Actuel / Europe vs Big Tech
Selon un sondage, plus de 70% des européens sont favorables à un contrôle strict des algorithmes. © Luis Mazón
Milliards en amendes, impôt numérique, droit d'auteur: l’UE agit contre les géants de l’Internet et change les règles du jeu de l’économie numérique. Avec quelles suites? Analyse d'un projet politique qui semblait encore impensable il y a peu de temps.
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Selon un sondage, plus de 70% des européens sont favorables à un contrôle strict des algorithmes. Bruxelles s’est fixé comme objectif de répondre à cette demande. Et elle s’établit par là comme super pouvoir régulateur.</p> <p>Un pouvoir que les acteurs du Big Tech respectent toujours plus, et tentent même de flatter. Ainsi, le directeur de Microsoft, Satya Nadella, prône des règles strictes pour la reconnaissance faciale. Le directeur d’Apple, Tim Cook, élève le Règlement général sur la protection des données (RGPD) au niveau des droits humains. Et même le directeur de Facebook, Mark Zuckerberg, étend dernièrement le modèle européen comme standard mondial.</p> <p>La politique des USA prend aussi le train en marche: la Californie, patrie de la plupart des géants Tech, a adopté en juin dernier un équivalent au RGPD. La sénatrice démocrate Elizabeth Warren s’est même tellement inspirée de l’Europe, qu’elle a mis la répression des GAFA (pour Google, Apple, Facebook, Amazon) à son programme électoral pour les présidentielles.</p> <p>Venant d’Europe, le slogan électoral d’Emmanuel Macron est désormais à la mode dans la Silicon Valley. Le vent a tourné. Au début, des professeurs de journalisme américains comme Jeff Jarvis se moquaient de la peur allemande des technologies. Aujourd’hui, après cinq ans de débats sur les infox et les scandales de vol de données, ils prennent au sérieux les idées de la «vieille Europe».</p> <p>À raison, car l’UE et ses membres sont en effet sérieux à ce sujet. Pour les groupes Big Tech, ce ne sont rien de moins que les règles fondamentales de l’économie numérique qui sont en jeu.</p> <p>Aucun groupe ne l’a ressenti aussi fort que Google, en rapport avec l’alphabet de sa maison mère.</p> <h3><strong> 1. Des milliards en amendes pour Google et Cie</strong></h3> <p>La Commission de l’UE a déjà mis à l’amende à plusieurs reprises le géant d’Internet. Le groupe a dû débourser en tout 8,2 milliards d’euros pour l’exploitation de sa position dominante, pour la place proéminente de «Google Shopping», pour la préinstallation de sa propre application dans le système d’exploitation Android et pour l’exploitation de son propre réseau publicitaire AdSense. C’est une somme qui fait mal, même pour Google.</p> <p>Et <strong>Facebook</strong> a aussi été mis à l’amende par l’UE. Le réseau social a dû sortir 110 millions d’euros pour fausses déclarations lors du rachat de WhatsApp en 2014. L’Europe n’avait autorisé l’acquisition qu’à la condition que les numéros de téléphone ne soient pas transmis à la maison mère. Mais c’est exactement ce qu’a fait Facebook deux ans plus tard.</p> <p>L’Office fédéral allemand de lutte contre les cartels observe à présent de manière critique si la fusion technique prévue d’<strong>Instagram, Whatsapp, Facebook Messenger et Facebook </strong>ne constitue pas un abus du pouvoir de marché en devenant un espace de communication pratiquement clos.</p> <p>La figure de proue de tous ces jugements de Bruxelles est la Commissaire à la concurrence de l’UE <strong>Margrethe Vestager</strong>. Elle est la superstar du cabinet de Juncker. Il y a cinq ans, elle a hérité du siège de Joaquín Almunia, qui avait entamé la procédure contre Google, et était tout de suite passée à la vitesse supérieure. Les premiers jugements contre les géants Tech ont eu lieu dès 2016 et se poursuivent coup sur coup avec les décisions fiscales contre le Luxembourg et l’Irlande.</p> <p>Le but de Mme Vestager: plus de concurrence loyale. Les moyens: des amendes qui font mal.</p> <hr /> <h2>Des milliards en amendes contre les GAFA</h2> <p><strong>Les moyens:</strong> Les sociétés qui abusent de leur position dominante sur le marché doivent être mises à l’amende.</p> <p><strong>Le but:</strong> Briser le pouvoir de marché des plus grands groupes et permettre une concurrence plus loyale.</p> <p><strong>Les suites:</strong> Elles peuvent aller de la séparation de secteurs d'activité individuels jusqu’au démantèlement des groupes plus grands.</p> <hr /> <p>Mme Vestager a déjà laissé entrevoir qu’elle étudie d'autres plaintes contre Google, comme par exemple celle du concurrent <strong>Yelp</strong> de «Local Search» et «Jobs». Elle a aussi introduit une enquête préliminaire dans le cadre de la loi sur les cartels contre le géant de l’e-commerce <strong>Amazon</strong>. Son équipe collecte pour l’heure des preuves auprès des vendeurs qui distribuent leurs produits sur le portail. Le soupçon: Amazon analyse les données de vente sensibles des tiers et exploite les connaissances acquises pour le développement de ses propres produits.</p> <p>Pour Mme Vestager, Amazon abuse ainsi de son savoir-faire. La Danoise voudrait intégralement réformer la loi de l’UE sur les cartels. Google et Amazon ne devraient même pas avoir l’idée de développer leurs propres produits. Sinon, elles seraient comme des associations sportives: elles établissent les règles du jeu, les standards étiques, comment agir avec le dopage. «Mais elles n’ont pas d’équipes à elles qui entrent en concurrence.» Une plainte semblable a été introduite par Spotify contre le groupe Apple.</p> <p>On constate dans les jugements de Bruxelles contre les GAFA une différence essentielle par rapport à d’autres domaines de l’économie. Aux USA, les monopoles ne sont considérés dangereux que lorsque l’on peut prouver qu’il y a un dommage pour le citoyen.</p> <p>En Suisse aussi, la Commission sur les cartels part du principe que la taille gigantesque des GAFA est, de prime abord, une bonne chose. «La grand taille permet le résultat souhaitable d’une meilleure prestation pour la clientèle et n’est pas un problème en soi», nous dit Frank Stüssi, directeur suppléant de la Comco. Par ailleurs, on est assez généreux dans le cas des fusions prévues. Chez nous, le rachat de WhatsApp par Facebook n’était même pas soumis à l’obligation de déclaration.</p> <p>Dans l’UE, on est bien plus sceptiques face au pouvoir de marché qui découle du nombre impressionnant d’utilisateurs d'une plateforme. Pour Mme Vestager, celui qui propose une place de marché populaire ne devrait pas pouvoir y vendre également ses propres produits.</p> <p>La politique de l’Union européenne, un marché de 500 millions d’individus, semble bien décidée à faire front contre la Silicon Valley.</p> <p>Y compris dans un domaine clef de l’économie: les impôts.</p> <h3><strong> 2. Un nouvel impôt numérique</strong></h3> <p>La situation de départ est claire: les groupes numériques paient trop peu d’impôts de société en UE. Ou du moins à un taux moins élevé que les entreprises d'autres domaines. Les cadres de Google et Cie le justifient le plus souvent ainsi: la création de valeur – l’analyse et le traitement algorithmique des données – n’a pas lieu en Europe.</p> <p>Cet argument n'est plus pertinent dans des pays comme la France et l’Allemagne. Dès lors, on y discute intensément au sujet d’un impôt dit numérique. Les entreprises qui montrent aux consommateurs européens des publicités sur Internet passeraient plus sévèrement à la caisse, indépendamment de leur siège social.</p> <p>Le président français <strong>Emmanuel Macron</strong> donne le tempo. Les députés ont adopté récemment un projet en la matière, dont la France espère retirer des revenus de 400 millions d’euros. Macron avait déjà exigé avec succès d’Amazon et d’Apple des arriérés d'impôts de plus de 500 millions d'euros à titre rétroactif pour les dix ans passés.</p> <hr /> <h2>Impôt numérique</h2> <p><strong>Les moyens:</strong> Les groupes mondiaux de l’Internet financés par les publicités en ligne doivent payer une taxe numérique de 3% de leur chiffre d’affaires.</p> <p><strong>Le but:</strong> Un prélèvement et une répartition plus équitable des gains réalisés par les géants de l’Internet grâce aux données des utilisateurs européens.</p> <p><strong>Les suites: </strong>Des revenus réduits pour les géants de l’Internet si le modèle de l’OCDE est reconnu et appliqué au niveau mondial.</p> <hr /> <p>Les Français ont le soutien du chancelier fédéral autrichien, <strong>Sebastian Kurz</strong>. Son gouvernement a publié, il y a quelques semaines, son propre projet d’impôt numérique. Les critiques sont cependant fortes, car la loi obligerait Google et Facebook à garder pendant sept ans les adresses IP pour l’identification des Autrichiens sur Internet. Et cela, pas même de façon anonyme. Le projet est en révision pour le moment.</p> <p>La question de l’introduction d’un impôt numérique au niveau de l’UE reste ouverte. Les questions fiscales exigent l’unanimité. Et plusieurs pays membres de l’UE mettent un frein à ce sujet. Notamment, les ministres des Finances de l’Irlande (sièges européens de Facebook, Google et Apple) et du Luxembourg, mais aussi de la Suède (siège de Spotify) sont sceptiques. Dès lors, Bruxelles attend et l’on spécule sur l’OCDE. Cette dernière pourrait proclamer d’ici à 2020 un impôt numérique contraignant. L’Europe n’en subirait aucun inconvénient.</p> <p>La <strong>Suisse</strong>, par contre, n’est pas pressée d’avoir un impôt numérique. Le ministre des Finances Ueli Maurer était encore séduit par cette idée en 2017. Son département l’a cependant nuancée en janvier dernier. Ce type de nouvelles mesures provisoires pourrait mener à une «surimposition», nous dit le porte-parole Frank Wettstein. Si le projet de l’OCDE entrait en vigueur en 2020, le Conseil fédéral corrigerait certainement sa position.</p> <p>Que la Suisse y participe ou pas, il est probable que la communauté des États, menée par l’Union européenne, augmentera la fiscalité.</p> <p>Mais l’UE veut encore plus. Les États ne devraient pas être les seuls bénéficiaires. Les artistes et auteurs aussi devraient mieux profiter des flux financiers. C’est grâce à leurs contenus que Google, Facebook et Cie gagnent des fortunes. Les institutions de l’UE viennent de le décider.</p> <h3><strong> 3. Droits d’auteur protégés</strong></h3> <p>Et cela grâce à réforme des droits d’auteur. Elle a été approuvée par le Parlement européen au mois de mars et formellement confirmée le 15 avril par le Conseil des ministres de l’UE. La <a href="https://juliareda.eu/wp-content/uploads/2019/02/Copyright_Final_compromise.pdf">directive</a> contient en tout 22 articles. Deux d’entre eux ont soulevé de vifs débats: les articles 15 et 17.</p> <p>L’article 15 (auparavant 11) atteste que Google News n’a plus le droit de résumer dans l’aperçu du lien l’article d’un média, à moins que le géant l’ait payé.</p> <p>L’article 17 (auparavant 13) est un genre d'ultimatum pour les plateformes comme Youtube: soit elles concluent des contrats de licence avec tous les artistes, soit elles prennent des «mesures adéquates et proportionnées» afin de protéger les œuvres contre des copies gratuites pouvant être faites par les usagers. On peut présumer que cette protection ne peut se faire que par un scannage préalable: il peut être réalisé par un système de filtre automatisé.</p> <p>Cette loi part de bonnes intentions. La pratique incontrôlée du copier-coller ne doit plus régner sur Internet. Il doit y avoir un système qui prenne mieux en compte les véritables auteurs des contenus.</p> <hr /> <h2>Réforme des droits d’auteur</h2> <p><strong>Les moyens:</strong> Pour tous les contenus montrés par un moteur de recherche ou une plateforme vidéo, l’auteur de ces contenus doit être rémunéré.</p> <p><strong>Le but:</strong> Un meilleur équilibre des revenus; les artistes et les sociétés de médias doivent recevoir plus d’argent, les hébergeurs moins.</p> <p><strong>Les suites:</strong> Difficiles à prévoir. Cela peut aller d’une taxe sur le lien jusqu’au filtrage des téléchargements, mis en place par les hébergeurs. Les opposants parlent d’un risque de censure.</p> <hr /> <p>Les opposants redoutent aussi un «Internet foutu» où la manipulation créative de contenus sous forme, par exemple, de <em>remix</em> ou <em>memes</em> ne serait plus possible. Les filtres sont par ailleurs imparfaits et ne sauraient pas reconnaitre les parodies ou les satires, se plaint-on. Ces craintes sont fondées. En effet, le mot filtrage n’apparait pas dans le projet. Mais comment les plateformes pourraient-elles passer au crible les 400 heures à la minute de matériel vidéo ou audio téléchargées sur Youtube?</p> <p>Un autre problème: la Cour européenne de justice a déclaré en 2012 que le filtrage était contraire aux droits fondamentaux. Ainsi, il pourrait y avoir une vague de plaintes.</p> <p>La Commission Juncker a mis en place la réforme sur les droits d’auteur. Le député allemand CDU <strong>Axel Voss</strong> était aux commandes de la commission juridique et très présent dans les débats publics. Il s'est fortement positionné pour l’article 17. Le père spirituel des droits voisins des sociétés de médias de l’article 15 est le directeur d’édition allemand <strong>Mathias Döpfner</strong>. La protection des droits voisins existe en Allemagne depuis 2013, mais elle n’a pas encore rapporté un seul centime à cause des licences gratuites pour Google.</p> <p>Les Länder ont maintenant deux ans pour transposer la réforme dans le droit national. Au pire des cas, il y aura 27 lois différentes.</p> <p>Les <strong>éditeurs suisses</strong> doivent cependant renoncer à cette éventuelle aubaine. Ici, le lobby des médias a saisi l’opportunité et a inséré les droits voisins dans sa propre réforme sur les droits d'auteur. Les passages correspondant sont les articles 37a (droits voisins pour les éditeurs) et l’article complémentaire 13b (rémunération pour les œuvres des journalistes). Mais la Commission du Conseil des États a supprimé les deux articles la semaine dernière.</p> <p>Ainsi, l’article 17 de l’Europe sera aussi valable pour les youtubeurs et blogueurs de chez nous. En effet, la Suisse traitera les entreprises technologiques de la même façon que les pays de l’UE. Tout comme cela avait déjà été le cas pour le RGPD.</p> <h3><strong> 4. Protection des données de l'utilisateur</strong></h3> <p>C’est une réglementation-monstre entrée en vigueur le 24 mai 2018. La responsabilité en matière de protection des données a été inversée à cette date. L’utilisateur d’Internet ne devrait plus être tout le temps sur ses gardes. Ce sont les entreprises qui seraient tenues responsables en cas de collecte de données superflues, de fuite de données ou de la sécurité de leur clientèle.</p> <p>Les amendes seront salées à l'avenir, afin de mieux éviter les infractions: jusqu’à 4% du chiffre d’affaires. Et les entreprises doivent y pourvoir. Les directives sur la protection des données ont été mises à jour pour l’ère numérique.</p> <hr /> <h2>Règlement général sur la protection des données RGPD</h2> <p><strong>Les moyens:</strong> Les plateformes doivent disposer d’une autorisation explicite des usagers pour sauvegarder leurs données et en mettre une copie à disposition desdits usagers.</p> <p><strong>Le but:</strong> Renforcer les droits des usagers et la concurrence entre les plateformes. Le principe «The Winner Takes It All» doit être brisé afin qu’il y ait moins de monopoles sur Internet.</p> <p><strong>Les suites:</strong> Les collectes des données des Européens seront réduites. Il n’est pas encore clair si l’idée de renforcer la concurrence grâce au RGPD fonctionnera.</p> <hr /> <p>Un des pères du RGPD est <strong>Jan Philipp Albrecht</strong>, un politicien Vert qui s’est spécialisé dans le droit de l’informatique. Il était rapporteur du Parlement européen en 2012. Albrecht a élaboré un compromis à partir de 4000 propositions de modifications et a réussi à s’opposer au puissant lobby des géants technologiques. Ils peuvent désormais être poursuivis en justice.</p> <p>Un certain nombre d’activistes ont entamé des actions judiciaires. La palme revient au juriste autrichien <strong>Maximilian Schrems</strong>, connu pour être le vainqueur de l’affaire Safe Harbour. Ses griefs: bien que cela soit explicitement défendu par le RGPD, les géants des données continuent à suivre le principe du «à prendre ou à laisser» – soit l’usager coche toutes les cases, soit il est obligé de supprimer son compte.</p> <p>Ceci est en contradiction avec l’esprit du RGPD, qui voulait justement mettre un terme à ce petit jeu. Schrems déposa quatre plaintes contre ce «processus de consentement à la nord-coréenne». Et il déjà gagné le premier round avec son organisation NOYB («none of your business»).</p> <p>À la suite d’une plainte de NOYB, les autorités françaises de protection des données CNIL ont mis à l’amende Google pour plus de 50 millions d’euros. C’est à ce jour l’amende la plus élevée émanant d’une autorité européenne de protection des données. Facebook et ses sociétés affiliées, Instagram et WhatsApp, sont les suivantes. Le grand réseau social devra faire face à une amende de 1,63 milliards de dollars en raison de ses importantes fuites de données survenues en septembre 2018. L’enquête des autorités irlandaises de protection des données aboutira bientôt. L’organisation NOYB veut aussi s’attaquer aux services de streaming comme Netflix, en raison d’incompatibilités avec le RGPD. Un test a montré que le «droit à l’information» n’est pas assez concret par rapport à l’article 15.</p> <p>Le <strong>règlement sur la vie privée électronique</strong> devrait être discuté dans l’UE mi-2019. Il concrétisera les réglementations du RGPD formulées de façon trop abstraite. Le fait de savoir quand le <em>tracking</em> des sites web est permis ou interdit devrait enfin être éclairci.</p> <p>Les initiatives européennes de protection des données sont un succès politique. Elles n’ont pourtant pas rempli les attentes économiques du RGPD.</p> <p>Il existe peu de logiciels adaptés pour la portabilité des données personnelles. Pourtant, Google, Twitter, Microsoft et Facebook ont fait l’annonce commune d’un <strong>projet de transfert de données</strong> en 2017. Ce dernier devrait permettre par exemple de transférer des photos de Google à Microsoft en quelques clics. Mais c'est un projet qui fait étrangement peu de bruit.