Actuel / «Ils volent, mais ils partagent!»
Le PiS remporte d'une courte majorité les élections législatives en Pologne. Varsovie, octobre 2019. © Jacques Pilet
Victoire écrasante du parti au pouvoir? Le «PiS» est sorti en tête avec 43,6% des voix, ce qui lui offre une courte majorité au Parlement, pas au Sénat. Mais pourquoi donc le père de cette formation, de son idéologie, pour ne pas dire le père de la nation, Jaroslaw Kaczynski, avait-il une mine si tendue en recevant fleurs et félicitations devant les caméras?
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Si l’on ajoute que le chômage est à son niveau le plus bas, environ 5%, le tableau aurait de quoi doper le pouvoir.</p> <p>Mieux encore: au plan économique, le sentiment général dans la population, même chez les opposants, est plutôt optimiste. La croissance est là. Les projets – généreusement aidés par les subventions européennes – avancent bien. Varsovie est méconnaissable. D’immenses tours de verre et d’acier ont poussé au centre. Des chantiers, des chantiers partout... La capitale offre une image de dynamisme et de richesse qui contraste avec bien des villes fatiguées à l’ouest du continent. Et dans le pays profond? «J’ai voyagé dans les campagnes du sud de l’Italie, dans les Alpes françaises, eh bien! les villages y sont plus pauvres, plus endormis qu’en Pologne!» confie Ewa, pourtant grande opposante au régime. Il faut dire que les milliards d’euros déversés en Pologne par l’UE depuis 2004 – mieux que le plan Marshall d’après-guerre à l’ouest! – ont totalement bouleversé et amélioré les conditions de production et de vie à la campagne.</p> <p>Certes, les hôpitaux sont débordés, les classes maternelles négligées, les écoles mal équipées, les enseignants mal payés... Mais quand arrive à la maison une augmentation sonnante et trébuchante, les failles des équipements publics, bof, on y pense moins.</p> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1571169315_img_1717.jpg" class="img-responsive img-fluid normal " /></p> <h4 style="text-align: center;">Ambiance de bar à la veille du vote. Varsovie, octobre 2019. © Jacques Pilet</h4> <p>Dans une telle situation, le parti au pouvoir espérait faire mieux. Et songeant à l’avenir, il a quelques soucis à se faire. Le refroidissement de l’économie allemande, automobile en particulier, va se ressentir en Pologne. D’autant plus que les hausses de salaires rendent le pays moins attirant. Les mesures sociales ne dissuadent guère les jeunes diplômés d’aller, comme d’habitude, chercher du travail et s’établir à l’étranger. La main d’œuvre manque. Dans tous les métiers, la santé en particulier. D’où l’arrivée, ces dernières années, de centaines de milliers d’Ukrainiens. «Inutile de chercher un plombier polonais à Varsovie, note l’amie Ewa, si tu en trouves un, il sera ukrainien.»</p> <p>Le gouvernement, qui s’est égosillé sur la question des migrants, en parle moins aujourd’hui... et, sans rien en dire, en accepte un assez grand nombre, par nécessité. Des Pakistanais, des Syriens, des Afghans, des Palestiniens... Avec un critère: qu’ils soient chrétiens!</p> <p>L’heure n’est plus aux rodomontades contre l’UE. Les enquêtes le confirment, année après année: les Polonais sont les Européens les plus attachés au projet. 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A l’initiative d’un infatigable, le Cheikh Khaled Bentounes, algérien, leader de la fraction minoritaire, humaniste et pacifiste de l’islam, le soufisme (300 millions de fidèles). Depuis quarante ans, explique-t-il, il parcourt le monde pour promouvoir le dialogue interreligieux, l’égalité hommes-femmes, la protection de l’environnement et la paix. Juste de beaux discours? </span></p> <p><span>Il a connu bien des échecs. Comme dans sa tentative de faire débattre des rabbins et des imams, comme dans ses espoirs de désamorcer l’interminable hostilité entre l’Algérie et le Maroc, ses deux patries. Il voit bien qu’un peu partout, c’est l’intérêt géopolitique qui l’emporte, camouflé ou pas sous des antagonismes religieux. Quelle patience! Mais la force de la pensée fait tourner la roue, pense-t-il. La reconnaissance de la dignité humaine, certes tant bafouée aujourd’hui, a aussi progressé au fil du temps. 