Centre de recherche et d’archivage de Penthaz. © Roger Frei. OFCL
A l'occasion de l'inauguration du centre de recherche et d'archivage cinématographique de Penthaz, qui aura lieu les 6 et 7 septembre prochains, Bon pour la tête s'est entretenu avec Frédéric Maire, directeur de la Cinémathèque suisse, qui livre ses analyses entre deux sauts dans le temps.
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Mais il n’empêche que les conditions ne sont pas les mêmes d’un côté et de l’autre de la Sarine. Les cinéastes alémaniques travaillent dans une totale révolte et indépendance par rapport à un establishment qui est beaucoup plus dur du côté de Zurich que du côté romand. En Suisse alémanique, il y a une industrie du cinéma, avec la Praesens Film, la Gloria Film, etc. Or, les nouveaux cinéastes alémaniques veulent faire un cinéma totalement indépendant, libre. Ils y parviennent notamment via le documentaire d’Alexandre Seiler, <em>Siamo Italiani, </em>qui évoque l’émigration italienne en Suisse et le travail des saisonniers.</p> <p>Il n’y a pas de cinéma à l’époque en Suisse romande. Les romands, à l’instar de Tanner, Soutter et Goretta, travaillent eux pour la télévision, Ils créent leur cinéma en alternant documentaires et fictions autonomes réalisés avec le soutien de la télévision. 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Quant aux cinéastes tessinois, ils n’existent presque pas à ce moment-là. Renato Berta a travaillé en Suisse, en Allemagne et en Italie. D’origine alémanique, mais vivant au Tessin, Villi Hermann est le premier Tessinois qui remporte un Léopard d’argent en 1977 avec son film <em>San Gottardo</em>. Présenté dans sa version restaurée par la Cinémathèque suisse il y a deux ans à Locarno, ce film traite de l’exploitation des deux tunnels du Gothard, le ferroviaire de 1900 et le routier d’aujourd’hui.</p> <p><strong>Sur quel terreau artistique et intellectuel a émergé l’œuvre de Fredi M. Murer?</strong></p> <p>Une très grande créativité régnait au niveau alémanique dans les années 1960. Murer est un des cinéastes les plus intéressants car il était aussi l’un des plus expérimentaux. Il a cherché à se démarquer du cinéma dominant de l’époque américain et alémanique. Ce dernier était représenté par le Heimat Film, avec ses déclinaisons bucoliques comme <em>Uli der Knecht, Uli der Pächter, Heidi, Heidi und Peter </em>de Franz Schnyder, Les nouveaux cinéastes alémaniques voulaient s’extraire de ce modèle. On se référait à la Suisse de l’accueil du mouvement Dada, au ferment culturel de l’entre-deux-guerres. Ce dernier s’était effrité, car les artistes étaient repartis aux Etats-Unis ou étaient parfois même retournés en Allemagne après la Seconde Guerre mondiale. D’un autre côté, il y avait les 'artistes intérieurs'. Ces personnes ont été rejetées ou internées de force, comme Armand Schulthess et Adolf Wölfli. Ils ont fini dans des asiles et ils ont été filmés, que ce soit par Fredi M. Murer ou par d’autres, comme Hans-Ulrich Schlumpf. Un des films très emblématiques pour la période est <em>Vision of a blind man</em> de Fredi M. Murer. Il a été filmé dans la ville de Zurich uniquement au son. L’idée était de montrer la ville telle qu’on la perçoit si on l’écoute sans la voir.</p> <p>Alexandre J. Seiler, Reni Mertens, Walter Marti et Jürg Hassler ont réalisé des films en marge. Mais ils vont trouver plus tard d’autres débouchés. Les Romands, eux, pouvaient réaliser des films dans des conditions meilleures, non seulement parce qu’ils travaillent à la télévision, mais parce qu’ils utilisent son matériel. Cette interaction entre le cinéma et le petit écran a eu une influence créative très importante. Les Alémaniques étaient, pour ainsi dire, dans un ghetto qui les empêchait de montrer des films. Dans ce contexte, il est très important d’évoquer le Festival du film de Soleure, qui démarre en 1966. Les Journées cinématographiques donnèrent une visibilité à des films expérimentaux de Suisse alémanique invisibles jusqu’alors. Elles ont joué un rôle essentiel de ciment de la profession.</p> <p><strong>Revenons au travail de Murer. Une nostalgie de l’enfance anime-t-elle son œuvre? Peut-on la comparer avec celle des cinéastes romands du Groupe 5?</strong></p> <p>Murer explore la ville. En même temps, il va très vite aussi interroger des montagnards. Il va faire ce grand écart que très peu de gens ont effectué, car les cinéastes de la nouvelle vague sont foncièrement des cinéastes urbains. Leur perception est celle de la ville déshumanisée.</p> <p>Cependant, Murer ne regarde pas les paysans comme les regarde, par exemple, la cinéaste Jacqueline Veuve. Ses héros sont comme des personnages de légende: mythiques, qui vont au-delà de leur identité contextuelle. Sa caméra ouvre à quelque chose d’universel. Il n’enferme pas ses personnages dans un cadre ethnographique trop restreint. Je rapprocherais Murer d’un cinéaste comme Jean Rouch, à l’instar de l’esprit qui prévaut dans les fiction-documentaires que ce dernier a construit avec ses camarades africains.</p> <p>Quant à la nostalgie pour l’enfance, elle s’affirme chez Murer après <em>Hohenfeuer. </em>En effet, dans ce dernier, le rapport à l'enfance est pénible et compliqué<em>. Vitus</em> et <em>Vollmond</em> sont cependant certainement des expressions d’un retour à l’enfance. <em>Vollmond </em>affirme que ce sont les enfants qui vont sauver le monde de son autodestruction. Par rapport aux cinéastes du Groupe 5, il va plus loin. Alain Tanner est très politique. Beaucoup de choses passent chez lui par le langage. Il travaille et se pose des questions ici et maintenant. Il n’utilise pas une vision de type dystopique comme Murer pour arriver à ses fins. Ensuite, il y a une dimension poétique et ironique dans le cinéma de Claude Goretta, comme cela peut être le cas dans son film <em>L’invitation</em>. Mais Goretta s’est plutôt tourné vers le passé pour parler d’aujourd’hui. Soutter, lui, s’intéresse à la psychologie et au présent. Son cinéma est très poétique. Il s’interroge aussi sur les voies de la création cinématographique. Le seul cinéaste du Groupe 5 vraiment comparable à Murer est Jean-Louis Roy. Ce dernier est le seul à réaliser un film d’espionnage totalement déjanté, <em>L’inconnu de Shandigor, </em>avec Serge Gainsbourg comme acteur<em>. </em>Et surtout avec <em>Black Out</em>, l’histoire de ce couple d’un certain âge qui, par peur de ce monde qui est train de s’écrouler autour d’eux, décide de se barricader à l’intérieur de sa villa de la banlieue genevoise. A l’instar de Roy, Murer exploite le registre du fantastique. Son sketch de <em>Swissmade</em> est une vraie petite science-fiction. <em>Grauzone</em> a été programmé par le Festival du film fantastique de Neuchâtel (NIFF). Ce film est unique dans le paysage du cinéma suisse. Murer arrive, à partir du quotidien, à créer une mythologie autour de ses figures. En cela, ses films sont intemporels. Il est le seul cinéaste suisse à avoir approché de façon évidente le genre fantastique. Cela le rend vraiment unique, y compris au sein de ses camarades alémaniques (Markus Imhoof, Thomas Körfer, etc).</p> <hr /> <h2><strong>La mission du centre de recherche et d’archivage de Penthaz</strong></h2> <p>Inauguré officiellement le 6 septembre prochain, le centre de Penthaz est le premier bâtiment construit entièrement avec de l’argent de la Confédération destiné au cinéma en Suisse. Cinéastes, chercheurs, étudiants et toutes les personnes intéressées pourront ainsi accéder à la mémoire du cinéma suisse et du cinéma en Suisse. «Notre travail de conservation et de restauration est effectué avec l’aide, notamment, de Memoriav, de la RTS et de la SRF. Il concerne à la fois des films inconnus, des films d’entreprise, des films de commande ou encore d’autres films provenant d’archives privées, du Ciné-Journal suisse ou liés à des événements de l’histoire suisse, comme par exemple le premier film sur la Fête des Vignerons qui date de 1905», explique Frédéric Maire. La Cinémathèque suisse conserve l’un des dix plus grands patrimoines d’archives cinématographiques au monde avec la National Film Registry de la Library of Congress, le Gosfilmofond de Moscou, le British Film Institute à Londres, la Cinémathèque royale de Bruxelles, la Cineteca nazionale à Rome, etc. «L’activité débordante de Freddy Buache, son fondateur, et de ses collaborateurs explique que les archives se sont très vites enrichies de dons de cinéastes amis, de cinémathèques sœurs comme la Cinémathèque française. En plus de ces dons, il y a eu également des dépôts de distributeurs. Nous conservons non seulement des films mais aussi des affiches, des dossiers de presse, des correspondances de cinéastes, des scénarios et d’autres documents d’archives et même des objets comme, par exemple, une partie des marionnettes et des décors de <em>Ma vie de Courgette»</em>, conclut Frédéric Maire.</p> <hr /> <p> </p>', 'content_edition' => null, 'slug' => 'restaurer-un-patrimoine-visionnaire', 'headline' => false, 'homepage' => 'col-md-12', 'like' => (int) 723, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1871, 'homepage_order' => (int) 2128, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 6, 'person_id' => (int) 85, 'post_type_id' => (int) 1, 'poster_attachment' => null, 'editions' => [[maximum depth reached]], 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'attachments' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'comments' => [[maximum depth reached]], 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Posts' }, 'relatives' => [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Post) {}, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Post) {}, (int) 2 => object(App\Model\Entity\Post) {}, (int) 3 => object(App\Model\Entity\Post) {} ], 'embeds' => [], 'images' => [ (int) 0 => object(Cake\ORM\Entity) {} ], 'audios' => [], 'comments' => [], 'author' => 'Bon pour la tête', 'description' => 'A l'occasion de l'inauguration du centre de recherche et d'archivage cinématographique de Penthaz, qui aura lieu les 6 et 7 septembre prochains, Bon pour la tête s'est entretenu avec Frédéric Maire, directeur de la Cinémathèque suisse, qui livre ses analyses entre deux sauts dans le temps.', 'title' => 'Honorer un patrimoine visionnaire', 'crawler' => true, 'connected' => null, 'menu_blocks' => [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Block) {}, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Block) {} ], 'menu' => [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Category) {}, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Category) {}, (int) 2 => object(App\Model\Entity\Category) {}, (int) 3 => object(App\Model\Entity\Category) {}, (int) 4 => object(App\Model\Entity\Category) {}, (int) 5 => object(App\Model\Entity\Category) {}, (int) 6 => object(App\Model\Entity\Category) {}, (int) 7 => object(App\Model\Entity\Category) {}, (int) 8 => object(App\Model\Entity\Category) {}, (int) 9 => object(App\Model\Entity\Category) {}, (int) 10 => object(App\Model\Entity\Category) {}, (int) 11 => object(App\Model\Entity\Category) {}, (int) 12 => object(App\Model\Entity\Category) {} ] ] $bufferLevel = (int) 1 $referer = 'https://dev.bonpourlatete.com/like/1852' $OneSignal = '8a2ea76e-2c65-48ce-92e5-098c4cb86093' $_serialize = [ (int) 0 => 'post' ] $post = object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 1852, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => false, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => 'NORMAL', 'readed' => null, 'subhead' => 'CULTURE / Histoire du cinéma', 'title' => 'Honorer un patrimoine visionnaire', 'subtitle' => 'A l'occasion de l'inauguration du centre de recherche et d'archivage cinématographique de Penthaz, qui aura lieu les 6 et 7 septembre prochains, Bon pour la tête s'est entretenu avec Frédéric Maire, directeur de la Cinémathèque suisse, qui livre ses analyses entre deux sauts dans le temps.', 'subtitle_edition' => null, 'content' => '<hr /> <p style="text-align: center;"><strong>Emmanuel Deonna</strong></p> <p style="text-align: center;"><strong>Chercheur en sciences sociales, journaliste indépendant et Président de la Commission Migration, intégration et Genève internationale</strong></p> <hr /> <p>Le Festival du film de Locarno a rendu hommage au fondateur de la Cinémathèque suisse Freddy Buache, historien et critique de cinéma mondialement connu, disparu très récemment, par la projection sur la Piazza Grande du court-métrage de Jean-Luc Godard <em>Lettre à Freddy Buache</em> (1982). 