Média indocile – nouvelle formule
Raphaël Aubert, écrivain
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Culture / Le sismographe de la vie artistique
«Le Bœuf sur le toit. Miroir des années folles», Jean-Pierre Pastori, In Fine Editions d’art, 162 pages.
Raphaël Aubert, écrivain
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Cela beaucoup plus nettement que l’œuvre de Roud, qui n’a jamais joué un rôle quant à ma façon d’écrire.</p> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1615490024_jaccottetroud.jpg" class="img-responsive img-fluid center " width="517" height="624" /></p> <h4 style="text-align: center;">Philippe Jaccottet, <i>Gustave Roud</i>, Seghers Editeur coll. «Poètes d’aujourd’hui», 1968 © Coll. part. </h4> <p><i>Ce qui me paraît constituer l’un des thèmes majeurs de votre œuvre poétique, au demeurant fort abondante, c’est «l’effacement magique de tout obstacle» présent dans </i>A travers un verger <i>et plus encore la quête de l’issue, «Peut-être y a-t-il une espèce d’issue.» </i></p> <p><i>– </i>Oui, «l’effacement magique de tout obstacle» est bien l’un des thèmes majeurs, dont j’ai pris conscience peut-être simplement en regardant les paysages à notre arrivée ici, à Grignan. J’y ai été émerveillé par la lumière d’une façon tout à fait inattendue et féconde pour ce que j’ai écrit. Essayant de comprendre d’où venait cette émotion et cette exaltation que j’éprouvais devant certains paysages, je me suis aperçu que parfois, à certains moments, la lumière semblait absorber par exemple les montagnes. Et si j’étais émerveillé, logiquement il n’y avait aucune raison de l’être plus par cela que par autre chose, mais j’avais là une image, une métaphore, précisément de cet effacement des obstacles. Tentation que l’on a toujours si l’on est hanté par la mort, l’obstacle majeur. Eh bien, devant de tels paysages, on est porté à s’imaginer que même celui-ci pourra être franchi par une tension plus grande du regard ou par un détachement du monde. Donc l’issue, dont vous parlez, pourrait être, à certains moments, cela. Je crois que beaucoup de textes, en particulier les proses décrivant des paysages et les poèmes, correspondent à des moments où cette sorte de passage devient possible. </p> <p>Pourtant, je me demande toujours, et c’est là tout le débat de ces livres, si ce n’est pas une illusion de l’esprit. Et naturellement, plus les années passent, plus les obstacles deviennent, au contraire, réels. Et il devient difficile de se laisser aller à cette sorte de rêve, d’illusion ou d’espoir. C’est pourquoi les derniers livres, <i>Chants d’en bas </i>et <i>A travers un verger, </i>à cause d’expériences personnelles, se trouvent être les plus sombres: c’est vraiment la victoire passagère, la prédominance du mur auquel on se heurte, et à partir duquel il semble qu’il n’y ait plus d’issue. Mais les prochains livres, Dieu merci, n’auront plus ce même caractère assez noir. </p> <p><i>Précisément</i>, A travers un verger <i>apparaît comme une manière de révision, de retour déchirant sur l’œuvre. </i></p> <p><i>– </i>Oui , c’est une réaction violente contre un livre précédent. Je m’aperçois d’ailleurs que de livre en livre cela se passe généralement ainsi, <i>L’Obscurité</i> ayant été suivi d’<i>Air</i>s en réaction contre l’excès de noirceur du récit, mais ce n’est pas du tout intentionnel. Simplement la vie fait que c’est ainsi. Dans le cas particulier, <i>A travers un verger</i> commence comme un texte des <i>Paysages avec figures absentes</i>, donc une description, en même temps qu’une célébration de la beauté du monde à laquelle je demeure infiniment sensible. Mais devant certaines épreuves de la vie, on a soudain l’impression de ne plus avoir le droit de se livrer à ce travail d’exaltation, que c’est presque une sorte de scandale de décrire des amandiers en fleurs dans un monde tel que le nôtre, dans une vie telle que celle-ci. D’où la réaction de la seconde partie. Et d’abord peut-être l’impossibilité de terminer ce texte. </p> <p><i>Justement, vous avez écrit dans </i>L’Effraie, <i>au sujet de la beauté:«Je sais maintenant que je ne possède rien, pas même ce bel or qui est feuille pourrie.» La beauté, pour vous, est donc toujours problématique? </i></p> <p>– Oui, parce que je suis constamment sensible au fait qu’elle soit périssable, et je crois que c’est le nœud de tout. D’ailleurs tout cela est d’une banalité épouvantable, mais enfin c’est la banalité qui est à la source de presque toute la poésie lyrique. Mais depuis que je suis ici, car c’est un poème ancien que vous citez, où s’exprime tout de même la mélancolie de la jeunesse ou de l’adolescence, les choses sont devenues plus concrètes, plus chargées de substance, et la beauté a pris dans mon expérience une place beaucoup plus substantielle qu’auparavant. </p> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1615489964_jaccottetleffraie.jpg" class="img-responsive img-fluid center " width="527" height="743" /></p> <h4 style="text-align: center;">Philippe Jaccottet, <i>L’Effraie et autres poésies</i>, édition originale, 1953 © Coll. part. </h4> <p><i>Quelle place?</i></p> <p>– C’est quelque chose qui n’est peut-être pas précisément définissable, mais disons tout de même que c’est une présence constante, comme les blessures, les douleurs ou les difficultés quotidiennes de la vie, et qui s’y oppose constamment. Au fond, une sorte d’aide, un signe qui vous est fait, et dont on ne peut pas ne pas tenir compte. Je continue à éprouver fortement cela comme pouvant ne pas être dépourvu de sens, même s’il est permis de penser, à certains moments, que tout cela n’est qu’un mirage. Foncièrement, je ne le crois pas. C’est pourquoi je continue à écrire.</p> <p><i>L’autre versant de votre œuvre, c’est la traduction. Quels sont les auteurs que vous avez eu le plus de plaisir à traduire? – </i>Robert Musil en particulier. Avec <i>L’Homme sans qualité</i>, c’était vraiment la découverte d’un univers totalement inconnu, comme faire un voyage dans un pays étranger. Et j’ai passé trois ans sans jamais m’ennuyer sur ce livre. J’ai traduit un peu Rilke, avec peut-être un peu moins de plaisir, mesurant tellement l’insuffisance de ma traduction que cela en devenait agaçant. <i>L’Odyssée,</i> à cause d’une certaine fraîcheur dans la redécouverte de ce texte. Et puis, il y a d’autres choses, <i>Hypérion </i>de Hölderlin. La traduction avançant bien, j’avais l’impression de rendre quelque chose, et ce n’était pas d’une difficulté excessive.