Actuel / Décembre 1918, une intervention française en Ukraine
Au début du 20e siècle, le gouvernement français nourrit le projet d'intervenir en Ukraine et en Crimée pour secourir les forces anti-bolcheviques et mettre en échec la propagation de la tempête révolutionnaire. © DR
Alors que la France et ses alliés percent les lignes ennemies sur le Front d’Orient et acculent peu à peu l’Empire allemand à l’armistice, le gouvernement français nourrit le projet d’intervenir en Ukraine et en Crimée pour secourir les forces anti-bolcheviques et mettre en échec la propagation de la tempête révolutionnaire. Quelles raisons poussent le gouvernement français à intervenir en Ukraine, alors appelée la Russie du Sud et quelles furent les causes et les conséquences de cet échec?
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Le 15 septembre, une coalition regroupant des soldats français de métropole et des colonies, mais aussi des Britanniques, des Serbes, des Grecs et des Italiens brise la ligne ennemie tenue par les Bulgares, rendant possible une percée et une exploitation de plusieurs dizaines puis centaines de kilomètres. L’avancée alliée est si rapide que les états-majors à Paris et Londres ont eux-mêmes du mal à suivre.</p><h4><img class="img-responsive " src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1546928556_ob_deb052_franchetdespereylouis.jpg">Louis Franchet d’Espèrey</h4><p>Mais alors que le général Franchet d’Espèrey vient d’adresser à Paris un plan d’offensive visant à pousser l’avantage encore plus au nord, vers la Bohème et par extension l’Empire allemand, le général Berthelot, ancien chef de la Mission militaire française en Roumanie, arrive à Salonique pour lui remettre personnellement les directives de Georges Clemenceau, président du conseil et ministre de la Guerre. Clemenceau intime à Franchet de refréner sa poussée, de stabiliser une ligne de défense et de réorienter ses efforts au nord-Est, vers la Roumanie et au-delà vers la Russie du Sud, l’actuelle Ukraine. Selon ce plan, les armées alliées d’Orient doivent, dans un premier temps libérer la Serbie, encore occupée par les Empires centraux, prendre le contrôle du territoire bulgare, puis atteindre le Danube pour y constituer un front défensif; à la suite de cela il doit rouvrir les communications avec la Russie par la Mer Noire pour préparer une action commune contre les Bolcheviques.</p><p>Pour Clemenceau, ce qui se joue désormais sur le front d’Orient c’est la possible mise en échec de la révolution russe, à tout le moins sa mise à distance de la Russie du Sud où la France souhaite sécuriser des intérêts économiques et géopolitiques. Paris a grandement investi dans l’économie et les infrastructures de l’Empire russe avant et pendant la Grande Guerre et entend sécuriser ses investissements tout en gagnant une zone d’influence économique (bassin du Don, Crimée, ports de la Mer Noire, etc.). Ce n’est d’ailleurs pas un cas unique puisque la Grande-Bretagne intervient dès décembre 1917 dans le Caucase, avec la Dunsterforce. La priorité française est donc désormais de soutenir l’armée du général Alexeieff, qui s’oppose aux forces bolcheviques et se trouve en difficulté.</p><p>Mais à l’automne 1918, la situation est déjà plus que confuse dans le sud de la Russie. En effet, en novembre, les Empires centraux s’effondrent dans le sillage de l’armistice de Salonique, obtenu par Franchet d’Espèrey. Sur les anciennes terres impériales d’Autriche-Hongrie, des républiques ukrainiennes fleurissent déjà du Dniestr jusqu’au Don, des Carpates au Donets: une petite république des Lemkos, sise à Florynka, surgit puis est annexée par la Pologne après deux mois d’existence, la République houtsoule est fondée à Yasinia par des Ukrainiens du Royaume de Hongrie, une République populaire d’Ukraine occidentale s’établit à Lviv tandis que la République populaire ukrainienne est dirigée par Petlioura à Kiev dès décembre 1918. À cette mosaïque déjà fortement bigarrée vient s’ajouter un gouvernement bolchevique basé à Kharkov.</p><h4><strong><img class="img-responsive " src="https://bonpourlatete.comhttps://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1546928503_cartegwendal021.jpg"></strong>Carte des différentes républiques ukrainiennes qui naissent dans le sillage de la Première Guerre mondiale. © Conception: Gwendal Piégais et Ludovic Lepeltier-Kutasi – Réalisation: Ludovic Lepeltier-Kutasi</h4><p>C’est le sort des armes qui décide bien vite de l’avenir de ces états à l’existence bien souvent éphémère. Plusieurs forces s’affrontent sur ces terres tant convoitées: celles des modestes républiques des anciennes possessions des Habsbourg, Petlioura et son Armée Populaire Ukrainienne tandis que les armées tchécoslovaque, polonaise et roumaine sont à portée de canon, que les troupes de partisans de l’anarchiste Nestor Makhno harcèlent les forces blanches et que deux armées bolcheviques (de Hongrie et de Russie) tentent de faire la jonction. Ainsi, à l’Ouest, l’armée ukrainienne arrête une offensive polonaise. Les forces blanches, appelées Armée des Volontaires, reprennent Novorosiisk, Kouban et Stavropol et marchent sur Kiev. De plus, Petlioura doit affronter Makhno, un seigneur de la guerre communiste, dans la campagne ukrainienne.</p><h4><img class="img-responsive img-center " src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1546928587_odessa1918.jpg">Odessa en 1918 © DR<br></h4><p>C’est dans ce contexte extrêmement confus que la décision d’intervenir en Russie du Sud, plus précisément à Odessa et en Crimée, est prise à Paris. Elle a pour premiers objectifs de restaurer l’ordre, de contrôler le retrait allemand, de renforcer l’armée des Volontaires et de tenter d’unir les forces anti-bolcheviques présentes en Russie du Sud. Il s’agira ensuite de «réaliser l’encerclement économique du bolchevisme et [d’] en provoquer la chute,» des mots mêmes de Clemenceau. Ces forces anti-bolcheviques, qu’elles soient politiques ou militaires, tiennent une conférence à Iași (ou Yassi, dans la documentation diplomatique française) en Roumanie en décembre 1918, siège des légations alliées depuis la fin 1916.