Lu ailleurs / Soignera-t-on un jour grâce au LSD et aux champignons hallucinogènes?
Des Psilocybe mexicana photographiés à Guadalajara, Jalisco, Mexique. © Alan Rockefeller / Wikimedia Commons / Mushroom Observer - DR
A partir des années 1950 et 1960, quelques équipes de scientifiques ont commencé à évaluer le potentiel thérapeutique des substances psychotropes dites «psychédéliques», telles que le LSD, découvert en 1943, ou la psilocybine extraite des champignons hallucinogènes. Un livre raconte l'aventure de ces pionniers.
Vincent Verroust, Chercheur associé à l’Institut des humanités en médecine (Lausanne), doctorant en histoire des sciences à l’École des hautes études en sciences sociales (Paris), centre Alexandre-Koyré (EHESS-CNRS-MNHN), Muséum national d’histoire naturelle (MNHN). Cet article a été co-écrit avec Bertrand Lebeau Leibovici, médecin addictologue à l’hôpital Saint-Antoine (Paris) et à l’hôpital Paul Brousse (Villejuif).
L’ouvrage How to change your mind (traduit en français sous le titre Voyage aux confins de l’esprit) de Michael Pollan, professeur de journalisme à l’université californienne de Berkeley, raconte l’aventure des quelques équipes de scientifiques qui ont commencé à évaluer le potentiel thérapeutique des substances psychotropes dites «psychédéliques» dans les années 1950-1960. Dans ce livre, qui a contribué à médiatiser ces recherches dans le monde anglo-saxon, Michael Pollan n’hésite pas à à s’impliquer dans l’enquête, en témoignant de ses propres trips. Il suit en cela l’une des règles du «Nouveau journalisme» édictée par l’écrivain et journaliste Tom Wolfe, auteur en 1968 d’un ouvrage culte sur les substances psychédéliques, Acid Test.
Mais la comparaison s’arrête là: alors que Tom Wolfe narrait la découverte de l’usage du LSD en dehors du cadre médical par la jeunesse états-unienne dans les années 1960, Michael Pollan met à contribution son expertise de journaliste scientifique pour raconter l’histoire du point de vue des scientifiques qui travaillent dans le contexte très encadré de la recherche médicale.
D’où proviennent ces produits? Ont-ils des vertus thérapeutiques? Pourquoi les recherches sur les substances psychédéliques ont-elles été abandonnées pendant près de 30 ans, jusqu’à leur redécouverte à partir du milieu des années 90? Retour sur ces questions clés, alors qu’on observe un certain regain d’intérêt pour le potentiel médical des produits psychédéliques.
De l’ergot de seigle au LSD
Michael Pollan fait commencer son récit en 1943, l’année où le chimiste suisse Albert Hofmann, qui travaille pour la firme pharmaceutique Sandoz, prend involontairement du Lysergic Säure Diethylamid (diéthylamide de l’acide lysergique). Il avait synthétisé cette substance alors qu’il travaillait sur un alcaloïde de l’ergot du seigle (Claviceps purpurea), un champignon parasite pouvant être à l'origine de graves intoxications, autrefois appelées «feu de Saint Antoine» ou «mal des ardents».
Après avoir absorbé par mégarde sa nouvelle substance, peut-être en se frottant les yeux, Albert Hofmann réalise qu’elle modifie profondément le fonctionnement de son cerveau, pendant plusieurs heures. Il décrit un état onirique, des visions kaléidoscopiques et colorées. Afin de vérifier, il prend à nouveau une dose qu'il pensait - à tort - petite, le 19 avril 1943, volontairement cette fois. Il en ressent rapidement les effets, qu'il décrira dans son ouvrage LSD, mon enfant terrible: troubles visuels, angoisse, peur de mourir ou d'être devenu fou… Avant de profiter d'un «sentiment de bonheur» et «du spectacle inouï de formes et de couleurs», d'images multicolores et kaléidoscopiques.
Suite à cette découverte, la firme Sandoz décide de mettre la molécule à la disposition des chercheurs afin d’en explorer le potentiel thérapeutique. Fait singulier dans l’histoire du médicament, Sandoz suggère même aux médecins de tester la substance sur eux-mêmes, pour en constater les effets, qui se traduisent notamment par une intensification de toutes les perceptions sensorielles: les couleurs sont perçues comme plus brillantes, les nuances sont plus subtiles, les perspectives et les distances se déforment, les sons deviennent plus précis et plus difficiles à localiser, la notion du temps change…
Des champignons magiques à la psilocybine
L’histoire de la psilocybine débute quant à elle quelques années plus tard, grâce à Robert Gordon Wasson et Valentina Pavlovna Wasson, un couple d’ethnologues états-unien. Au début des années 1950, ces fondateurs de l’«ethnomycologie», la discipline qui étudie la place des champignons dans les différentes sociétés humaines, redécouvrent au Mexique les champignons divinatoires. Ces derniers sont à l’époque toujours utilisés par quelques peuples amérindiens isolés.
Les époux Wasson collectent notamment auprès d’eux le Psilocybe mexicana, dont la consommation se traduit par une ivresse avec relaxation corporelle, des troubles psychiques tels que rires inexpliqués ou modifications des sensations et des perceptions (les formes et les couleurs des objets sont par exemple altérées), une désorientation temporelle et spatiale. Cette augmentation du pouvoir perceptif, dont les effets durent plusieurs heures, provoque une attitude contemplative. L’humeur est, dans la majorité des cas, euphorique, même si certaines personnes peuvent ressentir des bouffées d’angoisse ou des attaques de panique transitoires.
Ces effets sont notamment dus à un principe actif appelé psilocybine. Celui-ci sera isolé par Albert Hofmann, encore lui, grâce au concours de Roger Heim, professeur au Muséum national d’Histoire naturelle. Profitons de l’occasion pour rendre justice à ce dernier pour le rôle crucial qu’il a joué dans l’histoire des champignons à psilocybine. Ami des époux Wasson, Roger Heim fut impliqué dès le départ dans la redécouverte des champignons divinatoires utilisés par les Amérindiens du Mexique.
Cet éminent biologiste, spécialiste des champignons, fut notamment le premier à en réussir la culture en laboratoire, permettant ainsi la découverte de la psilocybine et de la psilocine. Ces deux molécules auraient peut-être même pu être été identifiées au Muséum à Paris et non chez Sandoz à Bâle: Roger Heim avait en effet confié à son collègue le chimiste Marcel Frèrejacque un flacon d’extrait de champignons hallucinogènes pour qu’il en identifie les principes actifs. Mais, occupé à d’autres recherches, Marcel Frèrejacque avait négligé le flacon, le laissant sur un coin de sa paillasse de laboratoire, jusqu’au jour où il le fit accidentellement tomber sur le carrelage…
Fâché, Roger Heim envoya d’autres champignons issus de ses cultures parisiennes au laboratoire Sandoz à Bâle.
Premières recherches thérapeutiques
A partir des années 1950 et 1960, les scientifiques commencent à explorer le potentiel de ces substances nouvellement découvertes, en particulier aux États-Unis. Ils testent notamment leurs effets sur la dépression, l’anxiété, l’alcoolisme, les troubles obsessionnels compulsifs, ou encore les soins palliatifs, avec l’espoir d’en faire des médicaments.
Ces pionniers découvrent notamment que l’état d’esprit de la personne et les conditions extérieures jouent un rôle majeur dans le déroulement de la séance. C’est la raison pour laquelle, aujourd’hui, les chambres d’hôpital dans lesquelles se déroulent les essais sont aménagées en des lieux chaleureux.
Les chercheurs découvrent aussi le rôle essentiel que jouent les «guides», autrement dit des personnes habituées de ces substances, qui ne vont pas quitter le sujet durant son voyage intérieur. Comme l’écrit Michael Pollan dans Voyage aux confins de l’esprit: «A bien des égards, la thérapie psychédélique semblait davantage relever du chamanisme (…) que de la médecine moderne».
A l’époque, la France n’est pas en reste. Dès 1956, Roger Heim avait informé l’Académie des sciences de la découverte d’espèces de champignons hallucinogènes utilisés dans les rites divinatoires des Amérindiens Mazatèques. Il la tenait régulièrement au courant de l’avancée des investigations, tant au niveau mycologique qu’ethnologique, chimique et, bien sûr, psychiatrique.
C’est justement en France qu’eurent lieu les premiers essais cliniques avec la psilocybine, menés dès 1958 à l’hôpital Sainte-Anne par le professeur Jean Delay et quelques-uns de ses élèves. Ils obtinrent parfois des résultats spectaculaires, comme dans le cas de cette personne catatonique chez qui est apparue «la possibilité d’un contact», ou encore celui de cette jeune femme internée pour anorexie, dépression et trouble compulsif de l’alimentation, qui repartit de l’hôpital après deux injections de psilocybine, d’une «efficacité thérapeutique incontestable».
Un petit groupe de convaincus
Il est deux aspects de la prise de produits psychédéliques dont les chercheurs américains qui s’aventuraient sur la piste de ces explorations préféraient ne parler qu’entre eux.
Le premier est que l’intérêt de ces substances dépasse largement le cadre thérapeutique. Certains de ces expérimentateurs étaient même convaincus que, utilisées de façon appropriée, avec un accompagnement et dans un contexte adéquat, ces substances pouvaient être également profitables à toute personne saine de corps et d’esprit.
Le second aspect qu’ils ont découvert durant leurs recherches est plus «embarrassant» encore: avec des doses importantes (prises dans le cadre de recherches cliniques bien encadrées), les chercheurs qui expérimentaient ces substances ont découvert qu’il est possible de vivre une expérience mystique. Sentiment océanique, absorption dans un «grand tout», sensation de caractère «sacré» du moment, transcendance du temps et de l’espace ordinaires, unité et beauté du monde, ineffabilité de l’expérience… Ils en ressortaient souvent profondément transformés.
Comment, dès lors, concilier science, spiritualité et politique? Ce petit groupe de chercheurs était persuadé qu’en avançant prudemment, il était possible de convaincre les élites du pays de l’intérêt des produits psychédéliques. Ils espéraient qu’une fois cette étape franchie, toute la société américaine pourrait s’embarquer dans cette passionnante aventure. Mais les choses ne se passèrent pas ainsi.