</p> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1615655006_palzieuxgrignan.jpg" class="img-responsive img-fluid center " /></p> <h4 style="text-align: center;">Palézieux, <i>Paysage à Grignan</i>, eau-forte, 1963 <b>© </b>Musée Jenisch Vevey - Cabinet cantonal des estampes</h4> <p><i>En 1953, vous vous êtes installé à Grignan. Pourquoi Grignan? Un exil? </i></p> <p>– Non, Grignan, c’est vraiment un hasard. Ma femme et moi nous cherchions un endroit pour vivre, à la campagne de préférence, Paris ne nous paraissant plus possible étant donné les conditions matérielles que nous avions à ce moment-là qui étaient vraiment le strict minimum. Il y avait aussi je pense le besoin, pas même conscient, de mettre une certaine distance – exil c’est beaucoup dire – entre le monde littéraire parisien et moi. 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Je crois qu’on le demeure par nature.</p> <hr /> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1615489839_jaccottetatraversunverger.jpg" class="img-responsive img-fluid left " width="257" height="441" /></p> <h4>Philippe Jaccottet, <em>A travers un verger</em>, Fata Morgana, nouvelle édition 2021.</h4>', 'content_edition' => null, 'slug' => 'l-effacement-soit-ma-facon-de-resplendir', 'headline' => false, 'homepage' => 'col-md-12', 'like' => (int) 692, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 2850, 'homepage_order' => (int) 3090, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => 'Chronique', 'poster' => null, 'category_id' => (int) 3, 'person_id' => (int) 72, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'tags' => [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Tag) {}, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Tag) {}, (int) 2 => object(App\Model\Entity\Tag) {} ], 'attachments' => [ (int) 0 => object(Cake\ORM\Entity) {} ], 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ '*' => true, 'id' => false ], '[dirty]' => [], '[original]' => [], '[virtual]' => [], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [], '[invalid]' => [], '[repository]' => 'Posts' }
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C’était une rencontre décisive puisqu’elle m’éclairait sur moi-même.</p> <p><i>Et Rilke, auquel vous avez consacré un livre?</i> </p> <p>– Rilke a été vraiment ma grande passion de tout jeune lecteur, et je suis sûr qu’il a eu une influence réelle sur ma poésie, peut-être trop grande à certaine moment, et dont j’ai eu à me défendre. 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J’y ai été émerveillé par la lumière d’une façon tout à fait inattendue et féconde pour ce que j’ai écrit. Essayant de comprendre d’où venait cette émotion et cette exaltation que j’éprouvais devant certains paysages, je me suis aperçu que parfois, à certains moments, la lumière semblait absorber par exemple les montagnes. Et si j’étais émerveillé, logiquement il n’y avait aucune raison de l’être plus par cela que par autre chose, mais j’avais là une image, une métaphore, précisément de cet effacement des obstacles. Tentation que l’on a toujours si l’on est hanté par la mort, l’obstacle majeur. Eh bien, devant de tels paysages, on est porté à s’imaginer que même celui-ci pourra être franchi par une tension plus grande du regard ou par un détachement du monde. Donc l’issue, dont vous parlez, pourrait être, à certains moments, cela. Je crois que beaucoup de textes, en particulier les proses décrivant des paysages et les poèmes, correspondent à des moments où cette sorte de passage devient possible. </p> <p>Pourtant, je me demande toujours, et c’est là tout le débat de ces livres, si ce n’est pas une illusion de l’esprit. Et naturellement, plus les années passent, plus les obstacles deviennent, au contraire, réels. Et il devient difficile de se laisser aller à cette sorte de rêve, d’illusion ou d’espoir. C’est pourquoi les derniers livres, <i>Chants d’en bas </i>et <i>A travers un verger, </i>à cause d’expériences personnelles, se trouvent être les plus sombres: c’est vraiment la victoire passagère, la prédominance du mur auquel on se heurte, et à partir duquel il semble qu’il n’y ait plus d’issue. Mais les prochains livres, Dieu merci, n’auront plus ce même caractère assez noir. </p> <p><i>Précisément</i>, A travers un verger <i>apparaît comme une manière de révision, de retour déchirant sur l’œuvre. </i></p> <p><i>– </i>Oui , c’est une réaction violente contre un livre précédent. Je m’aperçois d’ailleurs que de livre en livre cela se passe généralement ainsi, <i>L’Obscurité</i> ayant été suivi d’<i>Air</i>s en réaction contre l’excès de noirceur du récit, mais ce n’est pas du tout intentionnel. Simplement la vie fait que c’est ainsi. Dans le cas particulier, <i>A travers un verger</i> commence comme un texte des <i>Paysages avec figures absentes</i>, donc une description, en même temps qu’une célébration de la beauté du monde à laquelle je demeure infiniment sensible. Mais devant certaines épreuves de la vie, on a soudain l’impression de ne plus avoir le droit de se livrer à ce travail d’exaltation, que c’est presque une sorte de scandale de décrire des amandiers en fleurs dans un monde tel que le nôtre, dans une vie telle que celle-ci. D’où la réaction de la seconde partie. Et d’abord peut-être l’impossibilité de terminer ce texte. </p> <p><i>Justement, vous avez écrit dans </i>L’Effraie, <i>au sujet de la beauté:«Je sais maintenant que je ne possède rien, pas même ce bel or qui est feuille pourrie.» La beauté, pour vous, est donc toujours problématique? </i></p> <p>– Oui, parce que je suis constamment sensible au fait qu’elle soit périssable, et je crois que c’est le nœud de tout. D’ailleurs tout cela est d’une banalité épouvantable, mais enfin c’est la banalité qui est à la source de presque toute la poésie lyrique. Mais depuis que je suis ici, car c’est un poème ancien que vous citez, où s’exprime tout de même la mélancolie de la jeunesse ou de l’adolescence, les choses sont devenues plus concrètes, plus chargées de substance, et la beauté a pris dans mon expérience une place beaucoup plus substantielle qu’auparavant. </p> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1615489964_jaccottetleffraie.jpg" class="img-responsive img-fluid center " width="527" height="743" /></p> <h4 style="text-align: center;">Philippe Jaccottet, <i>L’Effraie et autres poésies</i>, édition originale, 1953 © Coll. part. </h4> <p><i>Quelle place?