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A vif

A vif / Quand l'université fait pitié

Jonas Follonier

7 avril 2020

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Craignant que le confinement ne prétérite la formation de certains étudiants, l’Université de Neuchâtel a décidé que les examens de juin seraient maintenus, mais que seules les réussites seraient comptabilisées. Sans doute est-ce aussi (ou surtout) pour éviter une révolte des étudiants, quand on voit que la Fédération des étudiants neuchâtelois (FEN) juge la disposition insuffisante… Ridicule monde académique, tu me fais pitié!



Face au défi du Covid-19, l’Université de Neuchâtel a entre autres décidé de maintenir les examens de juin, mais de compter les résultats seulement en cas de réussite. Elle l’a annoncé par mail le mardi 31 mars dernier aux «étudiant-e-s» dont je fais partie. Le but? Permettre aux étudiants de valider leurs crédits (ce vocabulaire quantitatif barbare pour parler simplement de leur «formation») en dépit de la situation difficile due aux mesures liées au coronavirus, tout en ne comptant pas les échecs, qui pourraient être dus à une période difficile. Que c’est chou.

La FEN, qui fédère les étudiants neuchâtelois, a annoncé dans un communiqué datant du même jour qu’elle se montrait «satisfaite de constater qu’une partie de [se]s demandes a été prise en compte par le rectorat», estimant cependant que «les inquiétudes des étudiants restent vives quant à l’augmentation de la charge de travail». Oui, vous lisez bien. La fédération dit constater «que la durée des cours augmente parfois» ou que «des enseignants donnent plus de travaux à rédiger». Une situation ayant pour effet d’«induire un fort stress dans le corps estudiantin».

Un jour, on racontera donc qu’à une certaine époque, l’université permettait aux étudiants qui avaient étudié chez eux de se présenter à un examen pour pouvoir tenter leur chance de le réussir, et que s’ils échouaient, elle oubliait tout ça et leur permettait de retenter leur chance quelques mois plus tard comme si c’était la première fois. Après le négationnisme de la grammaire française à coup d’écriture inclusive, voici donc venu le temps du négationnisme du mérite. Mais comme par hasard, les brigades antirévisionnisme semblent aux abonnés absents dans le débat public. Je me lance donc.

Une inégalité qui porte atteinte aux méritants

Cette décision est purement et simplement grotesque. Déjà, qu’on se le dise: à ce niveau-là de formation, le #stayhome est ce qui peut arriver de mieux aux étudiants. Les cours sont maintenus par vidéo, tout le matériel du professeur, son intervention incluse, est mis à disposition des élèves sur internet (alors que d’habitude, non, il faut venir au cours pour entendre sa conférence). Et il y a mieux: en période de confinement, point de sortie en perspective pour un moment, pas ou peu d’apéros, du chômage pour certains… Plus d’excuse pour étudier, autrement dit!

Mais devant la pression des étudiants, l’uni abdique. Comme elle l’a toujours fait ces dernières décennies. Depuis un fameux mois de mai, l’université n’a de cesse de vouloir montrer qu’elle est «du côté des étudiants». Sous couvert d’une telle attitude, elle démontre simplement qu’elle a peur de sa propre autorité, cédant au moindre caprice de jeunes comptables pour des affaires de crédits ou je ne sais quoi. Bon sang de bonsoir, être «du côté des étudiants» ne veut rien dire, du moment qu’il ne devrait y avoir qu’un camp, reliant tous les universitaires, profs ou étudiants: celui du savoir!

Ainsi donc, pendant longtemps l’inégalité a défavorisé les plus faibles, et voilà que maintenant elle défavorise les plus forts. Rire ou pleurer, il faut choisir. En tout cas, en ce qui me concerne, si je réussis mon master cet été, ce sera avec un goût d’amertume, sachant que ceux qui y échoueront pourront retenter leur chance en tant que «première tentative». Mais l’époque n’a pas peur de l’absurdité, heureusement que je suis déjà acquis à ce constat. Elle n’a pas peur non plus du mimétisme: l’Université de Lausanne a annoncé la même décision le lendemain même.