Le déclin de la recherche
C’est par l’un des membres de ce petit groupe de personnes que le scandale arriva. Jusqu’alors respectable enseignant-chercheur en psychologie à Harvard, Timothy Leary «vend la mèche». Il ameute les médias, explique que le LSD va provoquer une révolution en Amérique, fait l’apologie de l’extase chimiquement induite. Et distribue du LSD à ses étudiants…
Il serait néanmoins sans doute injuste de lui faire porter l’entière responsabilité du déclin des recherches sur les substances psychédéliques aux Etats-Unis, d’autant plus que ces dernières semblent surtout avoir cessé à cause des amendements Kefauver-Harris de 1962. Ces lois ont instauré des normes strictes pour l’évaluation de l’efficacité des médicaments suite au scandale de la thalidomide, normes que les recherches sur les psychédéliques ont eu du mal à respecter, en raison de la nature peu orthodoxe du traitement.
Toujours est-il que les crédits de recherche sur les produits psychédéliques ne sont pas reconduits. Les 70 programmes de recherche s’arrêtent donc les uns après les autres. D’innombrables légendes urbaines sur le LSD, toutes plus terrifiantes les unes que les autres, commencent aussi à s’étaler dans la presse, en raison de «bad trips» qui surviendraient en cas de prise mal encadrée (Albert Hofmann déplorait d’ailleurs l’usage du LSD hors de tout cadre).
Résultat: malgré la publication de plus de mille articles scientifiques et l’organisation de six congrès internationaux entre 1950 et 1965, la recherche scientifique sur ces substances disparaît alors des radars. Pendant plus de trente ans, ce sera comme si elle n’avait jamais existé. Certains de ses pionniers étaient toutefois encore en vie, et ils se souvenaient.
Vint le moment de la renaissance: à partir du milieu des années 1990, quelques études furent de nouveau autorisées. Une nouvelle génération de chercheurs était prête à reprendre le flambeau, selon les mots de l’un d’entre eux, le professeur Charles Grob, du Harbor–UCLA Medical Center.
Regain d’intérêt et nouveaux résultats
Les travaux actuels suivent les mêmes pistes que celles qui avaient commencé à être explorées dans les années 1960. Ils sont cependant désormais menés avec une rigueur conforme aux exigences contemporaines en matière de recherche clinique et obéissent, autant qu’il est possible, à la méthodologie du «double aveugle versus placebo».
Des études ont par exemple porté sur des patients atteints de cancer qui devaient affronter la fin de leur vie. Un ou plusieurs voyages sous psilocybine leur ont permis de modifier radicalement leur rapport à la mort, de l’accueillir sans frayeur et de mieux profiter du temps qui leur restait à vivre. L’utilisation de la psilocybine dans la dépression ou pour arrêter le tabac ou l’alcool a obtenu des résultats plus qu’encourageants, même si peu d’équipes sont engagées dans cette voie.
Les recherches ont notamment révélé que le LSD et la psilocybine, les substances psychédéliques majoritairement utilisées dans les essais cliniques, agissent principalement dans le cerveau sur le même récepteur de la sérotonine (le récepteur 5-HT2A). C'est aussi sur le système sérotoninergique qu’agissent les antidépresseurs les plus prescrits actuellement, bien que leur effet ne soit bien évidemment pas le même.
Une législation inadaptée
Quels que soient l’enthousiasme et les espoirs que l’on peut raisonnablement fonder sur ces travaux, les recherches dans le domaine des substances psychédéliques se heurtent à un obstacle majeur: une législation inadaptée.
Le régime global de prohibition des plantes et substances psychoactives actuel repose sur trois conventions signées par la quasi-totalité des pays. Celle dite « unique » de 1961 sur les stupéfiants, celle de 1971 sur les substances psychotropes, celle enfin de 1988 contre le trafic illicite. Or, dans la convention de 1971, les psychédéliques sont classés comme drogues dangereuses sans intérêt thérapeutique. Ce classement, qui ne tient pas compte des résultats scientifiques récents, constitue un obstacle redoutable au développement des recherches.
Les lois actuelles continuent à entraver les recherches concernant des substances « sans dangers physiologiques et très faiblement addictives » comme le notait en 2015 la réputée revue scientifique médicale The Lancet. Non seulement les chercheurs se heurtent-ils à de fastidieuses demandes d'autorisations dès lors qu’ils souhaitent travailler sur ces substances, mais qui plus est, lorsqu’un produit est classé en «stupéfiant», on constate une réticence des médecins à l’étudier ou à le prescrire.
Et ce, alors même que la loi permet la production et la vente de produits psychoactifs dangereux pour la santé et addictogènes, tels que l’alcool ou de tabac…
Et demain ?
Les substances psychédéliques issus des champignons, des cactus et d’autres plantes à fleurs sont connues depuis des centaines voire des milliers d’années sur le continent américain. Ayons une pensée pour les descendants des peuples colonisés qui, pour certains, les utilisaient depuis des temps immémoriaux, avant de se voir dépossédés, par la loi, de leur droit à disposer d’eux-mêmes. Voici peut-être un autre rôle pour les produits psychédéliques : transformer profondément les rapports sociaux.
Un rêve? Peut-être. Mais figurez-vous que les patients récemment traités pour dépression résistante avec la psilocybine au prestigieux Imperial College de Londres semblent avoir connu une modification dans leurs opinions politiques à travers l’expérience psychédélique: après leur traitement, ils auraient fait montre d’un moindre goût pour les doctrines autoritaristes et auraient développé un sentiment accru connexion à la nature…
Certes, l’échantillon de patients sur lequel ont porté ces travaux est trop petit (12 personnes seulement) pour que l’on puisse raisonnablement considérer que cette observation constitue une preuve expérimentale robuste. Cependant, d’autres études suggèrent également une tendance, chez les usagers de produits psychédéliques, à adopter un mode de vie plus écologique.
Ces pistes s’ajoutent aux nombreuses autres qui restent encore à explorer. Reste maintenant à espérer qu’une jeune génération de scientifiques reprenne le flambeau allumé en France par Roger Heim, Jean Delay et d’autres, en participant à l’aventure enthousiasmante de la recherche sur ces substances. Cela impliquera non seulement des changements au niveau politique, mais aussi culturel, pour que la perception des produits psychédéliques se modifie. La route est encore longue. Elle commence peut-être par un voyage intérieur…
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.
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Dans ce livre, qui a contribué à médiatiser ces recherches dans le monde anglo-saxon, Michael Pollan n’hésite pas à à s’impliquer dans l’enquête, en témoignant de ses propres trips. Il suit en cela l’une des règles du «Nouveau journalisme» édictée par l’écrivain et journaliste Tom Wolfe, auteur en 1968 d’un ouvrage culte sur les substances psychédéliques, <a href="http://www.slate.fr/story/90191/acid-test-50-ans-apres"><em>Acid Test</em></a>.</p> <p>Mais la comparaison s’arrête là: alors que Tom Wolfe narrait la découverte de l’usage du LSD en dehors du cadre médical par la jeunesse états-unienne dans les années 1960, Michael Pollan met à contribution son expertise de journaliste scientifique pour raconter l’histoire du point de vue des scientifiques qui travaillent dans le contexte très encadré de la recherche médicale.</p> <p>D’où proviennent ces produits? Ont-ils des vertus thérapeutiques? Pourquoi les recherches sur les substances psychédéliques ont-elles été abandonnées pendant près de 30 ans, jusqu’à leur redécouverte à partir du milieu des années 90? Retour sur ces questions clés, alors qu’on observe un certain <a href="https://www.lepoint.fr/insolite/recherche-medicale-vers-un-retour-en-grace-pour-le-lsd-12-10-2018-2262326_48.php">regain d’intérêt</a> pour le <a href="https://www.revmed.ch/RMS/2020/RMS-N-707/Psychotherapie-assistee-par-des-psychedeliques-un-traitement-par-expositions-intenses-et-inhabituelles">potentiel médical des produits psychédéliques</a>.</p> <h3>De l’ergot de seigle au LSD</h3> <p>Michael Pollan fait commencer son récit en 1943, l’année où le chimiste suisse Albert Hofmann, qui travaille pour la firme pharmaceutique Sandoz, prend involontairement du <em>Lysergic Säure Diethylamid</em> (diéthylamide de l’acide lysergique). Il avait synthétisé cette substance alors qu’il travaillait sur un alcaloïde de l’<a href="https://inpn.mnhn.fr/espece/cd_nom/46353">ergot du seigle</a> (<em>Claviceps purpurea</em>), un champignon parasite pouvant être à l'origine de graves intoxications, autrefois appelées «feu de Saint Antoine» ou «mal des ardents».</p> <figure style="text-align: center;"><img src="https://images.theconversation.com/files/362546/original/file-20201008-24-1hweotk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" alt="" /> <figcaption><span>Le LSD est dérivé de l’acide lysergique, une molécule issu de l’ergot du seigle.</span> © <span><a href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/rye-ear-ergot-152649641">Shutterstock</a></span></figcaption> </figure> <p>Après avoir absorbé par mégarde sa nouvelle substance, peut-être en se frottant les yeux, Albert Hofmann réalise qu’elle modifie profondément le fonctionnement de son cerveau, pendant plusieurs heures. Il décrit un état onirique, des visions kaléidoscopiques et colorées. Afin de vérifier, il prend à nouveau une dose qu'il pensait - à tort - petite, le 19 avril 1943, volontairement cette fois. Il en ressent rapidement les effets, qu'il décrira dans son ouvrage <a href="https://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb35031714j">LSD, mon enfant terrible</a>: troubles visuels, angoisse, peur de mourir ou d'être devenu fou… Avant de profiter d'un «sentiment de bonheur» et «du spectacle inouï de formes et de couleurs», d'images multicolores et kaléidoscopiques.</p> <p>Suite à cette découverte, la firme Sandoz décide de mettre la molécule à la disposition des chercheurs afin d’en explorer le potentiel thérapeutique. Fait singulier dans l’histoire du médicament, Sandoz suggère même aux médecins de tester la substance sur eux-mêmes, pour en constater les effets, qui se traduisent notamment par une intensification de toutes les perceptions sensorielles: les couleurs sont perçues comme plus brillantes, les nuances sont plus subtiles, les perspectives et les distances se déforment, les sons deviennent plus précis et plus difficiles à localiser, la notion du temps change…</p> <h3>Des champignons magiques à la psilocybine</h3> <p>L’histoire de la psilocybine débute quant à elle quelques années plus tard, grâce à Robert Gordon Wasson et Valentina Pavlovna Wasson, un couple d’ethnologues états-unien. Au début des années 1950, ces fondateurs de l’«ethnomycologie», la discipline qui étudie la place des champignons dans les différentes sociétés humaines, redécouvrent au Mexique les champignons divinatoires. Ces derniers sont à l’époque toujours utilisés par quelques peuples amérindiens isolés.