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Quant aux cinéastes tessinois, ils n’existent presque pas à ce moment-là. Renato Berta a travaillé en Suisse, en Allemagne et en Italie. D’origine alémanique, mais vivant au Tessin, Villi Hermann est le premier Tessinois qui remporte un Léopard d’argent en 1977 avec son film <em>San Gottardo</em>. Présenté dans sa version restaurée par la Cinémathèque suisse il y a deux ans à Locarno, ce film traite de l’exploitation des deux tunnels du Gothard, le ferroviaire de 1900 et le routier d’aujourd’hui.</p> <p><strong>Sur quel terreau artistique et intellectuel a émergé l’œuvre de Fredi M. Murer?</strong></p> <p>Une très grande créativité régnait au niveau alémanique dans les années 1960. Murer est un des cinéastes les plus intéressants car il était aussi l’un des plus expérimentaux. Il a cherché à se démarquer du cinéma dominant de l’époque américain et alémanique. Ce dernier était représenté par le Heimat Film, avec ses déclinaisons bucoliques comme <em>Uli der Knecht, Uli der Pächter, Heidi, Heidi und Peter </em>de Franz Schnyder, Les nouveaux cinéastes alémaniques voulaient s’extraire de ce modèle. On se référait à la Suisse de l’accueil du mouvement Dada, au ferment culturel de l’entre-deux-guerres. Ce dernier s’était effrité, car les artistes étaient repartis aux Etats-Unis ou étaient parfois même retournés en Allemagne après la Seconde Guerre mondiale. D’un autre côté, il y avait les 'artistes intérieurs'. Ces personnes ont été rejetées ou internées de force, comme Armand Schulthess et Adolf Wölfli. Ils ont fini dans des asiles et ils ont été filmés, que ce soit par Fredi M. Murer ou par d’autres, comme Hans-Ulrich Schlumpf. Un des films très emblématiques pour la période est <em>Vision of a blind man</em> de Fredi M. Murer. Il a été filmé dans la ville de Zurich uniquement au son. L’idée était de montrer la ville telle qu’on la perçoit si on l’écoute sans la voir.</p> <p>Alexandre J. Seiler, Reni Mertens, Walter Marti et Jürg Hassler ont réalisé des films en marge. Mais ils vont trouver plus tard d’autres débouchés. Les Romands, eux, pouvaient réaliser des films dans des conditions meilleures, non seulement parce qu’ils travaillent à la télévision, mais parce qu’ils utilisent son matériel. Cette interaction entre le cinéma et le petit écran a eu une influence créative très importante. Les Alémaniques étaient, pour ainsi dire, dans un ghetto qui les empêchait de montrer des films. Dans ce contexte, il est très important d’évoquer le Festival du film de Soleure, qui démarre en 1966. Les Journées cinématographiques donnèrent une visibilité à des films expérimentaux de Suisse alémanique invisibles jusqu’alors. Elles ont joué un rôle essentiel de ciment de la profession.</p> <p><strong>Revenons au travail de Murer. Une nostalgie de l’enfance anime-t-elle son œuvre? Peut-on la comparer avec celle des cinéastes romands du Groupe 5?</strong></p> <p>Murer explore la ville. En même temps, il va très vite aussi interroger des montagnards. Il va faire ce grand écart que très peu de gens ont effectué, car les cinéastes de la nouvelle vague sont foncièrement des cinéastes urbains. Leur perception est celle de la ville déshumanisée.</p> <p>Cependant, Murer ne regarde pas les paysans comme les regarde, par exemple, la cinéaste Jacqueline Veuve. Ses héros sont comme des personnages de légende: mythiques, qui vont au-delà de leur identité contextuelle. Sa caméra ouvre à quelque chose d’universel. Il n’enferme pas ses personnages dans un cadre ethnographique trop restreint. Je rapprocherais Murer d’un cinéaste comme Jean Rouch, à l’instar de l’esprit qui prévaut dans les fiction-documentaires que ce dernier a construit avec ses camarades africains.</p> <p>Quant à la nostalgie pour l’enfance, elle s’affirme chez Murer après <em>Hohenfeuer. </em>En effet, dans ce dernier, le rapport à l'enfance est pénible et compliqué<em>. Vitus</em> et <em>Vollmond</em> sont cependant certainement des expressions d’un retour à l’enfance. <em>Vollmond </em>affirme que ce sont les enfants qui vont sauver le monde de son autodestruction. Par rapport aux cinéastes du Groupe 5, il va plus loin. Alain Tanner est très politique. Beaucoup de choses passent chez lui par le langage. Il travaille et se pose des questions ici et maintenant. Il n’utilise pas une vision de type dystopique comme Murer pour arriver à ses fins. Ensuite, il y a une dimension poétique et ironique dans le cinéma de Claude Goretta, comme cela peut être le cas dans son film <em>L’invitation</em>. Mais Goretta s’est plutôt tourné vers le passé pour parler d’aujourd’hui. Soutter, lui, s’intéresse à la psychologie et au présent. Son cinéma est très poétique. Il s’interroge aussi sur les voies de la création cinématographique. Le seul cinéaste du Groupe 5 vraiment comparable à Murer est Jean-Louis Roy. Ce dernier est le seul à réaliser un film d’espionnage totalement déjanté, <em>L’inconnu de Shandigor, </em>avec Serge Gainsbourg comme acteur<em>. </em>Et surtout avec <em>Black Out</em>, l’histoire de ce couple d’un certain âge qui, par peur de ce monde qui est train de s’écrouler autour d’eux, décide de se barricader à l’intérieur de sa villa de la banlieue genevoise. A l’instar de Roy, Murer exploite le registre du fantastique. Son sketch de <em>Swissmade</em> est une vraie petite science-fiction. <em>Grauzone</em> a été programmé par le Festival du film fantastique de Neuchâtel (NIFF). Ce film est unique dans le paysage du cinéma suisse. Murer arrive, à partir du quotidien, à créer une mythologie autour de ses figures. En cela, ses films sont intemporels. Il est le seul cinéaste suisse à avoir approché de façon évidente le genre fantastique. Cela le rend vraiment unique, y compris au sein de ses camarades alémaniques (Markus Imhoof, Thomas Körfer, etc).</p> <hr /> <h2><strong>La mission du centre de recherche et d’archivage de Penthaz</strong></h2> <p>Inauguré officiellement le 6 septembre prochain, le centre de Penthaz est le premier bâtiment construit entièrement avec de l’argent de la Confédération destiné au cinéma en Suisse. Cinéastes, chercheurs, étudiants et toutes les personnes intéressées pourront ainsi accéder à la mémoire du cinéma suisse et du cinéma en Suisse. «Notre travail de conservation et de restauration est effectué avec l’aide, notamment, de Memoriav, de la RTS et de la SRF. Il concerne à la fois des films inconnus, des films d’entreprise, des films de commande ou encore d’autres films provenant d’archives privées, du Ciné-Journal suisse ou liés à des événements de l’histoire suisse, comme par exemple le premier film sur la Fête des Vignerons qui date de 1905», explique Frédéric Maire. La Cinémathèque suisse conserve l’un des dix plus grands patrimoines d’archives cinématographiques au monde avec la National Film Registry de la Library of Congress, le Gosfilmofond de Moscou, le British Film Institute à Londres, la Cinémathèque royale de Bruxelles, la Cineteca nazionale à Rome, etc. «L’activité débordante de Freddy Buache, son fondateur, et de ses collaborateurs explique que les archives se sont très vites enrichies de dons de cinéastes amis, de cinémathèques sœurs comme la Cinémathèque française. En plus de ces dons, il y a eu également des dépôts de distributeurs. 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De retour en Suisse, j’ai soigné ma salpingite et terminé mes études de lettres. Entre deux amants de passage, je traversais de longues périodes d’abstinence sexuelle sans que cela me coûte. A la manif, j’ai trouvé Pierre très beau avec sa moustache et sa barbe de cinq jours. Et je l’ai trouvé irrésistible lorsqu’il a jeté une bouteille vide en direction des forces de l’ordre qui voulaient nous empêcher d’accéder à la salle où se déroulait une assemblée de l’UDC, ce parti d’extrême droite honni par nous. Pierre s’est fait réprimander par les camarades communistes qui assuraient le service d’ordre et il a fini par en venir aux mains avec eux. J’ai spontanément pris sa défense, nous nous sommes faits bousculer et avons quitté la manifestation, lui avec une arcade sourcilière fendue, moi avec un fort désir pour lui. Je l’ai emmené chez moi pour soigner sa blessure et nous avons fait l’amour toute la nuit. 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Pierre est devenu agressif avec Mireille lorsque celle-ci a déclaré que les néo-féministes exagéraient et que #MeToo décourageait toute tentative de séduction de la part des hommes. «Je n’ai pas peur de le dire, j’aime bien que l’on me tienne la porte et que les hommes me fassent sentir qu’ils me désirent…» Pierre lui a rétorqué que le patriarcat était une forme de fascisme et qu’en tant que progressiste nous devions tout faire pour l’abattre. J’ai essayé de dévier la conversation sur la nourriture bio mais très vite c’est l’écriture inclusive qui a fait s’échauffer les esprits. Serge, qui se pique d’aimer la littérature, a déclaré que le français était en danger, qu’il fallait le sauver des points médians et des réformes de l’orthographe. 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Ils réduisent de manière significative la quantité de plastique qui se retrouve dans les océans.</p> <p>Malgré cela, et parce qu’ils font un travail salissant et vivent dans des endroits sales, ils sont souvent tenus pour responsables du problème de la pollution plastique. Dans les discours politiques des villes et des Etats, leur travail a longtemps été <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/0956247816657302">tourné en dérision, considéré comme non qualifié et inefficace</a>. <a href="https://www.undp.org/blog/unsung-heroes-four-things-policymakers-can-do-empower-informal-waste-workers">L’absence de reconnaissance officielle</a> de leur travail rend leurs revenus particulièrement instables et précaires. Les réglementations environnementales peuvent <a href="https://iopscience.iop.org/article/10.1088/1748-9326/ac6b49">aggraver ces menaces</a> en accélérant la privatisation du traitement des déchets.</p> <p>Alors que les efforts de lutte contre la pollution plastique gagnent du terrain, les ramasseurs informels sont soumis à une double pression:</p> <ul> <li> <p>Ils doivent protéger leur accès aux déchets, car c’est l’un des rares moyens de subsistance dont ils disposent.</p> </li> <li> <p>En même temps, ils cherchent à améliorer leurs conditions de vie et de travail.</p> </li> </ul> <p>Un groupe de ramasseurs de déchets a donc profité de l’ouverture des négociations pour <a href="https://globalrec.org/document/just-transition-waste-pickers-un-plastics-treaty/">plaider en faveur de la reconnaissance de leur travail</a>. Il a été demandé que leurs contributions historiques à la réduction de la pollution plastique soient explicitement reconnues, et qu’un objectif explicite de transition juste soit intégré au traité sur les plastiques.</p> <h3>Avec l’économie circulaire, tout le monde est gagnant?</h3> <p>La <a href="https://theconversation.com/quatre-idees-recues-sur-la-transition-juste-227569">transition juste</a> est un principe défendu par les groupes de travailleurs et les défenseurs de la justice sociale afin de garantir que les politiques de transition écologique protègent, améliorent et compensent équitablement les moyens de subsistance des travailleurs et des communautés affectés par l’environnement.</p> <p>Les ramasseurs de déchets ont utilisé ce terme pour réclamer que le traité comprenne des dispositions pour améliorer leurs conditions de travail et de sécurité. 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Par exemple la <a href="https://www.businessforplasticstreaty.org/vision-statement#Key-elements">Business Coalition for a Plastics Treaty</a>, les <a href="https://news.un.org/en/story/2024/10/1156301">dirigeants des Nations unies</a> et même <a href="https://resolutions.unep.org/resolutions/uploads/american_chemistry_council.pdf">l’industrie pétrochimique</a>.