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Actuel / Dans la rue contre Babiš et pour une justice indépendante


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En remplaçant son ministre de la Justice tout juste après avoir été incriminé pour fraude aux fonds européens, le premier ministre tchèque Andrej Babiš a poussé la société civile dans les rues. Pour le second lundi consécutif, des manifestations se sont déroulées à Prague et ailleurs dans le pays.



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Un article signé André Kapsas et publié dans le Courrier d'Europe Centrale


 

Lundi soir, sur la place de la vieille ville pragoise, les citoyens mécontents ont remplacé les touristes qui battent d’habitude le pavé. Scandant «Nous en avons assez» et «Nous ne sommes pas aveugles», les manifestants ont demandé la démission de la nouvelle ministre de la justice, Maria Benešová, qu’ils perçoivent comme une menace pour l’indépendance judiciaire. Ils voient dans ses projets de réforme du secteur judiciaire une tentative de protéger le premier ministre, Andrej Babiš, accusé d’avoir perçu illégalement deux millions d’euros de fonds européens. Pour eux, la démission inopinée de son prédécesseur, au lendemain de l’annonce de la police recommandant officiellement au parquet de porter des accusations à l’encontre de M. Babiš et de son entourage, ne doit rien au hasard

© Facebook/Milion chvilek pro demokracii

Organisée par l’initiative citoyenne «Un million de petits moments pour la démocratie» [lire notre interview ci-dessous], la manifestation a attiré encore plus de monde que la semaine précédente. Dans ce laps de temps, le gouvernement n’a pas cédé à la pression populaire et a confirmé la nomination de Maria Benešová à la tête du ministère de la Justice, le 30 avril. Dès le début de la manifestation, son organisateur principal, Mikuláš Minář, s’est fait alarmiste, déclarant depuis le podium qu’«en cet instant, l’inaction est criminelle» et annonçant une mobilisation hebdomadaire. «Si nous remplissons à nouveau la Place de la Vieille ville la semaine prochaine, nous remplirons ensuite la Place Vacláv», le lieu symbolique des manifestations de 1989, a-t-il annoncé sous les acclamations de la foule. À Brno également, plusieurs milliers de manifestants étaient aussi dans la rue, de même que dans une quinzaine d’autres villes où ont été observés des rassemblements de plusieurs centaines de personnes.

«Nous voulons réparer la culture démocratique de la Tchéquie»

Si les organisateurs veulent la démission de la ministre, ils se font aussi réalistes et exigent avant tout un engagement clair de la part du gouvernement: aucun changement de procureurs ne doit intervenir d’ici à la résolution de l’affaire du «Nid de Cigogne» dans laquelle Andrej Babiš se trouve empêtré. De plus, les organisateurs ont invité les représentants des partis d’opposition dits démocratiques – c’est-à-dire sans l’extrême-droite ni l’extrême-gauche – et les ont poussés à se positionner sur la réforme de la justice imaginée par l’initiative citoyenne «Reconstruction de l’État» visant à une véritable indépendance du système judiciaire dans le pays.

Un «complôt» dit Babiš

Du côté du gouvernement, le premier ministre s’en tient à son mantra: il est innocent et fait l’objet d’une «campagne politique» et d’un «complot». M. Babiš a réfuté toute allégation de mise en danger de la justice et dit à la presse, lors de la présentation de la nouvelle ministre, que «si Madame la ministre décide de faire des changements de personnel, c’est son affaire, et les rapprochements que certains essaient d’établir sont des idioties et des mensonges.» Ce sont justement ces «changements de personnel» qui inquiètent les citoyens, puisque la ministre Benešová pourrait décider de remplacer certains procureurs trop zélés au goût du pouvoir.

Fraîchement nommée, la nouvelle ministre a annoncé des projets de réformes qui soulèvent bien des questions. Nommer des procureurs supérieurs pour une durée fixe pour qu’ils ne puissent plus être remplacés par le gouvernement pourrait par exemple permettre à la ministre de se débarrasser de tous les procureurs supérieurs du pays et les remplacer par des personnes loyales. En effet, la réforme prévoit un processus général de re-sélection selon lequel tous les postes de procureur seraient pourvus au même moment et pour une certaine durée. Cela impliquerait que tous les procureurs actuels seraient d’abord renvoyés avant de pouvoir se porter candidats à nouveau. La grande question est, bien sûr, selon quels procédés seront choisis les nouveaux procureurs généraux et là, la ministre n’a pu fournir aucune réponse…

En attendant que le procureur ne prenne une décision dans le dossier du «Nid de cigogne», le bras de fer autour de la justice va se poursuivre. Pour Andrej Babiš, les enjeux sont importants, car les preuves amassées contre lui sont accablantes. Face à lui, la mobilisation pourrait continuer, même si ses débouchés sont bien incertains, notamment du fait de la popularité dont continue à jouir le chef du gouvernement, d’environ un tiers des électeurs. S’il ne risque pas dans l’immédiat une punition par les urnes, il se peut que ce soit la justice qui finisse par le rattraper…

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VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET

1 Commentaire

@TISSOT 11.05.2019 | 05h25

«Très bon article qui m'a fait découvrir au passage le Courrier d'Europe Centrale. J'ai participé lundi à la manifestation sur la place de la vieille ville contre le gouvernement Babiš»


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