</p> <p>La <strong>Suisse</strong> traine les pieds. Sa loi de 1992 sur la protection des données a bien été soumise à une mise à jour numérique, mais ne sera définitivement adoptée qu’après les élections fédérales. Les associations professionnelles ont critiqué le premier projet euro compatible du Conseil fédéral. Le deuxième projet a été atténué et dilué. Des principes comme le «privacy by design» ont bien été repris, mais restent sans portée en raison des faibles possibilités de sanction en cas de leur non-respect. La forme exacte de la révision sera un des points essentiels de la nouvelle législature.</p> <h3><strong>Conclusion</strong></h3> <p>L’UE poursuit deux buts avec ses efforts de réglementation: la protection de la sphère privée et plus de concurrence. Les droits citoyens numériques ne sont donc pas un but en soi, mais doivent aussi stimuler le marché intérieur. Il y a ainsi un calcul économique derrière la bureaucratie de la protection des données. Les silos de données des GAFA doivent être brisés et les chances pour les petites start-up doivent augmenter.</p> <p>Ceci n'est pas désintéressé: sur la liste des 200 plus grandes sociétés de l’Internet, à peine huit sont européennes. En dehors de SAP, Soundcloud et Spotify, il y a peu de groupes Tech européens connus et à succès.</p> <p>Les puissants géants du Tech de la Silicon Valley suivent tout autant un calcul économique en réclamant à grand cri plus de réglementations. Plus les régulations sont étendues, plus grands sont les budgets IT nécessaires pour des choses comme la sauvegarde et la migration sécurisées des données. L’accès pour des nouveaux concurrents avec des modèles d’entreprise basés sur la collecte des données pourrait même devenir encore plus difficile. De nouvelles lois signifient aussi des conditions d’entrée plus exigeantes. Et ça, les politiciens européens ne l’ont sûrement pas prévu.</p> <p>Mais Bruxelles a bien retenu une leçon du RGPD. Peu après son entrée en vigueur, l’impitoyable industrie allemande de l’avertissement s’en est surtout prise aux «petits». Dès lors, on a amélioré ce point lors de la réforme du droit d’auteur. L’article 17 ne s’applique qu'aux plateformes dont le chiffre d’affaires est d’au moins 10 millions d’euros et d’au moins 5 millions de visiteurs par mois.</p> <p>Il est probable que l’élan des réglementations subsistera au-delà des prochaines élections européennes. Les conservateurs, les socio-démocrates, les libéraux et les verts sont presque unanimes en matière de protection des données. Ils sont en faveur de la plupart des projets de loi en matière de régulation de l’Internet. 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Mais c’est exactement ce qu’a fait Facebook deux ans plus tard.</p> <p>L’Office fédéral allemand de lutte contre les cartels observe à présent de manière critique si la fusion technique prévue d’<strong>Instagram, Whatsapp, Facebook Messenger et Facebook </strong>ne constitue pas un abus du pouvoir de marché en devenant un espace de communication pratiquement clos.</p> <p>La figure de proue de tous ces jugements de Bruxelles est la Commissaire à la concurrence de l’UE <strong>Margrethe Vestager</strong>. Elle est la superstar du cabinet de Juncker. Il y a cinq ans, elle a hérité du siège de Joaquín Almunia, qui avait entamé la procédure contre Google, et était tout de suite passée à la vitesse supérieure. Les premiers jugements contre les géants Tech ont eu lieu dès 2016 et se poursuivent coup sur coup avec les décisions fiscales contre le Luxembourg et l’Irlande.</p> <p>Le but de Mme Vestager: plus de concurrence loyale. 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Le soupçon: Amazon analyse les données de vente sensibles des tiers et exploite les connaissances acquises pour le développement de ses propres produits.</p> <p>Pour Mme Vestager, Amazon abuse ainsi de son savoir-faire. La Danoise voudrait intégralement réformer la loi de l’UE sur les cartels. Google et Amazon ne devraient même pas avoir l’idée de développer leurs propres produits. Sinon, elles seraient comme des associations sportives: elles établissent les règles du jeu, les standards étiques, comment agir avec le dopage. «Mais elles n’ont pas d’équipes à elles qui entrent en concurrence.» Une plainte semblable a été introduite par Spotify contre le groupe Apple.</p> <p>On constate dans les jugements de Bruxelles contre les GAFA une différence essentielle par rapport à d’autres domaines de l’économie. Aux USA, les monopoles ne sont considérés dangereux que lorsque l’on peut prouver qu’il y a un dommage pour le citoyen.</p> <p>En Suisse aussi, la Commission sur les cartels part du principe que la taille gigantesque des GAFA est, de prime abord, une bonne chose. «La grand taille permet le résultat souhaitable d’une meilleure prestation pour la clientèle et n’est pas un problème en soi», nous dit Frank Stüssi, directeur suppléant de la Comco. Par ailleurs, on est assez généreux dans le cas des fusions prévues. Chez nous, le rachat de WhatsApp par Facebook n’était même pas soumis à l’obligation de déclaration.</p> <p>Dans l’UE, on est bien plus sceptiques face au pouvoir de marché qui découle du nombre impressionnant d’utilisateurs d'une plateforme. Pour Mme Vestager, celui qui propose une place de marché populaire ne devrait pas pouvoir y vendre également ses propres produits.</p> <p>La politique de l’Union européenne, un marché de 500 millions d’individus, semble bien décidée à faire front contre la Silicon Valley.</p> <p>Y compris dans un domaine clef de l’économie: les impôts.</p> <h3><strong> 2. Un nouvel impôt numérique</strong></h3> <p>La situation de départ est claire: les groupes numériques paient trop peu d’impôts de société en UE. Ou du moins à un taux moins élevé que les entreprises d'autres domaines. Les cadres de Google et Cie le justifient le plus souvent ainsi: la création de valeur – l’analyse et le traitement algorithmique des données – n’a pas lieu en Europe.</p> <p>Cet argument n'est plus pertinent dans des pays comme la France et l’Allemagne. Dès lors, on y discute intensément au sujet d’un impôt dit numérique. Les entreprises qui montrent aux consommateurs européens des publicités sur Internet passeraient plus sévèrement à la caisse, indépendamment de leur siège social.</p> <p>Le président français <strong>Emmanuel Macron</strong> donne le tempo. Les députés ont adopté récemment un projet en la matière, dont la France espère retirer des revenus de 400 millions d’euros. Macron avait déjà exigé avec succès d’Amazon et d’Apple des arriérés d'impôts de plus de 500 millions d'euros à titre rétroactif pour les dix ans passés.</p> <hr /> <h2>Impôt numérique</h2> <p><strong>Les moyens:</strong> Les groupes mondiaux de l’Internet financés par les publicités en ligne doivent payer une taxe numérique de 3% de leur chiffre d’affaires.</p> <p><strong>Le but:</strong> Un prélèvement et une répartition plus équitable des gains réalisés par les géants de l’Internet grâce aux données des utilisateurs européens.</p> <p><strong>Les suites: </strong>Des revenus réduits pour les géants de l’Internet si le modèle de l’OCDE est reconnu et appliqué au niveau mondial.</p> <hr /> <p>Les Français ont le soutien du chancelier fédéral autrichien, <strong>Sebastian Kurz</strong>. Son gouvernement a publié, il y a quelques semaines, son propre projet d’impôt numérique. Les critiques sont cependant fortes, car la loi obligerait Google et Facebook à garder pendant sept ans les adresses IP pour l’identification des Autrichiens sur Internet. Et cela, pas même de façon anonyme. Le projet est en révision pour le moment.</p> <p>La question de l’introduction d’un impôt numérique au niveau de l’UE reste ouverte. Les questions fiscales exigent l’unanimité. Et plusieurs pays membres de l’UE mettent un frein à ce sujet. Notamment, les ministres des Finances de l’Irlande (sièges européens de Facebook, Google et Apple) et du Luxembourg, mais aussi de la Suède (siège de Spotify) sont sceptiques. Dès lors, Bruxelles attend et l’on spécule sur l’OCDE. Cette dernière pourrait proclamer d’ici à 2020 un impôt numérique contraignant. L’Europe n’en subirait aucun inconvénient.</p> <p>La <strong>Suisse</strong>, par contre, n’est pas pressée d’avoir un impôt numérique. Le ministre des Finances Ueli Maurer était encore séduit par cette idée en 2017. Son département l’a cependant nuancée en janvier dernier. Ce type de nouvelles mesures provisoires pourrait mener à une «surimposition», nous dit le porte-parole Frank Wettstein. Si le projet de l’OCDE entrait en vigueur en 2020, le Conseil fédéral corrigerait certainement sa position.</p> <p>Que la Suisse y participe ou pas, il est probable que la communauté des États, menée par l’Union européenne, augmentera la fiscalité.</p> <p>Mais l’UE veut encore plus. Les États ne devraient pas être les seuls bénéficiaires. Les artistes et auteurs aussi devraient mieux profiter des flux financiers. C’est grâce à leurs contenus que Google, Facebook et Cie gagnent des fortunes. Les institutions de l’UE viennent de le décider.</p> <h3><strong> 3. Droits d’auteur protégés</strong></h3> <p>Et cela grâce à réforme des droits d’auteur. Elle a été approuvée par le Parlement européen au mois de mars et formellement confirmée le 15 avril par le Conseil des ministres de l’UE. La <a href="https://juliareda.eu/wp-content/uploads/2019/02/Copyright_Final_compromise.pdf">directive</a> contient en tout 22 articles. Deux d’entre eux ont soulevé de vifs débats: les articles 15 et 17.</p> <p>L’article 15 (auparavant 11) atteste que Google News n’a plus le droit de résumer dans l’aperçu du lien l’article d’un média, à moins que le géant l’ait payé.</p> <p>L’article 17 (auparavant 13) est un genre d'ultimatum pour les plateformes comme Youtube: soit elles concluent des contrats de licence avec tous les artistes, soit elles prennent des «mesures adéquates et proportionnées» afin de protéger les œuvres contre des copies gratuites pouvant être faites par les usagers. On peut présumer que cette protection ne peut se faire que par un scannage préalable: il peut être réalisé par un système de filtre automatisé.</p> <p>Cette loi part de bonnes intentions. La pratique incontrôlée du copier-coller ne doit plus régner sur Internet. Il doit y avoir un système qui prenne mieux en compte les véritables auteurs des contenus.</p> <hr /> <h2>Réforme des droits d’auteur</h2> <p><strong>Les moyens:</strong> Pour tous les contenus montrés par un moteur de recherche ou une plateforme vidéo, l’auteur de ces contenus doit être rémunéré.</p> <p><strong>Le but:</strong> Un meilleur équilibre des revenus; les artistes et les sociétés de médias doivent recevoir plus d’argent, les hébergeurs moins.</p> <p><strong>Les suites:</strong> Difficiles à prévoir. Cela peut aller d’une taxe sur le lien jusqu’au filtrage des téléchargements, mis en place par les hébergeurs. Les opposants parlent d’un risque de censure.</p> <hr /> <p>Les opposants redoutent aussi un «Internet foutu» où la manipulation créative de contenus sous forme, par exemple, de <em>remix</em> ou <em>memes</em> ne serait plus possible. Les filtres sont par ailleurs imparfaits et ne sauraient pas reconnaitre les parodies ou les satires, se plaint-on. Ces craintes sont fondées. En effet, le mot filtrage n’apparait pas dans le projet. Mais comment les plateformes pourraient-elles passer au crible les 400 heures à la minute de matériel vidéo ou audio téléchargées sur Youtube?</p> <p>Un autre problème: la Cour européenne de justice a déclaré en 2012 que le filtrage était contraire aux droits fondamentaux. Ainsi, il pourrait y avoir une vague de plaintes.</p> <p>La Commission Juncker a mis en place la réforme sur les droits d’auteur. Le député allemand CDU <strong>Axel Voss</strong> était aux commandes de la commission juridique et très présent dans les débats publics. Il s'est fortement positionné pour l’article 17. Le père spirituel des droits voisins des sociétés de médias de l’article 15 est le directeur d’édition allemand <strong>Mathias Döpfner</strong>. La protection des droits voisins existe en Allemagne depuis 2013, mais elle n’a pas encore rapporté un seul centime à cause des licences gratuites pour Google.</p> <p>Les Länder ont maintenant deux ans pour transposer la réforme dans le droit national. Au pire des cas, il y aura 27 lois différentes.</p> <p>Les <strong>éditeurs suisses</strong> doivent cependant renoncer à cette éventuelle aubaine. Ici, le lobby des médias a saisi l’opportunité et a inséré les droits voisins dans sa propre réforme sur les droits d'auteur. Les passages correspondant sont les articles 37a (droits voisins pour les éditeurs) et l’article complémentaire 13b (rémunération pour les œuvres des journalistes). Mais la Commission du Conseil des États a supprimé les deux articles la semaine dernière.</p> <p>Ainsi, l’article 17 de l’Europe sera aussi valable pour les youtubeurs et blogueurs de chez nous. En effet, la Suisse traitera les entreprises technologiques de la même façon que les pays de l’UE. Tout comme cela avait déjà été le cas pour le RGPD.</p> <h3><strong> 4. Protection des données de l'utilisateur</strong></h3> <p>C’est une réglementation-monstre entrée en vigueur le 24 mai 2018. La responsabilité en matière de protection des données a été inversée à cette date. L’utilisateur d’Internet ne devrait plus être tout le temps sur ses gardes. Ce sont les entreprises qui seraient tenues responsables en cas de collecte de données superflues, de fuite de données ou de la sécurité de leur clientèle.</p> <p>Les amendes seront salées à l'avenir, afin de mieux éviter les infractions: jusqu’à 4% du chiffre d’affaires. Et les entreprises doivent y pourvoir. Les directives sur la protection des données ont été mises à jour pour l’ère numérique.</p> <hr /> <h2>Règlement général sur la protection des données RGPD</h2> <p><strong>Les moyens:</strong> Les plateformes doivent disposer d’une autorisation explicite des usagers pour sauvegarder leurs données et en mettre une copie à disposition desdits usagers.</p> <p><strong>Le but:</strong> Renforcer les droits des usagers et la concurrence entre les plateformes. Le principe «The Winner Takes It All» doit être brisé afin qu’il y ait moins de monopoles sur Internet.</p> <p><strong>Les suites:</strong> Les collectes des données des Européens seront réduites. Il n’est pas encore clair si l’idée de renforcer la concurrence grâce au RGPD fonctionnera.</p> <hr /> <p>Un des pères du RGPD est <strong>Jan Philipp Albrecht</strong>, un politicien Vert qui s’est spécialisé dans le droit de l’informatique. Il était rapporteur du Parlement européen en 2012. Albrecht a élaboré un compromis à partir de 4000 propositions de modifications et a réussi à s’opposer au puissant lobby des géants technologiques. Ils peuvent désormais être poursuivis en justice.</p> <p>Un certain nombre d’activistes ont entamé des actions judiciaires. La palme revient au juriste autrichien <strong>Maximilian Schrems</strong>, connu pour être le vainqueur de l’affaire Safe Harbour. Ses griefs: bien que cela soit explicitement défendu par le RGPD, les géants des données continuent à suivre le principe du «à prendre ou à laisser» – soit l’usager coche toutes les cases, soit il est obligé de supprimer son compte.</p> <p>Ceci est en contradiction avec l’esprit du RGPD, qui voulait justement mettre un terme à ce petit jeu. Schrems déposa quatre plaintes contre ce «processus de consentement à la nord-coréenne». Et il déjà gagné le premier round avec son organisation NOYB («none of your business»).</p> <p>À la suite d’une plainte de NOYB, les autorités françaises de protection des données CNIL ont mis à l’amende Google pour plus de 50 millions d’euros. C’est à ce jour l’amende la plus élevée émanant d’une autorité européenne de protection des données. Facebook et ses sociétés affiliées, Instagram et WhatsApp, sont les suivantes. Le grand réseau social devra faire face à une amende de 1,63 milliards de dollars en raison de ses importantes fuites de données survenues en septembre 2018. L’enquête des autorités irlandaises de protection des données aboutira bientôt. L’organisation NOYB veut aussi s’attaquer aux services de streaming comme Netflix, en raison d’incompatibilités avec le RGPD. Un test a montré que le «droit à l’information» n’est pas assez concret par rapport à l’article 15.</p> <p>Le <strong>règlement sur la vie privée électronique</strong> devrait être discuté dans l’UE mi-2019. Il concrétisera les réglementations du RGPD formulées de façon trop abstraite. Le fait de savoir quand le <em>tracking</em> des sites web est permis ou interdit devrait enfin être éclairci.</p> <p>Les initiatives européennes de protection des données sont un succès politique. Elles n’ont pourtant pas rempli les attentes économiques du RGPD.</p> <p>Il existe peu de logiciels adaptés pour la portabilité des données personnelles. Pourtant, Google, Twitter, Microsoft et Facebook ont fait l’annonce commune d’un <strong>projet de transfert de données</strong> en 2017. Ce dernier devrait permettre par exemple de transférer des photos de Google à Microsoft en quelques clics. Mais c'est un projet qui fait étrangement peu de bruit.</p> <p>La <strong>Suisse</strong> traine les pieds. Sa loi de 1992 sur la protection des données a bien été soumise à une mise à jour numérique, mais ne sera définitivement adoptée qu’après les élections fédérales. Les associations professionnelles ont critiqué le premier projet euro compatible du Conseil fédéral. Le deuxième projet a été atténué et dilué. Des principes comme le «privacy by design» ont bien été repris, mais restent sans portée en raison des faibles possibilités de sanction en cas de leur non-respect. La forme exacte de la révision sera un des points essentiels de la nouvelle législature.</p> <h3><strong>Conclusion</strong></h3> <p>L’UE poursuit deux buts avec ses efforts de réglementation: la protection de la sphère privée et plus de concurrence. Les droits citoyens numériques ne sont donc pas un but en soi, mais doivent aussi stimuler le marché intérieur. Il y a ainsi un calcul économique derrière la bureaucratie de la protection des données. Les silos de données des GAFA doivent être brisés et les chances pour les petites start-up doivent augmenter.