Chronique / Le dernier aventurier
Albums des aventures de Blake et Mortimer. © Coll. part.
Conseiller de l’usurpateur Basam Damdu, chef de réseaux criminels, ennemi juré des services secrets de Sa Majesté, pilleur de tombes pharaoniques, et j’en passe. A quoi on ajoutera: d’une élégance rare, habillé chez les meilleurs faiseurs, un porte-cigarette aux lèvres sous une fine moustache. A ces quelques traits, on aura bien sûr reconnu le plus fameux des aventuriers de la BD, véritable génie du mal. Je veux parler du colonel Olrik, dont une biographie – enfin! – est parue il y a quelques jours. Elle est due rien moins qu’à un ancien ministre français des Affaires étrangères, Hubert Védrine.
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J’y ai été émerveillé par la lumière d’une façon tout à fait inattendue et féconde pour ce que j’ai écrit. Essayant de comprendre d’où venait cette émotion et cette exaltation que j’éprouvais devant certains paysages, je me suis aperçu que parfois, à certains moments, la lumière semblait absorber par exemple les montagnes. Et si j’étais émerveillé, logiquement il n’y avait aucune raison de l’être plus par cela que par autre chose, mais j’avais là une image, une métaphore, précisément de cet effacement des obstacles. Tentation que l’on a toujours si l’on est hanté par la mort, l’obstacle majeur. Eh bien, devant de tels paysages, on est porté à s’imaginer que même celui-ci pourra être franchi par une tension plus grande du regard ou par un détachement du monde. Donc l’issue, dont vous parlez, pourrait être, à certains moments, cela. 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Mais les prochains livres, Dieu merci, n’auront plus ce même caractère assez noir. </p> <p><i>Précisément</i>, A travers un verger <i>apparaît comme une manière de révision, de retour déchirant sur l’œuvre. </i></p> <p><i>– </i>Oui , c’est une réaction violente contre un livre précédent. Je m’aperçois d’ailleurs que de livre en livre cela se passe généralement ainsi, <i>L’Obscurité</i> ayant été suivi d’<i>Air</i>s en réaction contre l’excès de noirceur du récit, mais ce n’est pas du tout intentionnel. Simplement la vie fait que c’est ainsi. Dans le cas particulier, <i>A travers un verger</i> commence comme un texte des <i>Paysages avec figures absentes</i>, donc une description, en même temps qu’une célébration de la beauté du monde à laquelle je demeure infiniment sensible. Mais devant certaines épreuves de la vie, on a soudain l’impression de ne plus avoir le droit de se livrer à ce travail d’exaltation, que c’est presque une sorte de scandale de décrire des amandiers en fleurs dans un monde tel que le nôtre, dans une vie telle que celle-ci. D’où la réaction de la seconde partie. Et d’abord peut-être l’impossibilité de terminer ce texte. </p> <p><i>Justement, vous avez écrit dans </i>L’Effraie, <i>au sujet de la beauté:«Je sais maintenant que je ne possède rien, pas même ce bel or qui est feuille pourrie.» La beauté, pour vous, est donc toujours problématique? </i></p> <p>– Oui, parce que je suis constamment sensible au fait qu’elle soit périssable, et je crois que c’est le nœud de tout. D’ailleurs tout cela est d’une banalité épouvantable, mais enfin c’est la banalité qui est à la source de presque toute la poésie lyrique. Mais depuis que je suis ici, car c’est un poème ancien que vous citez, où s’exprime tout de même la mélancolie de la jeunesse ou de l’adolescence, les choses sont devenues plus concrètes, plus chargées de substance, et la beauté a pris dans mon expérience une place beaucoup plus substantielle qu’auparavant. </p> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1615489964_jaccottetleffraie.jpg" class="img-responsive img-fluid center " width="527" height="743" /></p> <h4 style="text-align: center;">Philippe Jaccottet, <i>L’Effraie et autres poésies</i>, édition originale, 1953 © Coll. part. </h4> <p><i>Quelle place?</i></p> <p>– C’est quelque chose qui n’est peut-être pas précisément définissable, mais disons tout de même que c’est une présence constante, comme les blessures, les douleurs ou les difficultés quotidiennes de la vie, et qui s’y oppose constamment. Au fond, une sorte d’aide, un signe qui vous est fait, et dont on ne peut pas ne pas tenir compte. Je continue à éprouver fortement cela comme pouvant ne pas être dépourvu de sens, même s’il est permis de penser, à certains moments, que tout cela n’est qu’un mirage. Foncièrement, je ne le crois pas. C’est pourquoi je continue à écrire.