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Informer les enfants sur la sexualité, d’accord, mais pourquoi pas aussi sur nos comportements individuels et collectifs entre tensions et rapprochements? Autrement dit, apprendre à se parler pour de bon. Se dire, pour citer le chef soufi, que «la paix, c’est plus que l’absence de guerre» ou «passer du je au nous». Mais évidemment il y a plusieurs façons d’interpréter le mot. Comme le faisait remarquer la vice-maire de Genève, Christina Kitsos: «Quand on prétend chercher la paix en prolongeant la guerre, c’est paradoxal!»</span></p> <p><span>Au Palais des Nations le débat volait haut. Mené par le cinéaste romand Philippe Nicolet, avec des intervenants et intervenantes d’horizons très divers. Entre autres Jakob Kellenberger, ex-diplomate et ex-président du CICR, fort de son expérience de négociateur («une négociation n’a de chance que si elle a le droit d’échouer»), penché sur la façon de «déradicaliser» un conflit, insistant sur la crédibilité des efforts dans la durée. 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Syndicats et autorités politiques ont pourtant tout fait pour sauver l’entreprise historique, aux mains d’une multinationale qui compare avantages et inconvénients de chaque lieu de production. Ici, hauts salaires, franc fort et dans ce cas, retard technologique. Donc, départ. Chapeau aux travailleurs qui cherchaient des solutions, des innovations. Les voilà licenciés. Les messages de solidarité font du bien mais n’assurent pas leur avenir. Qu’ils puissent être aidés à rebondir.</span></p> <p><span>Est-ce à dire que notre pays est menacé de désindustrialisation comme il en est beaucoup question chez nos voisins? Gare aux réponses trop simples. Les faits. Face au secteur des services comptant les banques et les assurances, le tourisme, le commerce de gros et de détail, l'administration publique et les assurances sociales, qui pèse pour 75% du PIB, l’industrie résiste, avec environ 24% (contre moins de 14% en France!). 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Le groupe pharmaceutique Lonza, dont le siège est à Bâle mais le site de production à Viège, y a investi plus d’un milliard de francs. Un nouveau complexe de production high-tech fournit des solutions adaptées pour le développement et la fabrication de nouveaux médicaments. Ce site et ses possibilités inédites dans la pharma ancrent Viège et le Valais au cœur des chaînes mondiales de création de valeur. Les investissements dans la recherche et la formation ont joué un rôle majeur pour le développement économique du canton. A la génération précédente, c’est la HES, la Haute école spécialisée, qui a formé des ingénieurs précieux pour alimenter une industrie en plein essor. Petit à petit tout un écosystème propice à l’émergence d’idées innovantes s’est installé en Valais. La Fondation The Ark favorise l’établissement et l’éclosion de start-ups dans les domaines de l’informatique, de l’énergie, des sciences de la vie et de l’environnement. 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Ou leur politique dite verte conduira-t-elle à la décroissance? La concentration des efforts sur la course aux armements et l’aide à l’Ukraine, telle qu’elle est brandie aujourd’hui, peut aider certains secteurs industriels mais coûtera extrêmement cher. On articule à Bruxelles le chiffre de 100 milliards à cette fin d’ici 2029. Ce sera forcément au détriment d’autres attentes, dans les infrastructures, l’éducation, la recherche, la cohésion sociale. Sans compter que la transition écologique, nous assure-t-on, nécessitera en plus une pluie de milliards. Quelles priorités fixera le nouveau Parlement? Selon les choix, les retombées sur l’économie suisse seront différentes. Le surarmement de l’Europe ne nous rapporte quasiment rien, sa santé économique et sociale nous est bien plus bien profitable.</span></p> <p><span>Deuxième point. Le fonctionnement même de l’Union. Deux tendances s’affrontent. 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En direct de Varsovie
On percevait dans ses rangs une légère déception. La très forte participation avait fait espérer un appui plus massif au parti dominant. Il faut dire que ces derniers temps, le gouvernement avait mis le paquet. Des cadeaux et des promesses tous azimuts. Les fameux 500 zlotys (130 francs) par enfant. L’abaissement de l’âge de la retraite (65 pour les hommes, 60 pour les femmes). La hausse des rentes et du salaire minimum promis encore à de fortes augmentations. La dispense de tout impôt jusqu’à 26 ans. Si l’on ajoute que le chômage est à son niveau le plus bas, environ 5%, le tableau aurait de quoi doper le pouvoir.
