi ceux qui utilisaient un traitement de substitution nicotinique (9,9 %). Parmi les abstinents, ceux du groupe « e-cigarette » étaient toutefois plus susceptibles que ceux du groupe « traitement de substitution nicotinique » de continuer à utiliser au-delà d’un an le produit qui leur avait été attribué (80 %, soit 63 des 79 participants, contre 9 %, soit 4 des 44 participants).
Les vapoteurs ont tendance à continuer après avoir arrêté le tabac. Ryan Grice / Unsplash
Plus récemment, en 2021, une revue Cochrane (revue destinée à l’organisation et au partage de l’information dans la recherche médicale) a été consacrée à la vape. Elle incluait 56 études ayant porté sur 12 804 adultes fumeurs de tabac. Les études avaient là encore comparé la vape (avec nicotine) à différents traitements destinés à aider à arrêter de fumer : substitution nicotinique, varénicline (molécule mimant les effets de la nicotine, ndlr), vape sans nicotine, soutien comportemental seul et absence de soutien comportemental.
Une nouvelle fois, les résultats plaident en faveur de la vape. L’abstinence à six mois était ainsi plus fréquente dans les groupes « vapoteuse avec nicotine » (trois études) et « vapoteuse sans nicotine » (quatre études) que dans le groupe « substitution nicotinique », ou « avec soutien comportemental seul » (cinq études). En effet, sur 100 personnes utilisant la vape avec nicotine, 10 ou 11 deviennent abstinentes (sevrage tabagique), contre 6 sur 100 pour celles qui utilisent les substitutions nicotiniques ou la vape sans nicotine, et 4 sur 100 pour les personnes qui ne suivent aucun traitement ou ne bénéficient que d’un soutien comportemental.
Mais à l’inverse, vapoter quand on n’a jamais fumé risque-t-il d’inciter à essayer le tabac ?
Chez les jeunes, vapoter n’est pas synonyme de passage au tabac
Les données récentes de l’étude ESPAD 2019, que je détaillais récemment, indiquent quelles places respectives occupent le tabac et la vape dans les pratiques des jeunes Français et de leurs homologues européens.
La vape, quant à elle, attire davantage les garçons que les filles : 51 % des premiers se sont laissés tenter par l’e-cigarette, contre 41 % des secondes seulement des secondes, et 20 % des garçons ont vapoté au cours du dernier mois, contre 13 % des filles.
En 2017, j’avais également écrit que le vapotage n’est pas une porte d’entrée dans le tabagisme pour les jeunes. Si certaines études ont montré qu’il pouvait y avoir une association positive entre expérimentation de la vape et passage au tabac dans les pays anglo-saxons, ce lien causal n’est pas absolu.
En France notamment, cela ne semble pas être le cas, comme l’ont démontré plusieurs travaux, dont l’étude publiée fin 2020 par l’équipe de Stéphane Legleye. Effectuée auprès de 24 111 jeunes Français âgés de 17 à 18 ans, elle apporte plusieurs éléments forts et, pour une fois, spécifiques au contexte français :
• Commencer avec la vape ne signifie pas une augmentation du risque de fumer du tabac ultérieurement ; cela diminue même le risque de manière importante (avec un risque relatif, RR, de 0,58 ; on considère qu’un effet est bénéfique quand RR est inférieur à 1) ;
• Plus l’expérimentation de la vape est tardive, plus le risque de passage au tabagisme dans un second temps diminue (le RR passant de 0,88 pour une initiation à l’âge de 11 ans à 0,38 à l’âge de 17 ans).
La vape ne mène pas forcément les jeunes sur le chemin du tabagisme. Maxim Potkin / Unsplash
Dans cette étude (ESPAD2019), basée sur des questionnaires autorapportés, 5 616 jeunes Français ont déclaré avoir expérimenté la vape en premier et 2 410 d’entre eux n’ont pas expérimenté le tabac dans un deuxième temps. Par contre, on ne sait pas s’il y avait de la nicotine et/ou des arômes lors de cette expérimentation.
Si le contexte culturel de chaque pays joue évidemment un rôle, à l’échelle mondiale on n’a pas observé d’augmentation du tabagisme chez les jeunes depuis l’arrivée de la vape sur le marché mondial – ce serait même le contraire. Or, retarder l’initiation au tabagisme est capital. Tout ce qui y contribue est à considérer.
Et si l’attrait des jeunes pour la vape s’accompagne du choix de ces produits sans monoxyde de carbone et chargé de beaucoup moins de substances toxiques, je dirai que c’est un moindre mal, tant le tabac est à l’origine de nombreuses maladies (cardio-vasculaires ou métaboliques, pulmonaires, nombreux cancers, etc.) et augmente le risque de décès. On parle de « réduction des risques pour la santé ». D’autant que bien souvent, il s’agira de vapoter sans nicotine ni substance addictive.
Femme enceinte : la vape est déconseillée
En 2020, le rapport d’experts « Prise en charge du tabagisme en cours de grossesse a été publié. Élaboré par le Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) et la Société francophone de tabacologie (SFT), il déconseille le recours à la vape pendant la grossesse :
« Bien que le fœtus ne soit pas exposé aux toxiques combustibles de la cigarette “classique”, d’autres recherches sont nécessaires sur les autres composants de la cigarette électronique, comme les arômes. En l’état actuel des connaissances, il convient de respecter le principe de précaution. »
On peut toutefois regretter que « vape, tabac chauffé, chicha et snus (tabac oral d’origine suédoise) » soient mis sur le même plan. Une étude menée en 2017 dans une maternité de Dublin (Irlande) permet d’aller plus loin et d’évaluer les effets du vapotage pendant la grossesse par rapport au tabac. Elle a suivi 449 femmes enceintes sur 13 mois, dont 195 vapo-fumeuses et 218 vapoteuses exclusives.
La vape est déconseillée aux femmes enceintes. © sarahjohnson1 / Pixabay
De ses résultats, publiés début 2020, il ressort une absence de conséquences sur le poids des enfants à la naissance chez les vapoteuses exclusives, à la différence de ce qui se mesure chez les vapo-fumeuses. En effet, le poids de naissance des bébés des vapoteuses est identique à celui des non-fumeuses (3470 ± 535 grammes vs 3471 ± 504 grammes), et supérieur à celui des enfants des fumeuses (3470 ± 535 grammes vs 3166 ± 502 grammes). Aucune différence n’est observée en termes de durée de grossesse et score d’Apgar (Apparence, pouls, grimace, activité, respiration) à la naissance et passage en unité de soins intensifs.
Les risques pour la santé
Petit rappel : la communauté scientifique s’accorde pour dire que les émissions des vapoteuses sont moins nocives que la fumée des cigarettes. En effet, l’aérosol de la vape ne contient pas les nombreuses substances chimiques irritantes, toxiques et cancérigènes de la fumée de tabac comme les goudrons ou le monoxyde de carbone (de 9 à 450 fois moins). Une étude publiée en janvier 2021 par l’Institut Pasteur a établi que « les aérosols générés par les cigarettes électroniques contiennent moins de 1 % des toxiques retrouvés dans la fumée de cigarette ».
Et on sait également qu’il n’y a pas, dans la vape, de combustion incomplète et par conséquent pas de monoxyde de carbone (CO). Ce gaz inodore et incolore se fixe sur nos globules rouges à la place de l’oxygène, et cela entraîne une augmentation de la pression artérielle et du rythme cardiaque.
Au Royaume-Uni, dès 2015, le ministère de la Santé écrivait ainsi que « la vape réduit les risques pour la santé de 95 % », en se référant au rapport du Public Health England, coordonné par les Professeurs Ann McNeill (King’s College London) et Peter Hajek (Queen Mary University of London), dont la dernière mise à jour date de février 2021.
Si la vape n’a pas la nocivité de la cigarette, est-elle pour autant sans risque ? Les données restent pour l’heure compliquées à obtenir.
La plupart des adeptes de la cigarette électronique sont d’anciens fumeurs. Getúlio Moraes / Unsplash
L’une des principales raisons est que la majorité des vapoteurs sont des ex-fumeurs ou vapo-fumeurs : il est difficile, dès lors, de préciser ce qui pourrait être attribuable à la vape, étant donné la toxicité du tabac, à court, moyen et long terme. C’est ce que pointe Neal Benowitz, spécialiste mondial de la nicotine,, tout en rappelant que si la vape est moins nocive que le tabac, elle n’est pas sans risque.
Que penser de certaines publications scientifiques mentionnant un risque accru, chez l’animal, de cancer du poumon et de la vessie, ou évoquant des modifications de certaines cellules immunitaires (macrophages) ? Ou des travaux in vitro (sur des cellules en culture) montrant des modifications d’expression de certains gènes ? En 2015, une étude publiée dans Oral Oncology avait même montré une altération de l’ADN des cellules… Doit-on s’inquiéter de ces résultats ?
Se méfier des conditions expérimentales
Un point important à souligner est que les conditions expérimentales de ces études sont irréalistes. En outre, leur extrapolation à l’être humain est contestable.
Concernant par exemple l’étude de la revue PNAS mentionnant un risque accru de cancer du poumon et de la vessie chez la souris, il s’agissait de travaux menés sur quarante souris, exposées aux fumées de cigarette électronique pendant 54 semaines, soit un peu plus d’un an. Elles les respiraient quatre heures par jour, cinq jours par semaine, des conditions extrêmes qui n’ont rien à voir avec la réalité. De plus, la concentration de nicotine utilisée (36 mg/mL) est presque deux fois plus élevée que le seuil autorisé en France (20 mg/mL), et le nombre de souris dans l’expérience témoin est trop faible : d’où un risque de biais statistiques.
Pour le professeur Bertrand Dautzenberg, tabacologue et président de la commission de normalisation AFNOR sur les cigarettes électroniques, huit points doivent être présents à l’esprit devant de telles études :
1- L’e-cigarette ne produit pas de fumée : c’est une inexactitude scientifique qui permet de classer les articles partisans ;
2- Il faut analyser avec intelligence ces résultats : les rayons du soleil sont classés cancérogènes certains pour l’être humain… mais sont néanmoins bons pour la vie sur Terre ;
3- L’être humain n’est pas une souris : la plupart des études de cancérogénèse positives par inhalation chez la souris ne sont pas confirmées chez l’être humain ;
4- Les auteurs ne disent pas que cela cause le cancer, mais pourrait y contribuer, et invitent à conduire des études complémentaires ;
5- Les conditions d’expositions sont souvent farfelues ;
6- L’e-cigarette ne sera jamais conseillée par un médecin à un non-fumeur et 99 % des vapoteurs ont une histoire avec la cigarette. Ne pas prendre un contrôle négatif sans exposition et un contrôle positif est une erreur méthodologique majeure ;
7- Ces études peu rigoureuses se multiplient, ce qui pose la question de savoir qui a intérêt à publier autant de mauvaise science et pourquoi ;
8- Il ne faut analyser que les études ayant un design correct (comparaison avec la fumée de tabac).
L’e-cigarette n’est pas un gadget récréatif
Rappelons ici que le CDC américain (Centers for disease control - principale agence fédérale des États-Unis en matière de protection de la santé publique) recommande notamment aux adolescents et aux jeunes adultes d’en éviter l’usage.
