Actuel / Chocolat très noir
@PxHere
Poussée de fève. En deux décennies et malgré de nobles promesses, la filière du cacao continue de faire son beurre sur un modèle d’affaires qui exploite la misère des producteurs africains et le travail des enfants. Y a pas bon!
Laurent Flutsch
Opportunément publié par l’ONG suisse Public Eye (publiceye.ch) peu avant le grand bastringue annuel des œufs et lapins en chocolat, un article fouillé dépeint une situation pas franchement festive: en Afrique de l’Ouest, principalement en Côte d’Ivoire et au Ghana, deux millions de gosses privés d’école triment dans les plantations de cacaoyers. Beaucoup y sont contraints dans le cadre de communautés agricoles locales si pauvrement rétribuées par les importateurs et les industriels que le recours à la marmaille est inéluctable. A quoi s’ajoutent de véritables trafics d’esclaves à l’ancienne: des gamins captifs de six à seize ans, acheminés depuis les pays voisins aux fins de travail forcé et d’exploitation sexuelle. La police ivoirienne a libéré 137 de ces bambins en début d’année (Reuters, 13.1). C’est dommage: dès qu’on est informé de ces choses-là, on trouve à la plaque de chocolat comme un drôle de goût.
Voilà pourtant vingt ans que les instances internationales tentent de mettre un terme à ce scandale. Divers Etats ont établi des règles, négociées avec les lobbys de la branche, pour que la production du cacao ne viole plus les droits de l’homme ni ceux de l’enfant. En vertu de quoi la filière commerciale du chocolat a promis-juré qu’elle allait veiller au grain et prendre énergiquement toutes les mesures nécessaires. C’était très émouvant. Mais comme les accords signés n’impliquaient ni contraintes légales ni sanctions, les belles déclarations ont déployé tout leur effet en produisant du vent. De vrai cynisme en faux-semblants et d’atermoiements en délais, vingt ans se sont envolés et les mômes travailleurs se retrouvent chocolat.
©Coureuil
Les multinationales de la sucrerie cacaotée sont assez promptes à reconnaître, cela dit, la grande pauvreté des communautés rurales en Afrique de l’Ouest. Il s’agirait donc d’une triste fatalité, laquelle provoque le recours à la main-d’œuvre enfantine. Sauf que les petits producteurs de cacao seraient nettement moins miséreux si les négociants et les fabricants ne leur achetaient pas leur récolte à des prix dérisoires, largement en dessous du minimum vital. Comme l’a dit Natacha Thys, du Fonds international pour les droits du travail (ILRF), «ce qui freine tout progrès quant au travail illégal des enfants, ce n’est rien d’autre que le manque de volonté de l’industrie de renoncer à une petite part de ses énormes profits pour assurer un rendement suffisant aux agriculteurs et aux ouvriers». Voilà qui est clair.
Principal acteur mondial sur le marché du cacao, la firme suisse Barry Callebaut, dominée par la Jacobs Holding, a augmenté de 8,3 % les dividendes de ses actionnaires en 2019. On est content pour eux, mais pas autant que pour les actionnaires de Lindt & Sprüngli, qui ont perçu 75 % de plus que l’année précédente, tandis que le grand patron touchait un modeste salaire de 3,5 millions de francs. Cet estimé chocolatier zurichois préfère manifestement investir des fortunes dans la réclame télévisée pour ses lapins à emballage doré que dans la rétribution des producteurs africains. Lesquels gagnent environ un demi-dollar par personne et par jour, alors que le seuil de pauvreté dans les pays concernés est à deux dollars (pour rappel, ne pas payer à un travailleur le minimum vital est une violation patente des Droits de l’homme). Pire, le prix de la tonne de cacao payé aux agriculteurs a baissé de moitié en 30 ans. Il représente 6,6 % du prix de vente du produit ni. Mais il faut bien que les profits, eux, connaissent une croissance salutaire.
Pour ne rien arranger, certains labels «responsables» (Fairtrade, Rainforest Alliance/UTZ) n’améliorent pas vraiment le sort des petits paysans africains. Car comme l’a montré notamment un reportage de Mise au point (RTS, 19.1), le respect des normes exigées par ces labels est contrôlé sur place par des sociétés d’audit mandatées par les industriels, et qui pour ne pas être évincées préfèrent ne pas se montrer trop tatillonnes.