</p> <p>Les époux Wasson collectent notamment auprès d’eux le <em>Psilocybe mexicana</em>, dont la consommation se traduit par une ivresse avec relaxation corporelle, des troubles psychiques tels que rires inexpliqués ou <a href="https://www.hug.ch/sites/interhug/files/structures/addictologie/documents/Formation/continue/journees_addictologie/10eme/psilocybine.pdf#page=32">modifications des sensations et des perceptions</a> (les formes et les couleurs des objets sont par exemple altérées), une <a href="https://www.hug.ch/sites/interhug/files/structures/addictologie/documents/Formation/continue/journees_addictologie/10eme/psilocybine.pdf#page=33">désorientation temporelle</a> et spatiale. Cette augmentation du pouvoir perceptif, dont les effets durent plusieurs heures, provoque une attitude contemplative. L’humeur est, dans la majorité des cas, euphorique, même si certaines personnes peuvent ressentir des bouffées d’angoisse ou des attaques de panique transitoires.</p> <figure style="text-align: center;"><a href="https://images.theconversation.com/files/362549/original/file-20201008-14-1uzpf14.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img src="https://images.theconversation.com/files/362549/original/file-20201008-14-1uzpf14.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" alt="" /></a> <figcaption><span>Le spécialiste des champignons Roger Heim, dont les cultures furent décisives dans l’identification de la psilocybine.</span> © <span><span>MNHN - DR</span>, <span>Author provided</span></span></figcaption> </figure> <p>Ces effets sont notamment dus à un principe actif appelé psilocybine. Celui-ci sera isolé par Albert Hofmann, encore lui, grâce au concours de Roger Heim, professeur au Muséum national d’Histoire naturelle. Profitons de l’occasion pour rendre justice à ce dernier pour le rôle crucial qu’il a joué dans l’histoire des champignons à psilocybine. Ami des époux Wasson, Roger Heim fut impliqué dès le départ dans la redécouverte des champignons divinatoires utilisés par les Amérindiens du Mexique.</p> <p>Cet éminent biologiste, spécialiste des champignons, fut notamment le premier à en réussir la culture en laboratoire, permettant ainsi la découverte de la psilocybine et de la psilocine. Ces deux molécules auraient peut-être même pu être été identifiées au Muséum à Paris et non chez Sandoz à Bâle: Roger Heim avait en effet confié à son collègue le chimiste Marcel Frèrejacque un flacon d’extrait de champignons hallucinogènes pour qu’il en identifie les principes actifs. Mais, occupé à d’autres recherches, Marcel Frèrejacque avait négligé le flacon, le laissant sur un coin de sa paillasse de laboratoire, jusqu’au jour où il le fit accidentellement tomber sur le carrelage…</p> <p>Fâché, Roger Heim envoya d’autres champignons issus de ses cultures parisiennes au laboratoire Sandoz à Bâle.</p> <h3>Premières recherches thérapeutiques</h3> <p>A partir des années 1950 et 1960, les scientifiques commencent à explorer le potentiel de ces substances nouvellement découvertes, en particulier aux États-Unis. Ils testent notamment leurs effets sur la dépression, l’anxiété, l’alcoolisme, les troubles obsessionnels compulsifs, ou encore les soins palliatifs, avec l’espoir d’en faire des médicaments.</p> <p>Ces pionniers découvrent notamment que l’état d’esprit de la personne et les conditions extérieures jouent un rôle majeur dans le déroulement de la séance. C’est la raison pour laquelle, aujourd’hui, les chambres d’hôpital dans lesquelles se déroulent les essais sont aménagées en des lieux chaleureux.</p> <p>Les chercheurs découvrent aussi le rôle essentiel que jouent les «guides», autrement dit des personnes habituées de ces substances, qui ne vont pas quitter le sujet durant son voyage intérieur. Comme l’écrit Michael Pollan dans <em>Voyage aux confins de l’esprit</em>: «A bien des égards, la thérapie psychédélique semblait davantage relever du chamanisme (…) que de la médecine moderne».</p> <figure style="text-align: center;"><img src="https://images.theconversation.com/files/362484/original/file-20201008-18-4hqfh9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" alt="" /> <figcaption><span>À l’université Johns Hopkins, les chambres où sont menées les études cliniques visant à déterminer les effets de la psilocybine et des autres produits psychédéliques ont été confortablement aménagées. Deux guides suivent les expérimentations, et accompagnent les volontaires en cas d’anxiété ou d’attaque de panique. ©</span> <span><span>Wikimedia Commons / Matthew W. Johnson - DR</span></span></figcaption> </figure> <p>A l’époque, la France n’est pas en reste. Dès 1956, Roger Heim avait informé l’Académie des sciences de la découverte d’espèces de champignons hallucinogènes utilisés dans les rites divinatoires des Amérindiens Mazatèques. Il la tenait régulièrement au courant de l’avancée des investigations, tant au niveau mycologique qu’ethnologique, chimique et, bien sûr, psychiatrique.</p> <p>C’est justement en France qu’eurent lieu les premiers essais cliniques avec la psilocybine, menés dès 1958 à l’hôpital Sainte-Anne par le professeur Jean Delay et quelques-uns de ses élèves. <a href="https://www.worldcat.org/title/psilocybine-en-psychiatrie-clinique-et-experimentale/oclc/44761736?referer=di&ht=edition">Ils obtinrent parfois des résultats spectaculaires</a>, comme dans le cas de cette personne catatonique chez qui est apparue «la possibilité d’un contact», ou encore celui de cette jeune femme internée pour anorexie, dépression et trouble compulsif de l’alimentation, qui repartit de l’hôpital après deux injections de psilocybine, d’une «efficacité thérapeutique incontestable».</p> <h3>Un petit groupe de convaincus</h3> <p>Il est deux aspects de la prise de produits psychédéliques dont les chercheurs américains qui s’aventuraient sur la piste de ces explorations préféraient ne parler qu’entre eux.</p> <p>Le premier est que l’intérêt de ces substances dépasse largement le cadre thérapeutique. Certains de ces expérimentateurs étaient même convaincus que, utilisées de façon appropriée, avec un accompagnement et dans un contexte adéquat, ces substances pouvaient être également profitables à toute personne saine de corps et d’esprit.</p> <p>Le second aspect qu’ils ont découvert durant leurs recherches est plus «embarrassant» encore: avec des doses importantes (prises <a href="https://doi.org/10.1177/0269881108093587">dans le cadre de recherches cliniques bien encadrées</a>), les chercheurs qui expérimentaient ces substances ont découvert qu’il est possible de vivre une expérience mystique. Sentiment océanique, absorption dans un «grand tout», sensation de caractère «sacré» du moment, transcendance du temps et de l’espace ordinaires, unité et beauté du monde, ineffabilité de l’expérience… Ils en ressortaient souvent profondément transformés.</p> <p>Comment, dès lors, concilier science, spiritualité et politique? Ce petit groupe de chercheurs était persuadé qu’en avançant prudemment, il était possible de convaincre les élites du pays de l’intérêt des produits psychédéliques. Ils espéraient qu’une fois cette étape franchie, toute la société américaine pourrait s’embarquer dans cette passionnante aventure. Mais les choses ne se passèrent pas ainsi.</p> <h3>Le déclin de la recherche</h3> <p>C’est par l’un des membres de ce petit groupe de personnes que le scandale arriva. Jusqu’alors respectable enseignant-chercheur en psychologie à Harvard, Timothy Leary «vend la mèche». Il ameute les médias, explique que le LSD va provoquer une révolution en Amérique, fait l’apologie de l’extase chimiquement induite. Et distribue du LSD à ses étudiants…</p> <p>Il serait néanmoins sans doute injuste de lui faire porter l’entière responsabilité du déclin des recherches sur les substances psychédéliques aux Etats-Unis, d’autant plus que ces dernières semblent surtout avoir cessé à cause des amendements <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4101807/">Kefauver-Harris</a> de 1962. 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Les 70 programmes de recherche s’arrêtent donc les uns après les autres. D’innombrables légendes urbaines sur le LSD, toutes plus terrifiantes les unes que les autres, commencent aussi à s’étaler dans la presse, en raison de «bad trips» qui surviendraient en cas de prise mal encadrée (Albert Hofmann déplorait d’ailleurs <a href="https://www.letemps.ch/societe/albert-hofmann-un-premier-trip-lsd">l’usage du LSD hors de tout cadre</a>).</p> <p>Résultat: malgré la publication de plus de mille articles scientifiques et l’organisation de six congrès internationaux entre 1950 et 1965, la recherche scientifique sur ces substances disparaît alors des radars. Pendant plus de trente ans, ce sera comme si elle n’avait jamais existé. Certains de ses pionniers étaient toutefois encore en vie, et ils se souvenaient.</p> <p>Vint le moment de la renaissance: à partir du milieu des années 1990, quelques études furent de nouveau autorisées. Une nouvelle génération de chercheurs était prête à reprendre le flambeau, selon les mots de l’un d’entre eux, le professeur Charles Grob, du Harbor–UCLA Medical Center.</p> <h3>Regain d’intérêt et nouveaux résultats</h3> <p>Les travaux actuels suivent les mêmes pistes que celles qui avaient commencé à être explorées dans les années 1960. Ils sont cependant désormais menés avec une rigueur conforme aux exigences contemporaines en matière de recherche clinique et obéissent, autant qu’il est possible, à la méthodologie du «double aveugle versus placebo».</p> <p>Des études ont par exemple porté sur des patients atteints de cancer qui devaient affronter la fin de leur vie. Un ou plusieurs voyages sous psilocybine leur ont permis <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/0269881119897615">de modifier radicalement leur rapport à la mort</a>, de l’accueillir sans frayeur et de mieux profiter du temps qui leur restait à vivre. L’utilisation de la psilocybine dans <a href="https://doi.org/10.1016/S2215-0366(16)30065-7">la dépression</a> ou pour arrêter <a href="https://doi.org/10.3109/00952990.2016.1170135">le tabac</a> ou <a href="https://doi.org/10.1177/0269881114565144">l’alcool</a> a obtenu des résultats plus qu’encourageants, même si peu d’équipes sont engagées dans cette voie.