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Histoire

Histoire / La Terreur et l’amour de la vie


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Qu’est-ce donc qui a poussé le Valaisan Christophe Gaillard, professeur au Collège de Saint-Maurice, à s’immerger pendant des mois et sur 360 pages dans la prison de Saint-Lazare et dans la Terreur révolutionnaire? Sans doute son intérêt pour le poète André Chénier qui y fut enfermé avant de se faire couper la tête. Mais aussi sa fascination pour un lieu étrange où la mort menaçait chacun et où l’on cherchait cependant à savourer la vie. Même dans les pires circonstances.



Découverte donc de ce pan de l’histoire sur les traces d’un poète, philosophe, amoureux de l’Antiquité grecque, commentateur de son époque. Chénier, nourri des Lumières, aspirait à la Révolution mais exécrait le jacobinisme de Robespierre. Ce qui ne l’avait pas empêché de fréquenter des salons où flottaient d’aristocratiques parfums. Ce qui lui valut, ainsi que ses textes dérangeants pour les despotes illuminés, d’être arrêté le 7 mars 1794. Enfermé dans une vaste prison où se retrouvaient des centaines d’hommes et de femmes, des suspects en attente d’un jugement éclair et bidon, conclu le plus souvent par l’envoi immédiat à la guillotine. La détention laissait place à une certaine vie sociale, des agapes, des envolées littéraires ou prosaïques, des émois divers. Chénier y croisa un peintre, un autre poète, une mère abbesse émancipée, une belle femme qui lui retourna le cœur et même le marquis de Sade. Et seul dans sa chambre, il contemplait une araignée dont il se fit une amie, raconta-t-il dans des lettres à l’écriture minuscule qu’il faisait parvenir à ses proches, cachées dans du linge sale. Christophe Gaillard sait à peu près tout de cet homme qu’il nous fait découvrir ou redécouvrir. Car s’il figure dans les anthologies de la poésie française, après avoir été couvert d’éloges au 19e siècle, il est tombé dans l’oubli de nos jours.

Robespierre, orchestrateur de la Terreur

Le professeur valaisan ne parvient pas à cacher son intérêt et son étonnement devant l’orchestrateur de la Terreur, Maximilien de Robespierre, le révolutionnaire ardent qui croyait à l’Être suprême, personnage austère épris de pureté… jusqu’à envoyer à la mort des centaines de prétendus ennemis de la révolution ou des citoyens et citoyennes suspects de ne pas la vénérer assez. Il fut renversé et guillotiné lui aussi, deux jours après Chénier. En politique, l’affrontement exacerbé entre le Bien et le Mal fait tôt ou tard couler le sang. De tous côtés. Leçon pour aujourd’hui? Pour demain? On est loin d’en avoir fini, pour citer le titre du livre, avec les glorieuses impostures.

La description des jours et des nuits dans cette prison, dans cet antichambre de la mort, étonne à maints égards. Bien qu’elle soit un des lieux emblématiques de la Terreur, les hommes et les femmes qui y séjournaient n’étaient nullement paralysés par la peur, désireux plutôt de savourer chaque minute de vie, si possible ensemble, dans une promiscuité rieuse et gourmande, avec empoignades et embrassades. Alors qu’à tout moment, chacun et chacune pouvaient être appelés à l’étape ultime, embarqués dans des charrettes à travers Paris jusqu’à la place de la Révolution où les bourreaux et leur célèbre machine ne chômaient pas. Autre sage leçon à l’heure où la trouille de la maladie et de la mort tend à la distance et à l’isolement?

Un récit élégant

Nul besoin d’être un mordu de l’histoire pour se laisser embarquer dans ce temps de folie sanguinaire. Car Christophe Gaillard le raconte avec élégance. Imprégné de ses lectures, il retrouve, peut-être sans le chercher, le style, le rythme des phrases de l’époque décrite. Dans un balancement qui a son charme jusque dans les narrations les plus cruelles.

«On a tué le poète!», cria une jeune fille lorsque le couperet fut tombé sur la nuque de Chénier. Il n’y eut pas d’applaudissements alors qu’il y en avait eu tant lorsque les têtes roulaient dans la sciure.

On ne tue plus les poètes aujourd’hui. Parce qu’ils prêtent moins d’attention aux affaires du monde que le héros de ce livre? Mais on fait taire, on enferme encore, dans tant de dictatures, accomplies ou en devenir, qui trouve les mots pour dire sa révolte. Ou quelque choquante différence. Le passé, surtout s’il est aussi finement évoqué, vient à point nourrir les neurones attentives au présent.


«La glorieuse imposture», de Christophe Gaillard. Editions de l’Aire. 360 pages.

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VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET

1 Commentaire

@Gio 17.05.2021 | 03h34

«Merci pour cette belle présentation qui donne envie de découvrir ce livre.»


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