</p> <p><i>L’autre versant de votre œuvre, c’est la traduction. Quels sont les auteurs que vous avez eu le plus de plaisir à traduire? – </i>Robert Musil en particulier. Avec <i>L’Homme sans qualité</i>, c’était vraiment la découverte d’un univers totalement inconnu, comme faire un voyage dans un pays étranger. Et j’ai passé trois ans sans jamais m’ennuyer sur ce livre. J’ai traduit un peu Rilke, avec peut-être un peu moins de plaisir, mesurant tellement l’insuffisance de ma traduction que cela en devenait agaçant. <i>L’Odyssée,</i> à cause d’une certaine fraîcheur dans la redécouverte de ce texte. Et puis, il y a d’autres choses, <i>Hypérion </i>de Hölderlin. La traduction avançant bien, j’avais l’impression de rendre quelque chose, et ce n’était pas d’une difficulté excessive.</p> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1615655006_palzieuxgrignan.jpg" class="img-responsive img-fluid center " /></p> <h4 style="text-align: center;">Palézieux, <i>Paysage à Grignan</i>, eau-forte, 1963 <b>© </b>Musée Jenisch Vevey - Cabinet cantonal des estampes</h4> <p><i>En 1953, vous vous êtes installé à Grignan. Pourquoi Grignan? Un exil? </i></p> <p>– Non, Grignan, c’est vraiment un hasard. Ma femme et moi nous cherchions un endroit pour vivre, à la campagne de préférence, Paris ne nous paraissant plus possible étant donné les conditions matérielles que nous avions à ce moment-là qui étaient vraiment le strict minimum. Il y avait aussi je pense le besoin, pas même conscient, de mettre une certaine distance – exil c’est beaucoup dire – entre le monde littéraire parisien et moi. 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Je crois qu’on le demeure par nature.</p> <hr /> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1615489839_jaccottetatraversunverger.jpg" class="img-responsive img-fluid left " width="257" height="441" /></p> <h4>Philippe Jaccottet, <em>A travers un verger</em>, Fata Morgana, nouvelle édition 2021.</h4>', 'content_edition' => null, 'slug' => 'l-effacement-soit-ma-facon-de-resplendir', 'headline' => false, 'homepage' => 'col-md-12', 'like' => (int) 693, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 2850, 'homepage_order' => (int) 3090, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => 'Chronique', 'poster' => null, 'category_id' => (int) 3, 'person_id' => (int) 72, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'comments' => [[maximum depth reached]], 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Posts' }, (int) 2 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 2826, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => false, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => 'NORMAL', 'readed' => null, 'subhead' => 'CHRONIQUE / in#actuel', 'title' => 'Peintres de la vie moderne', 'subtitle' => 'Avant que d’être le poète scandaleux des «Fleurs du Mal», Charles Baudelaire, dont on célèbre cette année le bicentenaire, a beaucoup écrit sur l’art. 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En réaction, Fantin-Latour peignit son fameux <i>Hommage à Delacroix</i> où l’on reconnaît, entourant un portrait du peintre inspiré d’un cliché de Nadar, Champfleury, Whistler, Manet, Fantin-Latour lui-même ainsi bien sûr que Baudelaire. Mais ce n’est pas le seul tableau dans lequel figure le poète.</p> <h3>Combien nous sommes grands et poétiques dans nos cravates et nos bottines vernies</h3> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1614423571_fantinlatourhommagedelacroix.jpg" class="img-responsive img-fluid center " /></p> <h4 style="text-align: center;">Fantin-Latour, <i>Hommage à Delacroix</i> (1864). Baudelaire est assis au premier rang à droite © DR</h4> <p>Il est également représenté dans l’immense toile de Gustave Courbet, <i>L’Atelier du peintre</i> (1855). 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Il n’en est pas moins le peintre qui répond le mieux au vœu de Baudelaire qui dans son <i>Salon de 1846</i> en appelle aux «grands coloristes (qui) savent faire de la couleur avec un habit noir, une cravate blanche et un fond gris.» <i>Un enterrement à Ornans </i>(1849-1850),<i></i>le tableau programmatique de Courbet qui fit scandale, répond très exactement à ce que réclame Baudelaire. </p> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1614423633_manetmusiqueauxtuileries.jpg" class="img-responsive img-fluid center " /></p> <h4 style="text-align: center;">Manet, <i>La Musique aux Tuileries</i> (1862), détail. Baudelaire est de profil à gauche de Gautier © DR</h4> <p>Dernier artiste