</i></p> <p>– C’est quelque chose qui n’est peut-être pas précisément définissable, mais disons tout de même que c’est une présence constante, comme les blessures, les douleurs ou les difficultés quotidiennes de la vie, et qui s’y oppose constamment. Au fond, une sorte d’aide, un signe qui vous est fait, et dont on ne peut pas ne pas tenir compte. Je continue à éprouver fortement cela comme pouvant ne pas être dépourvu de sens, même s’il est permis de penser, à certains moments, que tout cela n’est qu’un mirage. Foncièrement, je ne le crois pas. C’est pourquoi je continue à écrire.</p> <p><i>L’autre versant de votre œuvre, c’est la traduction. Quels sont les auteurs que vous avez eu le plus de plaisir à traduire? – </i>Robert Musil en particulier. Avec <i>L’Homme sans qualité</i>, c’était vraiment la découverte d’un univers totalement inconnu, comme faire un voyage dans un pays étranger. Et j’ai passé trois ans sans jamais m’ennuyer sur ce livre. J’ai traduit un peu Rilke, avec peut-être un peu moins de plaisir, mesurant tellement l’insuffisance de ma traduction que cela en devenait agaçant. <i>L’Odyssée,</i> à cause d’une certaine fraîcheur dans la redécouverte de ce texte. Et puis, il y a d’autres choses, <i>Hypérion </i>de Hölderlin. La traduction avançant bien, j’avais l’impression de rendre quelque chose, et ce n’était pas d’une difficulté excessive.</p> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1615655006_palzieuxgrignan.jpg" class="img-responsive img-fluid center " /></p> <h4 style="text-align: center;">Palézieux, <i>Paysage à Grignan</i>, eau-forte, 1963 <b>© </b>Musée Jenisch Vevey - Cabinet cantonal des estampes</h4> <p><i>En 1953, vous vous êtes installé à Grignan. Pourquoi Grignan? Un exil? </i></p> <p>– Non, Grignan, c’est vraiment un hasard. Ma femme et moi nous cherchions un endroit pour vivre, à la campagne de préférence, Paris ne nous paraissant plus possible étant donné les conditions matérielles que nous avions à ce moment-là qui étaient vraiment le strict minimum. Il y avait aussi je pense le besoin, pas même conscient, de mettre une certaine distance – exil c’est beaucoup dire – entre le monde littéraire parisien et moi. Etant quand même d’une nature influençable ou assez incertaine – je l’étais surtout à ce moment-là –, fréquenter constamment des écrivains, dont certains que j’aimais vraiment beaucoup, pouvait me démolir. Et comme ils avaient tous les idées les plus opposées les unes des autres, j’étais encore plus perdu! Donc le besoin d’une certaine distance, simplement.</p> <p><i>Dans quelle mesure restez-vous romand?</i> </p> <p>– Oh! Je crois qu’on le demeure par nature.</p> <hr /> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1615489839_jaccottetatraversunverger.jpg" class="img-responsive img-fluid left " width="257" height="441" /></p> <h4>Philippe Jaccottet, <em>A travers un verger</em>, Fata Morgana, nouvelle édition 2021.</h4>', 'content_edition' => null, 'slug' => 'l-effacement-soit-ma-facon-de-resplendir', 'headline' => false, 'homepage' => 'col-md-12', 'like' => (int) 692, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 2850, 'homepage_order' => (int) 3090, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => 'Chronique', 'poster' => null, 'category_id' => (int) 3, 'person_id' => (int) 72, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'tags' => [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Tag) {}, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Tag) {}, (int) 2 => object(App\Model\Entity\Tag) {} ], 'attachments' => [ (int) 0 => object(Cake\ORM\Entity) {} ], 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ '*' => true, 'id' => false ], '[dirty]' => [], '[original]' => [], '[virtual]' => [], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [], '[invalid]' => [], '[repository]' => 'Posts' }count - [internal], line ?? 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Chronique / «L’effacement soit ma façon de resplendir»
C’était en 1977. J’écrivais déjà pour la presse. Je collaborais alors à l’hebdomadaire romand «La Vie protestante» et je m’étais rendu à Grignan pour
Raphaël Aubert, écrivain
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En réaction, Fantin-Latour peignit son fameux <i>Hommage à Delacroix</i> où l’on reconnaît, entourant un portrait du peintre inspiré d’un cliché de Nadar, Champfleury, Whistler, Manet, Fantin-Latour lui-même ainsi bien sûr que Baudelaire. Mais ce n’est pas le seul tableau dans lequel figure le poète.</p> <h3>Combien nous sommes grands et poétiques dans nos cravates et nos bottines vernies</h3> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1614423571_fantinlatourhommagedelacroix.jpg" class="img-responsive img-fluid center " /></p> <h4 style="text-align: center;">Fantin-Latour, <i>Hommage à Delacroix</i> (1864). Baudelaire est assis au premier rang à droite © DR</h4> <p>Il est également représenté dans l’immense toile de Gustave Courbet, <i>L’Atelier du peintre</i> (1855). Il est placé tout à la droite de la composition, parmi ceux que l’artiste nomme «tous les actionnaires, c'est-à-dire les amis, les travailleurs, les amateurs du monde de l'art.» La conception picturale de Courbet correspond alors assez exactement à ce que Baudelaire appelle de ses vœux dans son <i>Salon de 1845</i> et qu’il développe dans celui de 1846. «Au vent qui soufflera demain nul ne tend l’oreille; et pourtant l’héroïsme de la vie moderne nous entoure et nous presse (…) Celui-là sera le peintre, le vrai peintre, qui saura arracher à la vie actuelle son côté épique, et nous faire voir et comprendre, avec de la couleur ou du dessin, combien nous sommes grands et poétiques dans nos cravates et nos bottines vernies.» On reconnaît là l’éloge du dandy – Baudelaire y reviendra longuement dans <i>Le peintre de la vie moderne</i> publié en 1863 dans <i>Le Figaro</i>. </p> <p>Du dandysme, Courbet est certes très éloigné. 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On a beaucoup glosé sur ce que répondit Baudelaire en 1865 à une lettre du peintre alors attaqué de toute part – deux ans auparavant, son<i> Déjeuner sur l’herbe</i>, exposé à la requête de Napoléon III parmi les «refusés», a choqué tout comme son <i>Olympia </i>(voir ci-dessus). «Vous n’êtes, lui écrit alors Baudelaire, que le premier dans la décrépitude de votre art.» Dans cette réflexion, on peut naturellement voir – en apparence – une condamnation de l’art de l’époque dominé par Manet. Mais c’est méconnaître Baudelaire, grand admirateur notamment des eaux-fortes de l’artiste qu’il compare à Goya. Il faut plutôt comprendre la remarque dans toute son ironie. Avec à l’esprit les critiques des bienpensants, de tous les philistins pour qui le progrès consonne nécessairement avec décadence et l’art qui s’y réfère avec décrépitude. En ce sens-là, Manet est bien le plus grand artiste de son temps.