Actuel / Le danger de la bulle
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Les mesures liées au Covid-19 ont un lourd impact sur l’économie. La fermeture des commerces durant le confinement, les arrêts de travail et les règles de distanciation en sont des causes directes, parmi d’autres. Mais les mesures sanitaires comptent aussi une autre retombée négative: le phénomène de la bulle dans laquelle chacun de nous s’enferme, mettant à l’épreuve notre créativité.
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Il y a certes les ermites, dont le génie foisonne à la mesure de leur isolement; mais cette ascèse suppose une tranquillité qui est l’exact inverse du climat anxiogène dont nous faisons l’expérience depuis quelques mois.</p> <p>Il est en effet difficile d’avoir des idées originales quand notre pensée est ramenée en permanence à de mêmes gadgets: distributeur de gel hydro-alcoolique, scotchs jaunes sur le sol pour les distances, masques… Quand ce n’est pas cette panoplie sanitaire qui nous sert d’environnement de vie, c’est notre domicile. Et le décompte du nombre de morts à la télé, dans les journaux. Du familier en continu, autrement dit. Du ressassement. Si certaines personnes trouvent leur inspiration dans le calme, le climat dans lequel nous nous trouvons est au contraire à l’obéissance, à l’alerte, à l’obsession monothématique. L’enfermement n’est pas seulement géographique, il est aussi intellectuel.</p> <p>En quoi faire l’expérience de nos semblables peut-elle nous aider dans notre disposition à créer? D’abord, les échanges humains ne sont pas seulement des échanges d’informations; ils sont aussi tactiles, visuels… et même ophtalmiques: en tant qu’animaux, nous sommes plus ou moins capables de <em>sentir</em> les autres; de sentir si un projet est prometteur ou non. Et du fait de notre nature humaine, nous échangeons également des rires, des sourires, des blagues, des points de vue influencés par l’ambiance extérieure de la situation présente. Or, il est manifeste que ces choses-là peuvent compter dans notre capacité à innover.</p> <p>Ne serait-ce que pour écrire cet article, le fait d’observer les réactions de mes collègues de <em>Bon pour la tête</em> en séance de rédaction a affiné mes idées et l’écoute de leurs remarques a stimulé une certaine forme de motivation. 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Le passage coronavirien que nous vivons vient rendre plus concret, plus visible, ce glissement du monde vers nos petits mondes.</p> <p>C’est bien cela qui est en jeu: vivre sa petite vie au détriment d’une participation à la vie collective. Alors même que, justement, nos sociétés souffraient déjà avant le confinement d’une perte de confiance dans la capacité d’action de nos dirigeants et de nous-mêmes, jusqu’à la plus petite échelle, le risque est grand que les mesures sanitaires actuelles agissent comme un accélérateur ultime de nos replis individuels. En bref, le confinement pourrait bien avoir porté un énième coup à la valeur de l’engagement. Peu à peu, nos actions s’effacent devant les événements – réels ou présentés comme tels. Nous devenons activement des êtres passifs.</p> <p>En définitive, le danger de la bulle est bel et bien une affaire sanitaire. Car si la santé de la population est en relatif danger, celle des civilisations l’est au moins tout autant. Nous autres, francophones, avons un héritage civilisationnel en grande partie latin; nous risquons d’en perdre la dimension sociale si nous ne retrouvons pas au plus tôt le goût de l’échange, de l’aventure et de la fête. Le slogan «la santé avant tout» peut se comprendre, mais prenons garde à ne pas devenir tièdes par peur de devenir fiévreux. Ce virus rode, lui aussi. 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Nous parlons de la censure d’opinions et de crachats au visage d’intellectuels français venus simplement présenter leur livre à un petit public curieux de se confronter à un avis nuancé sur les débats qui secouent actuellement la notion de genre. Les psychanalystes Céline Masson et Caroline Elliachef étaient venues le 29 avril parler de leurs critiques à l’égard de la médicalisation précoce des enfants qui désirent changer de sexe; le philosophe Eric Marty était quant à lui venu le 17 mai parler de la différence entre l’approche anglo-saxonne et l’approche européenne du genre dans l’histoire des idées. Traitées de «transphobes», ces personnalités – situées à gauche! – ont été violemment contraintes d’annuler leur prise de parole sur le sol helvétique.