Actuel / Migraines socialistes
Christophe Blocher (UDC) aux côtés de Corrado Pardini (PS), dans l'émission alémanique «Arena». © SRF
Il y a peu, le président du PS suisse se félicitait de sa capacité de résistance, comparée à la déroute de la social-démocratie en France, en Italie, et dans plusieurs autres pays européens. Moins d’euphorie aujourd’hui. Gros soucis à l’approche des élections de l’automne. En raison du flottement face au dossier Suisse-Europe, de la concurrence des Verts, des mécontentements qui se manifestent dans les ailes gauche et droite du parti
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Quant aux nombreux Blancs qui quittèrent cette terre qu’ils croyaient leur, ils furent réintégrés dans la mère-patrie, amers certes, mais sans trop de mal. Pour la plupart ce fut pourtant un déchirement terrible. Nous avions filmé leur attente de l’embarquement, au port de Beira, veillant jour et nuit sur leurs caisses et valises, chargées de leur passé.</span></p> <p><span>Le livre du journaliste Jean-Jacques Fontaine (voir ci-dessous) raconte, à travers des portraits, plusieurs en lien avec la Suisse, le tournant du 25 juillet 1974 et ce qui s’ensuivit. Abordant ensuite la présence si nombreuse des Portugais chez nous, non pas du fait de la Révolution des Œillets mais en quête d’un meilleur sort économique. D’ailleurs souvent oublieux de cet épisode historique. </span></p> <p><span>Lors de la présentation de l’ouvrage au Club suisse de la presse, la journaliste genevoise Joelle Kuntz qui suivit les évènements sur place a mis en exergue avec éloquence une autre leçon du Portugal. Le demi-siècle passé depuis lors y a été remarquablement apaisé et démocratique. Rejetant les extrêmes de droite et de gauche, l’électorat a alterné ses préférences entre le centre-droit et le centre-gauche, applaudi aussi l’entrée dans l’Union européenne dont les soutiens ont permis au pays de se moderniser. Trains, routes, équipements publics… le Portugal a basculé dans une ère nouvelle, heureuse. Il est vrai qu’en mars dernier, le jeune parti dit d’extrême droite, en tout cas libéral et conservateur, a obtenu 18% des voix. Il ne se nourrit pas de quelque nostalgie salazariste mais d’une addition de mécontentements. Comme ailleurs autour de l’immigration – les Brésiliens affluent! –, autour des lourdeurs bureaucratiques, autour des frustrations sociales. Il faut dire que les dernières années ont été dures. En 2020, l’Etat outrepassait toutes les limites de l’endettement. Et en 2023, le gouvernement de centre-gauche sortant, battu aux dernières élections, a redressé la barre avec un budget bénéficiaire. Au prix d’efforts peu communs, des mesures drastiques à tous les étages, coupes dans le domaine social et augmentation de certains impôts.</span></p> <p><span>Qu’en conclure? Les Portugais sont pragmatiques, réalistes, entreprenants. A la différence d’autres Européens – n’est-ce pas, amis Français? – ils ne rabâchent pas les couplets aigris et masochistes du déclin. Leurs débats politiques sont chauds mais ne tournent pas aux empoignades haineuses et violentes comme on a pu le voir ailleurs. Ils témoignent, sur la durée est sur le fond, d’une forme de sagesse.</span></p> <p><span>Les Portugais en Suisse sont au nombre de 420’000 (dont 162’000 de double-nationaux). Socialement très bien intégrés mais la plupart </span><span>restant sur leur quant à soi civique. Beaucoup nous quittent, plus qu’il n’en arrive. 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Une image a choqué nombre d’électeurs du PS. Lors d’une récente Arena de la TV alémanique, Christoph Blocher et le conseiller national socialiste Corrado Pardini ont ferraillé, côte à côte, contre l’accord prévu avec l’UE. C’en était trop pour les pro-Européens. Une parlementaire zurichoise connue, Chantal Galladé, a du coup changé de parti et est passée chez les Vert'libéraux. Un vieux poids lourd de la famille, Oswald Sigg, s’est fâché. Et la grogne fut telle que l’influent Roger Nordmann, conseiller national vaudois, et le président du PS, Christian Levrat, ont dû rectifier le tir avec le slogan «oui à l’Europe, oui à la protection des salaires». Le groupe de politique étrangère Foraus a suggéré une liste précise de mesures que la Suisse pourrait prendre pour maintenir la protection des salariés tout en acceptant l’accord. Le PS aurait pu faire ce travail lui-même autant plutôt que de peindre le diable sur la muraille en touillant les émotions.