Récemment, 15 experts antitabac de renom, anciens directeurs de la Society for Research on Nicotine and Tobacco, ont par ailleurs publié un article sur les risques et les bénéfices de l’e-cigarette. Ils y proposent une série de mesures pour limiter l’accès aux plus jeunes, comme taxer plus fortement les produits du tabac combustibles (et taxer à minima les produits de la vape), n’autoriser la vente d’e-liquides aromatisés qu’en boutiques uniquement accessibles aux majeurs.
Par ailleurs, la survenue, en 2019, de centaines de cas du syndrome EVALI (« E-cigarette or Vaping Use-Associated Lung Injury »), une maladie pulmonaire sévère liée à l’usage de e-cigarettes, souligne l’importance de l’origine et de la composition des e-liquides. Si des interrogations semblent demeurer sur les substances impliquées, ils auraient pu contenir du THC et du CBD (cannabinoïdes issus du cannabis), et avoir été achetés hors des circuits légaux.
Pour s’assurer que les liquides vendus respectent les doses légales de nicotine notamment, il faut acheter en boutique des produits de distributeurs français répondant aux normes AFNOR. L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a de son côté établi une liste de référence inédite, référençant près de 1 200 substances identifiées. Elle envisage en outre d’évaluer les risques liés à l’inhalation de certaines substances.
Pour conclure, il est important de garder à l’esprit que la cigarette électronique n’est pas un gadget récréatif destiné aux non-fumeurs ou aux mineurs, mais bien un outil - efficace - visant au sevrage tabagique.
Remerciements au Pr Bertrand Dautzenberg pour ses commentaires pertinents.
Philippe Arvers, Médecin addictologue et tabacologue, Université Grenoble Alpes (UGA)
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.
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Et plus largement, la vape présente-t-elle des risques ?</p> <h3>Quelle est la position des autorités de santé sur la vape ?</h3> <p>Si les recommandations de la Haute Autorité de Santé <a href="https://www.has-sante.fr/jcms/c_272433/fr/aide-au-sevrage-tabagique">en matière de sevrage tabagique</a>, mises en ligne en 2006, n’ont pas été actualisées depuis 2010, les sociétés savantes ont évolué quant à la place de la vape dans le sevrage tabagique.</p> <p>Ainsi, en 2018, la <a href="https://sfar.org/le-vapotage-peut-il-conduire-a-recuser-un-patient-en-vue-dune-anesthesie/">Société française d’anesthésie-réanimation (SFAR)</a> a précisé que</p> <blockquote> <p>« l’usage de la cigarette électronique, alors que la population des fumeurs et ex-fumeurs qui y a recours ne cesse d’augmenter, doit être considéré par les médecins anesthésistes-réanimateurs comme une aide très positive en période préopératoire, cette dernière étant bien identifiée comme très favorable à la décision d’arrêt du tabac».</p> </blockquote> <p>Dans le cadre du mois sans tabac 2019, la Société francophone de tabacologie (SFT) et la Société de pneumologie de langue française (SPLF) ont publié un <a href="http://societe-francophone-de-tabacologie.org/dl/Vape-SFT_SPLF-MoissansTabac-20191101.pdf">communiqué de presse commun</a>. On pouvait notamment y lire que</p> <blockquote> <p>« La cigarette électronique est probablement une aide efficace pour arrêter de fumer. Elle doit dans ce cas être utilisée de façon transitoire (en l’absence de donnée précise sur ses effets à long terme) en vue de l’arrêt de la consommation tabagique. Elle doit être proscrite chez les non-fumeurs. […] Fumer et vapoter dans le même temps n’est pas une solution, car cette conduite ne réduit pas les risques liés au tabac. »</p> </blockquote> <p>L’Institut national du cancer (InCA) ne dit pas autre chose dans sa brochure <a href="https://www.e-cancer.fr/ressources/Agir_pour_sa_sante.html">Agir pour sa santé</a>, précisant que la cigarette électronique « peut être un outil d’aide à l’arrêt du tabac. Utilisée seule et non en association avec la cigarette traditionnelle, elle permet de réduire les risques liés au tabac. »</p> <p>Mais quelle est l’efficacité réelle de la cigarette électronique pour le sevrage tabagique ? Pour le savoir, il faut se tourner vers les études scientifiques.</p> <h3>Une aide efficace au sevrage</h3> <p>Peter Hajek et son équipe ont cherché à évaluer cette efficacité. Ils ont pour cela mené une étude impliquant 886 fumeurs ayant recours soit à un traitement de substitution nicotinique, soit à une vapoteuse de seconde génération (avec 18 mg de nicotine). Dans les deux groupes, les participants assistaient chaque semaine à une séance hebdomadaire de soutien comportemental, 4 semaines durant. Les résultats de ces travaux ont été publiés en 2019 dans la prestigieuse revue médicale <a href="https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/nejmoa1808779">New England Journal of Medicine</a></p> <p>Au bout d’un an de suivi, il est ressorti que la vape avait de meilleurs résultats, cependant son utilisation persistait dans le temps. Les chercheurs ont ainsi constaté près de deux fois plus d’abstinence tabagique parmi les vapoteurs (18 %) que parmi ceux qui utilisaient un traitement de substitution nicotinique (9,9 %). Parmi les abstinents, ceux du groupe « e-cigarette » étaient toutefois plus susceptibles que ceux du groupe « traitement de substitution nicotinique » de continuer à utiliser au-delà d’un an le produit qui leur avait été attribué (80 %, soit 63 des 79 participants, contre 9 %, soit 4 des 44 participants).</p> <h4 style="text-align: center;"><img src="https://images.theconversation.com/files/422759/original/file-20210922-21-1g2pv9r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" alt="Homme en train de vapoter, assis sur un banc en ville." /></h4> <h4 style="text-align: center;"><em><span>Les vapoteurs ont tendance à continuer après avoir arrêté le tabac.</span> <span><a href="https://unsplash.com/photos/vdiva7py4QM">Ryan Grice / Unsplash</a></span></em></h4> <p>Plus récemment, en 2021, <a href="https://www.cochranelibrary.com/cdsr/doi/10.1002/14651858.CD010216.pub5/full">une revue Cochrane</a> (revue destinée à l’organisation et au partage de l’information dans la recherche médicale) a été consacrée à la vape. Elle incluait 56 études ayant porté sur 12 804 adultes fumeurs de tabac. Les études avaient là encore comparé la vape (avec nicotine) à différents traitements destinés à aider à arrêter de fumer : substitution nicotinique, <a href="https://www.has-sante.fr/jcms/c_2725862/fr/champix-varenicline-tartrate-de-agoniste-partiel-des-recepteurs-nicotiniques-cerebraux">varénicline</a> (<em>molécule mimant les effets de la nicotine, ndlr</em>), vape sans nicotine, soutien comportemental seul et absence de soutien comportemental.</p> <p>Une nouvelle fois, les résultats plaident en faveur de la vape. L’abstinence à six mois était ainsi plus fréquente dans les groupes « vapoteuse avec nicotine » (trois études) et « vapoteuse sans nicotine » (quatre études) que dans le groupe « substitution nicotinique », ou « avec soutien comportemental seul » (cinq études). En effet, sur 100 personnes utilisant la vape avec nicotine, 10 ou 11 deviennent abstinentes (sevrage tabagique), contre 6 sur 100 pour celles qui utilisent les substitutions nicotiniques ou la vape sans nicotine, et 4 sur 100 pour les personnes qui ne suivent aucun traitement ou ne bénéficient que d’un soutien comportemental.</p> <p>Mais à l’inverse, vapoter quand on n’a jamais fumé risque-t-il d’inciter à essayer le tabac ?</p> <h3>Chez les jeunes, vapoter n’est pas synonyme de passage au tabac</h3> <p>Les données récentes de <a href="http://www.espad.org/espad-report-2019">l’étude ESPAD 2019</a>, que <a href="https://theconversation.com/alcool-tabac-cannabis-ou-en-est-la-consommation-des-jeunes-francais-152138">je détaillais récemment</a>, indiquent quelles places respectives occupent le tabac et la vape dans les pratiques des jeunes Français et de leurs homologues européens.</p> <p>La vape, quant à elle, attire davantage les garçons que les filles : 51 % des premiers se sont laissés tenter par l’e-cigarette, contre 41 % des secondes seulement des secondes, et 20 % des garçons ont vapoté au cours du dernier mois, contre 13 % des filles.</p> <p>En 2017, j’avais également écrit que <a href="https://theconversation.com/le-vapotage-nest-pas-une-porte-dentree-dans-le-tabagisme-pour-les-jeunes-87833">le vapotage n’est pas une porte d’entrée dans le tabagisme pour les jeunes</a>. Si certaines études ont montré qu’il pouvait y avoir une association positive entre expérimentation de la vape et passage au tabac <a href="https://theconversation.com/la-cigarette-electronique-encourage-le-tabagisme-chez-les-ados-89549">dans les pays anglo-saxons</a>, ce lien causal n’est pas absolu.</p> <p>En France notamment, cela ne semble pas être le cas, comme l’ont démontré plusieurs travaux, dont l’étude publiée fin 2020 par l’équipe de Stéphane Legleye. Effectuée auprès de <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/add.15330">24 111 jeunes Français âgés de 17 à 18 ans</a>, elle apporte plusieurs éléments forts et, pour une fois, spécifiques au contexte français :</p> <p>• Commencer avec la vape ne signifie pas une augmentation du risque de fumer du tabac ultérieurement ; cela diminue même le risque de manière importante (avec un risque relatif, RR, de 0,58 ; on considère qu’un effet est bénéfique quand RR est inférieur à 1) ;</p> <p>• Plus l’expérimentation de la vape est tardive, plus le risque de passage au tabagisme dans un second temps diminue (le RR passant de 0,88 pour une initiation à l’âge de 11 ans à 0,38 à l’âge de 17 ans).</p> <h4 style="text-align: center;"><img src="https://images.theconversation.com/files/422752/original/file-20210922-23-p6z4j3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" alt="Jeune femme en train de vapoter." /></h4> <h4 style="text-align: center;"><em><span>La vape ne mène pas forcément les jeunes sur le chemin du tabagisme.</span> <span><a href="https://unsplash.com/photos/ISr5E7f7zkM">Maxim Potkin / Unsplash</a></span></em></h4> <p>Dans cette étude (<a href="https://theconversation.com/alcool-tabac-cannabis-ou-en-est-la-consommation-des-jeunes-francais-152138">ESPAD2019</a>), basée sur des questionnaires autorapportés, 5 616 jeunes Français ont déclaré avoir expérimenté la vape en premier et 2 410 d’entre eux n’ont pas expérimenté le tabac dans un deuxième temps. Par contre, on ne sait pas s’il y avait de la nicotine et/ou des arômes lors de cette expérimentation.</p> <p>Si le contexte culturel de chaque pays joue évidemment un rôle, à l’échelle mondiale on n’a pas observé d’augmentation du tabagisme chez les jeunes depuis l’arrivée de la vape sur le marché mondial – ce serait même le contraire. Or, <a href="https://theconversation.com/pourquoi-retarder-linitiation-au-tabagisme-est-capital-86506">retarder l’initiation au tabagisme est capital</a>. Tout ce qui y contribue est à considérer.</p> <p>Et si l’attrait des jeunes pour la vape s’accompagne du choix de ces produits sans monoxyde de carbone et chargé de beaucoup moins de substances toxiques, je dirai que c’est un moindre mal, tant le tabac est à l’origine de nombreuses maladies (cardio-vasculaires ou métaboliques, pulmonaires, nombreux cancers, etc.) et augmente le risque de décès. On parle de « réduction des risques pour la santé ». D’autant que bien souvent, il s’agira de vapoter sans nicotine ni substance addictive.