Actuel / Et l’Inde créa 2 millions d’apatrides
Une femme marche sous la pluie à Dhubri, le long de la frontière indo-bangladaise, le 30 juillet 2019. Auparavant considérée comme l’une des plus faciles à franchir au monde, cette frontière a été bordée de barbelés et de béton par l’Inde au début des années 2000 pour lutter contre l’afflux de travailleurs immigrés venus du Bangladesh. © AFP
La mousson continue de s’abattre sur plusieurs États de l’Inde, dévastant paysages et habitations, laissant des millions d’habitants sans toits ni ressources. En Assam, état du nord-est de l’Inde, à la frontière du Bangladesh, la situation est doublement tragique: depuis le 31 août, environ 2 millions de personnes sont aussi sur le point d’être déchues de leur citoyenneté.
Anuradha Sen Mookerjee, Graduate Institute – Institut de hautes études internationales et du développement (IHEID)
Le gouvernement de l’état de l’Assam a rendu publique la dernière mouture du Registre national des citoyens (NRC), en cours d’amendements depuis 2013.
Les personnes font la queue devant les bureaux qui ont publié la liste des «citoyens», les autres étant désormais rayés de la nation indienne. © BBC.
Ce registre, dont la création remonte originellement à 1951, avait pour objectif d’enregistrer les populations en tant que citoyens indiens au sein d’une très jeune nation, née en 1947 et déchirée par la Partition. En effet à cette date, l’Inde devient indépendante de la Couronne britannique. La même année, le Pakistan émerge, avec son pan occidental (actuel Pakistan) et l’autre, oriental. Cette partie prendra à son tour son indépendance sous le nom de Bangladesh en 1971. La création de cette frontière avec l’Inde, autrefois inexistante sous la période coloniale, a transformé l’immigration fluide d’habitants du delta du Bengale en migration internationale qu’il faut désormais endiguer.
Le registre, destiné à éviter un flux illégal trop important entre Pakistan oriental et Inde, n’a été pourtant que peu modifié jusqu’à la fin des années 2010. Une première version a été rendue publique en 2018.
Or, le document final qui vient d’être publié est loin d’être une simple recension des citoyens mise à jour. Il pourrait bien remodeler entièrement la façon dont le gouvernement actuel redéfinit la citoyenneté. Et, au-delà, bouleverser violemment la démocratie indienne elle-même.
L’État d’Assam est situé à la frontière avec le Bangladesh, à l’est de l’Inde. © Imranism9/Wikimedia, CC BY
Des populations frontalières indésirables
Mon travail doctoral a porté sur les populations qui vivent le long de la frontière entre l’Inde et le Bangladesh.
L’analyse du sort réservé à ces populations est essentielle pour comprendre le fonctionnement de l’État indien aujourd’hui. Le système politique, bureaucratique et social du pays travaille à homogénéiser les régions frontalières dans le but de façonner une nouvelle identité nationale, qui laisserait de côté des milliers d’individus sur des bases plus ou moins arbitraires.
Pour comprendre cette démarche, il faut se rappeler que depuis des années, et plus spécifiquement depuis quatre ans qu’il est au pouvoir, le Bharatiya Janata Party (BJP), parti nationaliste hindou d’extrême-droite, clame haut et fort son intention de débarrasser le territoire indien «des infiltrés bangladais».
L’Assam est rapidement devenu le point de départ du plan d’action du gouvernement, du fait du fort sentiment xénophobe anti-migrants qui prévaut dans cet État depuis des années.
Cet état a en effet connu depuis le XIXᵉ siècle de très forts mouvements migratoires issus des régions voisines (du Bengale au Népal) ce qui a suscité d’importantes agitations politiques toute au long du XXe siècle sur la base d’une mise en avant de l’«autochtonie».
Les partisans d’une politique identitaire au niveau national en récoltent aujourd’hui les fruits.
Une machine truffée d’erreurs
Le registre stipule que toute personne entrée sur le territoire de l’État après le 24 mars 1971 (donc après la création du Bangladesh) serait désormais considérée comme étrangère (à moins de prouver son ascendance indienne), et donc coupable d’immigration clandestine.
En conséquence, les 31 millions d’habitants de l’Assam ont été obligés de prouver qu’ils étaient bien Indiens, en se soumettant à une série d’examens administratifs kafkaïens.
Aujourd’hui, deux millions de personnes ne retrouvent pas leurs noms sur les listes publiées. Ces dernières se révèlent truffée d’erreurs, comme le rapporte le journal indépendant Scroll.in, qui donne des exemples où un père apparaît et non sa fille, une femme et non son mari etc. Amnesty International dénonce des erreurs factuelles, une orthographe approximative des noms de famille qui pénalisent les individus. L’organisation alerte aussi quant aux conséquences dangereuses pour la région désormais sous haute surveillance en raison de tensions entre communautés ou avec les autorités.
Le 17 juillet 2019, le ministre de l’intérieur indien, Amit Shah, membre du BJP, avait annoncé à la chambre haute du parlement que le gouvernement projetait d’identifier et d’expulser les immigrés clandestins dans tout le pays.
Devant le nombre d’erreurs depuis la publication du registre, son parti semble désormais faire marche arrière.
Trier les êtres humains
Mais, en attendant, les individus non inscrits sur le fameux registre n’ont que 120 jours pour faire une réclamation auprès des «tribunaux pour étrangers» sous peine d’être définitivement exclus de l’Inde ou de devoir se résigner à y vivre comme «clandestins», et donc dans l’illégalité.
Ces tribunaux pour étrangers sont pour l’instant spécifiques à l’Assam (on en compte une centaine dans tout l’État). Mais ils pourraient s’étendre à l’ensemble de l’Union, donnant à leurs représentants le pouvoir de décider qui est «étranger» et qui ne l’est pas.
Or, les médias indépendants et les organisations humanitaires pointent à juste titre que la majorité de la population ciblée regroupe les citoyens les plus paupérisés, peu éduqués et les plus démunis de preuves: les tribus nomades sans terre, les immigrés hindous et musulmans venus avant 1971 et parlant le bengali, et les Assamais musulmans.
En perdant leur statut de citoyens ils risquent d’être rayés des listes électorales et expropriés. Nombre d’entre eux pourraient se retrouver en prison ou enfermés dans des centres de détention en attendant une hypothétique déportation au Bangladesh.
Des camps se construisent un peu partout en Assam. © The Print.
Entretenir la peur de l’Autre
Dans le monde entier, les politiciens d’extrême-droite entretiennent un climat de terreur nationale en mettant des noms et des visages sur un «envahisseur» inconnu. Dans ces situations créées pour contrôler politiquement l’immigration, les «étrangers» et «citoyens» sont de plus en plus fréquemment catégorisés en fonction de leur hérédité.
Comme le souligne le sociologue Willem Van Schendel, la frontière a été instrumentalisée pour attiser le sentiment anti-immigrés.
Elle a aussi permis de nourrir la propagande du BJP qui a attisé la peur d’une «invasion» bangladaise.
Cet argument a porté ses fruits aussi parce qu’elle résonnait avec la rhétorique anti-musulmans du BJP: en effet beaucoup d’immigrés récents du Bangladesh sont de confession musulmane. Cela a donné du poids aux partisans de l’Hindutva, politique nationaliste hindoue, basée sur le concept d’«indianité». Selon cette doctrine, ces nombreux musulmans représentent une menace démographique pour les Hindous. Elle justifie la peur d’une pseudo-invasion bangladaise qui serait alors un problème national.