</p><p>Le général Denikine est désigné pour prendre la tête des forces blanches et anti-bolcheviques. Les délégués reprennent espoir en la possibilité d’une restauration de l’État impérial russe et se voient déjà siéger parmi les signataires des traités de paix et du côté des vainqueurs. Mais deux malentendus apparaissent déjà. Tout d’abord, aucun consensus n’est trouvé sur le projet politique que sous-tend une intervention militaire en Russie du Sud, c’est-à-dire sur la forme que l’état russe prendrait après une victoire contre les Bolcheviks. Ensuite, Émile Henno, un diplomate français en mission spéciale en Roumanie, initiateur de la conférence de Iași et un de ses principaux animateurs, agit de sa propre initiative sans rendre de compte à Paris. Son trop grand enthousiasme et son esprit aventurier laissent entendre aux représentants politiques et militaires russes que les alliés, et particulièrement la France, sont prêts à lancer une opération de grande envergure en Russie. Or, on est loin du compte.</p><p>Les forces françaises capables de se projeter en Russie du Sud sont celles de l’armée d’Orient, commandées par Franchet d’Espèrey, à qui Clemenceau confie la mission d’organiser une telle expédition. Les soldats de cette armée sortent d’une campagne longue, de dix-huit à même vingt-quatre mois de combats pour certains. Et les dernières semaines d’avancée – certes victorieuse – ont largement achevé d’épuiser les troupes. De plus, la perspective d’intervenir en Russie ne fait pas sens pour ces soldats qui viennent d’apprendre la signature de l’Armistice et attendent la démobilisation avec impatience. Par ailleurs, des pans entiers de cette armée ont déjà reçu l’ordre de faire route vers le front Ouest, alors que l’Allemagne n’avait pas encore déposé les armes. Ainsi, de novembre 1918 à l’été 1919, ce sont des troupes coloniales qui remplacent peu à peu les soldats métropolitains démobilisés sur des positions que la France ne peut immédiatement dégarnir.</p><h4><img class="img-responsive img-center " src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1546928661_bdic_val_tir_01_0119_r.jpg">Défilé de l’artillerie française, Odessa, décembre 1918. © coll. La Contemporaine.</h4><br><p>Des signaux contradictoires vont venir complexifier cet écheveau de malentendus lorsque le général Berthelot, acceptant avec enthousiasme la tâche de planifier cette expédition, fait savoir aux représentants des Volontaires que douze divisions alliées seraient nécessaires et disponibles pour cette intervention. Grisé par ce qu’il prend pour des promesses de Paris, Denikine prépare un plan d’attaque impliquant dix-huit divisions alliées et russes (!) et envisage la mobilisation possible de 500'000 soldats russes dans la dynamique de cette offensive.</p><p>Les navires français appareillent de Roumanie malgré les mises en garde de Franchet d’Espèrey, qui trouve que cette opération et l’occupation qui en découlerait «en Ukraine et en Russie seraient mal vues et risqueraient d’amener des incidents pénibles» et seraient d’autant plus risquées qu’elles ne mobiliseraient pas suffisamment d’hommes. Malgré ces mises en garde, les forces françaises gagnent les rivages d’Ukraine dès le 17 décembre et le général Berthelot débarque à Odessa avec… 1800 hommes. Un autre convoi se dirige vers Sebastopol mais n’est pas mieux pourvu. L’objectif militaire est d’établir, dans l’arrière-pays d’Odessa, un arc Tiraspol-Nikolaïev-Kherson allant du Dniestr au Dniepr. Dans la mesure où les Allemands et les Autrichiens ont peiné à sécuriser le pays avec toutes leurs forces d’occupations, on voit mal comment le maigre contingent français pourrait y parvenir avec si peu de soldats.</p><p>Lors de leur débarquement, les Français découvrent un port isolé du reste du pays par la neige; ce qui empêche l’établissement de liaisons avec Kiev et les autres villes. Et les surprises sont nombreuses: le port est contrôlé par les volontaires de Denikine, mais la ville abrite également des troupes de Petlioura, 1600 Allemands, une brigade polonaise ainsi que 2000 Russes blancs commandés par le général Grichine-Almazov, proche de Henno. De plus Odessa fait face à des forts afflux de réfugiés: des Roumains ayant quitté Bucarest au début de l’occupation allemande, ainsi que des Russes ayant fui successivement Petrograd, Moscou puis Kiev avant d’atteindre les rivages de la Mer Noire. La population de la ville doit avoisiner les 800’000 personnes, alors qu’elle n’en comptait que 500’000 en 1910.</p><h3>Tensions, revers et évacuations</h3><p>Après avoir pris position à Odessa, Nikolaïev, Kherson et en Crimée, des problèmes surgissent dès les premières semaines d’occupation. Tout d’abord, le général Berthelot est mal vu par les officiers et généraux des Volontaires russes, car, en plus de ne pas débarquer avec les effectifs nécessaires, il a la réputation – non usurpée – d’être proche des Roumains. Les politiciens et militaires russes voient d’un très mauvais œil les projets d’agrandissement de la Roumanie au détriment de l’Empire russe qu’ils rêvent de restaurer. Ensuite, les Volontaires comptent beaucoup sur l’appui politique et diplomatique d’Émile Henno, nommé gérant du vice-consulat de France à Kiev. Mais on finit par se méfier de cet homme qui se présente à tous comme rien de moins que le «consul de France plénipotentiaire et le porte-parole de l’Entente». Les initiatives de cet aventurier diplomate finissent par mettre définitivement les troupes françaises dans l’embarras puisqu’il soutient la nomination du général russe Grichine-Almazov, un ultra-conservateur au poste de gouverneur de la ville. Ce soutien apporté aux éléments réactionnaires et Grands-Russes achève de ruiner les espoirs d’union des forces anti-bolcheviques en Russie du Sud. Henno va même jusqu’à traiter les partisans de Petlioura, tout autant opposés aux bolcheviques que les Volontaires, de «suppôts de l’Allemagne.»