</p> <p>Certaines de ces demandes ont été intégrées aux projets de traité sur les plastiques discutés au cours des négociations, ce qui représente une victoire majeure pour les travailleurs du secteur informel des déchets.</p> <p>Un consensus se dégage sur le fait qu’une économie circulaire inclusive peut être bénéfique à la fois pour l’environnement, l’économie et les travailleurs en améliorant la gestion de la pollution, les moyens de subsistance et les opportunités de croissance économique pour les entreprises.</p> <p>Ces promesses demandent toutefois à être vérifiées sur le terrain. Et c’est là que les choses se compliquent.</p> <h3>« Gagnant-gagnant », mais la victoire de qui ?</h3> <p>Dans mon livre <a href="https://mitpress.mit.edu/9780262546973/recycling-class/"><em>Recycling Class</em></a>, j’examine comment les efforts de recyclage inclusif ont été mis en œuvre à Bengaluru, l’une des plus grandes villes de l’Inde.</p> <figure><a href="https://images.theconversation.com/files/635250/original/file-20241129-15-cdpt12.jpg?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img src="https://images.theconversation.com/files/635250/original/file-20241129-15-cdpt12.jpg?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" alt="" /></a> <figcaption><span></span></figcaption> </figure> <p>Dans cet ouvrage, je défends que l’intégration dans des programmes d’économie circulaire basés sur le marché n’est pas une solution miracle aux injustices ancrées dans les systèmes de production, de consommation et de production des déchets.</p> <p>La plupart des politiques d’économie circulaire et de recyclage inclusif reposent sur des mécanismes de marché, partant du principe que la création de marchés pour les déchets incitera les acteurs du marché à récupérer efficacement les déchets et à les convertir en ressources.</p> <p>Pour remplir leurs obligations en matière de <a href="https://theconversation.com/faire-payer-plus-les-entreprises-pour-quelles-reduisent-les-emballages-130073">responsabilité élargie des producteurs</a> (REP), les marques peuvent alors s’engager à acheter des plastiques recyclés et à financer la collecte des déchets en achetant des <a href="https://www.worldbank.org/en/programs/problue/publication/unlocking-financing-to-combat-the-plastics-crisis">crédits plastique</a>.</p> <p>Cette approche vise à améliorer le prix des déchets, à augmenter les salaires et à encourager les efforts de collecte, tout en attirant des investissements pour financer l’amélioration des infrastructures et des technologies.</p> <p>Cependant, les mécanismes fondés sur le marché aggravent les inégalités existantes en matière d’accès au marché. Les efforts visant à donner la priorité à la traçabilité et à la transparence – dans le but d’améliorer l’efficacité du marché et le respect de la réglementation – désavantagent souvent les travailleurs informels.</p> <p>Ces derniers ne disposent pas des ressources et des capacités techniques nécessaires pour adopter des systèmes de suivi complexes basés sur les SIG ou la blockchain, et se retrouvent exclus des processus formalisés. Les start-up financées par le capital-risque et les grandes entreprises s’emparent alors du secteur du recyclage.</p> <p>Les multinationales préfèrent d’ailleurs les partenariats avec des start-up technologiques qui offrent des services à «valeur ajoutée» tels que des indicateurs et des tableaux de bord environnementaux, permettant aux entreprises de mettre en scène leur propre récit sur le développement durable. Souvent issus de milieux éduqués et privilégiés, les employés de ces firmes <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S001671852300057X">concurrencent les travailleurs informels existants, les subordonnant au passage</a>.</p> <p>A l’inverse, les femmes et les membres des minorités ethno-raciales et religieuses, qui constituent la majorité des travailleurs des économies informelles des déchets, sont confrontés à des obstacles supplémentaires. Notamment des <a href="https://mouvements.info/recuperateurs-de-dechets/">stigmates sociaux bien ancrés</a> qui limitent leur capacité à participer sur un pied d’égalité à ces marchés émergents. Ils restent toujours relégués aux mêmes tâches manuelles et difficiles, même si leurs conditions de travail en ressortent légèrement améliorées.</p> <h3>L’industrie du plastique maintient le <em>statu quo</em></h3> <p>Malgré les bonnes intentions de départ, des termes tels que «économie circulaire inclusive» sont donc trop souvent utilisés à des fins de <em>green washing</em> et même de <em>justice washing</em>, tandis que les travailleurs continuent à endurer des conditions difficiles. Une étude de <a href="https://www.circle-economy.com/resources/decent-work-in-the-circular-economy">Circle Economy</a> souligne que la plupart des emplois du secteur de l’économie circulaire restent ad-hoc et informels et ne bénéficient pas des garanties d’un emploi décent.</p> <p>En fin de compte, les travailleurs informels sont confrontés à un choix difficile: soit ils acceptent d’être exploités au sein des circuits de traitements des déchets en tant que simples ressources, soit ils risquent de perdre complètement leurs moyens de subsistance.</p> <p>Les systèmes actuels de production et de consommation du plastique déplacent donc la charge des déchets sur des communautés autochtones ou ethniques marginalisées, créant ainsi des <a href="https://www.dukeupress.edu/pollution-is-colonialism">zones sacrifiées</a>. Ce déplacement permet de maintenir la rentabilité, tout en perpétuant les atteintes à l’environnement et les inégalités sociales.</p> <p>En promouvant des technologies de <a href="https://www.bbc.com/afrique/monde-57087908">recyclage chimique</a> non éprouvées et en étendant les marchés du plastique, les entreprises <a href="https://theconversation.com/comment-lindustrie-fossile-influence-les-negociations-mondiales-sur-le-plastique-222112">pétrochimiques</a> et de matières plastiques <a href="https://direct.mit.edu/glep/article/21/2/121/97367/Future-Proofing-Capitalism-The-Paradox-of-the">s’approprient le langage de l’économie circulaire</a>. Cela leur permet de donner un vernis écologique à leurs propositions, tout en maintenant le <em>statu quo</em> sur les inégalités.</p> <p>Pendant ce temps, la HAC, plusieurs ONG et même certains ramasseurs de déchets invoquent également l’économie circulaire comme solution à la crise du plastique, en mettant l’accent sur le réemploi et le recyclage inclusif.</p> <h3>Demander des comptes aux pollueurs plutôt que compter sur l’efficacité du marché</h3> <p>Pour que l’économie circulaire aille au-delà de la simple protection du capitalisme fossile, elle doit prendre en compte les collecteurs de déchets et recycleurs informels dans le Sud et reconnaître les limites des mécanismes basés sur le marché. C’est vrai aussi bien pour le traité international sur la pollution plastique que pour d’autres démarches régionales comme le <a href="https://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/ATAG/2021/679066/EPRS_ATA(2021)679066_FR.pdf">plan d’action de l’UE pour l’économie circulaire</a>.</p> <p>En effet, toute stratégie de lutte contre la pollution plastique basée sur le marché et axée sur le profit est susceptible de reproduire ces schémas d’inégalité. Et par la même occasion, de pérenniser les injustices systémiques qui soutiennent le statu quo. Pour une transition vraiment juste, la lutte contre la pollution plastique ne doit donc pas devenir une opportunité de croissance économique ou de profit.</p> <p>Au contraire, nous avons besoin d’une approche centrée sur la réparation. Il faut d’abord, pour cela, reconnaître les contributions historiques des collecteurs informels du plastique ainsi que les préjudices qu’ils subissent. Puis redistribuer les ressources aux personnes les plus touchées et créer des systèmes qui donnent la priorité à la restauration de l’environnement et à la justice sociale plutôt qu’au profit des entreprises.</p> <p>Une économie circulaire bien financée devrait d’abord renforcer le pouvoir des travailleurs, puis améliorer les capacités des infrastructures et réduire la concentration de ces déchets en produits chimiques toxiques, plutôt que de s’appuyer sur des solutions basées sur le marché qui aggravent les inégalités.</p> <p>Les vraies solutions consistent à demander des comptes aux pollueurs et à adopter des approches circulaires fondées sur la sobriété et la réparation, et non sur l’efficacité du marché.<img src="https://counter.theconversation.com/content/244065/count.gif?distributor=republish-lightbox-basic" alt="The Conversation" width="1" height="1" /></p> <hr /> <h4><span><a href="https://theconversation.com/profiles/manisha-anantharaman-1526162">Manisha Anantharaman</a>, Assistant Professor, Center for the Sociology of Organisations, CNRS/Sciences Po, <em><a href="https://theconversation.com/institutions/sciences-po-2196">Sciences Po </a></em></span></h4> <h4>Cet article est republié à partir de <a href="https://theconversation.com">The Conversation</a> sous licence Creative Commons. Lire l’<a href="https://theconversation.com/les-ramasseurs-de-dechets-grands-perdants-du-recit-dominant-sur-la-pollution-plastique-244065">article original</a>.</h4> </div>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'les-ramasseurs-de-dechets-grands-perdants-du-recit-dominant-sur-la-pollution-plastique', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 42, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 5, 'person_id' => (int) 85, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'comments' => [[maximum depth reached]], 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Posts' }, (int) 2 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 5283, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => true, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => null, 'readed' => null, 'subhead' => null, 'title' => 'Les Etats-Unis financent un collectif international de journalistes', 'subtitle' => 'Si le réseau Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP) a révélé des avoirs russes cachés ou la corruption au Venezuela, le Delaware, paradis de l'évasion fiscale, reste pour lui un tabou. «Notre politique veut que nous ne fassions pas de rapports sur un pays avec son propre argent», a déclaré Drew Sullivan, son cofondateur.', 'subtitle_edition' => 'Si le réseau Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP) a révélé des avoirs russes cachés ou la corruption au Venezuela, le Delaware, paradis de l'évasion fiscale, reste pour lui un tabou. «Notre politique veut que nous ne fassions pas de rapports sur un pays avec son propre argent», a déclaré Drew Sullivan, son cofondateur.', 'content' => '<p style="text-align: center;"><strong>Urs P. Gasche</strong>, article publié sur <a href="https://www.infosperber.ch/medien/medienkritik/die-usa-finanzieren-internationales-journalisten-kollektiv/" target="_blank" rel="noopener"><em>Infosperber</em></a> le 5 décembre 2024, traduit par <em>Bon Pour La Tête</em></p> <hr /> <p>Parmi de nombreux autres médias, la <em>NZZ</em> et le <em>Tages-Anzeiger</em> ont diffusé à plusieurs reprises des révélations du réseau international de journalistes Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP). Ce faisant, ils n'ont pas rendu transparent le fait que les services gouvernementaux américains paient la moitié du budget de l'OCCRP. 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De plus, l'agence gouvernementale américaine interdit d'utiliser son argent pour mettre au jour la corruption aux Etats-Unis.</p> <p>Certaines subventions étaient même affectées à un but précis: le Department of State, par exemple, a versé 173 000 dollars à l'OCCRP pour «détecter et combattre la corruption au Venezuela». Ou l'<a href="https://www.usaid.gov/">Agence pour le développement international (USAID)</a> a versé plus de deux millions de dollars dans le but de «mettre au jour la criminalité et la corruption à Malte et à Chypre».</p> <p>Le journal en ligne français indépendant <a href="https://www.mediapart.fr/en/journal/international/021224/hidden-links-between-giant-investigative-journalism-and-us-government">« Mediapart »</a> en a parlé le 2 décembre 2024 <a href="https://www.mediapart.fr/en/journal/international/021224/hidden-links-between-giant-investigative-journalism-and-us-government">.