</p> <h3>Femme enceinte : la vape est déconseillée</h3> <p>En 2020, le rapport d’experts <a href="http://societe-francophone-de-tabacologie.org/dl/Rapport_Recos-Tabagisme_Grossesse-CNGOF_SFT-2020.pdf">« Prise en charge du tabagisme en cours de grossesse</a> a été publié. Élaboré par le Collège national des gynécologues et obstétriciens français (<a href="http://www.cngof.fr/">CNGOF</a>) et la Société francophone de tabacologie (<a href="http://societe-francophone-de-tabacologie.org/">SFT</a>), il déconseille le recours à la vape pendant la grossesse :</p> <blockquote> <p>« Bien que le fœtus ne soit pas exposé aux toxiques combustibles de la cigarette “classique”, d’autres recherches sont nécessaires sur les autres composants de la cigarette électronique, comme les arômes. En l’état actuel des connaissances, il convient de respecter le principe de précaution. »</p> </blockquote> <p>On peut toutefois regretter que « vape, tabac chauffé, chicha et snus (tabac oral d’origine suédoise) » soient mis sur le même plan. Une étude menée en 2017 dans une maternité de Dublin (Irlande) permet d’aller plus loin et d’évaluer les effets du vapotage pendant la grossesse par rapport au tabac. <a href="https://obgyn.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/1471-0528.16110">Elle a suivi 449 femmes enceintes sur 13 mois</a>, dont 195 vapo-fumeuses et 218 vapoteuses exclusives.</p> <h4 style="text-align: center;"><img src="https://images.theconversation.com/files/422757/original/file-20210922-23-1l0k5pj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" alt="Femme en train de vapoter." /><em><span><br /></span></em></h4> <h4 style="text-align: center;"><em><span>La vape est déconseillée aux femmes enceintes.</span> © <span><a href="https://pixabay.com/fr/photos/vapoter-e-cig-vaporisateur-3677946/">sarahjohnson1 / Pixabay</a></span></em></h4> <p>De ses résultats, publiés début 2020, il ressort une absence de conséquences sur le poids des enfants à la naissance chez les vapoteuses exclusives, à la différence de ce qui se mesure chez les vapo-fumeuses. En effet, le poids de naissance des bébés des vapoteuses est identique à celui des non-fumeuses (3470 ± 535 grammes vs 3471 ± 504 grammes), et supérieur à celui des enfants des fumeuses (3470 ± 535 grammes vs 3166 ± 502 grammes). Aucune différence n’est observée en termes de durée de grossesse et <a href="http://campus.cerimes.fr/maieutique/UE-puericulture/vie_extrauterine/site/html/7.html#:%7E:text=C%E2%80%99est%20un%20score%2C%20propos%C3%A9,pour%20juger%20d%E2%80%99une%20%C3%A9volution.">score d’Apgar </a>(Apparence, pouls, grimace, activité, respiration) à la naissance et passage en unité de soins intensifs.</p> <h3>Les risques pour la santé</h3> <p>Petit rappel : la communauté scientifique s’accorde pour dire que les émissions des vapoteuses sont moins nocives que la fumée des cigarettes. En effet, l’aérosol de la vape ne contient pas les nombreuses substances chimiques irritantes, toxiques et cancérigènes de la fumée de tabac comme les goudrons ou le monoxyde de carbone (de 9 à 450 fois moins). Une étude publiée en janvier 2021 par <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0304389420314060">l’Institut Pasteur</a> a établi que « les aérosols générés par les cigarettes électroniques contiennent moins de 1 % des toxiques retrouvés dans la fumée de cigarette ».</p> <p>Et on sait également qu’il n’y a pas, dans la vape, <a href="https://www.cancer-environnement.fr/392-Cigarette-electronique.ce.aspx">de combustion incomplète</a> et par conséquent pas de monoxyde de carbone (CO). Ce gaz inodore et incolore se fixe sur nos globules rouges à la place de l’oxygène, et cela entraîne une augmentation de la pression artérielle et du rythme cardiaque.</p> <p>Au Royaume-Uni, dès 2015, le ministère de la Santé écrivait ainsi que « <a href="https://www.gov.uk/government/news/e-cigarettes-around-95-less-harmful-than-tobacco-estimates-landmark-review">la vape réduit les risques pour la santé de 95 %</a> », en se référant au rapport du Public Health England, coordonné par les Professeurs Ann McNeill (King’s College London) et Peter Hajek (Queen Mary University of London), dont la dernière mise à jour date de <a href="https://www.gov.uk/government/publications/vaping-in-england-evidence-update-february-2021">février 2021</a>.</p> <p>Si la vape n’a pas la nocivité de la cigarette, est-elle pour autant sans risque ? Les données restent pour l’heure compliquées à obtenir.</p> <h4 style="text-align: center;"><img src="https://images.theconversation.com/files/422762/original/file-20210922-13-1jnza0x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" alt="Homme en train de vapoter en marchant dans la rue." /></h4> <h4 style="text-align: center;"><em><span>La plupart des adeptes de la cigarette électronique sont d’anciens fumeurs.</span> <span><a href="https://unsplash.com/photos/BPDSvauOc9k">Getúlio Moraes / Unsplash</a></span></em></h4> <p>L’une des principales raisons est que la majorité des vapoteurs sont des ex-fumeurs ou vapo-fumeurs : il est difficile, dès lors, de préciser ce qui pourrait être attribuable à la vape, étant donné la toxicité du tabac, à court, moyen et long terme. <a href="https://www.addictaide.fr/larret-du-tabac-grace-a-la-vape-permet-de-reduire-les-risques-pour-la-sante-selon-le-specialiste-mondial-de-la-nicotine-le-professeur-benowitz/">C’est ce que pointe Neal Benowitz, spécialiste mondial de la nicotine,</a>, tout en rappelant que si la vape est moins nocive que le tabac, elle n’est pas sans risque.</p> <p>Que penser de certaines publications scientifiques mentionnant un risque accru, chez l’animal, de <a href="https://www.pnas.org/content/116/43/21727">cancer du poumon et de la vessie</a>, ou évoquant des <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC6763255/">modifications de certaines cellules immunitaires (macrophages)</a> ? Ou des travaux <em>in vitro</em> (sur des cellules en culture) montrant des <a href="https://www.nature.com/articles/s41598-021-97013-z">modifications d’expression de certains gènes</a> ? En 2015, une étude publiée dans <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1368837515003620">Oral Oncology</a> avait même montré une altération de l’ADN des cellules… Doit-on s’inquiéter de ces résultats ?</p> <h3>Se méfier des conditions expérimentales</h3> <p>Un point important à souligner est que les conditions expérimentales de ces études sont irréalistes. En outre, leur extrapolation à l’être humain est contestable.</p> <p>Concernant par exemple <a href="https://www.pnas.org/content/116/43/21727">l’étude de la revue PNAS</a> mentionnant un risque accru de cancer du poumon et de la vessie chez la souris, il s’agissait de travaux menés sur quarante souris, exposées aux fumées de cigarette électronique pendant 54 semaines, soit un peu plus d’un an. Elles les respiraient quatre heures par jour, cinq jours par semaine, <a href="https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/le-vrai-du-faux/que-penser-de-l-etude-americaine-qui-fait-le-lien-entre-cigarette-electronique-et-cancer-chez-les-souris_3653345.html">des conditions extrêmes qui n’ont rien à voir avec la réalité</a>. De plus, la concentration de nicotine utilisée (36 mg/mL) est presque deux fois plus élevée que le seuil autorisé en France (20 mg/mL), et le nombre de souris dans l’expérience témoin est trop faible : d’où un risque de biais statistiques.</p> <p>Pour le professeur Bertrand Dautzenberg, tabacologue et président de la commission de normalisation AFNOR sur les cigarettes électroniques, huit points doivent être présents à l’esprit devant de telles études :</p> <p>1- L’e-cigarette ne produit pas de fumée : c’est une inexactitude scientifique qui permet de classer les articles partisans ;</p> <p>2- Il faut analyser avec intelligence ces résultats : les rayons du soleil sont classés cancérogènes certains pour l’être humain… mais sont néanmoins bons pour la vie sur Terre ;</p> <p>3- L’être humain n’est pas une souris : la plupart des études de cancérogénèse positives par inhalation chez la souris ne sont pas confirmées chez l’être humain ;</p> <p>4- Les auteurs ne disent pas que cela cause le cancer, mais pourrait y contribuer, et invitent à conduire des études complémentaires ;</p> <p>5- Les conditions d’expositions sont souvent farfelues ;</p> <p>6- L’e-cigarette ne sera jamais conseillée par un médecin à un non-fumeur et 99 % des vapoteurs ont une histoire avec la cigarette. Ne pas prendre un contrôle négatif sans exposition et un contrôle positif est une erreur méthodologique majeure ;</p> <p>7- Ces études peu rigoureuses se multiplient, ce qui pose la question de savoir qui a intérêt à publier autant de mauvaise science et pourquoi ;</p> <p>8- Il ne faut analyser que les études ayant un design correct (comparaison avec la fumée de tabac).</p> <h3>L’e-cigarette n’est pas un gadget récréatif</h3> <p>Rappelons ici que le CDC américain (Centers for disease control - principale agence fédérale des États-Unis en matière de protection de la santé publique) recommande notamment aux adolescents et aux jeunes adultes <a href="https://www.cdc.gov/tobacco/basic_information/e-cigarettes/Quick-Facts-on-the-Risks-of-E-cigarettes-for-Kids-Teens-and-Young-Adults.html ?s_cid=OSH_misc_M294">d’en éviter l’usage</a>.</p> <p>Récemment, 15 experts antitabac de renom, anciens directeurs de la Society for Research on Nicotine and Tobacco, ont par ailleurs publié un article <a href="https://ajph.aphapublications.org/doi/pdf/10.2105/AJPH.2021.306416">sur les risques et les bénéfices de l’e-cigarette</a>. Ils y proposent une série de mesures pour limiter l’accès aux plus jeunes, comme taxer plus fortement les produits du tabac combustibles (et taxer à minima les produits de la vape), n’autoriser la vente d’e-liquides aromatisés qu’en boutiques uniquement accessibles aux majeurs.</p> <p>Par ailleurs, la survenue, en 2019, de centaines de cas du syndrome <a href="https://www.cdc.gov/tobacco/basic_information/e-cigarettes/severe-lung-disease.html#overview">EVALI</a> (« E-cigarette or Vaping Use-Associated Lung Injury »), une maladie pulmonaire sévère liée à l’usage de e-cigarettes, souligne l’importance de l’origine et de la composition des e-liquides. Si des <a href="https://www.nejm.org/doi/10.1056/NEJMoa1911614">interrogations semblent demeurer</a> sur les substances impliquées, ils auraient pu contenir du THC et du CBD (cannabinoïdes issus du cannabis), et avoir été <a href="https://theconversation.com/la-vape-un-marche-en-pleine-mutation-164126">achetés hors des circuits légaux</a>.</p> <p>Pour s’assurer que les liquides vendus respectent les doses légales de nicotine notamment, il faut acheter en boutique des produits de distributeurs français répondant aux <a href="https://normalisation.afnor.org/thematiques/cigarettes-electroniques/">normes AFNOR</a>. L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a de son côté établi une liste de référence inédite, référençant près de 1 200 substances identifiées. Elle envisage en outre d’évaluer <a href="https://www.anses.fr/fr/system/files/PRES2020DPA01.pdf">les risques liés à l’inhalation de certaines substances</a>.