enfin associé à l’écrivain, mais il y en a d’autres encore dont on pourrait parler, Edouard Manet. On a beaucoup glosé sur ce que répondit Baudelaire en 1865 à une lettre du peintre alors attaqué de toute part – deux ans auparavant, son<i> Déjeuner sur l’herbe</i>, exposé à la requête de Napoléon III parmi les «refusés», a choqué tout comme son <i>Olympia </i>(voir ci-dessus). «Vous n’êtes, lui écrit alors Baudelaire, que le premier dans la décrépitude de votre art.» Dans cette réflexion, on peut naturellement voir – en apparence – une condamnation de l’art de l’époque dominé par Manet. Mais c’est méconnaître Baudelaire, grand admirateur notamment des eaux-fortes de l’artiste qu’il compare à Goya. Il faut plutôt comprendre la remarque dans toute son ironie. Avec à l’esprit les critiques des bienpensants, de tous les philistins pour qui le progrès consonne nécessairement avec décadence et l’art qui s’y réfère avec décrépitude. En ce sens-là, Manet est bien le plus grand artiste de son temps.</p> <p>Le peintre et le poète se sont connus très tôt. Tous deux partagent alors un même goût pour le dandysme et le fameux habit noir. C’est dans ce véritable uniforme de la modernité complété d’un haut de forme que le peintre a représenté son ami aux côtés de Théophile Gautier, dédicataire des <i>Fleurs du Mal</i>, dans son tableau <i>La Musique aux Tuileries</i> (1862). Il existe également une eau-forte qui reprend cette même silhouette du poète. L’un des plus beaux portraits de femme peint par Manet témoigne également de cette amitié. Il s’agit de l’opulente toile, qui n’a rien à envier à Velasquez, figurant la «lionne» du poète, Jeanne Duval, peinte en 1862 et intitulée <i>La Maîtresse de Baudelaire</i>. Enfin, contemplant l’<i>Olympia </i>de Manet, avec son mince ruban noir noué autour du cou et son bracelet au poignet,<i></i>comment ne pas se réciter les premiers vers du poème «Les Bijoux» des <i>Fleurs du Mal</i>? </p> <p style="text-align: center;"><i>«La très-chère était nue, et, connaissant mon cœur,</i></p> <p style="text-align: center;"><i>Elle n'avait gardé que ses bijoux</i></p> <p style="text-align: center;"><i>Dont le riche attirail lui donnait l'air vainqueur </i></p> <p style="text-align: center;"><i>Qu'ont dans leurs jours heureux les esclaves des Mores.»</i></p> <hr /> <h4><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1614423484_baudelaireecritssurlart1.jpg" class="img-responsive img-fluid left " width="154" height="251" /></h4> <h4>Baudelaire, Ecrits sur l'art, Le Livre de Poche, 2008.</h4>', 'content_edition' => null, 'slug' => 'peintres-de-la-vie-moderne', 'headline' => false, 'homepage' => 'col-md-12', 'like' => (int) 653, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 2828, 'homepage_order' => (int) 3068, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => 'Chronique', 'poster' => null, 'category_id' => (int) 3, 'person_id' => (int) 72, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'comments' => [[maximum depth reached]], 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Posts' }, (int) 3 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 2807, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => false, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => 'NORMAL', 'readed' => null, 'subhead' => 'CHRONIQUE / in#actuel', 'title' => 'Etonnants voyageurs', 'subtitle' => 'Le Havre, gare maritime, 29 mai 1935. Ils sont quatre du monde des Lettres arrivés de Paris. Les plus perspicaces ont reconnu Madame Colette, la grande Colette, qui vient de publier «La Chatte et Duo». Elle est en compagnie de Claude Farrère, l’auteur aujourd’hui quelque peu oublié de «La bataille», élu la veille à l’Académie Française. Il y a aussi le dramaturge Pierre Wolff et puis cet homme avec un béret basque sur la tête, mégot aux lèvres, qui arbore une manche vide: Blaise Cendrars, le poète des «Pâques à New York». Tous quatre sont dépêchés par leurs journaux respectifs à bord du Normandie pour sa croisière inaugurale. ', 'subtitle_edition' => null, 'content' => '<p>L’entre-deux-guerres fut, on le sait, une période particulièrement faste pour la presse. Spécialement pour les grands titres nationaux. Dans les années 1930, un journal comme <i>Paris-Soir </i>tire jusqu’à 1 million d’exemplaires – 1,8 million en 1939! Souvent, il y a plusieurs éditions quotidiennes et entre les journaux, la lutte est vive, sinon féroce. Ce qui ne va pas parfois sans dérapage ni bidonnage – on parlerait aujourd’hui de <i>fake news</i>. Comme ce 10 mai 