Cette représentation a eu des conséquences graves pour de nombreux locuteurs bengalis musulmans. Soupçonnés d’être des immigrés illégaux, certains ont été illégalement déportés vers le Bangladesh ou simplement retenus contre leur gré par la police de Delhi.
Angoisse, suicides et échec
L’angoisse que génère cette situation est si forte que plus de 51 cas de suicides ont déjà été recensés.
Dans certaines zones de l’Assam, comme le district de Morigaon, des hommes musulmans parlant le bengali ont refusé de quitter leurs maisons en dépit des violentes inondations qui dévastaient leurs villages. À leurs yeux, leur présence physique sur les lieux constitue une preuve de leur citoyenneté.
Que le registre national parvienne ou non à identifier correctement ceux qui sont arrivés dans l’État après le 24 mars 1971, il servira in fine l’objectif affiché d’une politique hindoue extrémiste qui soumet ceux qu’elle juge comme «intrus» à un régime de ségrégation.
Nimai Hajong et son épouse, en aoput 2018. L’homme de 58 ans est arrivé en Assam alors qu’il était jeune enfant. D’après le registre, il est désormais considéré comme « étranger » et montre néanmoins les papiers qui pourraient prouver sa citoyenneté. © Shamar/AFP
Les migrants (en particulier musulmans) des zones rurales du Bengale occidental et des États du nord-est risquent de subir les conséquences de cette chasse aux « étrangers » nationale, et de vivre dans la crainte constante dans une Inde qui prend chaque jour un peu plus l’apparence d’un État policier.
Pour autant cette liste ne parviendra certainement pas à endiguer le flot régulier d’immigrés clandestins venus du Bangladesh, ni à réduire la demande de main-d’œuvre bangladaise dans le secteur florissant de la construction urbaine en Inde.
Comme le démontre l’étude globale des mouvements migratoires, en dépit du durcissement des états et des mesures de surveillance aux frontières, les gens continuent de migrer.
En Inde, la conséquence immédiate de cette ségrégation inique, voire cynique, altère déjà le lien social, entretient un climat de suspicion mutuelle et renforce désormais encore plus les barrières socioculturelles entre les citoyens.
En se nourrissant et en propageant une phobie collective de «l’Autre» sur son territoire, New Delhi s’inscrit dans le sillage d’un populisme mondialisé.
Cet article a été traduit de l’anglais par Iris Le Guinio pour Fast For Word.
Anuradha Sen Mookerjee, Independent Researcher, Graduate Institute – Institut de hautes études internationales et du développement (IHEID)
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.
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Et, au-delà, bouleverser violemment la démocratie indienne elle-même.</p> <h4><a href="https://images.theconversation.com/files/289867/original/file-20190828-184217-plhj77.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img src="https://images.theconversation.com/files/289867/original/file-20190828-184217-plhj77.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" alt="" /></a><span>L’État d’Assam est situé à la frontière avec le Bangladesh, à l’est de l’Inde.</span> <span><a href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Medium-india-political-wall-map-vinyl-moi4781121786238-original-imaezawqex9x5dbb.jpg"><small>©</small> Imranism9/Wikimedia</a>, <a href="https://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a><br /></span></h4> <h2>Des populations frontalières indésirables</h2> <p>Mon <a href="https://graduateinstitute.ch/communications/news/boundaries-citizenship-former-border-enclaves-bangladesh-and-india">travail doctoral</a> a porté sur les populations qui vivent le long de la frontière entre l’Inde et le Bangladesh.</p> <p>L’analyse du sort réservé à ces populations est essentielle pour comprendre le fonctionnement de l’État indien aujourd’hui. 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Ces dernières se révèlent truffée d’erreurs, comme le rapporte le journal indépendant Scroll.in, qui donne des exemples où un père apparaît et non sa fille, une femme et non son mari etc. Amnesty International <a href="https://amnesty.org.in/news-update/uncertain-destiny-for-millions-in-assam-post-nrc/">dénonce</a> des erreurs factuelles, une orthographe approximative des noms de famille qui pénalisent les individus. L’organisation alerte aussi quant aux conséquences dangereuses pour la région désormais <a href="https://www.indiatoday.in/india/story/afspa-extended-in-assam-for-6-months-1327051-2018-08-29">sous haute surveillance</a> en raison de tensions entre communautés ou avec les autorités.</p> <p>Le 17 juillet 2019, le ministre de l’intérieur indien, Amit Shah, membre du BJP, avait annoncé à la chambre haute du parlement que le gouvernement projetait <a href="https://www.indiatoday.in/india/story/will-identify-and-deport-every-illegal-immigrant-amit-shah-1570496-2019-07-17">d’identifier et d’expulser les immigrés clandestins dans tout le pays</a>.</p> <p>Devant le nombre d’erreurs depuis la publication du registre, son parti semble <a href="https://scroll.in/article/935840/why-the-assam-bjp-is-now-against-the-nrc-explaining-the-politics-behind-the-exercise">désormais faire marche arrière</a>.</p> <p> </p> <h2>Trier les êtres humains</h2> <p>Mais, en attendant, les individus non inscrits sur le fameux registre n’ont que 120 jours pour faire une réclamation auprès des «tribunaux pour étrangers» sous peine d’être définitivement <a href="https://scroll.in/article/932134/worse-than-a-death-sentence-inside-assams-sham-trials-that-could-strip-millions-of-citizenship">exclus</a> de l’Inde ou de devoir se résigner à y vivre comme «clandestins», et donc dans l’illégalité.</p> <p>Ces <a href="https://www.thehindu.com/news/national/other-states/why-does-assam-need-more-foreigners-tribunals/article27951416.ece">tribunaux pour étrangers</a> sont pour l’instant spécifiques à l’Assam (on en compte une centaine dans tout l’État). Mais ils pourraient s’étendre à l’ensemble de l’Union, donnant à leurs représentants le pouvoir de décider qui est «étranger» et qui ne l’est pas.</p> <p>Or, les médias indépendants et les organisations humanitaires pointent à juste titre que la majorité de la population ciblée regroupe les citoyens les plus paupérisés, peu éduqués et les plus démunis de preuves: les tribus nomades sans terre, les immigrés hindous et musulmans venus avant 1971 et parlant le bengali, et les Assamais musulmans.</p> <p>En perdant leur statut de citoyens ils risquent d’être rayés des listes électorales et expropriés. Nombre d’entre eux pourraient se retrouver en prison ou enfermés dans des <a href="https://www.hindustantimes.com/india-news/over-110-declared-foreigners-sent-to-detention-camps-in-assam-families-claim-indian-citizens-being-harassed/story-QyAbBtgbqbCfKn3j2SnbAJ.html">centres de détention</a> en attendant une hypothétique déportation au Bangladesh.</p> <h4><iframe frameborder="0" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/2PLmtmVYQGw?wmode=transparent&start=0" width="440"></iframe><span>Des camps se construisent un peu partout en Assam. <small>©</small> The Print.<br /><br /></span></h4> <h2>Entretenir la peur de l’Autre</h2> <p>Dans le monde entier, les politiciens d’extrême-droite entretiennent un climat de terreur nationale en mettant des noms et des visages sur un «envahisseur» inconnu. 