</p> <p>Pour conclure, il est important de garder à l’esprit que la cigarette électronique n’est pas un gadget récréatif destiné aux non-fumeurs ou aux mineurs, mais bien un outil - efficace - visant au sevrage tabagique.</p> <hr /> <h4>Remerciements au Pr Bertrand Dautzenberg pour ses commentaires pertinents.<img src="https://counter.theconversation.com/content/166851/count.gif?distributor=republish-lightbox-basic" alt="The Conversation" width="1" height="1" /></h4> <h4><span><a href="https://theconversation.com/profiles/philippe-arvers-336166">Philippe Arvers</a>, Médecin addictologue et tabacologue, <em><a href="https://theconversation.com/institutions/universite-grenoble-alpes-uga-2279">Université Grenoble Alpes (UGA)</a></em></span></h4> <h4>Cet article est republié à partir de <a href="https://theconversation.com">The Conversation</a> sous licence Creative Commons. 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Et plus largement, la vape présente-t-elle des risques ?</p> <h3>Quelle est la position des autorités de santé sur la vape ?</h3> <p>Si les recommandations de la Haute Autorité de Santé <a href="https://www.has-sante.fr/jcms/c_272433/fr/aide-au-sevrage-tabagique">en matière de sevrage tabagique</a>, mises en ligne en 2006, n’ont pas été actualisées depuis 2010, les sociétés savantes ont évolué quant à la place de la vape dans le sevrage tabagique.</p> <p>Ainsi, en 2018, la <a href="https://sfar.org/le-vapotage-peut-il-conduire-a-recuser-un-patient-en-vue-dune-anesthesie/">Société française d’anesthésie-réanimation (SFAR)</a> a précisé que</p> <blockquote> <p>« l’usage de la cigarette électronique, alors que la population des fumeurs et ex-fumeurs qui y a recours ne cesse d’augmenter, doit être considéré par les médecins anesthésistes-réanimateurs comme une aide très positive en période préopératoire, cette dernière étant bien identifiée comme très favorable à la décision d’arrêt du tabac».</p> </blockquote> <p>Dans le cadre du mois sans tabac 2019, la Société francophone de tabacologie (SFT) et la Société de pneumologie de langue française (SPLF) ont publié un <a href="http://societe-francophone-de-tabacologie.org/dl/Vape-SFT_SPLF-MoissansTabac-20191101.pdf">communiqué de presse commun</a>. On pouvait notamment y lire que</p> <blockquote> <p>« La cigarette électronique est probablement une aide efficace pour arrêter de fumer. Elle doit dans ce cas être utilisée de façon transitoire (en l’absence de donnée précise sur ses effets à long terme) en vue de l’arrêt de la consommation tabagique. Elle doit être proscrite chez les non-fumeurs. […] Fumer et vapoter dans le même temps n’est pas une solution, car cette conduite ne réduit pas les risques liés au tabac. »</p> </blockquote> <p>L’Institut national du cancer (InCA) ne dit pas autre chose dans sa brochure <a href="https://www.e-cancer.fr/ressources/Agir_pour_sa_sante.html">Agir pour sa santé</a>, précisant que la cigarette électronique « peut être un outil d’aide à l’arrêt du tabac. Utilisée seule et non en association avec la cigarette traditionnelle, elle permet de réduire les risques liés au tabac. »</p> <p>Mais quelle est l’efficacité réelle de la cigarette électronique pour le sevrage tabagique ? Pour le savoir, il faut se tourner vers les études scientifiques.</p> <h3>Une aide efficace au sevrage</h3> <p>Peter Hajek et son équipe ont cherché à évaluer cette efficacité. Ils ont pour cela mené une étude impliquant 886 fumeurs ayant recours soit à un traitement de substitution nicotinique, soit à une vapoteuse de seconde génération (avec 18 mg de nicotine). Dans les deux groupes, les participants assistaient chaque semaine à une séance hebdomadaire de soutien comportemental, 4 semaines durant. Les résultats de ces travaux ont été publiés en 2019 dans la prestigieuse revue médicale <a href="https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/nejmoa1808779">New England Journal of Medicine</a></p> <p>Au bout d’un an de suivi, il est ressorti que la vape avait de meilleurs résultats, cependant son utilisation persistait dans le temps. Les chercheurs ont ainsi constaté près de deux fois plus d’abstinence tabagique parmi les vapoteurs (18 %) que parmi ceux qui utilisaient un traitement de substitution nicotinique (9,9 %). Parmi les abstinents, ceux du groupe « e-cigarette » étaient toutefois plus susceptibles que ceux du groupe « traitement de substitution nicotinique » de continuer à utiliser au-delà d’un an le produit qui leur avait été attribué (80 %, soit 63 des 79 participants, contre 9 %, soit 4 des 44 participants).</p> <h4 style="text-align: center;"><img src="https://images.theconversation.com/files/422759/original/file-20210922-21-1g2pv9r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" alt="Homme en train de vapoter, assis sur un banc en ville." /></h4> <h4 style="text-align: center;"><em><span>Les vapoteurs ont tendance à continuer après avoir arrêté le tabac.</span> <span><a href="https://unsplash.com/photos/vdiva7py4QM">Ryan Grice / Unsplash</a></span></em></h4> <p>Plus récemment, en 2021, <a href="https://www.cochranelibrary.com/cdsr/doi/10.1002/14651858.CD010216.pub5/full">une revue Cochrane</a> (revue destinée à l’organisation et au partage de l’information dans la recherche médicale) a été consacrée à la vape. Elle incluait 56 études ayant porté sur 12 804 adultes fumeurs de tabac. Les études avaient là encore comparé la vape (avec nicotine) à différents traitements destinés à aider à arrêter de fumer : substitution nicotinique, <a href="https://www.has-sante.fr/jcms/c_2725862/fr/champix-varenicline-tartrate-de-agoniste-partiel-des-recepteurs-nicotiniques-cerebraux">varénicline</a> (<em>molécule mimant les effets de la nicotine, ndlr</em>), vape sans nicotine, soutien comportemental seul et absence de soutien comportemental.</p> <p>Une nouvelle fois, les résultats plaident en faveur de la vape. L’abstinence à six mois était ainsi plus fréquente dans les groupes « vapoteuse avec nicotine » (trois études) et « vapoteuse sans nicotine » (quatre études) que dans le groupe « substitution nicotinique », ou « avec soutien comportemental seul » (cinq études). En effet, sur 100 personnes utilisant la vape avec nicotine, 10 ou 11 deviennent abstinentes (sevrage tabagique), contre 6 sur 100 pour celles qui utilisent les substitutions nicotiniques ou la vape sans nicotine, et 4 sur 100 pour les personnes qui ne suivent aucun traitement ou ne bénéficient que d’un soutien comportemental.</p> <p>Mais à l’inverse, vapoter quand on n’a jamais fumé risque-t-il d’inciter à essayer le tabac ?</p> <h3>Chez les jeunes, vapoter n’est pas synonyme de passage au tabac</h3> <p>Les données récentes de <a href="http://www.espad.org/espad-report-2019">l’étude ESPAD 2019</a>, que <a href="https://theconversation.com/alcool-tabac-cannabis-ou-en-est-la-consommation-des-jeunes-francais-152138">je détaillais récemment</a>, indiquent quelles places respectives occupent le tabac et la vape dans les pratiques des jeunes Français et de leurs homologues européens.</p> <p>La vape, quant à elle, attire davantage les garçons que les filles : 51 % des premiers se sont laissés tenter par l’e-cigarette, contre 41 % des secondes seulement des secondes, et 20 % des garçons ont vapoté au cours du dernier mois, contre 13 % des filles.</p> <p>En 2017, j’avais également écrit que <a href="https://theconversation.com/le-vapotage-nest-pas-une-porte-dentree-dans-le-tabagisme-pour-les-jeunes-87833">le vapotage n’est pas une porte d’entrée dans le tabagisme pour les jeunes</a>. Si certaines études ont montré qu’il pouvait y avoir une association positive entre expérimentation de la vape et passage au tabac <a href="https://theconversation.com/la-cigarette-electronique-encourage-le-tabagisme-chez-les-ados-89549">dans les pays anglo-saxons</a>, ce lien causal n’est pas absolu.</p> <p>En France notamment, cela ne semble pas être le cas, comme l’ont démontré plusieurs travaux, dont l’étude publiée fin 2020 par l’équipe de Stéphane Legleye. Effectuée auprès de <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/add.15330">24 111 jeunes Français âgés de 17 à 18 ans</a>, elle apporte plusieurs éléments forts et, pour une fois, spécifiques au contexte français :</p> <p>• Commencer avec la vape ne signifie pas une augmentation du risque de fumer du tabac ultérieurement ; cela diminue même le risque de manière importante (avec un risque relatif, RR, de 0,58 ; on considère qu’un effet est bénéfique quand RR est inférieur à 1) ;</p> <p>• Plus l’expérimentation de la vape est tardive, plus le risque de passage au tabagisme dans un second temps diminue (le RR passant de 0,88 pour une initiation à l’âge de 11 ans à 0,38 à l’âge de 17 ans).</p> <h4 style="text-align: center;"><img src="https://images.theconversation.com/files/422752/original/file-20210922-23-p6z4j3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" alt="Jeune femme en train de vapoter." /></h4> <h4 style="text-align: center;"><em><span>La vape ne mène pas forcément les jeunes sur le chemin du tabagisme.</span> <span><a href="https://unsplash.com/photos/ISr5E7f7zkM">Maxim Potkin / Unsplash</a></span></em></h4> <p>Dans cette étude (<a href="https://theconversation.com/alcool-tabac-cannabis-ou-en-est-la-consommation-des-jeunes-francais-152138">ESPAD2019</a>), basée sur des questionnaires autorapportés, 5 616 jeunes Français ont déclaré avoir expérimenté la vape en premier et 2 410 d’entre eux n’ont pas expérimenté le tabac dans un deuxième temps. Par contre, on ne sait pas s’il y avait de la nicotine et/ou des arômes lors de cette expérimentation.</p> <p>Si le contexte culturel de chaque pays joue évidemment un rôle, à l’échelle mondiale on n’a pas observé d’augmentation du tabagisme chez les jeunes depuis l’arrivée de la vape sur le marché mondial – ce serait même le contraire. Or, <a href="https://theconversation.com/pourquoi-retarder-linitiation-au-tabagisme-est-capital-86506">retarder l’initiation au tabagisme est capital</a>. Tout ce qui y contribue est à considérer.</p> <p>Et si l’attrait des jeunes pour la vape s’accompagne du choix de ces produits sans monoxyde de carbone et chargé de beaucoup moins de substances toxiques, je dirai que c’est un moindre mal, tant le tabac est à l’origine de nombreuses maladies (cardio-vasculaires ou métaboliques, pulmonaires, nombreux cancers, etc.) et augmente le risque de décès. On parle de « réduction des risques pour la santé ». D’autant que bien souvent, il s’agira de vapoter sans nicotine ni substance addictive.</p> <h3>Femme enceinte : la vape est déconseillée</h3> <p>En 2020, le rapport d’experts <a href="http://societe-francophone-de-tabacologie.org/dl/Rapport_Recos-Tabagisme_Grossesse-CNGOF_SFT-2020.pdf">« Prise en charge du tabagisme en cours de grossesse</a> a été publié. Élaboré par le Collège national des gynécologues et obstétriciens français (<a href="http://www.cngof.fr/">CNGOF</a>) et la Société francophone de tabacologie (<a href="http://societe-francophone-de-tabacologie.org/">SFT</a>), il déconseille le recours à la vape pendant la grossesse :</p> <blockquote> <p>« Bien que le fœtus ne soit pas exposé aux toxiques combustibles de la cigarette “classique”, d’autres recherches sont nécessaires sur les autres composants de la cigarette électronique, comme les arômes. En l’état actuel des connaissances, il convient de respecter le principe de précaution. »</p> </blockquote> <p>On peut toutefois regretter que « vape, tabac chauffé, chicha et snus (tabac oral d’origine suédoise) » soient mis sur le même plan. Une étude menée en 2017 dans une maternité de Dublin (Irlande) permet d’aller plus loin et d’évaluer les effets du vapotage pendant la grossesse par rapport au tabac. <a href="https://obgyn.