Actuel / Comment les Cholas de Bolivie ont conquis le pouvoir
Autrefois victimes de discrimination, aujourd'hui au cœur de la société: des Cholas se préparent pour un défilé de mode dans un hôtel cinq étoiles à La Paz. © DR
Elles occupent de hauts postes gouvernementaux, des emplois prestigieux dans les médias ou se rendent en Chine pour affaires: les femmes autochtones de Bolivie ont connu des progrès sociaux sans précédent.
Nicole Anliker (texte), Marcelo Pérez del Carpio (images), La Paz.
Publié initialement par la NZZ
Nélida Sifuentes a 38 ans est la Ministre bolivienne du développement économique. Elle n'aurait jamais imaginé se retrouver à ce poste dans ses rêves les plus fous. Elle a été témoin de l'époque où il était impensable en Bolivie de trouver une femme indigène en vêtements traditionnels – appelée Chola – derrière un bureau. Sifuentes n'a pas ôté son costume, et elle porte toujours ses deux tresses, qui lui tombent presque à la hanche, alors qu'elle est assise sur un sofa en cuir dans son bureau de La Paz.
«En tant que Cholas, j'ai déjà été disqualifiée, rejetée comme si j'étais ignorante, comme quelqu'un qui ne sait ni lire ni penser», explique-t-elle en espagnol avec le fort accent de sa langue maternelle, le quechua. Mais les temps, ajoute-t-elle, ont changé. Elle en est la meilleure preuve.
Les Cholas sont des commerçants intelligents
Nélida Sifuentes vient d'une famille d'agriculteurs pauvres, a abandonné l'école à l'âge de onze ans et s'est ensuite impliquée dans la politique locale de son village d'origine.
Elle n'a appris l'espagnol qu'à l'âge de 25 ans quand elle est arrivée en ville. Elle a terminé ses études primaires et secondaires à l'âge adulte. Elle souligne comment son père l'a soutenue, mais aussi comment elle est passée d'une fonction politique à une autre.
Nélida Sifuentes, en tant que ministre, porte toujours ses vêtements traditionnels. © DR
Comme pour beaucoup d'autres Cholas, Evo Morales, l'actuel et premier président autochtone de Bolivie, a joué un rôle important dans sa carrière. Elle le mentionne même en tant que troisième parent: Morales l'a non seulement nommée ministre, mais il a aussi permis aux peuples autochtones, et en particulier aux femmes autochtones, d'occuper des postes gouvernementaux et d'être visibles dans l'espace public.
Avant son accession à la présidence en 2006, la population indigène majoritairement pauvre (plus de 60% de la population) était traitée comme des citoyens de seconde classe en Bolivie. Sous le mot d'ordre de la décolonisation, Morales a fait avancer leur intégration. Il leur a accordé plus de droits, reconnu leurs langues et adopté une loi contre le racisme et la discrimination. Aujourd'hui, les Cholas sont assis dans leurs polleras – les larges jupes plissées traditionnelles –, portent leurs chapeaux melons sur la tête dans les salles de conférence, travaillent comme agents de la circulation et occupent des bureaux dans une grande variété d'institutions. Autrefois considéré comme une insulte, le qualificatif de Chola est maintenant porté avec fierté.
Un étudiant en mode à La Paz montre le traditionnel chapeau melon des Cholas. © DR
Selon la sociologue Fernanda Wanderley de l'Université catholique de La Paz, l'inclusion des peuples autochtones est l'une des principales réalisations du règne de Morales, qui dure maintenant depuis 14 ans. La discrimination existe toujours, mais pas dans la même mesure qu'auparavant.
Roxana Mallea est du même avis. Cette petite femme de l'ethnie Aymara traverse la rédaction de la chaîne de télévision nationale Canal 7 dans un pollera bleu foncé et une étole assortie, elle produit le journal télévisé du jour et est stressée par le temps. Son téléphone portable sonne continuellement. Elle répond aux appels et donne des instructions claires et rapides, mais d'une voix douce.
Roxana Mallea est un visage bien connu en Bolivie: depuis sept ans, elle présente l'édition principale du journal télévisé, toujours dans son costume de chola traditionnel. Cette femme de 36 ans est une pionnière et un modèle pour d'autres jeunes femmes autochtones. À ce jour, elle est la seule Chola à travailler à Canal 7. Roxana Mallea est consciente de ses responsabilités. Elle dit son souci est de montrer l'exemple en promouvant les jeunes talents.
«Ma mère ne comprenait pas, alors, que j'allais faire de la télévision», se souvient Mallea au moment où elle a appris la nouvelle à sa mère. L'anecdote montre tout ce qui s'est passé en Bolivie en peu de temps: Mallea évolue dans un monde qui est étranger à sa mère. Celle-ci vient d'une famille paysanne, ne parle que l'aymara, n'a jamais fréquenté l'école et a quitté la campagne pour la ville d'El Alto en raison de difficultés financières. Là-bas, elle vendait de la glace dans la rue. Le père de Mallea, catéchiste, rapportait peu d'argent à la maison. C'est sa mère qui a porté à bout de bras la famille de sept personnes et leur a enseigné les valeurs: «Il faut se lever tôt! Vous devez faire les choses rapidement!», se souvient-elle, en aymara.
Un conseil que Roxana Mallea a pris à cœur. À plusieurs reprises, elle a interrompu l'école pour manque d'argent et a travaillé comme vendeuse de rue entre-temps, jusqu'à se lancer dans le journalisme via une chaîne de télévision locale. Elle avait été une enfant rebelle, contredisait son père, ne s'intéressait pas à la cuisine ni à la tenue du ménage.