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Ambiance de bar à la veille du vote. Varsovie, octobre 2019. © Jacques Pilet
Dans une telle situation, le parti au pouvoir espérait faire mieux. Et songeant à l’avenir, il a quelques soucis à se faire. Le refroidissement de l’économie allemande, automobile en particulier, va se ressentir en Pologne. D’autant plus que les hausses de salaires rendent le pays moins attirant. Les mesures sociales ne dissuadent guère les jeunes diplômés d’aller, comme d’habitude, chercher du travail et s’établir à l’étranger. La main d’œuvre manque. Dans tous les métiers, la santé en particulier. D’où l’arrivée, ces dernières années, de centaines de milliers d’Ukrainiens. «Inutile de chercher un plombier polonais à Varsovie, note l’amie Ewa, si tu en trouves un, il sera ukrainien.»
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L’heure n’est plus aux rodomontades contre l’UE. Les enquêtes le confirment, année après année: les Polonais sont les Européens les plus attachés au projet. Les jeunes tiennent dur comme fer à la possibilité d’aller et venir, de travailler ici ou là. Le gouvernement évite dès lors de trop irriter les partenaires européens. Il assure même qu’il acceptera la décision de la Cour européenne de justice, saisie des réformes prévues pour mâter les juges.
Bureau de vote à Varsovie. © Jacques Pilet
Les traditionnels chevaux de bataille du parti se trouvant donc un peu essoufflés, il fallut en trouver un autre. Ce fut la croisade en faveur de la famille traditionnelle, la tempête contre les LGBT, l’homosexualité, l’avortement et toutes ces dérives que l’Eglise catholique dénonce. Son pouvoir reste fort, d’autant qu’elle est soutenue par le gouvernement, dans les médias publics, dans les écoles.
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Autre acteur qui pèsera dans un sens ou l’autre: l’opportuniste parti des paysans (11,9%). Très conservateur au chapitre des mœurs, mais carrément pro-européen. On sait dans les campagnes combien sont vitales les aides communautaires.
«Madame Olga, félicitations pour le Nobel!», Varsovie, octobre 2019. © Jacques Pilet
Et la gauche? Elle est encore vue comme l’héritière de l’époque communiste, plus honnie ici que partout ailleurs. Les nouvelles têtes, les nouveaux thèmes «sociétaux» ne suffisent pas à la faire décoller. Mais avec son score de 12% des voix, elle entre enfin au Parlement.
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Et, vous dites-vous, et les Verts? Entrée de justesse au parlement, leur minuscule formation se retrouve sur un strapontin de la coalition de centre-droite. La question du climat a été peu ou pas évoquée dans les débats. Quelques groupes s’alarment pourtant de voir le pays miser à fond, aujourd’hui comme hier, sur le charbon comme principale source d’énergie. Ils s’indignent aussi de voir des forêts ancestrales massacrées. Mais ces voix vertes ont grand peine à se faire entendre.
