Actuel / L'Italie ne meurt jamais
Après plus d'un mois de confinement, l'herbe repousse entre les pavés de la Piazza Navona, déserte. © DR
La tragédie italienne suscite plus de condescendance, de Schadenfreude que d'empathie. Chronique agacée.
Aux crises économique et politique dans lesquelles elle est engluée, l’Italie a ajouté la crise sanitaire. Pendant le week-end pascal, le pays a passé le cap des 20'000 morts, dont la moitié en Lombardie, une des régions les plus riches d’Europe et du monde.
Malgré les reportages sinistres sur les cercueils évacués par camions militaires, la tragédie a déclenché plus de condescendance que d’empathie. Plutôt que de considérer l’Italie comme un avant-poste, beaucoup ont voulu voir dans la propagation spectaculaire de la pandémie de Covid-19 un énième signe des désordres de la péninsule. Chez beaucoup de commentateurs, il y a une posture insupportable: bien sûr c’est dramatique, mais à force de ne pas se gouverner correctement et de ne pas payer leurs dettes, ne l’ont-ils pas cherchée un peu cette catastrophe, les Italiens? Le summum de l’indécence a été atteint par les Nééerlandais, refusant dans un premier temps de contribuer aux mécanismes de solidarité européenne. En Suisse, malgré la présence d’une forte communauté italienne, malgré la situation tessinoise, la Schadenfreude sévit aussi.
Première démocratie occidentale massivement confrontée au virus, l’Italie a, comme souvent, servi de laboratoire. Les autres nations, toutes aussi impréparées à l’épreuve qu’elle, ont réagi en fonction de ses premières et douloureuses expériences. Les mesures de confinement se seraient-elles aussi facilement imposées si le gouvernement transalpin n’avait pas osé, le 10 mars déjà, ce que seul un régime autoritaire comme celui de la Chine semblait être capable de décider?
Mais pour mieux considérer le rôle de l’Italie et le discrédit dont elle est victime, imaginons que, au hasard des voyages d’affaires et des liaisons transcontinentales, la pandémie soit passée de la Chine à l’Allemagne. On y aurait vu la conséquence logique des liens qui unissent deux puissantes économies. On n’aurait pas glosé sur ces pauvres gens du Sud, incapables de faire face au virus. Rappelons donc que l’Italie figure dans le classement des dix économies les plus riches du monde, au huitième rang.
Bien sûr, dans la veine critique, les Italiens eux-mêmes ne sont pas en reste, leur capacité d’autodénigrement n’a d’égal que leur sens de la dérision, qui a nourri le succès des comédies à l’italienne. En temps normal, le débat politique y est déjà violent, marqué par une virulence populiste qui a des ramifications profondes dans le passé fasciste. Le sentiment que le système n’est pas à la hauteur des attentes des administrés et très répandu. Le Mouvement 5 étoiles en a fait son fond de commerce depuis plus de dix ans.
Reste que, de l’étranger, l’approche monobloc ne rend pas justice à la diversité des régions italiennes et aux pouvoirs de proximité. L’Italie n’est pas aussi fédéraliste que la Suisse ou l’Allemagne, mais tout ne se joue pas dans la capitale. La Lombardie et la Vénétie n’ont pas géré la crise de la même manière, ni avec les mêmes moyens. La contagion reste limitée dans le Sud.
En poste depuis l’été dernier, le premier ministre Guiseppe Conte affronte la pandémie avec l’aplomb d’un homme ordinaire dans une situation extraordinaire. L’improbable président du Conseil connaît un regain de popularité. Il bénéficie des bons conseils du président de la République, Sergio Mattarella, qui incarne la dignité et la pérennité des institutions. Conte vient de prolonger le confinement jusqu’au 3 mai, tout en l’assouplissant un peu: les librairies peuvent réouvrir, tout comme les commerces de vêtements pour les petits enfants. Il a également nommé une commission d’experts pour le conseiller sur la manière de remettre en marche l’économie, alors que le FMI lui prédit un recul de 9 % du PIB. Autant dire l'apocalypse dans un pays à la croissance déficiente depuis de nombreuses années.