</p> <p>Les recherches ont notamment révélé que le LSD et la psilocybine, les substances psychédéliques majoritairement utilisées dans les essais cliniques, agissent principalement dans le cerveau sur le même récepteur de la sérotonine (le récepteur 5-HT2A). C'est aussi sur le système sérotoninergique <a href="https://theconversation.com/non-la-serotonine-ne-fait-pas-le-bonheur-mais-elle-fait-bien-plus-109280">qu’agissent les antidépresseurs les plus prescrits actuellement</a>, bien que leur effet ne soit bien évidemment pas le même.</p> <h3>Une législation inadaptée</h3> <p>Quels que soient l’enthousiasme et les espoirs que l’on peut raisonnablement fonder sur ces travaux, les recherches dans le domaine des substances psychédéliques se heurtent à un obstacle majeur: une législation inadaptée.</p> <p>Le régime global de prohibition des plantes et substances psychoactives actuel repose sur trois conventions signées par la quasi-totalité des pays. Celle dite <a href="https://www.incb.org/documents/Narcotic-Drugs/1961-Convention/convention_1961_fr.pdf">« unique »</a> de 1961 sur les stupéfiants, <a href="https://www.incb.org/documents/Psychotropics/conventions/convention_1971_fr.pdf">celle de 1971 sur les substances psychotropes</a>, celle enfin de 1988 <a href="https://www.incb.org/documents/PRECURSORS/1988_CONVENTION/1988Convention_F.pdf">contre le trafic illicite</a>. Or, dans la convention de 1971, les psychédéliques sont classés comme drogues dangereuses sans intérêt thérapeutique. Ce classement, qui ne tient pas compte des résultats scientifiques récents, constitue un obstacle redoutable au développement des recherches.</p> <p>Les lois actuelles continuent à entraver les recherches concernant des substances <a href="https://doi.org/10.1016/S2215-0366(14)00120-5">« sans dangers physiologiques et très faiblement addictives »</a> comme le notait en 2015 la réputée revue scientifique médicale <em>The Lancet</em>. Non seulement les chercheurs se heurtent-ils à de fastidieuses demandes d'autorisations dès lors qu’ils souhaitent travailler sur ces substances, mais qui plus est, lorsqu’un produit est classé en «stupéfiant», on constate une réticence des médecins <a href="https://telemme.mmsh.univ-aix.fr/membres/Zo%C3%AB_Dubus">à l’étudier ou à le prescrire</a>.</p> <p>Et ce, alors même que la loi permet la production et la vente de produits psychoactifs dangereux pour la santé et addictogènes, tels que l’alcool ou de tabac…</p> <h3>Et demain ?</h3> <p>Les substances psychédéliques issus des champignons, des cactus et d’autres plantes à fleurs sont connues depuis des centaines voire des milliers d’années sur le continent américain. Ayons une pensée pour les descendants des peuples colonisés qui, pour certains, les utilisaient depuis des temps immémoriaux, avant de se voir dépossédés, par la loi, de leur droit à disposer d’eux-mêmes. Voici peut-être un autre rôle pour les produits psychédéliques : transformer profondément les rapports sociaux.</p> <p>Un rêve? Peut-être. Mais figurez-vous que les patients récemment traités pour dépression résistante avec la psilocybine au prestigieux Imperial College de Londres semblent avoir connu une modification dans leurs opinions politiques à travers l’expérience psychédélique: après leur traitement, ils auraient fait montre <a href="https://doi.org/10.1177/0269881117748902">d’un moindre goût pour les doctrines autoritaristes</a> et auraient développé un sentiment accru connexion à la nature…</p> <p>Certes, l’échantillon de patients sur lequel ont porté ces travaux est trop petit (12 personnes seulement) pour que l’on puisse raisonnablement considérer que cette observation constitue une preuve expérimentale robuste. Cependant, d’autres études suggèrent également une tendance, <a href="https://doi.org/10.3390/ijerph16245147">chez les usagers de produits psychédéliques</a>, à adopter <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/28631526/">un mode de vie plus écologique</a>.</p> <p>Ces pistes s’ajoutent aux nombreuses autres qui restent encore à explorer. Reste maintenant à espérer qu’une jeune génération de scientifiques reprenne le flambeau allumé en France par Roger Heim, Jean Delay et d’autres, en participant à l’aventure enthousiasmante de la recherche sur ces substances. Cela impliquera non seulement des changements au niveau politique, mais aussi culturel, pour que la perception des produits psychédéliques se modifie. La route est encore longue. Elle commence peut-être par un voyage intérieur…<img src="https://counter.theconversation.com/content/127760/count.gif?distributor=republish-lightbox-basic" alt="The Conversation" width="1" height="1" /></p> <hr /> <h4>Cet article est republié à partir de <a href="https://theconversation.com">The Conversation</a> sous licence Creative Commons. Lire l’<a href="https://theconversation.com/soignera-t-on-un-jour-grace-au-lsd-et-aux-champignons-hallucinogenes-127760">article original</a>.</h4> <figure></figure>', 'content_edition' => null, 'slug' => 'soignera-t-on-un-jour-grace-au-lsd-et-aux-champignons-hallucinogenes', 'headline' => false, 'homepage' => 'col-md-12', 'like' => (int) 573, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 2879, 'homepage_order' => (int) 2879, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => 'Science', 'poster' => null, 'category_id' => (int) 4, 'person_id' => (int) 85, 'post_type_id' => (int) 1, 'poster_attachment' => null, 'editions' => [[maximum depth reached]], 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'attachments' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'comments' => [[maximum depth reached]], 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Posts' }, 'relatives' => [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Post) {}, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Post) {}, (int) 2 => object(App\Model\Entity\Post) {}, (int) 3 => object(App\Model\Entity\Post) {} ], 'embeds' => [], 'images' => [ (int) 0 => object(Cake\ORM\Entity) {} ], 'audios' => [], 'comments' => [], 'author' => 'Bon pour la tête', 'description' => 'A partir des années 1950 et 1960, quelques équipes de scientifiques ont commencé à évaluer le potentiel thérapeutique des substances psychotropes dites «psychédéliques», telles que le LSD, découvert en 1943, ou la psilocybine extraite des champignons hallucinogènes. 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Il décrit un état onirique, des visions kaléidoscopiques et colorées. Afin de vérifier, il prend à nouveau une dose qu'il pensait - à tort - petite, le 19 avril 1943, volontairement cette fois. Il en ressent rapidement les effets, qu'il décrira dans son ouvrage <a href="https://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb35031714j">LSD, mon enfant terrible</a>: troubles visuels, angoisse, peur de mourir ou d'être devenu fou… Avant de profiter d'un «sentiment de bonheur» et «du spectacle inouï de formes et de couleurs», d'images multicolores et kaléidoscopiques.</p> <p>Suite à cette découverte, la firme Sandoz décide de mettre la molécule à la disposition des chercheurs afin d’en explorer le potentiel thérapeutique. Fait singulier dans l’histoire du médicament, Sandoz suggère même aux médecins de tester la substance sur eux-mêmes, pour en constater les effets, qui se traduisent notamment par une intensification de toutes les perceptions sensorielles: les couleurs sont perçues comme plus brillantes, les nuances sont plus subtiles, les perspectives et les distances se déforment, les sons deviennent plus précis et plus difficiles à localiser, la notion du temps change…</p> <h3>Des champignons magiques à la psilocybine</h3> <p>L’histoire de la psilocybine débute quant à elle quelques années plus tard, grâce à Robert Gordon Wasson et Valentina Pavlovna Wasson, un couple d’ethnologues états-unien. Au début des années 1950, ces fondateurs de l’«ethnomycologie», la discipline qui étudie la place des champignons dans les différentes sociétés humaines, redécouvrent au Mexique les champignons divinatoires. Ces derniers sont à l’époque toujours utilisés par quelques peuples amérindiens isolés.</p> <p>Les époux Wasson collectent notamment auprès d’eux le <em>Psilocybe mexicana</em>, dont la consommation se traduit par une ivresse avec relaxation corporelle, des troubles psychiques tels que rires inexpliqués ou <a href="https://www.hug.ch/sites/interhug/files/structures/addictologie/documents/Formation/continue/journees_addictologie/10eme/psilocybine.pdf#page=32">modifications des sensations et des perceptions</a> (les formes et les couleurs des objets sont par exemple altérées), une <a href="https://www.hug.ch/sites/interhug/files/structures/addictologie/documents/Formation/continue/journees_addictologie/10eme/psilocybine.pdf#page=33">désorientation temporelle</a> et spatiale. Cette augmentation du pouvoir perceptif, dont les effets durent plusieurs heures, provoque une attitude contemplative. L’humeur est, dans la majorité des cas, euphorique, même si certaines personnes peuvent ressentir des bouffées d’angoisse ou des attaques de panique transitoires.</p> <figure style="text-align: center;"><a href="https://images.theconversation.com/files/362549/original/file-20201008-14-1uzpf14.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img src="https://images.theconversation.com/files/362549/original/file-20201008-14-1uzpf14.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" alt="" /></a> <figcaption><span>Le spécialiste des champignons Roger Heim, dont les cultures furent décisives dans l’identification de la psilocybine.</span> © <span><span>MNHN - DR</span>, <span>Author provided</span></span></figcaption> </figure> <p>Ces effets sont notamment dus à un principe actif appelé psilocybine. Celui-ci sera isolé par Albert Hofmann, encore lui, grâce au concours de Roger Heim, professeur au Muséum national d’Histoire naturelle. Profitons de l’occasion pour rendre justice à ce dernier pour le rôle crucial qu’il a joué dans l’histoire des champignons à psilocybine. Ami des époux Wasson, Roger Heim fut impliqué dès le départ dans la redécouverte des champignons divinatoires utilisés par les Amérindiens du Mexique.</p> <p>Cet éminent biologiste, spécialiste des champignons, fut notamment le premier à en réussir la culture en laboratoire, permettant ainsi la découverte de la psilocybine et de la psilocine. Ces deux molécules auraient peut-être même pu être été identifiées au Muséum à Paris et non chez Sandoz à Bâle: Roger Heim avait en effet confié à son collègue le chimiste Marcel Frèrejacque un flacon d’extrait de champignons hallucinogènes pour qu’il en identifie les principes actifs. Mais, occupé à d’autres recherches, Marcel Frèrejacque avait négligé le flacon, le laissant sur un coin de sa paillasse de laboratoire, jusqu’au jour où il le fit accidentellement tomber sur le carrelage…</p> <p>Fâché, Roger Heim envoya d’autres champignons issus de ses cultures parisiennes au laboratoire Sandoz à Bâle.