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Chronique

Chronique / Stèle pour Segalen


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Nombreux sont les écrivains français à avoir éprouvé une fascination pour la Chine. Claudel, bien sûr, qui, en tant que diplomate, y occupa différents postes, notamment à Shanghai et à Tientsin; Saint-John Perse, qui fut secrétaire de la légation française de Pékin. Malraux, qui y consacra trois de ses livres majeurs, dont son roman le plus célèbre, La Condition humaine. Et plus près de nous, Pierre-Jean Remy, avec Le Sac du Palais d’été. Mais il y a encore un autre écrivain, quelque peu en marge, mort il y a tout juste cent ans, le 23 mai 1919. Il s’agit de Victor Segalen.



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Un peu à l’image de ce qu’il fut, l’anniversaire de son décès n’a donné lieu jusqu’à présent qu’à des manifestations plutôt discrètes. Un colloque et une exposition à Brest, la ville natale de l’écrivain; un parcours photographique annoncé pour juin au Musée Guimet à Paris. Et,  en attendant l’entrée de Segalen dans la Bibliothèque de la Pléiade l’an prochain, on retiendra, parmi les parutions, la nouvelle édition augmentée du volume que les Cahiers de L’Herne lui avaient consacré en 1998.

Il y a longtemps pour ma part que la figure de Segalen, sa vie autant que son œuvre, me fascine. En 1976, déjà, j’avais acquis Les origines de la statuaire chinoises, qui venait de paraître à La Différence. Volume que j’ai conservé précieusement, collant sur ses pages divers documents ayant trait à son auteur. En particulier un article des Nouvelles Littéraires d’Etienne M. Manac’h (1910-1992), qui fut ambassadeur de France en Chine et que je viens de relire pour cette chronique.

Calligraphie de Victor Segalen. © Raphaël Aubert

Victor Segalen est donc né le 14 janvier 1878 à Brest et mort au Huelgoat, quarante et un ans plus tard.«Déduisons de cette brève existence, relève Manac’h, les années d’enfance et d’études: la moitié de la vie ouvrable de Victor Segalen est consacrée à la Chine.» Mais n’anticipons pas. Après le lycée, Segalen entre à l’école de santé de la marine. Il sera médecin. Mais il s’intéresse déjà à la littérature. Sa thèse ne porte-t-elle pas sur L'observation médicale chez les écrivains naturalistes? Encouragé par Rémy de Gourmont, il donne des articles au Mercure de France. Mais ce sont les lointains qui le requièrent. En 1903, il embarque pour la Polynésie. A son arrivée à Tahiti, il apprend la mort de Paul Gauguin. De ce premier séjour Outre-mer, il ramène les Immémoriaux, roman racontant le crépuscule de la civilisation maorie. Il est ensuite affecté en Chine, en 1909, à Pékin, après avoir suivi des cours de mandarin au Collège de France. Il va y rester jusqu’en 1913.

Le pays qu’il découvre alors, qui est en plein bouleversement – la république sera proclamée en 1912 – n’est pas celui qui l’intéresse. Son intérêt va à la Chine du passé. A Pékin, il habite au milieu de la ville tartare à l’écart du quartier des légations. Ce premier séjour, durant lequel Segalen croise Claudel,«tête ronde, yeux porcelaine, très vifs», prend fin en 1913. Il y retourne l’année suivante par le Transsibérien, cette fois pour une mission archéologique à travers la Chine suivant une grande diagonale du Nord-Est au Sud-Ouest. Survient la Première guerre mondiale. Rappelé en France, Segalen est mobilisé près de Dixmude en tant que médecin avec les fusiliers-marins de l’amiral Ronarc'h. En 1917, l’écrivain est à nouveau envoyé en Chine, d’où il revient un an plus tard. Mais sa santé s’est altérée. Segalen est hospitalisé à Paris; convalescent, il s’installe en Bretagne. Le 23 mai, son corps sans vie est retrouvé dans la forêt où il avait l’habitude de se promener. Segalen avait à une jambe une blessure profonde et un garrot de fortune.

Un voyage au fond de soi

De son vivant, Victor Segalen n’a publié que quelques ouvrages sur la peinture ainsi que sur la statuaire chinoise, dont le plus connu, son chef d’œuvre, est le recueil intitulé Stèles. Evocation des pierres gravées à partir de l’époque Han et comportant des inscriptions. Dressées en direction du sud, elles ont trait à l'Empire, en direction de l’ouest, aux actions militaires, en direction du nord, à l’amitié, en direction de l'est, à l’amour.«Je consacre ma joie et ma vie et ma piété à dénoncer des règnes sans années, des dynasties sans avènement, des noms sans personnes, des personnes sans noms. Tout ce que le Souverain-Ciel englobe et que l'homme ne réalise pas.» Mais l’essentiel de l’œuvre de Segalen est paru après sa mort, dont le roman se déroulant dans le Pékin impérial, René Leys. L’écrivain nous a aussi laissé plusieurs ouvrages demeurés à l’état d’ébauches. C’est le cas de l’Essai sur l’exotisme.  

Aujourd’hui, le terme fait peur, a mauvaise presse, car il charrie son relent de colonialisme. Il sent par trop son native. A l’employer, il y a comme une revendication d’«européocentrisme». Chez Segalen, il s’agit de bien autre chose, d’une esthétique du divers, pour reprendre le sous-titre de l’ouvrage. Entendez: une esthétique du différent, de l’autre comme Autre. L’exotisme, écrit Segalen, c’est «la connaissance que quelque chose n’est pas soi-même.» Aucun jugement de valeur ici, non plus que l’affirmation d’une quelconque supériorité, simplement un constat, quasi neutre. Tout le contraire aussi, poursuit l’auteur, de «cet état kaléidoscopique du touriste et du médiocre spectateur.» L’exotisme, c’est «la perception aiguë et immédiate d’une incompréhensibilité éternelle.» La rencontre de la différence, de l’altérité, que seul celui doté d’une individualité forte est en mesure de comprendre, de percevoir. C’est pourquoi, note encore l’écrivain, les «sensations d’Exotisme et d’Individualisme, sont complémentaires.»  Cette conscience du différent, l’exotisme donc, et c’est moins paradoxal qu’il n’y paraît, devient ainsi le moyen d’accès privilégié à l’autre. Et, en retour, reconnaissance de soi-même pour s’éprouver différent. «On fit comme toujours un voyage au loin,  écrit ailleurs Segalen, de ce qui n’était qu’un voyage au fond de soi.»


Victor Segalen, Essai sur l’exotisme, Le Livre de Poche «Biblio essais», 2009

L’Herne Segalen, Cahiers de L’Herne, 2019

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