</p><p>Du point de vue militaire, les Français sont frappés par la désorganisation des armées blanches dont les officiers semblent plus intéressés par le gouvernement du pays que par sa reconquête. Ces mêmes officiers restent très mal perçus par la population qui voit en eux des réactionnaires incapables de proposer politiquement autre chose qu’un retour au statu quo ante bellum. Les Français finissent par ne plus cacher leur dédain pour cette «parodie d’armée de Condé» (colonel Freydenberg) qui compte, par bataillon, plus d’officiers que de soldats. À titre d’exemple, le port d’Odessa est contrôlé et administré par sept amiraux russes! Mais déjà, les forces d’occupation française sont assimilées par la population aux Blancs ultra-réactionnaires, auxquels même les éléments français les plus conservateurs se montrent hostiles. L’action funeste d’Émile Henno en la matière, sa collusion permanente avec les Volontaires, est déjà jugée très sévèrement en haut lieu et – fait rare – désapprouvée publiquement à la Chambre des députés par Stephen Pichon, le ministre français des Affaires étrangères.</p><p>À tout cela il faut évidemment ajouter que le climat à Odessa se tend à l’extrême: Makhno et Grigorieff, des seigneurs de la guerre locaux, sèment la terreur dans les campagnes environnantes. L’ordre ne règne que par la terreur policière. La spéculation sur les denrées de première nécessité va bon train, encouragée par les équipages de navires civils ravitaillant le port. L’afflux de réfugiés en provenance de Kiev ne se tarit pas et rien ne semble pouvoir refréner l’inflation. Quant aux troupes françaises, elles sont la cible d’une propagande bolchevique amplifiée par l’incompréhension des soldats vis-à-vis d’une opération dont ils ne saisissent pas le sens. Les troupes souhaitent retrouver leurs foyers.Jacques Sadoul, ancien membre de la Mission militaire française en Russie passé au camp de la révolution, qui orchestre cet effort de démoralisation, le sait très bien.</p><p>Les autorités militaires françaises reconnaissent elles-mêmes qu’aucun soldat français ayant survécu à Verdun et à la Marne ne souhaiterait la perde dans les plaines d’Ukraine.</p><p>L’arrivée de nouveaux renforts motivés (des troupes grecques et des bataillons mêlant tchécoslovaques, roumains et polonais) pendant l’hiver n’y fait rien: Berthelot se plaint à Paris qu’on ne passe même pas la barre des 3 000 hommes. Le 2 février, des mutineries éclatent au sein du 58e régiment d’infanterie qui refuse d’attaquer à Tiraspol. Des troubles similaires surviennent à Kherson en mars et permettent une avancée de Grigoriev qui a changé d’allégeance et est passé chez les Bolcheviks. La propagande en provenance de Kiev à destination des troupes françaises s’intensifie et les autorités locales la combattent avec plus ou moins d’efficacité. Ainsi, le 2 mars, la police d’Odessa, aux mains des Blancs, arrête et exécute une militante communiste française, Jeanne Labourbe, auteur du bulletin Le Communiste rédigé en français et distribué en ville.</p><p>Grigoriev, qui renouvelle ses assauts dès mars sur Kherson, rompt les lignes franco-grecques le 7, coupant ainsi la ville de ses communications avec Nikolaïev. Les soldats français sont pris à parti par la population qui fait feu sur l’occupant depuis les toits ou les fenêtres. Des renforts arrivent le 8 mais refusent de se battre. Les Bolcheviques ont alors déjà pris les docks et encerclé les troupes franco-grecques. Il faut l’intervention de la flotte française qui bombarde la ville pour que des soldats grecs puissent débarquer dans le port, libérer les hommes encerclés et aussitôt rembarquer, abandonnant la ville à Grigoriev.</p><p>Le vice-amiral Exelmans et le colonel Lejay, à Nikolaïev, ne prendront pas autant de peine à résister, craignant un soulèvement populaire et une déroute d’une plus grande ampleur: ils négocient directement avec l’ennemi et parviennent à organiser un rembarquement en bon ordre des troupes du 14 au 16 mars. À cette date, les états-majors français n’envisagent pas autre chose que l’évacuation pure et simple de la Russie du Sud, alors que Bela Kun proclame sa République des Conseils en Hongrie, et que l’armée d’Orient doit y porter toutes ses forces. Le 1er avril, le général d’Anselme annonce l’évacuation d’Odessa ordonnée par Franchet d’Espèrey. Pour certains civils réfugiés dans la ville portuaire, c’est la panique: 40 000 habitants s’entassent sur des navires français peinant à évacuer et qui quittent définitivement Odessa le 6 avril.</p><h3>Mutineries et crise politique</h3><p>Mais la révolution rattrape bientôt une intervention française déjà mal en point. C’est dans la marine qu’éclatent les premiers troubles. L’escadre française du vice-amiral Amet intervient en Mer Noire pour protéger l’aile droite des troupes alliées en Ukraine, et couvrir la Crimée et Sébastopol. L’escadre est composée des cuirassés France, Vergniaud, Jean Bart, et Justice. En plus d’un soutien d’artillerie de la mer au littoral, ils maintiennent un blocus sur le sud de la Russie.</p><h4><img class="img-responsive img-center " src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1546928710_bdic_val_tir_01_0164_r.jpg">Le cuirassé Mirabeau vu de l’arrière, Sébastopol. © coll. La Contemporaine.