</a></p> <p>Le fondateur de l'OCCRP est un ancien employé <a href="https://www.rockwellautomation.com/de-ch.html">de Rockwell</a> devenu journaliste: <a href="https://www.occrp.org/en/staff/drew-sullivan">Drew Sullivan</a>. L'OCCRP a été créé à l'instigation de fonctionnaires du gouvernement américain. Selon Mediapart, Sullivan a reçu pour cela, en 2008, un financement de départ de 1,7 million de dollars du <a href="https://www.state.gov/bureaus-offices/under-secretary-for-civilian-security-democracy-and-human-rights/bureau-of-international-narcotics-and-law-enforcement-affairs/">Bureau of International Narcotics and Law Enforcement Affairs</a>(INL). Il s'agit d'une agence d'application de la loi du Département d'Etat américain.</p> <p>L'OCCRP s'appuie souvent sur des documents divulgués provenant de sources non identifiées. La qualité des recherches et des révélations de l'OCCRP n'est pas mise en doute. L'orientation unilatérale des recherches et le manque de transparence des informations sur le financement donnent lieu à des critiques.</p> <p>L'ampleur des liens personnels et financiers de l'OCCRP avec le gouvernement américain va à l'encontre de «tous les principes de l'éthique journalistique». C'est ce qu'a déclaré Leonard Novy, directeur de l'Institut allemand des médias et de la politique de communication, à la chaîne NDR. Cela laisse supposer que les journalistes peuvent être utilisés ou instrumentalisés à des fins politiques.</p> <p>Sullivan et l'OCCRP ont également laissé les médias partenaires et leurs lecteurs dans l'ignorance de leur proximité avec le gouvernement américain. Selon Leonard Novy, l'organisation a ainsi dépassé les limites.</p> <h3><strong>Sullivan n'a pas voulu parler clairement aujourd'hui encore</strong></h3> <p>Sullivan a d'abord affirmé à la chaîne NDR que l'OCCRP avait «un groupe de donateurs largement répandu», parmi lesquels «aucun donateur individuel ne domine». Il a ajouté que «le gouvernement américain [...] est l'un des plus grands donateurs, mais ce n'est pas un pourcentage énorme». 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[...] Je suis très reconnaissant au gouvernement américain.»</p> <p>Par écrit, Sullivan a renchéri: «Nous avons dû décider si nous voulions accepter de l'argent du gouvernement ou ne pas exister.» Sur le site web de l'OCCRP, les montants des sponsors ne sont pas indiqués.</p> <h3><strong>Conditions posées</strong></h3> <p>Sullivan a confirmé à la NDR le pouvoir d'influence des autorités américaines: «Dans le cadre d'accords de coopération que nous n'aimons pas conclure, ils ont un droit de regard sur le choix des personnes [...] Ils peuvent mettre leur veto sur quelqu'un [...] Ils n'ont jamais mis leur veto sur quelqu'un.»</p> <p>L'OCCRP ne peut pas enquêter sur des affaires américaines avec l'argent fourni par Washington. «Notre politique veut que nous ne fassions pas de rapports sur un pays avec son propre argent», a déclaré Sullivan à la NDR. «Je pense que le gouvernement américain ne le permet pas. Mais même dans d'autres pays où ces dispositions n'existent pas, nous ne le faisons pas parce que cela vous place dans une situation de conflit d'intérêts et que vous préférez rester à l'écart de telles situations.»</p> <p>Ainsi, le paradis fiscal américain du Delaware n'a jamais fait l'objet de toutes les recherches sur l'évasion fiscale et l'argent de la corruption.</p> <p>L'OCCRP a tout de même effectué des recherches isolées aux Etats-Unis: par exemple sur les <a href="https://www.occrp.org/en/investigation/meet-the-florida-duo-helping-giuliani-investigate-for-trump-in-ukraine">hommes d'affaires</a> qui avaient soutenu l'avocat de Donald Trump pour nuire à Joe Biden, ou sur la manière dont le Pentagone a dépensé des sommes énormes pour <a href="https://www.occrp.org/en/project/making-a-killing/revealed-the-pentagon-is-spending-up-to-22-billion-on-soviet-style-arms-for-syrian-rebels">fournir des armes</a> à des groupes rebelles en Syrie, ou encore sur un <a href="https://www.occrp.org/en/investigation/flight-of-the-monarch-us-govt-contracted-airline-once-owned-by-criminals-with-ties-to-russian-mob">contrat</a> entre le gouvernement américain et une compagnie aérienne dont les propriétaires sont liés au crime organisé en Russie.</p> <p>Ces recherches ont manifestement respecté une autre condition imposée par les autorités américaines à l'OCCRP: l'activité doit être «en accord avec la politique étrangère et les intérêts économiques des Etats-Unis et les promouvoir.» (<a href="https://www.govinfo.gov/content/pkg/COMPS-1071/pdf/COMPS-1071.pdf">US Foreign Assistance Act</a>).</p> <h3><strong>Voici comment la «NZZ» et Tamedia ont présenté la source OCCRP</strong></h3> <p><strong>«NZZ» du 19 juillet 2023</strong></p> <p>«L'Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP) est un réseau d'organisations journalistiques fondé en 2006, basé dans de nombreux pays différents et fonctionnant sous cette forme en tant que filiale du Journalism Development Network à but non lucratif, dont le siège est dans le Maryland.»</p> <p><strong>«Tages-Anzeiger» du 21 juin 2023</strong></p> <p>«Grâce à l'organisation OCCRP, des journalistes femmes de plusieurs pays ont pu étudier ces données, dont <em>Der Standard</em> en Autriche et <em>Der Spiegel</em> en Allemagne. Pour la Suisse, le bureau de recherche de Tamedia et Paper Trail Media était de la partie.»</p> <h3><strong>Informations complémentaires</strong></h3> <p><strong>22 décembre 2022</strong> <a href="https://www.infosperber.ch/politik/welt/twitter-diente-jahrelang-als-gehilfe-des-pentagons/">Twitter a servi pendant des années d'auxiliaire au Pentagone</a>. Elon Musk a partiellement révélé les outils internes de Twitter. Ils prouvent des services d'hommes de main pour la propagande de l'armée américaine à l'étranger.</p> <p><strong>12 février 2009</strong> <a href="https://www.tagesanzeiger.ch/27-000-pr-berater-polieren-image-der-usa-631302390683">27 000 conseillers en relations publiques polissent l'image des Etats-Unis</a>. Des faits presque incroyables sur le travail de relations publiques du Pentagone.</p> <p><strong>20 avril 2008</strong> <a href="https://www.spiegel.de/kultur/gesellschaft/gekaufte-meinung-pentagon-beschaeftigt-pr-armee-fuer-us-tv-a-548519.html">Le Pentagone emploie une armée de RP pour la télévision américaine</a>. 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Emmanuel Deonna
Chercheur en sciences sociales, journaliste indépendant et Président de la Commission Migration, intégration et Genève internationale
Le Festival du film de Locarno a rendu hommage au fondateur de la Cinémathèque suisse Freddy Buache, historien et critique de cinéma mondialement connu, disparu très récemment, par la projection sur la Piazza Grande du court-métrage de Jean-Luc Godard Lettre à Freddy Buache (1982). Trois versions restaurées de classiques du nouveau cinéma suisse, Charles Mort ou Vif d’Alain Tanner (1969), Le Grand Soir de Francis Reusser (1976) et Grauzone de Fredi M. Murer (1979) ont aussi été présentées par la Cinémathèque suisse durant le Festival. Enfin, Fredi M. Murer y a reçu un Léopard d’honneur pour l’ensemble de sa carrière. L’occasion d’évoquer avec Frédéric Maire, directeur de la Cinémathèque suisse, quelques œuvres emblématiques du nouveau cinéma suisse ainsi que les missions de son institution à l’heure où l’on inaugure le nouveau centre de recherche et d’archivage de Penthaz.
Fredi M. Murer - Pardo a la Carriera, Locarno 2019. © Locarno Film Festival/Massimo Pedrazzini
BPLT: Pouvez-vous nous expliquer l’importance des films Charles Mort ou Vif (1969) d’Alain Tanner, Le Grand soir (1976) de Francis Reusser et Grauzone (1979) de Fredi M. Murer?
F.M: Charles mort ou vif est un film d’une grande modernité. Pendant sa projection locarnaise, une partie du public a applaudi une tirade de François Simon sur des questions écologiques qui apparaissent plus que pertinentes cinquante ans plus tard. Un autre moment fort du film est celui où il est question des résultats de la votation sur le droit de vote des femmes. A cette époque, il s’agissait de «science-fiction» car l’octroi du vote aux femmes n’avait pas encore eu lieu! Pour arriver à conserver l’original, il était indispensable d’effectuer un travail de restauration. A l’époque, le 16mm était gonflé en 35mm. Les copies sont charbonneuses, avec une perte de netteté due à leur duplication.
Charles Mort ou Vif a été l’une des premières sélections suisses au Festival de Cannes où il a été présenté à la Semaine de la critique. Il a remporté la même année, en 1969, le Léopard d’Or à Locarno. Ce fut la première récompense dans sa patrie pour Alain Tanner. A l’époque, le Festival était dirigé par Freddy Buache et Sandro Bianconi. C’est l’expression du nouveau cinéma suisse naissant. On y trouve Jean-Luc Bideau et Francis Reusser dans des rôles d’infirmiers imbuvables. Quant à Francis Reusser, nous avons présenté cette année Le Grand Soir. Reusser a fait Mai 68. Il a réalisé des cinés-tract. Il le dit volontiers, il était Mao-spontex. Reusser présentait pour sa part son film Vive la mort à la Semaine des réalisateurs de Cannes qui venait d’éclore en même temps que Tanner présentait Charles Mort ou Vif à la Semaine de la critique.
Huit ans plus tard, Francis Reusser tourne avec Le Grand Soir un film-réflexion à propos de ce qu’a été 68 et de ses désillusions. C’est un film charnière absolument passionnant et remarquable. Charles mort ou vif et Le Grand Soir sont deux films sur 68. Ils sont l’expression du même mouvement initial, mais vu d’une façon un peu différente.
En miroir de Charles mort ou vif, Grauzone de Fredi M. Murer est un film prophétique. Il s’agit d’une préfiguration de l’affaire des fiches. On ne connaissait pourtant pas encore l’ampleur du contrôle mené par la Confédération sur ses propres citoyens. C’est une critique extrêmement forte de la société répressive du contrôle d’alors. Le film montre cette idée de révolte qui va aboutir au mouvement Züri Brennt dans les années suivantes.
Olga Piazza dans Grauzone de Fredi M. Murer. © Collection Cinémathèque suisse
Les individus se sentent dans cette zone grise de contrôle absolu, dans laquelle ils n’ont pas le droit à la liberté, à la culture, à l’amour. Cependant, on connaît plutôt Fredi M. Murer pour son lien à la nature. Höhenfeuer, son chef-d’œuvre, a marqué les esprits. Parce qu’il a réalisé aussi Wir Bergler sind nicht schuld dass wir eigentlich da sind, Grüneberg ou Vollmond qui sont tous des films liés à la nature et à la réflexion écologique. On oublie ainsi que Murer est un des plus puissants cinéastes de l’enfermement urbain, à l’instar de Grauzone qui est un chef-d’œuvre absolu.
Les nouveaux cinéastes suisses manifestaient beaucoup de courage et d’indépendance d’esprit, car ils évoluaient dans un contexte culturel et commercial, suisse et international, peu favorable.
Ce nouveau cinéma suisse naît en effet d’une volonté de liberté extrêmement grande. Cependant, il ne faut pas confondre la Suisse allemande et la Suisse romande. Suisse allemands et Suisse romands se sont alliés pour qu’on aboutisse à la première loi sur le cinéma, adoptée par la Confédération en 1963. Les Alémaniques et les Romands se parlaient. Freddy Buache était là pour les aider et les accompagner. Les Apprentis de Tanner, présenté en 1964 pour le pavillon suisse, est produit par deux Alémaniques, Reni Martens et Walter Marti. Mais il n’empêche que les conditions ne sont pas les mêmes d’un côté et de l’autre de la Sarine. Les cinéastes alémaniques travaillent dans une totale révolte et indépendance par rapport à un establishment qui est beaucoup plus dur du côté de Zurich que du côté romand. En Suisse alémanique, il y a une industrie du cinéma, avec la Praesens Film, la Gloria Film, etc. Or, les nouveaux cinéastes alémaniques veulent faire un cinéma totalement indépendant, libre. Ils y parviennent notamment via le documentaire d’Alexandre Seiler, Siamo Italiani, qui évoque l’émigration italienne en Suisse et le travail des saisonniers.