</p> <p>Ceci n'est pas désintéressé: sur la liste des 200 plus grandes sociétés de l’Internet, à peine huit sont européennes. En dehors de SAP, Soundcloud et Spotify, il y a peu de groupes Tech européens connus et à succès.</p> <p>Les puissants géants du Tech de la Silicon Valley suivent tout autant un calcul économique en réclamant à grand cri plus de réglementations. Plus les régulations sont étendues, plus grands sont les budgets IT nécessaires pour des choses comme la sauvegarde et la migration sécurisées des données. L’accès pour des nouveaux concurrents avec des modèles d’entreprise basés sur la collecte des données pourrait même devenir encore plus difficile. De nouvelles lois signifient aussi des conditions d’entrée plus exigeantes. Et ça, les politiciens européens ne l’ont sûrement pas prévu.</p> <p>Mais Bruxelles a bien retenu une leçon du RGPD. Peu après son entrée en vigueur, l’impitoyable industrie allemande de l’avertissement s’en est surtout prise aux «petits». Dès lors, on a amélioré ce point lors de la réforme du droit d’auteur. L’article 17 ne s’applique qu'aux plateformes dont le chiffre d’affaires est d’au moins 10 millions d’euros et d’au moins 5 millions de visiteurs par mois.</p> <p>Il est probable que l’élan des réglementations subsistera au-delà des prochaines élections européennes. Les conservateurs, les socio-démocrates, les libéraux et les verts sont presque unanimes en matière de protection des données. Ils sont en faveur de la plupart des projets de loi en matière de régulation de l’Internet. 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De retour en Suisse, j’ai soigné ma salpingite et terminé mes études de lettres. Entre deux amants de passage, je traversais de longues périodes d’abstinence sexuelle sans que cela me coûte. A la manif, j’ai trouvé Pierre très beau avec sa moustache et sa barbe de cinq jours. Et je l’ai trouvé irrésistible lorsqu’il a jeté une bouteille vide en direction des forces de l’ordre qui voulaient nous empêcher d’accéder à la salle où se déroulait une assemblée de l’UDC, ce parti d’extrême droite honni par nous. Pierre s’est fait réprimander par les camarades communistes qui assuraient le service d’ordre et il a fini par en venir aux mains avec eux. J’ai spontanément pris sa défense, nous nous sommes faits bousculer et avons quitté la manifestation, lui avec une arcade sourcilière fendue, moi avec un fort désir pour lui. Je l’ai emmené chez moi pour soigner sa blessure et nous avons fait l’amour toute la nuit. 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Pierre est devenu agressif avec Mireille lorsque celle-ci a déclaré que les néo-féministes exagéraient et que #MeToo décourageait toute tentative de séduction de la part des hommes. «Je n’ai pas peur de le dire, j’aime bien que l’on me tienne la porte et que les hommes me fassent sentir qu’ils me désirent…» Pierre lui a rétorqué que le patriarcat était une forme de fascisme et qu’en tant que progressiste nous devions tout faire pour l’abattre. J’ai essayé de dévier la conversation sur la nourriture bio mais très vite c’est l’écriture inclusive qui a fait s’échauffer les esprits. Serge, qui se pique d’aimer la littérature, a déclaré que le français était en danger, qu’il fallait le sauver des points médians et des réformes de l’orthographe. 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Ce que j’ai découvert est effrayant…</p> <p style="text-align: right;"><em>Suite la semaine prochaine</em></p> <hr /> <h4>Pierre Ronpipal est l’auteur de<br /><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1734002707_damned01.jpg" class="img-responsive img-fluid normal " width="149" height="206" /><br />«A moi de choisir ceux qui vont mourir»<br /><span>et de<br /></span><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1734002742_cover20242.jpg" class="img-responsive img-fluid normal " width="154" height="207" /><br />«Le vert était rouge à l’intérieur»<br />aux <a href="https://nouvelleseditionshumus.ch/" target="_blank" rel="noopener">Nouvelles Editions Humus</a></h4>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'un-bien-cruel-conte-de-noel-1', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 39, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 6, 'person_id' => (int) 85, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'comments' => [ [maximum depth reached] ], 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Posts' }, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 5284, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => true, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => null, 'readed' => null, 'subhead' => null, 'title' => 'Les ramasseurs de déchets, grands perdants du récit dominant sur la pollution plastique', 'subtitle' => 'A Busan, en Corée du Sud, les discussions sur le traité mondial sur la pollution plastique, qui se tenaient du 25 novembre au 1er décembre, se sont soldées par un échec. 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Il s’agit des travailleurs qui récupèrent, réutilisent ou revendent les plastiques, les textiles, l’aluminium et d’autres matériaux précieux issus des déchets.</p> <p>Dans le cadre du traité sur les plastiques, pour que ces travailleurs informels soient reconnus, que leurs conditions de travail puissent être améliorées et qu’ils puissent bénéficient d’une transition écologique plus équitable, les solutions politiques doivent aller au-delà des mécanismes économiques basés sur le seul marché et des stratégies axées sur le profit.</p> <p>Si ce n’est pas le cas, les efforts en faveur d’un recyclage plus inclusif et du développement de l’économie circulaire risquent de renforcer les injustices mêmes qu’ils prétendent combattre.</p> <h3>Qui sont les ramasseurs informels de déchets?</h3> <p>Les collecteurs de déchets – et les autres personnes travaillant avec eux dans un cadre informel et coopératif – effectuent une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0921344924001824#sec0021">grande partie du travail de recyclage à l’échelle mondiale</a>. Ils réduisent de manière significative la quantité de plastique qui se retrouve dans les océans.</p> <p>Malgré cela, et parce qu’ils font un travail salissant et vivent dans des endroits sales, ils sont souvent tenus pour responsables du problème de la pollution plastique. Dans les discours politiques des villes et des Etats, leur travail a longtemps été <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/0956247816657302">tourné en dérision, considéré comme non qualifié et inefficace</a>. <a href="https://www.undp.org/blog/unsung-heroes-four-things-policymakers-can-do-empower-informal-waste-workers">L’absence de reconnaissance officielle</a> de leur travail rend leurs revenus particulièrement instables et précaires. Les réglementations environnementales peuvent <a href="https://iopscience.iop.org/article/10.1088/1748-9326/ac6b49">aggraver ces menaces</a> en accélérant la privatisation du traitement des déchets.</p> <p>Alors que les efforts de lutte contre la pollution plastique gagnent du terrain, les ramasseurs informels sont soumis à une double pression:</p> <ul> <li> <p>Ils doivent protéger leur accès aux déchets, car c’est l’un des rares moyens de subsistance dont ils disposent.</p> </li> <li> <p>En même temps, ils cherchent à améliorer leurs conditions de vie et de travail.</p> </li> </ul> <p>Un groupe de ramasseurs de déchets a donc profité de l’ouverture des négociations pour <a href="https://globalrec.org/document/just-transition-waste-pickers-un-plastics-treaty/">plaider en faveur de la reconnaissance de leur travail</a>. Il a été demandé que leurs contributions historiques à la réduction de la pollution plastique soient explicitement reconnues, et qu’un objectif explicite de transition juste soit intégré au traité sur les plastiques.</p> <h3>Avec l’économie circulaire, tout le monde est gagnant?</h3> <p>La <a href="https://theconversation.com/quatre-idees-recues-sur-la-transition-juste-227569">transition juste</a> est un principe défendu par les groupes de travailleurs et les défenseurs de la justice sociale afin de garantir que les politiques de transition écologique protègent, améliorent et compensent équitablement les moyens de subsistance des travailleurs et des communautés affectés par l’environnement.</p> <p>Les ramasseurs de déchets ont utilisé ce terme pour réclamer que le traité comprenne des dispositions pour améliorer leurs conditions de travail et de sécurité. Mais également pour que le traité intègre davantage les travailleurs informels aux systèmes de gestion des déchets, et pour exiger que les systèmes de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/responsabilite-elargie-du-producteur-67766">responsabilité élargie des producteurs</a> (REP) soutiennent aussi les travailleurs du secteur des déchets, en particulier les <a href="https://www.wiego.org/gender-waste-project">femmes et d’autres groupes vulnérables</a>.</p> <p>Etonnamment, ces demandes ont obtenu le soutien d’un large éventail de parties prenantes puissantes. Par exemple la <a href="https://www.businessforplasticstreaty.org/vision-statement#Key-elements">Business Coalition for a Plastics Treaty</a>, les <a href="https://news.un.org/en/story/2024/10/1156301">dirigeants des Nations unies</a> et même <a href="https://resolutions.unep.org/resolutions/uploads/american_chemistry_council.pdf">l’industrie pétrochimique</a>.</p> <p>Certaines de ces demandes ont été intégrées aux projets de traité sur les plastiques discutés au cours des négociations, ce qui représente une victoire majeure pour les travailleurs du secteur informel des déchets.</p> <p>Un consensus se dégage sur le fait qu’une économie circulaire inclusive peut être bénéfique à la fois pour l’environnement, l’économie et les travailleurs en améliorant la gestion de la pollution, les moyens de subsistance et les opportunités de croissance économique pour les entreprises.</p> <p>Ces promesses demandent toutefois à être vérifiées sur le terrain. Et c’est là que les choses se compliquent.</p> <h3>« Gagnant-gagnant », mais la victoire de qui ?</h3> <p>Dans mon livre <a href="https://mitpress.mit.edu/9780262546973/recycling-class/"><em>Recycling Class</em></a>, j’examine comment les efforts de recyclage inclusif ont été mis en œuvre à Bengaluru, l’une des plus grandes villes de l’Inde.</p> <figure><a href="https://images.theconversation.com/files/635250/original/file-20241129-15-cdpt12.jpg?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img src="https://images.theconversation.com/files/635250/original/file-20241129-15-cdpt12.jpg?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" alt="" /></a> <figcaption><span></span></figcaption> </figure> <p>Dans cet ouvrage, je défends que l’intégration dans des programmes d’économie circulaire basés sur le marché n’est pas une solution miracle aux injustices ancrées dans les systèmes de production, de consommation et de production des déchets.</p> <p>La plupart des politiques d’économie circulaire et de recyclage inclusif reposent sur des mécanismes de marché, partant du principe que la création de marchés pour les déchets incitera les acteurs du marché à récupérer efficacement les déchets et à les convertir en ressources.</p> <p>Pour remplir leurs obligations en matière de <a href="https://theconversation.com/faire-payer-plus-les-entreprises-pour-quelles-reduisent-les-emballages-130073">responsabilité élargie des producteurs</a> (REP), les marques peuvent alors s’engager à acheter des plastiques recyclés et à financer la collecte des déchets en achetant des <a href="https://www.worldbank.org/en/programs/problue/publication/unlocking-financing-to-combat-the-plastics-crisis">crédits plastique</a>.</p> <p>Cette approche vise à améliorer le prix des déchets, à augmenter les salaires et à encourager les efforts de collecte, tout en attirant des investissements pour financer l’amélioration des infrastructures et des technologies.</p> <p>Cependant, les mécanismes fondés sur le marché aggravent les inégalités existantes en matière d’accès au marché. Les efforts visant à donner la priorité à la traçabilité et à la transparence – dans le but d’améliorer l’efficacité du marché et le respect de la réglementation – désavantagent souvent les travailleurs informels.</p> <p>Ces derniers ne disposent pas des ressources et des capacités techniques nécessaires pour adopter des systèmes de suivi complexes basés sur les SIG ou la blockchain, et se retrouvent exclus des processus formalisés. Les start-up financées par le capital-risque et les grandes entreprises s’emparent alors du secteur du recyclage.</p> <p>Les multinationales préfèrent d’ailleurs les partenariats avec des start-up technologiques qui offrent des services à «valeur ajoutée» tels que des indicateurs et des tableaux de bord environnementaux, permettant aux entreprises de mettre en scène leur propre récit sur le développement durable. Souvent issus de milieux éduqués et privilégiés, les employés de ces firmes <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S001671852300057X">concurrencent les travailleurs informels existants, les subordonnant au passage</a>.</p> <p>A l’inverse, les femmes et les membres des minorités ethno-raciales et religieuses, qui constituent la majorité des travailleurs des économies informelles des déchets, sont confrontés à des obstacles supplémentaires. Notamment des <a href="https://mouvements.info/recuperateurs-de-dechets/">stigmates sociaux bien ancrés</a> qui limitent leur capacité à participer sur un pied d’égalité à ces marchés émergents. Ils restent toujours relégués aux mêmes tâches manuelles et difficiles, même si leurs conditions de travail en ressortent légèrement améliorées.</p> <h3>L’industrie du plastique maintient le <em>statu quo</em></h3> <p>Malgré les bonnes intentions de départ, des termes tels que «économie circulaire inclusive» sont donc trop souvent utilisés à des fins de <em>green washing</em> et même de <em>justice washing</em>, tandis que les travailleurs continuent à endurer des conditions difficiles. Une étude de <a href="https://www.circle-economy.com/resources/decent-work-in-the-circular-economy">Circle Economy</a> souligne que la plupart des emplois du secteur de l’économie circulaire restent ad-hoc et informels et ne bénéficient pas des garanties d’un emploi décent.</p> <p>En fin de compte, les travailleurs informels sont confrontés à un choix difficile: soit ils acceptent d’être exploités au sein des circuits de traitements des déchets en tant que simples ressources, soit ils risquent de perdre complètement leurs moyens de subsistance.</p> <p>Les systèmes actuels de production et de consommation du plastique déplacent donc la charge des déchets sur des communautés autochtones ou ethniques marginalisées, créant ainsi des <a href="https://www.dukeupress.edu/pollution-is-colonialism">zones sacrifiées</a>. Ce déplacement permet de maintenir la rentabilité, tout en perpétuant les atteintes à l’environnement et les inégalités sociales.</p> <p>En promouvant des technologies de <a href="https://www.bbc.com/afrique/monde-57087908">recyclage chimique</a> non éprouvées et en étendant les marchés du plastique, les entreprises <a href="https://theconversation.com/comment-lindustrie-fossile-influence-les-negociations-mondiales-sur-le-plastique-222112">pétrochimiques</a> et de matières plastiques <a href="https://direct.mit.edu/glep/article/21/2/121/97367/Future-Proofing-Capitalism-The-Paradox-of-the">s’approprient le langage de l’économie circulaire</a>. Cela leur permet de donner un vernis écologique à leurs propositions, tout en maintenant le <em>statu quo</em> sur les inégalités.</p> <p>Pendant ce temps, la HAC, plusieurs ONG et même certains ramasseurs de déchets invoquent également l’économie circulaire comme solution à la crise du plastique, en mettant l’accent sur le réemploi et le recyclage inclusif.</p> <h3>Demander des comptes aux pollueurs plutôt que compter sur l’efficacité du marché</h3> <p>Pour que l’économie circulaire aille au-delà de la simple protection du capitalisme fossile, elle doit prendre en compte les collecteurs de déchets et recycleurs informels dans le Sud et reconnaître les limites des mécanismes basés sur le marché. C’est vrai aussi bien pour le traité international sur la pollution plastique que pour d’autres démarches régionales comme le <a href="https://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/ATAG/2021/679066/EPRS_ATA(2021)679066_FR.pdf">plan d’action de l’UE pour l’économie circulaire</a>.</p> <p>En effet, toute stratégie de lutte contre la pollution plastique basée sur le marché et axée sur le profit est susceptible de reproduire ces schémas d’inégalité. Et par la même occasion, de pérenniser les injustices systémiques qui soutiennent le statu quo. Pour une transition vraiment juste, la lutte contre la pollution plastique ne doit donc pas devenir une opportunité de croissance économique ou de profit.</p> <p>Au contraire, nous avons besoin d’une approche centrée sur la réparation. Il faut d’abord, pour cela, reconnaître les contributions historiques des collecteurs informels du plastique ainsi que les préjudices qu’ils subissent. Puis redistribuer les ressources aux personnes les plus touchées et créer des systèmes qui donnent la priorité à la restauration de l’environnement et à la justice sociale plutôt qu’au profit des entreprises.</p> <p>Une économie circulaire bien financée devrait d’abord renforcer le pouvoir des travailleurs, puis améliorer les capacités des infrastructures et réduire la concentration de ces déchets en produits chimiques toxiques, plutôt que de s’appuyer sur des solutions basées sur le marché qui aggravent les inégalités.</p> <p>Les vraies solutions consistent à demander des comptes aux pollueurs et à adopter des approches circulaires fondées sur la sobriété et la réparation, et non sur l’efficacité du marché.