1927, lorsque le vénérable quotidien <i>La Presse</i> croit pouvoir annoncer avant tous ses concurrents: «Nungesser et Coli ont réussi. Les émouvantes étapes du grand raid. A 5 heures arrivée à New York.» </p> <p>Toujours en une du journal, on lit: «Lorsque l’avion de Nungesser apparut au-dessus de la rade de New York, le commandant Foullois, chef de l’aviation maritime de chasse, s’était porté à son devant avec une escadrille et, dès que l’avion fut en vue, les sirènes des bateaux mugirent et les bâtiments hissèrent le pavillon.» La vérité est que Nungesser et Coli n’ont jamais atteint New York, disparaissant corps et biens. Aujourd’hui, on estime que les deux hommes sont bel et bien parvenus à traverser l’Atlantique, atteignant Saint-Pierre-et-Miquelon où ils auraient tenté d’amerrir. En vain. L’annonce, quelques jours plus tard, de leur disparition, causa une intense émotion. Entraînant par contre-coup la désaffection du public à l’égard du journal fondé par Emile de Girardin, qui jamais ne s’en releva.</p> <p>Toujours dans l’intention de prendre l’avantage sur leurs concurrents, les grands journaux se disputent les meilleures plumes du moment. Et de solliciter tout naturellement les écrivains et écrivaines en vogue. L’un des plus populaires est Pierre Benoit. Le romancier à succès de <i>L’Atlantide </i>et de <i>La Châtelaine du Liban</i> – le premier titre publié par le Livre de poche à son lancement en 1953, on ne le sait pas toujours ou on l’a oublié, est <i>Koenigsmark</i>. Voilà qui dit bien l’aura entourant alors son auteur. Durant l’entre-deux-guerres, Pierre Benoit partage son temps entre l’écriture de son roman annuel et les grands reportages aux quatre coins de la planète, notamment pour <i>L’intransigeant</i>. <i>L’Intran</i>, comme on disait familièrement, le grand quotidien de droite du soir. </p> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1613215880_parissoir29mai1935gallica.jpeg" class="img-responsive img-fluid center " width="501" height="766" /></p> <h4 style="text-align: center;">Annonce des reportages de Claude Farrère et Blaise Cendrars, <i>Paris-Soir</i>, 29 mai 1935 © Gallica</h4> <p>Pour les principaux représentants de la scène littéraire, écrire pour la presse est une source appréciable de revenus. Ainsi Saint-Exupéry raconte-t-il pour <i>L’Intran </i>son raid manqué Paris-Saigon en décembre 1935. Après dix-neuf heures de vol, l’aviateur-écrivain s’était écrasé dans le désert libyen. Son récit, «Le vol brisé. 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Son appareil propulsif est du dernier cri et, pour sa décoration intérieure, qui en fait une véritable vitrine du luxe français, les meilleurs représentants de ce qu’on appellera l’<i>Art déco </i>ont été requis, les Subes, Lalique, Leleu, Patout.</p> <p>C’est le tout jeune directeur de la rédaction de <i>Paris-Soir – </i>il a 28 ans – un certain Pierre Lazareff, futur patron de <i>Cinq colonnes à la une,</i> alors déjà amateur de coups fumants, qui a eu l’idée d’envoyer Farrère et Cendrars sur le <i>Normandie</i>. Les deux hommes se complètent à merveille. Ancien capitaine de corvette – il a notamment servi en Extrême-Orient avant la Grande Guerre – Farrère racontera la traversée en écrivain de la mer depuis les <i>spardecks</i> et la passerelle, tandis que Cendrars, le bourlingueur, sera avec l’équipage. Aux côtés des mécaniciens, dans les entrailles du navire. </p> <h3>La capitale flottante ne bouge pas plus que Paris ou Londres ne vibrent</h3> <p>Colette a déjà une longue pratique du journalisme. Durant toute sa carrière elle rédigera plus d’un millier d’articles sur la mode, le théâtre, le tourisme, l’amour, que sais-je encore? Et collaborera à une centaine de titres, dont <i>Le Journal</i> où elle écrit depuis 1933. C’est donc tout naturellement elle qui couvrira la croisière inaugurale du<i> Normandie. </i>«Ce paquebot, note-t-elle dans son premier article, qui n’est que succulence, crème fraîche, fruits fermes, pain croustillant et quelle table!» Car bien évidemment Colette, on n’est pas bourguignonne pour rien, se délecte en connaisseuse de la cuisine du bord. Mais tout autant du spectacle de la mer. «Juste au-dessous de mes hublots, écrit-elle au lendemain de l’appareillage, se gonfle, s’abaisse, harmonieuse, respire sans fin une longue bête onctueuse d’un gris vert, emplumée d’écume. Tout le reste de l’horizon n’est que brume tiède, traînante, qui lèche et calme la mer.» </p> <p>Farrère, lui, c’est en technicien qu’il jauge des qualités nautiques du nouveau-né. «Le sillage s’étale en poupe jusqu’à perte de vue, plat comme une immense route très blanche. 