Un supporteur de la Nati, après le match Suisse-Equateur en 2014. © Gustave Deghilage via Flickr
La France a le blues. Elle qui croyait avoir gagné le match contre la Suisse avant même de le jouer a passé une fin de soirée aussi amère qu’elle était jubilatoire chez son adversaire. Elle s’en remettra en maugréant contre son entraineur et le malheureux qui a raté son tir au but. Mais côté politique, elle a d’autres soucis plus durables. Qui à certains égards, d’autres façons, font écho aux nôtres.
A la veille du match mémorable de Bucarest, notre voisine s’est trouvée stupéfaite par un dimanche d’élections régionales. Deux Français sur trois ont boudé les urnes. Un choc pour la démocratie telle qu’elle pratiquée et perçue.
Dans l’avalanche des explications, on retient que les partis, tous à des degrés divers, gravitent hors des préoccupations du plus grand nombre. Les discours politiques sont jugés peu crédibles, peu porteurs de perspectives, surchargés d’ambitions partisanes et personnelles. Certes l’élection présidentielle du printemps prochain qui suscite généralement plus d’intérêt rebattra les cartes. Mais l’alerte est sévère pour le système.
Face à ce constat, les Suisses feraient bien de ne pas trop bomber le torse. Ils sont beaucoup plus attachés au vote, surtout face à une question concrète, mais lors des élections, ils ne brillent pas par leur assiduité. Les Romands surtout. Depuis 1970, la participation est en baisse. En 2019, à 45,1% pour le pays. Mais à 38,2% pour Genève, 40,2% pour Neuchâtel, 41,4% pour Vaud, 43% pour Vaud. Seul le Valais se détache avec 54,1%. Bien des conseillers d’Etat ont été élus avec une proportion de votants comparable à celle obtenue par les présidents de régions français. Nos scores globaux sont évidemment moins mauvais que le misérable 28% enregistré ce dimanche en France mais guère rassurants dans la tendance.
Des signes de défiance
Il subsiste en Suisse une large confiance dans les institutions et un certain sens civique. Mais les signes de défiance face aux partis se multiplient sans que l’on en parle trop dans l’establishment. A preuve l’émergence d’une mouvance nouvelle, les «Amis de la constitution» qui a lancé le référendum contre la loi Covid et recueilli le 13 juin 40% des voix — ce n’est pas rien — face à une alliance de fait de tous les partis. Un nouvel assaut référendaire contre les compléments de ce texte, notamment sur le passeport sanitaire, est en cours.
La crédibilité des ténors politiques en a pris un coup aussi avec la loi sur le CO2, refusée de justesse. Ceux qui la présentaient comme une nécessité absolue et salvatrice, dès le lendemain du vote, convenaient qu’elle n’était pas adéquate. Il y a d’autres moyens d’assurer la transition énergétique que d’accabler la populations de taxes diverses. Ils proposent aujourd’hui de payer la facture avec les fonds publics. Que ne l’ont-ils pas compris et dit plus tôt? Ce basculement soudain du discours, franchement, ne fait pas très sérieux.
Quant aux claires perspectives d’avenir qui manquent en France, sont-elle plus évidentes dans le discours politique suisse?
Pataugeoire et déni
Le Conseil fédéral gère le pays. Fort bien, mais sans trop savoir où il va. Face au défi européen, il patauge. Face à l’emprise des Etats-Unis, face à celle, rampante, de la Chine, il est dans le déni. Face au déferlement des outils digitaux, son administration se prend les pieds dans le tapis. Face aux risques militaires, il achète des avions, américains bien sûr pour faire la nique aux Européens, mais il ne dit ou ne voit pas grand chose des périls nouveaux (cybersécurité, drones, etc.). Même sur des terrains qui lui sont plus familiers, comme le régime des retraites, il ne répond pas à l’évolution de la pyramide des âges et des financements conséquents. Soyons justes, il y a un domaine où il est en pointe. Le flicage. Avec sa loi dite anti-terroriste, il rejoint le peloton des pays qui poussent le plus loin la surveillance des citoyens. Et avec le passeport sanitaire à la transparence douteuse, en passe de devenir une obligation de fait, il est zélé aussi.
Alors oui, il est permis de klaxonner sa joie un soir de victoire inattendue au foot, mais l’heure du «y en a point comme nous», elle, est loin de sonner.