Mais la migraine va au-delà de ce tangage. Un récent sondage a sonné l’alarme. Avec 17,4% des intentions de vote, le PS n’est plus certain de dépasser les radicaux-libéraux. La pente sera dure à remonter. Depuis des décennies, une partie de l’électorat populaire – en plus de la droite traditionnelle – est passée à l’UDC. Celle-ci, qui n’a guère brillé dans les exécutifs, s’émoussera peut-être (elle perdrait 2,4 % des intentions de vote) mais elle se maintiendra à un haut niveau. Et les Verts sont en progression, souvent au détriment des socialistes.
Il n’y a pas que les chiffres qui doivent troubler la gauche. On perçoit de plus en plus, dans les classes moyennes – vivier habituel – une inquiétude montante (voir l’interview de Myret Zaki dans BPLT). Le pouvoir d’achat s’érode. Assurances, impôts, salaires stagnants, les prix qui grimpent notamment dans le duopole Migros-Coop, l’inflation cachée non compensée. Sans parler des peurs du lendemain: mutations technologiques, resserrement des effectifs partout, difficultés à trouver du travail pour des jeunes aux formations inadéquates et pour les quinquagénaires largués. Menaces à terme sur les retraites. Les super-riches voient leur fortune enfler chaque année et les classes moyennes sont à la peine. Qui peut croire que, comme les autres, les Suisses ne le savent pas? Ils sont dociles et conservateurs, d'accord, mais leur colère d'abord muette n'est pas loin et se fera entendre un jour.
Face à ce foisonnement de soucis, confus mais bien réels, la social-démocratie suisse, comme dans d’autres pays, ne propose aucune vision d’avenir large et concrète. Les socialistes suisses sont d’abord des gérants de l’immédiat. Ils sont bons dans l’exercice. Pas sûr que cela suffise.
Zoom avant
Voyons de plus près où cela grince. L’équité fiscale n’apparaît quasiment pas dans les discours de la gauche gouvernementale. On ne parle plus des forfaits fiscaux qui permettent aux riches étrangers de se planquer dans de nombreux cantons, surtout romands, alors que ce machin a été supprimé à Zurich. Le cas vaudois est exemplaire. On y a adopté dare-dare un statut fiscal des entreprises qui, certes, comme l’exigent nos partenaires, abolit les faveurs choquantes aux étrangers, mais fixe un taux très bas (13,79% des bénéfices). Il n’y guère que l’Irlande et Chypre qui sont légèrement en-dessous. Ce fut salué par le PS, main dans la main avec le PLR au nom du «compromis dynamique». Pour compenser les pertes (128 millions), les particuliers paieront. Nombre de communes, victimes de l’exercice, s’arrachent les cheveux. Cela n’empêche pas la candidate socialiste au Conseil d’Etat d’insister sur son désir de «continuité». Elle ne cesse de répéter que tout va bien dans le canton, qu’il ne faut rien changer. Perspective mobilisatrice pour un parti dit de gauche?
Et cela ne va pas s’arranger non plus sur le plan fédéral. Le PS appuie la nouvelle mouture dite RFFA: impôts sans distinction entre les entreprises suisses et étrangères, entre grandes et petites – comme le demande l’Europe – plus une aide de deux milliards à l’AVS pour faire passer la pilule. Mais là encore, les taux seront très bas: entre 13 et 14%. La Suisse reste un paradis pour certains… et un enfer pour beaucoup d’autres. Si on ajoute à cela, pour nombre de cantons et pas d’autres, l’impôt sur la fortune qui prend en compte l’outil de travail (cela ne se fait dans aucun autre pays d’Europe!), on voit que nombre de PME sont pénalisées. Et le secret fiscal qui reste intact pour les contribuables suisses qui «oublient» une part de leurs comptes dans les banques locales! Ils sont des dizaines de milliers à sortir du bois… parce qu’ils craignent la transparence instaurée au plan international, alors qu’ils ont une part de leur fortune à l’étranger. Il en reste beaucoup qui se planquent encore à l’abri du droit helvétique intérieur. Qui en parle? Pas grand monde.