De telles perspectives devraient susciter un sentiment d’unité nationale au sein de la classe politique, mais pas dans la Botte où les luttes partisanes sont une constante de l'histoire. Le leader de la Lega, Matteo Salvini, s’époumone sans relâche à critiquer tout ce qui est fait ou pas, et à taper sur son bouc émissaire préféré, l’Union européenne. La plupart des Italiens frémissent à l’idée qu’il aurait pu être aux commandes si sa demande d’obtenir les pleins pouvoirs, après son succès lors des élections européennes de 2019, avait abouti.
Le virus donne plus d’acuité au paradoxe italien: le monde entier aime et envie sa gastronomie, sa mode, son sens du design et son patrimoine artistique, mais le pays est perçu comme impuissant, dépassé par les événements. L’opinion publique internationale a l’habitude de se focaliser sur les bouffons qui animent sa vie politique, Silvio Berlusconi, Beppe Grillo, Matteo Salvini, pas sur la protection civile qui accomplit un boulot exemplaire aux côtés des personnels soignants. Personne ne voit l'Italie civique qui a respecté le confinement, et qui a tu l'indicible douleur de ne pas pouvoir accompagner plus de 20'000 morts dans les cimetières.
Pourtant, les Italiens ont une capacité séculaire de rebond. Ils ont inventé la Renaissance et le Risorgimento, une manière de surmonter les épreuves et les périodes noires et de s’unir, qu’ils célèbrent d'ailleurs à la deuxième phrase de leur hymne national: Italia s’è desta (l’Italie s’est levée).
Les reportages dans les rues de Rome désertées par les touristes et les habitants témoignent de cette centralité de l’Italie dans notre imaginaire et nos références: le Colisée, comme la place Saint-Pierre ou la Place Navona et la Fontaine de Trevi sont toujours là. Et ce qui est vrai dans la justement nommée Ville éternelle se perçoit dans toutes les cités du Nord à l'extrême Sud du territoire. Malgré les invasions, malgré les tragédies, malgré les divisions. Cette permanence historique exceptionnelle nourrit le courage de faire face à l’adversité.
Le 25 avril, pour l’anniversaire de la libération, les Italiens sont appelés à chanter Bella ciao, le chant de la Résistance, depuis leurs balcons et fenêtres. L’Italie se relève toujours. L'Italie ne meurt jamais.
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Les lobbies économiques ont mobilisé les entrepreneurs, les syndicats ont parlé à leurs adhérents, les milieux académiques et scientifiques sont sortis de leur tour d’ivoire, Opération libero et le Nouveau Mouvement européen suisse ont mené des campagnes de conviction.</p> <p>Vingt ans après le scrutin qui l’a intronisée, la voie des accords bilatéraux avec l’Union européenne est confirmée, alors qu’elle a été l’objet d’un pilonnage continu de la part des blochériens. Tout et son contraire ont été reproché à ce système pragmatique de gestion de nos relations avec les 27 membres de l’Union. Pas un petit problème helvétique en matière de transports, de criminalité, d’aménagement du territoire, de gestion de la main d’œuvre ou de financement des assurances sociales dont la responsabilité n’ait été attribuée aux « méchants Européens ».</p> <h3><strong>Un message limpide</strong></h3> <p>Le message délivré le 27 septembre par six citoyens sur dix est pourtant limpide comme de l’eau de roche: les accords bilatéraux avec l’UE valent bien plus que les éventuels inconvénients qu’ils génèrent. Certains espèrent que l’UDC se le tiendra pour dit, et ne récidivera pas avec une énième initiative visant à abattre l'édifice.</p> <p>C’est bien mal connaître les Blochériens. Pour nos «nationalistes», l’instrument de l’initiative populaire est avant tout un outil marketing, à déployer quelques mois avant les élections fédérales, histoire de galvaniser les troupes. Que ce mésusage de la démocratie directe perturbe notre agenda diplomatique et comprime la réflexion des autres partis sur les objectifs et les moyens de notre politique étrangère, le premier parti de Suisse, nanti de deux conseillers fédéraux, s’en fiche éperdument. 