</p> <h3>Premières recherches thérapeutiques</h3> <p>A partir des années 1950 et 1960, les scientifiques commencent à explorer le potentiel de ces substances nouvellement découvertes, en particulier aux États-Unis. Ils testent notamment leurs effets sur la dépression, l’anxiété, l’alcoolisme, les troubles obsessionnels compulsifs, ou encore les soins palliatifs, avec l’espoir d’en faire des médicaments.</p> <p>Ces pionniers découvrent notamment que l’état d’esprit de la personne et les conditions extérieures jouent un rôle majeur dans le déroulement de la séance. C’est la raison pour laquelle, aujourd’hui, les chambres d’hôpital dans lesquelles se déroulent les essais sont aménagées en des lieux chaleureux.</p> <p>Les chercheurs découvrent aussi le rôle essentiel que jouent les «guides», autrement dit des personnes habituées de ces substances, qui ne vont pas quitter le sujet durant son voyage intérieur. Comme l’écrit Michael Pollan dans <em>Voyage aux confins de l’esprit</em>: «A bien des égards, la thérapie psychédélique semblait davantage relever du chamanisme (…) que de la médecine moderne».</p> <figure style="text-align: center;"><img src="https://images.theconversation.com/files/362484/original/file-20201008-18-4hqfh9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" alt="" /> <figcaption><span>À l’université Johns Hopkins, les chambres où sont menées les études cliniques visant à déterminer les effets de la psilocybine et des autres produits psychédéliques ont été confortablement aménagées. 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Il la tenait régulièrement au courant de l’avancée des investigations, tant au niveau mycologique qu’ethnologique, chimique et, bien sûr, psychiatrique.</p> <p>C’est justement en France qu’eurent lieu les premiers essais cliniques avec la psilocybine, menés dès 1958 à l’hôpital Sainte-Anne par le professeur Jean Delay et quelques-uns de ses élèves. <a href="https://www.worldcat.org/title/psilocybine-en-psychiatrie-clinique-et-experimentale/oclc/44761736?referer=di&ht=edition">Ils obtinrent parfois des résultats spectaculaires</a>, comme dans le cas de cette personne catatonique chez qui est apparue «la possibilité d’un contact», ou encore celui de cette jeune femme internée pour anorexie, dépression et trouble compulsif de l’alimentation, qui repartit de l’hôpital après deux injections de psilocybine, d’une «efficacité thérapeutique incontestable».</p> <h3>Un petit groupe de convaincus</h3> <p>Il est deux aspects de la prise de produits psychédéliques dont les chercheurs américains qui s’aventuraient sur la piste de ces explorations préféraient ne parler qu’entre eux.</p> <p>Le premier est que l’intérêt de ces substances dépasse largement le cadre thérapeutique. Certains de ces expérimentateurs étaient même convaincus que, utilisées de façon appropriée, avec un accompagnement et dans un contexte adéquat, ces substances pouvaient être également profitables à toute personne saine de corps et d’esprit.</p> <p>Le second aspect qu’ils ont découvert durant leurs recherches est plus «embarrassant» encore: avec des doses importantes (prises <a href="https://doi.org/10.1177/0269881108093587">dans le cadre de recherches cliniques bien encadrées</a>), les chercheurs qui expérimentaient ces substances ont découvert qu’il est possible de vivre une expérience mystique. Sentiment océanique, absorption dans un «grand tout», sensation de caractère «sacré» du moment, transcendance du temps et de l’espace ordinaires, unité et beauté du monde, ineffabilité de l’expérience… Ils en ressortaient souvent profondément transformés.</p> <p>Comment, dès lors, concilier science, spiritualité et politique? Ce petit groupe de chercheurs était persuadé qu’en avançant prudemment, il était possible de convaincre les élites du pays de l’intérêt des produits psychédéliques. Ils espéraient qu’une fois cette étape franchie, toute la société américaine pourrait s’embarquer dans cette passionnante aventure. Mais les choses ne se passèrent pas ainsi.</p> <h3>Le déclin de la recherche</h3> <p>C’est par l’un des membres de ce petit groupe de personnes que le scandale arriva. Jusqu’alors respectable enseignant-chercheur en psychologie à Harvard, Timothy Leary «vend la mèche». Il ameute les médias, explique que le LSD va provoquer une révolution en Amérique, fait l’apologie de l’extase chimiquement induite. Et distribue du LSD à ses étudiants…</p> <p>Il serait néanmoins sans doute injuste de lui faire porter l’entière responsabilité du déclin des recherches sur les substances psychédéliques aux Etats-Unis, d’autant plus que ces dernières semblent surtout avoir cessé à cause des amendements <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4101807/">Kefauver-Harris</a> de 1962. Ces lois ont instauré des normes strictes pour l’évaluation de l’efficacité des médicaments suite au scandale de la thalidomide, <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/1467-9566.13040">normes que les recherches sur les psychédéliques ont eu du mal à respecter</a>, en raison de la nature peu orthodoxe du traitement.</p> <figure style="text-align: center;"><a href="https://images.theconversation.com/files/362554/original/file-20201008-22-1qalh3g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img src="https://images.theconversation.com/files/362554/original/file-20201008-22-1qalh3g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" alt="" /></a> <figcaption><span>La molécule de LSD, représentée sous forme topologique (à g.) et tridimensionnelle (à dr.).</span> © <span><a href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:LSD-2D,_3D.png">Benjah-bmm27 / Wikimedia Commons</a>, <a href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption> </figure> <p>Toujours est-il que les crédits de recherche sur les produits psychédéliques ne sont pas reconduits. Les 70 programmes de recherche s’arrêtent donc les uns après les autres. D’innombrables légendes urbaines sur le LSD, toutes plus terrifiantes les unes que les autres, commencent aussi à s’étaler dans la presse, en raison de «bad trips» qui surviendraient en cas de prise mal encadrée (Albert Hofmann déplorait d’ailleurs <a href="https://www.letemps.ch/societe/albert-hofmann-un-premier-trip-lsd">l’usage du LSD hors de tout cadre</a>).</p> <p>Résultat: malgré la publication de plus de mille articles scientifiques et l’organisation de six congrès internationaux entre 1950 et 1965, la recherche scientifique sur ces substances disparaît alors des radars. Pendant plus de trente ans, ce sera comme si elle n’avait jamais existé. Certains de ses pionniers étaient toutefois encore en vie, et ils se souvenaient.</p> <p>Vint le moment de la renaissance: à partir du milieu des années 1990, quelques études furent de nouveau autorisées. Une nouvelle génération de chercheurs était prête à reprendre le flambeau, selon les mots de l’un d’entre eux, le professeur Charles Grob, du Harbor–UCLA Medical Center.</p> <h3>Regain d’intérêt et nouveaux résultats</h3> <p>Les travaux actuels suivent les mêmes pistes que celles qui avaient commencé à être explorées dans les années 1960. Ils sont cependant désormais menés avec une rigueur conforme aux exigences contemporaines en matière de recherche clinique et obéissent, autant qu’il est possible, à la méthodologie du «double aveugle versus placebo».</p> <p>Des études ont par exemple porté sur des patients atteints de cancer qui devaient affronter la fin de leur vie. Un ou plusieurs voyages sous psilocybine leur ont permis <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/0269881119897615">de modifier radicalement leur rapport à la mort</a>, de l’accueillir sans frayeur et de mieux profiter du temps qui leur restait à vivre. L’utilisation de la psilocybine dans <a href="https://doi.org/10.1016/S2215-0366(16)30065-7">la dépression</a> ou pour arrêter <a href="https://doi.org/10.3109/00952990.2016.1170135">le tabac</a> ou <a href="https://doi.org/10.1177/0269881114565144">l’alcool</a> a obtenu des résultats plus qu’encourageants, même si peu d’équipes sont engagées dans cette voie.</p> <p>Les recherches ont notamment révélé que le LSD et la psilocybine, les substances psychédéliques majoritairement utilisées dans les essais cliniques, agissent principalement dans le cerveau sur le même récepteur de la sérotonine (le récepteur 5-HT2A). C'est aussi sur le système sérotoninergique <a href="https://theconversation.com/non-la-serotonine-ne-fait-pas-le-bonheur-mais-elle-fait-bien-plus-109280">qu’agissent les antidépresseurs les plus prescrits actuellement</a>, bien que leur effet ne soit bien évidemment pas le même.</p> <h3>Une législation inadaptée</h3> <p>Quels que soient l’enthousiasme et les espoirs que l’on peut raisonnablement fonder sur ces travaux, les recherches dans le domaine des substances psychédéliques se heurtent à un obstacle majeur: une législation inadaptée.</p> <p>Le régime global de prohibition des plantes et substances psychoactives actuel repose sur trois conventions signées par la quasi-totalité des pays. Celle dite <a href="https://www.incb.org/documents/Narcotic-Drugs/1961-Convention/convention_1961_fr.pdf">« unique »</a> de 1961 sur les stupéfiants, <a href="https://www.incb.org/documents/Psychotropics/conventions/convention_1971_fr.pdf">celle de 1971 sur les substances psychotropes</a>, celle enfin de 1988 <a href="https://www.incb.org/documents/PRECURSORS/1988_CONVENTION/1988Convention_F.pdf">contre le trafic illicite</a>. Or, dans la convention de 1971, les psychédéliques sont classés comme drogues dangereuses sans intérêt thérapeutique. Ce classement, qui ne tient pas compte des résultats scientifiques récents, constitue un obstacle redoutable au développement des recherches.</p> <p>Les lois actuelles continuent à entraver les recherches concernant des substances <a href="https://doi.org/10.1016/S2215-0366(14)00120-5">« sans dangers physiologiques et très faiblement addictives »</a> comme le notait en 2015 la réputée revue scientifique médicale <em>The Lancet</em>. Non seulement les chercheurs se heurtent-ils à de fastidieuses demandes d'autorisations dès lors qu’ils souhaitent travailler sur ces substances, mais qui plus est, lorsqu’un produit est classé en «stupéfiant», on constate une réticence des médecins <a href="https://telemme.mmsh.univ-aix.fr/membres/Zo%C3%AB_Dubus">à l’étudier ou à le prescrire</a>.</p> <p>Et ce, alors même que la loi permet la production et la vente de produits psychoactifs dangereux pour la santé et addictogènes, tels que l’alcool ou de tabac…</p> <h3>Et demain ?</h3> <p>Les substances psychédéliques issus des champignons, des cactus et d’autres plantes à fleurs sont connues depuis des centaines voire des milliers d’années sur le continent américain. Ayons une pensée pour les descendants des peuples colonisés qui, pour certains, les utilisaient depuis des temps immémoriaux, avant de se voir dépossédés, par la loi, de leur droit à disposer d’eux-mêmes. Voici peut-être un autre rôle pour les produits psychédéliques : transformer profondément les rapports sociaux.