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Soupçonnés d’être des immigrés illégaux, certains ont été illégalement déportés vers le Bangladesh ou <a href="https://scroll.in/article/843734/branded-bangladeshis-in-noida-anger-turns-to-fear-for-domestic-workers-after-police-raid">simplement retenus contre leur gré par la police de Delhi</a>.</p> <p> </p> <h2>Angoisse, suicides et échec</h2> <p>L’angoisse que génère cette situation est si forte que plus de <a href="https://www.bbc.com/news/world-asia-india-48754802">51 cas de suicides ont déjà été recensés</a>.</p> <p>Dans certaines zones de l’Assam, comme le district de Morigaon, des hommes musulmans parlant le bengali <a href="https://indianexpress.com/article/north-east-india/assam/nrc-deadline-approaching-families-stranded-in-assam-floods-stay-home-dont-want-to-be-rescued-5833091/">ont refusé de quitter leurs maisons</a> en dépit des violentes inondations qui dévastaient leurs villages. 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En effet à cette date, l’Inde devient indépendante de la Couronne britannique. La même année, le Pakistan émerge, avec son pan occidental (actuel Pakistan) et l’autre, oriental. Cette partie prendra à son tour son indépendance sous le nom de Bangladesh en 1971. La création de cette frontière avec l’Inde, autrefois inexistante sous la période coloniale, a transformé l’immigration fluide d’habitants du delta du Bengale en migration internationale qu’il faut désormais endiguer.</p> <p>Le registre, destiné à éviter un flux illégal trop important entre Pakistan oriental et Inde, n’a été pourtant que peu modifié jusqu’à la fin des années 2010. Une première version a été rendue publique en 2018.</p> <p>Or, le document final qui vient d’être publié est loin d’être une simple recension des citoyens mise à jour. Il pourrait bien remodeler entièrement la façon dont le gouvernement actuel redéfinit la citoyenneté. Et, au-delà, bouleverser violemment la démocratie indienne elle-même.</p> <h4><a href="https://images.theconversation.com/files/289867/original/file-20190828-184217-plhj77.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img src="https://images.theconversation.com/files/289867/original/file-20190828-184217-plhj77.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" alt="" /></a><span>L’État d’Assam est situé à la frontière avec le Bangladesh, à l’est de l’Inde.</span> <span><a href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Medium-india-political-wall-map-vinyl-moi4781121786238-original-imaezawqex9x5dbb.jpg"><small>©</small> Imranism9/Wikimedia</a>, <a href="https://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a><br /></span></h4> <h2>Des populations frontalières indésirables</h2> <p>Mon <a href="https://graduateinstitute.ch/communications/news/boundaries-citizenship-former-border-enclaves-bangladesh-and-india">travail doctoral</a> a porté sur les populations qui vivent le long de la frontière entre l’Inde et le Bangladesh.</p> <p>L’analyse du sort réservé à ces populations est essentielle pour comprendre le fonctionnement de l’État indien aujourd’hui. Le système politique, bureaucratique et social du pays travaille à homogénéiser les régions frontalières dans le but de façonner une nouvelle identité nationale, qui laisserait de côté des milliers d’individus sur des bases plus ou moins arbitraires.</p> <p>Pour comprendre cette démarche, il faut se rappeler que depuis des années, et plus spécifiquement depuis quatre ans qu’il est au pouvoir, le Bharatiya Janata Party (BJP), parti nationaliste hindou d’extrême-droite, clame haut et fort son intention de débarrasser le territoire indien «des infiltrés bangladais».</p> <p>L’Assam est rapidement devenu le point de départ du plan d’action du gouvernement, du fait du fort sentiment xénophobe anti-migrants qui prévaut dans cet État depuis des années.</p> <p>Cet état a en effet connu <a href="http://www.raiot.in/the-spectre-of-citizenship-history-politics-of-nrc-in-assam/">depuis le XIXᵉ siècle</a> de très forts mouvements migratoires issus des régions voisines (du Bengale au Népal) ce qui a suscité d’importantes agitations politiques toute au long du XX<sup>e</sup> siècle sur la base d’une mise en avant de l’«autochtonie».</p> <p>Les partisans d’une politique identitaire au niveau national en récoltent aujourd’hui les fruits.</p> <p> </p> <h2>Une machine truffée d’erreurs</h2> <p>Le registre <a href="http://citizensagainsthate.org/wp-content/uploads/2019/06/Making-Foreigner.pdf">stipule</a> que toute personne entrée sur le territoire de l’État après le 24 mars 1971 (donc après la création du Bangladesh) serait désormais considérée comme étrangère (à moins de prouver son ascendance indienne), et donc coupable d’immigration clandestine.</p> <p>En conséquence, les 31 millions d’habitants de l’Assam ont été obligés de prouver <a href="https://scroll.in/article/932645/can-you-prove-you-are-an-indian-citizen-take-the-nrc-test">qu’ils étaient bien Indiens</a>, en se soumettant à une série d’examens administratifs kafkaïens.</p> <p>Aujourd’hui, deux millions de personnes <a href="https://scroll.in/topic/56205/the-final-count">ne retrouvent pas</a> leurs noms sur les listes publiées. Ces dernières se révèlent truffée d’erreurs, comme le rapporte le journal indépendant Scroll.in, qui donne des exemples où un père apparaît et non sa fille, une femme et non son mari etc. Amnesty International <a href="https://amnesty.org.in/news-update/uncertain-destiny-for-millions-in-assam-post-nrc/">dénonce</a> des erreurs factuelles, une orthographe approximative des noms de famille qui pénalisent les individus. L’organisation alerte aussi quant aux conséquences dangereuses pour la région désormais <a href="https://www.indiatoday.in/india/story/afspa-extended-in-assam-for-6-months-1327051-2018-08-29">sous haute surveillance</a> en raison de tensions entre communautés ou avec les autorités.</p> <p>Le 17 juillet 2019, le ministre de l’intérieur indien, Amit Shah, membre du BJP, avait annoncé à la chambre haute du parlement que le gouvernement projetait <a href="https://www.indiatoday.in/india/story/will-identify-and-deport-every-illegal-immigrant-amit-shah-1570496-2019-07-17">d’identifier et d’expulser les immigrés clandestins dans tout le pays</a>.</p> <p>Devant le nombre d’erreurs depuis la publication du registre, son parti semble <a href="https://scroll.in/article/935840/why-the-assam-bjp-is-now-against-the-nrc-explaining-the-politics-behind-the-exercise">désormais faire marche arrière</a>.</p> <p> </p> <h2>Trier les êtres humains</h2> <p>Mais, en attendant, les individus non inscrits sur le fameux registre n’ont que 120 jours pour faire une réclamation auprès des «tribunaux pour étrangers» sous peine d’être définitivement <a href="https://scroll.in/article/932134/worse-than-a-death-sentence-inside-assams-sham-trials-that-could-strip-millions-of-citizenship">exclus</a> de l’Inde ou de devoir se résigner à y vivre comme «clandestins», et donc dans l’illégalité.</p> <p>Ces <a href="https://www.thehindu.com/news/national/other-states/why-does-assam-need-more-foreigners-tribunals/article27951416.ece">tribunaux pour étrangers</a> sont pour l’instant spécifiques à l’Assam (on en compte une centaine dans tout l’État). Mais ils pourraient s’étendre à l’ensemble de l’Union, donnant à leurs représentants le pouvoir de décider qui est «étranger» et qui ne l’est pas.