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La Confédération ne veut pas être membre du club, mais elle veut pouvoir utiliser toutes ses commodités.</p> <p>L’arrogance tient dans la conviction d’une bonne partie des Suisses qu’ils pourraient se passer sans trop de dommages de relations privilégiées avec les Européens. Le mythe d’une Suisse splendidement indépendante carbure à plein régime, générant les succès électoraux de l’UDC, au mépris de notre histoire réelle: de 1291 à nos jours, les Confédérés doivent leur prospérité aux échanges économiques, militaires et culturels avec leurs voisins.</p> <p>Un fatalisme désabusé s’est installé dans maintes têtes: l’UE nous est indispensable, mais elle passe son temps à nous torturer avec ses exigences sans la moindre considération pour notre souveraineté nationale. 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Les bénéfices d’une adhésion ne sont même plus analysés dans les rapports du Département fédéral des affaires étrangères, alors que l’Union a aimanté presque tous les pays de notre continent. L’adhésion fut pourtant «l’objectif» de notre politique d’intégration, puis reléguée sous l’influence de l’UDC au rang d’option, puis plus rien du tout. Même pas un souvenir dans la tête des conseillers fédéraux en place. Pour parler de la solution de l’adhésion de la Suisse à l’UE, nos ministres attendent d’être à la retraite. Tout comme la plupart des diplomates qui se sont occupés du dossier.</p> <h3><strong>La surenchère étonnée </strong></h3> <p>À la lumière de ce non-dit, face à ce trou noir, l’accord-cadre, dotant les accords bilatéraux d’un mécanisme de règlement des différences d’interprétation du droit européen repris par la Suisse, devrait être considéré comme la solution miracle, épargnant aux partis politiques et au gouvernement toute réflexion sur une solution plus ambitieuse. Mais non. Le président du PDC, Gerhard Pfister, fait mine de découvrir que le Conseil fédéral injecte du droit européen dans les lois suisses chaque semaine, et que la Cour de justice de l’Union européenne étant <em>in fine</em> la garante de l’application du droit européen, la Suisse ne peut prétendre à l’interpréter pour elle-même.</p> <p>A gauche, la surenchère étonnée est également surjouée. On fait mine de croire que la lutte contre le dumping salarial ne peut être réalisée que par Bruxelles, alors que partenaires sociaux, cantons et Confédération peuvent demain matin décider ensemble de mieux contrôler les chantiers et les conditions des travailleurs détachés. Et, de même, s’entendre moralement pour privilégier la main d’œuvre indigène, dans une sorte de paix du travail renouvelée.</p> <h3><strong>Renversement de doctrine sur les aides d'Etat</strong></h3> <p>Quant aux cantons qui redoutent des complications sur les aides d’Etat, il faut leur signaler que ce cadre a totalement sauté depuis la pandémie COVID-19. La Commission n’a cessé d’octroyer aux pays membres des dérogations afin qu’ils puissent venir en aide aux secteurs impactés par la crise. Ce renversement de doctrine (les aides d’état étant réputées fausser la concurrence) laisse augurer une belle marge de manœuvre dans de futures applications.</p> <h3><strong>Un statut d'exception </strong></h3> <p>Dans ce concert alarmiste, les bilatéralistes masochistes se noient dans les détails juridiques et passent à côté de l’enjeu politique. Ils perdent de vue que l’accord-cadre représente pour la Suisse une solution sur-mesure qui n’existe que pour elle. La panoplie juridico-commerciale de l’UE prévoit pour les non-membres un partenariat rapproché au sein de l’Espace économique européen (refusé par nous en 1992), ou le statut d’état tiers, bien moins avantageux économiquement que nos accords bilatéraux. Renoncer à l’accord-cadre, c’est renoncer à ce statut d’exception. La probabilité que l’UE nous en concède un meilleur relève de l’utopie, surtout dans le contexte du Brexit. </p> <p>Dans la définition de sa politique européenne, le Conseil fédéral a toujours un peu peur de son ombre. Il a tendance à jouer la montre. Accueillant avec satisfaction le vote du 27 septembre, Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission, a ainsi pris soin d’indiquer qu’elle était disponible pour des éclaircissements sur la portée de l’accord-cadre négocié, mais qu’elle s’attendait à ce que le Conseil fédéral entame sa ratification «rapidement».