<img src="https://counter.theconversation.com/content/244065/count.gif?distributor=republish-lightbox-basic" alt="The Conversation" width="1" height="1" /></p> <hr /> <h4><span><a href="https://theconversation.com/profiles/manisha-anantharaman-1526162">Manisha Anantharaman</a>, Assistant Professor, Center for the Sociology of Organisations, CNRS/Sciences Po, <em><a href="https://theconversation.com/institutions/sciences-po-2196">Sciences Po </a></em></span></h4> <h4>Cet article est republié à partir de <a href="https://theconversation.com">The Conversation</a> sous licence Creative Commons. Lire l’<a href="https://theconversation.com/les-ramasseurs-de-dechets-grands-perdants-du-recit-dominant-sur-la-pollution-plastique-244065">article original</a>.</h4> </div>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'les-ramasseurs-de-dechets-grands-perdants-du-recit-dominant-sur-la-pollution-plastique', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 42, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 5, 'person_id' => (int) 85, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'comments' => [[maximum depth reached]], 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Posts' }, (int) 2 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 5283, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => true, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => null, 'readed' => null, 'subhead' => null, 'title' => 'Les Etats-Unis financent un collectif international de journalistes', 'subtitle' => 'Si le réseau Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP) a révélé des avoirs russes cachés ou la corruption au Venezuela, le Delaware, paradis de l'évasion fiscale, reste pour lui un tabou. «Notre politique veut que nous ne fassions pas de rapports sur un pays avec son propre argent», a déclaré Drew Sullivan, son cofondateur.', 'subtitle_edition' => 'Si le réseau Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP) a révélé des avoirs russes cachés ou la corruption au Venezuela, le Delaware, paradis de l'évasion fiscale, reste pour lui un tabou. «Notre politique veut que nous ne fassions pas de rapports sur un pays avec son propre argent», a déclaré Drew Sullivan, son cofondateur.', 'content' => '<p style="text-align: center;"><strong>Urs P. Gasche</strong>, article publié sur <a href="https://www.infosperber.ch/medien/medienkritik/die-usa-finanzieren-internationales-journalisten-kollektiv/" target="_blank" rel="noopener"><em>Infosperber</em></a> le 5 décembre 2024, traduit par <em>Bon Pour La Tête</em></p> <hr /> <p>Parmi de nombreux autres médias, la <em>NZZ</em> et le <em>Tages-Anzeiger</em> ont diffusé à plusieurs reprises des révélations du réseau international de journalistes Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP). Ce faisant, ils n'ont pas rendu transparent le fait que les services gouvernementaux américains paient la moitié du budget de l'OCCRP. 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De plus, l'agence gouvernementale américaine interdit d'utiliser son argent pour mettre au jour la corruption aux Etats-Unis.</p> <p>Certaines subventions étaient même affectées à un but précis: le Department of State, par exemple, a versé 173 000 dollars à l'OCCRP pour «détecter et combattre la corruption au Venezuela». Ou l'<a href="https://www.usaid.gov/">Agence pour le développement international (USAID)</a> a versé plus de deux millions de dollars dans le but de «mettre au jour la criminalité et la corruption à Malte et à Chypre».</p> <p>Le journal en ligne français indépendant <a href="https://www.mediapart.fr/en/journal/international/021224/hidden-links-between-giant-investigative-journalism-and-us-government">« Mediapart »</a> en a parlé le 2 décembre 2024 <a href="https://www.mediapart.fr/en/journal/international/021224/hidden-links-between-giant-investigative-journalism-and-us-government">.</a></p> <p>Le fondateur de l'OCCRP est un ancien employé <a href="https://www.rockwellautomation.com/de-ch.html">de Rockwell</a> devenu journaliste: <a href="https://www.occrp.org/en/staff/drew-sullivan">Drew Sullivan</a>. L'OCCRP a été créé à l'instigation de fonctionnaires du gouvernement américain. Selon Mediapart, Sullivan a reçu pour cela, en 2008, un financement de départ de 1,7 million de dollars du <a href="https://www.state.gov/bureaus-offices/under-secretary-for-civilian-security-democracy-and-human-rights/bureau-of-international-narcotics-and-law-enforcement-affairs/">Bureau of International Narcotics and Law Enforcement Affairs</a>(INL). Il s'agit d'une agence d'application de la loi du Département d'Etat américain.</p> <p>L'OCCRP s'appuie souvent sur des documents divulgués provenant de sources non identifiées. La qualité des recherches et des révélations de l'OCCRP n'est pas mise en doute. L'orientation unilatérale des recherches et le manque de transparence des informations sur le financement donnent lieu à des critiques.</p> <p>L'ampleur des liens personnels et financiers de l'OCCRP avec le gouvernement américain va à l'encontre de «tous les principes de l'éthique journalistique». 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[...] Je suis très reconnaissant au gouvernement américain.»</p> <p>Par écrit, Sullivan a renchéri: «Nous avons dû décider si nous voulions accepter de l'argent du gouvernement ou ne pas exister.» Sur le site web de l'OCCRP, les montants des sponsors ne sont pas indiqués.</p> <h3><strong>Conditions posées</strong></h3> <p>Sullivan a confirmé à la NDR le pouvoir d'influence des autorités américaines: «Dans le cadre d'accords de coopération que nous n'aimons pas conclure, ils ont un droit de regard sur le choix des personnes [...] Ils peuvent mettre leur veto sur quelqu'un [...] Ils n'ont jamais mis leur veto sur quelqu'un.»</p> <p>L'OCCRP ne peut pas enquêter sur des affaires américaines avec l'argent fourni par Washington. «Notre politique veut que nous ne fassions pas de rapports sur un pays avec son propre argent», a déclaré Sullivan à la NDR. «Je pense que le gouvernement américain ne le permet pas. Mais même dans d'autres pays où ces dispositions n'existent pas, nous ne le faisons pas parce que cela vous place dans une situation de conflit d'intérêts et que vous préférez rester à l'écart de telles situations.»</p> <p>Ainsi, le paradis fiscal américain du Delaware n'a jamais fait l'objet de toutes les recherches sur l'évasion fiscale et l'argent de la corruption.</p> <p>L'OCCRP a tout de même effectué des recherches isolées aux Etats-Unis: par exemple sur les <a href="https://www.occrp.org/en/investigation/meet-the-florida-duo-helping-giuliani-investigate-for-trump-in-ukraine">hommes d'affaires</a> qui avaient soutenu l'avocat de Donald Trump pour nuire à Joe Biden, ou sur la manière dont le Pentagone a dépensé des sommes énormes pour <a href="https://www.occrp.org/en/project/making-a-killing/revealed-the-pentagon-is-spending-up-to-22-billion-on-soviet-style-arms-for-syrian-rebels">fournir des armes</a> à des groupes rebelles en Syrie, ou encore sur un <a href="https://www.occrp.org/en/investigation/flight-of-the-monarch-us-govt-contracted-airline-once-owned-by-criminals-with-ties-to-russian-mob">contrat</a> entre le gouvernement américain et une compagnie aérienne dont les propriétaires sont liés au crime organisé en Russie.</p> <p>Ces recherches ont manifestement respecté une autre condition imposée par les autorités américaines à l'OCCRP: l'activité doit être «en accord avec la politique étrangère et les intérêts économiques des Etats-Unis et les promouvoir.» (<a href="https://www.govinfo.gov/content/pkg/COMPS-1071/pdf/COMPS-1071.pdf">US Foreign Assistance Act</a>).</p> <h3><strong>Voici comment la «NZZ» et Tamedia ont présenté la source OCCRP</strong></h3> <p><strong>«NZZ» du 19 juillet 2023</strong></p> <p>«L'Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP) est un réseau d'organisations journalistiques fondé en 2006, basé dans de nombreux pays différents et fonctionnant sous cette forme en tant que filiale du Journalism Development Network à but non lucratif, dont le siège est dans le Maryland.»</p> <p><strong>«Tages-Anzeiger» du 21 juin 2023</strong></p> <p>«Grâce à l'organisation OCCRP, des journalistes femmes de plusieurs pays ont pu étudier ces données, dont <em>Der Standard</em> en Autriche et <em>Der Spiegel</em> en Allemagne. Pour la Suisse, le bureau de recherche de Tamedia et Paper Trail Media était de la partie.»</p> <h3><strong>Informations complémentaires</strong></h3> <p><strong>22 décembre 2022</strong> <a href="https://www.infosperber.ch/politik/welt/twitter-diente-jahrelang-als-gehilfe-des-pentagons/">Twitter a servi pendant des années d'auxiliaire au Pentagone</a>. Elon Musk a partiellement révélé les outils internes de Twitter. Ils prouvent des services d'hommes de main pour la propagande de l'armée américaine à l'étranger.</p> <p><strong>12 février 2009</strong> <a href="https://www.tagesanzeiger.ch/27-000-pr-berater-polieren-image-der-usa-631302390683">27 000 conseillers en relations publiques polissent l'image des Etats-Unis</a>. Des faits presque incroyables sur le travail de relations publiques du Pentagone.</p> <p><strong>20 avril 2008</strong> <a href="https://www.spiegel.de/kultur/gesellschaft/gekaufte-meinung-pentagon-beschaeftigt-pr-armee-fuer-us-tv-a-548519.html">Le Pentagone emploie une armée de RP pour la télévision américaine</a>. 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Par Adrienne Fichter (texte) et Luis Mazón (dessin), pour Republik
Traduction de Marta Czarska
Banques, défense, réfugiés: les membres de l’Union européenne (UE) sont souvent divisés ou carrément en conflit sur de nombreux sujets. Mais il y a un domaine politique sur lequel l’Europe est plus unie que jamais: la politique de la Toile.
Aucun autre domaine de la législature passée n’a vu autant de réglementations adoptées et de jugements historiques rendus. La population n’apparait aussi unie sur aucun autre sujet. La sphère privée doit être protégée sur Internet. Selon un sondage, plus de 70% des européens sont favorables à un contrôle strict des algorithmes. Bruxelles s’est fixé comme objectif de répondre à cette demande. Et elle s’établit par là comme super pouvoir régulateur.
Un pouvoir que les acteurs du Big Tech respectent toujours plus, et tentent même de flatter. Ainsi, le directeur de Microsoft, Satya Nadella, prône des règles strictes pour la reconnaissance faciale. Le directeur d’Apple, Tim Cook, élève le Règlement général sur la protection des données (RGPD) au niveau des droits humains. Et même le directeur de Facebook, Mark Zuckerberg, étend dernièrement le modèle européen comme standard mondial.
La politique des USA prend aussi le train en marche: la Californie, patrie de la plupart des géants Tech, a adopté en juin dernier un équivalent au RGPD. La sénatrice démocrate Elizabeth Warren s’est même tellement inspirée de l’Europe, qu’elle a mis la répression des GAFA (pour Google, Apple, Facebook, Amazon) à son programme électoral pour les présidentielles.
Venant d’Europe, le slogan électoral d’Emmanuel Macron est désormais à la mode dans la Silicon Valley. Le vent a tourné. Au début, des professeurs de journalisme américains comme Jeff Jarvis se moquaient de la peur allemande des technologies. Aujourd’hui, après cinq ans de débats sur les infox et les scandales de vol de données, ils prennent au sérieux les idées de la «vieille Europe».
À raison, car l’UE et ses membres sont en effet sérieux à ce sujet. Pour les groupes Big Tech, ce ne sont rien de moins que les règles fondamentales de l’économie numérique qui sont en jeu.
Aucun groupe ne l’a ressenti aussi fort que Google, en rapport avec l’alphabet de sa maison mère.
1. Des milliards en amendes pour Google et Cie
La Commission de l’UE a déjà mis à l’amende à plusieurs reprises le géant d’Internet. Le groupe a dû débourser en tout 8,2 milliards d’euros pour l’exploitation de sa position dominante, pour la place proéminente de «Google Shopping», pour la préinstallation de sa propre application dans le système d’exploitation Android et pour l’exploitation de son propre réseau publicitaire AdSense. C’est une somme qui fait mal, même pour Google.
Et Facebook a aussi été mis à l’amende par l’UE. Le réseau social a dû sortir 110 millions d’euros pour fausses déclarations lors du rachat de WhatsApp en 2014. L’Europe n’avait autorisé l’acquisition qu’à la condition que les numéros de téléphone ne soient pas transmis à la maison mère. Mais c’est exactement ce qu’a fait Facebook deux ans plus tard.
L’Office fédéral allemand de lutte contre les cartels observe à présent de manière critique si la fusion technique prévue d’Instagram, Whatsapp, Facebook Messenger et Facebook ne constitue pas un abus du pouvoir de marché en devenant un espace de communication pratiquement clos.
La figure de proue de tous ces jugements de Bruxelles est la Commissaire à la concurrence de l’UE Margrethe Vestager. Elle est la superstar du cabinet de Juncker. Il y a cinq ans, elle a hérité du siège de Joaquín Almunia, qui avait entamé la procédure contre Google, et était tout de suite passée à la vitesse supérieure. Les premiers jugements contre les géants Tech ont eu lieu dès 2016 et se poursuivent coup sur coup avec les décisions fiscales contre le Luxembourg et l’Irlande.
Le but de Mme Vestager: plus de concurrence loyale. Les moyens: des amendes qui font mal.
Des milliards en amendes contre les GAFA
Les moyens: Les sociétés qui abusent de leur position dominante sur le marché doivent être mises à l’amende.
Le but: Briser le pouvoir de marché des plus grands groupes et permettre une concurrence plus loyale.
Les suites: Elles peuvent aller de la séparation de secteurs d'activité individuels jusqu’au démantèlement des groupes plus grands.
Mme Vestager a déjà laissé entrevoir qu’elle étudie d'autres plaintes contre Google, comme par exemple celle du concurrent Yelp de «Local Search» et «Jobs». Elle a aussi introduit une enquête préliminaire dans le cadre de la loi sur les cartels contre le géant de l’e-commerce Amazon. Son équipe collecte pour l’heure des preuves auprès des vendeurs qui distribuent leurs produits sur le portail. Le soupçon: Amazon analyse les données de vente sensibles des tiers et exploite les connaissances acquises pour le développement de ses propres produits.
Pour Mme Vestager, Amazon abuse ainsi de son savoir-faire. La Danoise voudrait intégralement réformer la loi de l’UE sur les cartels. Google et Amazon ne devraient même pas avoir l’idée de développer leurs propres produits. Sinon, elles seraient comme des associations sportives: elles établissent les règles du jeu, les standards étiques, comment agir avec le dopage. «Mais elles n’ont pas d’équipes à elles qui entrent en concurrence.» Une plainte semblable a été introduite par Spotify contre le groupe Apple.
On constate dans les jugements de Bruxelles contre les GAFA une différence essentielle par rapport à d’autres domaines de l’économie. Aux USA, les monopoles ne sont considérés dangereux que lorsque l’on peut prouver qu’il y a un dommage pour le citoyen.
En Suisse aussi, la Commission sur les cartels part du principe que la taille gigantesque des GAFA est, de prime abord, une bonne chose. «La grand taille permet le résultat souhaitable d’une meilleure prestation pour la clientèle et n’est pas un problème en soi», nous dit Frank Stüssi, directeur suppléant de la Comco. Par ailleurs, on est assez généreux dans le cas des fusions prévues. Chez nous, le rachat de WhatsApp par Facebook n’était même pas soumis à l’obligation de déclaration.
Dans l’UE, on est bien plus sceptiques face au pouvoir de marché qui découle du nombre impressionnant d’utilisateurs d'une plateforme. Pour Mme Vestager, celui qui propose une place de marché populaire ne devrait pas pouvoir y vendre également ses propres produits.
La politique de l’Union européenne, un marché de 500 millions d’individus, semble bien décidée à faire front contre la Silicon Valley.
Y compris dans un domaine clef de l’économie: les impôts.
2. Un nouvel impôt numérique
La situation de départ est claire: les groupes numériques paient trop peu d’impôts de société en UE. Ou du moins à un taux moins élevé que les entreprises d'autres domaines. Les cadres de Google et Cie le justifient le plus souvent ainsi: la création de valeur – l’analyse et le traitement algorithmique des données – n’a pas lieu en Europe.
Cet argument n'est plus pertinent dans des pays comme la France et l’Allemagne. Dès lors, on y discute intensément au sujet d’un impôt dit numérique. Les entreprises qui montrent aux consommateurs européens des publicités sur Internet passeraient plus sévèrement à la caisse, indépendamment de leur siège social.
Le président français Emmanuel Macron donne le tempo. Les députés ont adopté récemment un projet en la matière, dont la France espère retirer des revenus de 400 millions d’euros. Macron avait déjà exigé avec succès d’Amazon et d’Apple des arriérés d'impôts de plus de 500 millions d'euros à titre rétroactif pour les dix ans passés.
Impôt numérique
Les moyens: Les groupes mondiaux de l’Internet financés par les publicités en ligne doivent payer une taxe numérique de 3% de leur chiffre d’affaires.
Le but: Un prélèvement et une répartition plus équitable des gains réalisés par les géants de l’Internet grâce aux données des utilisateurs européens.
Les suites: Des revenus réduits pour les géants de l’Internet si le modèle de l’OCDE est reconnu et appliqué au niveau mondial.
Les Français ont le soutien du chancelier fédéral autrichien, Sebastian Kurz. Son gouvernement a publié, il y a quelques semaines, son propre projet d’impôt numérique. Les critiques sont cependant fortes, car la loi obligerait Google et Facebook à garder pendant sept ans les adresses IP pour l’identification des Autrichiens sur Internet. Et cela, pas même de façon anonyme. Le projet est en révision pour le moment.
La question de l’introduction d’un impôt numérique au niveau de l’UE reste ouverte. Les questions fiscales exigent l’unanimité. Et plusieurs pays membres de l’UE mettent un frein à ce sujet. Notamment, les ministres des Finances de l’Irlande (sièges européens de Facebook, Google et Apple) et du Luxembourg, mais aussi de la Suède (siège de Spotify) sont sceptiques. Dès lors, Bruxelles attend et l’on spécule sur l’OCDE. Cette dernière pourrait proclamer d’ici à 2020 un impôt numérique contraignant. L’Europe n’en subirait aucun inconvénient.