</p> <p>Or, les médias indépendants et les organisations humanitaires pointent à juste titre que la majorité de la population ciblée regroupe les citoyens les plus paupérisés, peu éduqués et les plus démunis de preuves: les tribus nomades sans terre, les immigrés hindous et musulmans venus avant 1971 et parlant le bengali, et les Assamais musulmans.</p> <p>En perdant leur statut de citoyens ils risquent d’être rayés des listes électorales et expropriés. 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Dans ces situations créées pour contrôler politiquement l’immigration, les «étrangers» et «citoyens» sont de plus en plus fréquemment catégorisés en <a href="http://www.thegreatregression.eu/symptoms-in-search-of-an-object-and-a-name/">fonction de leur hérédité</a>.</p> <p>Comme le souligne le sociologue Willem Van Schendel, la frontière a été instrumentalisée pour attiser le sentiment anti-immigrés.</p> <p>Elle a aussi permis de nourrir la propagande du BJP qui a attisé la peur d’une «invasion» bangladaise.</p> <p>Cet argument a porté ses fruits aussi parce qu’elle résonnait avec la rhétorique anti-musulmans du BJP: en effet beaucoup d’immigrés récents du Bangladesh sont de confession musulmane. Cela a donné du poids aux partisans de l’<em>Hindutva</em>, politique nationaliste hindoue, basée sur le concept d’«indianité». Selon cette doctrine, ces nombreux musulmans représentent une menace démographique pour les Hindous. Elle justifie la peur d’une pseudo-invasion bangladaise qui serait alors un problème national.</p> <p>Cette représentation a eu des conséquences graves pour de nombreux locuteurs bengalis musulmans. 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À leurs yeux, leur présence physique sur les lieux constitue une preuve de leur citoyenneté.</p> <p>Que le registre national parvienne ou non à identifier correctement ceux qui sont arrivés dans l’État après le 24 mars 1971, il servira <em>in fine</em> l’objectif affiché d’une politique hindoue extrémiste qui soumet ceux qu’elle juge comme «intrus» à un régime de ségrégation.</p> <h4><img src="https://images.theconversation.com/files/291161/original/file-20190905-175700-1um4qhx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" alt="" /><span>Nimai Hajong et son épouse, en aoput 2018. L’homme de 58 ans est arrivé en Assam alors qu’il était jeune enfant. D’après le registre, il est désormais considéré comme « étranger » et montre néanmoins les papiers qui pourraient prouver sa citoyenneté.</span> <small>©</small> <span><span>Shamar/AFP</span></span></h4> <p>Les migrants (en particulier musulmans) des zones rurales du Bengale occidental et des <a href="https://www.moneycontrol.com/news/india/nagaland-to-begin-its-own-nrc-process-from-july-10-4155521.html">États du nord-est</a> risquent de subir les conséquences de cette chasse aux « étrangers » nationale, et de vivre dans la crainte constante dans une Inde qui prend chaque jour un peu plus l’apparence d’un État policier.</p> <p>Pour autant cette liste ne parviendra certainement pas à endiguer le flot régulier d’immigrés clandestins venus du Bangladesh, ni à réduire la demande de main-d’œuvre bangladaise dans le secteur florissant de la construction urbaine en Inde.</p> <p>Comme le <a href="https://www.migrationpolicy.org/article/borders-and-walls-do-barriers-deter-unauthorized-migration">démontre l’étude globale des mouvements migratoires</a>, en dépit du durcissement des états et des mesures de surveillance aux frontières, les gens continuent de migrer.</p> <p>En Inde, la conséquence immédiate de cette ségrégation inique, voire cynique, altère déjà le lien social, entretient un climat de suspicion mutuelle et renforce désormais encore plus les barrières socioculturelles entre les citoyens.</p> <p>En se nourrissant et en propageant une phobie collective de «l’Autre» sur son territoire, New Delhi s’inscrit dans le sillage d’un populisme mondialisé.</p> <hr /> <h4>Cet article a été traduit de l’anglais par Iris Le Guinio pour <a href="http://www.fastforword.fr/">Fast For Word</a>.<img src="https://counter.theconversation.com/content/122992/count.gif?distributor=republish-lightbox-basic" alt="The Conversation" width="1" height="1" /></h4> <h4><span><a href="https://theconversation.com/profiles/anuradha-sen-mookerjee-790233">Anuradha Sen Mookerjee</a>, Independent Researcher, <em><a href="https://theconversation.com/institutions/graduate-institute-institut-de-hautes-etudes-internationales-et-du-developpement-iheid-2905">Graduate Institute – Institut de hautes études internationales et du développement (IHEID)</a></em></span></h4> <h4>Cet article est republié à partir de <a href="https://theconversation.com">The Conversation</a> sous licence Creative Commons. 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En effet, le <em>sakura</em>, nom donné au cerisier en japonais, est un <a href="https://www.google.com/books/edition/Mizue_Sawano_The_Art_of_the_Cherry_Tree/nHf8lxLOYsUC?hl=en">symbole de l’impermanence</a> reconnu au Japon et ailleurs.</p> <p>Divers festivals sont régulièrement organisés partout dans le monde pour célébrer cette floraison.</p> <p>En tant que <a href="https://wlc.utk.edu/?people=malgorzata-k-citko-duplantis">spécialiste de la littérature et de la culture japonaises prémodernes</a>, j’ai été initiée très tôt à la coutume d’admirer les cerisiers en fleurs. Il s’agit d’un rituel ancien qui a été célébré et décrit au Japon pendant des siècles et qui continue d’être un élément indispensable pour accueillir le printemps. Aux États-Unis, la tradition du <em>hanami</em> a commencé avec la plantation des premiers cerisiers à Washington DC en 1912 en tant que <a href="https://www.nps.gov/subjects/cherryblossom/history-of-the-cherry-trees.htm">cadeau d’amitié du Japon</a>.</p> <h3>Poésie sur la nature</h3> <p>La coutume d’observer les arbres en fleurs au printemps est arrivée au Japon en provenance du continent asiatique. L’observation des pruniers en fleurs, souvent au clair de lune, comme symbole de <a href="https://www.archwaypublishing.com/en/bookstore/bookdetails/799255-The-Plum-Blossom-of-Luojia-Mountain">force, vitalité et fin de l’hiver</a> était pratiquée en Chine depuis l’antiquité. Elle a été adoptée au Japon au cours du VIII<sup>e</sup> siècle.</p> <p>On trouve des exemples poétiques de pruniers en fleurs, ou <em>ume</em> en japonais, dans le <a href="https://www.kokugakuin.ac.jp/assets/uploads/2021/03/KJS2-2Oishi.pdf">« Man’yōshū »</a>, ou « recueil de dix mille feuilles », le plus ancien recueil de poésie japonaise, qui date du VIII<sup>e</sup> siècle.</p> <p>Wiebke Denecke, <a href="https://lit.mit.edu/denecke/">spécialiste des littératures d’Asie orientale</a>, explique que les poètes japonais classiques <a href="https://www.jstor.org/stable/25066837">écrivaient des poèmes sur les fleurs de prunier lorsqu’elles étaient en saison</a>. Leurs compositions ont façonné la poésie de cour japonaise, ou <em>waka</em>, qui est enracinée dans la nature et son cycle saisonnier constant.</p> <p>Cependant, c’est le <em>sakura</em>, et non le prunier, qui occupe une place particulière dans la culture japonaise. Les anthologies impériales de <em>waka</em> compilées au Japon entre 905 et 1439 de l’ère chrétienne contiennent généralement plus de poèmes printaniers composés sur les cerisiers en fleurs que sur les pruniers en fleurs.