</p> <p>Le peintre et le poète se sont connus très tôt. 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Qui ne s’exprime, affirme-t-il,«ni dans le choix des sujets, ni dans la vérité exacte, mais dans la manière de sentir.» Et l’écrivain d’ajouter:«Qui dit romantisme dit art moderne, c'est-à-dire intimité, spiritualité, couleur, aspiration vers l'infini, exprimés par tous les moyens que contiennent les arts.» </p> <p>Jamais Baudelaire ne se départira de son admiration pour le peintre des <i>Femmes d'Alger</i>. Dans son <i>Salon de 1859</i> encore, il qualifie Delacroix de «peintre-poète» qui «verse tour à tour sur ses toiles inspirées le sang, la lumière et les ténèbres.» Ce qui vaudra en retour au poète des <i>Fleurs du Mal</i> une lettre émue:«Comment vous remercier dignement pour cette nouvelle preuve de votre amitié?» Et sans doute comme Fantin-Latour et Manet avec qui il assista aux obsèques de Delacroix le 17 août 1863, Baudelaire ne put qu’être lui aussi frappé par l’assistance clairsemée qui suivit le convoi funèbre. En réaction, Fantin-Latour peignit son fameux <i>Hommage à Delacroix</i> où l’on reconnaît, entourant un portrait du peintre inspiré d’un cliché de Nadar, Champfleury, Whistler, Manet, Fantin-Latour lui-même ainsi bien sûr que Baudelaire. Mais ce n’est pas le seul tableau dans lequel figure le poète.</p> <h3>Combien nous sommes grands et poétiques dans nos cravates et nos bottines vernies</h3> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1614423571_fantinlatourhommagedelacroix.jpg" class="img-responsive img-fluid center " /></p> <h4 style="text-align: center;">Fantin-Latour, <i>Hommage à Delacroix</i> (1864). Baudelaire est assis au premier rang à droite © DR</h4> <p>Il est également représenté dans l’immense toile de Gustave Courbet, <i>L’Atelier du peintre</i> (1855). Il est placé tout à la droite de la composition, parmi ceux que l’artiste nomme «tous les actionnaires, c'est-à-dire les amis, les travailleurs, les amateurs du monde de l'art.» La conception picturale de Courbet correspond alors assez exactement à ce que Baudelaire appelle de ses vœux dans son <i>Salon de 1845</i> et qu’il développe dans celui de 1846. «Au vent qui soufflera demain nul ne tend l’oreille; et pourtant l’héroïsme de la vie moderne nous entoure et nous presse (…) Celui-là sera le peintre, le vrai peintre, qui saura arracher à la vie actuelle son côté épique, et nous faire voir et comprendre, avec de la couleur ou du dessin, combien nous sommes grands et poétiques dans nos cravates et nos bottines vernies.» On reconnaît là l’éloge du dandy – Baudelaire y reviendra longuement dans <i>Le peintre de la vie moderne</i> publié en 1863 dans <i>Le Figaro</i>. </p> <p>Du dandysme, Courbet est certes très éloigné. Il n’en est pas moins le peintre qui répond le mieux au vœu de Baudelaire qui dans son <i>Salon de 1846</i> en appelle aux «grands coloristes (qui) savent faire de la couleur avec un habit noir, une cravate blanche et un fond gris.» <i>Un enterrement à Ornans </i>(1849-1850),<i></i>le tableau programmatique de Courbet qui fit scandale, répond très exactement à ce que réclame Baudelaire. </p> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1614423633_manetmusiqueauxtuileries.jpg" class="img-responsive img-fluid center " /></p> <h4 style="text-align: center;">Manet, <i>La Musique aux Tuileries</i> (1862), détail. Baudelaire est de profil à gauche de Gautier © DR</h4> <p>Dernier artiste enfin associé à l’écrivain, mais il y en a d’autres encore dont on pourrait parler, Edouard Manet. On a beaucoup glosé sur ce que répondit Baudelaire en 1865 à une lettre du peintre alors attaqué de toute part – deux ans auparavant, son<i> Déjeuner sur l’herbe</i>, exposé à la requête de Napoléon III parmi les «refusés», a choqué tout comme son <i>Olympia </i>(voir ci-dessus). «Vous n’êtes, lui écrit alors Baudelaire, que le premier dans la décrépitude de votre art.» Dans cette réflexion, on peut naturellement voir – en apparence – une condamnation de l’art de l’époque dominé par Manet. Mais c’est méconnaître Baudelaire, grand admirateur notamment des eaux-fortes de l’artiste qu’il compare à Goya. Il faut plutôt comprendre la remarque dans toute son ironie. Avec à l’esprit les critiques des bienpensants, de tous les philistins pour qui le progrès consonne nécessairement avec décadence et l’art qui s’y réfère avec décrépitude. En ce sens-là, Manet est bien le plus grand artiste de son temps.</p> <p>Le peintre et le poète se sont connus très tôt. 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Enfin, contemplant l’<i>Olympia </i>de Manet, avec son mince ruban noir noué autour du cou et son bracelet au poignet,<i></i>comment ne pas se réciter les premiers vers du poème «Les Bijoux» des <i>Fleurs du Mal</i>? </p> <p style="text-align: center;"><i>«La très-chère était nue, et, connaissant mon cœur,</i></p> <p style="text-align: center;"><i>Elle n'avait gardé que ses bijoux</i></p> <p style="text-align: center;"><i>Dont le riche attirail lui donnait l'air vainqueur </i></p> <p style="text-align: center;"><i>Qu'ont dans leurs jours heureux les esclaves des Mores.»</i></p> <hr /> <h4><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1614423484_baudelaireecritssurlart1.jpg" class="img-responsive img-fluid left " width="154" height="251" /></h4> <h4>Baudelaire, Ecrits sur l'art, Le Livre de Poche, 2008.</h4>', 'content_edition' => null, 'slug' => 'peintres-de-la-vie-moderne', 'headline' => false, 'homepage' => 'col-md-12', 'like' => (int) 652, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 2828, 'homepage_order' => (int) 3068, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => 'Chronique', 'poster' => null, 'category_id' => (int) 3, 'person_id' => (int) 72, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'tags' => [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Tag) {}, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Tag) {}, (int) 2 => object(App\Model\Entity\Tag) {}, (int) 3 => object(App\Model\Entity\Tag) {} ], 'attachments' => [ (int) 0 => object(Cake\ORM\Entity) {} ], 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ '*' => true, 'id' => false ], '[dirty]' => [], '[original]' => [], '[virtual]' => [], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [], '[invalid]' => [], '[repository]' => 'Posts' }count - [internal], line ?? 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Chronique / Peintres de la vie moderne
Avant que d’être le poète scandaleux des «Fleurs du Mal», Charles Baudelaire, dont on célèbre cette année le bicentenaire, a beaucoup écrit sur l’art.