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/1471-0528.16110">Elle a suivi 449 femmes enceintes sur 13 mois</a>, dont 195 vapo-fumeuses et 218 vapoteuses exclusives.</p> <h4 style="text-align: center;"><img src="https://images.theconversation.com/files/422757/original/file-20210922-23-1l0k5pj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" alt="Femme en train de vapoter." /><em><span><br /></span></em></h4> <h4 style="text-align: center;"><em><span>La vape est déconseillée aux femmes enceintes.</span> © <span><a href="https://pixabay.com/fr/photos/vapoter-e-cig-vaporisateur-3677946/">sarahjohnson1 / Pixabay</a></span></em></h4> <p>De ses résultats, publiés début 2020, il ressort une absence de conséquences sur le poids des enfants à la naissance chez les vapoteuses exclusives, à la différence de ce qui se mesure chez les vapo-fumeuses. En effet, le poids de naissance des bébés des vapoteuses est identique à celui des non-fumeuses (3470 ± 535 grammes vs 3471 ± 504 grammes), et supérieur à celui des enfants des fumeuses (3470 ± 535 grammes vs 3166 ± 502 grammes). Aucune différence n’est observée en termes de durée de grossesse et <a href="http://campus.cerimes.fr/maieutique/UE-puericulture/vie_extrauterine/site/html/7.html#:%7E:text=C%E2%80%99est%20un%20score%2C%20propos%C3%A9,pour%20juger%20d%E2%80%99une%20%C3%A9volution.">score d’Apgar </a>(Apparence, pouls, grimace, activité, respiration) à la naissance et passage en unité de soins intensifs.</p> <h3>Les risques pour la santé</h3> <p>Petit rappel : la communauté scientifique s’accorde pour dire que les émissions des vapoteuses sont moins nocives que la fumée des cigarettes. En effet, l’aérosol de la vape ne contient pas les nombreuses substances chimiques irritantes, toxiques et cancérigènes de la fumée de tabac comme les goudrons ou le monoxyde de carbone (de 9 à 450 fois moins). Une étude publiée en janvier 2021 par <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0304389420314060">l’Institut Pasteur</a> a établi que « les aérosols générés par les cigarettes électroniques contiennent moins de 1 % des toxiques retrouvés dans la fumée de cigarette ».</p> <p>Et on sait également qu’il n’y a pas, dans la vape, <a href="https://www.cancer-environnement.fr/392-Cigarette-electronique.ce.aspx">de combustion incomplète</a> et par conséquent pas de monoxyde de carbone (CO). Ce gaz inodore et incolore se fixe sur nos globules rouges à la place de l’oxygène, et cela entraîne une augmentation de la pression artérielle et du rythme cardiaque.</p> <p>Au Royaume-Uni, dès 2015, le ministère de la Santé écrivait ainsi que « <a href="https://www.gov.uk/government/news/e-cigarettes-around-95-less-harmful-than-tobacco-estimates-landmark-review">la vape réduit les risques pour la santé de 95 %</a> », en se référant au rapport du Public Health England, coordonné par les Professeurs Ann McNeill (King’s College London) et Peter Hajek (Queen Mary University of London), dont la dernière mise à jour date de <a href="https://www.gov.uk/government/publications/vaping-in-england-evidence-update-february-2021">février 2021</a>.</p> <p>Si la vape n’a pas la nocivité de la cigarette, est-elle pour autant sans risque ? Les données restent pour l’heure compliquées à obtenir.</p> <h4 style="text-align: center;"><img src="https://images.theconversation.com/files/422762/original/file-20210922-13-1jnza0x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" alt="Homme en train de vapoter en marchant dans la rue." /></h4> <h4 style="text-align: center;"><em><span>La plupart des adeptes de la cigarette électronique sont d’anciens fumeurs.</span> <span><a href="https://unsplash.com/photos/BPDSvauOc9k">Getúlio Moraes / Unsplash</a></span></em></h4> <p>L’une des principales raisons est que la majorité des vapoteurs sont des ex-fumeurs ou vapo-fumeurs : il est difficile, dès lors, de préciser ce qui pourrait être attribuable à la vape, étant donné la toxicité du tabac, à court, moyen et long terme. <a href="https://www.addictaide.fr/larret-du-tabac-grace-a-la-vape-permet-de-reduire-les-risques-pour-la-sante-selon-le-specialiste-mondial-de-la-nicotine-le-professeur-benowitz/">C’est ce que pointe Neal Benowitz, spécialiste mondial de la nicotine,</a>, tout en rappelant que si la vape est moins nocive que le tabac, elle n’est pas sans risque.</p> <p>Que penser de certaines publications scientifiques mentionnant un risque accru, chez l’animal, de <a href="https://www.pnas.org/content/116/43/21727">cancer du poumon et de la vessie</a>, ou évoquant des <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC6763255/">modifications de certaines cellules immunitaires (macrophages)</a> ? Ou des travaux <em>in vitro</em> (sur des cellules en culture) montrant des <a href="https://www.nature.com/articles/s41598-021-97013-z">modifications d’expression de certains gènes</a> ? En 2015, une étude publiée dans <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1368837515003620">Oral Oncology</a> avait même montré une altération de l’ADN des cellules… Doit-on s’inquiéter de ces résultats ?</p> <h3>Se méfier des conditions expérimentales</h3> <p>Un point important à souligner est que les conditions expérimentales de ces études sont irréalistes. En outre, leur extrapolation à l’être humain est contestable.</p> <p>Concernant par exemple <a href="https://www.pnas.org/content/116/43/21727">l’étude de la revue PNAS</a> mentionnant un risque accru de cancer du poumon et de la vessie chez la souris, il s’agissait de travaux menés sur quarante souris, exposées aux fumées de cigarette électronique pendant 54 semaines, soit un peu plus d’un an. Elles les respiraient quatre heures par jour, cinq jours par semaine, <a href="https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/le-vrai-du-faux/que-penser-de-l-etude-americaine-qui-fait-le-lien-entre-cigarette-electronique-et-cancer-chez-les-souris_3653345.html">des conditions extrêmes qui n’ont rien à voir avec la réalité</a>. De plus, la concentration de nicotine utilisée (36 mg/mL) est presque deux fois plus élevée que le seuil autorisé en France (20 mg/mL), et le nombre de souris dans l’expérience témoin est trop faible : d’où un risque de biais statistiques.</p> <p>Pour le professeur Bertrand Dautzenberg, tabacologue et président de la commission de normalisation AFNOR sur les cigarettes électroniques, huit points doivent être présents à l’esprit devant de telles études :</p> <p>1- L’e-cigarette ne produit pas de fumée : c’est une inexactitude scientifique qui permet de classer les articles partisans ;</p> <p>2- Il faut analyser avec intelligence ces résultats : les rayons du soleil sont classés cancérogènes certains pour l’être humain… mais sont néanmoins bons pour la vie sur Terre ;</p> <p>3- L’être humain n’est pas une souris : la plupart des études de cancérogénèse positives par inhalation chez la souris ne sont pas confirmées chez l’être humain ;</p> <p>4- Les auteurs ne disent pas que cela cause le cancer, mais pourrait y contribuer, et invitent à conduire des études complémentaires ;</p> <p>5- Les conditions d’expositions sont souvent farfelues ;</p> <p>6- L’e-cigarette ne sera jamais conseillée par un médecin à un non-fumeur et 99 % des vapoteurs ont une histoire avec la cigarette. Ne pas prendre un contrôle négatif sans exposition et un contrôle positif est une erreur méthodologique majeure ;</p> <p>7- Ces études peu rigoureuses se multiplient, ce qui pose la question de savoir qui a intérêt à publier autant de mauvaise science et pourquoi ;</p> <p>8- Il ne faut analyser que les études ayant un design correct (comparaison avec la fumée de tabac).</p> <h3>L’e-cigarette n’est pas un gadget récréatif</h3> <p>Rappelons ici que le CDC américain (Centers for disease control - principale agence fédérale des États-Unis en matière de protection de la santé publique) recommande notamment aux adolescents et aux jeunes adultes <a href="https://www.cdc.gov/tobacco/basic_information/e-cigarettes/Quick-Facts-on-the-Risks-of-E-cigarettes-for-Kids-Teens-and-Young-Adults.html ?s_cid=OSH_misc_M294">d’en éviter l’usage</a>.</p> <p>Récemment, 15 experts antitabac de renom, anciens directeurs de la Society for Research on Nicotine and Tobacco, ont par ailleurs publié un article <a href="https://ajph.aphapublications.org/doi/pdf/10.2105/AJPH.2021.306416">sur les risques et les bénéfices de l’e-cigarette</a>. Ils y proposent une série de mesures pour limiter l’accès aux plus jeunes, comme taxer plus fortement les produits du tabac combustibles (et taxer à minima les produits de la vape), n’autoriser la vente d’e-liquides aromatisés qu’en boutiques uniquement accessibles aux majeurs.</p> <p>Par ailleurs, la survenue, en 2019, de centaines de cas du syndrome <a href="https://www.cdc.gov/tobacco/basic_information/e-cigarettes/severe-lung-disease.html#overview">EVALI</a> (« E-cigarette or Vaping Use-Associated Lung Injury »), une maladie pulmonaire sévère liée à l’usage de e-cigarettes, souligne l’importance de l’origine et de la composition des e-liquides. Si des <a href="https://www.nejm.org/doi/10.1056/NEJMoa1911614">interrogations semblent demeurer</a> sur les substances impliquées, ils auraient pu contenir du THC et du CBD (cannabinoïdes issus du cannabis), et avoir été <a href="https://theconversation.com/la-vape-un-marche-en-pleine-mutation-164126">achetés hors des circuits légaux</a>.</p> <p>Pour s’assurer que les liquides vendus respectent les doses légales de nicotine notamment, il faut acheter en boutique des produits de distributeurs français répondant aux <a href="https://normalisation.afnor.org/thematiques/cigarettes-electroniques/">normes AFNOR</a>. L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a de son côté établi une liste de référence inédite, référençant près de 1 200 substances identifiées. Elle envisage en outre d’évaluer <a href="https://www.anses.fr/fr/system/files/PRES2020DPA01.pdf">les risques liés à l’inhalation de certaines substances</a>.</p> <p>Pour conclure, il est important de garder à l’esprit que la cigarette électronique n’est pas un gadget récréatif destiné aux non-fumeurs ou aux mineurs, mais bien un outil - efficace - visant au sevrage tabagique.</p> <hr /> <h4>Remerciements au Pr Bertrand Dautzenberg pour ses commentaires pertinents.<img src="https://counter.theconversation.com/content/166851/count.gif?distributor=republish-lightbox-basic" alt="The Conversation" width="1" height="1" /></h4> <h4><span><a href="https://theconversation.com/profiles/philippe-arvers-336166">Philippe Arvers</a>, Médecin addictologue et tabacologue, <em><a href="https://theconversation.com/institutions/universite-grenoble-alpes-uga-2279">Université Grenoble Alpes (UGA)</a></em></span></h4> <h4>Cet article est republié à partir de <a href="https://theconversation.com">The Conversation</a> sous licence Creative Commons. 