</p> <h3>Au cœur de la composition des <em>waka</em></h3> <p><a href="https://www.penguinrandomhouse.com/books/558474/the-sakura-obsession-by-naoko-abe/">La première exposition de cerisiers en fleurs</a> a été organisée par l’empereur Saga en 812 de l’ère chrétienne et est rapidement devenue un événement régulier à la cour impériale, souvent accompagné de musique, de nourriture et d’écriture de poèmes.</p> <p>Les cerisiers en fleurs sont devenus l’un des sujets habituels de composition des <em>waka</em>. En fait, j’ai commencé à étudier la poésie japonaise grâce à un poème sur le thème du <em>sakura</em> écrit par une poétesse classique, Izumi Shikibu, dont on pense qu’elle a activement composé des <em>waka</em> vers l’an 1000 de notre ère. Le poème est préfacé par la <a href="http://www.misawa-ac.jp/drama/daihon/genji/bunken/zoku.html">mémoire de son auteur</a>. Ce poème parle de son ancien amant qui souhaite revoir les cerisiers en fleurs avant qu’ils ne tombent.</p> <blockquote> <p>tō o koyo<br />saku to miru ma ni<br />chirinu beshi<br />tsuyu to hana to no<br />naka zo yo no naka</p> <p>Viens vite !<br />À peine commencent-elles à s’ouvrir<br />qu’elles doivent tomber.<br />Notre monde réside<br />dans la rosée au sommet des fleurs de cerisier.</p> </blockquote> <p>Ce poème n’est pas l’exemple le plus célèbre de <em>waka</em> sur les cerisiers en fleurs dans la poésie japonaise prémoderne, mais il contient des couches d’imagerie traditionnelle symbolisant l’impermanence. Il souligne qu’une fois écloses, les fleurs de cerisier sont destinées à tomber. Assister à leur chute est l’objectif même du <em>hanami</em>.</p> <p>La rosée est généralement interprétée comme un <a href="https://www.jstor.org/stable/2385169">symbole de larmes</a> dans le waka, mais elle peut également être lue de manière plus érotique comme une référence à d’autres <a href="https://uhpress.hawaii.edu/title/mapping-courtship-and-kinship-in-classical-japan-the-tale-of-genji-and-its-predecessors/">fluides corporels</a>. Une telle interprétation révèle que le poème est une allusion à une relation amoureuse, qui est aussi fragile que la rosée qui s’évapore sur les fleurs de cerisier qui tombent bientôt ; elle ne dure pas longtemps, il faut donc l’apprécier tant qu’elle existe.</p> <h4 style="text-align: center;"><img src="https://images.theconversation.com/files/579998/original/file-20240305-18-vujctw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" alt="Un arbre japonais en fleurs chargé de grappes de fleurs roses dans un jardin" /><em><span>Au Japon, les cerisiers en fleurs symbolisent l’impermanence ». zoomable=</span> <span><a href="https://www.flickr.com/photos/25228175@N08/4549363374">Elvin/Flickr</a>, <a href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/">CC BY-NC</a></span></em></h4> <p>Le poème peut également être interprété de manière plus générale : La rosée est un symbole de la vie humaine, et la chute des cerisiers en fleurs une métaphore de la mort.</p> <h3>Militarisé par l’Empire du Japon</h3> <p>La notion de chute des fleurs de cerisier a été utilisée par <a href="https://www.bloomsbury.com/us/imperial-japan-and-defeat-in-the-second-world-war-9781350246799/">l’Empire du Japon</a>, un État historique qui a existé de la restauration meiji en 1868 jusqu’à la promulgation de la Constitution du Japon en 1947. L’empire est connu pour la <a href="https://www.bloomsbury.com/uk/japanese-taiwan-9781472576743/">colonisation de Taïwan</a> et l’<a href="https://www.peterlang.com/document/1049131">annexion de la Corée</a> afin d’étendre ses territoires.</p> <p><a href="https://kokubunken.repo.nii.ac.jp/records/4747">Sasaki Nobutsuna</a>, un érudit des classiques japonais ayant des liens étroits avec la cour impériale, était un partisan de l’idéologie nationaliste de l’empire. En 1894, il a composé un long poème, <a href="https://dl.ndl.go.jp/pid/873478/1/10">« Shina seibatsu no uta »</a>, ou « Le chant de la conquête des Chinois », pour coïncider avec la première guerre sino-japonaise, qui a duré de 1894 à 1895. Le poème compare la chute des fleurs de cerisier au sacrifice des soldats japonais qui <a href="https://press.uchicago.edu/ucp/books/book/chicago/K/bo3656741.html">tombent au combat pour leur pays et leur empereur</a>.</p> <h3>La marchandisation de la saison</h3> <p>Dans le Japon contemporain, les cerisiers en fleurs sont célébrés par de nombreux membres de la société, et pas seulement par la cour impériale. Fleurissant autour du <a href="https://www.nbcbayarea.com/news/national-international/lunar-new-year-2024-how-to-celebrated/3447961/">Nouvel An lunaire</a> célébré dans le Japon prémoderne depuis des siècles, elles symbolisent les nouveaux départs dans tous les domaines de la vie.</p> <p>À l’époque contemporaine, les vendeurs ont transformé les cerisiers en fleurs en vendant du <a href="https://stories.starbucks.com/asia/stories/2024/sakura-season-starts-at-starbucks-japan-on-thursday-february-15/">thé, café</a>, de la <a href="https://japantoday.com/category/features/food/haagen-dazs-releases-two-new-seasonal-flavors">crème glacée</a>, des <a href="https://www.oenon.jp/news/2020/0205-1.html">boissons</a> ou des <a href="https://www.fujingaho.jp/gourmet/sweets/g43015580/fujingahonootoriyose-sakura-sweets20240215/">biscuits</a> aromatisés au <em>sakura</em>, transformant ainsi l’image de l’arbre en fleurs en une marque saisonnière. Les <a href="https://sakura.weathermap.jp/en.php">prévisions météorologiques</a> suivent la floraison des cerisiers pour s’assurer que tout le monde a une chance de participer à l’ancien rituel de l’observation.</p> <p>L’obsession des cerisiers en fleurs peut sembler triviale, mais le <em>hanami</em> rassemble les gens à une époque où la plupart des communications se font virtuellement et à distance, réunissant des membres de la famille, des amis, des collègues de travail et parfois même des étrangers, comme cela m’est arrivé lorsque je vivais au Japon.</p> <p>L’observation des <em>sakura</em> témoigne également de la relation unique que le Japon moderne entretient avec sa propre histoire. En même temps, cela nous rappelle que l’impermanence est peut-être la seule constante de la vie.</p> <h4 style="text-align: center;"><a href="https://images.theconversation.com/files/580005/original/file-20240305-23810-vdbysn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img src="https://images.theconversation.com/files/580005/original/file-20240305-23810-vdbysn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" alt="Deux rangées de grands arbres avec des grappes de fleurs roses de part et d’autre d’une allée" /></a><em><span>Les cerisiers, avec leurs jolies fleurs, sont arrivés à Washington D.C. comme un cadeau du Japon.</span> <span><a href="https://www.flickr.com/photos/dannyfowler/4469426717">Danny Navarro/Flickr</a>, <a href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></em></h4> <p>Aujourd’hui, les cerisiers en fleurs sont célébrés au printemps <a href="https://localadventurer.com/places-to-see-cherry-blossoms-in-the-world/">partout dans le monde</a>, encourageant l’appréciation de l’impermanence par l’observation de la nature.