</h4><p>Le 19 avril, des mutineries éclatent sur les navires français à Sébastopol: le drapeau rouge est hissé sur les cuirassés France et Jean Bart puis plus tard sur la Justice; d’autres incidents surviennent sur les Mirabeau, Vergniaud. Aucun acte de sabotage grave n’a cependant lieu. Les marins se révoltent principalement contre leurs conditions matérielles, les corvées, la rareté des permissions: les slogans «A Toulon!» expriment l’irrépressible désir du retour, mais croise également le mot d’ordre «Révolution», signe – comme pour le mécontentement dans l’armée – que la propagande bolchevique s’adosse une nouvelle fois à la précarité des conditions matérielles. La situation est inégalement contrôlée: si le navire amiral de l’escadre, le Jean Bart, est habilement tenu par le capitaine de vaisseau Couëdic, il n’en va pas de même sur le France – navire déjà en sous-effectifs et manquant de cadres en raison des démobilisations – où les mutins ont pris le dessus. À terre on assiste à des fraternisations entre marins français, civils de Sébastopol et bolcheviques. À la suite de manifestations, des officiers sont pris à parti et les soldats grecs ouvrent le feu pour disperser la foule. Russes blancs et soldats français prennent part à la mêlée qui fait un peu plus de cinquante blessés et tués.</p><p>Cette crise est nourrie par la contestation de la politique du gouvernement et de Clemenceau, contestation qui prend place dans la troupe comme en métropole, ce dont les mutins sont au fait. Les deux phénomènes se nourrissent et les soldats et marins français de Russie du Sud trouvent arguments et sens à leur révolte dans les interpellations de Marcel.</p><p>Cachin à la Chambre des députés. Cachin, qui est avec Frossard «l’importateur» du communisme en France et un des artisans de la scission de la SFIO qui donne naissance au parti communiste français quelques années plus tard, s’illustre pendant plusieurs séances en critiquant la politique étrangère du gouvernement. En effet, quelques jours plus tôt, le 24 mars, le parlementaire socialiste s’en prend vertement à Pichon au sujet de l’intervention en Russie du Sud.</p><p>«À l’heure actuelle, le Gouvernement français est en état de guerre contre la révolution russe. Il ne l’a jamais déclarée, il n’a jamais consulté le Parlement, et la nation sur l’état de guerre qu’en fait il a instauré. C’est là un fait grave sur lequel il a d’abord devoir de s’expliquer ici. Nous envoyons des troupes en Russie, nous dressons contre la révolution russe tous les peuples allogènes qui l’entourent. Nous fournissons aux contre-révolutionnaires des troupes, des armes et de l’argent. Nous sommes donc, en vérité, en état de guerre contre le gouvernement de fait de la Russie: mais jamais le gouvernement n’a demandé au Parlement de déclarer la guerre à la révolution russe. (Applaudissements à l’extrême gauche.) C’est là une violation manifeste de notre Constitution. Que peut nous répondre à cette question précise, le Gouvernement?»</p><p>Les soutiens de Cachin enchaînent alors sur de graves accusations: le gouvernement dissimulerait des dépêches et des informations à la Commission des Affaires extérieures de la Chambre. Et Cachin de surenchérir:</p><p>«À l’heure actuelle, cette armée bolchevique, renforcée de l’ensemble de tous les éléments paysans et ouvriers révolutionnaires de Russie, est très forte. Elle comprend plusieurs centaines de mille hommes. Vous pensiez vous appuyer, il y a quelques semaines encore sur certains éléments ukrainiens. Ils se sont effondrés et les troupes bolcheviques ont conquis l’Ukraine entière. Elles sont aujourd’hui sur les bords de la Mer Noire. Elles en seront demain, n’en doutez pas, les occupantes uniques. C’est qu’à l’heure présente l’armée bolchevique est forte moralement de l’idée qu’elle défend son sol contre l’invasion injustifiée dont vous avez été l’essentiel artisan, Monsieur Pichon. Elle est forte matériellement de l’appui de la Russie entière. Vous nous avez dit ici, il y a quelques mois, que votre politique trouvait en Russie des soutiens qui ne pouvaient manquer de la faire triompher à bref délai. J’ai le droit de dire qu’aujourd’hui vous avez réalisé contre vous l’unanimité du peuple russe.»</p><p>Les interpellations fusent et Cachin tente de mettre le gouvernement au pied du mur: «Aidez-vous Denikine, oui ou non? Si oui, vous aidez une tentative contre-révolutionnaire. Aidez-vous Koltchak, oui ou non? Si oui, vous aidez une tentative contre-révolutionnaire.» Et bien plus que de souligner le caractère éminemment politique d’une telle intervention, Cachin se scandalise du nouvel effort de guerre dissimulé demandé aux soldats français:</p><p>«On a commencé, dans de nombreux régiments, par offrir à chacun des petits soldats de la liberté une pièce de cent sous pas jour et 10 francs aux sous-officiers, pour aller en Orient; au reste on prenait soin de ne pas leur indiquer le but précis de l’engagement qu’on sollicitait d’eux… Or, malgré l’appât misérable de vos cent sous, malgré l’offre des quelques centaines de francs que vous leur proposiez comme prime, vous n’avez pas trouvé de volontaires. Je le dis ici hautement, c’est l’honneur de ce pays. (Vifs applaudissements à l’extrême gauche et sur quelques bancs à gauche.) Du haut de cette tribune, pour qu’ils l’entendent bien, nous demandons à tous les soldats du France de ne pas s’engager dans l’armée contre-révolutionnaire que veulent recruter M. Pichon et son Gouvernement. (Nouveaux applaudissements sur les mêmes bancs.) Mais n’ayant pas trouvé de volontaires, vous allez maintenant recruter de force les petits soldats…» </p><p>L’intervention à l’Est n’est plus une simple question technique ou strictement militaire dont on pourrait tirer quelque avantages économiques. Elle ne peut plus être présentée une simple relève des troupes allemandes sur les marges de l’Est en accord avec les conventions de l’armistice ou relative aux modalités de l’aide à apporter aux Volontaires, mais est avant tout une affaire politique. En substance l’intervention de Cachin, soutenue à l’extrême gauche et approuvée par une partie de la gauche, montre bien l’impossible renouvellement d’un effort guerrier à l’Est.