</p> <p>Sur cette indéfendable affaire se superpose un deuxième scandale: mise sous pression par la CUAE – la «Conférence Universitaire des Associations d’Etudiant.e.x.s» – l’Université de Genève (UniGE) a abandonné son dépôt de plainte contre les transactivistes ayant fait preuve de violence. 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Ces convictions partagées permettent au Rectorat de renoncer au dépôt de plainte pénale initialement envisagé (…)»</p> <p>Faut-il en déduire que les conférences empêchées par les activistes LGBTQI+ n’auraient pas dû être organisées? Autrement dit, l’université donne-t-elle raison aux manifestants – au-delà de la violence dont ils ont fait usage – sur le bien-fondé de leur indignation? On pourrait le croire en lisant également ce passage: «Indépendamment de sa forme, l’action menée par les manifestant-es le 17 mai est révélatrice de la souffrance qui affecte certains groupes vulnérables – dont les personnes trans – et qui implique pour l’institution un devoir particulier de protection.»</p> <h3>Cotisations obligatoires et fonctionnement démocratique</h3> <p>Il ne sera pas question ici d’établir qui a gagné ce «match» (comme si on ne le savait pas, du reste), mais de livrer quelques informations sur cette faîtière d’étudiants et ses équivalents romands. Qui sont ces groupes désormais puissants dans les rapports de force idéologiques qui parcourent l’université et la société de manière générale (pour vous en convaincre, songez au fait qu’à Neuchâtel, les représentants des étudiants avaient réussi à ne faire comptabiliser que les réussites d’examens, et pas les échecs, en période de Covid)? Nous n’avons malheureusement pas réussi à contacter la CUAE, mais les informations à disposition de tous et les contacts pris auprès d’autres faîtières suffisent à répondre aux besoins de cet article.</p> <p>De manière générale, toutes les faîtières d’associations étudiantes nichées dans les universités romandes poursuivent les mêmes objectifs: mettre en réseau la communauté estudiantine, défendre ses intérêts auprès du rectorat et auprès du canton, favoriser l’égalité des chances, financer des événements ou des activités d’associations d’étudiants, etc. Bref, soutenir les étudiants.</p> <p>Pour être membre de la CUAE, il suffit de s’affilier à l’une des associations étudiantes de l’Université de Genève, qui elles-mêmes composent la CUAE. Une contribution de 5 CHF est alors prélevée dans les taxes universitaires que paient de toute manière les étudiants. Mais il est aussi possible de s’engager pour la CUAE à titre individuel. Par comparaison, «l’Association Générale des Etudiant·e·s de l’Université de Fribourg» (AGEF) vit grâce à une cotisation obligatoire de 20 CHF pour tout étudiant, dont une bonne partie repart dans les sections de la faîtière (une section par département ou faculté). C’est à peu près la même chose à Neuchâtel, où tous les étudiants sont <em>de facto</em> membres de la «Fédération des étudiant·e·s neuchâtelois·e·s» (FEN) et paient ainsi une cotisation de 15 CHF, comprise dans la taxe d’étude. Si quelqu’un ne souhaite pas la payer, il doit démissionner par écrit de la faîtière.</p> <p>On part alors du principe que les faîtières en question doivent se sentir responsables de leur caractère représentatif vis-à-vis des étudiants qu’elles fédèrent. Mais pas besoin de trop gratter pour se rendre compte qu’il ne s’agit pas vraiment du genre de la maison. La CUAE se définit sur son site comme «association faîtière et syndicat des étudiant.e.x.s de l’Université de Genève, et leur porte-parole auprès des autorités universitaires et politiques». Déjà, même s’il s’agit d’une volonté des individus qui composent la CUAE, son statut de syndicat pose question, dans la mesure où il reflète une certaine culture politique: n’y a-t-il pas incompatibilité entre cette nature de syndicat (unique en Suisse parmi les universités) et le fait de devoir représenter les étudiants dans leur diversité (y compris politique, diversité qu’on oublie souvent)?