La Suisse, par contre, n’est pas pressée d’avoir un impôt numérique. Le ministre des Finances Ueli Maurer était encore séduit par cette idée en 2017. Son département l’a cependant nuancée en janvier dernier. Ce type de nouvelles mesures provisoires pourrait mener à une «surimposition», nous dit le porte-parole Frank Wettstein. Si le projet de l’OCDE entrait en vigueur en 2020, le Conseil fédéral corrigerait certainement sa position.
Que la Suisse y participe ou pas, il est probable que la communauté des États, menée par l’Union européenne, augmentera la fiscalité.
Mais l’UE veut encore plus. Les États ne devraient pas être les seuls bénéficiaires. Les artistes et auteurs aussi devraient mieux profiter des flux financiers. C’est grâce à leurs contenus que Google, Facebook et Cie gagnent des fortunes. Les institutions de l’UE viennent de le décider.
3. Droits d’auteur protégés
Et cela grâce à réforme des droits d’auteur. Elle a été approuvée par le Parlement européen au mois de mars et formellement confirmée le 15 avril par le Conseil des ministres de l’UE. La directive contient en tout 22 articles. Deux d’entre eux ont soulevé de vifs débats: les articles 15 et 17.
L’article 15 (auparavant 11) atteste que Google News n’a plus le droit de résumer dans l’aperçu du lien l’article d’un média, à moins que le géant l’ait payé.
L’article 17 (auparavant 13) est un genre d'ultimatum pour les plateformes comme Youtube: soit elles concluent des contrats de licence avec tous les artistes, soit elles prennent des «mesures adéquates et proportionnées» afin de protéger les œuvres contre des copies gratuites pouvant être faites par les usagers. On peut présumer que cette protection ne peut se faire que par un scannage préalable: il peut être réalisé par un système de filtre automatisé.
Cette loi part de bonnes intentions. La pratique incontrôlée du copier-coller ne doit plus régner sur Internet. Il doit y avoir un système qui prenne mieux en compte les véritables auteurs des contenus.
Réforme des droits d’auteur
Les moyens: Pour tous les contenus montrés par un moteur de recherche ou une plateforme vidéo, l’auteur de ces contenus doit être rémunéré.
Le but: Un meilleur équilibre des revenus; les artistes et les sociétés de médias doivent recevoir plus d’argent, les hébergeurs moins.
Les suites: Difficiles à prévoir. Cela peut aller d’une taxe sur le lien jusqu’au filtrage des téléchargements, mis en place par les hébergeurs. Les opposants parlent d’un risque de censure.
Les opposants redoutent aussi un «Internet foutu» où la manipulation créative de contenus sous forme, par exemple, de remix ou memes ne serait plus possible. Les filtres sont par ailleurs imparfaits et ne sauraient pas reconnaitre les parodies ou les satires, se plaint-on. Ces craintes sont fondées. En effet, le mot filtrage n’apparait pas dans le projet. Mais comment les plateformes pourraient-elles passer au crible les 400 heures à la minute de matériel vidéo ou audio téléchargées sur Youtube?
Un autre problème: la Cour européenne de justice a déclaré en 2012 que le filtrage était contraire aux droits fondamentaux. Ainsi, il pourrait y avoir une vague de plaintes.
La Commission Juncker a mis en place la réforme sur les droits d’auteur. Le député allemand CDU Axel Voss était aux commandes de la commission juridique et très présent dans les débats publics. Il s'est fortement positionné pour l’article 17. Le père spirituel des droits voisins des sociétés de médias de l’article 15 est le directeur d’édition allemand Mathias Döpfner. La protection des droits voisins existe en Allemagne depuis 2013, mais elle n’a pas encore rapporté un seul centime à cause des licences gratuites pour Google.
Les Länder ont maintenant deux ans pour transposer la réforme dans le droit national. Au pire des cas, il y aura 27 lois différentes.
Les éditeurs suisses doivent cependant renoncer à cette éventuelle aubaine. Ici, le lobby des médias a saisi l’opportunité et a inséré les droits voisins dans sa propre réforme sur les droits d'auteur. Les passages correspondant sont les articles 37a (droits voisins pour les éditeurs) et l’article complémentaire 13b (rémunération pour les œuvres des journalistes). Mais la Commission du Conseil des États a supprimé les deux articles la semaine dernière.
Ainsi, l’article 17 de l’Europe sera aussi valable pour les youtubeurs et blogueurs de chez nous. En effet, la Suisse traitera les entreprises technologiques de la même façon que les pays de l’UE. Tout comme cela avait déjà été le cas pour le RGPD.
4. Protection des données de l'utilisateur
C’est une réglementation-monstre entrée en vigueur le 24 mai 2018. La responsabilité en matière de protection des données a été inversée à cette date. L’utilisateur d’Internet ne devrait plus être tout le temps sur ses gardes. Ce sont les entreprises qui seraient tenues responsables en cas de collecte de données superflues, de fuite de données ou de la sécurité de leur clientèle.
Les amendes seront salées à l'avenir, afin de mieux éviter les infractions: jusqu’à 4% du chiffre d’affaires. Et les entreprises doivent y pourvoir. Les directives sur la protection des données ont été mises à jour pour l’ère numérique.
Règlement général sur la protection des données RGPD
Les moyens: Les plateformes doivent disposer d’une autorisation explicite des usagers pour sauvegarder leurs données et en mettre une copie à disposition desdits usagers.
Le but: Renforcer les droits des usagers et la concurrence entre les plateformes. Le principe «The Winner Takes It All» doit être brisé afin qu’il y ait moins de monopoles sur Internet.
Les suites: Les collectes des données des Européens seront réduites. Il n’est pas encore clair si l’idée de renforcer la concurrence grâce au RGPD fonctionnera.
Un des pères du RGPD est Jan Philipp Albrecht, un politicien Vert qui s’est spécialisé dans le droit de l’informatique. Il était rapporteur du Parlement européen en 2012. Albrecht a élaboré un compromis à partir de 4000 propositions de modifications et a réussi à s’opposer au puissant lobby des géants technologiques. Ils peuvent désormais être poursuivis en justice.
Un certain nombre d’activistes ont entamé des actions judiciaires. La palme revient au juriste autrichien Maximilian Schrems, connu pour être le vainqueur de l’affaire Safe Harbour. Ses griefs: bien que cela soit explicitement défendu par le RGPD, les géants des données continuent à suivre le principe du «à prendre ou à laisser» – soit l’usager coche toutes les cases, soit il est obligé de supprimer son compte.
Ceci est en contradiction avec l’esprit du RGPD, qui voulait justement mettre un terme à ce petit jeu. Schrems déposa quatre plaintes contre ce «processus de consentement à la nord-coréenne». Et il déjà gagné le premier round avec son organisation NOYB («none of your business»).
À la suite d’une plainte de NOYB, les autorités françaises de protection des données CNIL ont mis à l’amende Google pour plus de 50 millions d’euros. C’est à ce jour l’amende la plus élevée émanant d’une autorité européenne de protection des données. Facebook et ses sociétés affiliées, Instagram et WhatsApp, sont les suivantes. Le grand réseau social devra faire face à une amende de 1,63 milliards de dollars en raison de ses importantes fuites de données survenues en septembre 2018. L’enquête des autorités irlandaises de protection des données aboutira bientôt. L’organisation NOYB veut aussi s’attaquer aux services de streaming comme Netflix, en raison d’incompatibilités avec le RGPD. Un test a montré que le «droit à l’information» n’est pas assez concret par rapport à l’article 15.
Le règlement sur la vie privée électronique devrait être discuté dans l’UE mi-2019. Il concrétisera les réglementations du RGPD formulées de façon trop abstraite. Le fait de savoir quand le tracking des sites web est permis ou interdit devrait enfin être éclairci.
Les initiatives européennes de protection des données sont un succès politique. Elles n’ont pourtant pas rempli les attentes économiques du RGPD.
Il existe peu de logiciels adaptés pour la portabilité des données personnelles. Pourtant, Google, Twitter, Microsoft et Facebook ont fait l’annonce commune d’un projet de transfert de données en 2017. Ce dernier devrait permettre par exemple de transférer des photos de Google à Microsoft en quelques clics. Mais c'est un projet qui fait étrangement peu de bruit.
La Suisse traine les pieds. Sa loi de 1992 sur la protection des données a bien été soumise à une mise à jour numérique, mais ne sera définitivement adoptée qu’après les élections fédérales. Les associations professionnelles ont critiqué le premier projet euro compatible du Conseil fédéral. Le deuxième projet a été atténué et dilué. Des principes comme le «privacy by design» ont bien été repris, mais restent sans portée en raison des faibles possibilités de sanction en cas de leur non-respect. La forme exacte de la révision sera un des points essentiels de la nouvelle législature.
Conclusion
L’UE poursuit deux buts avec ses efforts de réglementation: la protection de la sphère privée et plus de concurrence. Les droits citoyens numériques ne sont donc pas un but en soi, mais doivent aussi stimuler le marché intérieur. Il y a ainsi un calcul économique derrière la bureaucratie de la protection des données. Les silos de données des GAFA doivent être brisés et les chances pour les petites start-up doivent augmenter.
Ceci n'est pas désintéressé: sur la liste des 200 plus grandes sociétés de l’Internet, à peine huit sont européennes. En dehors de SAP, Soundcloud et Spotify, il y a peu de groupes Tech européens connus et à succès.
Les puissants géants du Tech de la Silicon Valley suivent tout autant un calcul économique en réclamant à grand cri plus de réglementations. Plus les régulations sont étendues, plus grands sont les budgets IT nécessaires pour des choses comme la sauvegarde et la migration sécurisées des données. L’accès pour des nouveaux concurrents avec des modèles d’entreprise basés sur la collecte des données pourrait même devenir encore plus difficile. De nouvelles lois signifient aussi des conditions d’entrée plus exigeantes. Et ça, les politiciens européens ne l’ont sûrement pas prévu.
Mais Bruxelles a bien retenu une leçon du RGPD. Peu après son entrée en vigueur, l’impitoyable industrie allemande de l’avertissement s’en est surtout prise aux «petits». Dès lors, on a amélioré ce point lors de la réforme du droit d’auteur. L’article 17 ne s’applique qu'aux plateformes dont le chiffre d’affaires est d’au moins 10 millions d’euros et d’au moins 5 millions de visiteurs par mois.
Il est probable que l’élan des réglementations subsistera au-delà des prochaines élections européennes. Les conservateurs, les socio-démocrates, les libéraux et les verts sont presque unanimes en matière de protection des données. Ils sont en faveur de la plupart des projets de loi en matière de régulation de l’Internet. L’augmentation des sièges des populistes de droite que l’on prévoit ne devrait pas suffire à casser cette majorité.
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Selon un sondage, plus de 70% des européens sont favorables à un contrôle strict des algorithmes. Bruxelles s’est fixé comme objectif de répondre à cette demande. Et elle s’établit par là comme super pouvoir régulateur.</p> <p>Un pouvoir que les acteurs du Big Tech respectent toujours plus, et tentent même de flatter. Ainsi, le directeur de Microsoft, Satya Nadella, prône des règles strictes pour la reconnaissance faciale. Le directeur d’Apple, Tim Cook, élève le Règlement général sur la protection des données (RGPD) au niveau des droits humains. Et même le directeur de Facebook, Mark Zuckerberg, étend dernièrement le modèle européen comme standard mondial.</p> <p>La politique des USA prend aussi le train en marche: la Californie, patrie de la plupart des géants Tech, a adopté en juin dernier un équivalent au RGPD. La sénatrice démocrate Elizabeth Warren s’est même tellement inspirée de l’Europe, qu’elle a mis la répression des GAFA (pour Google, Apple, Facebook, Amazon) à son programme électoral pour les présidentielles.</p> <p>Venant d’Europe, le slogan électoral d’Emmanuel Macron est désormais à la mode dans la Silicon Valley. Le vent a tourné. Au début, des professeurs de journalisme américains comme Jeff Jarvis se moquaient de la peur allemande des technologies. Aujourd’hui, après cinq ans de débats sur les infox et les scandales de vol de données, ils prennent au sérieux les idées de la «vieille Europe».</p> <p>À raison, car l’UE et ses membres sont en effet sérieux à ce sujet. Pour les groupes Big Tech, ce ne sont rien de moins que les règles fondamentales de l’économie numérique qui sont en jeu.</p> <p>Aucun groupe ne l’a ressenti aussi fort que Google, en rapport avec l’alphabet de sa maison mère.</p> <h3><strong> 1. Des milliards en amendes pour Google et Cie</strong></h3> <p>La Commission de l’UE a déjà mis à l’amende à plusieurs reprises le géant d’Internet. Le groupe a dû débourser en tout 8,2 milliards d’euros pour l’exploitation de sa position dominante, pour la place proéminente de «Google Shopping», pour la préinstallation de sa propre application dans le système d’exploitation Android et pour l’exploitation de son propre réseau publicitaire AdSense. C’est une somme qui fait mal, même pour Google.</p> <p>Et <strong>Facebook</strong> a aussi été mis à l’amende par l’UE. Le réseau social a dû sortir 110 millions d’euros pour fausses déclarations lors du rachat de WhatsApp en 2014. L’Europe n’avait autorisé l’acquisition qu’à la condition que les numéros de téléphone ne soient pas transmis à la maison mère. Mais c’est exactement ce qu’a fait Facebook deux ans plus tard.</p> <p>L’Office fédéral allemand de lutte contre les cartels observe à présent de manière critique si la fusion technique prévue d’<strong>Instagram, Whatsapp, Facebook Messenger et Facebook </strong>ne constitue pas un abus du pouvoir de marché en devenant un espace de communication pratiquement clos.</p> <p>La figure de proue de tous ces jugements de Bruxelles est la Commissaire à la concurrence de l’UE <strong>Margrethe Vestager</strong>. Elle est la superstar du cabinet de Juncker. Il y a cinq ans, elle a hérité du siège de Joaquín Almunia, qui avait entamé la procédure contre Google, et était tout de suite passée à la vitesse supérieure. Les premiers jugements contre les géants Tech ont eu lieu dès 2016 et se poursuivent coup sur coup avec les décisions fiscales contre le Luxembourg et l’Irlande.</p> <p>Le but de Mme Vestager: plus de concurrence loyale. Les moyens: des amendes qui font mal.</p> <hr /> <h2>Des milliards en amendes contre les GAFA</h2> <p><strong>Les moyens:</strong> Les sociétés qui abusent de leur position dominante sur le marché doivent être mises à l’amende.</p> <p><strong>Le but:</strong> Briser le pouvoir de marché des plus grands groupes et permettre une concurrence plus loyale.</p> <p><strong>Les suites:</strong> Elles peuvent aller de la séparation de secteurs d'activité individuels jusqu’au démantèlement des groupes plus grands.</p> <hr /> <p>Mme Vestager a déjà laissé entrevoir qu’elle étudie d'autres plaintes contre Google, comme par exemple celle du concurrent <strong>Yelp</strong> de «Local Search» et «Jobs». Elle a aussi introduit une enquête préliminaire dans le cadre de la loi sur les cartels contre le géant de l’e-commerce <strong>Amazon</strong>. Son équipe collecte pour l’heure des preuves auprès des vendeurs qui distribuent leurs produits sur le portail. Le soupçon: Amazon analyse les données de vente sensibles des tiers et exploite les connaissances acquises pour le développement de ses propres produits.</p> <p>Pour Mme Vestager, Amazon abuse ainsi de son savoir-faire. La Danoise voudrait intégralement réformer la loi de l’UE sur les cartels. Google et Amazon ne devraient même pas avoir l’idée de développer leurs propres produits. Sinon, elles seraient comme des associations sportives: elles établissent les règles du jeu, les standards étiques, comment agir avec le dopage. «Mais elles n’ont pas d’équipes à elles qui entrent en concurrence.» Une plainte semblable a été introduite par Spotify contre le groupe Apple.</p> <p>On constate dans les jugements de Bruxelles contre les GAFA une différence essentielle par rapport à d’autres domaines de l’économie. Aux USA, les monopoles ne sont considérés dangereux que lorsque l’on peut prouver qu’il y a un dommage pour le citoyen.</p> <p>En Suisse aussi, la Commission sur les cartels part du principe que la taille gigantesque des GAFA est, de prime abord, une bonne chose. «La grand taille permet le résultat souhaitable d’une meilleure prestation pour la clientèle et n’est pas un problème en soi», nous dit Frank Stüssi, directeur suppléant de la Comco. Par ailleurs, on est assez généreux dans le cas des fusions prévues. Chez nous, le rachat de WhatsApp par Facebook n’était même pas soumis à l’obligation de déclaration.</p> <p>Dans l’UE, on est bien plus sceptiques face au pouvoir de marché qui découle du nombre impressionnant d’utilisateurs d'une plateforme. Pour Mme Vestager, celui qui propose une place de marché populaire ne devrait pas pouvoir y vendre également ses propres produits.</p> <p>La politique de l’Union européenne, un marché de 500 millions d’individus, semble bien décidée à faire front contre la Silicon Valley.</p> <p>Y compris dans un domaine clef de l’économie: les impôts.</p> <h3><strong> 2. Un nouvel impôt numérique</strong></h3> <p>La situation de départ est claire: les groupes numériques paient trop peu d’impôts de société en UE. Ou du moins à un taux moins élevé que les entreprises d'autres domaines. Les cadres de Google et Cie le justifient le plus souvent ainsi: la création de valeur – l’analyse et le traitement algorithmique des données – n’a pas lieu en Europe.</p> <p>Cet argument n'est plus pertinent dans des pays comme la France et l’Allemagne. Dès lors, on y discute intensément au sujet d’un impôt dit numérique. Les entreprises qui montrent aux consommateurs européens des publicités sur Internet passeraient plus sévèrement à la caisse, indépendamment de leur siège social.</p> <p>Le président français <strong>Emmanuel Macron</strong> donne le tempo. Les députés ont adopté récemment un projet en la matière, dont la France espère retirer des revenus de 400 millions d’euros. Macron avait déjà exigé avec succès d’Amazon et d’Apple des arriérés d'impôts de plus de 500 millions d'euros à titre rétroactif pour les dix ans passés.