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La fidélité absolue est un concept éculé et hypocrite qui a pour but principal que les hommes soient certains que les enfants qui sortent des ventres de leur épouse soient bien le produit de leurs spermatozoïdes à eux. Transmettre ses gènes est un réflexe très animal, si Sapiens est vraiment un être supérieur, il devrait se détendre sur cette question. En plus, Pierre et moi n’avons pas fait d’enfants, trop concentrés sur nous-mêmes et nos vies à réussir. Marie, ma sœur, prétend que pour les femmes, l’importance de la fidélité n’a pas pour but la perpétuation de l’espèce mais plutôt la conservation à leur côté du mâle qui assure leur protection. Elle se trompe. Si Pierre et moi sommes toujours ensemble après trente-cinq ans de mariage, c’est justement parce que nous nous laissons la liberté d’aller de temps en temps voir ailleurs. Marie, elle, ne souhaitait plus de rapports sexuels tout en menaçant son mari de le quitter s’il la trompait. C’est lui qui est parti avec la première maîtresse qu’il s’est autorisée.</p> <p>Mais Pierre a changé.</p> <p>Nous nous sommes connus dans une manifestation contre le racisme alors que nous avions vingt-sept ans. Il était graphiste tandis que moi j’enseignais le français à des réfugiés dans un centre géré par l’Eglise protestante. Je l’avais déjà remarqué à d’autres occasions au fil des ans – Lausanne est une petite ville – notamment lors d’une soirée chez Jean-Luc, lequel a été mon amant lorsque j’avais vingt ans et que j’hésitais entre le trotskisme et l’écologie politique. Lorsque Jean-Luc, figure de proue des trotskistes locaux, m’avait quittée pour une camarade d’origine kurde plus valorisante pour lui, j’avais renoncé aux principes de la Quatrième Internationale et milité pour la sauvegarde de la planète, jusqu’à ma rencontre avec un zapatiste belge avec qui je suis partie au Mexique où j’ai attrapé une infection sexuellement transmissible. De retour en Suisse, j’ai soigné ma salpingite et terminé mes études de lettres. Entre deux amants de passage, je traversais de longues périodes d’abstinence sexuelle sans que cela me coûte. A la manif, j’ai trouvé Pierre très beau avec sa moustache et sa barbe de cinq jours. Et je l’ai trouvé irrésistible lorsqu’il a jeté une bouteille vide en direction des forces de l’ordre qui voulaient nous empêcher d’accéder à la salle où se déroulait une assemblée de l’UDC, ce parti d’extrême droite honni par nous. Pierre s’est fait réprimander par les camarades communistes qui assuraient le service d’ordre et il a fini par en venir aux mains avec eux. J’ai spontanément pris sa défense, nous nous sommes faits bousculer et avons quitté la manifestation, lui avec une arcade sourcilière fendue, moi avec un fort désir pour lui. Je l’ai emmené chez moi pour soigner sa blessure et nous avons fait l’amour toute la nuit. Deux semaines plus tard nous emménagions ensemble; nous ne nous sommes plus quittés.</p> <p>L’autre soir, alors que nous avions des invités à la maison, il m’a semblé reconnaître chez Pierre les signes d’une tension extrême. Depuis le temps, je le connais bien. Serge et Mireille, nos invités, l’ont eux aussi sentie, cette tension. Ce sont tout à la fois des amis et des clients. Des amis parce que comme nous ils sont de centre gauche, des clients car ils font appel à notre agence de communication pour promouvoir leur commerce. Après avoir été de grands voyageurs, Serge et Mireille vendent aujourd’hui des produits venus d’Asie, principalement d’Inde mais aussi de Birmanie et du Cambodge. Ils sélectionnent avec soins les artisans, privilégiant les structures coopératives respectueuses de l’environnement et du bien-être des populations locales. Nous gérons leur site internet et leur publicité, et tournons même pour eux des clips promotionnels. Pierre est devenu agressif avec Mireille lorsque celle-ci a déclaré que les néo-féministes exagéraient et que #MeToo décourageait toute tentative de séduction de la part des hommes. «Je n’ai pas peur de le dire, j’aime bien que l’on me tienne la porte et que les hommes me fassent sentir qu’ils me désirent…» Pierre lui a rétorqué que le patriarcat était une forme de fascisme et qu’en tant que progressiste nous devions tout faire pour l’abattre. J’ai essayé de dévier la conversation sur la nourriture bio mais très vite c’est l’écriture inclusive qui a fait s’échauffer les esprits. Serge, qui se pique d’aimer la littérature, a déclaré que le français était en danger, qu’il fallait le sauver des points médians et des réformes de l’orthographe. Pierre a rétorqué que pour rester vivantes les langues devaient changer, que les normes les étouffaient, que les règles orthographiques avaient été inventées pour empêcher les pauvres d’accéder aux études. «Etes-vous allés récemment au cinéma?» ai-je incidemment demandé à Mireille?</p> <p>Le lendemain, elle m’a appelée. «Avec Serge, on se demande si Pierre n’est pas en train devenir woke…» Mon sang s’est figé dans mes veines, une sourde angoisse est montée de mon estomac jusque dans ma gorge. «Non, non… Vous vous trompez… Vous avez bien vu, il continue de manger de la viande», ai-je rassuré Mireille. Mais le doute s’était instillé en moi, je me suis mise à mieux observer Pierre et, pour la première fois, j’ai fouillé dans ses poches et ses agendas, même dans son ordinateur. Ce que j’ai découvert est effrayant…</p> <p style="text-align: right;"><em>Suite la semaine prochaine</em></p> <hr /> <h4>Pierre Ronpipal est l’auteur de<br /><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1734002707_damned01.jpg" class="img-responsive img-fluid normal " width="149" height="206" /><br />«A moi de choisir ceux qui vont mourir»<br /><span>et de<br /></span><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1734002742_cover20242.jpg" class="img-responsive img-fluid normal " width="154" height="207" /><br />«Le vert était rouge à l’intérieur»<br />aux <a href="https://nouvelleseditionshumus.ch/" target="_blank" rel="noopener">Nouvelles Editions Humus</a></h4>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'un-bien-cruel-conte-de-noel-1', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 39, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 6, 'person_id' => (int) 85, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'comments' => [ [maximum depth reached] ], 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Posts' }, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 5284, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => true, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => null, 'readed' => null, 'subhead' => null, 'title' => 'Les ramasseurs de déchets, grands perdants du récit dominant sur la pollution plastique', 'subtitle' => 'A Busan, en Corée du Sud, les discussions sur le traité mondial sur la pollution plastique, qui se tenaient du 25 novembre au 1er décembre, se sont soldées par un échec. 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En jeu, rien de moins que les causes de la crise de la pollution plastique et les solutions appropriées pour y remédier.</p> <ul> <li> <p>D’un côté, la <a href="https://hactoendplasticpollution.org/fr/">Coalition de haute ambition</a> (HAC), les activistes du «zéro déchet» et de <a href="https://theconversation.com/traite-mondial-contre-la-pollution-plastique-en-coulisses-le-regard-des-scientifiques-francais-presents-234046">nombreux scientifiques</a> insistent sur la nécessité d’une <a href="https://hactoendplasticpollution.org/hac-member-states-ministerial-joint-statement-for-inc-5/">approche globale portant sur l’ensemble du cycle de vie des plastiques</a>, y compris leur production.</p> </li> <li> <p>De l’autre côté, une <a href="https://medium.com/points-of-order/spoiler-alert-f737a24292e6">petite minorité d’Etats</a> ainsi que l’industrie pétrochimique ont à de nombreuses reprises détourné l’attention de cette question de la production des plastiques. Au lieu de cela, ils accusent des <a href="https://psmag.com/environment/the-epa-blames-six-asian-nations-that-the-u-s-exports-plastic-waste-to-for-ocean-pollution/">systèmes de recyclage inadéquats et une mauvaise gestion des déchets</a>.</p> </li> </ul> <p>L’attention portée au recyclage des plastiques et à la gestion des déchets touche en réalité des millions de personnes en Asie, en Amérique du Sud et en Afrique. Il s’agit des travailleurs qui récupèrent, réutilisent ou revendent les plastiques, les textiles, l’aluminium et d’autres matériaux précieux issus des déchets.</p> <p>Dans le cadre du traité sur les plastiques, pour que ces travailleurs informels soient reconnus, que leurs conditions de travail puissent être améliorées et qu’ils puissent bénéficient d’une transition écologique plus équitable, les solutions politiques doivent aller au-delà des mécanismes économiques basés sur le seul marché et des stratégies axées sur le profit.</p> <p>Si ce n’est pas le cas, les efforts en faveur d’un recyclage plus inclusif et du développement de l’économie circulaire risquent de renforcer les injustices mêmes qu’ils prétendent combattre.</p> <h3>Qui sont les ramasseurs informels de déchets?</h3> <p>Les collecteurs de déchets – et les autres personnes travaillant avec eux dans un cadre informel et coopératif – effectuent une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0921344924001824#sec0021">grande partie du travail de recyclage à l’échelle mondiale</a>. Ils réduisent de manière significative la quantité de plastique qui se retrouve dans les océans.</p> <p>Malgré cela, et parce qu’ils font un travail salissant et vivent dans des endroits sales, ils sont souvent tenus pour responsables du problème de la pollution plastique. Dans les discours politiques des villes et des Etats, leur travail a longtemps été <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/0956247816657302">tourné en dérision, considéré comme non qualifié et inefficace</a>. <a href="https://www.undp.org/blog/unsung-heroes-four-things-policymakers-can-do-empower-informal-waste-workers">L’absence de reconnaissance officielle</a> de leur travail rend leurs revenus particulièrement instables et précaires. Les réglementations environnementales peuvent <a href="https://iopscience.iop.org/article/10.1088/1748-9326/ac6b49">aggraver ces menaces</a> en accélérant la privatisation du traitement des déchets.</p> <p>Alors que les efforts de lutte contre la pollution plastique gagnent du terrain, les ramasseurs informels sont soumis à une double pression:</p> <ul> <li> <p>Ils doivent protéger leur accès aux déchets, car c’est l’un des rares moyens de subsistance dont ils disposent.</p> </li> <li> <p>En même temps, ils cherchent à améliorer leurs conditions de vie et de travail.</p> </li> </ul> <p>Un groupe de ramasseurs de déchets a donc profité de l’ouverture des négociations pour <a href="https://globalrec.org/document/just-transition-waste-pickers-un-plastics-treaty/">plaider en faveur de la reconnaissance de leur travail</a>. Il a été demandé que leurs contributions historiques à la réduction de la pollution plastique soient explicitement reconnues, et qu’un objectif explicite de transition juste soit intégré au traité sur les plastiques.</p> <h3>Avec l’économie circulaire, tout le monde est gagnant?