</p> <h3><strong>Expliciter le contenu</strong></h3> <p>Notre gouvernement devrait donc sans tarder présenter et expliciter le contenu de l’accord-cadre. On ose espérer qu’il a utilisé les derniers mois pour obtenir de Bruxelles les clarifications sur les points litigieux, tout en les gardant secrètes afin de ne pas perturber la campagne de votation du 27 septembre.</p> <p>Les trois autres options qui s’offrent au Conseil fédéral ne sont guère réalistes. Laisser tomber l’accord-cadre est une option idiote. Cela reviendrait à enterrer la voie bilatérale alors qu’elle vient d’être sauvée par le peuple et les cantons. Laisser pourrir la mise à jour des accords actuels, bloquée par la non ratification de l’accord-cadre, ne serait pas très intelligent au moment où l’économie suisse a besoin des meilleures conditions possibles pour faire face aux conséquences de la pandémie. Demander à renégocier représente une option hautement improbable, maintes fois exclue par la Commission. Mais entre renégociation formelle et éclaircissements politiques, il y a peut-être une petite marge pour permettre à tous les interlocuteurs de sauver la face.</p> <p>Comme souvent quand une crise semble insurmontable, il faut envisager une sortie par le haut, ambitieuse et courageuse. Simonetta Sommaruga, la présidente de la Confédération, doit aller à Bruxelles obtenir des clarifications sur la portée de l’accord-cadre, et sceller un deal politique.</p> <p>Sur le front interne, Karin Keller-Sutter et Ignazio Cassis doivent aligner les partenaires sociaux et sceller une entente sur de nouvelles mesures d’accompagnement de cette étape additionnelle de notre politique d’intégration européenne.</p> <h3><strong>Empoigner le débat sur la souveraineté </strong></h3> <p>Quant aux partis gouvernementaux et aux Verts, ils doivent empoigner une discussion sérieuse et scientifiquement documentée sur les avantages et les inconvénients en termes de souveraineté de la voie bilatérale, de l’accord-cadre et de l’adhésion à l’UE. Ils ne doivent plus laisser l’UDC confisquer le débat sur ce thème, mais oser l’affronter avec leurs propres valeurs. Ils doivent également réfléchir à ce que signifie réellement la souveraineté face aux défis climatiques, sanitaires et numériques actuels : se calfeutrer ou se concerter? Le souverainisme de pacotille ne mène à rien. </p> <p>Ce même 27 septembre, le peuple a accepté de justesse l’achat de nouveaux avions de combat. Ce vote beaucoup plus serré que prévu démontre un grand embarras des Suisses sur les notions d’indépendance, d’interdépendance, donc de souveraineté. L’époque, qui voit le duopole Chine-Etats-Unis prétendre régenter le monde, se prête à des nouvelles réflexions… qui devraient conduire les Suisses à considérer qu’ils se sentent tous comptes faits bien plus européens, de cœur et de destin, que ce que l’UDC leur a martelé ces deux dernières décennies. 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Or, chaque fois que nous votons sur une problématique européenne, ce sont les partisans des accords bilatéraux qui sont acculés à défendre la situation actuelle, alors que les auteurs de l’initiative sont traités comme de doux contestataires, dont les agissements seraient sans conséquences.</p> <p>Par exemple, l’UDC ne nous dit pas comment elle entend que le gouvernement agisse diplomatiquement avec nos partenaires européens. Bien que disposant de deux élus au Conseil fédéral, elle s’est bien gardée de revendiquer la direction du Département fédéral des affaires étrangères, lors des récentes rocades. 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Ce faisant, ils omettent de préciser que:</p> <p><strong>1.