Il n’y a pas de cinéma à l’époque en Suisse romande. Les romands, à l’instar de Tanner, Soutter et Goretta, travaillent eux pour la télévision, Ils créent leur cinéma en alternant documentaires et fictions autonomes réalisés avec le soutien de la télévision. Le Groupe 5 se fonde grâce à un financement garanti par la télévision romande de 50'000 francs par film. Cela ne va pas être le cas en Suisse alémanique. Là-bas, les nouveaux cinéastes sont vus comme des dangers publics. Contrairement à Tanner, Goretta et Reusser qui seront célébrés par exemple à Cannes, le nouveau cinéma alémanique aura de la peine à s’affirmer à l’international. L’Exposition nationale de 1964 va être un déclencheur de créativité. Les Apprentis de Tanner y sera montré. On pouvait y voir aussi la fameuse installation/projection des films d’Henri Brandt, La Suisse s’interroge. Un progressisme des salles et du public se fait jour plus rapidement en Suisse romande qu’en Suisse allemande. En Suisse italienne, le Festival de Locarno détient le monopole. Il vit sa révolution en 1967 quand Freddy Buache et Sandro Bianconi reprennent la direction. On y présente une programmation pointue des nouvelles vagues du monde entier. Quant aux cinéastes tessinois, ils n’existent presque pas à ce moment-là. Renato Berta a travaillé en Suisse, en Allemagne et en Italie. D’origine alémanique, mais vivant au Tessin, Villi Hermann est le premier Tessinois qui remporte un Léopard d’argent en 1977 avec son film San Gottardo. Présenté dans sa version restaurée par la Cinémathèque suisse il y a deux ans à Locarno, ce film traite de l’exploitation des deux tunnels du Gothard, le ferroviaire de 1900 et le routier d’aujourd’hui.
Sur quel terreau artistique et intellectuel a émergé l’œuvre de Fredi M. Murer?
Une très grande créativité régnait au niveau alémanique dans les années 1960. Murer est un des cinéastes les plus intéressants car il était aussi l’un des plus expérimentaux. Il a cherché à se démarquer du cinéma dominant de l’époque américain et alémanique. Ce dernier était représenté par le Heimat Film, avec ses déclinaisons bucoliques comme Uli der Knecht, Uli der Pächter, Heidi, Heidi und Peter de Franz Schnyder, Les nouveaux cinéastes alémaniques voulaient s’extraire de ce modèle. On se référait à la Suisse de l’accueil du mouvement Dada, au ferment culturel de l’entre-deux-guerres. Ce dernier s’était effrité, car les artistes étaient repartis aux Etats-Unis ou étaient parfois même retournés en Allemagne après la Seconde Guerre mondiale. D’un autre côté, il y avait les 'artistes intérieurs'. Ces personnes ont été rejetées ou internées de force, comme Armand Schulthess et Adolf Wölfli. Ils ont fini dans des asiles et ils ont été filmés, que ce soit par Fredi M. Murer ou par d’autres, comme Hans-Ulrich Schlumpf. Un des films très emblématiques pour la période est Vision of a blind man de Fredi M. Murer. Il a été filmé dans la ville de Zurich uniquement au son. L’idée était de montrer la ville telle qu’on la perçoit si on l’écoute sans la voir.
Alexandre J. Seiler, Reni Mertens, Walter Marti et Jürg Hassler ont réalisé des films en marge. Mais ils vont trouver plus tard d’autres débouchés. Les Romands, eux, pouvaient réaliser des films dans des conditions meilleures, non seulement parce qu’ils travaillent à la télévision, mais parce qu’ils utilisent son matériel. Cette interaction entre le cinéma et le petit écran a eu une influence créative très importante. Les Alémaniques étaient, pour ainsi dire, dans un ghetto qui les empêchait de montrer des films. Dans ce contexte, il est très important d’évoquer le Festival du film de Soleure, qui démarre en 1966. Les Journées cinématographiques donnèrent une visibilité à des films expérimentaux de Suisse alémanique invisibles jusqu’alors. Elles ont joué un rôle essentiel de ciment de la profession.
Revenons au travail de Murer. Une nostalgie de l’enfance anime-t-elle son œuvre? Peut-on la comparer avec celle des cinéastes romands du Groupe 5?
Murer explore la ville. En même temps, il va très vite aussi interroger des montagnards. Il va faire ce grand écart que très peu de gens ont effectué, car les cinéastes de la nouvelle vague sont foncièrement des cinéastes urbains. Leur perception est celle de la ville déshumanisée.
Cependant, Murer ne regarde pas les paysans comme les regarde, par exemple, la cinéaste Jacqueline Veuve. Ses héros sont comme des personnages de légende: mythiques, qui vont au-delà de leur identité contextuelle. Sa caméra ouvre à quelque chose d’universel. Il n’enferme pas ses personnages dans un cadre ethnographique trop restreint. Je rapprocherais Murer d’un cinéaste comme Jean Rouch, à l’instar de l’esprit qui prévaut dans les fiction-documentaires que ce dernier a construit avec ses camarades africains.
Quant à la nostalgie pour l’enfance, elle s’affirme chez Murer après Hohenfeuer. En effet, dans ce dernier, le rapport à l'enfance est pénible et compliqué. Vitus et Vollmond sont cependant certainement des expressions d’un retour à l’enfance. Vollmond affirme que ce sont les enfants qui vont sauver le monde de son autodestruction. Par rapport aux cinéastes du Groupe 5, il va plus loin. Alain Tanner est très politique. Beaucoup de choses passent chez lui par le langage. Il travaille et se pose des questions ici et maintenant. Il n’utilise pas une vision de type dystopique comme Murer pour arriver à ses fins. Ensuite, il y a une dimension poétique et ironique dans le cinéma de Claude Goretta, comme cela peut être le cas dans son film L’invitation. Mais Goretta s’est plutôt tourné vers le passé pour parler d’aujourd’hui. Soutter, lui, s’intéresse à la psychologie et au présent. Son cinéma est très poétique. Il s’interroge aussi sur les voies de la création cinématographique. Le seul cinéaste du Groupe 5 vraiment comparable à Murer est Jean-Louis Roy. Ce dernier est le seul à réaliser un film d’espionnage totalement déjanté, L’inconnu de Shandigor, avec Serge Gainsbourg comme acteur. Et surtout avec Black Out, l’histoire de ce couple d’un certain âge qui, par peur de ce monde qui est train de s’écrouler autour d’eux, décide de se barricader à l’intérieur de sa villa de la banlieue genevoise. A l’instar de Roy, Murer exploite le registre du fantastique. Son sketch de Swissmade est une vraie petite science-fiction. Grauzone a été programmé par le Festival du film fantastique de Neuchâtel (NIFF). Ce film est unique dans le paysage du cinéma suisse. Murer arrive, à partir du quotidien, à créer une mythologie autour de ses figures. En cela, ses films sont intemporels. Il est le seul cinéaste suisse à avoir approché de façon évidente le genre fantastique. Cela le rend vraiment unique, y compris au sein de ses camarades alémaniques (Markus Imhoof, Thomas Körfer, etc).
La mission du centre de recherche et d’archivage de Penthaz
Inauguré officiellement le 6 septembre prochain, le centre de Penthaz est le premier bâtiment construit entièrement avec de l’argent de la Confédération destiné au cinéma en Suisse. Cinéastes, chercheurs, étudiants et toutes les personnes intéressées pourront ainsi accéder à la mémoire du cinéma suisse et du cinéma en Suisse. «Notre travail de conservation et de restauration est effectué avec l’aide, notamment, de Memoriav, de la RTS et de la SRF. Il concerne à la fois des films inconnus, des films d’entreprise, des films de commande ou encore d’autres films provenant d’archives privées, du Ciné-Journal suisse ou liés à des événements de l’histoire suisse, comme par exemple le premier film sur la Fête des Vignerons qui date de 1905», explique Frédéric Maire. La Cinémathèque suisse conserve l’un des dix plus grands patrimoines d’archives cinématographiques au monde avec la National Film Registry de la Library of Congress, le Gosfilmofond de Moscou, le British Film Institute à Londres, la Cinémathèque royale de Bruxelles, la Cineteca nazionale à Rome, etc. «L’activité débordante de Freddy Buache, son fondateur, et de ses collaborateurs explique que les archives se sont très vites enrichies de dons de cinéastes amis, de cinémathèques sœurs comme la Cinémathèque française. En plus de ces dons, il y a eu également des dépôts de distributeurs. Nous conservons non seulement des films mais aussi des affiches, des dossiers de presse, des correspondances de cinéastes, des scénarios et d’autres documents d’archives et même des objets comme, par exemple, une partie des marionnettes et des décors de Ma vie de Courgette», conclut Frédéric Maire.
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Le Groupe 5 se fonde grâce à un financement garanti par la télévision romande de 50'000 francs par film. Cela ne va pas être le cas en Suisse alémanique. Là-bas, les nouveaux cinéastes sont vus comme des dangers publics. Contrairement à Tanner, Goretta et Reusser qui seront célébrés par exemple à Cannes, le nouveau cinéma alémanique aura de la peine à s’affirmer à l’international. L’Exposition nationale de 1964 va être un déclencheur de créativité. <em>Les Apprentis </em>de Tanner y sera montré. On pouvait y voir aussi la fameuse installation/projection des films d’Henri Brandt,<em> La Suisse s’interroge</em>. Un progressisme des salles et du public se fait jour plus rapidement en Suisse romande qu’en Suisse allemande. En Suisse italienne, le Festival de Locarno détient le monopole. Il vit sa révolution en 1967 quand Freddy Buache et Sandro Bianconi reprennent la direction. On y présente une programmation pointue des nouvelles vagues du monde entier. Quant aux cinéastes tessinois, ils n’existent presque pas à ce moment-là. Renato Berta a travaillé en Suisse, en Allemagne et en Italie. D’origine alémanique, mais vivant au Tessin, Villi Hermann est le premier Tessinois qui remporte un Léopard d’argent en 1977 avec son film <em>San Gottardo</em>. Présenté dans sa version restaurée par la Cinémathèque suisse il y a deux ans à Locarno, ce film traite de l’exploitation des deux tunnels du Gothard, le ferroviaire de 1900 et le routier d’aujourd’hui.</p> <p><strong>Sur quel terreau artistique et intellectuel a émergé l’œuvre de Fredi M. Murer?</strong></p> <p>Une très grande créativité régnait au niveau alémanique dans les années 1960. Murer est un des cinéastes les plus intéressants car il était aussi l’un des plus expérimentaux. Il a cherché à se démarquer du cinéma dominant de l’époque américain et alémanique. Ce dernier était représenté par le Heimat Film, avec ses déclinaisons bucoliques comme <em>Uli der Knecht, Uli der Pächter, Heidi, Heidi und Peter </em>de Franz Schnyder, Les nouveaux cinéastes alémaniques voulaient s’extraire de ce modèle. On se référait à la Suisse de l’accueil du mouvement Dada, au ferment culturel de l’entre-deux-guerres. Ce dernier s’était effrité, car les artistes étaient repartis aux Etats-Unis ou étaient parfois même retournés en Allemagne après la Seconde Guerre mondiale. D’un autre côté, il y avait les 'artistes intérieurs'. Ces personnes ont été rejetées ou internées de force, comme Armand Schulthess et Adolf Wölfli. Ils ont fini dans des asiles et ils ont été filmés, que ce soit par Fredi M. Murer ou par d’autres, comme Hans-Ulrich Schlumpf. Un des films très emblématiques pour la période est <em>Vision of a blind man</em> de Fredi M. Murer. Il a été filmé dans la ville de Zurich uniquement au son. L’idée était de montrer la ville telle qu’on la perçoit si on l’écoute sans la voir.</p> <p>Alexandre J. Seiler, Reni Mertens, Walter Marti et Jürg Hassler ont réalisé des films en marge. Mais ils vont trouver plus tard d’autres débouchés. Les Romands, eux, pouvaient réaliser des films dans des conditions meilleures, non seulement parce qu’ils travaillent à la télévision, mais parce qu’ils utilisent son matériel. Cette interaction entre le cinéma et le petit écran a eu une influence créative très importante. Les Alémaniques étaient, pour ainsi dire, dans un ghetto qui les empêchait de montrer des films. Dans ce contexte, il est très important d’évoquer le Festival du film de Soleure, qui démarre en 1966. Les Journées cinématographiques donnèrent une visibilité à des films expérimentaux de Suisse alémanique invisibles jusqu’alors. Elles ont joué un rôle essentiel de ciment de la profession.</p> <p><strong>Revenons au travail de Murer. Une nostalgie de l’enfance anime-t-elle son œuvre? Peut-on la comparer avec celle des cinéastes romands du Groupe 5?</strong></p> <p>Murer explore la ville. En même temps, il va très vite aussi interroger des montagnards. Il va faire ce grand écart que très peu de gens ont effectué, car les cinéastes de la nouvelle vague sont foncièrement des cinéastes urbains. Leur perception est celle de la ville déshumanisée.