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Culture

Culture / Cinq bonnes raisons de lire Etienne Barilier

Sabine Dormond

21 novembre 2019

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La semaine dernière, l’auteur de Dans Khartoum assiégé recevait le prix de l’Association vaudoise des écrivains pour l’ensemble de son œuvre. Une oeuvre dont l’ampleur, l’étendue, l’érudition et la profondeur de réflexion peuvent intimider: Etienne Barilier serait-il un intellectuel trop austère? Quel affreux malentendu! Voici, à l’attention des débutants hésitants, quelques bonnes raisons de découvrir un auteur qui n’hésite pas à mordre et à faire preuve d’ironie. Un texte signé Sabine Dormond, membre de l’Association qui lui a décerné le prix et qui fête cette année son 75ème anniversaire.



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Etienne Barilier est-il trop austère?

Etienne Barilier n’est pas un auteur populaire, il n’écrit pas de romans noirs, ne se soucie guère d’être à la mode et de se répandre sur les réseaux sociaux. La porte-parole du jury Sylvie Blondel va jusqu’à le qualifier de résistant à la complaisance futile de certains médias. À ce titre, ajoute-t-elle, son œuvre est bonne pour la tête. Il est en effet bon de lire des œuvres qui demandent un certain effort intellectuel, non dénué de plaisir. Son œuvre est teintée d’ironie. La passion et le désir y figurent en bonne place, ainsi qu’une réflexion politique et philosophique dont nous avons grand besoin pour élargir notre horizon.

Un auteur doit-il seulement divertir ? interroge Sylvie Blondel. Tout nous pousse dans ce sens. Etienne Barilier ne suit pas le main stream. Merci à lui. 

Etienne Barilier est-il trop brillant?

Le récipiendaire avait déjà répondu lui-même à cette question dans son livre Martina Hingis ou la beauté du jeu paru chez Zoé en 1997: «Dans notre pays, on a tendance à vouloir étouffer le talent au nom de l’égalité. On a une fascination malsaine pour la moyenne. Martina Hingis ne croit pas nécessaire de se faire pardonner son génie. (…) Elle se moque brillamment de la médiocrité confite en fausse modestie qui prétend régner. Elle décide que la laideur ne sera pas au pouvoir.»

Parmi les plus de 50 romans, nouvelles, contes et essais de cet auteur, le jury du prix des écrivains vaudois composé de Sylvie Blondel, José Seydoux et Ferenc Rakoczy retient tout particulièrement 3 romans: Un Véronèse (2010), Ruiz doit mourir (2014) et Dans Khartoum assiégé (2018). Dans ce dernier ouvrage, Etienne Barilier parvient à nous faire lire un ensemble d’évènements historiques comme un roman passionnant, un exercice révélateur de son talent et de son érudition bien sûr, la patte d’un grand écrivain, relève José Seydoux.

Etienne Barilier pêcherait-il par excès de bien-pensance?

Non, rétorque Sylvie Blondel. Il est capable de se mettre dans la peau de personnages cruels, tordus et vaniteux. Il ne termine jamais par le triomphe du bien, comme dans les séries télévisées. Il pose des questions et n’apporte pas de réponses toutes faites.

Il suffit d’ailleurs d’un court extrait de son savoureux pamphlet, Soyons médiocres!, paru à L’Age d’homme en 1980 pour rappeler à quel point cet auteur est capable d’ironie et de mordant:

«Notre pays n’aime pas la vie: vieillissement progressif de la population, intolérance croissante au bruit, réglementation de plus en plus étouffante de la socialité, xénophobie, goût de thésauriser, manie des abris souterrains, prédilections pour les crimes indirects. (…) En Suisse allemande, ces phénomènes sont assumés. La Suisse romande se contente de mourir à petit feu, à tout petit feu. Et forte comme elle est sur le chapitre de la modestie, elle s’arrange pour qu’on ne s’aperçoive même pas de son suicide. Elle n’en continue pas moins de mourir, mais avec la rancœur affreuse du gosse qui boude depuis un quart d’heure et qui s’avise que personne, dans la famille, ne s’en est aperçu.»

Alors au fond, Etienne Barilier serait-il trop modeste?

Quand on lui demande s’il ose s’affranchir lui-même de la modestie romande, cette fascination malsaine pour la moyenne dont il se moque allègrement dans son pamphlet Soyons médiocres! et reconnaître qu’il sort du lot, Etienne Barilier botte en touche et préfère citer Denis de Rougemont: «Il est difficile d’être un grand homme en Suisse.» Il assume toutefois sa soif de reconnaissance. J’ai besoin des autres, avoue-t-il. C’est l’attente des lecteurs qui me donne la force. Et va jusqu’à citer les propos du critique littéraire Jean-Louis Kuffer qui lui attribue l’envergure d’un Ramuz ou d’un Max Frisch.

Comme Ramuz avant lui, ou Jacques Chessex, Etienne Barilier a dû être reconnu en France pour que la presse vaudoise daigne s’intéresser à son œuvre. Etienne Barilier serait-il alors rancunier?

Lors de la cérémonie du 14 novembre, il a exprimé toute sa reconnaissance à ses pairs pour ce prix et pour leurs paroles. Vous m’avez tressé des lauriers, ce n’est assurément pas pour que je me repose sur eux, promet-il. Et d’ajouter, non sans une touche d’autodérision, que ce serait braver le ridicule que d’y voir, à son âge, un prix d’encouragement. Et pourtant ce prix me donne du courage. Et si cela ne suffisait pas à nous assurer qu’il ne compte pas s’arrêter en si bon chemin, le lauréat du 41e prix des écrivains vaudois précise : Quand le besoin de créer nous tient, il ne nous lâche pas si facilement, puisqu’il est solidaire du besoin de vivre.


Etienne Barilier, Dans Khartoum assiégée, Phébus, 2018. 

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VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET

2 Commentaires

@JLK 21.11.2019 | 09h34

«Navré de contredire Sabine Dormond, mais il est tout à fait inexact de prétendre que la reconnaissance d'Etienne Barilier par la Suisse romande a "suivi" celle de Paris. En réalité, les livres de Barilier ont été très bien accueillis, par la critique romande (quand il y en avait encore une...), comme ce fut d'ailleurs le cas pour ceux de Jacques Chessex... A vrai dire, la reconnaissance parisienne de Barilier reste très sporadique, et les faibles échos à son dernier livre, l'un de ses meilleurs, en reste la meilleure preuve...
»


@Franky 24.11.2019 | 21h15

«Lisez ""Contre le nouvel obscurantisme"" !!
C' est mon livre de chevet depuis plus de vingt ans......»