Raphaël Aubert, écrivain
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Tandis que le <i>Normandie</i> se rapproche de son but et s’apprête à conquérir le ruban bleu récompensant la traversée la plus rapide, le cabinet Flandrin a été renversé. «Hier, formidable éclat de rire d’un bout à l’autre des huit ponts de la* <i>Normandie, </i>écrit Farrère.<i></i>La TSF s’est fort gracieusement moquée de nous tous, tant que nous sommes, sans la moindre malice d’ailleurs en annonçant que le maréchal Pétain était ministre de la Marine!» </p> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1613215936_coletteborddunormandie.jpg" class="img-responsive img-fluid center " width="536" height="554" /></p> <h4 style="text-align: center;">Colette (au milieu) à bord du <i>Normandie</i> © Coll. part. </h4> <p>Et Blaise Cendrars, me demanderez-vous? Sitôt embarqué, il s’est enfoncé dans le ventre du navire. Chacun de ses articles sera un hymne à la technique, aux machines et aux hommes qui les servent. «Poussant une lourde porte où je faillis être renversé par un courant d’air, je débouchai dans la salle des dynamos bruissante, ronflante et toute remplie d’un rythme continu, qui est le seul témoignage de la Force invisible, car nulle part on ne voit tourner une roue ni travailler une bielle (…) Quand j’arrive sur la passerelle, le balcon de fer bien astiqué qui domine la centrale électrique et qui est le poste de commande de toute cette machinerie automatique, l’humble correspondant de <i>Paris-Soir</i> que je suis est reçu fraternellement et, oserais-je le dire, avec gratitude, par les officiers mécaniciens.» C’est à peine si durant les jours suivant, l’écrivain quittera leur compagnie. </p> <p>Le 4 juin, à l’arrivée à New York, Cendrars rejoint tout de même ses collègues sur le pont pour assister à la «marche triomphale» du <i>Normandie</i>. «Jamais plus nous ne reverrons cela, jamais plus nous ne l’oublierons», écrit Colette. «New York, note de son côté Cendrars, est la ville la plus jeune, la plus moderne, la plus enthousiaste, mais aussi la plus généreuse du monde. 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Aux côtés des mécaniciens, dans les entrailles du navire. </p> <h3>La capitale flottante ne bouge pas plus que Paris ou Londres ne vibrent</h3> <p>Colette a déjà une longue pratique du journalisme. Durant toute sa carrière elle rédigera plus d’un millier d’articles sur la mode, le théâtre, le tourisme, l’amour, que sais-je encore? Et collaborera à une centaine de titres, dont <i>Le Journal</i> où elle écrit depuis 1933. C’est donc tout naturellement elle qui couvrira la croisière inaugurale du<i> Normandie. </i>«Ce paquebot, note-t-elle dans son premier article, qui n’est que succulence, crème fraîche, fruits fermes, pain croustillant et quelle table!» Car bien évidemment Colette, on n’est pas bourguignonne pour rien, se délecte en connaisseuse de la cuisine du bord. Mais tout autant du spectacle de la mer. «Juste au-dessous de mes hublots, écrit-elle au lendemain de l’appareillage, se gonfle, s’abaisse, harmonieuse, respire sans fin une longue bête onctueuse d’un gris vert, emplumée d’écume. Tout le reste de l’horizon n’est que brume tiède, traînante, qui lèche et calme la mer.» </p> <p>Farrère, lui, c’est en technicien qu’il jauge des qualités nautiques du nouveau-né. «Le sillage s’étale en poupe jusqu’à perte de vue, plat comme une immense route très blanche. 30 nœuds et même davantage. Ni tangage, ni roulis. La capitale flottante ne bouge pas plus que Paris ou que Londres ne vibrent, nul ne l’ignore, à tous les passages trop brutaux des cars, des autobus, des camions et autres supervéhicules trop négligemment suspendus.» Comme beaucoup d’autres personnalités conviées à ce premier voyage, l’écrivain suit grâce à la TSF la crise ministérielle qui vient d’éclater à Paris. Tandis que le <i>Normandie</i> se rapproche de son but et s’apprête à conquérir le ruban bleu récompensant la traversée la plus rapide, le cabinet Flandrin a été renversé. «Hier, formidable éclat de rire d’un bout à l’autre des huit ponts de la* <i>Normandie, </i>écrit Farrère.<i></i>La TSF s’est fort gracieusement moquée de nous tous, tant que nous sommes, sans la moindre malice d’ailleurs en annonçant que le maréchal Pétain était ministre de la Marine!» </p> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1613215936_coletteborddunormandie.jpg" class="img-responsive img-fluid center " width="536" height="554" /></p> <h4 style="text-align: center;">Colette (au milieu) à bord du <i>Normandie</i> © Coll. part. </h4> <p>Et Blaise Cendrars, me demanderez-vous? Sitôt embarqué, il s’est enfoncé dans le ventre du navire. Chacun de ses articles sera un hymne à la technique, aux machines et aux hommes qui les servent. «Poussant une lourde porte où je faillis être renversé par un courant d’air, je débouchai dans la salle des dynamos bruissante, ronflante et toute remplie d’un rythme continu, qui est le seul témoignage de la Force invisible, car nulle part on ne voit tourner une roue ni travailler une bielle (…) Quand j’arrive sur la passerelle, le balcon de fer bien astiqué qui domine la centrale électrique et qui est le poste de commande de toute cette machinerie automatique, l’humble correspondant de <i>Paris-Soir</i> que je suis est reçu fraternellement et, oserais-je le dire, avec gratitude, par les officiers mécaniciens.» C’est à peine si durant les jours suivant, l’écrivain quittera leur compagnie. </p> <p>Le 4 juin, à l’arrivée à New York, Cendrars rejoint tout de même ses collègues sur le pont pour assister à la «marche triomphale» du <i>Normandie</i>. «Jamais plus nous ne reverrons cela, jamais plus nous ne l’oublierons», écrit Colette. «New York, note de son côté Cendrars, est la ville la plus jeune, la plus moderne, la plus enthousiaste, mais aussi la plus généreuse du monde. L’accueil délirant que le port de New York a fait à la <i>Normandie </i>défilant devant les gratte-ciel de Manhattan est allé droit au cœur de tous les Français qui étaient à bord.» L’écrivain peut alors rejoindre les mécaniciens pour les remercier: «Je trouvais tout le monde à son poste, l’équipage au grand complet, comme toujours calme et veillant à la manœuvre. Ils ignoraient comment New York recevait leur bateau. Ils n’avaient rien vu, rien entendu, mais chaque homme avait le sourire.»</p> <hr /> <h4>*Nos trois auteurs parlent de la <i>Normandie</i> alors que l’usage veut plutôt que l’on écrive le <i>Normandie.</i></h4> <hr /> <h4><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1613215779_aborddunormandie.jpeg" class="img-responsive img-fluid left " width="272" height="386" /></h4> <h4>Cendrars, Colette, Farrère, Wolff, <i>A bord du Normandie. 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Chronique / Etonnants voyageurs
Le Havre, gare maritime, 29 mai 1935. Ils sont quatre du monde des Lettres arrivés de Paris. Les plus perspicaces ont reconnu Madame Colette, la
Raphaël Aubert, écrivain
B Article réservé aux abonnés