30 nœuds et même davantage. Ni tangage, ni roulis. La capitale flottante ne bouge pas plus que Paris ou que Londres ne vibrent, nul ne l’ignore, à tous les passages trop brutaux des cars, des autobus, des camions et autres supervéhicules trop négligemment suspendus.» Comme beaucoup d’autres personnalités conviées à ce premier voyage, l’écrivain suit grâce à la TSF la crise ministérielle qui vient d’éclater à Paris. Tandis que le <i>Normandie</i> se rapproche de son but et s’apprête à conquérir le ruban bleu récompensant la traversée la plus rapide, le cabinet Flandrin a été renversé. «Hier, formidable éclat de rire d’un bout à l’autre des huit ponts de la* <i>Normandie, </i>écrit Farrère.<i></i>La TSF s’est fort gracieusement moquée de nous tous, tant que nous sommes, sans la moindre malice d’ailleurs en annonçant que le maréchal Pétain était ministre de la Marine!» </p> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1613215936_coletteborddunormandie.jpg" class="img-responsive img-fluid center " width="536" height="554" /></p> <h4 style="text-align: center;">Colette (au milieu) à bord du <i>Normandie</i> © Coll. part. </h4> <p>Et Blaise Cendrars, me demanderez-vous? Sitôt embarqué, il s’est enfoncé dans le ventre du navire. Chacun de ses articles sera un hymne à la technique, aux machines et aux hommes qui les servent. «Poussant une lourde porte où je faillis être renversé par un courant d’air, je débouchai dans la salle des dynamos bruissante, ronflante et toute remplie d’un rythme continu, qui est le seul témoignage de la Force invisible, car nulle part on ne voit tourner une roue ni travailler une bielle (…) Quand j’arrive sur la passerelle, le balcon de fer bien astiqué qui domine la centrale électrique et qui est le poste de commande de toute cette machinerie automatique, l’humble correspondant de <i>Paris-Soir</i> que je suis est reçu fraternellement et, oserais-je le dire, avec gratitude, par les officiers mécaniciens.» C’est à peine si durant les jours suivant, l’écrivain quittera leur compagnie. </p> <p>Le 4 juin, à l’arrivée à New York, Cendrars rejoint tout de même ses collègues sur le pont pour assister à la «marche triomphale» du <i>Normandie</i>. «Jamais plus nous ne reverrons cela, jamais plus nous ne l’oublierons», écrit Colette. «New York, note de son côté Cendrars, est la ville la plus jeune, la plus moderne, la plus enthousiaste, mais aussi la plus généreuse du monde. L’accueil délirant que le port de New York a fait à la <i>Normandie </i>défilant devant les gratte-ciel de Manhattan est allé droit au cœur de tous les Français qui étaient à bord.» L’écrivain peut alors rejoindre les mécaniciens pour les remercier: «Je trouvais tout le monde à son poste, l’équipage au grand complet, comme toujours calme et veillant à la manœuvre. Ils ignoraient comment New York recevait leur bateau. Ils n’avaient rien vu, rien entendu, mais chaque homme avait le sourire.»</p> <hr /> <h4>*Nos trois auteurs parlent de la <i>Normandie</i> alors que l’usage veut plutôt que l’on écrive le <i>Normandie.</i></h4> <hr /> <h4><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1613215779_aborddunormandie.jpeg" class="img-responsive img-fluid left " width="272" height="386" /></h4> <h4>Cendrars, Colette, Farrère, Wolff, <i>A bord du Normandie. 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Aujourd’hui consultant, Hubert Védrine, qui avant d’être chef de la diplomatie de Lionel Jospin fut longtemps porte-parole de l’Elysée sous François Mitterrand, est, ce que l’on ne sait pas toujours, un fan de BD. En particulier de la ligne claire et tout particulièrement d’Edgar P. Jacobs (1904-1987), le père des célébrissimes aventures de Blake et Mortimer. Ce qui a incité l’ancien ministre à se lancer en compagnie de son fils Laurent sur les traces d’Olrik, c’est le mystère qui entoure ce dernier. Qui est-il? D’où vient-il? Alors que dans son Opéra de papier (Gallimard, 1981), Jacobs nous fournit les curricula vitarum très détaillés de ses deux héros, le professeur Philip Mortimer et le distingué capitaine Francis Blake, lieux de naissance, études, carrières et états de service, distinctions reçues de Sa Majesté, il ne nous dit rien ou quasi de leur plus farouche adversaire. Pas même concernant le passé militaire d’Olrik qui lui vaut pourtant ce grade de colonel.
Edition originale d’Un opéra de papier d’Edgar. P. Jacobs, 1981. © Coll. part.