</p> <hr /> <h2>Impôt numérique</h2> <p><strong>Les moyens:</strong> Les groupes mondiaux de l’Internet financés par les publicités en ligne doivent payer une taxe numérique de 3% de leur chiffre d’affaires.</p> <p><strong>Le but:</strong> Un prélèvement et une répartition plus équitable des gains réalisés par les géants de l’Internet grâce aux données des utilisateurs européens.</p> <p><strong>Les suites: </strong>Des revenus réduits pour les géants de l’Internet si le modèle de l’OCDE est reconnu et appliqué au niveau mondial.</p> <hr /> <p>Les Français ont le soutien du chancelier fédéral autrichien, <strong>Sebastian Kurz</strong>. Son gouvernement a publié, il y a quelques semaines, son propre projet d’impôt numérique. Les critiques sont cependant fortes, car la loi obligerait Google et Facebook à garder pendant sept ans les adresses IP pour l’identification des Autrichiens sur Internet. Et cela, pas même de façon anonyme. Le projet est en révision pour le moment.</p> <p>La question de l’introduction d’un impôt numérique au niveau de l’UE reste ouverte. Les questions fiscales exigent l’unanimité. Et plusieurs pays membres de l’UE mettent un frein à ce sujet. Notamment, les ministres des Finances de l’Irlande (sièges européens de Facebook, Google et Apple) et du Luxembourg, mais aussi de la Suède (siège de Spotify) sont sceptiques. Dès lors, Bruxelles attend et l’on spécule sur l’OCDE. Cette dernière pourrait proclamer d’ici à 2020 un impôt numérique contraignant. L’Europe n’en subirait aucun inconvénient.</p> <p>La <strong>Suisse</strong>, par contre, n’est pas pressée d’avoir un impôt numérique. Le ministre des Finances Ueli Maurer était encore séduit par cette idée en 2017. Son département l’a cependant nuancée en janvier dernier. Ce type de nouvelles mesures provisoires pourrait mener à une «surimposition», nous dit le porte-parole Frank Wettstein. Si le projet de l’OCDE entrait en vigueur en 2020, le Conseil fédéral corrigerait certainement sa position.</p> <p>Que la Suisse y participe ou pas, il est probable que la communauté des États, menée par l’Union européenne, augmentera la fiscalité.</p> <p>Mais l’UE veut encore plus. Les États ne devraient pas être les seuls bénéficiaires. Les artistes et auteurs aussi devraient mieux profiter des flux financiers. C’est grâce à leurs contenus que Google, Facebook et Cie gagnent des fortunes. Les institutions de l’UE viennent de le décider.</p> <h3><strong> 3. Droits d’auteur protégés</strong></h3> <p>Et cela grâce à réforme des droits d’auteur. Elle a été approuvée par le Parlement européen au mois de mars et formellement confirmée le 15 avril par le Conseil des ministres de l’UE. La <a href="https://juliareda.eu/wp-content/uploads/2019/02/Copyright_Final_compromise.pdf">directive</a> contient en tout 22 articles. Deux d’entre eux ont soulevé de vifs débats: les articles 15 et 17.</p> <p>L’article 15 (auparavant 11) atteste que Google News n’a plus le droit de résumer dans l’aperçu du lien l’article d’un média, à moins que le géant l’ait payé.</p> <p>L’article 17 (auparavant 13) est un genre d'ultimatum pour les plateformes comme Youtube: soit elles concluent des contrats de licence avec tous les artistes, soit elles prennent des «mesures adéquates et proportionnées» afin de protéger les œuvres contre des copies gratuites pouvant être faites par les usagers. On peut présumer que cette protection ne peut se faire que par un scannage préalable: il peut être réalisé par un système de filtre automatisé.</p> <p>Cette loi part de bonnes intentions. La pratique incontrôlée du copier-coller ne doit plus régner sur Internet. Il doit y avoir un système qui prenne mieux en compte les véritables auteurs des contenus.</p> <hr /> <h2>Réforme des droits d’auteur</h2> <p><strong>Les moyens:</strong> Pour tous les contenus montrés par un moteur de recherche ou une plateforme vidéo, l’auteur de ces contenus doit être rémunéré.</p> <p><strong>Le but:</strong> Un meilleur équilibre des revenus; les artistes et les sociétés de médias doivent recevoir plus d’argent, les hébergeurs moins.</p> <p><strong>Les suites:</strong> Difficiles à prévoir. Cela peut aller d’une taxe sur le lien jusqu’au filtrage des téléchargements, mis en place par les hébergeurs. Les opposants parlent d’un risque de censure.</p> <hr /> <p>Les opposants redoutent aussi un «Internet foutu» où la manipulation créative de contenus sous forme, par exemple, de <em>remix</em> ou <em>memes</em> ne serait plus possible. Les filtres sont par ailleurs imparfaits et ne sauraient pas reconnaitre les parodies ou les satires, se plaint-on. Ces craintes sont fondées. En effet, le mot filtrage n’apparait pas dans le projet. Mais comment les plateformes pourraient-elles passer au crible les 400 heures à la minute de matériel vidéo ou audio téléchargées sur Youtube?</p> <p>Un autre problème: la Cour européenne de justice a déclaré en 2012 que le filtrage était contraire aux droits fondamentaux. Ainsi, il pourrait y avoir une vague de plaintes.</p> <p>La Commission Juncker a mis en place la réforme sur les droits d’auteur. Le député allemand CDU <strong>Axel Voss</strong> était aux commandes de la commission juridique et très présent dans les débats publics. Il s'est fortement positionné pour l’article 17. Le père spirituel des droits voisins des sociétés de médias de l’article 15 est le directeur d’édition allemand <strong>Mathias Döpfner</strong>. La protection des droits voisins existe en Allemagne depuis 2013, mais elle n’a pas encore rapporté un seul centime à cause des licences gratuites pour Google.</p> <p>Les Länder ont maintenant deux ans pour transposer la réforme dans le droit national. Au pire des cas, il y aura 27 lois différentes.</p> <p>Les <strong>éditeurs suisses</strong> doivent cependant renoncer à cette éventuelle aubaine. Ici, le lobby des médias a saisi l’opportunité et a inséré les droits voisins dans sa propre réforme sur les droits d'auteur. Les passages correspondant sont les articles 37a (droits voisins pour les éditeurs) et l’article complémentaire 13b (rémunération pour les œuvres des journalistes). Mais la Commission du Conseil des États a supprimé les deux articles la semaine dernière.</p> <p>Ainsi, l’article 17 de l’Europe sera aussi valable pour les youtubeurs et blogueurs de chez nous. En effet, la Suisse traitera les entreprises technologiques de la même façon que les pays de l’UE. Tout comme cela avait déjà été le cas pour le RGPD.</p> <h3><strong> 4. Protection des données de l'utilisateur</strong></h3> <p>C’est une réglementation-monstre entrée en vigueur le 24 mai 2018. La responsabilité en matière de protection des données a été inversée à cette date. L’utilisateur d’Internet ne devrait plus être tout le temps sur ses gardes. Ce sont les entreprises qui seraient tenues responsables en cas de collecte de données superflues, de fuite de données ou de la sécurité de leur clientèle.</p> <p>Les amendes seront salées à l'avenir, afin de mieux éviter les infractions: jusqu’à 4% du chiffre d’affaires. Et les entreprises doivent y pourvoir. Les directives sur la protection des données ont été mises à jour pour l’ère numérique.</p> <hr /> <h2>Règlement général sur la protection des données RGPD</h2> <p><strong>Les moyens:</strong> Les plateformes doivent disposer d’une autorisation explicite des usagers pour sauvegarder leurs données et en mettre une copie à disposition desdits usagers.</p> <p><strong>Le but:</strong> Renforcer les droits des usagers et la concurrence entre les plateformes. Le principe «The Winner Takes It All» doit être brisé afin qu’il y ait moins de monopoles sur Internet.</p> <p><strong>Les suites:</strong> Les collectes des données des Européens seront réduites. Il n’est pas encore clair si l’idée de renforcer la concurrence grâce au RGPD fonctionnera.</p> <hr /> <p>Un des pères du RGPD est <strong>Jan Philipp Albrecht</strong>, un politicien Vert qui s’est spécialisé dans le droit de l’informatique. Il était rapporteur du Parlement européen en 2012. Albrecht a élaboré un compromis à partir de 4000 propositions de modifications et a réussi à s’opposer au puissant lobby des géants technologiques. Ils peuvent désormais être poursuivis en justice.</p> <p>Un certain nombre d’activistes ont entamé des actions judiciaires. La palme revient au juriste autrichien <strong>Maximilian Schrems</strong>, connu pour être le vainqueur de l’affaire Safe Harbour. Ses griefs: bien que cela soit explicitement défendu par le RGPD, les géants des données continuent à suivre le principe du «à prendre ou à laisser» – soit l’usager coche toutes les cases, soit il est obligé de supprimer son compte.</p> <p>Ceci est en contradiction avec l’esprit du RGPD, qui voulait justement mettre un terme à ce petit jeu. Schrems déposa quatre plaintes contre ce «processus de consentement à la nord-coréenne». Et il déjà gagné le premier round avec son organisation NOYB («none of your business»).</p> <p>À la suite d’une plainte de NOYB, les autorités françaises de protection des données CNIL ont mis à l’amende Google pour plus de 50 millions d’euros. C’est à ce jour l’amende la plus élevée émanant d’une autorité européenne de protection des données. Facebook et ses sociétés affiliées, Instagram et WhatsApp, sont les suivantes. Le grand réseau social devra faire face à une amende de 1,63 milliards de dollars en raison de ses importantes fuites de données survenues en septembre 2018. L’enquête des autorités irlandaises de protection des données aboutira bientôt. L’organisation NOYB veut aussi s’attaquer aux services de streaming comme Netflix, en raison d’incompatibilités avec le RGPD. Un test a montré que le «droit à l’information» n’est pas assez concret par rapport à l’article 15.</p> <p>Le <strong>règlement sur la vie privée électronique</strong> devrait être discuté dans l’UE mi-2019. Il concrétisera les réglementations du RGPD formulées de façon trop abstraite. Le fait de savoir quand le <em>tracking</em> des sites web est permis ou interdit devrait enfin être éclairci.</p> <p>Les initiatives européennes de protection des données sont un succès politique. Elles n’ont pourtant pas rempli les attentes économiques du RGPD.</p> <p>Il existe peu de logiciels adaptés pour la portabilité des données personnelles. Pourtant, Google, Twitter, Microsoft et Facebook ont fait l’annonce commune d’un <strong>projet de transfert de données</strong> en 2017. Ce dernier devrait permettre par exemple de transférer des photos de Google à Microsoft en quelques clics. Mais c'est un projet qui fait étrangement peu de bruit.</p> <p>La <strong>Suisse</strong> traine les pieds. Sa loi de 1992 sur la protection des données a bien été soumise à une mise à jour numérique, mais ne sera définitivement adoptée qu’après les élections fédérales. Les associations professionnelles ont critiqué le premier projet euro compatible du Conseil fédéral. Le deuxième projet a été atténué et dilué. Des principes comme le «privacy by design» ont bien été repris, mais restent sans portée en raison des faibles possibilités de sanction en cas de leur non-respect. La forme exacte de la révision sera un des points essentiels de la nouvelle législature.</p> <h3><strong>Conclusion</strong></h3> <p>L’UE poursuit deux buts avec ses efforts de réglementation: la protection de la sphère privée et plus de concurrence. Les droits citoyens numériques ne sont donc pas un but en soi, mais doivent aussi stimuler le marché intérieur. Il y a ainsi un calcul économique derrière la bureaucratie de la protection des données. Les silos de données des GAFA doivent être brisés et les chances pour les petites start-up doivent augmenter.</p> <p>Ceci n'est pas désintéressé: sur la liste des 200 plus grandes sociétés de l’Internet, à peine huit sont européennes. En dehors de SAP, Soundcloud et Spotify, il y a peu de groupes Tech européens connus et à succès.</p> <p>Les puissants géants du Tech de la Silicon Valley suivent tout autant un calcul économique en réclamant à grand cri plus de réglementations. Plus les régulations sont étendues, plus grands sont les budgets IT nécessaires pour des choses comme la sauvegarde et la migration sécurisées des données. L’accès pour des nouveaux concurrents avec des modèles d’entreprise basés sur la collecte des données pourrait même devenir encore plus difficile. De nouvelles lois signifient aussi des conditions d’entrée plus exigeantes. Et ça, les politiciens européens ne l’ont sûrement pas prévu.</p> <p>Mais Bruxelles a bien retenu une leçon du RGPD. Peu après son entrée en vigueur, l’impitoyable industrie allemande de l’avertissement s’en est surtout prise aux «petits». Dès lors, on a amélioré ce point lors de la réforme du droit d’auteur. L’article 17 ne s’applique qu'aux plateformes dont le chiffre d’affaires est d’au moins 10 millions d’euros et d’au moins 5 millions de visiteurs par mois.</p> <p>Il est probable que l’élan des réglementations subsistera au-delà des prochaines élections européennes. Les conservateurs, les socio-démocrates, les libéraux et les verts sont presque unanimes en matière de protection des données. Ils sont en faveur de la plupart des projets de loi en matière de régulation de l’Internet. 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Selon un sondage, plus de 70% des européens sont favorables à un contrôle strict des algorithmes. Bruxelles s’est fixé comme objectif de répondre à cette demande. Et elle s’établit par là comme super pouvoir régulateur.</p> <p>Un pouvoir que les acteurs du Big Tech respectent toujours plus, et tentent même de flatter. Ainsi, le directeur de Microsoft, Satya Nadella, prône des règles strictes pour la reconnaissance faciale. Le directeur d’Apple, Tim Cook, élève le Règlement général sur la protection des données (RGPD) au niveau des droits humains. Et même le directeur de Facebook, Mark Zuckerberg, étend dernièrement le modèle européen comme standard mondial.</p> <p>La politique des USA prend aussi le train en marche: la Californie, patrie de la plupart des géants Tech, a adopté en juin dernier un équivalent au RGPD. La sénatrice démocrate Elizabeth Warren s’est même tellement inspirée de l’Europe, qu’elle a mis la répression des GAFA (pour Google, Apple, Facebook, Amazon) à son programme électoral pour les présidentielles.</p> <p>Venant d’Europe, le slogan électoral d’Emmanuel Macron est désormais à la mode dans la Silicon Valley. Le vent a tourné. Au début, des professeurs de journalisme américains comme Jeff Jarvis se moquaient de la peur allemande des technologies. Aujourd’hui, après cinq ans de débats sur les infox et les scandales de vol de données, ils prennent au sérieux les idées de la «vieille Europe».</p> <p>À raison, car l’UE et ses membres sont en effet sérieux à ce sujet. Pour les groupes Big Tech, ce ne sont rien de moins que les règles fondamentales de l’économie numérique qui sont en jeu.</p> <p>Aucun groupe ne l’a ressenti aussi fort que Google, en rapport avec l’alphabet de sa maison mère.</p> <h3><strong> 1. Des milliards en amendes pour Google et Cie</strong></h3> <p>La Commission de l’UE a déjà mis à l’amende à plusieurs reprises le géant d’Internet. Le groupe a dû débourser en tout 8,2 milliards d’euros pour l’exploitation de sa position dominante, pour la place proéminente de «Google Shopping», pour la préinstallation de sa propre application dans le système d’exploitation Android et pour l’exploitation de son propre réseau publicitaire AdSense. C’est une somme qui fait mal, même pour Google.</p> <p>Et <strong>Facebook</strong> a aussi été mis à l’amende par l’UE. Le réseau social a dû sortir 110 millions d’euros pour fausses déclarations lors du rachat de WhatsApp en 2014. L’Europe n’avait autorisé l’acquisition qu’à la condition que les numéros de téléphone ne soient pas transmis à la maison mère. Mais c’est exactement ce qu’a fait Facebook deux ans plus tard.</p> <p>L’Office fédéral allemand de lutte contre les cartels observe à présent de manière critique si la fusion technique prévue d’<strong>Instagram, Whatsapp, Facebook Messenger et Facebook </strong>ne constitue pas un abus du pouvoir de marché en devenant un espace de communication pratiquement clos.</p> <p>La figure de proue de tous ces jugements de Bruxelles est la Commissaire à la concurrence de l’UE <strong>Margrethe Vestager</strong>. Elle est la superstar du cabinet de Juncker. Il y a cinq ans, elle a hérité du siège de Joaquín Almunia, qui avait entamé la procédure contre Google, et était tout de suite passée à la vitesse supérieure. Les premiers jugements contre les géants Tech ont eu lieu dès 2016 et se poursuivent coup sur coup avec les décisions fiscales contre le Luxembourg et l’Irlande.</p> <p>Le but de Mme Vestager: plus de concurrence loyale. 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Le soupçon: Amazon analyse les données de vente sensibles des tiers et exploite les connaissances acquises pour le développement de ses propres produits.</p> <p>Pour Mme Vestager, Amazon abuse ainsi de son savoir-faire. La Danoise voudrait intégralement réformer la loi de l’UE sur les cartels. Google et Amazon ne devraient même pas avoir l’idée de développer leurs propres produits. Sinon, elles seraient comme des associations sportives: elles établissent les règles du jeu, les standards étiques, comment agir avec le dopage. «Mais elles n’ont pas d’équipes à elles qui entrent en concurrence.» Une plainte semblable a été introduite par Spotify contre le groupe Apple.</p> <p>On constate dans les jugements de Bruxelles contre les GAFA une différence essentielle par rapport à d’autres domaines de l’économie. Aux USA, les monopoles ne sont considérés dangereux que lorsque l’on peut prouver qu’il y a un dommage pour le citoyen.</p> <p>En Suisse aussi, la Commission sur les cartels part du principe que la taille gigantesque des GAFA est, de prime abord, une bonne chose. «La grand taille permet le résultat souhaitable d’une meilleure prestation pour la clientèle et n’est pas un problème en soi», nous dit Frank Stüssi, directeur suppléant de la Comco. Par ailleurs, on est assez généreux dans le cas des fusions prévues. Chez nous, le rachat de WhatsApp par Facebook n’était même pas soumis à l’obligation de déclaration.