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Henri Matisse (1869-1954) y vit depuis 1938; il s’est établi sur les hauteurs, à Cimiez, à l’hôtel Regina qui domine la baie des Anges. Le peintre est alors dans la plénitude de sa création. Son art tend de plus en plus à l’essentiel: dessins, qui sont autant de variations à partir d’un seul trait, série des <i>Intérieurs</i>, fruits de ses séjours à Vence dans l’arrière-pays varois – <i>Intérieur rouge, nature morte sur table bleue</i>; <i>Intérieur jaune et bleu</i> – dont la simplification extrême annonce l’ultime féérie colorée, celle des papiers découpés. 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Ainsi Matisse réalise-t-il une série de portraits à l’encre de chine ou au fusain du romancier, trente-quatre très exactement, celui-ci devenant l’un de ses modèles à l’instar de Marguerite, la fille de l’artiste. Parmi les nombreux textes consacrés par Aragon au peintre de Cimiez, on peut mentionner encore «Apologie du luxe» publié en 1946 dans la fameuse collection «Trésors de la peinture française» d’Albert Skira – la chance a voulu que je puisse en acquérir un exemplaire il y a quelques années chez un bouquiniste. Aragon y rapporte l’une de ses visites au peintre.«Au mur, note-t-il, il y a des tableaux qui sont plus que jamais beaux, et jeunes, et frais, lumineux et gais, plus gais que jamais, plus confiants que jamais dans la lumière et la vie…’’Je me défends’’, dit admirablement Matisse.» </p> <h4><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1611836916_aragonapologieduluxe.jpg" class="img-responsive img-fluid center " /></h4> <h4 style="text-align: center;">Aragon, <i>Apologie du luxe</i>, Editions d’art Albert Skira, 1946 © Coll. RA</h4> <h3>Je l'ai appelé <em>roman</em> sans doute afin qu'on me le pardonne</h3> <p>«Apologie du luxe» est l’un des textes, avec celui que j’ai mentionné précédemment et bien d’autres encore, repris désormais dans <i>Henri Matisse, roman</i>. Je dis repris et non réunis. Car l’ouvrage en deux volumes qu’Aragon publie en 1971 – je me le fis offrir par mes parents – est bien autre chose qu’un simple recueil de textes épars. Ne serait-ce parce que ceux-ci sont complétés de multiples ajouts, de précisions, de notes marginales, de post-scriptum. De toutes les variations aragoniennes auxquelles l’écrivain nous a habitués en matière de commentaires, d’avant et après-dire, dont s’accompagnent l’édition de ses livres à partir, mettons, de <i>La mise à mort</i> (1963) et de <i>Blanche ou l’oubli</i> (1967). </p> <p>Je parlais plus haut d’ouvrage inclassable. Le mot n’est pas trop fort. Sa publication n’ira d’ailleurs pas sans difficulté. Il y faudra trois années, l’auteur s’employant quasi jusqu’au dernier moment à le transformer, sinon à le bouleverser.«Ce livre, écrit-il en commençant, ne ressemble à rien qu’à son propre désordre (…) Il n’arrive pas à prendre sens. Forme moins encore. Il égare ses pas, revient sur ses propres traces » Et plus loin:«Ce livre est comme il est. Je n’y puis rien. Peut-être parce que l’homme s’est tu, que je n’en puis entendre la voix, qu’il a cessé d’être présence, pour devenir question.» </p> <p>En dépit ou plutôt à cause de sa forme singulière, <i>Henri Matisse, roman</i> est un hommage à nul autre pareil à l’un des plus magnifiques artistes du XXe siècle.«Je l’ai appelé <i>roman</i>, écrit encore Aragon, sans doute afin qu’on me le pardonne.»</p> <hr /> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1611836585_aragonhenrimatisseroman.jpg" class="img-responsive img-fluid left " width="233" height="346" /></p> <h4>Louis Aragon, <em>Henri Matisse, roman</em>, Gallimard, Quarto, 1998.</h4>', 'content_edition' => null, 'slug' => 'le-roman-de-la-peinture', 'headline' => false, 'homepage' => 'col-md-6', 'like' => (int) 700, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 2787, 'homepage_order' => (int) 3027, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => 'Chronique', 'poster' => null, 'category_id' => (int) 3, 'person_id' => (int) 72, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'tags' => [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Tag) {}, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Tag) {}, (int) 2 => object(App\Model\Entity\Tag) {}, (int) 3 => object(App\Model\Entity\Tag) {} ], 'attachments' => [ (int) 0 => object(Cake\ORM\Entity) {} ], 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ '*' => true, 'id' => false ], '[dirty]' => [], '[original]' => [], '[virtual]' => [], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [], '[invalid]' => [], '[repository]' => 'Posts' }count - [internal], line ?? 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Au grand dam des camarades, furieux de cette figuration d’un Staline jeune. En complète opposition avec l’imagerie de bronze en vigueur de la propagande soviétique. Aragon est contraint de s’excuser. </p> <p>Autre artiste avec lequel l’écrivain s’est lié durant ses années surréalistes, André Masson (1896-1987). Leur amitié survivra à toutes les tempêtes, y compris lorsque Aragon rompra avec Breton. Plusieurs des ouvrages du poète seront illustrés par Masson, notamment son <i>Elégie à Pablo Neruda</i> (1966). C’est aussi durant ces mêmes années de l’entre-deux guerres qu’il commence à écrire sur l’art et les peintres qu’il aime. Et bien après encore, quasi jusqu’à sa mort. 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Henri Matisse (1869-1954) y vit depuis 1938; il s’est établi sur les hauteurs, à Cimiez, à l’hôtel Regina qui domine la baie des Anges. Le peintre est alors dans la plénitude de sa création. Son art tend de plus en plus à l’essentiel: dessins, qui sont autant de variations à partir d’un seul trait, série des <i>Intérieurs</i>, fruits de ses séjours à Vence dans l’arrière-pays varois – <i>Intérieur rouge, nature morte sur table bleue</i>; <i>Intérieur jaune et bleu</i> – dont la simplification extrême annonce l’ultime féérie colorée, celle des papiers découpés. 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Chronique / Le roman de la peinture
Ce devait être l’un des événements-phares de l’automne et de l’hiver parisien, l’exposition «Matisse, comme un roman» au Centre Georges Pompidou. Une
Raphaël Aubert, écrivain
B Article réservé aux abonnés
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Et plus près de nous, en octobre dernier, le pape François, ne déclarait-il pas que l'expérience de Dante peut nous aider à «traverser les nombreuses forêts obscures de notre terre?» </p> <p>Autant de témoignages de la part des Pontifes romains à l’égard de l’un des représentants majeurs de la culture occidentale qui ne vont certes pas sans intentions, sinon arrière-pensées, apologétiques. Il n’empêche. Voilà qui en dit long sur<i></i>la place éminente qu’occupe Dante dans l’histoire de la pensée et qui lui fut reconnue très tôt. De son vivant déjà, sa légende prend corps: n’est-il pas celui qui a visité les Enfers? Et son œuvre connaît aussitôt une large diffusion par le biais des multiples copies manuscrites de son poème.