</p> <p>Cependant, Murer ne regarde pas les paysans comme les regarde, par exemple, la cinéaste Jacqueline Veuve. Ses héros sont comme des personnages de légende: mythiques, qui vont au-delà de leur identité contextuelle. Sa caméra ouvre à quelque chose d’universel. Il n’enferme pas ses personnages dans un cadre ethnographique trop restreint. Je rapprocherais Murer d’un cinéaste comme Jean Rouch, à l’instar de l’esprit qui prévaut dans les fiction-documentaires que ce dernier a construit avec ses camarades africains.</p> <p>Quant à la nostalgie pour l’enfance, elle s’affirme chez Murer après <em>Hohenfeuer. </em>En effet, dans ce dernier, le rapport à l'enfance est pénible et compliqué<em>. Vitus</em> et <em>Vollmond</em> sont cependant certainement des expressions d’un retour à l’enfance. <em>Vollmond </em>affirme que ce sont les enfants qui vont sauver le monde de son autodestruction. Par rapport aux cinéastes du Groupe 5, il va plus loin. Alain Tanner est très politique. Beaucoup de choses passent chez lui par le langage. Il travaille et se pose des questions ici et maintenant. Il n’utilise pas une vision de type dystopique comme Murer pour arriver à ses fins. Ensuite, il y a une dimension poétique et ironique dans le cinéma de Claude Goretta, comme cela peut être le cas dans son film <em>L’invitation</em>. Mais Goretta s’est plutôt tourné vers le passé pour parler d’aujourd’hui. Soutter, lui, s’intéresse à la psychologie et au présent. Son cinéma est très poétique. Il s’interroge aussi sur les voies de la création cinématographique. Le seul cinéaste du Groupe 5 vraiment comparable à Murer est Jean-Louis Roy. Ce dernier est le seul à réaliser un film d’espionnage totalement déjanté, <em>L’inconnu de Shandigor, </em>avec Serge Gainsbourg comme acteur<em>. </em>Et surtout avec <em>Black Out</em>, l’histoire de ce couple d’un certain âge qui, par peur de ce monde qui est train de s’écrouler autour d’eux, décide de se barricader à l’intérieur de sa villa de la banlieue genevoise. A l’instar de Roy, Murer exploite le registre du fantastique. Son sketch de <em>Swissmade</em> est une vraie petite science-fiction. <em>Grauzone</em> a été programmé par le Festival du film fantastique de Neuchâtel (NIFF). Ce film est unique dans le paysage du cinéma suisse. Murer arrive, à partir du quotidien, à créer une mythologie autour de ses figures. En cela, ses films sont intemporels. Il est le seul cinéaste suisse à avoir approché de façon évidente le genre fantastique. Cela le rend vraiment unique, y compris au sein de ses camarades alémaniques (Markus Imhoof, Thomas Körfer, etc).</p> <hr /> <h2><strong>La mission du centre de recherche et d’archivage de Penthaz</strong></h2> <p>Inauguré officiellement le 6 septembre prochain, le centre de Penthaz est le premier bâtiment construit entièrement avec de l’argent de la Confédération destiné au cinéma en Suisse. Cinéastes, chercheurs, étudiants et toutes les personnes intéressées pourront ainsi accéder à la mémoire du cinéma suisse et du cinéma en Suisse. «Notre travail de conservation et de restauration est effectué avec l’aide, notamment, de Memoriav, de la RTS et de la SRF. Il concerne à la fois des films inconnus, des films d’entreprise, des films de commande ou encore d’autres films provenant d’archives privées, du Ciné-Journal suisse ou liés à des événements de l’histoire suisse, comme par exemple le premier film sur la Fête des Vignerons qui date de 1905», explique Frédéric Maire. La Cinémathèque suisse conserve l’un des dix plus grands patrimoines d’archives cinématographiques au monde avec la National Film Registry de la Library of Congress, le Gosfilmofond de Moscou, le British Film Institute à Londres, la Cinémathèque royale de Bruxelles, la Cineteca nazionale à Rome, etc. «L’activité débordante de Freddy Buache, son fondateur, et de ses collaborateurs explique que les archives se sont très vites enrichies de dons de cinéastes amis, de cinémathèques sœurs comme la Cinémathèque française. En plus de ces dons, il y a eu également des dépôts de distributeurs. Nous conservons non seulement des films mais aussi des affiches, des dossiers de presse, des correspondances de cinéastes, des scénarios et d’autres documents d’archives et même des objets comme, par exemple, une partie des marionnettes et des décors de <em>Ma vie de Courgette»</em>, conclut Frédéric Maire.</p> <hr /> <p> </p>', 'content_edition' => null, 'slug' => 'restaurer-un-patrimoine-visionnaire', 'headline' => false, 'homepage' => 'col-md-12', 'like' => (int) 723, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1871, 'homepage_order' => (int) 2128, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 6, 'person_id' => (int) 85, 'post_type_id' => (int) 1, 'poster_attachment' => null, 'editions' => [[maximum depth reached]], 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'attachments' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'comments' => [[maximum depth reached]], 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Posts' }, 'relatives' => [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Post) {}, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Post) {}, (int) 2 => object(App\Model\Entity\Post) {}, (int) 3 => object(App\Model\Entity\Post) {} ], 'embeds' => [], 'images' => [ (int) 0 => object(Cake\ORM\Entity) {} ], 'audios' => [], 'comments' => [], 'author' => 'Bon pour la tête', 'description' => 'A l'occasion de l'inauguration du centre de recherche et d'archivage cinématographique de Penthaz, qui aura lieu les 6 et 7 septembre prochains, Bon pour la tête s'est entretenu avec Frédéric Maire, directeur de la Cinémathèque suisse, qui livre ses analyses entre deux sauts dans le temps.', 'title' => 'Honorer un patrimoine visionnaire', 'crawler' => true, 'connected' => null, 'menu_blocks' => [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Block) {}, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Block) {} ], 'menu' => [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Category) {}, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Category) {}, (int) 2 => object(App\Model\Entity\Category) {}, (int) 3 => object(App\Model\Entity\Category) {}, (int) 4 => object(App\Model\Entity\Category) {}, (int) 5 => object(App\Model\Entity\Category) {}, (int) 6 => object(App\Model\Entity\Category) {}, (int) 7 => object(App\Model\Entity\Category) {}, (int) 8 => object(App\Model\Entity\Category) {}, (int) 9 => object(App\Model\Entity\Category) {}, (int) 10 => object(App\Model\Entity\Category) {}, (int) 11 => object(App\Model\Entity\Category) {}, (int) 12 => object(App\Model\Entity\Category) {} ] ] $bufferLevel = (int) 1 $referer = 'https://dev.bonpourlatete.com/like/1852' $OneSignal = '8a2ea76e-2c65-48ce-92e5-098c4cb86093' $_serialize = [ (int) 0 => 'post' ] $post = object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 1852, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => false, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => 'NORMAL', 'readed' => null, 'subhead' => 'CULTURE / Histoire du cinéma', 'title' => 'Honorer un patrimoine visionnaire', 'subtitle' => 'A l'occasion de l'inauguration du centre de recherche et d'archivage cinématographique de Penthaz, qui aura lieu les 6 et 7 septembre prochains, Bon pour la tête s'est entretenu avec Frédéric Maire, directeur de la Cinémathèque suisse, qui livre ses analyses entre deux sauts dans le temps.', 'subtitle_edition' => null, 'content' => '<hr /> <p style="text-align: center;"><strong>Emmanuel Deonna</strong></p> <p style="text-align: center;"><strong>Chercheur en sciences sociales, journaliste indépendant et Président de la Commission Migration, intégration et Genève internationale</strong></p> <hr /> <p>Le Festival du film de Locarno a rendu hommage au fondateur de la Cinémathèque suisse Freddy Buache, historien et critique de cinéma mondialement connu, disparu très récemment, par la projection sur la Piazza Grande du court-métrage de Jean-Luc Godard <em>Lettre à Freddy Buache</em> (1982). 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Quant aux cinéastes tessinois, ils n’existent presque pas à ce moment-là. Renato Berta a travaillé en Suisse, en Allemagne et en Italie. D’origine alémanique, mais vivant au Tessin, Villi Hermann est le premier Tessinois qui remporte un Léopard d’argent en 1977 avec son film <em>San Gottardo</em>. Présenté dans sa version restaurée par la Cinémathèque suisse il y a deux ans à Locarno, ce film traite de l’exploitation des deux tunnels du Gothard, le ferroviaire de 1900 et le routier d’aujourd’hui.</p> <p><strong>Sur quel terreau artistique et intellectuel a émergé l’œuvre de Fredi M. Murer?</strong></p> <p>Une très grande créativité régnait au niveau alémanique dans les années 1960. Murer est un des cinéastes les plus intéressants car il était aussi l’un des plus expérimentaux. Il a cherché à se démarquer du cinéma dominant de l’époque américain et alémanique. 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L’idée était de montrer la ville telle qu’on la perçoit si on l’écoute sans la voir.</p> <p>Alexandre J. Seiler, Reni Mertens, Walter Marti et Jürg Hassler ont réalisé des films en marge. Mais ils vont trouver plus tard d’autres débouchés. Les Romands, eux, pouvaient réaliser des films dans des conditions meilleures, non seulement parce qu’ils travaillent à la télévision, mais parce qu’ils utilisent son matériel. Cette interaction entre le cinéma et le petit écran a eu une influence créative très importante. Les Alémaniques étaient, pour ainsi dire, dans un ghetto qui les empêchait de montrer des films. Dans ce contexte, il est très important d’évoquer le Festival du film de Soleure, qui démarre en 1966. Les Journées cinématographiques donnèrent une visibilité à des films expérimentaux de Suisse alémanique invisibles jusqu’alors. Elles ont joué un rôle essentiel de ciment de la profession.</p> <p><strong>Revenons au travail de Murer. Une nostalgie de l’enfance anime-t-elle son œuvre? Peut-on la comparer avec celle des cinéastes romands du Groupe 5?</strong></p> <p>Murer explore la ville. En même temps, il va très vite aussi interroger des montagnards. Il va faire ce grand écart que très peu de gens ont effectué, car les cinéastes de la nouvelle vague sont foncièrement des cinéastes urbains. Leur perception est celle de la ville déshumanisée.</p> <p>Cependant, Murer ne regarde pas les paysans comme les regarde, par exemple, la cinéaste Jacqueline Veuve. Ses héros sont comme des personnages de légende: mythiques, qui vont au-delà de leur identité contextuelle. Sa caméra ouvre à quelque chose d’universel. Il n’enferme pas ses personnages dans un cadre ethnographique trop restreint. Je rapprocherais Murer d’un cinéaste comme Jean Rouch, à l’instar de l’esprit qui prévaut dans les fiction-documentaires que ce dernier a construit avec ses camarades africains.</p> <p>Quant à la nostalgie pour l’enfance, elle s’affirme chez Murer après <em>Hohenfeuer. </em>En effet, dans ce dernier, le rapport à l'enfance est pénible et compliqué<em>. Vitus</em> et <em>Vollmond</em> sont cependant certainement des expressions d’un retour à l’enfance. <em>Vollmond </em>affirme que ce sont les enfants qui vont sauver le monde de son autodestruction. Par rapport aux cinéastes du Groupe 5, il va plus loin. Alain Tanner est très politique. Beaucoup de choses passent chez lui par le langage. Il travaille et se pose des questions ici et maintenant. Il n’utilise pas une vision de type dystopique comme Murer pour arriver à ses fins. Ensuite, il y a une dimension poétique et ironique dans le cinéma de Claude Goretta, comme cela peut être le cas dans son film <em>L’invitation</em>. Mais Goretta s’est plutôt tourné vers le passé pour parler d’aujourd’hui. Soutter, lui, s’intéresse à la psychologie et au présent. Son cinéma est très poétique. Il s’interroge aussi sur les voies de la création cinématographique. Le seul cinéaste du Groupe 5 vraiment comparable à Murer est Jean-Louis Roy. Ce dernier est le seul à réaliser un film d’espionnage totalement déjanté, <em>L’inconnu de Shandigor, </em>avec Serge Gainsbourg comme acteur<em>. </em>Et surtout avec <em>Black Out</em>, l’histoire de ce couple d’un certain âge qui, par peur de ce monde qui est train de s’écrouler autour d’eux, décide de se barricader à l’intérieur de sa villa de la banlieue genevoise. A l’instar de Roy, Murer exploite le registre du fantastique. Son sketch de <em>Swissmade</em> est une vraie petite science-fiction. <em>Grauzone</em> a été programmé par le Festival du film fantastique de Neuchâtel (NIFF). Ce film est unique dans le paysage du cinéma suisse. Murer arrive, à partir du quotidien, à créer une mythologie autour de ses figures. En cela, ses films sont intemporels. Il est le seul cinéaste suisse à avoir approché de façon évidente le genre fantastique. Cela le rend vraiment unique, y compris au sein de ses camarades alémaniques (Markus Imhoof, Thomas Körfer, etc).