Actuel / «La décroissance est invendable parce que l’humain n’est pas prêt à renoncer à quoi que ce soit»
«Le progrès n’a fait qu’accroître l’ambition de l’homme et son besoin de contrôle». © Pierre Yves Lador
Pierre Yves Lador carbure aux livres: un par nuit pendant cinquante ans. Sans compter des milliers de BD. Et tous les ouvrages qu’il a écrits. Des dizaines dans des genres très divers, mais avec certains ingrédients récurrents: l’humour, l’ironie, l’érotisme, l’onirisme, la mélancolique jubilation et sans doute quelque visée initiatique. Lors de la remise du Prix des Ecrivains Vaudois qui lui fut attribué en 2013 pour l’ensemble de son oeuvre, cet ancien directeur de la Bibliothèque municipale de Lausanne, aujourd’hui éditeur chez Hélice Hélas, mais encore, toujours et surtout auteur s’est défini comme «le plus gros concurrent d’Easyjet: pour deux fois moins cher, mon livre vous emmène au cœur de vous-même, destination si lointaine qu’il est rare qu’on y arrive… »
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Dans un format qui tranche avec ceux auxquels il nous avait habitués – et c’est peut-être là une illustration de son propos – l’écrivain prolifique Pierre Yves Lador propose, sous le titre Décroissance Développement, un petit livre rouge paru en 2013 aux éditions Hélice Hélas.
Pierre Yves Lador, qu’est-ce qui vous a incité à consacrer un petit livre à la décroissance?
Je l’ai écrit par esprit de contradiction. Parce que je me méfie des discours qui martèlent une vérité unique et peut-être par solidarité avec ceux qui pensent la décroissance nécessaire.
Vous considérez donc qu’on nous présente la croissance comme une absolue nécessité, la seule option possible?
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Vous n’êtes pas de cet avis?
Le progrès est la croyance la plus répandue. Ce ne sont pas les religions, les intégrismes, les extrémismes qui sont l’opium du peuple, mais le progrès. Plus il se développe, plus l’insatisfaction potentielle augmente. La mesure du progrès, c’est l’accroissement du clivage entre la réalité et la représentation qu’on s’en fait. Le progrès n’a fait qu’accroître l’ambition de l’homme et son besoin de contrôle. Moins l’humain contrôle plus il veut contrôler et plus ça va mal, plus il veut agir.
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Vous affirmez que chaque progrès contient le germe de la catastrophe. Quels exemples illustrent le mieux cette idée?
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Croyez-vous à la possibilité d’une décroissance?
Je suis prêt à croire, intuitivement, que dix milliards d’humains pourraient vivre harmonieusement sur cette terre (…). Mais je suis convaincu, intuitivement, que cela n’arrivera pas (…) parce que l’humain est construit comme il l’est, il est un cheval dans une locomotive (…), son cerveau est si mal intégré qu’il ne peut inventer l’eau chaude sans flanquer le feu à la maison (…) La décroissance est invendable parce que l’humain n’est pas prêt à renoncer à quoi que ce soit. Le concept de diminution est contraire à la vie qui, à tous les niveaux, tend à la croissance et à la multiplication. Un individu peut sublimer son désir de conquête du monde en désir de l’infini, peut accepter ses limites, voire sa mort, mais pas l’humanité.
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Cette notion d’édulcoration revient souvent dans votre discours. Qu’entendez-vous exactement par là?
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Quelle solution prônez-vous?
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Votre petit livre est donc résolument pessimiste?
Pessimiste, mais avant tout réaliste, non dénué d’humour. Et surtout je n’écris aucun livre sans une touche d’autodérision.
Pierre Yves Lador, Décroissance Développement, Hélice Hélas, 2013.
Retrouvez d'autres articles sur le même thème dans notre dossier spécial Décroissance.
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VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET
3 Commentaires
@Charles-Pascal GHIRINGHELLI 24.04.2019 | 11h44
«"Non qui parum habet, sed qui cupit, pauper est " Sénèque
Merci pour l'excellent article.
Bonne journée.
Charles-Pascal GHIRINGHELLI »
@Qovadis 24.04.2019 | 18h25
«Pour ceux à qui la décroissance a fait perdre leur latin, j’offre une traduction: Pauvre n’est pas celui qui a peu, mais celui qui veut trop.»
@Eggi 01.05.2019 | 16h17
«Merci pour la traduction, Sénèque plus ultra...»