Heureusement, certains Etats européens projettent désormais des mesures contraignantes, tandis que les pays producteurs décrètent des hausses du prix du cacao. Mais en Suisse, royaume du chocolat, les autorités politiques rechignent à embêter les négociants et les industriels avec des règles strictes assorties de possibles sanctions. Encore et toujours, on préfère les aimables discussions en comptant sur la bonne volonté spontanée des entreprises. Après vingt ans d’expérience, on sait pourtant que face à l’appât du profit maximal, ce genre de gentil compromis est complètement à côté de la plaque.
Vigousse 446 (24.4.2020).
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Cette déclaration est catégorique : « La guerre non provoquée et injustifiable de la Russie contre l’Ukraine, soutenue par le gouvernement biélorusse, est répugnante et constitue une violation flagrante de ses obligations internationales. » Ainsi, du point de vue sportif et diplomatique, la Russie se retrouve isolée.</p> <h3>La création d’un nouvel ordre mondial du sport ?</h3> <p>Dans les paroles et les actions, le pouvoir russe privilégie depuis le début de l’invasion la création d’un pôle sportif alternatif à l’échelle mondiale pour contrer les institutions sportives internationales traditionnelles telles que le CIO ou la Fifa.</p> <p>En pratique, cela impliquerait de se passer du sport mondial, de le remplacer ou de rivaliser avec lui. En Russie, par exemple, l’idée de diviser le mouvement olympique gagne du terrain. Il s’agirait de séparer les Jeux en deux parties : à l’Ouest, les Jeux occidentaux, et à l’Est, les Jeux russes « traditionnels ». Ces Jeux à la russe se dérouleraient en été en Crimée et en hiver à Sotchi. Ils puiseraient leur légitimité dans les liens historiques plus ou moins confirmés de ces régions avec la Grèce antique. En 2007, pour obtenir les Jeux de Sotchi, Vladimir Poutine avait rappelé aux membres du CIO que « les Grecs anciens ont vécu près de Sotchi. J’ai vu le rocher près de Sotchi où, selon la légende, Prométhée était enchaîné. Prométhée qui a donné le feu aux hommes, le feu qui est finalement la flamme olympique ». Depuis, l’argument du mythe est souvent utilisé pour évoquer cette région russe, composée du Caucase et de la péninsule de Crimée. 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Cela explique pourquoi les installations sportives, telles que les stades ou les gymnases, sont souvent la cible des forces russes, car elles pourraient potentiellement abriter des unités ukrainiennes entières.</p> <p>Par la suite, lorsque l’armée russe a commencé à faire du surplace voire à reculer sur le terrain, le secteur sportif ukrainien a pris une nouvelle orientation. Certains clubs de football ont obtenu la permission de jouer des matchs de charité à l’étranger, malgré la loi martiale interdisant aux hommes âgés de 18 à 60 ans de quitter le territoire. Ces matchs visaient à sensibiliser à la cause ukrainienne. De même, les athlètes en préparation pour d’importantes compétitions ont pu s’entraîner à l’étranger.</p> <p>Par exemple, l’équipe nationale de football a été autorisée à s’entraîner en Slovénie pendant un mois en mai 2022 en vue des qualifications pour la Coupe du monde de football 2022 au Qatar. Ainsi, le soft power sportif a contribué symboliquement à l’effort de guerre. Les autorités estimaient qu’un athlète ukrainien était plus utile sur le terrain sportif que sur le front militaire. Selon elles, il offrait un double avantage en donnant à l’Ukraine une visibilité internationale et en pouvant potentiellement rehausser le moral des troupes déployées sur le terrain. Cette dimension ne doit pas être sous-estimée : une victoire sportive pour un athlète ukrainien procurait aux soldats, qui suivaient régulièrement les matchs et les résultats, un certain espoir et un regain de moral.