</p> <hr /> <h2><strong>La mission du centre de recherche et d’archivage de Penthaz</strong></h2> <p>Inauguré officiellement le 6 septembre prochain, le centre de Penthaz est le premier bâtiment construit entièrement avec de l’argent de la Confédération destiné au cinéma en Suisse. Cinéastes, chercheurs, étudiants et toutes les personnes intéressées pourront ainsi accéder à la mémoire du cinéma suisse et du cinéma en Suisse. «Notre travail de conservation et de restauration est effectué avec l’aide, notamment, de Memoriav, de la RTS et de la SRF. Il concerne à la fois des films inconnus, des films d’entreprise, des films de commande ou encore d’autres films provenant d’archives privées, du Ciné-Journal suisse ou liés à des événements de l’histoire suisse, comme par exemple le premier film sur la Fête des Vignerons qui date de 1905», explique Frédéric Maire. La Cinémathèque suisse conserve l’un des dix plus grands patrimoines d’archives cinématographiques au monde avec la National Film Registry de la Library of Congress, le Gosfilmofond de Moscou, le British Film Institute à Londres, la Cinémathèque royale de Bruxelles, la Cineteca nazionale à Rome, etc. «L’activité débordante de Freddy Buache, son fondateur, et de ses collaborateurs explique que les archives se sont très vites enrichies de dons de cinéastes amis, de cinémathèques sœurs comme la Cinémathèque française. En plus de ces dons, il y a eu également des dépôts de distributeurs. 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De retour en Suisse, j’ai soigné ma salpingite et terminé mes études de lettres. Entre deux amants de passage, je traversais de longues périodes d’abstinence sexuelle sans que cela me coûte. A la manif, j’ai trouvé Pierre très beau avec sa moustache et sa barbe de cinq jours. Et je l’ai trouvé irrésistible lorsqu’il a jeté une bouteille vide en direction des forces de l’ordre qui voulaient nous empêcher d’accéder à la salle où se déroulait une assemblée de l’UDC, ce parti d’extrême droite honni par nous. Pierre s’est fait réprimander par les camarades communistes qui assuraient le service d’ordre et il a fini par en venir aux mains avec eux. J’ai spontanément pris sa défense, nous nous sommes faits bousculer et avons quitté la manifestation, lui avec une arcade sourcilière fendue, moi avec un fort désir pour lui. Je l’ai emmené chez moi pour soigner sa blessure et nous avons fait l’amour toute la nuit. 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Pierre est devenu agressif avec Mireille lorsque celle-ci a déclaré que les néo-féministes exagéraient et que #MeToo décourageait toute tentative de séduction de la part des hommes. «Je n’ai pas peur de le dire, j’aime bien que l’on me tienne la porte et que les hommes me fassent sentir qu’ils me désirent…» Pierre lui a rétorqué que le patriarcat était une forme de fascisme et qu’en tant que progressiste nous devions tout faire pour l’abattre. J’ai essayé de dévier la conversation sur la nourriture bio mais très vite c’est l’écriture inclusive qui a fait s’échauffer les esprits. Serge, qui se pique d’aimer la littérature, a déclaré que le français était en danger, qu’il fallait le sauver des points médians et des réformes de l’orthographe. 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Ils réduisent de manière significative la quantité de plastique qui se retrouve dans les océans.</p> <p>Malgré cela, et parce qu’ils font un travail salissant et vivent dans des endroits sales, ils sont souvent tenus pour responsables du problème de la pollution plastique. Dans les discours politiques des villes et des Etats, leur travail a longtemps été <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/0956247816657302">tourné en dérision, considéré comme non qualifié et inefficace</a>. <a href="https://www.undp.org/blog/unsung-heroes-four-things-policymakers-can-do-empower-informal-waste-workers">L’absence de reconnaissance officielle</a> de leur travail rend leurs revenus particulièrement instables et précaires. Les réglementations environnementales peuvent <a href="https://iopscience.iop.org/article/10.1088/1748-9326/ac6b49">aggraver ces menaces</a> en accélérant la privatisation du traitement des déchets.</p> <p>Alors que les efforts de lutte contre la pollution plastique gagnent du terrain, les ramasseurs informels sont soumis à une double pression:</p> <ul> <li> <p>Ils doivent protéger leur accès aux déchets, car c’est l’un des rares moyens de subsistance dont ils disposent.</p> </li> <li> <p>En même temps, ils cherchent à améliorer leurs conditions de vie et de travail.</p> </li> </ul> <p>Un groupe de ramasseurs de déchets a donc profité de l’ouverture des négociations pour <a href="https://globalrec.org/document/just-transition-waste-pickers-un-plastics-treaty/">plaider en faveur de la reconnaissance de leur travail</a>. Il a été demandé que leurs contributions historiques à la réduction de la pollution plastique soient explicitement reconnues, et qu’un objectif explicite de transition juste soit intégré au traité sur les plastiques.</p> <h3>Avec l’économie circulaire, tout le monde est gagnant?</h3> <p>La <a href="https://theconversation.com/quatre-idees-recues-sur-la-transition-juste-227569">transition juste</a> est un principe défendu par les groupes de travailleurs et les défenseurs de la justice sociale afin de garantir que les politiques de transition écologique protègent, améliorent et compensent équitablement les moyens de subsistance des travailleurs et des communautés affectés par l’environnement.</p> <p>Les ramasseurs de déchets ont utilisé ce terme pour réclamer que le traité comprenne des dispositions pour améliorer leurs conditions de travail et de sécurité. 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Par exemple la <a href="https://www.businessforplasticstreaty.org/vision-statement#Key-elements">Business Coalition for a Plastics Treaty</a>, les <a href="https://news.un.org/en/story/2024/10/1156301">dirigeants des Nations unies</a> et même <a href="https://resolutions.unep.org/resolutions/uploads/american_chemistry_council.pdf">l’industrie pétrochimique</a>.</p> <p>Certaines de ces demandes ont été intégrées aux projets de traité sur les plastiques discutés au cours des négociations, ce qui représente une victoire majeure pour les travailleurs du secteur informel des déchets.</p> <p>Un consensus se dégage sur le fait qu’une économie circulaire inclusive peut être bénéfique à la fois pour l’environnement, l’économie et les travailleurs en améliorant la gestion de la pollution, les moyens de subsistance et les opportunités de croissance économique pour les entreprises.</p> <p>Ces promesses demandent toutefois à être vérifiées sur le terrain. Et c’est là que les choses se compliquent.</p> <h3>« Gagnant-gagnant », mais la victoire de qui ?</h3> <p>Dans mon livre <a href="https://mitpress.mit.edu/9780262546973/recycling-class/"><em>Recycling Class</em></a>, j’examine comment les efforts de recyclage inclusif ont été mis en œuvre à Bengaluru, l’une des plus grandes villes de l’Inde.</p> <figure><a href="https://images.theconversation.com/files/635250/original/file-20241129-15-cdpt12.jpg?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img src="https://images.theconversation.com/files/635250/original/file-20241129-15-cdpt12.jpg?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" alt="" /></a> <figcaption><span></span></figcaption> </figure> <p>Dans cet ouvrage, je défends que l’intégration dans des programmes d’économie circulaire basés sur le marché n’est pas une solution miracle aux injustices ancrées dans les systèmes de production, de consommation et de production des déchets.</p> <p>La plupart des politiques d’économie circulaire et de recyclage inclusif reposent sur des mécanismes de marché, partant du principe que la création de marchés pour les déchets incitera les acteurs du marché à récupérer efficacement les déchets et à les convertir en ressources.</p> <p>Pour remplir leurs obligations en matière de <a href="https://theconversation.com/faire-payer-plus-les-entreprises-pour-quelles-reduisent-les-emballages-130073">responsabilité élargie des producteurs</a> (REP), les marques peuvent alors s’engager à acheter des plastiques recyclés et à financer la collecte des déchets en achetant des <a href="https://www.worldbank.org/en/programs/problue/publication/unlocking-financing-to-combat-the-plastics-crisis">crédits plastique</a>.</p> <p>Cette approche vise à améliorer le prix des déchets, à augmenter les salaires et à encourager les efforts de collecte, tout en attirant des investissements pour financer l’amélioration des infrastructures et des technologies.</p> <p>Cependant, les mécanismes fondés sur le marché aggravent les inégalités existantes en matière d’accès au marché. Les efforts visant à donner la priorité à la traçabilité et à la transparence – dans le but d’améliorer l’efficacité du marché et le respect de la réglementation – désavantagent souvent les travailleurs informels.</p> <p>Ces derniers ne disposent pas des ressources et des capacités techniques nécessaires pour adopter des systèmes de suivi complexes basés sur les SIG ou la blockchain, et se retrouvent exclus des processus formalisés. Les start-up financées par le capital-risque et les grandes entreprises s’emparent alors du secteur du recyclage.</p> <p>Les multinationales préfèrent d’ailleurs les partenariats avec des start-up technologiques qui offrent des services à «valeur ajoutée» tels que des indicateurs et des tableaux de bord environnementaux, permettant aux entreprises de mettre en scène leur propre récit sur le développement durable. Souvent issus de milieux éduqués et privilégiés, les employés de ces firmes <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S001671852300057X">concurrencent les travailleurs informels existants, les subordonnant au passage</a>.</p> <p>A l’inverse, les femmes et les membres des minorités ethno-raciales et religieuses, qui constituent la majorité des travailleurs des économies informelles des déchets, sont confrontés à des obstacles supplémentaires. Notamment des <a href="https://mouvements.info/recuperateurs-de-dechets/">stigmates sociaux bien ancrés</a> qui limitent leur capacité à participer sur un pied d’égalité à ces marchés émergents. Ils restent toujours relégués aux mêmes tâches manuelles et difficiles, même si leurs conditions de travail en ressortent légèrement améliorées.</p> <h3>L’industrie du plastique maintient le <em>statu quo</em></h3> <p>Malgré les bonnes intentions de départ, des termes tels que «économie circulaire inclusive» sont donc trop souvent utilisés à des fins de <em>green washing</em> et même de <em>justice washing</em>, tandis que les travailleurs continuent à endurer des conditions difficiles. Une étude de <a href="https://www.circle-economy.com/resources/decent-work-in-the-circular-economy">Circle Economy</a> souligne que la plupart des emplois du secteur de l’économie circulaire restent ad-hoc et informels et ne bénéficient pas des garanties d’un emploi décent.</p> <p>En fin de compte, les travailleurs informels sont confrontés à un choix difficile: soit ils acceptent d’être exploités au sein des circuits de traitements des déchets en tant que simples ressources, soit ils risquent de perdre complètement leurs moyens de subsistance.</p> <p>Les systèmes actuels de production et de consommation du plastique déplacent donc la charge des déchets sur des communautés autochtones ou ethniques marginalisées, créant ainsi des <a href="https://www.dukeupress.edu/pollution-is-colonialism">zones sacrifiées</a>. Ce déplacement permet de maintenir la rentabilité, tout en perpétuant les atteintes à l’environnement et les inégalités sociales.</p> <p>En promouvant des technologies de <a href="https://www.bbc.com/afrique/monde-57087908">recyclage chimique</a> non éprouvées et en étendant les marchés du plastique, les entreprises <a href="https://theconversation.com/comment-lindustrie-fossile-influence-les-negociations-mondiales-sur-le-plastique-222112">pétrochimiques</a> et de matières plastiques <a href="https://direct.mit.edu/glep/article/21/2/121/97367/Future-Proofing-Capitalism-The-Paradox-of-the">s’approprient le langage de l’économie circulaire</a>. Cela leur permet de donner un vernis écologique à leurs propositions, tout en maintenant le <em>statu quo</em> sur les inégalités.