</p><p>Ces échanges houleux qui durent jusqu’au 29 mars, ou tout du moins des morceaux choisis de la harangue de Cachin, transitent par la presse syndicale et d’extrême gauche qui irrigue les rangs de la marine, composés de nombreux éléments ouvriers en contact avec les organisations syndicales et pacifistes de France. La grogne gagne également les navires au large d’Odessa, en dépit de l’ordre d’évacuation, notamment à bord du Waldeck-Rousseau, à la fin avril. Dans le cas de Sébastopol, comme dans celui d’Odessa, les éléments les plus radicaux tentent de persuader la majorité des mutins qu’il faut aller plus loin que demander plus qu’une fin de l’intervention; certains parlent même de livrer des navires aux Bolcheviques. Mais c’est la promesse du retour dans les rades françaises qui l’emporte et ramène le calme. Ainsi dès le 22 avril, les marins reprennent leur poste, les éléments radicaux n’ont plus prise et le 23, le France et le Jean Bart appareillent pour la France. Dans le sillage de ces départs, le 28 et le 29 avril, Sébastopol est évacuée, conformément aux décisions prises avant le déclenchement des mutineries et les Volontaires de Denikine sont laissés à leur sort.</p><h4><img class="img-responsive img-center " src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1546928828_cartegwendal04.jpg">Carte des opérations © Conception: Gwendal Piégais et Ludovic Lepeltier-Kutasi – Réalisation: Ludovic Lepeltier-Kutasi</h4><br><p>L’agitation des mutineries d’Odessa et Sébastopol ne reste pas confinée à la Mer Noire. Une seconde série de mutineries éclate à l’été 1919 mais elles touchent cette fois le cuirassé Diderot et le croiseur cuirassé Guichen qui mouillent dans le golf de Patras. Elle s’étend ensuite aux arsenaux français, faisant craindre le pire aux autorités: Toulon, Bizerte, Lorient, Brest et Cherbourg sont secoués par la contestation. À Toulon, un important mouvement parti du cuirassé Provence réclame la levée des sanctions qui se sont abattues sur les mutins. Les autorités parviennent à contenir le mécontentement en améliorant les conditions matérielles des hommes servant sur les navires ou dans les arsenaux. Même si on s’était engagé à ne pas punir les mutins de la Mer Noire ou à faire preuve de clémence, la justice militaire prononce plusieurs condamnations: une centaine de marins sont dégradés, condamnés en conseil de guerre, dont certains à la peine de mort. Celle-ci est systématiquement commuée en vingt années de prison ou en travaux forcés. Aucun mutin n’est fusillé, et tous sont amnistiés en 1922.</p><p>La crise déclenchée par l’intervention française en Russie du Sud et en Crimée révèle qu’en dépit des tensions et des conflits qui se poursuivent à l’Est, la guerre est bel et bien terminée dans l’esprit des soldats mobilisés sous les drapeaux depuis 1914. Si dans les confins orientaux de l’Europe, la paix semble un horizon lointain pour ne pas dire hors de portée, la poursuite de la guerre pour les puissances comme la France est impossible. La déroute française est principalement due à l’insuffisance des effectifs engagés dans l’opération, mais tout autant à l’état de fatigue et de lassitude extrême dans lequel ces hommes se trouvent.</p><p>De plus, l’opération ne fait pas sens, alors qu’on sait les armistices signés sur tous les fronts. La guerre demeurant un prolongement de la politique par d’autres moyens, cette opération armée sur un sol étranger souffre justement d’emblée d’un manque de légitimité politique. La toile de fond de la seconde vague de mutineries qui touchent les arsenaux français est d’ailleurs constituée par ce climat social extrêmement tendu que doit gérer Clemenceau en 1919. La crise est donc à la fois politique, militaire, mais également géopolitique puisqu’elle pose la question de la place de la France dans le nouvel ordre européen qui se dessine. 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Le 15 septembre, une coalition regroupant des soldats français de métropole et des colonies, mais aussi des Britanniques, des Serbes, des Grecs et des Italiens brise la ligne ennemie tenue par les Bulgares, rendant possible une percée et une exploitation de plusieurs dizaines puis centaines de kilomètres. L’avancée alliée est si rapide que les états-majors à Paris et Londres ont eux-mêmes du mal à suivre.</p><h4><img class="img-responsive " src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1546928556_ob_deb052_franchetdespereylouis.jpg">Louis Franchet d’Espèrey</h4><p>Mais alors que le général Franchet d’Espèrey vient d’adresser à Paris un plan d’offensive visant à pousser l’avantage encore plus au nord, vers la Bohème et par extension l’Empire allemand, le général Berthelot, ancien chef de la Mission militaire française en Roumanie, arrive à Salonique pour lui remettre personnellement les directives de Georges Clemenceau, président du conseil et ministre de la Guerre. Clemenceau intime à Franchet de refréner sa poussée, de stabiliser une ligne de défense et de réorienter ses efforts au nord-Est, vers la Roumanie et au-delà vers la Russie du Sud, l’actuelle Ukraine. Selon ce plan, les armées alliées d’Orient doivent, dans un premier temps libérer la Serbie, encore occupée par les Empires centraux, prendre le contrôle du territoire bulgare, puis atteindre le Danube pour y constituer un front défensif; à la suite de cela il doit rouvrir les communications avec la Russie par la Mer Noire pour préparer une action commune contre les Bolcheviques.</p><p>Pour Clemenceau, ce qui se joue désormais sur le front d’Orient c’est la possible mise en échec de la révolution russe, à tout le moins sa mise à distance de la Russie du Sud où la France souhaite sécuriser des intérêts économiques et géopolitiques. Paris a grandement investi dans l’économie et les infrastructures de l’Empire russe avant et pendant la Grande Guerre et entend sécuriser ses investissements tout en gagnant une zone d’influence économique (bassin du Don, Crimée, ports de la Mer Noire, etc.). Ce n’est d’ailleurs pas un cas unique puisque la Grande-Bretagne intervient dès décembre 1917 dans le Caucase, avec la Dunsterforce. La priorité française est donc désormais de soutenir l’armée du général Alexeieff, qui s’oppose aux forces bolcheviques et se trouve en difficulté.