</strong> les années qui suivirent la croissance suisse fut en berne, et qu’elle est repartie à la hausse grâce à l’entrée en vigueur des accords bilatéraux;</p> <p><strong>2.</strong> les autres pays de taille similaire à la nôtre englobés dans l’EEE (par exemple l’Autriche) ont connu une croissance supérieure;</p> <p><strong>3.</strong> l’écart de croissance entre eux et nous ne s’est jamais comblé.</p> <p>Ils font comme si le Conseil fédéral n’avait pas agi et signé, après des négociations difficiles, deux paquets d’accords bilatéraux avec l’Union européenne, qui nous ont permis grosso modo d’obtenir les mêmes avantages que ceux promis par l’EEE.</p> <h3>Accord de libre-échange insuffisant</h3> <p>Visant la suppression de la libre-circulation des personnes (LCP) avec l’UE, les partisans du texte de l’UDC vont jusqu’à prétendre que la Suisse peut se passer des autres accords bilatéraux, dont la valeur pour les entreprises serait surestimée. Là encore, leur trou de mémoire est béant. La Suisse a vécu dans les années 1990 sans accords bilatéraux avec l’UE, sous le toit du seul accord de libre-échange signé en 1972 avec les Communautés européennes (et que l’UDC cite aussi beaucoup). Mais la situation a été jugée insatisfaisante par les milieux économiques, car depuis 1972, les flux économiques se sont beaucoup modifiés. Les accords bilatéraux ont été voulus par la Suisse et négociés pour nous mettre sur un pied d’égalité avec nos concurrents européens. Ils sont le plan B, imaginé après le refus de l'EEE. </p> <h3>S'infliger une double peine?</h3> <p>Les partisans de l’initiative ne prennent pas non plus en compte les chaînes de valeur qui se sont créées <a href="https://bonpourlatete.com/actuel/quand-guy-parmelin-voudra-bien-nous-parler-de-notre-principal-marche" target="_blank" rel="noopener">au sein du marché européen</a>, c’est-à-dire la part et le rôle des sous-traitants. Une automobile allemande comprend des pièces usinées en Italie, en Suisse,... et dans cette chaîne, il est crucial que les produits puissent passer les frontières sans obstacles. Sinon, l’entreprise en bout de chaîne se choisira d’autres sous-traitants. L’industrie suisse d’exportation subit déjà le poids du franc fort, pas sûr qu’il soit malin de lui infliger une «double peine» en faisant sauter l’accord sur la reconnaissance mutuelle des produits et en lui infligeant des complications et de la paperasserie supplémentaire.</p> <p>Un des gros problèmes des partisans du texte de l’UDC est que la Suisse jouit en comparaison internationale d’une prospérité inouïe (en tout cas jusqu’à la pandémie du COVID19). Pourquoi changer les paramètres d’une économie qui gagne, placée dans le peloton des nations les plus innovantes?</p> <p>Les initiants nous racontent donc que cette prospérité n’est pas partagée par tous, que la libre-circulation des personnes ne bénéficie pas aux catégories les plus précaires de la population. Il est vrai que la croissance du PIB par habitant n’est pas au mieux de sa forme depuis 2007, mais cela est dû aux effets de la crise financière de 2008 pas à la LCP ou à l’UE.</p> <p>Surtout, si l’UDC veut se focaliser sur le pouvoir d’achat des plus faibles, beaucoup d’autres leviers existent, plus efficaces, que le bouleversement des conditions-cadre qui nous lient à nos principaux partenaires commerciaux. On pourrait agir sur les primes d’assurance-maladie, la politique salariale, la fiscalité,… Autant de domaines où le premier parti de Suisse se distingue par son refus de toute mesure sociale.</p> <h3>La neutralité économique? Du vent</h3> <p>Pour convaincre, nos isolationnistes essayent également d’élargir la focale et de nous abstraire d’un continent dont nous sommes le centre géographique: la Suisse devrait, selon eux, privilégier le multilatéralisme et viser la neutralité économique. Ils font semblant d’ignorer que le système multilatéral est en panne, grippé par un Donald Trump qu’ils trouvent par ailleurs formidable. Il convient de leur rappeler que même quand le système multilatéral fonctionnait bien, dans les années qui ont suivi la création de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en 1994, la Suisse a éprouvé le besoin d’avoir des accords bilatéraux privilégiés avec l’UE.