</p> <h3>Revendications politiques «si ça concerne les étudiants»</h3> <p>En partant de cette interrogation, on peut tirer un fil logique pour questionner les types de revendications portées par la CUAE et par leurs émules romandes. Si les représentants de toutes les autres faîtières estudiantines nous ont déclaré qu’ils condamnaient les moyens violents utilisés par les manifestants genevois pour faire entendre leur cause, ils sont également unanimes sur la limite que leurs associations se fixent concernant leurs revendications politiques. En effet, toutes les faîtières se donnent la compétence de prendre publiquement position «quand le sujet concerne les étudiants». Voici comment par exemple Guillaume Haas détaille le cas de l’AGEF, qu’il co-préside:</p> <p>«Notre grande différence avec la CUAE (Genève) est que l’AGEF (Fribourg) est représentée à tous les niveaux de l’université de Fribourg. Et quand je dis à tous les niveaux, c’est à tous les niveaux: au Sénat, qui est l’organe suprême de l’université, mais aussi dans la moindre des petites commissions. L’UniFR est l’une des universités les plus démocratiques d’Europe. C’est ce qui explique que l’AGEF ait peu de coups d’éclat, contrairement à nos camarades de la CUAE. Je ne leur en fait pas le reproche: c’est leur seul moyen de se faire entendre. Sur le plan des idées politiques, j’observe qu’il y a des personnes de tous bords à l’AGEF. Il y a des sensibilités différentes qui s’expriment lors de discussions sur les budgets et l’allocation des fonds, par exemple. Mais l’AGEF est apolitique: nous ne fonctionnons pas avec un système de représentants par partis. On ne parle que de politique quand le sujet concerne les étudiants.»</p> <p>Or, cela devient plus difficile à appliquer dans des exemples concrets. C’est que cette ligne de conduite a priori juste et inoffensive est on ne peut plus floue. A partir de combien d’étudiants concernés une affaire est censée «concerner les étudiants»? Outre l’intégration des étudiants transgenres dans la forme des statuts de l’Union des étudiant-e-s de Suisse (UNES), les délégués de cette «faîtière des faîtières» ont par exemple traité d’une initiative populaire en assemblées des délégués, parce que la votation faisait courir un risque au programme ERASMUS, même si les étudiants n’étaient pas cités dans le texte. Rebelote avec la question de l’accord-cadre et HORIZON2020. Un ancien responsable de la FEN, la faîtière neuchâteloise, confie:</p> <p>«Peu de personnes s’engagent dans ces structures. Il y a eu des assemblées générales de la FEN où nous étions dix. 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Et il est vrai que si des étudiants ne se sentent pas représentés, ils ont intérêt à s’y engager.</p> <h3>Effet d'entre-soi</h3> <p>Mais d’un autre point de vue, comment en vouloir à des étudiants, qui n’adhèrent pas à la tendance «woke» ou «intersectionnelle» souvent représentée par ces associations qui raffolent d’écriture inclusive, de ne pas venir s’y impliquer? Un fait psychologique simple: quand la Fédération des Associations d’Etudiant-e-s-x (Lausanne) convoque une assemblée «ouverte à tou-x-te-s», un étudiant qui trouve cette graphie laide, contestable sur le fond, ridicule ou les trois à la fois se dira peut-être que le comité n’est sans doute pas si ouvert que cela à tout le monde, du moins pas aux idées qu’il défendrait s’il venait y parler en toute honnêteté.</p> <p>C’est un fait et non un commentaire, ni même une analyse: une idéologie radicale de gauche identitaire suinte du vocabulaire, du propos et des actions de la CUAE, comme de bien d’autres associations, y compris, mais dans une moindre mesure, les faîtières d’étudiants des autres universités. 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Un frein à la créativité
Mais à ces chiffres s’ajoute un manque à gagner plus difficilement mesurable: la chute de l’innovation – en-dehors du domaine médical, évidemment – entraînée par le confinement de nos corps et de nos esprits. C’est le danger de la bulle. Première victime collatérale de ce phénomène banal, mais plus général et divers qu’on ne le pense: la créativité. Car, au moins pour certains, c’est le contact humain qui stimule l’inventivité. Il y a certes les ermites, dont le génie foisonne à la mesure de leur isolement; mais cette ascèse suppose une tranquillité qui est l’exact inverse du climat anxiogène dont nous faisons l’expérience depuis quelques mois.