</p> <p>À partir de la mi-juin 2022, le sport à l’échelle nationale a progressivement retrouvé sa place, bien que dans des conditions exceptionnelles. Par exemple, la Première Ligue ukrainienne de football a obtenu l’autorisation de débuter la saison 2022-2023 fin août. Toutefois, les règles ont été adaptées à la situation du moment. Les spectateurs ne sont plus autorisés à assister aux matchs, et ceux-ci nécessitent une autorisation systématique de l’administration militaire pour avoir lieu. Si une alerte de raid aérien potentiel retentit dans un rayon de moins de 500 mètres, le match est interrompu et les joueurs se réfugient dans les vestiaires, ce qui se produit régulièrement. Après un an et demi de guerre, aucun footballeur ukrainien n’a été blessé. Cependant, certains matchs ont duré plus de cinq heures au total.</p> <p>Paradoxalement, l’Ukraine continue de participer activement aux événements sportifs européens et mondiaux. Chaque compétition internationale offre l’opportunité aux autorités de promouvoir les intérêts du pays dans un contexte de guerre. De plus, certains clubs ukrainiens sont accueillis par les alliés géopolitiques les plus proches de l’Ukraine. Par exemple, le Dynamo Kyiv s’entraîne et joue certains de ses matchs à Cracovie, en Pologne. Dnipro, quant à lui, joue et s’entraîne à Košice, en Slovaquie, de manière permanente. En général, de nombreux athlètes et entraîneurs ukrainiens, actifs ou non, ont choisi de rejoindre le front dans l’est de l’Ukraine, mettant leur carrière en suspens. Le cas emblématique est peut-être celui de Yuriy Vernydub, entraîneur ukrainien du Sheriff Tiraspol, qui est parti au front dès le lendemain de l’invasion. Il est important de noter que ces professionnels du sport proviennent souvent de divisions sportives moins importantes. En effet, les athlètes de renom préfèrent généralement contribuer à l’effort de guerre d’un point de vue sportif et symbolique.</p> <p>Le cas des supporters des clubs ukrainiens est également notable. Depuis 2014 et surtout depuis l’invasion russe en Ukraine, de nombreux ultras ont rejoint le front pour combattre ensemble, mettant de côté leur rivalité sportive. En temps de paix rivaux, les supporters du Shakhtar Donetsk et du Dynamo Kyiv combattent ensemble contre leur ennemi commun.</p> <h3>La stratégie politique et sportive de Volodymyr Zelensky après l’invasion russe</h3> <p>Depuis le 24 février 2022, la stratégie internationale de Volodymyr Zelensky s’est intensifiée dans le domaine sportif, trouvant écho dans l’espace médiatique mondial. Les ministères, les organisations privées et le comité olympique ukrainien, tous les organes politiques, économiques et sportifs du pays sont mobilisés pour transmettre un message : l’exclusion de la Russie doit durer tant que l’invasion se poursuit.</p> <figure><iframe frameborder="0" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/YQiSJ3AO5CI?wmode=transparent&start=0" width="440"></iframe></figure> <p>Le hashtag #boycottrussiansport en est devenu le symbole. De manière concrète, les arguments ukrainiens peuvent être résumés en cinq points. La Russie devrait être exclue des événements sportifs mondiaux et des Jeux olympiques de Paris 2024 car elle est un État envahisseur et terroriste ; les athlètes russes sont de quelque manière liés à l’État russe ou à l’armée russe ; le régime de Vladimir Poutine exploite le sport à des fins de propagande ; dans de telles conditions, l’équité des compétitions sportives (Jeux olympiques, Coupe du monde, etc.) ne peut être maintenue ; les athlètes ukrainiens perdent la vie au front ou ne peuvent pas s’entraîner convenablement pour les grandes compétitions internationales, par conséquent la Russie et la Biélorussie ne devraient pas être autorisés à y participer.</p> <p>Pour diffuser ces arguments, le gouvernement ukrainien utilise divers canaux. Tout comme Volodymyr Zelensky utilise son smartphone pour communiquer avec différentes générations, les principaux porte-parole du sport ukrainien exploitent les canaux et les codes contemporains pour diffuser leur message. Les réseaux sociaux tels que TikTok, Facebook ou Instagram sont fréquemment utilisés pour diffuser des propos politiques liés au sport. On peut souvent voir circuler des vidéos de quelques secondes transmettant un message percutant. Par exemple, l’une de ces vidéos virales montre un athlète russe lançant un javelot dans les airs. Le javelot se transforme ensuite en obus, suit la trajectoire de l’athlète et finit par s’écraser sur un bâtiment ukrainien. Un message s’affiche alors à l’écran : « Boycott Russian Sport. »</p> <h4 style="text-align: center;"><a href="https://images.theconversation.com/files/592021/original/file-20240503-16-h8q7b1.jpeg?