</p> <p>Quant à la neutralité économique, ça n’existe pas, ça n’a jamais existé, même pendant les guerres (chaudes ou froides) où la Suisse la proclamait haut et fort. Au surplus, cette posture fait fi de toute préoccupation éthique (ce qui compterait, c’est de commercer et pour le reste, <a href="https://bonpourlatete.com/actuel/les-bons-amis-suisses-d-alexandre-loukachenko" target="_blank" rel="noopener">on fermerait les yeux</a>), une posture qui ne cadre guère avec notre rôle traditionnel de garant du droit humanitaire.</p> <p>Dans le déboulonnage de l’UE, certains partisans de l’initiative de l’UDC enjoignent la Confédération de prendre ses distances avec une Union sous la coupe du couple franco-allemand. D’abord, il ne faut pas confondre pouvoir d'impulsion du couple franco-allemand avec domination. Les décisions sur le récent plan de relance européen montrent que parmi les 27, chaque pays compte et possède une sorte de droit de veto. Une UE où seuls les Allemands et les Français dirigeraient ne connaîtrait pas les débats et les tensions actuelles. Ces tensions démontrent <em>a contrario</em> que, malgré toutes les critiques, l'UE est un ensemble démocratique où l'on débat des solutions et où on fait des compromis. Enfin, toute notre histoire a été influencée par celle de nos deux plus puissants voisins. 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Le Tessinois, qui devrait être désigné à la présidence de l'UDC le 22 août prochain, va très vite connaître son baptême du feu, avec la votation du 27 septembre sur la libre-circulation des personnes. Avec la crise climatique et le COVID19, le camp souverainiste ne peut plus se contenter de ses slogans habituels. Analyse. ', 'subtitle_edition' => null, 'content' => '<p>Pour les Latins, il n’est pas anodin que Marco Chiesa entre dans le club des présidents de partis gouvernementaux. Petra Gössi et Gerhard Pfister n’ont pas une grande sensibilité pour les minorités linguistiques. Il est inédit que l’UDC confie les rênes à un non-alémanique. Le parti veut-il <strong>prouver son assise aux quatre coins du territoire</strong>, comme lorsqu’il a projeté Guy Parmelin au Conseil fédéral? Ou avoue-t-il une terrible faiblesse: <strong>l’absence de relève</strong> dans ses fiefs d’origine?</p> <p>Âgé de 18 ans en 1992, Marco Chiesa voit en Christoph Blocher un héros pour le combat qu’il a mené contre l’Espace économique européen. Président de l’UDC, sera-t-il <strong>une marionnette des Blocher père et fille</strong>, ou saura-t-il s’émanciper?</p> <p>Souverainiste, le conseiller aux Etats tessinois connaîtra son baptême du feu le 27 septembre avec la votation sur l’initiative de résiliation de la libre-circulation des personnes. <strong>Si l’UDC gagne</strong>, sa présidence sera lancée en fanfare, et c’est lui qui devra donner le ton face aux autres partis, tous dans le camp des perdants. Le parti aura au passage cassé l’aura de Karin Keller-Sutter la brillante pragmatique.</p> <p><strong>Si l’UDC perd</strong>, Chiesa devra éviter de passer pour un gestionnaire du déclin et vite rebondir sur la prochaine échéance: l’accord-cadre avec l’Union européenne. Sur cet enjeu crucial, la discussion se fera en italien. Pour une fois, les Tessinois ne se sentiront pas exclus du débat. De la part de l’UDC, ce n’est pas mal joué de mettre Chiesa dans les pattes du duo Cassis-Balzaretti. Mais sera-t-il <strong>capable de tenir le choc</strong>?</p> <p>Face aux libéraux-radicaux raisonnablement ralliés aux bilatérales par obsession de ne pas évoquer l’adhésion à l’UE, le défi sera pour lui de tenir une position crédible économiquement. Nos accords bilatéraux avec l’UE constituent le plan B de l’EEE rejeté en 1992. Sur les alternatives à ce plan B, l’UDC n’a produit aucun argumentaire sérieux, elle se contente de slogans incantatoires, qui tournent en boucle.