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Ne serait-ce que pour écrire cet article, le fait d’observer les réactions de mes collègues de Bon pour la tête en séance de rédaction a affiné mes idées et l’écoute de leurs remarques a stimulé une certaine forme de motivation. Or, en ce moment, la tentation est grande de ne pas travailler à son lieu de travail autant qu’avant. Bien qu’une telle retenue soit compréhensible, nous devons en mesurer le danger: si moins d’interactions peut rimer avec moins d’innovation, ce sont des jours encore plus mauvais qu’on ne le pense qui attendent l’économie.
Une cristallisation d’enjeux pré-covid
Ces enjeux ne sont pas nés du covid. Le virus les a révélés. Tout comme les limites du télétravail et les rouages de la globalisation, le phénomène d’individualisation avait en effet été déjà tant de fois pointé du doigt, commenté, analysé, loué parfois. Car il faut bien voir qu’il ne représente que la face sombre de la médaille du progrès, l’autre face étant la possibilité d’émancipation de chacun. Ce danger de la bulle n’est donc pas un fléau qui nous tombe dessus: c’est nous qui l’avons rendu possible. Le passage coronavirien que nous vivons vient rendre plus concret, plus visible, ce glissement du monde vers nos petits mondes.
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Il y a certes les ermites, dont le génie foisonne à la mesure de leur isolement; mais cette ascèse suppose une tranquillité qui est l’exact inverse du climat anxiogène dont nous faisons l’expérience depuis quelques mois.</p> <p>Il est en effet difficile d’avoir des idées originales quand notre pensée est ramenée en permanence à de mêmes gadgets: distributeur de gel hydro-alcoolique, scotchs jaunes sur le sol pour les distances, masques… Quand ce n’est pas cette panoplie sanitaire qui nous sert d’environnement de vie, c’est notre domicile. Et le décompte du nombre de morts à la télé, dans les journaux. Du familier en continu, autrement dit. Du ressassement. Si certaines personnes trouvent leur inspiration dans le calme, le climat dans lequel nous nous trouvons est au contraire à l’obéissance, à l’alerte, à l’obsession monothématique. L’enfermement n’est pas seulement géographique, il est aussi intellectuel.</p> <p>En quoi faire l’expérience de nos semblables peut-elle nous aider dans notre disposition à créer? D’abord, les échanges humains ne sont pas seulement des échanges d’informations; ils sont aussi tactiles, visuels… et même ophtalmiques: en tant qu’animaux, nous sommes plus ou moins capables de <em>sentir</em> les autres; de sentir si un projet est prometteur ou non. Et du fait de notre nature humaine, nous échangeons également des rires, des sourires, des blagues, des points de vue influencés par l’ambiance extérieure de la situation présente. Or, il est manifeste que ces choses-là peuvent compter dans notre capacité à innover.</p> <p>Ne serait-ce que pour écrire cet article, le fait d’observer les réactions de mes collègues de <em>Bon pour la tête</em> en séance de rédaction a affiné mes idées et l’écoute de leurs remarques a stimulé une certaine forme de motivation. Or, en ce moment, la tentation est grande de ne pas travailler à son lieu de travail <em>autant qu’avant</em>. Bien qu’une telle retenue soit compréhensible, nous devons en mesurer le danger: si moins d’interactions peut rimer avec moins d’innovation, ce sont des jours encore plus mauvais qu’on ne le pense qui attendent l’économie.</p> <h3><strong>Une cristallisation d’enjeux pré-covid</strong></h3> <p>Ces enjeux ne sont pas nés du covid. Le virus les a <em>révélés</em>. Tout comme les limites du télétravail et les rouages de la globalisation, le phénomène d’individualisation avait en effet été déjà tant de fois pointé du doigt, commenté, analysé, loué parfois. Car il faut bien voir qu’il ne représente que la face sombre de la médaille du progrès, l’autre face étant la possibilité d’émancipation de chacun. Ce danger de la bulle n’est donc pas un fléau qui nous tombe dessus: c’est nous qui l’avons rendu possible. 