En plus de son emploi à temps plein, elle étudie maintenant la communication et le droit. «Le Chola est très occupé», dit-elle, «c'est ce qui le caractérise». La sociologue, Fernanda Wanderley, souligne le rôle fondamental que joue l'ethnie Chola dans l'économie bolivienne. Ils sont connus pour être des commerçants intelligents, indépendants financièrement.
Les dents en or du Chola sont authentiques
La nouvelle classe moyenne indigène, comme la bourgeoisie dite quechua et aymara, n'est apparue que dans un passé récent. Au cours des quatorze dernières années, sous la présidence de Morales, l'économie a connu une croissance annuelle moyenne de 4,9%. Le taux de pauvreté a presque diminué de moitié, l'extrême pauvreté est passée de 38 à 15% de la population et le PIB par habitant est passé de 1000 à 3500 dollars. Selon Fernanda Wanderley, l'émergence de cette classe moyenne et supérieure indigène urbaine est principalement due au boom économique que les prix élevés des matières premières ont apporté au pays jusqu'en 2014. Mais il attribue avant tout cette évolution à la politique économique du président.
Il y a pourtant aussi des perdants dans la politique de Morales parmi les peuples indigènes. Par exemple, les groupes sur le territoire desquels le gouvernement a accordé des concessions pour exploiter les ressources minérales sans consulter la population locale. Evo Morales, 59 ans, est donc aussi un président controversé. Une partie de son électorat autochtone se sent trahie et s'est détournée de lui. Dimanche, il concourt pour un quatrième mandat. Dans ces circonstances, il est loin d'être certain qu'il réussira.
La réussite de la politique indigène est incarnée par des femmes comme Regina, l'heureuse propriétaire d'un magasin de fournitures de couture appelé «Bazar Esmeralda». La Chola à la forte silhouette, d’une quarantaine d’années, est assise sur un petit tabouret et tricote une écharpe pendant qu'elle raconte comment elle gagne de l'argent. Une lanterne chinoise est suspendue au plafond. Elle porte chance pour les affaires, explique-t-elle. Regina a rapporté la lanterne d'un de ses voyages d'affaires en Chine. Elle prend l'avion pour Shanghai une fois par an depuis plus d'une décennie et voyage en bus pendant trois heures jusqu'à une usine. C'est de là que proviennent ses marchandises: rubans de tissu, paillettes, chaînes de plastique ou plumes. Tout le matériel pour broder des polleras glamour. Elle dit qu'elle en remplit des conteneurs entiers et les rapporte en Bolivie. Avec cela, elle élimine les intermédiaires et gagne plus d'argent. Son mari et un traducteur l'accompagnent dans ses voyages. «Mais je dirige l'entreprise toute seule», précise-t-elle.
Une cliente régulière entre dans le magasin de Regina. Elle dessine et coud des polleras, et aujourd'hui, elle achète plusieurs mètres de ruban de dentelle en argent. L'air du temps est favorable à Regina: «Tout le monde veut être cholitas aujourd'hui», dit-elle. Même les Boliviennes qui ne sont pas des Cholas portent maintenant des polleras. Cela a déclenché une polémique dans le pays. Les critiques s'expriment surtout contre ceux qui se déguisent en Cholas afin d'augmenter leurs chances d'obtenir un poste au gouvernement. Et le parti au pouvoir fait activement la promotion des Cholas, notamment pour obtenir les votes des électeurs.
Que l'on soit un vrai Chola ou pas, Regina s'en fiche. L'essentiel, c'est que ses chiffres de vente soient bons. Elle porte des boucles d'oreilles en or et une bague en or. Quatre dents encadrées d'or brillent dans sa bouche. «Tout à fait réelles», dit-elle avec un large sourire quand on lui demande. Le bon alignement des dents est un signe de prospérité. Cela est dû notamment au pouvoir d'achat croissant de la bourgeoisie indigène. «Les Cholas qui ont de l'argent aiment se faire remarquer», dit Regina. Pour leurs somptueuses célébrations, qui font partie intégrante de leur culture, certains portent tant de bijoux en or qu'ils doivent être escortés par des gardes du corps. Ils ont aussi des costumes traditionnels coûteux faits pour eux. Avec la demande croissante, une toute nouvelle industrie de la mode est apparue ces dernières années.
Des Cholas dans un hôtel cinq étoiles
Les vêtements traditionnels des Cholas ne sont pas bon marché: la jupe plissée, le jupon et l'étole peuvent coûter ensemble jusqu'à 400 dollars, dit Rosario Aguilar. Le chapeau melon coûte entre 200 et 1000 dollars, selon le modèle. Cette Chola de 60 ans sait de quoi elle parle. Elle est une figure de proue importante de cette branche de l'industrie de la mode: en tant qu'organisatrice du défilé de mode Chola, directrice d'une sorte d'agence de mannequins Chola et créatrice de costumes Chola.
Rosario Aguilar (à gauche) s'entretient avec deux modèles Cholas à l'hôtel Torino. © DR
Devant son regard critique, une cinquantaine de jeunes Cholas défileront ce samedi dans un salon de l'hôtel Torino à La Paz. Au son de la musique d'un téléphone portable, elles arpentent la pièce en souriant. «Il faut flirter», crie l'instructrice et montre ce qu'elle veut dire: elle joue avec une étole à franges roses, penche la tête en arrière et jette un regard langoureux par-dessus son épaule.