C’est dès lors à une véritable «enquête» – les guillemets sont ici de rigueur – que se sont livrés nos deux biographes. Qui les a menés, sinon aux quatre coins du monde, du moins sur les lieux des aventures de Blake et Mortimer. En commençant par Bruxelles, où un mystérieux «Monsieur Henri», ancien du Journal Tintin, leur remet une liasse de cartes postales adressées à Jacobs, signées «O.» et envoyées d’un peu partout, Egypte, Cuba, Hong-Kong, Roumanie. Nombre de dates et de lieux correspondant aux différents albums dans lesquels apparaît le célèbre aventurier. Nos deux limiers imaginent alors de consulter une voyante de Schaerbeek, qui leur raconte que Jacobs et Olrik se connaissaient; ils s’étaient rencontrés au Théâtre de la Monnaie en 1938, Olrik s’était vanté auprès du timide Jacobs de sa maîtrise des échecs et de ses exploits d’aventurier.
On ne va bien sûr pas raconter ici par le menu la vie d’Olrik telle que la rapportent Hubert et Laurent Védrine dans leur livre, qui se lit, disons-le, comme un roman. Mais fournissons tout de même à nos lecteurs quelques points de repère.
Olrik est né en Estonie dans une famille noble désargentée. Son père, Cristof von Balk, prénomme son fils Olrik, du nom d’un grand folkloriste danois qu’il admire. A dix ans, l’enfant est cadet au collège militaire de Saint-Pétersbourg. L’un de ses professeurs est Roman Jakobson, le futur linguiste, qui l’initie aux échecs. Il raconte dans des notes inédites qu’ont pu consulter nos auteurs que le jeune Olrik «était doté d’un cerveau polymathe et d’une pugnacité hors du commun, bien qu’étant dénué des structures morales attendues d’un cadet de l’Empire.» Il sera d’ailleurs chassé d’une réception à coups de nagaïka par les cosaques du grand-duc Michel. A l’éclatement de la Révolution, il quitte précipitamment la Russie avec sa mère.
Le grand-duc Michel et sa garde cosaque, 1915. © Wikipédia
Un pacte avec Edgar P. Jacobs
C’est le début d’une série de tribulations qui le conduisent notamment à Budapest, patrie de sa mère. Dans les années 20, 30, il semble, toujours à en croire nos auteurs, qu’Olrik a pu être initié par le célèbre Gurdjieff. Il a également été un agitateur au service des nationalistes magyars. D’où le «M» dont il usera plus tard pour signer certaines de ses cartes postales – M qui n’a donc rien à voir, nous assure-t-on, avec la fameuse Marque jaune. Plus tard, toujours dans l’entre-deux guerres, il semble aussi qu’Olrik ait fait partie de l’expédition tibétaine d’Ernst Schäfer, commanditée par Himmler, pour planter le drapeau nazi sur le toit du monde. L’historiographie officielle certes n’en parle pas. Mais «c’est tout l’art d’un génie du mal tel qu’Olrik, écrivent nos pugnaces biographes, que de disparaître sans laisser de trace.»
Ensuite? Eh bien, après la guerre, on retrouve Olrik à Hong-Kong où il se livre à toutes sortes de trafics en lien avec les triades. Il en ira de même à Cuba où il sera plus ou moins au service des Américains et du dictateur Batista. Et bien sûr, auparavant, il est en Egypte. Selon nos auteurs, dans les années 1950, l’existence d’un fabuleux trésor lié au pharaon hérétique Akhenaton était de notoriété publique dans le milieu des égyptologues. L’un d’eux, un Britannique, se souvient d’un «Européen de l’Est, qui avait tenté de monter un trafic d’antiquités.» Entre-temps, Olrik aurait revu Jacobs et, bien que furieux du rôle que le dessinateur lui assignait, avait conclu une sorte de pacte tacite avec lui.
Aussi surprenant que cela paraisse, et c’est la vraie «invention» de nos deux auteurs au sens où on le dit pour des reliques, Olrik, à la fin de sa vie, désireux de mener une vie «normale», s’était retiré sous le nom d’Allreach dans un vaste domaine qu’il avait acquis près de Linz en Autriche. Un reporteur de Die Kurier, qui avait retrouvé sa trace, lui avait même consacré un long article, dans lequel il cite le journal que tenait Olrik. A la date du 25 février 1987, celui-ci avait noté: «EP Jacobs est décédé à Bruxelles il y a quelques jours. Il ne m’a jamais fait gagner contre ces satanés rosbifs. C’est rageant, il me l’avait promis.»