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Le rectorat a négocié avec la faîtière d’étudiants un accord commun – incluant tous les étudiants et collaborateurs de l’université – portant sur la défense de valeurs fondamentales telles que la liberté académique, la liberté d’expression, le refus de la violence, etc. Mais le <a href="https://www.unige.ch/communication/communiques/2022/luniversite-et-ses-etudiant-es-reaffirment-les-valeurs-de-linstitution">communiqué de l’université</a> souffre d’une certaine ambiguïté:</p> <p>«Par cette déclaration commune, le rectorat et les étudiant-es replacent (…) le débat dans son contexte académique et souhaitent rappeler des principes essentiels: le respect dû aux personnes passant par la lutte contre toute forme de discrimination, notamment de genre, d’origine ou de classe; le refus de la violence sous toutes ses formes; le respect de la liberté académique dans la recherche et l’enseignement, <em>encadrée par les valeurs précitées</em><sup><strong>1</strong></sup>. 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Qui sont ces groupes désormais puissants dans les rapports de force idéologiques qui parcourent l’université et la société de manière générale (pour vous en convaincre, songez au fait qu’à Neuchâtel, les représentants des étudiants avaient réussi à ne faire comptabiliser que les réussites d’examens, et pas les échecs, en période de Covid)? 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Par comparaison, «l’Association Générale des Etudiant·e·s de l’Université de Fribourg» (AGEF) vit grâce à une cotisation obligatoire de 20 CHF pour tout étudiant, dont une bonne partie repart dans les sections de la faîtière (une section par département ou faculté). C’est à peu près la même chose à Neuchâtel, où tous les étudiants sont <em>de facto</em> membres de la «Fédération des étudiant·e·s neuchâtelois·e·s» (FEN) et paient ainsi une cotisation de 15 CHF, comprise dans la taxe d’étude. Si quelqu’un ne souhaite pas la payer, il doit démissionner par écrit de la faîtière.</p> <p>On part alors du principe que les faîtières en question doivent se sentir responsables de leur caractère représentatif vis-à-vis des étudiants qu’elles fédèrent. Mais pas besoin de trop gratter pour se rendre compte qu’il ne s’agit pas vraiment du genre de la maison. La CUAE se définit sur son site comme «association faîtière et syndicat des étudiant.e.x.s de l’Université de Genève, et leur porte-parole auprès des autorités universitaires et politiques». Déjà, même s’il s’agit d’une volonté des individus qui composent la CUAE, son statut de syndicat pose question, dans la mesure où il reflète une certaine culture politique: n’y a-t-il pas incompatibilité entre cette nature de syndicat (unique en Suisse parmi les universités) et le fait de devoir représenter les étudiants dans leur diversité (y compris politique, diversité qu’on oublie souvent)?</p> <h3>Revendications politiques «si ça concerne les étudiants»</h3> <p>En partant de cette interrogation, on peut tirer un fil logique pour questionner les types de revendications portées par la CUAE et par leurs émules romandes. Si les représentants de toutes les autres faîtières estudiantines nous ont déclaré qu’ils condamnaient les moyens violents utilisés par les manifestants genevois pour faire entendre leur cause, ils sont également unanimes sur la limite que leurs associations se fixent concernant leurs revendications politiques. En effet, toutes les faîtières se donnent la compétence de prendre publiquement position «quand le sujet concerne les étudiants». Voici comment par exemple Guillaume Haas détaille le cas de l’AGEF, qu’il co-préside:</p> <p>«Notre grande différence avec la CUAE (Genève) est que l’AGEF (Fribourg) est représentée à tous les niveaux de l’université de Fribourg. Et quand je dis à tous les niveaux, c’est à tous les niveaux: au Sénat, qui est l’organe suprême de l’université, mais aussi dans la moindre des petites commissions. L’UniFR est l’une des universités les plus démocratiques d’Europe. 