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img src="https://images.theconversation.com/files/592021/original/file-20240503-16-h8q7b1.jpeg?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" alt="" /></a></h4> <h4 style="text-align: center;"><em><span>Ces extraits sont issus de « La Guerre du sport. Une nouvelle géopolitique » de Lukas Aubin et Jean-Baptiste Guégan, qui vient de paraître aux éditions Tallandier.</span></em></h4> <p>En général, tous les médias sont utilisés par l’Ukraine pour défendre ses intérêts. Par exemple, le site web du ministère ukrainien de la Jeunesse et des Sports est en ukrainien, mais une bannière en gras et en anglais apparaît en haut de la page, indiquant : <a href="https://mms.gov.ua/russian-and-belarusian-athletes-who-support-the-war-in-ukraine">« Russian and Belarusian athletes who support the war in Ukraine. »</a> la bannière, les internautes ont accès à une liste d’athlètes russes et biélorusses soutenant officiellement l’invasion russe en Ukraine. 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Lire l’<a href="https://theconversation.com/geopolitique-du-sport-laffrontement-entre-la-russie-et-lukraine-229262">article original</a>.</h4> <h4><em>Lukas Aubin, directeur de recherche à l’IRIS, spécialiste de la géopolitique de la Russie et du sport et membre associé du Centre de Recherches Pluridisciplinaires Multilingues (CRPM) à l’université Paris-Nanterre, et Jean-Baptiste Guégan, expert en géopolitique du sport et enseignant à Sciences Po Paris, viennent de publier aux éditions Tallandier</em> <a href="https://www.tallandier.com/livre/la-guerre-du-sport/">La Guerre du Sport, une nouvelle géopolitique</a>, <em>un ouvrage complet qui met en lumière l’influence des grands enjeux internationaux sur un un monde du sport à l’apolitisme de plus en plus illusoire. 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Il y voyait un moyen efficace de lutter contre les maladies dues à une carence en vitamine A, très répandues en Asie du Sud-Est et qui peuvent entraîner la cécité, voire la mort. Potrykus était alors loin de se douter qu'un tribunal philippin retoquerait son invention un an et demi après son autorisation.</p> <h3>Syngenta acquiert des droits de brevet</h3> <p>La route a été longue jusqu'à la première récolte du riz doré: en 1999 déjà, Potrykus et son collègue Peter Beyer avaient présenté un prototype. Celui-ci contenait des gènes de jonquille qui produisaient de la provitamine A dans le grain de riz et le faisaient ainsi briller d'un jaune doré. En 2005, les chercheurs avaient développé une deuxième variante en collaboration avec le géant de l'agroalimentaire Syngenta. 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En effet, le corps humain n'utiliserait la provitamine A que s'il dispose de suffisamment de graisse, ce qui, selon Greenpeace, n'est souvent pas le cas chez ces personnes. De plus, il y aurait un risque que le riz génétiquement modifié, une fois introduit dans le champ, se reproduise de manière autonome, se propage et contamine ainsi d'autres variétés de riz. En raison de ces doutes, il a fallu attendre 16 ans de plus pour que les autorités philippines en charge de la biosécurité donnent finalement le feu vert à la culture du riz doré en 2021.</p> <h3>Le tribunal révoque l’autorisation</h3> <p>Mais aujourd'hui, une nouvelle décision de justice met déjà un frein à la propagation de la variété de riz transgénique. Ainsi, une Cour d'appel philippine a révoqué l'autorisation le 17 avril dernier en se référant au principe de précaution: «En l'absence de consensus scientifique sur la sécurité du riz doré, il ne devrait plus être cultivé à des fins commerciales». 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