</p> <p>Un rêve? Peut-être. Mais figurez-vous que les patients récemment traités pour dépression résistante avec la psilocybine au prestigieux Imperial College de Londres semblent avoir connu une modification dans leurs opinions politiques à travers l’expérience psychédélique: après leur traitement, ils auraient fait montre <a href="https://doi.org/10.1177/0269881117748902">d’un moindre goût pour les doctrines autoritaristes</a> et auraient développé un sentiment accru connexion à la nature…</p> <p>Certes, l’échantillon de patients sur lequel ont porté ces travaux est trop petit (12 personnes seulement) pour que l’on puisse raisonnablement considérer que cette observation constitue une preuve expérimentale robuste. Cependant, d’autres études suggèrent également une tendance, <a href="https://doi.org/10.3390/ijerph16245147">chez les usagers de produits psychédéliques</a>, à adopter <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/28631526/">un mode de vie plus écologique</a>.</p> <p>Ces pistes s’ajoutent aux nombreuses autres qui restent encore à explorer. Reste maintenant à espérer qu’une jeune génération de scientifiques reprenne le flambeau allumé en France par Roger Heim, Jean Delay et d’autres, en participant à l’aventure enthousiasmante de la recherche sur ces substances. Cela impliquera non seulement des changements au niveau politique, mais aussi culturel, pour que la perception des produits psychédéliques se modifie. La route est encore longue. Elle commence peut-être par un voyage intérieur…<img src="https://counter.theconversation.com/content/127760/count.gif?distributor=republish-lightbox-basic" alt="The Conversation" width="1" height="1" /></p> <hr /> <h4>Cet article est republié à partir de <a href="https://theconversation.com">The Conversation</a> sous licence Creative Commons. Lire l’<a href="https://theconversation.com/soignera-t-on-un-jour-grace-au-lsd-et-aux-champignons-hallucinogenes-127760">article original</a>.</h4> <figure></figure>', 'content_edition' => null, 'slug' => 'soignera-t-on-un-jour-grace-au-lsd-et-aux-champignons-hallucinogenes', 'headline' => false, 'homepage' => 'col-md-12', 'like' => (int) 573, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 2879, 'homepage_order' => (int) 2879, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => 'Science', 'poster' => null, 'category_id' => (int) 4, 'person_id' => (int) 85, 'post_type_id' => (int) 1, 'poster_attachment' => null, 'editions' => [], 'tags' => [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Tag) {}, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Tag) {}, (int) 2 => object(App\Model\Entity\Tag) {} ], 'locations' => [], 'attachment_images' => [ (int) 0 => object(Cake\ORM\Entity) {} ], 'attachments' => [ (int) 0 => object(Cake\ORM\Entity) {} ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'comments' => [], 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ '*' => true, 'id' => false ], '[dirty]' => [], '[original]' => [], '[virtual]' => [], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [], '[invalid]' => [], '[repository]' => 'Posts' } $relatives = [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 5295, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => false, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => null, 'readed' => null, 'subhead' => null, 'title' => 'Un bien cruel conte de Noël (1)', 'subtitle' => 'Catherine et Pierre forment un couple épanoui. 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La fidélité absolue est un concept éculé et hypocrite qui a pour but principal que les hommes soient certains que les enfants qui sortent des ventres de leur épouse soient bien le produit de leurs spermatozoïdes à eux. Transmettre ses gènes est un réflexe très animal, si Sapiens est vraiment un être supérieur, il devrait se détendre sur cette question. En plus, Pierre et moi n’avons pas fait d’enfants, trop concentrés sur nous-mêmes et nos vies à réussir. Marie, ma sœur, prétend que pour les femmes, l’importance de la fidélité n’a pas pour but la perpétuation de l’espèce mais plutôt la conservation à leur côté du mâle qui assure leur protection. Elle se trompe. Si Pierre et moi sommes toujours ensemble après trente-cinq ans de mariage, c’est justement parce que nous nous laissons la liberté d’aller de temps en temps voir ailleurs. Marie, elle, ne souhaitait plus de rapports sexuels tout en menaçant son mari de le quitter s’il la trompait. C’est lui qui est parti avec la première maîtresse qu’il s’est autorisée.</p> <p>Mais Pierre a changé.</p> <p>Nous nous sommes connus dans une manifestation contre le racisme alors que nous avions vingt-sept ans. Il était graphiste tandis que moi j’enseignais le français à des réfugiés dans un centre géré par l’Eglise protestante. Je l’avais déjà remarqué à d’autres occasions au fil des ans – Lausanne est une petite ville – notamment lors d’une soirée chez Jean-Luc, lequel a été mon amant lorsque j’avais vingt ans et que j’hésitais entre le trotskisme et l’écologie politique. Lorsque Jean-Luc, figure de proue des trotskistes locaux, m’avait quittée pour une camarade d’origine kurde plus valorisante pour lui, j’avais renoncé aux principes de la Quatrième Internationale et milité pour la sauvegarde de la planète, jusqu’à ma rencontre avec un zapatiste belge avec qui je suis partie au Mexique où j’ai attrapé une infection sexuellement transmissible. De retour en Suisse, j’ai soigné ma salpingite et terminé mes études de lettres. Entre deux amants de passage, je traversais de longues périodes d’abstinence sexuelle sans que cela me coûte. A la manif, j’ai trouvé Pierre très beau avec sa moustache et sa barbe de cinq jours. Et je l’ai trouvé irrésistible lorsqu’il a jeté une bouteille vide en direction des forces de l’ordre qui voulaient nous empêcher d’accéder à la salle où se déroulait une assemblée de l’UDC, ce parti d’extrême droite honni par nous. Pierre s’est fait réprimander par les camarades communistes qui assuraient le service d’ordre et il a fini par en venir aux mains avec eux. J’ai spontanément pris sa défense, nous nous sommes faits bousculer et avons quitté la manifestation, lui avec une arcade sourcilière fendue, moi avec un fort désir pour lui. Je l’ai emmené chez moi pour soigner sa blessure et nous avons fait l’amour toute la nuit. 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Pierre est devenu agressif avec Mireille lorsque celle-ci a déclaré que les néo-féministes exagéraient et que #MeToo décourageait toute tentative de séduction de la part des hommes. «Je n’ai pas peur de le dire, j’aime bien que l’on me tienne la porte et que les hommes me fassent sentir qu’ils me désirent…» Pierre lui a rétorqué que le patriarcat était une forme de fascisme et qu’en tant que progressiste nous devions tout faire pour l’abattre. J’ai essayé de dévier la conversation sur la nourriture bio mais très vite c’est l’écriture inclusive qui a fait s’échauffer les esprits. Serge, qui se pique d’aimer la littérature, a déclaré que le français était en danger, qu’il fallait le sauver des points médians et des réformes de l’orthographe. 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Ce que j’ai découvert est effrayant…</p> <p style="text-align: right;"><em>Suite la semaine prochaine</em></p> <hr /> <h4>Pierre Ronpipal est l’auteur de<br /><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1734002707_damned01.jpg" class="img-responsive img-fluid normal " width="149" height="206" /><br />«A moi de choisir ceux qui vont mourir»<br /><span>et de<br /></span><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1734002742_cover20242.jpg" class="img-responsive img-fluid normal " width="154" height="207" /><br />«Le vert était rouge à l’intérieur»<br />aux <a href="https://nouvelleseditionshumus.ch/" target="_blank" rel="noopener">Nouvelles Editions Humus</a></h4>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'un-bien-cruel-conte-de-noel-1', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 39, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 6, 'person_id' => (int) 85, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'comments' => [ [maximum depth reached] ], 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Posts' }, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 5284, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => true, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => null, 'readed' => null, 'subhead' => null, 'title' => 'Les ramasseurs de déchets, grands perdants du récit dominant sur la pollution plastique', 'subtitle' => 'A Busan, en Corée du Sud, les discussions sur le traité mondial sur la pollution plastique, qui se tenaient du 25 novembre au 1er décembre, se sont soldées par un échec. 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En jeu, rien de moins que les causes de la crise de la pollution plastique et les solutions appropriées pour y remédier.</p> <ul> <li> <p>D’un côté, la <a href="https://hactoendplasticpollution.org/fr/">Coalition de haute ambition</a> (HAC), les activistes du «zéro déchet» et de <a href="https://theconversation.com/traite-mondial-contre-la-pollution-plastique-en-coulisses-le-regard-des-scientifiques-francais-presents-234046">nombreux scientifiques</a> insistent sur la nécessité d’une <a href="https://hactoendplasticpollution.org/hac-member-states-ministerial-joint-statement-for-inc-5/">approche globale portant sur l’ensemble du cycle de vie des plastiques</a>, y compris leur production.</p> </li> <li> <p>De l’autre côté, une <a href="https://medium.com/points-of-order/spoiler-alert-f737a24292e6">petite minorité d’Etats</a> ainsi que l’industrie pétrochimique ont à de nombreuses reprises détourné l’attention de cette question de la production des plastiques. Au lieu de cela, ils accusent des <a href="https://psmag.com/environment/the-epa-blames-six-asian-nations-that-the-u-s-exports-plastic-waste-to-for-ocean-pollution/">systèmes de recyclage inadéquats et une mauvaise gestion des déchets</a>.</p> </li> </ul> <p>L’attention portée au recyclage des plastiques et à la gestion des déchets touche en réalité des millions de personnes en Asie, en Amérique du Sud et en Afrique. Il s’agit des travailleurs qui récupèrent, réutilisent ou revendent les plastiques, les textiles, l’aluminium et d’autres matériaux précieux issus des déchets.</p> <p>Dans le cadre du traité sur les plastiques, pour que ces travailleurs informels soient reconnus, que leurs conditions de travail puissent être améliorées et qu’ils puissent bénéficient d’une transition écologique plus équitable, les solutions politiques doivent aller au-delà des mécanismes économiques basés sur le seul marché et des stratégies axées sur le profit.