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Outre l’intégration des étudiants transgenres dans la forme des statuts de l’Union des étudiant-e-s de Suisse (UNES), les délégués de cette «faîtière des faîtières» ont par exemple traité d’une initiative populaire en assemblées des délégués, parce que la votation faisait courir un risque au programme ERASMUS, même si les étudiants n’étaient pas cités dans le texte. Rebelote avec la question de l’accord-cadre et HORIZON2020. Un ancien responsable de la FEN, la faîtière neuchâteloise, confie:</p> <p>«Peu de personnes s’engagent dans ces structures. Il y a eu des assemblées générales de la FEN où nous étions dix. 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Un fait psychologique simple: quand la Fédération des Associations d’Etudiant-e-s-x (Lausanne) convoque une assemblée «ouverte à tou-x-te-s», un étudiant qui trouve cette graphie laide, contestable sur le fond, ridicule ou les trois à la fois se dira peut-être que le comité n’est sans doute pas si ouvert que cela à tout le monde, du moins pas aux idées qu’il défendrait s’il venait y parler en toute honnêteté.</p> <p>C’est un fait et non un commentaire, ni même une analyse: une idéologie radicale de gauche identitaire suinte du vocabulaire, du propos et des actions de la CUAE, comme de bien d’autres associations, y compris, mais dans une moindre mesure, les faîtières d’étudiants des autres universités. Et quand on se réunit autour de croyances sur les ressorts cachés du «système» et de la «société», par exemple leurs soi-disants ressorts «racistes» ou «transphobes», tout en excluant ou en méprisant – ne serait-ce que par un regard – toute autre approche, cela ressemble plus à une secte qu’à une association d’étudiants.</p> <p>Nous nous permettrons alors cette remarque personnelle: face à ce constat, au lieu de traquer les manifestations d’idéologie là où elles apparaîtront forcément à un moment donné, l’être humain étant ce qu’il est, ne vaudrait-il par mieux porter haut la valeur du pluralisme? Et se donner les moyens – pourquoi pas inventifs – de garantir cette diversité d’idées? Fait amusant, dans la Berne fédérale, l’association des étudiants s’organise autour… de représentants de partis. Cette solution a le mérite d’assumer la dimension politique de la démarche, tout en lui garantissant un certain équilibre. 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Oui. Parce qu'elle le vaut bien. «Rends l'amour», de Benjamin Biolay, est le premier single de son nouvel album «Saint-Clair», dont la sortie est prévue pour septembre. Un single déjà promis à devenir un tube de l'été. Bien qu'il s'en défende, Biolay mijote avec brio les ingrédients d'un titre qui cartonne: la boîte à rythme du refrain, la simplicité de la mélodie du même refrain, les descentes typiques de la chanson française dans la même mélodie... Dans la droite ligne du précédent opus «Grand Prix» (2020). Ajoutez à cela le dernier son de synthé, une basse d'enfer et ce qu'il faut de mystère dans les paroles, et c'est un événement: «S'il te plaît, rends l'amour / Et je me jette de la falaise / Et je m'en vais te cueillir des fraises / Si tu veux, même, j'te baise». Le clip du single est lui-même un chef-d'œuvre de conciliation entre l'efficacité et l'hermétisme, l'évidence et le symbole. 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Mais il est parfois utile de jeter un coup d’œil plus affuté sur les représentants que nous avons encore actuellement à Berne. Car la composition d’un législatif dit quelque chose de la sociologie politique d’un pays. Deux prismes sont choisis ici: la diversité d’idées parmi les élus de chaque parti ainsi que leur profil socio-professionnel. Deux entrées a priori indépendantes mais qui touchent néanmoins à un thème commun: le pluralisme, garant, selon beaucoup de théories, d’une certaine représentativité de la société dans sa diversité.</p> <h3>Le pluralisme des idées, un gros mot à gauche?</h3> <p>On parle toujours de «l’avis des partis» sur tel ou tel sujet. Certes, les diverses formations politiques, par les votes de leurs délégués lors des assemblées, adoptent des résolutions, des prises de position, etc. Mais on oublie souvent que les partis sont composés de personnes, dont les plus importantes politiquement, dans une démocratie représentative, sont les élus. 