</p><p>Mais à l’automne 1918, la situation est déjà plus que confuse dans le sud de la Russie. En effet, en novembre, les Empires centraux s’effondrent dans le sillage de l’armistice de Salonique, obtenu par Franchet d’Espèrey. Sur les anciennes terres impériales d’Autriche-Hongrie, des républiques ukrainiennes fleurissent déjà du Dniestr jusqu’au Don, des Carpates au Donets: une petite république des Lemkos, sise à Florynka, surgit puis est annexée par la Pologne après deux mois d’existence, la République houtsoule est fondée à Yasinia par des Ukrainiens du Royaume de Hongrie, une République populaire d’Ukraine occidentale s’établit à Lviv tandis que la République populaire ukrainienne est dirigée par Petlioura à Kiev dès décembre 1918. À cette mosaïque déjà fortement bigarrée vient s’ajouter un gouvernement bolchevique basé à Kharkov.</p><h4><strong><img class="img-responsive " src="https://bonpourlatete.comhttps://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1546928503_cartegwendal021.jpg"></strong>Carte des différentes républiques ukrainiennes qui naissent dans le sillage de la Première Guerre mondiale. © Conception: Gwendal Piégais et Ludovic Lepeltier-Kutasi – Réalisation: Ludovic Lepeltier-Kutasi</h4><p>C’est le sort des armes qui décide bien vite de l’avenir de ces états à l’existence bien souvent éphémère. Plusieurs forces s’affrontent sur ces terres tant convoitées: celles des modestes républiques des anciennes possessions des Habsbourg, Petlioura et son Armée Populaire Ukrainienne tandis que les armées tchécoslovaque, polonaise et roumaine sont à portée de canon, que les troupes de partisans de l’anarchiste Nestor Makhno harcèlent les forces blanches et que deux armées bolcheviques (de Hongrie et de Russie) tentent de faire la jonction. Ainsi, à l’Ouest, l’armée ukrainienne arrête une offensive polonaise. Les forces blanches, appelées Armée des Volontaires, reprennent Novorosiisk, Kouban et Stavropol et marchent sur Kiev. De plus, Petlioura doit affronter Makhno, un seigneur de la guerre communiste, dans la campagne ukrainienne.</p><h4><img class="img-responsive img-center " src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1546928587_odessa1918.jpg">Odessa en 1918 © DR<br></h4><p>C’est dans ce contexte extrêmement confus que la décision d’intervenir en Russie du Sud, plus précisément à Odessa et en Crimée, est prise à Paris. Elle a pour premiers objectifs de restaurer l’ordre, de contrôler le retrait allemand, de renforcer l’armée des Volontaires et de tenter d’unir les forces anti-bolcheviques présentes en Russie du Sud. Il s’agira ensuite de «réaliser l’encerclement économique du bolchevisme et [d’] en provoquer la chute,» des mots mêmes de Clemenceau. Ces forces anti-bolcheviques, qu’elles soient politiques ou militaires, tiennent une conférence à Iași (ou Yassi, dans la documentation diplomatique française) en Roumanie en décembre 1918, siège des légations alliées depuis la fin 1916.</p><p>Le général Denikine est désigné pour prendre la tête des forces blanches et anti-bolcheviques. Les délégués reprennent espoir en la possibilité d’une restauration de l’État impérial russe et se voient déjà siéger parmi les signataires des traités de paix et du côté des vainqueurs. Mais deux malentendus apparaissent déjà. Tout d’abord, aucun consensus n’est trouvé sur le projet politique que sous-tend une intervention militaire en Russie du Sud, c’est-à-dire sur la forme que l’état russe prendrait après une victoire contre les Bolcheviks. Ensuite, Émile Henno, un diplomate français en mission spéciale en Roumanie, initiateur de la conférence de Iași et un de ses principaux animateurs, agit de sa propre initiative sans rendre de compte à Paris. Son trop grand enthousiasme et son esprit aventurier laissent entendre aux représentants politiques et militaires russes que les alliés, et particulièrement la France, sont prêts à lancer une opération de grande envergure en Russie. Or, on est loin du compte.</p><p>Les forces françaises capables de se projeter en Russie du Sud sont celles de l’armée d’Orient, commandées par Franchet d’Espèrey, à qui Clemenceau confie la mission d’organiser une telle expédition. Les soldats de cette armée sortent d’une campagne longue, de dix-huit à même vingt-quatre mois de combats pour certains. Et les dernières semaines d’avancée – certes victorieuse – ont largement achevé d’épuiser les troupes. De plus, la perspective d’intervenir en Russie ne fait pas sens pour ces soldats qui viennent d’apprendre la signature de l’Armistice et attendent la démobilisation avec impatience. Par ailleurs, des pans entiers de cette armée ont déjà reçu l’ordre de faire route vers le front Ouest, alors que l’Allemagne n’avait pas encore déposé les armes. Ainsi, de novembre 1918 à l’été 1919, ce sont des troupes coloniales qui remplacent peu à peu les soldats métropolitains démobilisés sur des positions que la France ne peut immédiatement dégarnir.</p><h4><img class="img-responsive img-center " src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1546928661_bdic_val_tir_01_0119_r.jpg">Défilé de l’artillerie française, Odessa, décembre 1918. © coll. La Contemporaine.</h4><br><p>Des signaux contradictoires vont venir complexifier cet écheveau de malentendus lorsque le général Berthelot, acceptant avec enthousiasme la tâche de planifier cette expédition, fait savoir aux représentants des Volontaires que douze divisions alliées seraient nécessaires et disponibles pour cette intervention. Grisé par ce qu’il prend pour des promesses de Paris, Denikine prépare un plan d’attaque impliquant dix-huit divisions alliées et russes (!) et envisage la mobilisation possible de 500'000 soldats russes dans la dynamique de cette offensive.