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Si l’on ajoute que le chômage est à son niveau le plus bas, environ 5%, le tableau aurait de quoi doper le pouvoir.</p> <p>Mieux encore: au plan économique, le sentiment général dans la population, même chez les opposants, est plutôt optimiste. La croissance est là. Les projets – généreusement aidés par les subventions européennes – avancent bien. Varsovie est méconnaissable. D’immenses tours de verre et d’acier ont poussé au centre. Des chantiers, des chantiers partout... La capitale offre une image de dynamisme et de richesse qui contraste avec bien des villes fatiguées à l’ouest du continent. Et dans le pays profond? «J’ai voyagé dans les campagnes du sud de l’Italie, dans les Alpes françaises, eh bien! les villages y sont plus pauvres, plus endormis qu’en Pologne!» confie Ewa, pourtant grande opposante au régime. 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D’autant plus que les hausses de salaires rendent le pays moins attirant. Les mesures sociales ne dissuadent guère les jeunes diplômés d’aller, comme d’habitude, chercher du travail et s’établir à l’étranger. La main d’œuvre manque. Dans tous les métiers, la santé en particulier. D’où l’arrivée, ces dernières années, de centaines de milliers d’Ukrainiens. «Inutile de chercher un plombier polonais à Varsovie, note l’amie Ewa, si tu en trouves un, il sera ukrainien.»</p> <p>Le gouvernement, qui s’est égosillé sur la question des migrants, en parle moins aujourd’hui... et, sans rien en dire, en accepte un assez grand nombre, par nécessité. Des Pakistanais, des Syriens, des Afghans, des Palestiniens... Avec un critère: qu’ils soient chrétiens!</p> <p>L’heure n’est plus aux rodomontades contre l’UE. Les enquêtes le confirment, année après année: les Polonais sont les Européens les plus attachés au projet. 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On sait dans les campagnes combien sont vitales les aides communautaires.</p> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1571169180_dscf8267.jpg" class="img-responsive img-fluid normal " /></p> <h4 style="text-align: center;">«Madame Olga, félicitations pour le Nobel!», Varsovie, octobre 2019. © Jacques Pilet</h4> <p>Et la gauche? Elle est encore vue comme l’héritière de l’époque communiste, plus honnie ici que partout ailleurs. Les nouvelles têtes, les nouveaux thèmes «sociétaux» ne suffisent pas à la faire décoller. Mais avec son score de 12% des voix, elle entre enfin au Parlement.</p> <p>Autre nouveauté: une «confédération» de groupuscules d’extrême-droite enverra aussi ses représentants. Ils pourront pourfendre haut et fort les étrangers, les musulmans, les juifs et les orthodoxes. Et maudire l’Union européenne.</p> <p>Et, vous dites-vous, et les Verts? 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Syndicats et autorités politiques ont pourtant tout fait pour sauver l’entreprise historique, aux mains d’une multinationale qui compare avantages et inconvénients de chaque lieu de production. Ici, hauts salaires, franc fort et dans ce cas, retard technologique. Donc, départ. Chapeau aux travailleurs qui cherchaient des solutions, des innovations. Les voilà licenciés. Les messages de solidarité font du bien mais n’assurent pas leur avenir. Qu’ils puissent être aidés à rebondir.</span></p> <p><span>Est-ce à dire que notre pays est menacé de désindustrialisation comme il en est beaucoup question chez nos voisins? Gare aux réponses trop simples. Les faits. Face au secteur des services comptant les banques et les assurances, le tourisme, le commerce de gros et de détail, l'administration publique et les assurances sociales, qui pèse pour 75% du PIB, l’industrie résiste, avec environ 24% (contre moins de 14% en France!). 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Le groupe pharmaceutique Lonza, dont le siège est à Bâle mais le site de production à Viège, y a investi plus d’un milliard de francs. Un nouveau complexe de production high-tech fournit des solutions adaptées pour le développement et la fabrication de nouveaux médicaments. Ce site et ses possibilités inédites dans la pharma ancrent Viège et le Valais au cœur des chaînes mondiales de création de valeur. Les investissements dans la recherche et la formation ont joué un rôle majeur pour le développement économique du canton. A la génération précédente, c’est la HES, la Haute école spécialisée, qui a formé des ingénieurs précieux pour alimenter une industrie en plein essor. Petit à petit tout un écosystème propice à l’émergence d’idées innovantes s’est installé en Valais. La Fondation The Ark favorise l’établissement et l’éclosion de start-ups dans les domaines de l’informatique, de l’énergie, des sciences de la vie et de l’environnement. 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Ou leur politique dite verte conduira-t-elle à la décroissance? La concentration des efforts sur la course aux armements et l’aide à l’Ukraine, telle qu’elle est brandie aujourd’hui, peut aider certains secteurs industriels mais coûtera extrêmement cher. On articule à Bruxelles le chiffre de 100 milliards à cette fin d’ici 2029. Ce sera forcément au détriment d’autres attentes, dans les infrastructures, l’éducation, la recherche, la cohésion sociale. Sans compter que la transition écologique, nous assure-t-on, nécessitera en plus une pluie de milliards. Quelles priorités fixera le nouveau Parlement? Selon les choix, les retombées sur l’économie suisse seront différentes. Le surarmement de l’Europe ne nous rapporte quasiment rien, sa santé économique et sociale nous est bien plus bien profitable.</span></p> <p><span>Deuxième point. Le fonctionnement même de l’Union. Deux tendances s’affrontent. 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