<img src="https://counter.theconversation.com/content/225513/count.gif?distributor=republish-lightbox-basic" alt="The Conversation" width="1" height="1" /></p> <hr /> <h4><span><a href="https://theconversation.com/profiles/malgorzata-gosia-k-citko-duplantis-1515126">Małgorzata (Gosia) K. Citko-DuPlantis</a>, Assistant Professor in Japanese Literature and Culture, <em><a href="https://theconversation.com/institutions/university-of-tennessee-688">University of Tennessee</a></em></span></h4> <h4>Cet article est republié à partir de <a href="https://theconversation.com">The Conversation</a> sous licence Creative Commons. Lire l’<a href="https://theconversation.com/celebrer-les-fleurs-de-cerisier-ou-la-poesie-de-limpermanence-225513">article original</a>.</h4>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'celebrer-les-fleurs-de-cerisier-ou-la-poesie-de-l-impermanence', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 20, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => 'https://theconversation.com/celebrer-les-fleurs-de-cerisier-ou-la-poesie-de-limpermanence-225513', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 5, 'person_id' => (int) 85, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'comments' => [[maximum depth reached]], 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Posts' }, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 4823, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => true, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => null, 'readed' => null, 'subhead' => null, 'title' => 'Dérapage de la RTS?', 'subtitle' => 'Après l'émission «Les Beaux Parleurs» du 17 mars dernier, la RTS a exprimé des «regrets» pour les propos «outranciers» du chroniqueur Slobodan Despot, tenus à propos des pays baltes. 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Mais puisque la RTS estime nécessaire d’exprimer des «regrets» pour les «propos outranciers» tenus par Slobodan Despot, quelques questions s’imposent:</p> <p><strong>1.</strong> Pourquoi, si les propos n’y sont pas si libres que ça, l'émission «Les Beaux Parleurs» est-elle toujours présentée comme un «talk show» sur le site de la RTS?</p> <p><strong>2.</strong> Si la RTS juge bon d’exprimer ses «regrets» pour des «propos outranciers», il est à supposer que sa charte a été enfreinte par Slobodan Despot. Dans ce cas, il serait bon de spécifier aux <a href="https://www.24heures.ch/la-rts-regrette-les-propos-outranciers-de-slobodan-despot-739244121528" target="_blank" rel="noopener">lecteurs de <em>24 Heures</em></a> quels passages plus précisément. La charte de la RTS dit notamment ceci: «une responsabilité particulière dans la recherche de la vérité, l’impartialité, la pluralité et le respect de la personne.» En décrivant des éléments factuels, Slobodan Depot a fait preuve de recherche de la vérité. Il représente l’un des éléments nécessaires à la pluralité d’opinion censément chère à la RTS et n’a manqué de respect envers personne au travers de ses propos. Où est donc le problème? De quelle liberté d’expression et de quelle pluralité d’opinion la RTS se targue-t-elle exactement, si elle «regrette» des propos tenus par l’un de ses chroniqueurs?</p> <p><strong>3.</strong> De par sa «responsabilité particulière dans la recherche de la vérité», pourquoi la RTS n’a-t-elle pas spécifié aux journalistes de <em>24 Heures</em> que Slobodan Despot a décrit des événements factuels et avérés en donnant les sources y relatives?</p> <p><strong>4.</strong> S la RTS «regrette» les propos «outranciers» de Slobodan Despot, pourquoi n’a-t-elle pas fait de même lorsque Coline de Senarclens a déclaré dans cette même émission, le 25 février dernier, que «la binarité homme femme, c’est une idéologie (…) et anti-scientifique.» Cette déclaration pourrait être considérée comme un manque de respect envers l’immense majorité des Suisses romands qui ont encore le culot de penser qu’ils sont des hommes ou des femmes parce qu’ils sont nés hommes ou femmes. Certaines des personnes visées (notamment les 23'000 parents ayant signé la pétition du Collectif Parents) ont potentiellement pu se sentir agressées par ces propos. Elles n’en ont pas fait toute une histoire car elles savent que «Les Beaux Parleurs» est une émission de débat et que la liberté d’expression est (pardon, devrait être) l’un des piliers de toute démocratie qui se respecte.</p> <p><strong>5.</strong> Comment la RTS peut-elle justifier qu’elle remplit toujours son mandat de service public si elle décide de manière aléatoire (ou partiale?) de s’excuser pour certains propos, prétendument d’extrême droite, alors qu’elle ne s’excuse pas pour certains propos semblant relever de l’extrême gauche? Qui, au sein de la RTS, décide du moment auquel il faut ou non exprimer des «regrets»? 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Le battage médiatique fait autour des propos d'un chroniqueur interroge donc sur l'état de cette démocratie.</p> <p>Toute cette histoire est une non-affaire, qui me rappelle tristement deux autres non-affaires arrivées il y a pile trois ans et ressemblant en de nombreux points à celle-ci: quelqu’un a été payé pour effectuer un travail précis. Il accomplit ce travail selon les termes du contrat. Qu’on le laisse faire ce travail. 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Toutefois, si, selon les dernières informations sur le sujet, chaque événement devrait avoir sa cérémonie d’ouverture et de clôture, le paralympisme et l’olympisme semblent plus étroitement associés que jamais.</p> <p>Pourtant cela était loin d’être évident. L’histoire des Jeux paralympiques est complexe, posant la question de la définition du handicap. À partir de Jeux sportifs uniquement organisés pour des personnes blessées de la colonne vertébrale en fauteuil roulant (créés en 1948), ils concernent peu à peu, à partir des années 1970, des personnes ayant d’autres types de déficiences.</p> <p>La forme retenue pour les épreuves parisiennes de cet été avec 22 parasports (les sports au programme des Jeux paralympiques) résulte d’un long processus <a href="https://theconversation.com/les-jeux-paralympiques-comment-tout-commenca-il-y-a-70-ans-99390#:%7E:text=Les%20premiers%20Jeux%20de%20Stoke,un%20bus%20de%20transport%20adapt%C3%A9">qui commence le 29 juillet 1948</a>, quand est donné à Londres le coup d’envoi de la XIV<sup>e</sup> olympiade. À cette date, le <a href="https://www.dicolympique.fr/guttmann-ludwig-1899-1980-allemagne-grande-bretagne/">neurochirurgien Ludwig Guttmann</a> organise à l’hôpital de Stoke Mandeville tout proche une compétition de tir à l’arc entre 16 blessés de la colonne vertébrale en fauteuil roulant, vétérans de la Seconde Guerre mondiale.</p> <p>D’origine allemande, Guttmann est l’inventeur de pratiques rééducatives à partir de jeux sportifs. Au fil des années 1950, ses Jeux de Stoke rassemblent de plus en plus de participants et commencent à s’internationaliser. Réservés aux paralysés en fauteuil roulant, ils se tiennent chaque été au sein de l’enceinte hospitalière. En 1952, ils accueillent une délégation néerlandaise, avec 5 compétitions au programme : tir à l’arc, netball, javelot, tennis de table et billard ; la natation fait l’objet de démonstrations. En 1953, des <a href="https://hal.science/hal-01681465">Français, Australiens, Canadiens, Finlandais, Israéliens et Sud-Africains rejoignent l’événement</a>.</p> <p>Ces Jeux de Stoke continuent de s’inscrire dans une logique rééducative et Guttmann organise à cette occasion un congrès médical annuel <a href="https://theconversation.com/les-jeux-paralympiques-comment-tout-commenca-il-y-a-70-ans-99390">sur les avancées dans le traitement des blessés de la colonne vertébrale</a>.