</h3> <p>La <a href="https://theconversation.com/quatre-idees-recues-sur-la-transition-juste-227569">transition juste</a> est un principe défendu par les groupes de travailleurs et les défenseurs de la justice sociale afin de garantir que les politiques de transition écologique protègent, améliorent et compensent équitablement les moyens de subsistance des travailleurs et des communautés affectés par l’environnement.</p> <p>Les ramasseurs de déchets ont utilisé ce terme pour réclamer que le traité comprenne des dispositions pour améliorer leurs conditions de travail et de sécurité. Mais également pour que le traité intègre davantage les travailleurs informels aux systèmes de gestion des déchets, et pour exiger que les systèmes de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/responsabilite-elargie-du-producteur-67766">responsabilité élargie des producteurs</a> (REP) soutiennent aussi les travailleurs du secteur des déchets, en particulier les <a href="https://www.wiego.org/gender-waste-project">femmes et d’autres groupes vulnérables</a>.</p> <p>Etonnamment, ces demandes ont obtenu le soutien d’un large éventail de parties prenantes puissantes. Par exemple la <a href="https://www.businessforplasticstreaty.org/vision-statement#Key-elements">Business Coalition for a Plastics Treaty</a>, les <a href="https://news.un.org/en/story/2024/10/1156301">dirigeants des Nations unies</a> et même <a href="https://resolutions.unep.org/resolutions/uploads/american_chemistry_council.pdf">l’industrie pétrochimique</a>.</p> <p>Certaines de ces demandes ont été intégrées aux projets de traité sur les plastiques discutés au cours des négociations, ce qui représente une victoire majeure pour les travailleurs du secteur informel des déchets.</p> <p>Un consensus se dégage sur le fait qu’une économie circulaire inclusive peut être bénéfique à la fois pour l’environnement, l’économie et les travailleurs en améliorant la gestion de la pollution, les moyens de subsistance et les opportunités de croissance économique pour les entreprises.</p> <p>Ces promesses demandent toutefois à être vérifiées sur le terrain. Et c’est là que les choses se compliquent.</p> <h3>« Gagnant-gagnant », mais la victoire de qui ?</h3> <p>Dans mon livre <a href="https://mitpress.mit.edu/9780262546973/recycling-class/"><em>Recycling Class</em></a>, j’examine comment les efforts de recyclage inclusif ont été mis en œuvre à Bengaluru, l’une des plus grandes villes de l’Inde.</p> <figure><a href="https://images.theconversation.com/files/635250/original/file-20241129-15-cdpt12.jpg?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img src="https://images.theconversation.com/files/635250/original/file-20241129-15-cdpt12.jpg?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" alt="" /></a> <figcaption><span></span></figcaption> </figure> <p>Dans cet ouvrage, je défends que l’intégration dans des programmes d’économie circulaire basés sur le marché n’est pas une solution miracle aux injustices ancrées dans les systèmes de production, de consommation et de production des déchets.</p> <p>La plupart des politiques d’économie circulaire et de recyclage inclusif reposent sur des mécanismes de marché, partant du principe que la création de marchés pour les déchets incitera les acteurs du marché à récupérer efficacement les déchets et à les convertir en ressources.</p> <p>Pour remplir leurs obligations en matière de <a href="https://theconversation.com/faire-payer-plus-les-entreprises-pour-quelles-reduisent-les-emballages-130073">responsabilité élargie des producteurs</a> (REP), les marques peuvent alors s’engager à acheter des plastiques recyclés et à financer la collecte des déchets en achetant des <a href="https://www.worldbank.org/en/programs/problue/publication/unlocking-financing-to-combat-the-plastics-crisis">crédits plastique</a>.</p> <p>Cette approche vise à améliorer le prix des déchets, à augmenter les salaires et à encourager les efforts de collecte, tout en attirant des investissements pour financer l’amélioration des infrastructures et des technologies.</p> <p>Cependant, les mécanismes fondés sur le marché aggravent les inégalités existantes en matière d’accès au marché. Les efforts visant à donner la priorité à la traçabilité et à la transparence – dans le but d’améliorer l’efficacité du marché et le respect de la réglementation – désavantagent souvent les travailleurs informels.</p> <p>Ces derniers ne disposent pas des ressources et des capacités techniques nécessaires pour adopter des systèmes de suivi complexes basés sur les SIG ou la blockchain, et se retrouvent exclus des processus formalisés. Les start-up financées par le capital-risque et les grandes entreprises s’emparent alors du secteur du recyclage.</p> <p>Les multinationales préfèrent d’ailleurs les partenariats avec des start-up technologiques qui offrent des services à «valeur ajoutée» tels que des indicateurs et des tableaux de bord environnementaux, permettant aux entreprises de mettre en scène leur propre récit sur le développement durable. Souvent issus de milieux éduqués et privilégiés, les employés de ces firmes <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S001671852300057X">concurrencent les travailleurs informels existants, les subordonnant au passage</a>.</p> <p>A l’inverse, les femmes et les membres des minorités ethno-raciales et religieuses, qui constituent la majorité des travailleurs des économies informelles des déchets, sont confrontés à des obstacles supplémentaires. Notamment des <a href="https://mouvements.info/recuperateurs-de-dechets/">stigmates sociaux bien ancrés</a> qui limitent leur capacité à participer sur un pied d’égalité à ces marchés émergents. Ils restent toujours relégués aux mêmes tâches manuelles et difficiles, même si leurs conditions de travail en ressortent légèrement améliorées.</p> <h3>L’industrie du plastique maintient le <em>statu quo</em></h3> <p>Malgré les bonnes intentions de départ, des termes tels que «économie circulaire inclusive» sont donc trop souvent utilisés à des fins de <em>green washing</em> et même de <em>justice washing</em>, tandis que les travailleurs continuent à endurer des conditions difficiles. Une étude de <a href="https://www.circle-economy.com/resources/decent-work-in-the-circular-economy">Circle Economy</a> souligne que la plupart des emplois du secteur de l’économie circulaire restent ad-hoc et informels et ne bénéficient pas des garanties d’un emploi décent.</p> <p>En fin de compte, les travailleurs informels sont confrontés à un choix difficile: soit ils acceptent d’être exploités au sein des circuits de traitements des déchets en tant que simples ressources, soit ils risquent de perdre complètement leurs moyens de subsistance.</p> <p>Les systèmes actuels de production et de consommation du plastique déplacent donc la charge des déchets sur des communautés autochtones ou ethniques marginalisées, créant ainsi des <a href="https://www.dukeupress.edu/pollution-is-colonialism">zones sacrifiées</a>. Ce déplacement permet de maintenir la rentabilité, tout en perpétuant les atteintes à l’environnement et les inégalités sociales.</p> <p>En promouvant des technologies de <a href="https://www.bbc.com/afrique/monde-57087908">recyclage chimique</a> non éprouvées et en étendant les marchés du plastique, les entreprises <a href="https://theconversation.com/comment-lindustrie-fossile-influence-les-negociations-mondiales-sur-le-plastique-222112">pétrochimiques</a> et de matières plastiques <a href="https://direct.mit.edu/glep/article/21/2/121/97367/Future-Proofing-Capitalism-The-Paradox-of-the">s’approprient le langage de l’économie circulaire</a>. Cela leur permet de donner un vernis écologique à leurs propositions, tout en maintenant le <em>statu quo</em> sur les inégalités.</p> <p>Pendant ce temps, la HAC, plusieurs ONG et même certains ramasseurs de déchets invoquent également l’économie circulaire comme solution à la crise du plastique, en mettant l’accent sur le réemploi et le recyclage inclusif.</p> <h3>Demander des comptes aux pollueurs plutôt que compter sur l’efficacité du marché</h3> <p>Pour que l’économie circulaire aille au-delà de la simple protection du capitalisme fossile, elle doit prendre en compte les collecteurs de déchets et recycleurs informels dans le Sud et reconnaître les limites des mécanismes basés sur le marché. C’est vrai aussi bien pour le traité international sur la pollution plastique que pour d’autres démarches régionales comme le <a href="https://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/ATAG/2021/679066/EPRS_ATA(2021)679066_FR.pdf">plan d’action de l’UE pour l’économie circulaire</a>.</p> <p>En effet, toute stratégie de lutte contre la pollution plastique basée sur le marché et axée sur le profit est susceptible de reproduire ces schémas d’inégalité. Et par la même occasion, de pérenniser les injustices systémiques qui soutiennent le statu quo. Pour une transition vraiment juste, la lutte contre la pollution plastique ne doit donc pas devenir une opportunité de croissance économique ou de profit.</p> <p>Au contraire, nous avons besoin d’une approche centrée sur la réparation. Il faut d’abord, pour cela, reconnaître les contributions historiques des collecteurs informels du plastique ainsi que les préjudices qu’ils subissent. Puis redistribuer les ressources aux personnes les plus touchées et créer des systèmes qui donnent la priorité à la restauration de l’environnement et à la justice sociale plutôt qu’au profit des entreprises.</p> <p>Une économie circulaire bien financée devrait d’abord renforcer le pouvoir des travailleurs, puis améliorer les capacités des infrastructures et réduire la concentration de ces déchets en produits chimiques toxiques, plutôt que de s’appuyer sur des solutions basées sur le marché qui aggravent les inégalités.</p> <p>Les vraies solutions consistent à demander des comptes aux pollueurs et à adopter des approches circulaires fondées sur la sobriété et la réparation, et non sur l’efficacité du marché.<img src="https://counter.theconversation.com/content/244065/count.gif?distributor=republish-lightbox-basic" alt="The Conversation" width="1" height="1" /></p> <hr /> <h4><span><a href="https://theconversation.com/profiles/manisha-anantharaman-1526162">Manisha Anantharaman</a>, Assistant Professor, Center for the Sociology of Organisations, CNRS/Sciences Po, <em><a href="https://theconversation.com/institutions/sciences-po-2196">Sciences Po </a></em></span></h4> <h4>Cet article est republié à partir de <a href="https://theconversation.com">The Conversation</a> sous licence Creative Commons. Lire l’<a href="https://theconversation.com/les-ramasseurs-de-dechets-grands-perdants-du-recit-dominant-sur-la-pollution-plastique-244065">article original</a>.