</p> <p>Dans l’UE, on est bien plus sceptiques face au pouvoir de marché qui découle du nombre impressionnant d’utilisateurs d'une plateforme. Pour Mme Vestager, celui qui propose une place de marché populaire ne devrait pas pouvoir y vendre également ses propres produits.</p> <p>La politique de l’Union européenne, un marché de 500 millions d’individus, semble bien décidée à faire front contre la Silicon Valley.</p> <p>Y compris dans un domaine clef de l’économie: les impôts.</p> <h3><strong> 2. Un nouvel impôt numérique</strong></h3> <p>La situation de départ est claire: les groupes numériques paient trop peu d’impôts de société en UE. Ou du moins à un taux moins élevé que les entreprises d'autres domaines. Les cadres de Google et Cie le justifient le plus souvent ainsi: la création de valeur – l’analyse et le traitement algorithmique des données – n’a pas lieu en Europe.</p> <p>Cet argument n'est plus pertinent dans des pays comme la France et l’Allemagne. Dès lors, on y discute intensément au sujet d’un impôt dit numérique. Les entreprises qui montrent aux consommateurs européens des publicités sur Internet passeraient plus sévèrement à la caisse, indépendamment de leur siège social.</p> <p>Le président français <strong>Emmanuel Macron</strong> donne le tempo. Les députés ont adopté récemment un projet en la matière, dont la France espère retirer des revenus de 400 millions d’euros. 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Les critiques sont cependant fortes, car la loi obligerait Google et Facebook à garder pendant sept ans les adresses IP pour l’identification des Autrichiens sur Internet. Et cela, pas même de façon anonyme. Le projet est en révision pour le moment.</p> <p>La question de l’introduction d’un impôt numérique au niveau de l’UE reste ouverte. Les questions fiscales exigent l’unanimité. Et plusieurs pays membres de l’UE mettent un frein à ce sujet. Notamment, les ministres des Finances de l’Irlande (sièges européens de Facebook, Google et Apple) et du Luxembourg, mais aussi de la Suède (siège de Spotify) sont sceptiques. Dès lors, Bruxelles attend et l’on spécule sur l’OCDE. Cette dernière pourrait proclamer d’ici à 2020 un impôt numérique contraignant. L’Europe n’en subirait aucun inconvénient.</p> <p>La <strong>Suisse</strong>, par contre, n’est pas pressée d’avoir un impôt numérique. Le ministre des Finances Ueli Maurer était encore séduit par cette idée en 2017. Son département l’a cependant nuancée en janvier dernier. Ce type de nouvelles mesures provisoires pourrait mener à une «surimposition», nous dit le porte-parole Frank Wettstein. Si le projet de l’OCDE entrait en vigueur en 2020, le Conseil fédéral corrigerait certainement sa position.</p> <p>Que la Suisse y participe ou pas, il est probable que la communauté des États, menée par l’Union européenne, augmentera la fiscalité.</p> <p>Mais l’UE veut encore plus. Les États ne devraient pas être les seuls bénéficiaires. Les artistes et auteurs aussi devraient mieux profiter des flux financiers. C’est grâce à leurs contenus que Google, Facebook et Cie gagnent des fortunes. Les institutions de l’UE viennent de le décider.</p> <h3><strong> 3. Droits d’auteur protégés</strong></h3> <p>Et cela grâce à réforme des droits d’auteur. Elle a été approuvée par le Parlement européen au mois de mars et formellement confirmée le 15 avril par le Conseil des ministres de l’UE. 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Tout comme cela avait déjà été le cas pour le RGPD.</p> <h3><strong> 4. Protection des données de l'utilisateur</strong></h3> <p>C’est une réglementation-monstre entrée en vigueur le 24 mai 2018. La responsabilité en matière de protection des données a été inversée à cette date. L’utilisateur d’Internet ne devrait plus être tout le temps sur ses gardes. Ce sont les entreprises qui seraient tenues responsables en cas de collecte de données superflues, de fuite de données ou de la sécurité de leur clientèle.</p> <p>Les amendes seront salées à l'avenir, afin de mieux éviter les infractions: jusqu’à 4% du chiffre d’affaires. Et les entreprises doivent y pourvoir. Les directives sur la protection des données ont été mises à jour pour l’ère numérique.</p> <hr /> <h2>Règlement général sur la protection des données RGPD</h2> <p><strong>Les moyens:</strong> Les plateformes doivent disposer d’une autorisation explicite des usagers pour sauvegarder leurs données et en mettre une copie à disposition desdits usagers.</p> <p><strong>Le but:</strong> Renforcer les droits des usagers et la concurrence entre les plateformes. Le principe «The Winner Takes It All» doit être brisé afin qu’il y ait moins de monopoles sur Internet.</p> <p><strong>Les suites:</strong> Les collectes des données des Européens seront réduites. Il n’est pas encore clair si l’idée de renforcer la concurrence grâce au RGPD fonctionnera.</p> <hr /> <p>Un des pères du RGPD est <strong>Jan Philipp Albrecht</strong>, un politicien Vert qui s’est spécialisé dans le droit de l’informatique. Il était rapporteur du Parlement européen en 2012. 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Il concrétisera les réglementations du RGPD formulées de façon trop abstraite. Le fait de savoir quand le <em>tracking</em> des sites web est permis ou interdit devrait enfin être éclairci.</p> <p>Les initiatives européennes de protection des données sont un succès politique. Elles n’ont pourtant pas rempli les attentes économiques du RGPD.</p> <p>Il existe peu de logiciels adaptés pour la portabilité des données personnelles. Pourtant, Google, Twitter, Microsoft et Facebook ont fait l’annonce commune d’un <strong>projet de transfert de données</strong> en 2017. Ce dernier devrait permettre par exemple de transférer des photos de Google à Microsoft en quelques clics. Mais c'est un projet qui fait étrangement peu de bruit.</p> <p>La <strong>Suisse</strong> traine les pieds. Sa loi de 1992 sur la protection des données a bien été soumise à une mise à jour numérique, mais ne sera définitivement adoptée qu’après les élections fédérales. Les associations professionnelles ont critiqué le premier projet euro compatible du Conseil fédéral. Le deuxième projet a été atténué et dilué. Des principes comme le «privacy by design» ont bien été repris, mais restent sans portée en raison des faibles possibilités de sanction en cas de leur non-respect. La forme exacte de la révision sera un des points essentiels de la nouvelle législature.</p> <h3><strong>Conclusion</strong></h3> <p>L’UE poursuit deux buts avec ses efforts de réglementation: la protection de la sphère privée et plus de concurrence. Les droits citoyens numériques ne sont donc pas un but en soi, mais doivent aussi stimuler le marché intérieur. Il y a ainsi un calcul économique derrière la bureaucratie de la protection des données. Les silos de données des GAFA doivent être brisés et les chances pour les petites start-up doivent augmenter.</p> <p>Ceci n'est pas désintéressé: sur la liste des 200 plus grandes sociétés de l’Internet, à peine huit sont européennes. En dehors de SAP, Soundcloud et Spotify, il y a peu de groupes Tech européens connus et à succès.</p> <p>Les puissants géants du Tech de la Silicon Valley suivent tout autant un calcul économique en réclamant à grand cri plus de réglementations. Plus les régulations sont étendues, plus grands sont les budgets IT nécessaires pour des choses comme la sauvegarde et la migration sécurisées des données. L’accès pour des nouveaux concurrents avec des modèles d’entreprise basés sur la collecte des données pourrait même devenir encore plus difficile. De nouvelles lois signifient aussi des conditions d’entrée plus exigeantes. Et ça, les politiciens européens ne l’ont sûrement pas prévu.</p> <p>Mais Bruxelles a bien retenu une leçon du RGPD. Peu après son entrée en vigueur, l’impitoyable industrie allemande de l’avertissement s’en est surtout prise aux «petits». Dès lors, on a amélioré ce point lors de la réforme du droit d’auteur. L’article 17 ne s’applique qu'aux plateformes dont le chiffre d’affaires est d’au moins 10 millions d’euros et d’au moins 5 millions de visiteurs par mois.</p> <p>Il est probable que l’élan des réglementations subsistera au-delà des prochaines élections européennes. Les conservateurs, les socio-démocrates, les libéraux et les verts sont presque unanimes en matière de protection des données. Ils sont en faveur de la plupart des projets de loi en matière de régulation de l’Internet. 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La fidélité absolue est un concept éculé et hypocrite qui a pour but principal que les hommes soient certains que les enfants qui sortent des ventres de leur épouse soient bien le produit de leurs spermatozoïdes à eux. Transmettre ses gènes est un réflexe très animal, si Sapiens est vraiment un être supérieur, il devrait se détendre sur cette question. En plus, Pierre et moi n’avons pas fait d’enfants, trop concentrés sur nous-mêmes et nos vies à réussir. Marie, ma sœur, prétend que pour les femmes, l’importance de la fidélité n’a pas pour but la perpétuation de l’espèce mais plutôt la conservation à leur côté du mâle qui assure leur protection. Elle se trompe. Si Pierre et moi sommes toujours ensemble après trente-cinq ans de mariage, c’est justement parce que nous nous laissons la liberté d’aller de temps en temps voir ailleurs. Marie, elle, ne souhaitait plus de rapports sexuels tout en menaçant son mari de le quitter s’il la trompait. C’est lui qui est parti avec la première maîtresse qu’il s’est autorisée.</p> <p>Mais Pierre a changé.</p> <p>Nous nous sommes connus dans une manifestation contre le racisme alors que nous avions vingt-sept ans. Il était graphiste tandis que moi j’enseignais le français à des réfugiés dans un centre géré par l’Eglise protestante. Je l’avais déjà remarqué à d’autres occasions au fil des ans – Lausanne est une petite ville – notamment lors d’une soirée chez Jean-Luc, lequel a été mon amant lorsque j’avais vingt ans et que j’hésitais entre le trotskisme et l’écologie politique. Lorsque Jean-Luc, figure de proue des trotskistes locaux, m’avait quittée pour une camarade d’origine kurde plus valorisante pour lui, j’avais renoncé aux principes de la Quatrième Internationale et milité pour la sauvegarde de la planète, jusqu’à ma rencontre avec un zapatiste belge avec qui je suis partie au Mexique où j’ai attrapé une infection sexuellement transmissible. De retour en Suisse, j’ai soigné ma salpingite et terminé mes études de lettres. Entre deux amants de passage, je traversais de longues périodes d’abstinence sexuelle sans que cela me coûte. A la manif, j’ai trouvé Pierre très beau avec sa moustache et sa barbe de cinq jours. Et je l’ai trouvé irrésistible lorsqu’il a jeté une bouteille vide en direction des forces de l’ordre qui voulaient nous empêcher d’accéder à la salle où se déroulait une assemblée de l’UDC, ce parti d’extrême droite honni par nous. Pierre s’est fait réprimander par les camarades communistes qui assuraient le service d’ordre et il a fini par en venir aux mains avec eux. J’ai spontanément pris sa défense, nous nous sommes faits bousculer et avons quitté la manifestation, lui avec une arcade sourcilière fendue, moi avec un fort désir pour lui. Je l’ai emmené chez moi pour soigner sa blessure et nous avons fait l’amour toute la nuit. Deux semaines plus tard nous emménagions ensemble; nous ne nous sommes plus quittés.</p> <p>L’autre soir, alors que nous avions des invités à la maison, il m’a semblé reconnaître chez Pierre les signes d’une tension extrême. Depuis le temps, je le connais bien. Serge et Mireille, nos invités, l’ont eux aussi sentie, cette tension. Ce sont tout à la fois des amis et des clients. Des amis parce que comme nous ils sont de centre gauche, des clients car ils font appel à notre agence de communication pour promouvoir leur commerce. Après avoir été de grands voyageurs, Serge et Mireille vendent aujourd’hui des produits venus d’Asie, principalement d’Inde mais aussi de Birmanie et du Cambodge. Ils sélectionnent avec soins les artisans, privilégiant les structures coopératives respectueuses de l’environnement et du bien-être des populations locales. Nous gérons leur site internet et leur publicité, et tournons même pour eux des clips promotionnels. Pierre est devenu agressif avec Mireille lorsque celle-ci a déclaré que les néo-féministes exagéraient et que #MeToo décourageait toute tentative de séduction de la part des hommes. «Je n’ai pas peur de le dire, j’aime bien que l’on me tienne la porte et que les hommes me fassent sentir qu’ils me désirent…» Pierre lui a rétorqué que le patriarcat était une forme de fascisme et qu’en tant que progressiste nous devions tout faire pour l’abattre. J’ai essayé de dévier la conversation sur la nourriture bio mais très vite c’est l’écriture inclusive qui a fait s’échauffer les esprits. Serge, qui se pique d’aimer la littérature, a déclaré que le français était en danger, qu’il fallait le sauver des points médians et des réformes de l’orthographe. Pierre a rétorqué que pour rester vivantes les langues devaient changer, que les normes les étouffaient, que les règles orthographiques avaient été inventées pour empêcher les pauvres d’accéder aux études. «Etes-vous allés récemment au cinéma?» ai-je incidemment demandé à Mireille?</p> <p>Le lendemain, elle m’a appelée. «Avec Serge, on se demande si Pierre n’est pas en train devenir woke…» Mon sang s’est figé dans mes veines, une sourde angoisse est montée de mon estomac jusque dans ma gorge. «Non, non… Vous vous trompez… Vous avez bien vu, il continue de manger de la viande», ai-je rassuré Mireille. Mais le doute s’était instillé en moi, je me suis mise à mieux observer Pierre et, pour la première fois, j’ai fouillé dans ses poches et ses agendas, même dans son ordinateur. 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En jeu, rien de moins que les causes de la crise de la pollution plastique et les solutions appropriées pour y remédier.</p> <ul> <li> <p>D’un côté, la <a href="https://hactoendplasticpollution.org/fr/">Coalition de haute ambition</a> (HAC), les activistes du «zéro déchet» et de <a href="https://theconversation.com/traite-mondial-contre-la-pollution-plastique-en-coulisses-le-regard-des-scientifiques-francais-presents-234046">nombreux scientifiques</a> insistent sur la nécessité d’une <a href="https://hactoendplasticpollution.org/hac-member-states-ministerial-joint-statement-for-inc-5/">approche globale portant sur l’ensemble du cycle de vie des plastiques</a>, y compris leur production.</p> </li> <li> <p>De l’autre côté, une <a href="https://medium.com/points-of-order/spoiler-alert-f737a24292e6">petite minorité d’Etats</a> ainsi que l’industrie pétrochimique ont à de nombreuses reprises détourné l’attention de cette question de la production des plastiques. 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Il s’agit des travailleurs qui récupèrent, réutilisent ou revendent les plastiques, les textiles, l’aluminium et d’autres matériaux précieux issus des déchets.</p> <p>Dans le cadre du traité sur les plastiques, pour que ces travailleurs informels soient reconnus, que leurs conditions de travail puissent être améliorées et qu’ils puissent bénéficient d’une transition écologique plus équitable, les solutions politiques doivent aller au-delà des mécanismes économiques basés sur le seul marché et des stratégies axées sur le profit.</p> <p>Si ce n’est pas le cas, les efforts en faveur d’un recyclage plus inclusif et du développement de l’économie circulaire risquent de renforcer les injustices mêmes qu’ils prétendent combattre.</p> <h3>Qui sont les ramasseurs informels de déchets?</h3> <p>Les collecteurs de déchets – et les autres personnes travaillant avec eux dans un cadre informel et coopératif – effectuent une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0921344924001824#sec0021">grande partie du travail de recyclage à l’échelle mondiale</a>. Ils réduisent de manière significative la quantité de plastique qui se retrouve dans les océans.</p> <p>Malgré cela, et parce qu’ils font un travail salissant et vivent dans des endroits sales, ils sont souvent tenus pour responsables du problème de la pollution plastique. Dans les discours politiques des villes et des Etats, leur travail a longtemps été <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/0956247816657302">tourné en dérision, considéré comme non qualifié et inefficace</a>. <a href="https://www.undp.org/blog/unsung-heroes-four-things-policymakers-can-do-empower-informal-waste-workers">L’absence de reconnaissance officielle</a> de leur travail rend leurs revenus particulièrement instables et précaires. 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Il a été demandé que leurs contributions historiques à la réduction de la pollution plastique soient explicitement reconnues, et qu’un objectif explicite de transition juste soit intégré au traité sur les plastiques.</p> <h3>Avec l’économie circulaire, tout le monde est gagnant?</h3> <p>La <a href="https://theconversation.com/quatre-idees-recues-sur-la-transition-juste-227569">transition juste</a> est un principe défendu par les groupes de travailleurs et les défenseurs de la justice sociale afin de garantir que les politiques de transition écologique protègent, améliorent et compensent équitablement les moyens de subsistance des travailleurs et des communautés affectés par l’environnement.</p> <p>Les ramasseurs de déchets ont utilisé ce terme pour réclamer que le traité comprenne des dispositions pour améliorer leurs conditions de travail et de sécurité. Mais également pour que le traité intègre davantage les travailleurs informels aux systèmes de gestion des déchets, et pour exiger que les systèmes de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/responsabilite-elargie-du-producteur-67766">responsabilité élargie des producteurs</a> (REP) soutiennent aussi les travailleurs du secteur des déchets, en particulier les <a href="https://www.wiego.org/gender-waste-project">femmes et d’autres groupes vulnérables</a>.</p> <p>Etonnamment, ces demandes ont obtenu le soutien d’un large éventail de parties prenantes puissantes. Par exemple la <a href="https://www.businessforplasticstreaty.org/vision-statement#Key-elements">Business Coalition for a Plastics Treaty</a>, les <a href="https://news.un.org/en/story/2024/10/1156301">dirigeants des Nations unies</a> et même <a href="https://resolutions.unep.org/resolutions/uploads/american_chemistry_council.pdf">l’industrie pétrochimique</a>.