Hubert Védrine – Laurent Védrine, Olrik La biographie non autorisée, Fayard, 2019
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Je continue à éprouver fortement cela comme pouvant ne pas être dépourvu de sens, même s’il est permis de penser, à certains moments, que tout cela n’est qu’un mirage. Foncièrement, je ne le crois pas. C’est pourquoi je continue à écrire.</p> <p><i>L’autre versant de votre œuvre, c’est la traduction. Quels sont les auteurs que vous avez eu le plus de plaisir à traduire? – </i>Robert Musil en particulier. Avec <i>L’Homme sans qualité</i>, c’était vraiment la découverte d’un univers totalement inconnu, comme faire un voyage dans un pays étranger. Et j’ai passé trois ans sans jamais m’ennuyer sur ce livre. J’ai traduit un peu Rilke, avec peut-être un peu moins de plaisir, mesurant tellement l’insuffisance de ma traduction que cela en devenait agaçant. <i>L’Odyssée,</i> à cause d’une certaine fraîcheur dans la redécouverte de ce texte. Et puis, il y a d’autres choses, <i>Hypérion </i>de Hölderlin. 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En réaction, Fantin-Latour peignit son fameux <i>Hommage à Delacroix</i> où l’on reconnaît, entourant un portrait du peintre inspiré d’un cliché de Nadar, Champfleury, Whistler, Manet, Fantin-Latour lui-même ainsi bien sûr que Baudelaire. Mais ce n’est pas le seul tableau dans lequel figure le poète.</p> <h3>Combien nous sommes grands et poétiques dans nos cravates et nos bottines vernies</h3> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1614423571_fantinlatourhommagedelacroix.jpg" class="img-responsive img-fluid center " /></p> <h4 style="text-align: center;">Fantin-Latour, <i>Hommage à Delacroix</i> (1864). Baudelaire est assis au premier rang à droite © DR</h4> <p>Il est également représenté dans l’immense toile de Gustave Courbet, <i>L’Atelier du peintre</i> (1855). 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On a beaucoup glosé sur ce que répondit Baudelaire en 1865 à une lettre du peintre alors attaqué de toute part – deux ans auparavant, son<i> Déjeuner sur l’herbe</i>, exposé à la requête de Napoléon III parmi les «refusés», a choqué tout comme son <i>Olympia </i>(voir ci-dessus). «Vous n’êtes, lui écrit alors Baudelaire, que le premier dans la décrépitude de votre art.» Dans cette réflexion, on peut naturellement voir – en apparence – une condamnation de l’art de l’époque dominé par Manet. Mais c’est méconnaître Baudelaire, grand admirateur notamment des eaux-fortes de l’artiste qu’il compare à Goya. Il faut plutôt comprendre la remarque dans toute son ironie. Avec à l’esprit les critiques des bienpensants, de tous les philistins pour qui le progrès consonne nécessairement avec décadence et l’art qui s’y réfère avec décrépitude. En ce sens-là, Manet est bien le plus grand artiste de son temps.</p> <p>Le peintre et le poète se sont connus très tôt. Tous deux partagent alors un même goût pour le dandysme et le fameux habit noir. C’est dans ce véritable uniforme de la modernité complété d’un haut de forme que le peintre a représenté son ami aux côtés de Théophile Gautier, dédicataire des <i>Fleurs du Mal</i>, dans son tableau <i>La Musique aux Tuileries</i> (1862). Il existe également une eau-forte qui reprend cette même silhouette du poète. L’un des plus beaux portraits de femme peint par Manet témoigne également de cette amitié. Il s’agit de l’opulente toile, qui n’a rien à envier à Velasquez, figurant la «lionne» du poète, Jeanne Duval, peinte en 1862 et intitulée <i>La Maîtresse de Baudelaire</i>. 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Ils sont quatre du monde des Lettres arrivés de Paris. Les plus perspicaces ont reconnu Madame Colette, la grande Colette, qui vient de publier «La Chatte et Duo». Elle est en compagnie de Claude Farrère, l’auteur aujourd’hui quelque peu oublié de «La bataille», élu la veille à l’Académie Française. Il y a aussi le dramaturge Pierre Wolff et puis cet homme avec un béret basque sur la tête, mégot aux lèvres, qui arbore une manche vide: Blaise Cendrars, le poète des «Pâques à New York». Tous quatre sont dépêchés par leurs journaux respectifs à bord du Normandie pour sa croisière inaugurale. ', 'subtitle_edition' => null, 'content' => '<p>L’entre-deux-guerres fut, on le sait, une période particulièrement faste pour la presse. Spécialement pour les grands titres nationaux. Dans les années 1930, un journal comme <i>Paris-Soir </i>tire jusqu’à 1 million d’exemplaires – 1,8 million en 1939! Souvent, il y a plusieurs éditions quotidiennes et entre les journaux, la lutte est vive, sinon féroce. Ce qui ne va pas parfois