</p> <p>Le <i>Quattrocento, </i>bien que fort éloigné en apparence du monde de Dante, lui voue un véritable culte. Marsile Ficin (1433-1499), grande figure de l’humanisme renaissant qui dirigea l’Académie néoplatonicienne de Florence, pour qui la poésie est la reine des arts, tient Dante pour le poète universel; Raphaël et Michel-Ange voient en lui un maître. Tout comme avant eux Brunelleschi, l’architecte de Santa Maria Del Fiore. Le Dôme de Florence dont la nef s’orne de la seule œuvre connue de Domenico di Michelino. Un tableau commandé pour le bicentenaire de la naissance de Dante le représentant tenant à la main son poème avec en arrière-plan la montagne du Purgatoire. 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Mais les chemins qui y mènent lui demeurent interdits par trois bêtes sauvages, dont la vue accroit encore sa peur; il s’imagine mourir. Quand apparaît le poète Virgile (-70 av. J.C -19), celui qu’il considère comme son maître. L’auteur de <i>L’Enéide </i>qui relate les origines héroïques de Rome. «<i>A te convien tenere altro viaggio</i>», lui dit-il alors. C’est «un autre voyage», en effet, que Dante doit entreprendre s’il veut atteindre la vérité et Virgile sera son guide. Pour cela, il lui faudra visiter les cercles de l’Enfer avant de gravir la montagne du Purgatoire. Ensuite, seulement Dante accèdera au Paradis. C’est Beatrice, sa Dame, qui lui a dépêché Virgile. </p> <p>La première rencontre entre Dante et Beatrice Portinari se produit en 1274; tous deux sont âgés de neuf ans. Ainsi qu’il le raconte dans <i>La Vita Nuova</i>, quasi une décennie s’écoulera avant que Dante ne revoie la jeune femme qui disparaîtra à seulement vingt-quatre ans. 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Virgile n’est d’ailleurs pas le seul personnage antique convoqué par Dante. Il y a par exemple Caton qui l’accueille au pied de la montagne du Purgatoire. Caton, l’intègre stoïcien qui se donna la mort à Utique en -49 après la défaite des derniers partisans de Pompée. Dante invoque aussi régulièrement les Muses et les dieux antiques afin qu’ils l’assistent dans son entreprise. 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', 'subtitle_edition' => null, 'content' => '<p>Hormis peut-être Shakespeare en Angleterre et Pouchkine en Russie, rares sont les poètes qui bénéficient d’une aura égale à celle de Dante en Italie. Sait-on par exemple que Florence, ville où il naquit en 1265, réclame depuis des années aux autorités de Ravenne, cité où il mourut en exil, le retour de ses restes? Ou qu’à une époque récente deux Pontifes, quand bien même Dante dans <i>La Divine Comédie</i> ne ménage guère la papauté, lui ont consacré chacun une Lettre apostolique? Benoit XV, en 1921 (<i>In praeclara summorum</i>) à l’occasion du 600<sup>e</sup> anniversaire de sa mort; Paul VI, en 1965 (<i>Altissimi cantus</i>), pour les 700 ans de sa naissance. 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Marsile Ficin (1433-1499), grande figure de l’humanisme renaissant qui dirigea l’Académie néoplatonicienne de Florence, pour qui la poésie est la reine des arts, tient Dante pour le poète universel; Raphaël et Michel-Ange voient en lui un maître. Tout comme avant eux Brunelleschi, l’architecte de Santa Maria Del Fiore. Le Dôme de Florence dont la nef s’orne de la seule œuvre connue de Domenico di Michelino. Un tableau commandé pour le bicentenaire de la naissance de Dante le représentant tenant à la main son poème avec en arrière-plan la montagne du Purgatoire. 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L’ensemble s’ouvre avec la représentation du fameux cratère de l’Enfer – la seule illustration achevée. Image qui est au cœur, comme on le sait aussi, du film <i>Inferno</i> (2016) de Ron Howard d’après le roman de Dan Brown. Or, selon le critique italien Alessandro Parronchi, si l’on assemble entre elles les illustrations de Botticelli, celles-ci se raccordent si parfaitement qu’elles pourraient bien avoir été dessinées à partir du carton de la fresque jamais réalisée de Santa Maria Del Fiore!</p> <h3><em>A te convien tenere altro viaggio</em></h3> <p>Oui, la gloire de Dante est immense. C’est pourquoi le chroniqueur est saisi de vertige alors qu’il lui faut maintenant tenter – comment faire plus? – d’aborder son poème. Composée entre 1307 et l’année de sa mort, <i>La Divina Commedia</i> commence fictivement le Jeudi saint 7 avril 1300 – la toute première année sainte. Dante erre, désemparé, au milieu de la forêt obscure. Certes aperçoit-il au loin une montagne illuminée. Mais les chemins qui y mènent lui demeurent interdits par trois bêtes sauvages, dont la vue accroit encore sa peur; il s’imagine mourir. Quand apparaît le poète Virgile (-70 av. J.C -19), celui qu’il considère comme son maître. L’auteur de <i>L’Enéide </i>qui relate les origines héroïques de Rome. «<i>A te convien tenere altro viaggio</i>», lui dit-il alors. C’est «un autre voyage», en effet, que Dante doit entreprendre s’il veut atteindre la vérité et Virgile sera son guide. Pour cela, il lui faudra visiter les cercles de l’Enfer avant de gravir la montagne du Purgatoire. Ensuite, seulement Dante accèdera au Paradis. C’est Beatrice, sa Dame, qui lui a dépêché Virgile. </p> <p>La première rencontre entre Dante et Beatrice Portinari se produit en 1274; tous deux sont âgés de neuf ans. Ainsi qu’il le raconte dans <i>La Vita Nuova</i>, quasi une décennie s’écoulera avant que Dante ne revoie la jeune femme qui disparaîtra à seulement vingt-quatre ans. Jamais pourtant le poète ne l’oubliera. Pour toujours, elle incarnera à ses yeux l’image parfaite de la beauté et sera, selon la formule du <i>dolce stil nuovo</i>, l’école littéraire novatrice à laquelle Dante appartint, l’«Ange venu du ciel» pour le sauver. Et c’est Beatrice qui l’accueillera au seuil du Paradis. </p> <p><i>La Divine Comédie</i> est bien sûr fortement imprégnée de théologie et peut être considérée comme une illustration idéale de la doctrine thomiste. Toutefois, et c’est à souligner, le christianisme de Dante n’est nullement en rupture avec l’Antiquité, il en est au contraire la continuation, le prolongement. Ainsi au plus profond des Enfers où Lucifer a été précipité pour s’être rebellé contre Dieu, Dante nous montre l’ange déchu dévorant jusqu’à la fin des temps Judas, qui trahit Jésus, mais aussi Brutus et Cassius, les assassins de César. Aux yeux de Dante, l’Antiquité demeure un modèle. En ce sens, <i>La Divina Commedia</i> fait plus qu’annoncer la Renaissance. Virgile n’est d’ailleurs pas le seul personnage antique convoqué par Dante. Il y a par exemple Caton qui l’accueille au pied de la montagne du Purgatoire. Caton, l’intègre stoïcien qui se donna la mort à Utique en -49 après la défaite des derniers partisans de Pompée. Dante invoque aussi régulièrement les Muses et les dieux antiques afin qu’ils l’assistent dans son entreprise. 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Chronique / L’altro viaggio
Au milieu du chemin de notre vie/ je me retrouvais dans une forêt obscure/ parce que la voie droite était perdue.» Qui ne connaît les trois premiers
Raphaël Aubert, écrivain
B Article réservé aux abonnés