Ces mannequins s'entraînent pour le grand défilé de mode, au cours duquel les dames de la haute couture aymara se voient présenter les plus beaux costumes de haute couture des créateurs de mode nationaux. Les dessins d'Aguilar seront également portés sur le podium ce jour-là. Il y a quinze ans, elle a eu l'idée de créer un défilé de mode Chola. «Je voulais sauver notre identité culturelle et mettre en valeur les vêtements des Cholas», explique-t-elle. Elle envoie maintenant des modèles Cholas sur le podium dans les meilleurs hôtels de la ville pour présenter ses créations. C'est une autre forme d'accomplissement: les Cholas se voyait refuser l'accès à des hôtels cinq étoiles, comme tant d'autres ethnies autochtones.
Ce sera plus serré que jamais pour Evo Morales
Le président socialiste en exercice, Evo Morales concourt dimanche à sa troisième réélection. Mais sa candidature est très controversée. Selon la Constitution bolivienne, il devait démissionner après la fin de son troisième mandat. Afin de pouvoir se présenter quand même, il a fait voter un amendement constitutionnel par référendum en octobre 2016. Une faible majorité s'y est opposée. La Cour constitutionnelle a finalement ouvert la voie à une nouvelle candidature, une décision controversée.
La politique de plus en plus autoritaire de Morales se fait également aux dépens des indigènes et des pauvres qui l'ont autrefois porté au pouvoir. Le gouvernement n'associe plus guère les organisations de la société civile à ses prises de décision. Il a approuvé la construction de routes à travers un parc national habité par des populations autochtones. Morales a récemment fait l'objet de nombreuses critiques, y compris de la part d'organisations indigènes, pour sa réticence à combattre les incendies de forêt en Amazonie bolivienne.
Il est difficile de prédire les chances du président. Selon les derniers sondages, l'ancien syndicaliste de Koka remportera le premier tour dimanche, mais n'obtiendra pas la majorité absolue comme lors des trois dernières élections. Il en résulterait un second tour de scrutin en décembre, qui pourrait unir l'opposition actuellement divisée. Son principal concurrent est l'homme politique de centre droit Carlos Mesa, qui a été président de la Bolivie de 2003 à 2005.
Une mannequin Chola, qui répète sous le regard critique de Rosario Aguilar pour un défilé de mode, porte son nom tatoué sur son cou. © DR
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Elle répond aux appels et donne des instructions claires et rapides, mais d'une voix douce.</p> <p>Roxana Mallea est un visage bien connu en Bolivie: depuis sept ans, elle présente l'édition principale du journal télévisé, toujours dans son costume de chola traditionnel. Cette femme de 36 ans est une pionnière et un modèle pour d'autres jeunes femmes autochtones. À ce jour, elle est la seule Chola à travailler à Canal 7. Roxana Mallea est consciente de ses responsabilités. Elle dit son souci est de montrer l'exemple en promouvant les jeunes talents.</p> <p>«Ma mère ne comprenait pas, alors, que j'allais faire de la télévision», se souvient Mallea au moment où elle a appris la nouvelle à sa mère. L'anecdote montre tout ce qui s'est passé en Bolivie en peu de temps: Mallea évolue dans un monde qui est étranger à sa mère. 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Elle avait été une enfant rebelle, contredisait son père, ne s'intéressait pas à la cuisine ni à la tenue du ménage.</p> <p>En plus de son emploi à temps plein, elle étudie maintenant la communication et le droit. «Le Chola est très occupé», dit-elle, «c'est ce qui le caractérise». La sociologue, Fernanda Wanderley, souligne le rôle fondamental que joue l'ethnie Chola dans l'économie bolivienne. Ils sont connus pour être des commerçants intelligents, indépendants financièrement.</p> <h3><strong>Les dents en or du Chola sont authentiques</strong></h3> <p>La nouvelle classe moyenne indigène, comme la bourgeoisie dite quechua et aymara, n'est apparue que dans un passé récent. Au cours des quatorze dernières années, sous la présidence de Morales, l'économie a connu une croissance annuelle moyenne de 4,9%. Le taux de pauvreté a presque diminué de moitié, l'extrême pauvreté est passée de 38 à 15% de la population et le PIB par habitant est passé de 1000 à 3500 dollars. 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Dans ces circonstances, il est loin d'être certain qu'il réussira.</p> <p>La réussite de la politique indigène est incarnée par des femmes comme Regina, l'heureuse propriétaire d'un magasin de fournitures de couture appelé «Bazar Esmeralda». La Chola à la forte silhouette, d’une quarantaine d’années, est assise sur un petit tabouret et tricote une écharpe pendant qu'elle raconte comment elle gagne de l'argent. Une lanterne chinoise est suspendue au plafond. Elle porte chance pour les affaires, explique-t-elle. Regina a rapporté la lanterne d'un de ses voyages d'affaires en Chine. Elle prend l'avion pour Shanghai une fois par an depuis plus d'une décennie et voyage en bus pendant trois heures jusqu'à une usine. C'est de là que proviennent ses marchandises: rubans de tissu, paillettes, chaînes de plastique ou plumes. Tout le matériel pour broder des <em>polleras</em> glamour. Elle dit qu'elle en remplit des conteneurs entiers et les rapporte en Bolivie. Avec cela, elle élimine les intermédiaires et gagne plus d'argent. Son mari et un traducteur l'accompagnent dans ses voyages. «Mais je dirige l'entreprise toute seule», précise-t-elle.