</p> <p>Certaines de ces demandes ont été intégrées aux projets de traité sur les plastiques discutés au cours des négociations, ce qui représente une victoire majeure pour les travailleurs du secteur informel des déchets.</p> <p>Un consensus se dégage sur le fait qu’une économie circulaire inclusive peut être bénéfique à la fois pour l’environnement, l’économie et les travailleurs en améliorant la gestion de la pollution, les moyens de subsistance et les opportunités de croissance économique pour les entreprises.</p> <p>Ces promesses demandent toutefois à être vérifiées sur le terrain. Et c’est là que les choses se compliquent.</p> <h3>« Gagnant-gagnant », mais la victoire de qui ?</h3> <p>Dans mon livre <a href="https://mitpress.mit.edu/9780262546973/recycling-class/"><em>Recycling Class</em></a>, j’examine comment les efforts de recyclage inclusif ont été mis en œuvre à Bengaluru, l’une des plus grandes villes de l’Inde.</p> <figure><a href="https://images.theconversation.com/files/635250/original/file-20241129-15-cdpt12.jpg?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img src="https://images.theconversation.com/files/635250/original/file-20241129-15-cdpt12.jpg?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" alt="" /></a> <figcaption><span></span></figcaption> </figure> <p>Dans cet ouvrage, je défends que l’intégration dans des programmes d’économie circulaire basés sur le marché n’est pas une solution miracle aux injustices ancrées dans les systèmes de production, de consommation et de production des déchets.</p> <p>La plupart des politiques d’économie circulaire et de recyclage inclusif reposent sur des mécanismes de marché, partant du principe que la création de marchés pour les déchets incitera les acteurs du marché à récupérer efficacement les déchets et à les convertir en ressources.</p> <p>Pour remplir leurs obligations en matière de <a href="https://theconversation.com/faire-payer-plus-les-entreprises-pour-quelles-reduisent-les-emballages-130073">responsabilité élargie des producteurs</a> (REP), les marques peuvent alors s’engager à acheter des plastiques recyclés et à financer la collecte des déchets en achetant des <a href="https://www.worldbank.org/en/programs/problue/publication/unlocking-financing-to-combat-the-plastics-crisis">crédits plastique</a>.</p> <p>Cette approche vise à améliorer le prix des déchets, à augmenter les salaires et à encourager les efforts de collecte, tout en attirant des investissements pour financer l’amélioration des infrastructures et des technologies.</p> <p>Cependant, les mécanismes fondés sur le marché aggravent les inégalités existantes en matière d’accès au marché. 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Souvent issus de milieux éduqués et privilégiés, les employés de ces firmes <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S001671852300057X">concurrencent les travailleurs informels existants, les subordonnant au passage</a>.</p> <p>A l’inverse, les femmes et les membres des minorités ethno-raciales et religieuses, qui constituent la majorité des travailleurs des économies informelles des déchets, sont confrontés à des obstacles supplémentaires. Notamment des <a href="https://mouvements.info/recuperateurs-de-dechets/">stigmates sociaux bien ancrés</a> qui limitent leur capacité à participer sur un pied d’égalité à ces marchés émergents. 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Une étude de <a href="https://www.circle-economy.com/resources/decent-work-in-the-circular-economy">Circle Economy</a> souligne que la plupart des emplois du secteur de l’économie circulaire restent ad-hoc et informels et ne bénéficient pas des garanties d’un emploi décent.</p> <p>En fin de compte, les travailleurs informels sont confrontés à un choix difficile: soit ils acceptent d’être exploités au sein des circuits de traitements des déchets en tant que simples ressources, soit ils risquent de perdre complètement leurs moyens de subsistance.</p> <p>Les systèmes actuels de production et de consommation du plastique déplacent donc la charge des déchets sur des communautés autochtones ou ethniques marginalisées, créant ainsi des <a href="https://www.dukeupress.edu/pollution-is-colonialism">zones sacrifiées</a>. Ce déplacement permet de maintenir la rentabilité, tout en perpétuant les atteintes à l’environnement et les inégalités sociales.</p> <p>En promouvant des technologies de <a href="https://www.bbc.com/afrique/monde-57087908">recyclage chimique</a> non éprouvées et en étendant les marchés du plastique, les entreprises <a href="https://theconversation.com/comment-lindustrie-fossile-influence-les-negociations-mondiales-sur-le-plastique-222112">pétrochimiques</a> et de matières plastiques <a href="https://direct.mit.edu/glep/article/21/2/121/97367/Future-Proofing-Capitalism-The-Paradox-of-the">s’approprient le langage de l’économie circulaire</a>. Cela leur permet de donner un vernis écologique à leurs propositions, tout en maintenant le <em>statu quo</em> sur les inégalités.</p> <p>Pendant ce temps, la HAC, plusieurs ONG et même certains ramasseurs de déchets invoquent également l’économie circulaire comme solution à la crise du plastique, en mettant l’accent sur le réemploi et le recyclage inclusif.</p> <h3>Demander des comptes aux pollueurs plutôt que compter sur l’efficacité du marché</h3> <p>Pour que l’économie circulaire aille au-delà de la simple protection du capitalisme fossile, elle doit prendre en compte les collecteurs de déchets et recycleurs informels dans le Sud et reconnaître les limites des mécanismes basés sur le marché. C’est vrai aussi bien pour le traité international sur la pollution plastique que pour d’autres démarches régionales comme le <a href="https://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/ATAG/2021/679066/EPRS_ATA(2021)679066_FR.pdf">plan d’action de l’UE pour l’économie circulaire</a>.</p> <p>En effet, toute stratégie de lutte contre la pollution plastique basée sur le marché et axée sur le profit est susceptible de reproduire ces schémas d’inégalité. Et par la même occasion, de pérenniser les injustices systémiques qui soutiennent le statu quo. Pour une transition vraiment juste, la lutte contre la pollution plastique ne doit donc pas devenir une opportunité de croissance économique ou de profit.</p> <p>Au contraire, nous avons besoin d’une approche centrée sur la réparation. Il faut d’abord, pour cela, reconnaître les contributions historiques des collecteurs informels du plastique ainsi que les préjudices qu’ils subissent. Puis redistribuer les ressources aux personnes les plus touchées et créer des systèmes qui donnent la priorité à la restauration de l’environnement et à la justice sociale plutôt qu’au profit des entreprises.</p> <p>Une économie circulaire bien financée devrait d’abord renforcer le pouvoir des travailleurs, puis améliorer les capacités des infrastructures et réduire la concentration de ces déchets en produits chimiques toxiques, plutôt que de s’appuyer sur des solutions basées sur le marché qui aggravent les inégalités.</p> <p>Les vraies solutions consistent à demander des comptes aux pollueurs et à adopter des approches circulaires fondées sur la sobriété et la réparation, et non sur l’efficacité du marché.<img src="https://counter.theconversation.com/content/244065/count.gif?distributor=republish-lightbox-basic" alt="The Conversation" width="1" height="1" /></p> <hr /> <h4><span><a href="https://theconversation.com/profiles/manisha-anantharaman-1526162">Manisha Anantharaman</a>, Assistant Professor, Center for the Sociology of Organisations, CNRS/Sciences Po, <em><a href="https://theconversation.com/institutions/sciences-po-2196">Sciences Po </a></em></span></h4> <h4>Cet article est republié à partir de <a href="https://theconversation.com">The Conversation</a> sous licence Creative Commons. Lire l’<a href="https://theconversation.com/les-ramasseurs-de-dechets-grands-perdants-du-recit-dominant-sur-la-pollution-plastique-244065">article original</a>.</h4> </div>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'les-ramasseurs-de-dechets-grands-perdants-du-recit-dominant-sur-la-pollution-plastique', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 42, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 5, 'person_id' => (int) 85, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'comments' => [[maximum depth reached]], 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Posts' }, (int) 2 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 5283, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => true, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => null, 'readed' => null, 'subhead' => null, 'title' => 'Les Etats-Unis financent un collectif international de journalistes', 'subtitle' => 'Si le réseau Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP) a révélé des avoirs russes cachés ou la corruption au Venezuela, le Delaware, paradis de l'évasion fiscale, reste pour lui un tabou. «Notre politique veut que nous ne fassions pas de rapports sur un pays avec son propre argent», a déclaré Drew Sullivan, son cofondateur.', 'subtitle_edition' => 'Si le réseau Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP) a révélé des avoirs russes cachés ou la corruption au Venezuela, le Delaware, paradis de l'évasion fiscale, reste pour lui un tabou. «Notre politique veut que nous ne fassions pas de rapports sur un pays avec son propre argent», a déclaré Drew Sullivan, son cofondateur.', 'content' => '<p style="text-align: center;"><strong>Urs P. 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Parmi eux, <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Panama_Papers"><em>The Panama Papers</em></a><em>, </em><a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Pandora_Papers"><em>Pandora Papers</em></a><em>, </em><a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Suisse_Secrets"><em>Suisse Secrets</em></a><em>, </em><a href="https://www.occrp.org/en/project/narcofiles-the-new-criminal-order"><em>Narco Files</em></a><em>, </em><a href="https://www.occrp.org/en/project/the-pegasus-project/about-the-project"><em>Pegasus Project</em></a><em>, </em><a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Cyprus_Confidential"><em>Cyprus Confidential </em></a>et la série <a href="https://de.wikipedia.org/wiki/Die_Geldw%C3%A4scherei"><em>Laundromat</em></a>, qui a révélé les systèmes de blanchiment d'argent des élites dirigeantes en Azerbaïdjan et en Russie.</p> <h3><strong>Non sans conditions</strong></h3> <p>Les agences gouvernementales américaines ne financent pas l'OCCRP sans contrepartie: l'<a href="https://www.usaid.gov/"> U.S. Agency for International Development</a> dispose d'un droit de veto sur la nomination des dirigeants de l'OCCRP. De plus, l'agence gouvernementale américaine interdit d'utiliser son argent pour mettre au jour la corruption aux Etats-Unis.</p> <p>Certaines subventions étaient même affectées à un but précis: le Department of State, par exemple, a versé 173 000 dollars à l'OCCRP pour «détecter et combattre la corruption au Venezuela». Ou l'<a href="https://www.usaid.gov/">Agence pour le développement international (USAID)</a> a versé plus de deux millions de dollars dans le but de «mettre au jour la criminalité et la corruption à Malte et à Chypre».</p> <p>Le journal en ligne français indépendant <a href="https://www.mediapart.fr/en/journal/international/021224/hidden-links-between-giant-investigative-journalism-and-us-government">« Mediapart »</a> en a parlé le 2 décembre 2024 <a href="https://www.mediapart.fr/en/journal/international/021224/hidden-links-between-giant-investigative-journalism-and-us-government">.</a></p> <p>Le fondateur de l'OCCRP est un ancien employé <a href="https://www.rockwellautomation.com/de-ch.html">de Rockwell</a> devenu journaliste: <a href="https://www.occrp.org/en/staff/drew-sullivan">Drew Sullivan</a>. L'OCCRP a été créé à l'instigation de fonctionnaires du gouvernement américain. Selon Mediapart, Sullivan a reçu pour cela, en 2008, un financement de départ de 1,7 million de dollars du <a href="https://www.state.gov/bureaus-offices/under-secretary-for-civilian-security-democracy-and-human-rights/bureau-of-international-narcotics-and-law-enforcement-affairs/">Bureau of International Narcotics and Law Enforcement Affairs</a>(INL). Il s'agit d'une agence d'application de la loi du Département d'Etat américain.</p> <p>L'OCCRP s'appuie souvent sur des documents divulgués provenant de sources non identifiées. La qualité des recherches et des révélations de l'OCCRP n'est pas mise en doute. L'orientation unilatérale des recherches et le manque de transparence des informations sur le financement donnent lieu à des critiques.</p> <p>L'ampleur des liens personnels et financiers de l'OCCRP avec le gouvernement américain va à l'encontre de «tous les principes de l'éthique journalistique». C'est ce qu'a déclaré Leonard Novy, directeur de l'Institut allemand des médias et de la politique de communication, à la chaîne NDR. Cela laisse supposer que les journalistes peuvent être utilisés ou instrumentalisés à des fins politiques.</p> <p>Sullivan et l'OCCRP ont également laissé les médias partenaires et leurs lecteurs dans l'ignorance de leur proximité avec le gouvernement américain. Selon Leonard Novy, l'organisation a ainsi dépassé les limites.</p> <h3><strong>Sullivan n'a pas voulu parler clairement aujourd'hui encore</strong></h3> <p>Sullivan a d'abord affirmé à la chaîne NDR que l'OCCRP avait «un groupe de donateurs largement répandu», parmi lesquels «aucun donateur individuel ne domine». Il a ajouté que «le gouvernement américain [...] est l'un des plus grands donateurs, mais ce n'est pas un pourcentage énorme». Confronté aux dernières découvertes, il a finalement reconnu l'importance du financement de Washington: «C'est le plus grand bailleur de fonds de l'OCCRP, oui, et ce depuis presque le début de notre histoire. [...] Je suis très reconnaissant au gouvernement américain.»</p> <p>Par écrit, Sullivan a renchéri: «Nous avons dû décider si nous voulions accepter de l'argent du gouvernement ou ne pas exister.» Sur le site web de l'OCCRP, les montants des sponsors ne sont pas indiqués.</p> <h3><strong>Conditions posées</strong></h3> <p>Sullivan a confirmé à la NDR le pouvoir d'influence des autorités américaines: «Dans le cadre d'accords de coopération que nous n'aimons pas conclure, ils ont un droit de regard sur le choix des personnes [...] Ils peuvent mettre leur veto sur quelqu'un [...] Ils n'ont jamais mis leur veto sur quelqu'un.»</p> <p>L'OCCRP ne peut pas enquêter sur des affaires américaines avec l'argent fourni par Washington. «Notre politique veut que nous ne fassions pas de rapports sur un pays avec son propre argent», a déclaré Sullivan à la NDR. «Je pense que le gouvernement américain ne le permet pas. Mais même dans d'autres pays où ces dispositions n'existent pas, nous ne le faisons pas parce que cela vous place dans une situation de conflit d'intérêts et que vous préférez rester à l'écart de telles situations.»</p> <p>Ainsi, le paradis fiscal américain du Delaware n'a jamais fait l'objet de toutes les recherches sur l'évasion fiscale et l'argent de la corruption.</p> <p>L'OCCRP a tout de même effectué des recherches isolées aux Etats-Unis: par exemple sur les <a href="https://www.occrp.org/en/investigation/meet-the-florida-duo-helping-giuliani-investigate-for-trump-in-ukraine">hommes d'affaires</a> qui avaient soutenu l'avocat de Donald Trump pour nuire à Joe Biden, ou sur la manière dont le Pentagone a dépensé des sommes énormes pour <a href="https://www.occrp.org/en/project/making-a-killing/revealed-the-pentagon-is-spending-up-to-22-billion-on-soviet-style-arms-for-syrian-rebels">fournir des armes</a> à des groupes rebelles en Syrie, ou encore sur un <a href="https://www.occrp.org/en/investigation/flight-of-the-monarch-us-govt-contracted-airline-once-owned-by-criminals-with-ties-to-russian-mob">contrat</a> entre le gouvernement américain et une compagnie aérienne dont les propriétaires sont liés au crime organisé en Russie.</p> <p>Ces recherches ont manifestement respecté une autre condition imposée par les autorités américaines à l'OCCRP: l'activité doit être «en accord avec la politique étrangère et les intérêts économiques des Etats-Unis et les promouvoir.» (<a href="https://www.govinfo.gov/content/pkg/COMPS-1071/pdf/COMPS-1071.pdf">US Foreign Assistance Act</a>).</p> <h3><strong>Voici comment la «NZZ» et Tamedia ont présenté la source OCCRP</strong></h3> <p><strong>«NZZ» du 19 juillet 2023</strong></p> <p>«L'Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP) est un réseau d'organisations journalistiques fondé en 2006, basé dans de nombreux pays différents et fonctionnant sous cette forme en tant que filiale du Journalism Development Network à but non lucratif, dont le siège est dans le Maryland.»</p> <p><strong>«Tages-Anzeiger» du 21 juin 2023</strong></p> <p>«Grâce à l'organisation OCCRP, des journalistes femmes de plusieurs pays ont pu étudier ces données, dont <em>Der Standard</em> en Autriche et <em>Der Spiegel</em> en Allemagne. Pour la Suisse, le bureau de recherche de Tamedia et Paper Trail Media était de la partie.»</p> <h3><strong>Informations complémentaires</strong></h3> <p><strong>22 décembre 2022</strong> <a href="https://www.infosperber.ch/politik/welt/twitter-diente-jahrelang-als-gehilfe-des-pentagons/">Twitter a servi pendant des années d'auxiliaire au Pentagone</a>. Elon Musk a partiellement révélé les outils internes de Twitter. Ils prouvent des services d'hommes de main pour la propagande de l'armée américaine à l'étranger.</p> <p><strong>12 février 2009</strong> <a href="https://www.tagesanzeiger.ch/27-000-pr-berater-polieren-image-der-usa-631302390683">27 000 conseillers en relations publiques polissent l'image des Etats-Unis</a>. Des faits presque incroyables sur le travail de relations publiques du Pentagone.</p> <p><strong>20 avril 2008</strong> <a href="https://www.spiegel.de/kultur/gesellschaft/gekaufte-meinung-pentagon-beschaeftigt-pr-armee-fuer-us-tv-a-548519.html">Le Pentagone emploie une armée de RP pour la télévision américaine</a>. 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