</p><p>Les navires français appareillent de Roumanie malgré les mises en garde de Franchet d’Espèrey, qui trouve que cette opération et l’occupation qui en découlerait «en Ukraine et en Russie seraient mal vues et risqueraient d’amener des incidents pénibles» et seraient d’autant plus risquées qu’elles ne mobiliseraient pas suffisamment d’hommes. Malgré ces mises en garde, les forces françaises gagnent les rivages d’Ukraine dès le 17 décembre et le général Berthelot débarque à Odessa avec… 1800 hommes. Un autre convoi se dirige vers Sebastopol mais n’est pas mieux pourvu. L’objectif militaire est d’établir, dans l’arrière-pays d’Odessa, un arc Tiraspol-Nikolaïev-Kherson allant du Dniestr au Dniepr. Dans la mesure où les Allemands et les Autrichiens ont peiné à sécuriser le pays avec toutes leurs forces d’occupations, on voit mal comment le maigre contingent français pourrait y parvenir avec si peu de soldats.</p><p>Lors de leur débarquement, les Français découvrent un port isolé du reste du pays par la neige; ce qui empêche l’établissement de liaisons avec Kiev et les autres villes. Et les surprises sont nombreuses: le port est contrôlé par les volontaires de Denikine, mais la ville abrite également des troupes de Petlioura, 1600 Allemands, une brigade polonaise ainsi que 2000 Russes blancs commandés par le général Grichine-Almazov, proche de Henno. De plus Odessa fait face à des forts afflux de réfugiés: des Roumains ayant quitté Bucarest au début de l’occupation allemande, ainsi que des Russes ayant fui successivement Petrograd, Moscou puis Kiev avant d’atteindre les rivages de la Mer Noire. La population de la ville doit avoisiner les 800’000 personnes, alors qu’elle n’en comptait que 500’000 en 1910.</p><h3>Tensions, revers et évacuations</h3><p>Après avoir pris position à Odessa, Nikolaïev, Kherson et en Crimée, des problèmes surgissent dès les premières semaines d’occupation. Tout d’abord, le général Berthelot est mal vu par les officiers et généraux des Volontaires russes, car, en plus de ne pas débarquer avec les effectifs nécessaires, il a la réputation – non usurpée – d’être proche des Roumains. Les politiciens et militaires russes voient d’un très mauvais œil les projets d’agrandissement de la Roumanie au détriment de l’Empire russe qu’ils rêvent de restaurer. Ensuite, les Volontaires comptent beaucoup sur l’appui politique et diplomatique d’Émile Henno, nommé gérant du vice-consulat de France à Kiev. Mais on finit par se méfier de cet homme qui se présente à tous comme rien de moins que le «consul de France plénipotentiaire et le porte-parole de l’Entente». Les initiatives de cet aventurier diplomate finissent par mettre définitivement les troupes françaises dans l’embarras puisqu’il soutient la nomination du général russe Grichine-Almazov, un ultra-conservateur au poste de gouverneur de la ville. Ce soutien apporté aux éléments réactionnaires et Grands-Russes achève de ruiner les espoirs d’union des forces anti-bolcheviques en Russie du Sud. Henno va même jusqu’à traiter les partisans de Petlioura, tout autant opposés aux bolcheviques que les Volontaires, de «suppôts de l’Allemagne.»</p><p>Du point de vue militaire, les Français sont frappés par la désorganisation des armées blanches dont les officiers semblent plus intéressés par le gouvernement du pays que par sa reconquête. Ces mêmes officiers restent très mal perçus par la population qui voit en eux des réactionnaires incapables de proposer politiquement autre chose qu’un retour au statu quo ante bellum. Les Français finissent par ne plus cacher leur dédain pour cette «parodie d’armée de Condé» (colonel Freydenberg) qui compte, par bataillon, plus d’officiers que de soldats. À titre d’exemple, le port d’Odessa est contrôlé et administré par sept amiraux russes! Mais déjà, les forces d’occupation française sont assimilées par la population aux Blancs ultra-réactionnaires, auxquels même les éléments français les plus conservateurs se montrent hostiles. L’action funeste d’Émile Henno en la matière, sa collusion permanente avec les Volontaires, est déjà jugée très sévèrement en haut lieu et – fait rare – désapprouvée publiquement à la Chambre des députés par Stephen Pichon, le ministre français des Affaires étrangères.</p><p>À tout cela il faut évidemment ajouter que le climat à Odessa se tend à l’extrême: Makhno et Grigorieff, des seigneurs de la guerre locaux, sèment la terreur dans les campagnes environnantes. L’ordre ne règne que par la terreur policière. La spéculation sur les denrées de première nécessité va bon train, encouragée par les équipages de navires civils ravitaillant le port. L’afflux de réfugiés en provenance de Kiev ne se tarit pas et rien ne semble pouvoir refréner l’inflation. Quant aux troupes françaises, elles sont la cible d’une propagande bolchevique amplifiée par l’incompréhension des soldats vis-à-vis d’une opération dont ils ne saisissent pas le sens. Les troupes souhaitent retrouver leurs foyers.Jacques Sadoul, ancien membre de la Mission militaire française en Russie passé au camp de la révolution, qui orchestre cet effort de démoralisation, le sait très bien.</p><p>Les autorités militaires françaises reconnaissent elles-mêmes qu’aucun soldat français ayant survécu à Verdun et à la Marne ne souhaiterait la perde dans les plaines d’Ukraine.</p><p>L’arrivée de nouveaux renforts motivés (des troupes grecques et des bataillons mêlant tchécoslovaques, roumains et polonais) pendant l’hiver n’y fait rien: Berthelot se plaint à Paris qu’on ne passe même pas la barre des 3 000 hommes. Le 2 février, des mutineries éclatent au sein du 58e régiment d’infanterie qui refuse d’attaquer à Tiraspol. Des troubles similaires surviennent à Kherson en mars et permettent une avancée de Grigoriev qui a changé d’allégeance et est passé chez les Bolcheviks. La propagande en provenance de Kiev à destination des troupes françaises s’intensifie et les autorités locales la combattent avec plus ou moins d’efficacité. Ainsi, le 2 mars, la police d’Odessa, aux mains des Blancs, arrête et exécute une militante communiste française, Jeanne Labourbe, auteur du bulletin Le Communiste rédigé en français et distribué en ville.