</p> <p>Une cliente régulière entre dans le magasin de Regina. Elle dessine et coud des <em>polleras</em>, et aujourd'hui, elle achète plusieurs mètres de ruban de dentelle en argent. L'air du temps est favorable à Regina: «Tout le monde veut être cholitas aujourd'hui», dit-elle. Même les Boliviennes qui ne sont pas des Cholas portent maintenant des <em>polleras</em>. Cela a déclenché une polémique dans le pays. Les critiques s'expriment surtout contre ceux qui se déguisent en Cholas afin d'augmenter leurs chances d'obtenir un poste au gouvernement. Et le parti au pouvoir fait activement la promotion des Cholas, notamment pour obtenir les votes des électeurs.</p> <p>Que l'on soit un vrai Chola ou pas, Regina s'en fiche. L'essentiel, c'est que ses chiffres de vente soient bons. Elle porte des boucles d'oreilles en or et une bague en or. Quatre dents encadrées d'or brillent dans sa bouche. «Tout à fait réelles», dit-elle avec un large sourire quand on lui demande. Le bon alignement des dents est un signe de prospérité. Cela est dû notamment au pouvoir d'achat croissant de la bourgeoisie indigène. «Les Cholas qui ont de l'argent aiment se faire remarquer», dit Regina. Pour leurs somptueuses célébrations, qui font partie intégrante de leur culture, certains portent tant de bijoux en or qu'ils doivent être escortés par des gardes du corps. Ils ont aussi des costumes traditionnels coûteux faits pour eux. Avec la demande croissante, une toute nouvelle industrie de la mode est apparue ces dernières années.</p> <h3><strong>Des Cholas dans un hôtel cinq étoiles</strong></h3> <p>Les vêtements traditionnels des Cholas ne sont pas bon marché: la jupe plissée, le jupon et l'étole peuvent coûter ensemble jusqu'à 400 dollars, dit Rosario Aguilar. Le chapeau melon coûte entre 200 et 1000 dollars, selon le modèle. Cette Chola de 60 ans sait de quoi elle parle. Elle est une figure de proue importante de cette branche de l'industrie de la mode: en tant qu'organisatrice du défilé de mode Chola, directrice d'une sorte d'agence de mannequins Chola et créatrice de costumes Chola.</p> <h4 style="text-align: center;"><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1571333191_photo4_bolivie.jpeg" class="img-responsive img-fluid normal " />Rosario Aguilar (à gauche) s'entretient avec deux modèles Cholas à l'hôtel Torino. <small>©</small> DR<o:p></o:p></h4> <p>Devant son regard critique, une cinquantaine de jeunes Cholas défileront ce samedi dans un salon de l'hôtel Torino à La Paz. 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En jeu, rien de moins que les causes de la crise de la pollution plastique et les solutions appropriées pour y remédier.</p> <ul> <li> <p>D’un côté, la <a href="https://hactoendplasticpollution.org/fr/">Coalition de haute ambition</a> (HAC), les activistes du «zéro déchet» et de <a href="https://theconversation.com/traite-mondial-contre-la-pollution-plastique-en-coulisses-le-regard-des-scientifiques-francais-presents-234046">nombreux scientifiques</a> insistent sur la nécessité d’une <a href="https://hactoendplasticpollution.org/hac-member-states-ministerial-joint-statement-for-inc-5/">approche globale portant sur l’ensemble du cycle de vie des plastiques</a>, y compris leur production.</p> </li> <li> <p>De l’autre côté, une <a href="https://medium.com/points-of-order/spoiler-alert-f737a24292e6">petite minorité d’Etats</a> ainsi que l’industrie pétrochimique ont à de nombreuses reprises détourné l’attention de cette question de la production des plastiques. Au lieu de cela, ils accusent des <a href="https://psmag.com/environment/the-epa-blames-six-asian-nations-that-the-u-s-exports-plastic-waste-to-for-ocean-pollution/">systèmes de recyclage inadéquats et une mauvaise gestion des déchets</a>.</p> </li> </ul> <p>L’attention portée au recyclage des plastiques et à la gestion des déchets touche en réalité des millions de personnes en Asie, en Amérique du Sud et en Afrique. Il s’agit des travailleurs qui récupèrent, réutilisent ou revendent les plastiques, les textiles, l’aluminium et d’autres matériaux précieux issus des déchets.</p> <p>Dans le cadre du traité sur les plastiques, pour que ces travailleurs informels soient reconnus, que leurs conditions de travail puissent être améliorées et qu’ils puissent bénéficient d’une transition écologique plus équitable, les solutions politiques doivent aller au-delà des mécanismes économiques basés sur le seul marché et des stratégies axées sur le profit.</p> <p>Si ce n’est pas le cas, les efforts en faveur d’un recyclage plus inclusif et du développement de l’économie circulaire risquent de renforcer les injustices mêmes qu’ils prétendent combattre.</p> <h3>Qui sont les ramasseurs informels de déchets?</h3> <p>Les collecteurs de déchets – et les autres personnes travaillant avec eux dans un cadre informel et coopératif – effectuent une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0921344924001824#sec0021">grande partie du travail de recyclage à l’échelle mondiale</a>. Ils réduisent de manière significative la quantité de plastique qui se retrouve dans les océans.</p> <p>Malgré cela, et parce qu’ils font un travail salissant et vivent dans des endroits sales, ils sont souvent tenus pour responsables du problème de la pollution plastique. Dans les discours politiques des villes et des Etats, leur travail a longtemps été <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/0956247816657302">tourné en dérision, considéré comme non qualifié et inefficace</a>. <a href="https://www.undp.org/blog/unsung-heroes-four-things-policymakers-can-do-empower-informal-waste-workers">L’absence de reconnaissance officielle</a> de leur travail rend leurs revenus particulièrement instables et précaires. Les réglementations environnementales peuvent <a href="https://iopscience.iop.org/article/10.1088/1748-9326/ac6b49">aggraver ces menaces</a> en accélérant la privatisation du traitement des déchets.