</h4> </div>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'les-ramasseurs-de-dechets-grands-perdants-du-recit-dominant-sur-la-pollution-plastique', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 41, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 5, 'person_id' => (int) 85, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'comments' => [[maximum depth reached]], 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Posts' }, (int) 2 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 5283, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => true, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => null, 'readed' => null, 'subhead' => null, 'title' => 'Les Etats-Unis financent un collectif international de journalistes', 'subtitle' => 'Si le réseau Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP) a révélé des avoirs russes cachés ou la corruption au Venezuela, le Delaware, paradis de l'évasion fiscale, reste pour lui un tabou. «Notre politique veut que nous ne fassions pas de rapports sur un pays avec son propre argent», a déclaré Drew Sullivan, son cofondateur.', 'subtitle_edition' => 'Si le réseau Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP) a révélé des avoirs russes cachés ou la corruption au Venezuela, le Delaware, paradis de l'évasion fiscale, reste pour lui un tabou. «Notre politique veut que nous ne fassions pas de rapports sur un pays avec son propre argent», a déclaré Drew Sullivan, son cofondateur.', 'content' => '<p style="text-align: center;"><strong>Urs P. Gasche</strong>, article publié sur <a href="https://www.infosperber.ch/medien/medienkritik/die-usa-finanzieren-internationales-journalisten-kollektiv/" target="_blank" rel="noopener"><em>Infosperber</em></a> le 5 décembre 2024, traduit par <em>Bon Pour La Tête</em></p> <hr /> <p>Parmi de nombreux autres médias, la <em>NZZ</em> et le <em>Tages-Anzeiger</em> ont diffusé à plusieurs reprises des révélations du réseau international de journalistes Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP). Ce faisant, ils n'ont pas rendu transparent le fait que les services gouvernementaux américains paient la moitié du budget de l'OCCRP. 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Parmi eux, <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Panama_Papers"><em>The Panama Papers</em></a><em>, </em><a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Pandora_Papers"><em>Pandora Papers</em></a><em>, </em><a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Suisse_Secrets"><em>Suisse Secrets</em></a><em>, </em><a href="https://www.occrp.org/en/project/narcofiles-the-new-criminal-order"><em>Narco Files</em></a><em>, </em><a href="https://www.occrp.org/en/project/the-pegasus-project/about-the-project"><em>Pegasus Project</em></a><em>, </em><a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Cyprus_Confidential"><em>Cyprus Confidential </em></a>et la série <a href="https://de.wikipedia.org/wiki/Die_Geldw%C3%A4scherei"><em>Laundromat</em></a>, qui a révélé les systèmes de blanchiment d'argent des élites dirigeantes en Azerbaïdjan et en Russie.</p> <h3><strong>Non sans conditions</strong></h3> <p>Les agences gouvernementales américaines ne financent pas l'OCCRP sans contrepartie: l'<a href="https://www.usaid.gov/"> U.S. Agency for International Development</a> dispose d'un droit de veto sur la nomination des dirigeants de l'OCCRP. De plus, l'agence gouvernementale américaine interdit d'utiliser son argent pour mettre au jour la corruption aux Etats-Unis.</p> <p>Certaines subventions étaient même affectées à un but précis: le Department of State, par exemple, a versé 173 000 dollars à l'OCCRP pour «détecter et combattre la corruption au Venezuela». Ou l'<a href="https://www.usaid.gov/">Agence pour le développement international (USAID)</a> a versé plus de deux millions de dollars dans le but de «mettre au jour la criminalité et la corruption à Malte et à Chypre».</p> <p>Le journal en ligne français indépendant <a href="https://www.mediapart.fr/en/journal/international/021224/hidden-links-between-giant-investigative-journalism-and-us-government">« Mediapart »</a> en a parlé le 2 décembre 2024 <a href="https://www.mediapart.fr/en/journal/international/021224/hidden-links-between-giant-investigative-journalism-and-us-government">.</a></p> <p>Le fondateur de l'OCCRP est un ancien employé <a href="https://www.rockwellautomation.com/de-ch.html">de Rockwell</a> devenu journaliste: <a href="https://www.occrp.org/en/staff/drew-sullivan">Drew Sullivan</a>. L'OCCRP a été créé à l'instigation de fonctionnaires du gouvernement américain. Selon Mediapart, Sullivan a reçu pour cela, en 2008, un financement de départ de 1,7 million de dollars du <a href="https://www.state.gov/bureaus-offices/under-secretary-for-civilian-security-democracy-and-human-rights/bureau-of-international-narcotics-and-law-enforcement-affairs/">Bureau of International Narcotics and Law Enforcement Affairs</a>(INL). Il s'agit d'une agence d'application de la loi du Département d'Etat américain.</p> <p>L'OCCRP s'appuie souvent sur des documents divulgués provenant de sources non identifiées. La qualité des recherches et des révélations de l'OCCRP n'est pas mise en doute. L'orientation unilatérale des recherches et le manque de transparence des informations sur le financement donnent lieu à des critiques.</p> <p>L'ampleur des liens personnels et financiers de l'OCCRP avec le gouvernement américain va à l'encontre de «tous les principes de l'éthique journalistique». C'est ce qu'a déclaré Leonard Novy, directeur de l'Institut allemand des médias et de la politique de communication, à la chaîne NDR. Cela laisse supposer que les journalistes peuvent être utilisés ou instrumentalisés à des fins politiques.</p> <p>Sullivan et l'OCCRP ont également laissé les médias partenaires et leurs lecteurs dans l'ignorance de leur proximité avec le gouvernement américain. Selon Leonard Novy, l'organisation a ainsi dépassé les limites.</p> <h3><strong>Sullivan n'a pas voulu parler clairement aujourd'hui encore</strong></h3> <p>Sullivan a d'abord affirmé à la chaîne NDR que l'OCCRP avait «un groupe de donateurs largement répandu», parmi lesquels «aucun donateur individuel ne domine». Il a ajouté que «le gouvernement américain [...] est l'un des plus grands donateurs, mais ce n'est pas un pourcentage énorme». Confronté aux dernières découvertes, il a finalement reconnu l'importance du financement de Washington: «C'est le plus grand bailleur de fonds de l'OCCRP, oui, et ce depuis presque le début de notre histoire. [...] Je suis très reconnaissant au gouvernement américain.»</p> <p>Par écrit, Sullivan a renchéri: «Nous avons dû décider si nous voulions accepter de l'argent du gouvernement ou ne pas exister.» Sur le site web de l'OCCRP, les montants des sponsors ne sont pas indiqués.</p> <h3><strong>Conditions posées</strong></h3> <p>Sullivan a confirmé à la NDR le pouvoir d'influence des autorités américaines: «Dans le cadre d'accords de coopération que nous n'aimons pas conclure, ils ont un droit de regard sur le choix des personnes [...] Ils peuvent mettre leur veto sur quelqu'un [...] Ils n'ont jamais mis leur veto sur quelqu'un.»</p> <p>L'OCCRP ne peut pas enquêter sur des affaires américaines avec l'argent fourni par Washington. «Notre politique veut que nous ne fassions pas de rapports sur un pays avec son propre argent», a déclaré Sullivan à la NDR. «Je pense que le gouvernement américain ne le permet pas. Mais même dans d'autres pays où ces dispositions n'existent pas, nous ne le faisons pas parce que cela vous place dans une situation de conflit d'intérêts et que vous préférez rester à l'écart de telles situations.»</p> <p>Ainsi, le paradis fiscal américain du Delaware n'a jamais fait l'objet de toutes les recherches sur l'évasion fiscale et l'argent de la corruption.</p> <p>L'OCCRP a tout de même effectué des recherches isolées aux Etats-Unis: par exemple sur les <a href="https://www.occrp.org/en/investigation/meet-the-florida-duo-helping-giuliani-investigate-for-trump-in-ukraine">hommes d'affaires</a> qui avaient soutenu l'avocat de Donald Trump pour nuire à Joe Biden, ou sur la manière dont le Pentagone a dépensé des sommes énormes pour <a href="https://www.occrp.org/en/project/making-a-killing/revealed-the-pentagon-is-spending-up-to-22-billion-on-soviet-style-arms-for-syrian-rebels">fournir des armes</a> à des groupes rebelles en Syrie, ou encore sur un <a href="https://www.occrp.org/en/investigation/flight-of-the-monarch-us-govt-contracted-airline-once-owned-by-criminals-with-ties-to-russian-mob">contrat</a> entre le gouvernement américain et une compagnie aérienne dont les propriétaires sont liés au crime organisé en Russie.</p> <p>Ces recherches ont manifestement respecté une autre condition imposée par les autorités américaines à l'OCCRP: l'activité doit être «en accord avec la politique étrangère et les intérêts économiques des Etats-Unis et les promouvoir.» (<a href="https://www.govinfo.gov/content/pkg/COMPS-1071/pdf/COMPS-1071.pdf">US Foreign Assistance Act</a>).</p> <h3><strong>Voici comment la «NZZ» et Tamedia ont présenté la source OCCRP</strong></h3> <p><strong>«NZZ» du 19 juillet 2023</strong></p> <p>«L'Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP) est un réseau d'organisations journalistiques fondé en 2006, basé dans de nombreux pays différents et fonctionnant sous cette forme en tant que filiale du Journalism Development Network à but non lucratif, dont le siège est dans le Maryland.»</p> <p><strong>«Tages-Anzeiger» du 21 juin 2023</strong></p> <p>«Grâce à l'organisation OCCRP, des journalistes femmes de plusieurs pays ont pu étudier ces données, dont <em>Der Standard</em> en Autriche et <em>Der Spiegel</em> en Allemagne. Pour la Suisse, le bureau de recherche de Tamedia et Paper Trail Media était de la partie.»</p> <h3><strong>Informations complémentaires</strong></h3> <p><strong>22 décembre 2022</strong> <a href="https://www.infosperber.ch/politik/welt/twitter-diente-jahrelang-als-gehilfe-des-pentagons/">Twitter a servi pendant des années d'auxiliaire au Pentagone</a>. Elon Musk a partiellement révélé les outils internes de Twitter. Ils prouvent des services d'hommes de main pour la propagande de l'armée américaine à l'étranger.</p> <p><strong>12 février 2009</strong> <a href="https://www.tagesanzeiger.ch/27-000-pr-berater-polieren-image-der-usa-631302390683">27 000 conseillers en relations publiques polissent l'image des Etats-Unis</a>. Des faits presque incroyables sur le travail de relations publiques du Pentagone.</p> <p><strong>20 avril 2008</strong> <a href="https://www.spiegel.de/kultur/gesellschaft/gekaufte-meinung-pentagon-beschaeftigt-pr-armee-fuer-us-tv-a-548519.html">Le Pentagone emploie une armée de RP pour la télévision américaine</a>. Avec une gigantesque troupe de RP, le gouvernement Bush a trompé l'opinion publique américaine pendant des années.</p>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'les-etats-unis-financent-un-collectif-international-de-journalistes', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 33, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 5, 'person_id' => (int) 85, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'comments' => [ [maximum depth reached] ], 'tags' => [[maximum depth reached]], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Posts' }, (int) 3 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 5280, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => true, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => null, 'readed' => null, 'subhead' => null, 'title' => 'Faites un cadeau de Noël indocile, offrez un abonnement à Bon pour la tête!', 'subtitle' => 'Qu'offrir à Pierre?, et à Suzette? 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