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Ce qui signifie bien qu’il y a plus de différences entre les ailes gauche et droite d’un parti de droite (ou du centre) qu’entre les ailes gauche et droite d’un parti de gauche. Fait éclairant, le constat peut être vérifié avec d’autres élections sur le site de Smartvote, par exemple l’actuel scrutin vaudois.</p> <p>Interrogé sur ces données, l’historien et juriste Olivier Meuwly, membre du PLR, prêche d’abord pour sa paroisse: «Le pluralisme des idées est une vertu sur le plan intellectuel». Mais il nuance aussitôt: «Cela peut être aussi un facteur de confusion ou de division sur le plan électoral.» Historiquement, les libéraux-radicaux ont toujours eu cette caractéristique, explique le spécialiste. Une caractéristique qu’il juge donc neutre: les partis de droite n’en ressortent pas plus légitimes. Il constate en revanche un écart entre le discours de gauche et la réalité de son corps d’élus: «La pluralité et la tolérance, brandies si souvent par le PS et les Verts, sont bien plus présentes chez leurs adversaires dans les faits. On le constate aussi dans des débats de société actuels, avec par exemple le courant woke de la gauche qui souhaite restreindre la liberté d’expression, censurer des œuvres, interdire certaines discussions, etc.»</p> <h3>La diversité des profils socio-professionnels, un atout? </h3> <p>La discussion devient encore plus intéressante quand on se penche sur un autre schéma: celui de l’observatoire des élites suisses (OBELIS), de l’Université de Lausanne, représentant le profil socio-professionnel des politiciens actuellement sous la Coupole. Ceux-ci sont répertoriés selon la distinction «ayant suivi des hautes études - n’ayant pas suivi de hautes études». 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Mais il faut noter toutes les fois où la gauche, dans notre pays, place au premier plan de ses revendications l’égalité des chances, la dignité de chaque individu, le fait que chacun puisse et doive s’engager en politique ou dans un conseil d’administration, etc. Il y a donc un paradoxe évident entre la forte présence de ces thèmes au niveau de la posture de la gauche et la réalité des origines socio-professionnelles au niveau de ses représentants.</p> <p>Encore une fois, il n’a pas été question ici d’évaluer positivement ou négativement une homogénéité d’opinions ou de parcours. Mais de pointer des faits et de les mettre en perspective avec le langage de la gauche. Cette famille de pensée, incontournable dans la vie politique suisse, devrait davantage se pencher sur ses paradoxes. «C’est une des conditions pour que la social-démocratie, prise dans ses contradictions internes, ne subisse pas une dégringolade à la française – moins violente, mais quand même. 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VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET
5 Commentaires
@filleducalvaire 29.07.2020 | 11h07
«Merci pour cet excellent article qui décrit très justement le malaise ressenti sur lequel j’avais peine à mettre des mots. »
@Jonas Follonier 31.07.2020 | 19h34
«C'est vous que je remercie, chère Madame, pour vos aimables mots.»
@arizan 02.08.2020 | 14h29
«Bien observé !bien écrit! C'est tout à fait vrai que "Du chic des idées, naît...." . Faut discuter des solutions qui se présentent à l'esprit de chacun. En espérant rencontrer ds esprits futés , et non des gens qui ont compris de travers et se complaisent dans la polémique.»
@NicoleAbby 02.08.2020 | 14h42
«Excellent article, merci ! »
@chlorophylle 06.08.2020 | 22h56
«Fines observations magnifiquement formulées, merci beaucoup. J'adore quand vous parlez d'"événements réels ou présentés comme tels", et du fait de "devenir activement des êtres passifs". J'en trouve le témoignage dans ces courriers de lecteurs doctes et moralisateurs, se félicitant des limites qu'on leur impose quand ils n'en réclament pas de plus drastiques, dans ces geignants "prenez soin de vous, restez en santé": une agitation qui ne parle que d'elle-même et se nourrit elle-même, un acharnement à se regarder le nombril et à jouer à se faire peur (combien de % de malades développant des complications, déjà?). Et bien sûr, comme les dirigeants du monde entier ont tous adopté la même ligne, aucun n'ose maintenant en changer; ils nous ont mis en sidération, mais y sont au moins hélas tout autant.»