</p> <p>Alors que les efforts de lutte contre la pollution plastique gagnent du terrain, les ramasseurs informels sont soumis à une double pression:</p> <ul> <li> <p>Ils doivent protéger leur accès aux déchets, car c’est l’un des rares moyens de subsistance dont ils disposent.</p> </li> <li> <p>En même temps, ils cherchent à améliorer leurs conditions de vie et de travail.</p> </li> </ul> <p>Un groupe de ramasseurs de déchets a donc profité de l’ouverture des négociations pour <a href="https://globalrec.org/document/just-transition-waste-pickers-un-plastics-treaty/">plaider en faveur de la reconnaissance de leur travail</a>. Il a été demandé que leurs contributions historiques à la réduction de la pollution plastique soient explicitement reconnues, et qu’un objectif explicite de transition juste soit intégré au traité sur les plastiques.</p> <h3>Avec l’économie circulaire, tout le monde est gagnant?</h3> <p>La <a href="https://theconversation.com/quatre-idees-recues-sur-la-transition-juste-227569">transition juste</a> est un principe défendu par les groupes de travailleurs et les défenseurs de la justice sociale afin de garantir que les politiques de transition écologique protègent, améliorent et compensent équitablement les moyens de subsistance des travailleurs et des communautés affectés par l’environnement.</p> <p>Les ramasseurs de déchets ont utilisé ce terme pour réclamer que le traité comprenne des dispositions pour améliorer leurs conditions de travail et de sécurité. Mais également pour que le traité intègre davantage les travailleurs informels aux systèmes de gestion des déchets, et pour exiger que les systèmes de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/responsabilite-elargie-du-producteur-67766">responsabilité élargie des producteurs</a> (REP) soutiennent aussi les travailleurs du secteur des déchets, en particulier les <a href="https://www.wiego.org/gender-waste-project">femmes et d’autres groupes vulnérables</a>.</p> <p>Etonnamment, ces demandes ont obtenu le soutien d’un large éventail de parties prenantes puissantes. Par exemple la <a href="https://www.businessforplasticstreaty.org/vision-statement#Key-elements">Business Coalition for a Plastics Treaty</a>, les <a href="https://news.un.org/en/story/2024/10/1156301">dirigeants des Nations unies</a> et même <a href="https://resolutions.unep.org/resolutions/uploads/american_chemistry_council.pdf">l’industrie pétrochimique</a>.</p> <p>Certaines de ces demandes ont été intégrées aux projets de traité sur les plastiques discutés au cours des négociations, ce qui représente une victoire majeure pour les travailleurs du secteur informel des déchets.</p> <p>Un consensus se dégage sur le fait qu’une économie circulaire inclusive peut être bénéfique à la fois pour l’environnement, l’économie et les travailleurs en améliorant la gestion de la pollution, les moyens de subsistance et les opportunités de croissance économique pour les entreprises.</p> <p>Ces promesses demandent toutefois à être vérifiées sur le terrain. Et c’est là que les choses se compliquent.</p> <h3>« Gagnant-gagnant », mais la victoire de qui ?</h3> <p>Dans mon livre <a href="https://mitpress.mit.edu/9780262546973/recycling-class/"><em>Recycling Class</em></a>, j’examine comment les efforts de recyclage inclusif ont été mis en œuvre à Bengaluru, l’une des plus grandes villes de l’Inde.</p> <figure><a href="https://images.theconversation.com/files/635250/original/file-20241129-15-cdpt12.jpg?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img src="https://images.theconversation.com/files/635250/original/file-20241129-15-cdpt12.jpg?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" alt="" /></a> <figcaption><span></span></figcaption> </figure> <p>Dans cet ouvrage, je défends que l’intégration dans des programmes d’économie circulaire basés sur le marché n’est pas une solution miracle aux injustices ancrées dans les systèmes de production, de consommation et de production des déchets.</p> <p>La plupart des politiques d’économie circulaire et de recyclage inclusif reposent sur des mécanismes de marché, partant du principe que la création de marchés pour les déchets incitera les acteurs du marché à récupérer efficacement les déchets et à les convertir en ressources.</p> <p>Pour remplir leurs obligations en matière de <a href="https://theconversation.com/faire-payer-plus-les-entreprises-pour-quelles-reduisent-les-emballages-130073">responsabilité élargie des producteurs</a> (REP), les marques peuvent alors s’engager à acheter des plastiques recyclés et à financer la collecte des déchets en achetant des <a href="https://www.worldbank.org/en/programs/problue/publication/unlocking-financing-to-combat-the-plastics-crisis">crédits plastique</a>.</p> <p>Cette approche vise à améliorer le prix des déchets, à augmenter les salaires et à encourager les efforts de collecte, tout en attirant des investissements pour financer l’amélioration des infrastructures et des technologies.</p> <p>Cependant, les mécanismes fondés sur le marché aggravent les inégalités existantes en matière d’accès au marché. Les efforts visant à donner la priorité à la traçabilité et à la transparence – dans le but d’améliorer l’efficacité du marché et le respect de la réglementation – désavantagent souvent les travailleurs informels.</p> <p>Ces derniers ne disposent pas des ressources et des capacités techniques nécessaires pour adopter des systèmes de suivi complexes basés sur les SIG ou la blockchain, et se retrouvent exclus des processus formalisés. Les start-up financées par le capital-risque et les grandes entreprises s’emparent alors du secteur du recyclage.