</p> <p>Si ce n’est pas le cas, les efforts en faveur d’un recyclage plus inclusif et du développement de l’économie circulaire risquent de renforcer les injustices mêmes qu’ils prétendent combattre.</p> <h3>Qui sont les ramasseurs informels de déchets?</h3> <p>Les collecteurs de déchets – et les autres personnes travaillant avec eux dans un cadre informel et coopératif – effectuent une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0921344924001824#sec0021">grande partie du travail de recyclage à l’échelle mondiale</a>. 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Les réglementations environnementales peuvent <a href="https://iopscience.iop.org/article/10.1088/1748-9326/ac6b49">aggraver ces menaces</a> en accélérant la privatisation du traitement des déchets.</p> <p>Alors que les efforts de lutte contre la pollution plastique gagnent du terrain, les ramasseurs informels sont soumis à une double pression:</p> <ul> <li> <p>Ils doivent protéger leur accès aux déchets, car c’est l’un des rares moyens de subsistance dont ils disposent.</p> </li> <li> <p>En même temps, ils cherchent à améliorer leurs conditions de vie et de travail.</p> </li> </ul> <p>Un groupe de ramasseurs de déchets a donc profité de l’ouverture des négociations pour <a href="https://globalrec.org/document/just-transition-waste-pickers-un-plastics-treaty/">plaider en faveur de la reconnaissance de leur travail</a>. Il a été demandé que leurs contributions historiques à la réduction de la pollution plastique soient explicitement reconnues, et qu’un objectif explicite de transition juste soit intégré au traité sur les plastiques.</p> <h3>Avec l’économie circulaire, tout le monde est gagnant?</h3> <p>La <a href="https://theconversation.com/quatre-idees-recues-sur-la-transition-juste-227569">transition juste</a> est un principe défendu par les groupes de travailleurs et les défenseurs de la justice sociale afin de garantir que les politiques de transition écologique protègent, améliorent et compensent équitablement les moyens de subsistance des travailleurs et des communautés affectés par l’environnement.</p> <p>Les ramasseurs de déchets ont utilisé ce terme pour réclamer que le traité comprenne des dispositions pour améliorer leurs conditions de travail et de sécurité. Mais également pour que le traité intègre davantage les travailleurs informels aux systèmes de gestion des déchets, et pour exiger que les systèmes de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/responsabilite-elargie-du-producteur-67766">responsabilité élargie des producteurs</a> (REP) soutiennent aussi les travailleurs du secteur des déchets, en particulier les <a href="https://www.wiego.org/gender-waste-project">femmes et d’autres groupes vulnérables</a>.</p> <p>Etonnamment, ces demandes ont obtenu le soutien d’un large éventail de parties prenantes puissantes. Par exemple la <a href="https://www.businessforplasticstreaty.org/vision-statement#Key-elements">Business Coalition for a Plastics Treaty</a>, les <a href="https://news.un.org/en/story/2024/10/1156301">dirigeants des Nations unies</a> et même <a href="https://resolutions.unep.org/resolutions/uploads/american_chemistry_council.pdf">l’industrie pétrochimique</a>.</p> <p>Certaines de ces demandes ont été intégrées aux projets de traité sur les plastiques discutés au cours des négociations, ce qui représente une victoire majeure pour les travailleurs du secteur informel des déchets.</p> <p>Un consensus se dégage sur le fait qu’une économie circulaire inclusive peut être bénéfique à la fois pour l’environnement, l’économie et les travailleurs en améliorant la gestion de la pollution, les moyens de subsistance et les opportunités de croissance économique pour les entreprises.</p> <p>Ces promesses demandent toutefois à être vérifiées sur le terrain. Et c’est là que les choses se compliquent.</p> <h3>« Gagnant-gagnant », mais la victoire de qui ?</h3> <p>Dans mon livre <a href="https://mitpress.mit.edu/9780262546973/recycling-class/"><em>Recycling Class</em></a>, j’examine comment les efforts de recyclage inclusif ont été mis en œuvre à Bengaluru, l’une des plus grandes villes de l’Inde.</p> <figure><a href="https://images.theconversation.com/files/635250/original/file-20241129-15-cdpt12.jpg?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img src="https://images.theconversation.com/files/635250/original/file-20241129-15-cdpt12.jpg?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" alt="" /></a> <figcaption><span></span></figcaption> </figure> <p>Dans cet ouvrage, je défends que l’intégration dans des programmes d’économie circulaire basés sur le marché n’est pas une solution miracle aux injustices ancrées dans les systèmes de production, de consommation et de production des déchets.</p> <p>La plupart des politiques d’économie circulaire et de recyclage inclusif reposent sur des mécanismes de marché, partant du principe que la création de marchés pour les déchets incitera les acteurs du marché à récupérer efficacement les déchets et à les convertir en ressources.</p> <p>Pour remplir leurs obligations en matière de <a href="https://theconversation.com/faire-payer-plus-les-entreprises-pour-quelles-reduisent-les-emballages-130073">responsabilité élargie des producteurs</a> (REP), les marques peuvent alors s’engager à acheter des plastiques recyclés et à financer la collecte des déchets en achetant des <a href="https://www.worldbank.org/en/programs/problue/publication/unlocking-financing-to-combat-the-plastics-crisis">crédits plastique</a>.</p> <p>Cette approche vise à améliorer le prix des déchets, à augmenter les salaires et à encourager les efforts de collecte, tout en attirant des investissements pour financer l’amélioration des infrastructures et des technologies.</p> <p>Cependant, les mécanismes fondés sur le marché aggravent les inégalités existantes en matière d’accès au marché. Les efforts visant à donner la priorité à la traçabilité et à la transparence – dans le but d’améliorer l’efficacité du marché et le respect de la réglementation – désavantagent souvent les travailleurs informels.</p> <p>Ces derniers ne disposent pas des ressources et des capacités techniques nécessaires pour adopter des systèmes de suivi complexes basés sur les SIG ou la blockchain, et se retrouvent exclus des processus formalisés. Les start-up financées par le capital-risque et les grandes entreprises s’emparent alors du secteur du recyclage.</p> <p>Les multinationales préfèrent d’ailleurs les partenariats avec des start-up technologiques qui offrent des services à «valeur ajoutée» tels que des indicateurs et des tableaux de bord environnementaux, permettant aux entreprises de mettre en scène leur propre récit sur le développement durable. Souvent issus de milieux éduqués et privilégiés, les employés de ces firmes <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S001671852300057X">concurrencent les travailleurs informels existants, les subordonnant au passage</a>.</p> <p>A l’inverse, les femmes et les membres des minorités ethno-raciales et religieuses, qui constituent la majorité des travailleurs des économies informelles des déchets, sont confrontés à des obstacles supplémentaires. Notamment des <a href="https://mouvements.info/recuperateurs-de-dechets/">stigmates sociaux bien ancrés</a> qui limitent leur capacité à participer sur un pied d’égalité à ces marchés émergents. Ils restent toujours relégués aux mêmes tâches manuelles et difficiles, même si leurs conditions de travail en ressortent légèrement améliorées.</p> <h3>L’industrie du plastique maintient le <em>statu quo</em></h3> <p>Malgré les bonnes intentions de départ, des termes tels que «économie circulaire inclusive» sont donc trop souvent utilisés à des fins de <em>green washing</em> et même de <em>justice washing</em>, tandis que les travailleurs continuent à endurer des conditions difficiles. Une étude de <a href="https://www.circle-economy.com/resources/decent-work-in-the-circular-economy">Circle Economy</a> souligne que la plupart des emplois du secteur de l’économie circulaire restent ad-hoc et informels et ne bénéficient pas des garanties d’un emploi décent.</p> <p>En fin de compte, les travailleurs informels sont confrontés à un choix difficile: soit ils acceptent d’être exploités au sein des circuits de traitements des déchets en tant que simples ressources, soit ils risquent de perdre complètement leurs moyens de subsistance.</p> <p>Les systèmes actuels de production et de consommation du plastique déplacent donc la charge des déchets sur des communautés autochtones ou ethniques marginalisées, créant ainsi des <a href="https://www.dukeupress.edu/pollution-is-colonialism">zones sacrifiées</a>. Ce déplacement permet de maintenir la rentabilité, tout en perpétuant les atteintes à l’environnement et les inégalités sociales.</p> <p>En promouvant des technologies de <a href="https://www.bbc.com/afrique/monde-57087908">recyclage chimique</a> non éprouvées et en étendant les marchés du plastique, les entreprises <a href="https://theconversation.com/comment-lindustrie-fossile-influence-les-negociations-mondiales-sur-le-plastique-222112">pétrochimiques</a> et de matières plastiques <a href="https://direct.mit.edu/glep/article/21/2/121/97367/Future-Proofing-Capitalism-The-Paradox-of-the">s’approprient le langage de l’économie circulaire</a>. Cela leur permet de donner un vernis écologique à leurs propositions, tout en maintenant le <em>statu quo</em> sur les inégalités.</p> <p>Pendant ce temps, la HAC, plusieurs ONG et même certains ramasseurs de déchets invoquent également l’économie circulaire comme solution à la crise du plastique, en mettant l’accent sur le réemploi et le recyclage inclusif.</p> <h3>Demander des comptes aux pollueurs plutôt que compter sur l’efficacité du marché</h3> <p>Pour que l’économie circulaire aille au-delà de la simple protection du capitalisme fossile, elle doit prendre en compte les collecteurs de déchets et recycleurs informels dans le Sud et reconnaître les limites des mécanismes basés sur le marché. C’est vrai aussi bien pour le traité international sur la pollution plastique que pour d’autres démarches régionales comme le <a href="https://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/ATAG/2021/679066/EPRS_ATA(2021)679066_FR.pdf">plan d’action de l’UE pour l’économie circulaire</a>.</p> <p>En effet, toute stratégie de lutte contre la pollution plastique basée sur le marché et axée sur le profit est susceptible de reproduire ces schémas d’inégalité. Et par la même occasion, de pérenniser les injustices systémiques qui soutiennent le statu quo. Pour une transition vraiment juste, la lutte contre la pollution plastique ne doit donc pas devenir une opportunité de croissance économique ou de profit.