</p> <h3>Logique médicale persistante</h3> <p>C’est leur délocalisation à Rome en 1960, dans la foulée des JO, qui va partiellement changer la donne. Si la dimension sportive s’affirme davantage, ils restent inscrits dans l’univers de la rééducation des blessés de la colonne vertébrale. Cette délocalisation est rendue possible grâce aux liens entre Ludwig Guttmann et Antonio Maglio, un confrère italien qui a fondé un centre de rééducation pour paraplégiques proche de la capitale italienne. 400 sportifs, tous en fauteuil, originaires de 23 pays, concourent dans huit disciplines. Bénéficiant des infrastructures olympiques, ils quittent l’univers hospitalier, mais restent encadrés par une logique médicale. En témoignent les ministres venus soutenir les sportifs. Ces « Jeux para-olympiques » s’ouvrent en présence du ministre de la santé italien mais sans le ministre des sports. Ce sera la même chose quatre ans plus tard à Tokyo. Reste qu’une dynamique est alors enclenchée : elle aboutira en 1989 à la création du Comité international paralympique (CIP).</p> <p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p> <p>Les Jeux paralympiques désignent alors un événement reconnu par le CIO impliquant des athlètes ayant divers types d’incapacités (en réalité « capable autrement »). Le para ne signifie plus « pour les paralysés », <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/1466424007077348">mais « parallèles » aux Jeux olympiques</a>.</p> <p>Mais avant d’en arriver là, bien des querelles devront être dépassées.</p> <h3>Dynamique compétitive</h3> <p>En effet, dans les années 60, des voix s’élèvent en faveur de l’ouverture aux amputés et aux aveugles, ce que désapprouve la fédération de Stoke qui reste centrée sur le sport en fauteuil roulant des personnes blessées de la colonne vertébrale. En 1964 à Tokyo, une rencontre sportive « tous handicaps » a lieu, en marge des Jeux para-olympiques, pour les non paralysés. En 1968, les Jeux para-olympiques ont lieu à Tel-Aviv et restent encore réservés aux seuls paralysés en fauteuil. Cependant, peu à peu l’objectif initial de rééducation cède la place au désir de se rapprocher du schéma compétitif olympique et de l’image du champion.</p> <p>Bien que Guttmann soit opposé à cette perspective compétitive pour tous les types de déficience, l’objectif des athlètes et de certaines fédérations nationales – dont la France – s’oriente inexorablement vers la mise à distance de la tutelle médicale afin de se rapprocher de l’univers sportif et de ses instances nationales et internationales.</p> <h3>Rapprochements progressifs</h3> <p>Les années 1970 confirment ce basculement, les compétitions accueillant progressivement de nouveaux types de déficiences en catégorisant les athlètes selon leurs capacités.</p> <p>Il s’agit de permettre leur participation, tout en assurant l’égalité des chances et la logique compétitive du sport. Ainsi, l’intégration de nouveaux sportifs dotés de caractéristiques spécifiques implique une réflexion sur la mise en place de classifications fonctionnelles au regard de leurs capacités et de l’incidence qu’elles ont sur leurs performances.</p> <p>En 1972, lors des Jeux paralympiques de Heidelberg (les JO se déroulent à Munich), les déficients visuels sont autorisés à participer <a href="https://www.handisport.org/les-29-sports/goalball/">à des épreuves d’exhibition en goalball</a> et au 100 mètres sprint. Parallèlement, des amputés entrent sur le stade pour manifester leur mécontentement, comme le rappelle feu <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/09523367.2014.931842">l’entraîneur d’athlétisme Christian Paillard</a> de la fédération française : « Qu’est-ce que je vois arriver ? Des amputés avec de grandes banderoles ! Ils ont fait un sit-in sur la piste en disant : « Nous aussi, on veut participer aux Jeux ! »</p> <p>Il faudra attendre quatre années supplémentaires et les Jeux de Toronto en 1976 pour qu’amputés et déficients visuels soient officiellement autorisés à concourir. Soucieuse de visibilité, chaque catégorie de handicap fonde sa propre fédération internationale et en 1982, un comité (ICC) est créé pour les coordonner et opérer un rapprochement avec le Comité international olympique (CIO).</p> <p>Aux JO de Los Angeles en 1984, des épreuves en fauteuil hors compétition figurent au programme, dans le but de promouvoir le sport pour handicapés. Cette première représentation des pratiques paralympiques lors des Jeux olympiques provoque la colère des amputés qui se sentent exclus. Elle fait planer un risque de scission sur le mouvement.</p> <p>Malgré une situation de crise, les Jeux paralympiques sont maintenus en 1984, mais ils scindés en deux : les sportifs en fauteuils concourent à New York, et tous les autres à Stoke. En 1986, deux fédérations internationales s’agrègent au mouvement : celle des sportifs sourds et celles pour les sportifs ayant des déficiences intellectuelles.</p> <p>Plus de deux décennies après Tokyo (1964), les Jeux de Séoul (1988) sont l’occasion de réunir de nouveau les JO et les Jeux paralympiques sur un même site. Du jamais vu depuis 1964.</p> <p>En 1989, la création du Comité international paralympique (CIP) achève l’alignement sur l’olympisme et la projection vers un événement unique organisé en partenariat avec le CIO : les Jeux olympiques et paralympiques (JOP) se tiendront désormais obligatoirement sur le même site. Cette obligation ne sera finalement appliquée qu’à partir de 1996 à Atlanta, les Jeux paralympiques de 1992 se déroulant à la fois à Barcelone (pour les déficients physiques) et à Madrid (pour les déficients intellectuels), alors que les JO se tenaient à Barcelone.</p> <h3>Un désir de pratiquer comme les autres</h3> <p>Le mouvement d’intégration n’est pourtant pas achevé et reste un motif de tensions. En 1995, la fédération des sportifs sourds fait le choix de se retirer pour préférer une pratique entre personnes sourdes affirmant leur culture singulière, ou, pour les plus performantes, au sein des JO. Les sourds n’ont finalement jamais participé aux Jeux paralympiques.</p> <p>Parallèlement, si des déficients intellectuels intègrent pour la première fois les épreuves paralympiques en 1992, leur participation n’est pas sans poser problème. Lors du tournoi de basket-ball de Sydney (2000), il s’avère que plusieurs joueurs de l’équipe espagnole ayant remporté le tournoi <a href="https://www.liberation.fr/sports/2000/11/25/de-faux-handicapes-pour-de-vraies-medailles_345658/">n’ont en réalité pas de déficience cognitive</a>. La médaille d’or est restituée et, ne sachant pas comment assurer une sélection fiable de ce type de sportifs, le CIP suspend leur participation. Il faudra attendre Londres (2012) pour qu’ils soient réintégrés.</p> <p>Le désir de <a href="https://www.youtube.com/watch?v=tuAPPeRg3Nw">pratiquer « comme les autres »</a> produit une force agrégative qui conduit peu à peu à rompre le lien avec le monde médical. L’aspiration à la norme oblige, paradoxalement, à inventer des épreuves adaptées dans lesquelles chacun peut mettre en valeur ses capacités.