</p> <p>Les multinationales préfèrent d’ailleurs les partenariats avec des start-up technologiques qui offrent des services à «valeur ajoutée» tels que des indicateurs et des tableaux de bord environnementaux, permettant aux entreprises de mettre en scène leur propre récit sur le développement durable. Souvent issus de milieux éduqués et privilégiés, les employés de ces firmes <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S001671852300057X">concurrencent les travailleurs informels existants, les subordonnant au passage</a>.</p> <p>A l’inverse, les femmes et les membres des minorités ethno-raciales et religieuses, qui constituent la majorité des travailleurs des économies informelles des déchets, sont confrontés à des obstacles supplémentaires. Notamment des <a href="https://mouvements.info/recuperateurs-de-dechets/">stigmates sociaux bien ancrés</a> qui limitent leur capacité à participer sur un pied d’égalité à ces marchés émergents. Ils restent toujours relégués aux mêmes tâches manuelles et difficiles, même si leurs conditions de travail en ressortent légèrement améliorées.</p> <h3>L’industrie du plastique maintient le <em>statu quo</em></h3> <p>Malgré les bonnes intentions de départ, des termes tels que «économie circulaire inclusive» sont donc trop souvent utilisés à des fins de <em>green washing</em> et même de <em>justice washing</em>, tandis que les travailleurs continuent à endurer des conditions difficiles. Une étude de <a href="https://www.circle-economy.com/resources/decent-work-in-the-circular-economy">Circle Economy</a> souligne que la plupart des emplois du secteur de l’économie circulaire restent ad-hoc et informels et ne bénéficient pas des garanties d’un emploi décent.</p> <p>En fin de compte, les travailleurs informels sont confrontés à un choix difficile: soit ils acceptent d’être exploités au sein des circuits de traitements des déchets en tant que simples ressources, soit ils risquent de perdre complètement leurs moyens de subsistance.</p> <p>Les systèmes actuels de production et de consommation du plastique déplacent donc la charge des déchets sur des communautés autochtones ou ethniques marginalisées, créant ainsi des <a href="https://www.dukeupress.edu/pollution-is-colonialism">zones sacrifiées</a>. Ce déplacement permet de maintenir la rentabilité, tout en perpétuant les atteintes à l’environnement et les inégalités sociales.</p> <p>En promouvant des technologies de <a href="https://www.bbc.com/afrique/monde-57087908">recyclage chimique</a> non éprouvées et en étendant les marchés du plastique, les entreprises <a href="https://theconversation.com/comment-lindustrie-fossile-influence-les-negociations-mondiales-sur-le-plastique-222112">pétrochimiques</a> et de matières plastiques <a href="https://direct.mit.edu/glep/article/21/2/121/97367/Future-Proofing-Capitalism-The-Paradox-of-the">s’approprient le langage de l’économie circulaire</a>. Cela leur permet de donner un vernis écologique à leurs propositions, tout en maintenant le <em>statu quo</em> sur les inégalités.</p> <p>Pendant ce temps, la HAC, plusieurs ONG et même certains ramasseurs de déchets invoquent également l’économie circulaire comme solution à la crise du plastique, en mettant l’accent sur le réemploi et le recyclage inclusif.</p> <h3>Demander des comptes aux pollueurs plutôt que compter sur l’efficacité du marché</h3> <p>Pour que l’économie circulaire aille au-delà de la simple protection du capitalisme fossile, elle doit prendre en compte les collecteurs de déchets et recycleurs informels dans le Sud et reconnaître les limites des mécanismes basés sur le marché. C’est vrai aussi bien pour le traité international sur la pollution plastique que pour d’autres démarches régionales comme le <a href="https://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/ATAG/2021/679066/EPRS_ATA(2021)679066_FR.pdf">plan d’action de l’UE pour l’économie circulaire</a>.</p> <p>En effet, toute stratégie de lutte contre la pollution plastique basée sur le marché et axée sur le profit est susceptible de reproduire ces schémas d’inégalité. Et par la même occasion, de pérenniser les injustices systémiques qui soutiennent le statu quo. Pour une transition vraiment juste, la lutte contre la pollution plastique ne doit donc pas devenir une opportunité de croissance économique ou de profit.</p> <p>Au contraire, nous avons besoin d’une approche centrée sur la réparation. Il faut d’abord, pour cela, reconnaître les contributions historiques des collecteurs informels du plastique ainsi que les préjudices qu’ils subissent. Puis redistribuer les ressources aux personnes les plus touchées et créer des systèmes qui donnent la priorité à la restauration de l’environnement et à la justice sociale plutôt qu’au profit des entreprises.</p> <p>Une économie circulaire bien financée devrait d’abord renforcer le pouvoir des travailleurs, puis améliorer les capacités des infrastructures et réduire la concentration de ces déchets en produits chimiques toxiques, plutôt que de s’appuyer sur des solutions basées sur le marché qui aggravent les inégalités.</p> <p>Les vraies solutions consistent à demander des comptes aux pollueurs et à adopter des approches circulaires fondées sur la sobriété et la réparation, et non sur l’efficacité du marché.<img src="https://counter.theconversation.com/content/244065/count.gif?distributor=republish-lightbox-basic" alt="The Conversation" width="1" height="1" /></p> <hr /> <h4><span><a href="https://theconversation.com/profiles/manisha-anantharaman-1526162">Manisha Anantharaman</a>, Assistant Professor, Center for the Sociology of Organisations, CNRS/Sciences Po, <em><a href="https://theconversation.com/institutions/sciences-po-2196">Sciences Po </a></em></span></h4> <h4>Cet article est republié à partir de <a href="https://theconversation.com">The Conversation</a> sous licence Creative Commons. Lire l’<a href="https://theconversation.com/les-ramasseurs-de-dechets-grands-perdants-du-recit-dominant-sur-la-pollution-plastique-244065">article original</a>.