</p> <h3>Le besoin de protection a muté</h3> <p>Le parti blochérien a construit son hégémonie sur le rejet de l’Europe et des étrangers, prétendant en protéger les Suisses. Or, le besoin de protection vient de muter. La crise du COVID19 s’accompagne du retour en grâce de l’Etat et des services publics. Avec son idéologie anti-étatiste et anti-fiscale, l’UDC est prise en porte-à-faux. Le PLR peut, lui, se réclamer de sa tradition historique étatiste. Il a déjà, mieux que l’UDC, amorcé le tournant écologique.</p> <h3>Les questions d'aujourd'hui pas celles d'hier</h3> <p>Afin de prouver qu’il n’est pas à la présidence de l’UDC par défaut, Chiesa devra répondre aux questions d’aujourd’hui pas à celles d’hier: comment maintenir notre haut niveau de vie en sabotant les facilités d’accès au <strong>grand marché européen</strong>? comment financer la <strong>transition énergétique</strong>? comment exister commercialement sans devenir un <strong>vassal des Chinois ou des Américains</strong>? comment protéger nos libertés dans le nouveau monde <strong>numérique</strong>? Sur ces enjeux, les autres partis, à droite comme à gauche, sont clairement positionnés et alimentent des débats préalables aux compromis, là où l’UDC peine à assumer une culture de responsabilité gouvernementale.</p> <p>Marco Chiesa veut-il <strong>singer</strong> son héros ou <strong>projeter</strong> l’UDC dans l’après-Blocher? La politique suisse, paralysée depuis trop longtemps par l’inertie et le poids des souverainistes, aspire à un leadership à droite plus consistant et plus inspiré que celui de ses prédécesseurs.</p> <hr /> <p><em>Cet article est paru en italien le dimanche 9 août dans l'hebdomadaire tessinois Il Caffè</em></p>', 'content_edition' => null, 'slug' => 'un-president-et-quelques-points-d-interrogation', 'headline' => false, 'homepage' => 'col-md-6', 'like' => (int) 686, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 2506, 'homepage_order' => (int) 2756, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => '', 'poster' => null, 'category_id' => (int) 8, 'person_id' => (int) 52, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'comments' => [ [maximum depth reached] ], 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Posts' } ] $embeds = [] $images = [ (int) 0 => object(Cake\ORM\Entity) { 'id' => (int) 6721, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'name' => 'EVZmEIsU8AAs4-m.jpeg', 'type' => 'image', 'subtype' => 'jpeg', 'size' => (int) 62695, 'md5' => '15af4aeccb98c225c6f76f6baca3d361', 'width' => (int) 640, 'height' => (int) 400, 'date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'title' => '', 'description' => 'Après plus d'un mois de confinement, l'herbe repousse entre les pavés de la Piazza Navona, déserte.', 'author' => '', 'copyright' => '© DR', 'path' => '1586895397_evzmeisu8aas4m.jpeg', 'embed' => null, 'profile' => 'default', '_joinData' => object(Cake\ORM\Entity) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Attachments' } ] $audios = [] $comments = [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Comment) { 'id' => (int) 2586, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'status' => 'ACCEPTED', 'comment' => 'Brava! 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VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET
2 Commentaires
@rolandoweibel 15.04.2020 | 20h59
«Brava! Bonne mise en perspective de la situation et des raccourcis qui hélas sont trop souvent pris pour expliquer les choses.»
@Gio 17.04.2020 | 18h20
«Merci pour cette synthèse qui rend à César ce qui appartient à César. Je ne mettrais toutefois pas Berlusconi ( que vous traitez de bouffon) dans le même panier que Grillo qui en est un ou même Salvini. Si les deux derniers amusent la galerie, Berlusconi génère du travail pour environ soixante mille personnes, on a tendance à l’oublier . À force de se dénigrer les Italiens vont souvent trop loin et véhiculent une triste image du pays et des habitants avec en tête de la farce, les journalistes...»