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Lorsque la guerre civile fut déclenchée en 2011, ce sont les mêmes forces islamistes qui prirent très tôt le relais des manifestants qui réclamaient la démocratie, brutalisés par la police d’Assad. Elles furent soutenues aveuglément, des années durant, par plusieurs pays arabes et européens. Ce fut atroce. Un demi-million de morts, dit-on. Sous le double feu du dictateur criminel, certes, et celui des insurgés barbus. Des dizaines de millions d’exilés fuyant la fureur des uns et des autres.</p> <p>N’entrons pas ici dans les spéculations sur l’avenir, sur les desseins des puissances qui, de fait, s’emparent du pays, qui s’agitent au fil de leurs ambitions géopolitiques et économiques. Sans parler du pétrole, exploité par les Américains sur la partie kurde… Qu’il nous soit permis d’évoquer plutôt un souvenir. Cinq ans avant la guerre, un voyage inoubliable en Syrie. Un prêtre nous faisait visiter Alep, tous les quartiers, animés et relativement prospères. Nous parlions avec tous. 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Il vient pourtant de se produire un évènement majeur près de nous, dans un pays membre de l’UE, la Roumanie. Les élections présidentielles y ont été annulées. Car le vainqueur de premier tour, Călin Georgescu, candidat indépendant, est vivement attaqué par les deux grands partis qui se partagent le pouvoir depuis des décennies. L’affrontement ne cesse de s’échauffer entre ses partisans et ses adversaires, dans les médias, sur internet et parfois dans la rue. Aucune nouvelle date n’a encore été fixée pour de nouvelles élections.</p> <p>Or la Commission européenne ne bronche pas. Elle a su tancer, à raison, les pressions du gouvernement sur la justice en Pologne et en Hongrie. Mais là, l’annulation d’une élection incontestée – les bulletins ont été recomptés – n’appelle aucune critique. Donald Trump a d’ailleurs condamné cette décision anti-démocratique. Tout comme la rivale du vainqueur, arrivée en deuxième position, Elena Lasconi, qui voit là «un retour des jours sombres du communisme». Mme von der Leyen croit bon au contraire d’appuyer le président roumain sortant qui réclame une enquête sur les ingérences hypothétiques de la Russie lors de la campagne, largement menée sur les réseaux sociaux.</p> <h3><strong>Qui veut la peau de Călin Georgescu ?</strong></h3> <p>C’est piquant si l’on songe que sur l’autre bord, l’influence américaine pèse lourd sur ce pays. Son commandant en chef, le général Vlad, a été formé dans la plus haute école militaire aux USA et a même participé à l’opération menée contre l’Irak en 2003. Depuis la guerre en Ukraine, la pression de l’OTAN et des lobbies de l’armement est énorme. Le budget de la défense roumaine a augmenté de 53 %, il représente 3 % du PIB. Une grande base est en construction à la frontière avec la Russie. 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Le discours nationaliste passe bien ailleurs et fort mal là… A noter qu’il ne souhaite nullement la sortie de l’UE mais souhaite y défendre mieux les intérêts de son pays. Comme à peu près tous. </p> <h3><strong>Portrait d’un personnage peu banal</strong></h3> <p>L’image caricaturale qui nous est proposée de ce personnage peu banal est à côté de la plaque. Cet ingénieur agronome écologiste a fait carrière dans les institutions de son pays et aux Nations Unies (avec un passage à Genève). Il maîtrise son propos, plutôt mesuré. Mais avec le sens de la formule. Par exemple, à propos des partis traditionnels qui ont connu bien des cas de magouilles et de corruptions: «ils essuient leurs bottes sales sur le visage de la démocratie!»</p> <p>C’est un conservateur comme on en trouve en France, en Allemagne. Avec en plus des préoccupations sociales, en particulier dans les domaines de la santé, de l’éducation, de la condition paysanne. Et aussi des manies, il est vrai, une fixation sur l’affreux Davos, le redoutable Soros. Un penchant religieux aussi et même mystique. Grand défenseur de la famille traditionnelle, mais pas opposé à l’avortement et aux couples homosexuels. Attentif, et c’est rare, aux minorités, tels les Hongrois sur sol roumain ou les Roms. Ses refrains préférés tournent autour de la défense du peuple roumain, du rassemblement de tous, du redressement d’un pays resté pauvre malgré de réels progrès économiques aux bénéfices trop inégalement répartis. On apprécie ou pas le bonhomme, mais pas de quoi le maudire… ou l’enfermer, ou l’exiler comme en rêvent les plus exaltés de ses adversaires. Certains sont allés jusqu’à couper l’eau et l’électricité de son domicile. A quoi Georgescu réagit avec le sourire et rassure, il restera sur internet et le débat, le combat continueront. Plus inquiétant pour lui: divers services s’activent pour trouver quelques charges à son encontre qui permettraient d’écarter une nouvelle candidature. «Comme il n’y a rien à me reprocher, il leur faut du temps pour fabriquer des preuves…», commente l’intéressé. Il appelle de ses vœux des enquêteurs internationaux, européens, américains. Ajoutant: «Nous respectons nos partenaires démocratiques, mais j’ai le sentiment qu’ils nous lâchent, j’espère me tromper.»</p> <h3><strong>L’Union européenne discréditée </strong></h3> <p>Il y a bien lâchage du côté de Mme von der Leyen et ses gens. Soucieux d’abord de s’aligner sur la ligne de l’OTAN et de l’administration Biden, entraînant tant de médias dans ce sillage. Il s’agit là d’une dérive de l’UE et de ses principes. Une fois de plus, la tactique du «deux poids deux mesures». On tance un Erdogan, un Fico (le président slovaque), mais pas un mot sur le président roumain Iohannis qui prolonge son mandat en cassant une élection. 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VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET
1 Commentaire
@Girofle 03.07.2021 | 18h23
«Bien vu! En ce qui concerne le flicage (loi dite anti-terroriste), le peuple suisse est largement consentant! Donc pas de problème: le peuple suisse a le Conseil fédéral qu'il mérite et vice et versa! C'est ça le problème avec l'illusion de la démocratie, c'est qu'on ne peut s'en prendre qu'à soi-même, et souvent, ce n'est guère brillant!
Claude Champion»