</h4> </div>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'les-ramasseurs-de-dechets-grands-perdants-du-recit-dominant-sur-la-pollution-plastique', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 42, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 5, 'person_id' => (int) 85, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'comments' => [[maximum depth reached]], 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Posts' }, (int) 2 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 5283, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => true, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => null, 'readed' => null, 'subhead' => null, 'title' => 'Les Etats-Unis financent un collectif international de journalistes', 'subtitle' => 'Si le réseau Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP) a révélé des avoirs russes cachés ou la corruption au Venezuela, le Delaware, paradis de l'évasion fiscale, reste pour lui un tabou. «Notre politique veut que nous ne fassions pas de rapports sur un pays avec son propre argent», a déclaré Drew Sullivan, son cofondateur.', 'subtitle_edition' => 'Si le réseau Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP) a révélé des avoirs russes cachés ou la corruption au Venezuela, le Delaware, paradis de l'évasion fiscale, reste pour lui un tabou. «Notre politique veut que nous ne fassions pas de rapports sur un pays avec son propre argent», a déclaré Drew Sullivan, son cofondateur.', 'content' => '<p style="text-align: center;"><strong>Urs P. Gasche</strong>, article publié sur <a href="https://www.infosperber.ch/medien/medienkritik/die-usa-finanzieren-internationales-journalisten-kollektiv/" target="_blank" rel="noopener"><em>Infosperber</em></a> le 5 décembre 2024, traduit par <em>Bon Pour La Tête</em></p> <hr /> <p>Parmi de nombreux autres médias, la <em>NZZ</em> et le <em>Tages-Anzeiger</em> ont diffusé à plusieurs reprises des révélations du réseau international de journalistes Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP). Ce faisant, ils n'ont pas rendu transparent le fait que les services gouvernementaux américains paient la moitié du budget de l'OCCRP. L'UE et les Etats membres de l'UE financent les 20 % restants.</p> <p>Avec un budget annuel de 20 millions d'euros et plus de 150 journalistes sur tous les continents, l'<a href="https://www.occrp.org/en">OCCRP</a> − en partie en collaboration avec le <a href="https://www.icij.org/">Réseau international des journalistes d'investigation</a> ICIJ − a lancé les plus grands projets internationaux de journalisme d'investigation de ces dernières années. Parmi eux, <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Panama_Papers"><em>The Panama Papers</em></a><em>, </em><a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Pandora_Papers"><em>Pandora Papers</em></a><em>, </em><a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Suisse_Secrets"><em>Suisse Secrets</em></a><em>, </em><a href="https://www.occrp.org/en/project/narcofiles-the-new-criminal-order"><em>Narco Files</em></a><em>, </em><a href="https://www.occrp.org/en/project/the-pegasus-project/about-the-project"><em>Pegasus Project</em></a><em>, </em><a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Cyprus_Confidential"><em>Cyprus Confidential </em></a>et la série <a href="https://de.wikipedia.org/wiki/Die_Geldw%C3%A4scherei"><em>Laundromat</em></a>, qui a révélé les systèmes de blanchiment d'argent des élites dirigeantes en Azerbaïdjan et en Russie.</p> <h3><strong>Non sans conditions</strong></h3> <p>Les agences gouvernementales américaines ne financent pas l'OCCRP sans contrepartie: l'<a href="https://www.usaid.gov/"> U.S. Agency for International Development</a> dispose d'un droit de veto sur la nomination des dirigeants de l'OCCRP. De plus, l'agence gouvernementale américaine interdit d'utiliser son argent pour mettre au jour la corruption aux Etats-Unis.</p> <p>Certaines subventions étaient même affectées à un but précis: le Department of State, par exemple, a versé 173 000 dollars à l'OCCRP pour «détecter et combattre la corruption au Venezuela». Ou l'<a href="https://www.usaid.gov/">Agence pour le développement international (USAID)</a> a versé plus de deux millions de dollars dans le but de «mettre au jour la criminalité et la corruption à Malte et à Chypre».</p> <p>Le journal en ligne français indépendant <a href="https://www.mediapart.fr/en/journal/international/021224/hidden-links-between-giant-investigative-journalism-and-us-government">« Mediapart »</a> en a parlé le 2 décembre 2024 <a href="https://www.mediapart.fr/en/journal/international/021224/hidden-links-between-giant-investigative-journalism-and-us-government">.</a></p> <p>Le fondateur de l'OCCRP est un ancien employé <a href="https://www.rockwellautomation.com/de-ch.html">de Rockwell</a> devenu journaliste: <a href="https://www.occrp.org/en/staff/drew-sullivan">Drew Sullivan</a>. L'OCCRP a été créé à l'instigation de fonctionnaires du gouvernement américain. Selon Mediapart, Sullivan a reçu pour cela, en 2008, un financement de départ de 1,7 million de dollars du <a href="https://www.state.gov/bureaus-offices/under-secretary-for-civilian-security-democracy-and-human-rights/bureau-of-international-narcotics-and-law-enforcement-affairs/">Bureau of International Narcotics and Law Enforcement Affairs</a>(INL). Il s'agit d'une agence d'application de la loi du Département d'Etat américain.