</p> <p>Pendant ce temps, la HAC, plusieurs ONG et même certains ramasseurs de déchets invoquent également l’économie circulaire comme solution à la crise du plastique, en mettant l’accent sur le réemploi et le recyclage inclusif.</p> <h3>Demander des comptes aux pollueurs plutôt que compter sur l’efficacité du marché</h3> <p>Pour que l’économie circulaire aille au-delà de la simple protection du capitalisme fossile, elle doit prendre en compte les collecteurs de déchets et recycleurs informels dans le Sud et reconnaître les limites des mécanismes basés sur le marché. C’est vrai aussi bien pour le traité international sur la pollution plastique que pour d’autres démarches régionales comme le <a href="https://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/ATAG/2021/679066/EPRS_ATA(2021)679066_FR.pdf">plan d’action de l’UE pour l’économie circulaire</a>.</p> <p>En effet, toute stratégie de lutte contre la pollution plastique basée sur le marché et axée sur le profit est susceptible de reproduire ces schémas d’inégalité. Et par la même occasion, de pérenniser les injustices systémiques qui soutiennent le statu quo. Pour une transition vraiment juste, la lutte contre la pollution plastique ne doit donc pas devenir une opportunité de croissance économique ou de profit.</p> <p>Au contraire, nous avons besoin d’une approche centrée sur la réparation. Il faut d’abord, pour cela, reconnaître les contributions historiques des collecteurs informels du plastique ainsi que les préjudices qu’ils subissent. Puis redistribuer les ressources aux personnes les plus touchées et créer des systèmes qui donnent la priorité à la restauration de l’environnement et à la justice sociale plutôt qu’au profit des entreprises.</p> <p>Une économie circulaire bien financée devrait d’abord renforcer le pouvoir des travailleurs, puis améliorer les capacités des infrastructures et réduire la concentration de ces déchets en produits chimiques toxiques, plutôt que de s’appuyer sur des solutions basées sur le marché qui aggravent les inégalités.</p> <p>Les vraies solutions consistent à demander des comptes aux pollueurs et à adopter des approches circulaires fondées sur la sobriété et la réparation, et non sur l’efficacité du marché.<img src="https://counter.theconversation.com/content/244065/count.gif?distributor=republish-lightbox-basic" alt="The Conversation" width="1" height="1" /></p> <hr /> <h4><span><a href="https://theconversation.com/profiles/manisha-anantharaman-1526162">Manisha Anantharaman</a>, Assistant Professor, Center for the Sociology of Organisations, CNRS/Sciences Po, <em><a href="https://theconversation.com/institutions/sciences-po-2196">Sciences Po </a></em></span></h4> <h4>Cet article est republié à partir de <a href="https://theconversation.com">The Conversation</a> sous licence Creative Commons. Lire l’<a href="https://theconversation.com/les-ramasseurs-de-dechets-grands-perdants-du-recit-dominant-sur-la-pollution-plastique-244065">article original</a>.</h4> </div>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'les-ramasseurs-de-dechets-grands-perdants-du-recit-dominant-sur-la-pollution-plastique', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 42, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 5, 'person_id' => (int) 85, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'comments' => [[maximum depth reached]], 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Posts' }, (int) 2 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 5283, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => true, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => null, 'readed' => null, 'subhead' => null, 'title' => 'Les Etats-Unis financent un collectif international de journalistes', 'subtitle' => 'Si le réseau Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP) a révélé des avoirs russes cachés ou la corruption au Venezuela, le Delaware, paradis de l'évasion fiscale, reste pour lui un tabou. «Notre politique veut que nous ne fassions pas de rapports sur un pays avec son propre argent», a déclaré Drew Sullivan, son cofondateur.', 'subtitle_edition' => 'Si le réseau Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP) a révélé des avoirs russes cachés ou la corruption au Venezuela, le Delaware, paradis de l'évasion fiscale, reste pour lui un tabou. «Notre politique veut que nous ne fassions pas de rapports sur un pays avec son propre argent», a déclaré Drew Sullivan, son cofondateur.', 'content' => '<p style="text-align: center;"><strong>Urs P. Gasche</strong>, article publié sur <a href="https://www.infosperber.ch/medien/medienkritik/die-usa-finanzieren-internationales-journalisten-kollektiv/" target="_blank" rel="noopener"><em>Infosperber</em></a> le 5 décembre 2024, traduit par <em>Bon Pour La Tête</em></p> <hr /> <p>Parmi de nombreux autres médias, la <em>NZZ</em> et le <em>Tages-Anzeiger</em> ont diffusé à plusieurs reprises des révélations du réseau international de journalistes Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP). Ce faisant, ils n'ont pas rendu transparent le fait que les services gouvernementaux américains paient la moitié du budget de l'OCCRP. 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De plus, l'agence gouvernementale américaine interdit d'utiliser son argent pour mettre au jour la corruption aux Etats-Unis.</p> <p>Certaines subventions étaient même affectées à un but précis: le Department of State, par exemple, a versé 173 000 dollars à l'OCCRP pour «détecter et combattre la corruption au Venezuela». Ou l'<a href="https://www.usaid.gov/">Agence pour le développement international (USAID)</a> a versé plus de deux millions de dollars dans le but de «mettre au jour la criminalité et la corruption à Malte et à Chypre».</p> <p>Le journal en ligne français indépendant <a href="https://www.mediapart.fr/en/journal/international/021224/hidden-links-between-giant-investigative-journalism-and-us-government">« Mediapart »</a> en a parlé le 2 décembre 2024 <a href="https://www.mediapart.fr/en/journal/international/021224/hidden-links-between-giant-investigative-journalism-and-us-government">.</a></p> <p>Le fondateur de l'OCCRP est un ancien employé <a href="https://www.rockwellautomation.com/de-ch.html">de Rockwell</a> devenu journaliste: <a href="https://www.occrp.org/en/staff/drew-sullivan">Drew Sullivan</a>. L'OCCRP a été créé à l'instigation de fonctionnaires du gouvernement américain. Selon Mediapart, Sullivan a reçu pour cela, en 2008, un financement de départ de 1,7 million de dollars du <a href="https://www.state.gov/bureaus-offices/under-secretary-for-civilian-security-democracy-and-human-rights/bureau-of-international-narcotics-and-law-enforcement-affairs/">Bureau of International Narcotics and Law Enforcement Affairs</a>(INL). Il s'agit d'une agence d'application de la loi du Département d'Etat américain.</p> <p>L'OCCRP s'appuie souvent sur des documents divulgués provenant de sources non identifiées. La qualité des recherches et des révélations de l'OCCRP n'est pas mise en doute. L'orientation unilatérale des recherches et le manque de transparence des informations sur le financement donnent lieu à des critiques.</p> <p>L'ampleur des liens personnels et financiers de l'OCCRP avec le gouvernement américain va à l'encontre de «tous les principes de l'éthique journalistique». C'est ce qu'a déclaré Leonard Novy, directeur de l'Institut allemand des médias et de la politique de communication, à la chaîne NDR. Cela laisse supposer que les journalistes peuvent être utilisés ou instrumentalisés à des fins politiques.</p> <p>Sullivan et l'OCCRP ont également laissé les médias partenaires et leurs lecteurs dans l'ignorance de leur proximité avec le gouvernement américain. Selon Leonard Novy, l'organisation a ainsi dépassé les limites.</p> <h3><strong>Sullivan n'a pas voulu parler clairement aujourd'hui encore</strong></h3> <p>Sullivan a d'abord affirmé à la chaîne NDR que l'OCCRP avait «un groupe de donateurs largement répandu», parmi lesquels «aucun donateur individuel ne domine». Il a ajouté que «le gouvernement américain [...] est l'un des plus grands donateurs, mais ce n'est pas un pourcentage énorme». 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[...] Je suis très reconnaissant au gouvernement américain.»</p> <p>Par écrit, Sullivan a renchéri: «Nous avons dû décider si nous voulions accepter de l'argent du gouvernement ou ne pas exister.» Sur le site web de l'OCCRP, les montants des sponsors ne sont pas indiqués.</p> <h3><strong>Conditions posées</strong></h3> <p>Sullivan a confirmé à la NDR le pouvoir d'influence des autorités américaines: «Dans le cadre d'accords de coopération que nous n'aimons pas conclure, ils ont un droit de regard sur le choix des personnes [...] Ils peuvent mettre leur veto sur quelqu'un [...] Ils n'ont jamais mis leur veto sur quelqu'un.»</p> <p>L'OCCRP ne peut pas enquêter sur des affaires américaines avec l'argent fourni par Washington. «Notre politique veut que nous ne fassions pas de rapports sur un pays avec son propre argent», a déclaré Sullivan à la NDR. «Je pense que le gouvernement américain ne le permet pas. Mais même dans d'autres pays où ces dispositions n'existent pas, nous ne le faisons pas parce que cela vous place dans une situation de conflit d'intérêts et que vous préférez rester à l'écart de telles situations.»</p> <p>Ainsi, le paradis fiscal américain du Delaware n'a jamais fait l'objet de toutes les recherches sur l'évasion fiscale et l'argent de la corruption.</p> <p>L'OCCRP a tout de même effectué des recherches isolées aux Etats-Unis: par exemple sur les <a href="https://www.occrp.org/en/investigation/meet-the-florida-duo-helping-giuliani-investigate-for-trump-in-ukraine">hommes d'affaires</a> qui avaient soutenu l'avocat de Donald Trump pour nuire à Joe Biden, ou sur la manière dont le Pentagone a dépensé des sommes énormes pour <a href="https://www.occrp.org/en/project/making-a-killing/revealed-the-pentagon-is-spending-up-to-22-billion-on-soviet-style-arms-for-syrian-rebels">fournir des armes</a> à des groupes rebelles en Syrie, ou encore sur un <a href="https://www.occrp.org/en/investigation/flight-of-the-monarch-us-govt-contracted-airline-once-owned-by-criminals-with-ties-to-russian-mob">contrat</a> entre le gouvernement américain et une compagnie aérienne dont les propriétaires sont liés au crime organisé en Russie.</p> <p>Ces recherches ont manifestement respecté une autre condition imposée par les autorités américaines à l'OCCRP: l'activité doit être «en accord avec la politique étrangère et les intérêts économiques des Etats-Unis et les promouvoir.» (<a href="https://www.govinfo.gov/content/pkg/COMPS-1071/pdf/COMPS-1071.pdf">US Foreign Assistance Act</a>).</p> <h3><strong>Voici comment la «NZZ» et Tamedia ont présenté la source OCCRP</strong></h3> <p><strong>«NZZ» du 19 juillet 2023</strong></p> <p>«L'Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP) est un réseau d'organisations journalistiques fondé en 2006, basé dans de nombreux pays différents et fonctionnant sous cette forme en tant que filiale du Journalism Development Network à but non lucratif, dont le siège est dans le Maryland.»</p> <p><strong>«Tages-Anzeiger» du 21 juin 2023</strong></p> <p>«Grâce à l'organisation OCCRP, des journalistes femmes de plusieurs pays ont pu étudier ces données, dont <em>Der Standard</em> en Autriche et <em>Der Spiegel</em> en Allemagne. Pour la Suisse, le bureau de recherche de Tamedia et Paper Trail Media était de la partie.»</p> <h3><strong>Informations complémentaires</strong></h3> <p><strong>22 décembre 2022</strong> <a href="https://www.infosperber.ch/politik/welt/twitter-diente-jahrelang-als-gehilfe-des-pentagons/">Twitter a servi pendant des années d'auxiliaire au Pentagone</a>. Elon Musk a partiellement révélé les outils internes de Twitter. Ils prouvent des services d'hommes de main pour la propagande de l'armée américaine à l'étranger.</p> <p><strong>12 février 2009</strong> <a href="https://www.tagesanzeiger.ch/27-000-pr-berater-polieren-image-der-usa-631302390683">27 000 conseillers en relations publiques polissent l'image des Etats-Unis</a>. Des faits presque incroyables sur le travail de relations publiques du Pentagone.</p> <p><strong>20 avril 2008</strong> <a href="https://www.spiegel.de/kultur/gesellschaft/gekaufte-meinung-pentagon-beschaeftigt-pr-armee-fuer-us-tv-a-548519.html">Le Pentagone emploie une armée de RP pour la télévision américaine</a>. 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