Assurance-maladie: du bricolage
Oui, le parti s’engage pour alléger la charge devenue insupportable de l’assurance-maladie. En demandant à limiter les cotisations à 10% du revenu. Du rafistolage. C’est tout le système qui est malade et injuste. Mais le PS ne dessine aucune autre proposition globale. La Suisse est le seul pays d’Europe où ce coût n’est pas proportionnel au salaire. Au moins faudrait-il le dire et s’en indigner pour préparer le terrain à une réforme de fond. Se battre pour le maintien des subventions aux familles modestes, c’est bien, mais ce n’est pas la solution à long terme. Quand en plus c'est un conseiller fédéral socialiste qui annonce l'augmentation de la franchise obligatoire (une provocation de la droite!), cela n'aide pas à crédibiliser son enseigne.
Oui, le parti s’engage pour des mesures écologiques. Mais sans grande réflexion. C’est la popiste Anaïs Timofte qui sort des schémas en disant qu’il faut cesser de culpabiliser les particuliers, exiger d’abord des entreprises industrielles de se mettre à l’ouvrage, trouver des solutions technologiques innovantes. Il est probable que les électeurs qui font du sujet leur priorité se tournent vers les Verts. On préfère souvent l’original à la copie.
Oui, le parti s’engage dans la cause des femmes, du mariage pour tous, des migrants misérables. C’est sa dignité. Mais la social-démocratie ferait bien de ne pas ignorer qu’une grande partie de la population nourrit d’autres préoccupations. La sécurité de l’emploi, le revenu au bout du mois. Et sur ce terrain, les propositions socialistes sont maigres. Le combat pour l’application obligatoire des conventions collectives de branche reste mou. Les idées concrètes pour protéger les travailleurs âgés manquent encore.
Oui, le parti commence, ô combien tardivement, combien timidement, à se préoccuper des enjeux économiques de la scène numérique dominée par les géants américains. Quand réclamera-t-il haut et fort une taxation des GAFAM?
A force de gouverner, même très convenablement, le nez dans le guidon, les leaders du parti perdent de vue à la fois certaines détresses au quotidien et la vision de l’avenir. C’est risqué. D’autant plus inquiétant pour nous tous que ce n’est pas la droite qui empoignera ces sujets.
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VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET
4 Commentaires
@Lagom 09.03.2019 | 10h33
«Je n'aime pas trop les idées socialistes transfrontalières mais je les préfère mille fois à celles des verts-gauchistes qui se profilent comme protecteurs de la nature, en jouant la musique d'une émotion primaire, la peur !»
@jeanpierre 11.03.2019 | 11h20
«Cela a toujours été le problème du PS qui est très minoritaire dans une Suisse très ancrée à droite. Faut-il ne pas faire de compromis et rester dans son idéal sans pouvoir avancer en voyant toutes ses propositions refusées ? ou tenter le compromis très suisse avec la droite en obtenant de tous petits pas ? C'est vrai que c'est moins sexy que les grandes envolées des PS étrangers, mais au moins il y a des résultats. Le cas de la LAMAL est exemplaire. le PS a lancé plusieurs initiatives pour la réformer, toutes on été largement refusée surtout par une majorité alémanique très méfiante. Alors relancer une initiative qui se cassera la figure avec les ricanements de la droite ou essayer d'améliorer un peu la situation existante ? Le canton de Vaud est effectivement exemplaire. En faisant passer de petits compromis, il est arrivé à obtenir la meilleure protection sociale de Suisse avec non seulement les 10% sur les primes maladie mais aussi le revenu d'insertion, l'allocation cantonale de maternité, des PC famille efficaces, des allocations familiales fortement relevées. et j'en passe. Rebecca Ruiz a raison de dire que le PS a fait beaucoup pour le canton de Vaud et de dire que la situation y est meilleure.»
@pinodo 13.03.2019 | 17h17
«Bravo pour cette belle indignation! qui aurait pu être encore plus cassante et tranchante...
Un vieux militant
François Jeanprêtre Sorens »
@Dri 24.03.2019 | 14h30
«Excellent article. J'ai depuis toujours le cœur à gauche, mais je ne comprends pas le plafonnement de l'assurance-maladie à 10% des revenus, qui amène notamment la classe moyenne à financer cette mesure. Un emplâtre sur une jambe de bois. Cette mesure ne résout en rien le véritable problème qu'est la hausse constante et exorbitante de l'enveloppe des coûts de la santé en Suisse (x200% en 2015 vs. 1996), complètement décorrélée à l'évolution des salaires. Les intérêts divergents des acteurs concernés ne méritent qu'un énorme coup de pied dans cette fourmilière. Médecins surpayés, médicaments ruineux, patron(ne) de caisses maladies gagnant une fortune, ce système marche sur la tête et n'est pas tenable à terme! Allez ensuite expliquer aux gens que ce n'est pas du vol organisé.»