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Qui, au grand dam de son oncle, s’en va rejoindre les partisans de Garibaldi.«<i>‘’Un Falconeri dev'essere con noi, per il Re’’ Gli occhi ripresero a sorridere. ‘’Per il Re, certo, ma per quale Re?’’ Il ragazzo ebbe una delle sue crisi di serietà che lo rendevano impenetrabile e caro. ‘’Se non ci siamo anche noi, quelli ti combinano la repubblica. Se vogliamo che tutto rimanga come è, bisogna che tutto cambi.’’</i>» </p> <p>Si nous voulons que tout reste tel quel, il faut que tout change: sans doute l’un des propos les plus forts du roman. Et l’une des plus grandes leçons politiques qui soit. Cynisme? Non, extraordinaire lucidité au contraire. A propos de tant de prétendues révolutions, tant de changements qui ne sont que de façade, une classe en remplaçant simplement une autre, voilà tout. Le prince, dont les yeux se sont décillés grâce à son neveu, finit par le comprendre lorsqu’il accueille dans son palais d’été de Donnafugata, l’homme nouveau. 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Don Calogero, vêtu d’un frac d’autant moins de circonstance qu’il est trop petit, mal coupé, mais qui n’en marque pas moins sa récente ascension.«Un instant qui est peut-être la seconde décisive du film, écrit Maylis de Kerangal, ce mouvement de bascule entraînant l’engloutissement de l’ancien monde, l’instant où l’aristocratie sicilienne chavire.» </p> <p>Dans le film de Visconti, on l’a rappelé, c’est Burt Lancaster qui est Don Fabrizio.«Plus j’y pense, note Maylis de Kerangal, plus je trouve extraordinaire que Burt Lancaster, désigné si souvent comme un ‘’aristocrate’’ du cinéma, soit né à New York en 1913, issu de l’émigration anglo-irlandaise, et tienne ensemble ces deux identités qui cohabitent dans le nom de Lampedusa: il est le prince et le migrant.» </p> <p>Comme on le sait, l’un des grands moments du roman, mais plus encore du film, c’est bien sûr le bal que donnent les Panteleone, à Palerme, et auquel assistent le prince, son neveu et Angelica.«Elle est la fille si belle de Don Calogero, le paysan parvenu, et tout juste fiancée à Tancredi (…), elle est ce corps qui prend le pouvoir, et enfin, elle est l’étrangère », dont l’éclat fait ressortir avec d’autant plus de cruauté le côté décadent de cette aristocratie. 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Chronique / Le prince et le migrant
Le nom de Lampedusa n’a pas toujours été synonyme de tragédie, celle des migrants venus s’échouer sur ses plages. C’est d’abord le patronyme de l’un
Raphaël Aubert, écrivain
B Article réservé aux abonnés
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Encore faut-il convaincre éditeurs et rédacteurs.«Il me semblait que la chose la plus naturelle du monde fût de dresser une liste des thèmes que je croyais présenter de l’intérêt et de la soumettre aux directeurs de revues afin qu’ils pussent faire leur choix.» </p> <h3>Le New York de Miller et la Grèce de Durrell</h3> <p>Ce que vit alors Miller, fût-ce à retardement, ce sont en fait ses années d’apprentissage. Durant lesquelles, bien qu’il l’ignore, il emmagasine la matière de l’œuvre à venir qui n’est autre que sa propre vie. Il lit énormément, Dostoïevski, Spengler, Nietzsche, Elie Faure. Se promène, rêve, se remémore son enfance de fils de tailleur à Brooklyn. Car <i>Plexus</i> est aussi une magnifique évocation de New York. Notamment le quartier de Williamsburg qui a donné son nom au pont qui enjambe l’East River et relie l’arrondissement à Manhattan. «Parfois le soir, j’allais faire une promenade solitaire. 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Son abandon, à trente ans passé, de la vie rangée qui était jusque-là la sienne de directeur du personnel de la Western Union Telegraph, pour enfin sauter le pas et se consacrer entièrement à l’écriture, à la littérature. Encouragé en cela par sa seconde épouse, June, une jeune femme rencontrée dans un dancing – Mona dans <i>Plexus</i> – et qui va l’aider à accomplir véritablement ce pour quoi il est destiné. </p> <p>C’est cette existence nouvelle, faite d’expédients, sans guère de perspectives d’avenir, qui nous est relatée ici par le menu, souvent de façon cocasse. Comme lorsque Mona et Val – ainsi appelle-t-elle Miller – entreprennent de vendre des bonbons pour vivre! Heureusement, il y a les amis qui les soutiennent. Tel Ulric qui ne tarit pas d’éloge à son propos.«Il arrive, dit Ulric, quand je parle de toi à mes amis que cela me paraisse fabuleux, même à moi. En si peu de temps, depuis que nous nous sommes retrouvés, il me semble que tu as déjà vécu une douzaine de vies.» Ou Marjorie, la propriétaire de l’appartement que loue le couple, qui devient bien vite une proche.«Nous ne mîmes pas longtemps à nous taper affectueusement sur la croupe. Elle était de cette sorte de femmes qui sont capables de vous saisir la queue et de vous faire rire en même temps.» Figure haute en couleurs, généreuse, Marjorie admire Miller parce qu’il écrit. Quand bien même il n’a encore rien publié et que tout ce qu’il écrit est systématiquement refusé. Et puis il y a Mona, la compagne de Miller, son plus sûr appui. <i>Plexus </i>s’ouvre d’ailleurs par un portrait de la jeune femme.«Dans sa robe persane collante, avec un turban assorti, elle était ravissante. 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Encore faut-il convaincre éditeurs et rédacteurs.«Il me semblait que la chose la plus naturelle du monde fût de dresser une liste des thèmes que je croyais présenter de l’intérêt et de la soumettre aux directeurs de revues afin qu’ils pussent faire leur choix.» </p> <h3>Le New York de Miller et la Grèce de Durrell</h3> <p>Ce que vit alors Miller, fût-ce à retardement, ce sont en fait ses années d’apprentissage. Durant lesquelles, bien qu’il l’ignore, il emmagasine la matière de l’œuvre à venir qui n’est autre que sa propre vie. Il lit énormément, Dostoïevski, Spengler, Nietzsche, Elie Faure. Se promène, rêve, se remémore son enfance de fils de tailleur à Brooklyn. Car <i>Plexus</i> est aussi une magnifique évocation de New York. Notamment le quartier de Williamsburg qui a donné son nom au pont qui enjambe l’East River et relie l’arrondissement à Manhattan. «Parfois le soir, j’allais faire une promenade solitaire. Je connaissais intimement le quartier, ayant demeuré pendant un certain temps juste en face du Parc. A quelques rues à peine de là – la ligne frontière était Myrtle Avenue – commençaient les taudis. Après avoir traversé en flânant les quartiers tranquilles, il était excitant de franchir la ligne, de se mêler aux Italiens, Philippins, Chinois et autres ‘’indésirables’’(…) Les boutiques étaient pleines de marchandises nostalgiques, familières depuis l’enfance.» </p> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1606040273_lawrencedurrell1962.jpg" class="img-responsive img-fluid center " /></p> <h4 style="text-align: center;">Lawrence Durrell en 1962 © Coll. Part.</h4> <p>Lors de mon premier séjour newyorkais, il y a quelques années déjà, logeant moi-même à Brooklyn, j’ai tout naturellement pensé à Miller et à <i>Plexus</i>. Je me suis beaucoup promené, m’imprégnant à mon tour de l’atmosphère de cette portion de New York. 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Chronique / Henry Miller grandeur nature
Relu Plexus d’Henry Miller. L’auteur américain disparu il y a quarante ans, en 1980. Un anniversaire passé quasi inaperçu. Peut-être parce qu’on ne
Raphaël Aubert, écrivain
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