</p> <p>Au contraire, nous avons besoin d’une approche centrée sur la réparation. Il faut d’abord, pour cela, reconnaître les contributions historiques des collecteurs informels du plastique ainsi que les préjudices qu’ils subissent. Puis redistribuer les ressources aux personnes les plus touchées et créer des systèmes qui donnent la priorité à la restauration de l’environnement et à la justice sociale plutôt qu’au profit des entreprises.</p> <p>Une économie circulaire bien financée devrait d’abord renforcer le pouvoir des travailleurs, puis améliorer les capacités des infrastructures et réduire la concentration de ces déchets en produits chimiques toxiques, plutôt que de s’appuyer sur des solutions basées sur le marché qui aggravent les inégalités.</p> <p>Les vraies solutions consistent à demander des comptes aux pollueurs et à adopter des approches circulaires fondées sur la sobriété et la réparation, et non sur l’efficacité du marché.<img src="https://counter.theconversation.com/content/244065/count.gif?distributor=republish-lightbox-basic" alt="The Conversation" width="1" height="1" /></p> <hr /> <h4><span><a href="https://theconversation.com/profiles/manisha-anantharaman-1526162">Manisha Anantharaman</a>, Assistant Professor, Center for the Sociology of Organisations, CNRS/Sciences Po, <em><a href="https://theconversation.com/institutions/sciences-po-2196">Sciences Po </a></em></span></h4> <h4>Cet article est republié à partir de <a href="https://theconversation.com">The Conversation</a> sous licence Creative Commons. Lire l’<a href="https://theconversation.com/les-ramasseurs-de-dechets-grands-perdants-du-recit-dominant-sur-la-pollution-plastique-244065">article original</a>.</h4> </div>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'les-ramasseurs-de-dechets-grands-perdants-du-recit-dominant-sur-la-pollution-plastique', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 42, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 5, 'person_id' => (int) 85, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'comments' => [[maximum depth reached]], 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Posts' }, (int) 2 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 5283, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => true, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => null, 'readed' => null, 'subhead' => null, 'title' => 'Les Etats-Unis financent un collectif international de journalistes', 'subtitle' => 'Si le réseau Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP) a révélé des avoirs russes cachés ou la corruption au Venezuela, le Delaware, paradis de l'évasion fiscale, reste pour lui un tabou. «Notre politique veut que nous ne fassions pas de rapports sur un pays avec son propre argent», a déclaré Drew Sullivan, son cofondateur.', 'subtitle_edition' => 'Si le réseau Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP) a révélé des avoirs russes cachés ou la corruption au Venezuela, le Delaware, paradis de l'évasion fiscale, reste pour lui un tabou. «Notre politique veut que nous ne fassions pas de rapports sur un pays avec son propre argent», a déclaré Drew Sullivan, son cofondateur.', 'content' => '<p style="text-align: center;"><strong>Urs P. Gasche</strong>, article publié sur <a href="https://www.infosperber.ch/medien/medienkritik/die-usa-finanzieren-internationales-journalisten-kollektiv/" target="_blank" rel="noopener"><em>Infosperber</em></a> le 5 décembre 2024, traduit par <em>Bon Pour La Tête</em></p> <hr /> <p>Parmi de nombreux autres médias, la <em>NZZ</em> et le <em>Tages-Anzeiger</em> ont diffusé à plusieurs reprises des révélations du réseau international de journalistes Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP). Ce faisant, ils n'ont pas rendu transparent le fait que les services gouvernementaux américains paient la moitié du budget de l'OCCRP. 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De plus, l'agence gouvernementale américaine interdit d'utiliser son argent pour mettre au jour la corruption aux Etats-Unis.</p> <p>Certaines subventions étaient même affectées à un but précis: le Department of State, par exemple, a versé 173 000 dollars à l'OCCRP pour «détecter et combattre la corruption au Venezuela». Ou l'<a href="https://www.usaid.gov/">Agence pour le développement international (USAID)</a> a versé plus de deux millions de dollars dans le but de «mettre au jour la criminalité et la corruption à Malte et à Chypre».</p> <p>Le journal en ligne français indépendant <a href="https://www.mediapart.fr/en/journal/international/021224/hidden-links-between-giant-investigative-journalism-and-us-government">« Mediapart »</a> en a parlé le 2 décembre 2024 <a href="https://www.mediapart.fr/en/journal/international/021224/hidden-links-between-giant-investigative-journalism-and-us-government">.</a></p> <p>Le fondateur de l'OCCRP est un ancien employé <a href="https://www.rockwellautomation.com/de-ch.html">de Rockwell</a> devenu journaliste: <a href="https://www.occrp.org/en/staff/drew-sullivan">Drew Sullivan</a>. L'OCCRP a été créé à l'instigation de fonctionnaires du gouvernement américain. Selon Mediapart, Sullivan a reçu pour cela, en 2008, un financement de départ de 1,7 million de dollars du <a href="https://www.state.gov/bureaus-offices/under-secretary-for-civilian-security-democracy-and-human-rights/bureau-of-international-narcotics-and-law-enforcement-affairs/">Bureau of International Narcotics and Law Enforcement Affairs</a>(INL). Il s'agit d'une agence d'application de la loi du Département d'Etat américain.</p> <p>L'OCCRP s'appuie souvent sur des documents divulgués provenant de sources non identifiées. La qualité des recherches et des révélations de l'OCCRP n'est pas mise en doute. L'orientation unilatérale des recherches et le manque de transparence des informations sur le financement donnent lieu à des critiques.</p> <p>L'ampleur des liens personnels et financiers de l'OCCRP avec le gouvernement américain va à l'encontre de «tous les principes de l'éthique journalistique». C'est ce qu'a déclaré Leonard Novy, directeur de l'Institut allemand des médias et de la politique de communication, à la chaîne NDR. Cela laisse supposer que les journalistes peuvent être utilisés ou instrumentalisés à des fins politiques.</p> <p>Sullivan et l'OCCRP ont également laissé les médias partenaires et leurs lecteurs dans l'ignorance de leur proximité avec le gouvernement américain. Selon Leonard Novy, l'organisation a ainsi dépassé les limites.</p> <h3><strong>Sullivan n'a pas voulu parler clairement aujourd'hui encore</strong></h3> <p>Sullivan a d'abord affirmé à la chaîne NDR que l'OCCRP avait «un groupe de donateurs largement répandu», parmi lesquels «aucun donateur individuel ne domine». Il a ajouté que «le gouvernement américain [...] est l'un des plus grands donateurs, mais ce n'est pas un pourcentage énorme». Confronté aux dernières découvertes, il a finalement reconnu l'importance du financement de Washington: «C'est le plus grand bailleur de fonds de l'OCCRP, oui, et ce depuis presque le début de notre histoire. [...] Je suis très reconnaissant au gouvernement américain.»</p> <p>Par écrit, Sullivan a renchéri: «Nous avons dû décider si nous voulions accepter de l'argent du gouvernement ou ne pas exister.» Sur le site web de l'OCCRP, les montants des sponsors ne sont pas indiqués.</p> <h3><strong>Conditions posées</strong></h3> <p>Sullivan a confirmé à la NDR le pouvoir d'influence des autorités américaines: «Dans le cadre d'accords de coopération que nous n'aimons pas conclure, ils ont un droit de regard sur le choix des personnes [...] Ils peuvent mettre leur veto sur quelqu'un [...] Ils n'ont jamais mis leur veto sur quelqu'un.»</p> <p>L'OCCRP ne peut pas enquêter sur des affaires américaines avec l'argent fourni par Washington. «Notre politique veut que nous ne fassions pas de rapports sur un pays avec son propre argent», a déclaré Sullivan à la NDR. «Je pense que le gouvernement américain ne le permet pas. Mais même dans d'autres pays où ces dispositions n'existent pas, nous ne le faisons pas parce que cela vous place dans une situation de conflit d'intérêts et que vous préférez rester à l'écart de telles situations.»</p> <p>Ainsi, le paradis fiscal américain du Delaware n'a jamais fait l'objet de toutes les recherches sur l'évasion fiscale et l'argent de la corruption.</p> <p>L'OCCRP a tout de même effectué des recherches isolées aux Etats-Unis: par exemple sur les <a href="https://www.occrp.org/en/investigation/meet-the-florida-duo-helping-giuliani-investigate-for-trump-in-ukraine">hommes d'affaires</a> qui avaient soutenu l'avocat de Donald Trump pour nuire à Joe Biden, ou sur la manière dont le Pentagone a dépensé des sommes énormes pour <a href="https://www.occrp.org/en/project/making-a-killing/revealed-the-pentagon-is-spending-up-to-22-billion-on-soviet-style-arms-for-syrian-rebels">fournir des armes</a> à des groupes rebelles en Syrie, ou encore sur un <a href="https://www.occrp.org/en/investigation/flight-of-the-monarch-us-govt-contracted-airline-once-owned-by-criminals-with-ties-to-russian-mob">contrat</a> entre le gouvernement américain et une compagnie aérienne dont les propriétaires sont liés au crime organisé en Russie.</p> <p>Ces recherches ont manifestement respecté une autre condition imposée par les autorités américaines à l'OCCRP: l'activité doit être «en accord avec la politique étrangère et les intérêts économiques des Etats-Unis et les promouvoir.» (<a href="https://www.govinfo.gov/content/pkg/COMPS-1071/pdf/COMPS-1071.pdf">US Foreign Assistance Act</a>).</p> <h3><strong>Voici comment la «NZZ» et Tamedia ont présenté la source OCCRP</strong></h3> <p><strong>«NZZ» du 19 juillet 2023</strong></p> <p>«L'Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP) est un réseau d'organisations journalistiques fondé en 2006, basé dans de nombreux pays différents et fonctionnant sous cette forme en tant que filiale du Journalism Development Network à but non lucratif, dont le siège est dans le Maryland.»</p> <p><strong>«Tages-Anzeiger» du 21 juin 2023</strong></p> <p>«Grâce à l'organisation OCCRP, des journalistes femmes de plusieurs pays ont pu étudier ces données, dont <em>Der Standard</em> en Autriche et <em>Der Spiegel</em> en Allemagne. 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Des faits presque incroyables sur le travail de relations publiques du Pentagone.</p> <p><strong>20 avril 2008</strong> <a href="https://www.spiegel.de/kultur/gesellschaft/gekaufte-meinung-pentagon-beschaeftigt-pr-armee-fuer-us-tv-a-548519.html">Le Pentagone emploie une armée de RP pour la télévision américaine</a>. 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