sans dérapage ni bidonnage – on parlerait aujourd’hui de <i>fake news</i>. Comme ce 10 mai 1927, lorsque le vénérable quotidien <i>La Presse</i> croit pouvoir annoncer avant tous ses concurrents: «Nungesser et Coli ont réussi. Les émouvantes étapes du grand raid. A 5 heures arrivée à New York.» </p> <p>Toujours en une du journal, on lit: «Lorsque l’avion de Nungesser apparut au-dessus de la rade de New York, le commandant Foullois, chef de l’aviation maritime de chasse, s’était porté à son devant avec une escadrille et, dès que l’avion fut en vue, les sirènes des bateaux mugirent et les bâtiments hissèrent le pavillon.» La vérité est que Nungesser et Coli n’ont jamais atteint New York, disparaissant corps et biens. Aujourd’hui, on estime que les deux hommes sont bel et bien parvenus à traverser l’Atlantique, atteignant Saint-Pierre-et-Miquelon où ils auraient tenté d’amerrir. En vain. L’annonce, quelques jours plus tard, de leur disparition, causa une intense émotion. Entraînant par contre-coup la désaffection du public à l’égard du journal fondé par Emile de Girardin, qui jamais ne s’en releva.</p> <p>Toujours dans l’intention de prendre l’avantage sur leurs concurrents, les grands journaux se disputent les meilleures plumes du moment. Et de solliciter tout naturellement les écrivains et écrivaines en vogue. L’un des plus populaires est Pierre Benoit. Le romancier à succès de <i>L’Atlantide </i>et de <i>La Châtelaine du Liban</i> – le premier titre publié par le Livre de poche à son lancement en 1953, on ne le sait pas toujours ou on l’a oublié, est <i>Koenigsmark</i>. Voilà qui dit bien l’aura entourant alors son auteur. 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Tandis que le <i>Normandie</i> se rapproche de son but et s’apprête à conquérir le ruban bleu récompensant la traversée la plus rapide, le cabinet Flandrin a été renversé. «Hier, formidable éclat de rire d’un bout à l’autre des huit ponts de la* <i>Normandie, </i>écrit Farrère.<i></i>La TSF s’est fort gracieusement moquée de nous tous, tant que nous sommes, sans la moindre malice d’ailleurs en annonçant que le maréchal Pétain était ministre de la Marine!» </p> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1613215936_coletteborddunormandie.jpg" class="img-responsive img-fluid center " width="536" height="554" /></p> <h4 style="text-align: center;">Colette (au milieu) à bord du <i>Normandie</i> © Coll. part. </h4> <p>Et Blaise Cendrars, me demanderez-vous? Sitôt embarqué, il s’est enfoncé dans le ventre du navire. Chacun de ses articles sera un hymne à la technique, aux machines et aux hommes qui les servent. «Poussant une lourde porte où je faillis être renversé par un courant d’air, je débouchai dans la salle des dynamos bruissante, ronflante et toute remplie d’un rythme continu, qui est le seul témoignage de la Force invisible, car nulle part on ne voit tourner une roue ni travailler une bielle (…) Quand j’arrive sur la passerelle, le balcon de fer bien astiqué qui domine la centrale électrique et qui est le poste de commande de toute cette machinerie automatique, l’humble correspondant de <i>Paris-Soir</i> que je suis est reçu fraternellement et, oserais-je le dire, avec gratitude, par les officiers mécaniciens.» C’est à peine si durant les jours suivant, l’écrivain quittera leur compagnie. </p> <p>Le 4 juin, à l’arrivée à New York, Cendrars rejoint tout de même ses collègues sur le pont pour assister à la «marche triomphale» du <i>Normandie</i>. «Jamais plus nous ne reverrons cela, jamais plus nous ne l’oublierons», écrit Colette. «New York, note de son côté Cendrars, est la ville la plus jeune, la plus moderne, la plus enthousiaste, mais aussi la plus généreuse du monde. L’accueil délirant que le port de New York a fait à la <i>Normandie </i>défilant devant les gratte-ciel de Manhattan est allé droit au cœur de tous les Français qui étaient à bord.» L’écrivain peut alors rejoindre les mécaniciens pour les remercier: «Je trouvais tout le monde à son poste, l’équipage au grand complet, comme toujours calme et veillant à la manœuvre. Ils ignoraient comment New York recevait leur bateau. Ils n’avaient rien vu, rien entendu, mais chaque homme avait le sourire.»</p> <hr /> <h4>*Nos trois auteurs parlent de la <i>Normandie</i> alors que l’usage veut plutôt que l’on écrive le <i>Normandie.</i></h4> <hr /> <h4><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1613215779_aborddunormandie.jpeg" class="img-responsive img-fluid left " width="272" height="386" /></h4> <h4>Cendrars, Colette, Farrère, Wolff, <i>A bord du Normandie. 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