<img src="https://counter.theconversation.com/content/222714/count.gif?distributor=republish-lightbox-basic" alt="The Conversation" width="1" height="1" /></p> <hr /> <p> </p> <h4><span><a href="https://theconversation.com/profiles/sylvain-ferez-492612">Sylvain Ferez</a>, Maître de conférences (HDR), sociologie, <em><a href="https://theconversation.com/institutions/universite-de-montpellier-2403">Université de Montpellier</a></em> et <a href="https://theconversation.com/profiles/sebastien-ruffie-1508656">Sébastien Ruffie</a>, Professeur des Universités en sciences sociales, <em><a href="https://theconversation.com/institutions/universite-des-antilles-3481">Université des Antilles</a></em></span></h4> <h4>Cet article est republié à partir de <a href="https://theconversation.com">The Conversation</a> sous licence Creative Commons. Lire l’<a href="https://theconversation.com/jeux-paralympiques-de-la-reeducation-des-blesses-de-guerre-a-la-celebration-de-la-diversite-222714">article original</a>.</h4>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'jeux-paralympiques-de-la-reeducation-des-blesses-de-guerre-a-la-celebration-de-la-diversite', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 20, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => 'https://theconversation.com/jeux-paralympiques-de-la-reeducation-des-blesses-de-guerre-a-la-celebration-de-la-diversite-222714', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 11, 'person_id' => (int) 85, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'comments' => [[maximum depth reached]], 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Posts' }, (int) 3 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 4804, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => true, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => null, 'readed' => null, 'subhead' => null, 'title' => 'Des tardigrades sont-ils en train de coloniser la Lune?', 'subtitle' => 'Le 22 février 2019, une sonde spatiale, c’est-à-dire sans équipage, était mise en orbite autour de la Lune avec comme objectif d’alunir. 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La vitesse était trop grande pour être suffisamment ralentie de sorte qu’elle s’écrasa à plus de 3 000 km/h sur notre satellite.</p> <p>Le choc fut terrible et la sonde se dispersa sur une centaine de mètres. On le sait car l’impact a été photographié par le satellite LRO (Lunar Reconnaissance Orbiter) de la NASA.</p> <p><a href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File :Beresheet_Crash_Site_Spotted_LRO_02.gif"><img src="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/6/6b/Beresheet_Crash_Site_Spotted_LRO_02.gif/512px-Beresheet_Crash_Site_Spotted_LRO_02.gif" alt="Beresheet Crash Site Spotted LRO 02" width="512" /></a></p> <p>Que sont devenus les tardigrades ? Ont-ils survécus et si oui peuvent-ils coloniser la Lune ? La Lune est-elle contaminée ?</p> <h3>Des animaux à l'épreuve de (presque) tout</h3> <p>Les tardigrades sont des animaux microscopiques. Ils mesurent moins d’un millimètre de long. La plupart possèdent deux yeux, mais tous ont des neurones, un orifice buccal au bout d’une trompe rétractile, un intestin contenant un microbiote et quatre paires de pattes non articulées et terminées par des griffes. Ces animaux partagent un ancêtre commun avec les arthropodes comme les insectes ou les arachnides.</p> <p>La majorité se rencontre dans des environnements aquatiques, mais ils occupent tous les milieux, même urbains. <a href="https://biophysique.mnhn.fr/fr/annuaire/emmanuelle-delagoutte-9017">Emmanuelle Delagoutte</a>, chargée de recherche au CNRS, les récolte dans les mousses et les lichens du Jardin des plantes au Muséum à Paris. Les tardigrades ont besoin d’être entourés d’un film d’eau pour rester actifs, se nourrir de microalgues comme des chlorelles, grandir, se mouvoir et se reproduire. Ils se reproduisent de manière sexuée ou asexuée via la parthénogenèse, c’est-à-dire à partir d’un ovule non fécondé, ou l’hermaphrodisme lorsqu’un individu, qui possède à la fois des gamètes mâles et femelles, s’autoféconde. Après l’éclosion de l’œuf, la vie d’un tardigrade sous forme active dure de 3 à 30 mois. Au total, <a href="https://link.springer.com/book/10.1007/978-3-319-95702-9">1265 espèces ont été décrites</a>, dont deux fossiles.</p> <p>Les tardigrades sont célèbres du fait de leur résistance à des conditions n’existant ni sur la Terre ni sur la Lune. Ils peuvent en effet mettre leur métabolisme à l’arrêt, notamment en perdant jusqu’à 95 % de leur eau corporelle. Certaines espèces synthétisent un sucre, le tréhalose, qui fait office d’antigel, d’autres des protéines dont on pense qu’elles incorporent les constituants cellulaires dans un réseau amorphe « vitreux », offrant ainsi résistance et protection à chaque cellule.</p> <p>La déshydratation déforme le corps dont la taille peut diminuer de moitié. Les pattes disparaissent, seules les griffes sont encore visibles. Cet état appelé cryptobiose persiste jusqu’à ce que les conditions redeviennent favorables.</p> <p>Cependant, selon les espèces, les individus ont besoin de plus ou moins de temps pour se déshydrater et tous les spécimens d’une même espèce ne parviennent pas à revenir à la vie active.</p> <p>Les adultes déshydratés survivent quelques minutes à des températures de – 272 °C ou 150 °C, et sur le long terme à des doses élevées de rayons gamma de 1 000 ou 4 400 Gray (Gy) selon l’espèce. 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Certains sont-ils toujours viables, ensevelis sous le régolithe, la poussière lunaire dont la profondeur varie de quelques mètres à quelques dizaines de mètres ?</p> <p>Tout d’abord, il faut qu’ils aient survécu à l’impact. <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/33978458/">Des tests au laboratoire</a> ont montré que des spécimens congelés de l’espèce <em>Hypsibius dujardini</em> étaient intacts après un choc à 2600 km/h sous vide sur du sable mais étaient mutilés au-delà de 3000 km/h.</p> <p>Ils doivent ensuite résister à l’absence d’eau et supporter un froid de – 170 à -190 °C durant la nuit lunaire et une chaleur de 100 à 120 °C durant le jour. Un jour ou une nuit lunaire dure longtemps, soit un peu moins de 15 jours terrestres. 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Mais des spécimens sont sur le sol lunaire et leur présence pose des questions éthiques comme le souligne <a href="https://www.prindleinstitute.org/2019/09/the-ethics-of-sending-life-to-the-moon-and-beyond/">Matthew Silk</a> écologue à l’université d’Édimbourg. Parmi ces questions, il en est une sur le plan scientifique. A l’heure où l’exploration spatiale repart tous azimuts, contaminer d’autres planètes nous fera-t-il perdre la possibilité de chercher la vie extraterrestre ?</p> <hr /> <h4><em>L’auteur remercie chaleureusement Emmanuelle Delagoutte et Cédric Hubas du Muséum de Paris, ainsi que Robert Wimmer-Schweingruber de l’Université de Kiel, pour leur lecture critique du texte et leurs conseils.</em><img src="https://counter.theconversation.com/content/220910/count.gif?distributor=republish-lightbox-basic" alt="The Conversation" width="1" height="1" /></h4> <h4><span><a href="https://theconversation.com/profiles/laurent-palka-1305597">Laurent Palka</a>, Maître de conférences, <em><a href="https://theconversation.com/institutions/museum-national-dhistoire-naturelle-mnhn-2191">Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)</a></em></span></h4> <h4>Cet article est republié à partir de <a href="https://theconversation.com">The Conversation</a> sous licence Creative Commons. 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