</p> <p>L'OCCRP s'appuie souvent sur des documents divulgués provenant de sources non identifiées. La qualité des recherches et des révélations de l'OCCRP n'est pas mise en doute. L'orientation unilatérale des recherches et le manque de transparence des informations sur le financement donnent lieu à des critiques.</p> <p>L'ampleur des liens personnels et financiers de l'OCCRP avec le gouvernement américain va à l'encontre de «tous les principes de l'éthique journalistique». C'est ce qu'a déclaré Leonard Novy, directeur de l'Institut allemand des médias et de la politique de communication, à la chaîne NDR. Cela laisse supposer que les journalistes peuvent être utilisés ou instrumentalisés à des fins politiques.</p> <p>Sullivan et l'OCCRP ont également laissé les médias partenaires et leurs lecteurs dans l'ignorance de leur proximité avec le gouvernement américain. Selon Leonard Novy, l'organisation a ainsi dépassé les limites.</p> <h3><strong>Sullivan n'a pas voulu parler clairement aujourd'hui encore</strong></h3> <p>Sullivan a d'abord affirmé à la chaîne NDR que l'OCCRP avait «un groupe de donateurs largement répandu», parmi lesquels «aucun donateur individuel ne domine». Il a ajouté que «le gouvernement américain [...] est l'un des plus grands donateurs, mais ce n'est pas un pourcentage énorme». Confronté aux dernières découvertes, il a finalement reconnu l'importance du financement de Washington: «C'est le plus grand bailleur de fonds de l'OCCRP, oui, et ce depuis presque le début de notre histoire. [...] Je suis très reconnaissant au gouvernement américain.»</p> <p>Par écrit, Sullivan a renchéri: «Nous avons dû décider si nous voulions accepter de l'argent du gouvernement ou ne pas exister.» Sur le site web de l'OCCRP, les montants des sponsors ne sont pas indiqués.</p> <h3><strong>Conditions posées</strong></h3> <p>Sullivan a confirmé à la NDR le pouvoir d'influence des autorités américaines: «Dans le cadre d'accords de coopération que nous n'aimons pas conclure, ils ont un droit de regard sur le choix des personnes [...] Ils peuvent mettre leur veto sur quelqu'un [...] Ils n'ont jamais mis leur veto sur quelqu'un.»</p> <p>L'OCCRP ne peut pas enquêter sur des affaires américaines avec l'argent fourni par Washington. «Notre politique veut que nous ne fassions pas de rapports sur un pays avec son propre argent», a déclaré Sullivan à la NDR. «Je pense que le gouvernement américain ne le permet pas. Mais même dans d'autres pays où ces dispositions n'existent pas, nous ne le faisons pas parce que cela vous place dans une situation de conflit d'intérêts et que vous préférez rester à l'écart de telles situations.»</p> <p>Ainsi, le paradis fiscal américain du Delaware n'a jamais fait l'objet de toutes les recherches sur l'évasion fiscale et l'argent de la corruption.</p> <p>L'OCCRP a tout de même effectué des recherches isolées aux Etats-Unis: par exemple sur les <a href="https://www.occrp.org/en/investigation/meet-the-florida-duo-helping-giuliani-investigate-for-trump-in-ukraine">hommes d'affaires</a> qui avaient soutenu l'avocat de Donald Trump pour nuire à Joe Biden, ou sur la manière dont le Pentagone a dépensé des sommes énormes pour <a href="https://www.occrp.org/en/project/making-a-killing/revealed-the-pentagon-is-spending-up-to-22-billion-on-soviet-style-arms-for-syrian-rebels">fournir des armes</a> à des groupes rebelles en Syrie, ou encore sur un <a href="https://www.occrp.org/en/investigation/flight-of-the-monarch-us-govt-contracted-airline-once-owned-by-criminals-with-ties-to-russian-mob">contrat</a> entre le gouvernement américain et une compagnie aérienne dont les propriétaires sont liés au crime organisé en Russie.</p> <p>Ces recherches ont manifestement respecté une autre condition imposée par les autorités américaines à l'OCCRP: l'activité doit être «en accord avec la politique étrangère et les intérêts économiques des Etats-Unis et les promouvoir.» (<a href="https://www.govinfo.gov/content/pkg/COMPS-1071/pdf/COMPS-1071.pdf">US Foreign Assistance Act</a>).</p> <h3><strong>Voici comment la «NZZ» et Tamedia ont présenté la source OCCRP</strong></h3> <p><strong>«NZZ» du 19 juillet 2023</strong></p> <p>«L'Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP) est un réseau d'organisations journalistiques fondé en 2006, basé dans de nombreux pays différents et fonctionnant sous cette forme en tant que filiale du Journalism Development Network à but non lucratif, dont le siège est dans le Maryland.»</p> <p><strong>«Tages-Anzeiger» du 21 juin 2023</strong></p> <p>«Grâce à l'organisation OCCRP, des journalistes femmes de plusieurs pays ont pu étudier ces données, dont <em>Der Standard</em> en Autriche et <em>Der Spiegel</em> en Allemagne. Pour la Suisse, le bureau de recherche de Tamedia et Paper Trail Media était de la partie.»</p> <h3><strong>Informations complémentaires</strong></h3> <p><strong>22 décembre 2022</strong> <a href="https://www.infosperber.ch/politik/welt/twitter-diente-jahrelang-als-gehilfe-des-pentagons/">Twitter a servi pendant des années d'auxiliaire au Pentagone</a>. Elon Musk a partiellement révélé les outils internes de Twitter. Ils prouvent des services d'hommes de main pour la propagande de l'armée américaine à l'étranger.</p> <p><strong>12 février 2009</strong> <a href="https://www.tagesanzeiger.ch/27-000-pr-berater-polieren-image-der-usa-631302390683">27 000 conseillers en relations publiques polissent l'image des Etats-Unis</a>. Des faits presque incroyables sur le travail de relations publiques du Pentagone.</p> <p><strong>20 avril 2008</strong> <a href="https://www.spiegel.de/kultur/gesellschaft/gekaufte-meinung-pentagon-beschaeftigt-pr-armee-fuer-us-tv-a-548519.html">Le Pentagone emploie une armée de RP pour la télévision américaine</a>. 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