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VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET

4 Commentaires

@fanfy 11.04.2020 | 00h11

«« Défavoriser les plus forts » en quoi ?
C’est vrai que c’est tellement meilleur de réussir en regardant de haut les échoués sur la rive... »


@Dri 12.04.2020 | 18h10

«L'inégalité qui défavorise les plus forts? Il y a de quoi laisser coi.
Pourquoi ne pas simplement se concentrer sur votre propre trajectoire, vos propres succès ou échecs, sans jalouser autrui de façon aigrie voire déplacée.
Cet article est pétri de jugements de valeur, voire de l'antipathie. Votre façon de penser m'est peu sympathique, et vous n'en sortez pas grandi.»


@Jonas Follonier 13.04.2020 | 11h57

«@fanfy et @Dri
Merci beaucoup pour vos commentaires. Mon dernier paragraphe était sans doute mal rédigé. Je m'en suis rendu compte seulement une fois l'article publié et je l'ai regretté. Parfois l'on écrit dans l'urgence, et il faut savoir faire son mea culpa. Je le fais. Laissons-moi donc préciser ma pensée à ce propos : ce que je souhaitais exprimer, c'est qu'une "réussite" à un examen ne me semble pas en être vraiment une s'il n'y a pas de possibilité d'échec à ce même examen. J'aurais dû écrire que le fait pour moi (ou pour n'importe qui) de réussir un examen n'est pas exactement la même chose si je ne pouvais de toute manière pas l'échouer... Vous conviendrez qu'on s'y rend avec l'idée qu' «au pire de toute manière je le repasse comme si c'était la première fois». Une situation un peu absurde. La référence aux "autres", qui se basait sur un "si je réussis", était déplacée (vous avez raison) et n'exprimait pas le fond de ma pensée.

Il y a déjà de toute façon la possibilité de la deuxième tentative, ou du décalage de l'examen, or là l'UniNE a décidé de mettre en place une troisième tentative pour les cas d'échec, qui ne seront pas considérés comme tels. Pour moi, c'est un dispositif paradoxal et d'autres options auraient pu être prises qui n'auraient pas engendré un «deux poids deux mesures» (car actuellement c'en est un: un examen existera si je le réussis et n'existera plus si je l'échoue). Les deux options suivantes sont les premières à me venir à l'esprit et sont toutes simples:

- Le statu quo: si les étudiants ne se sentent pas prêts de passer leur examen, ils peuvent le déplacer à la session suivante, mais ce sera leur seule tentative... le COVID-19 n'est pas le premier événement dans la vie des étudiants à pouvoir perturber leur capacité d'étude.

- L'annulation/report de la session: cela aurait traiterait également tout le monde à égalité. Comme le parlement l'a fait, l'uni aurait pu simplement reporter la session d'examens d'un mois ou deux.

On peut ne pas être d'accord avec moi et je le conçois tout à fait. Si le papier fait réfléchir, tant mieux.

Très bon lundi de Pâques à vous!»


@marenostrum 11.05.2020 | 10h32

«Ne donnez-vous pas trop d'importance à la forme ... plus qu'au fond ? ... même s'il y a avait trois sessions d'examens, ils n'en restent pas moins des examens à réussir ! ... on dirait que vous êtes issus d'une école professionnelle et pas d'une université ! ... pour ma part, et sachant que ce n'est pas vraiment le propos ici, je serait plutôt inquiet du silence, du mutisme des universités, du corps professoral face aux actualités et non seulement en rapport au Covid-19. L'université ne serait-elle pas justement, de plus en plus semblable à une école professionnelle ? ... soit un lieu de efficae de formation en mettant de côté la réflexion ?
»


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