</p><p>Grigoriev, qui renouvelle ses assauts dès mars sur Kherson, rompt les lignes franco-grecques le 7, coupant ainsi la ville de ses communications avec Nikolaïev. Les soldats français sont pris à parti par la population qui fait feu sur l’occupant depuis les toits ou les fenêtres. Des renforts arrivent le 8 mais refusent de se battre. Les Bolcheviques ont alors déjà pris les docks et encerclé les troupes franco-grecques. Il faut l’intervention de la flotte française qui bombarde la ville pour que des soldats grecs puissent débarquer dans le port, libérer les hommes encerclés et aussitôt rembarquer, abandonnant la ville à Grigoriev.</p><p>Le vice-amiral Exelmans et le colonel Lejay, à Nikolaïev, ne prendront pas autant de peine à résister, craignant un soulèvement populaire et une déroute d’une plus grande ampleur: ils négocient directement avec l’ennemi et parviennent à organiser un rembarquement en bon ordre des troupes du 14 au 16 mars. À cette date, les états-majors français n’envisagent pas autre chose que l’évacuation pure et simple de la Russie du Sud, alors que Bela Kun proclame sa République des Conseils en Hongrie, et que l’armée d’Orient doit y porter toutes ses forces. Le 1er avril, le général d’Anselme annonce l’évacuation d’Odessa ordonnée par Franchet d’Espèrey. Pour certains civils réfugiés dans la ville portuaire, c’est la panique: 40 000 habitants s’entassent sur des navires français peinant à évacuer et qui quittent définitivement Odessa le 6 avril.</p><h3>Mutineries et crise politique</h3><p>Mais la révolution rattrape bientôt une intervention française déjà mal en point. C’est dans la marine qu’éclatent les premiers troubles. L’escadre française du vice-amiral Amet intervient en Mer Noire pour protéger l’aile droite des troupes alliées en Ukraine, et couvrir la Crimée et Sébastopol. L’escadre est composée des cuirassés France, Vergniaud, Jean Bart, et Justice. En plus d’un soutien d’artillerie de la mer au littoral, ils maintiennent un blocus sur le sud de la Russie.</p><h4><img class="img-responsive img-center " src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1546928710_bdic_val_tir_01_0164_r.jpg">Le cuirassé Mirabeau vu de l’arrière, Sébastopol. © coll. La Contemporaine.</h4><p>Le 19 avril, des mutineries éclatent sur les navires français à Sébastopol: le drapeau rouge est hissé sur les cuirassés France et Jean Bart puis plus tard sur la Justice; d’autres incidents surviennent sur les Mirabeau, Vergniaud. Aucun acte de sabotage grave n’a cependant lieu. Les marins se révoltent principalement contre leurs conditions matérielles, les corvées, la rareté des permissions: les slogans «A Toulon!» expriment l’irrépressible désir du retour, mais croise également le mot d’ordre «Révolution», signe – comme pour le mécontentement dans l’armée – que la propagande bolchevique s’adosse une nouvelle fois à la précarité des conditions matérielles. La situation est inégalement contrôlée: si le navire amiral de l’escadre, le Jean Bart, est habilement tenu par le capitaine de vaisseau Couëdic, il n’en va pas de même sur le France – navire déjà en sous-effectifs et manquant de cadres en raison des démobilisations – où les mutins ont pris le dessus. À terre on assiste à des fraternisations entre marins français, civils de Sébastopol et bolcheviques. À la suite de manifestations, des officiers sont pris à parti et les soldats grecs ouvrent le feu pour disperser la foule. Russes blancs et soldats français prennent part à la mêlée qui fait un peu plus de cinquante blessés et tués.</p><p>Cette crise est nourrie par la contestation de la politique du gouvernement et de Clemenceau, contestation qui prend place dans la troupe comme en métropole, ce dont les mutins sont au fait. Les deux phénomènes se nourrissent et les soldats et marins français de Russie du Sud trouvent arguments et sens à leur révolte dans les interpellations de Marcel.</p><p>Cachin à la Chambre des députés. Cachin, qui est avec Frossard «l’importateur» du communisme en France et un des artisans de la scission de la SFIO qui donne naissance au parti communiste français quelques années plus tard, s’illustre pendant plusieurs séances en critiquant la politique étrangère du gouvernement. En effet, quelques jours plus tôt, le 24 mars, le parlementaire socialiste s’en prend vertement à Pichon au sujet de l’intervention en Russie du Sud.</p><p>«À l’heure actuelle, le Gouvernement français est en état de guerre contre la révolution russe. Il ne l’a jamais déclarée, il n’a jamais consulté le Parlement, et la nation sur l’état de guerre qu’en fait il a instauré. C’est là un fait grave sur lequel il a d’abord devoir de s’expliquer ici. Nous envoyons des troupes en Russie, nous dressons contre la révolution russe tous les peuples allogènes qui l’entourent. Nous fournissons aux contre-révolutionnaires des troupes, des armes et de l’argent. Nous sommes donc, en vérité, en état de guerre contre le gouvernement de fait de la Russie: mais jamais le gouvernement n’a demandé au Parlement de déclarer la guerre à la révolution russe. (Applaudissements à l’extrême gauche.) C’est là une violation manifeste de notre Constitution. Que peut nous répondre à cette question précise, le Gouvernement?»</p><p>Les soutiens de Cachin enchaînent alors sur de graves accusations: le gouvernement dissimulerait des dépêches et des informations à la Commission des Affaires extérieures de la Chambre. Et Cachin de surenchérir:</p><p>«À l’heure actuelle, cette armée bolchevique, renforcée de l’ensemble de tous les éléments paysans et ouvriers révolutionnaires de Russie, est très forte. Elle comprend plusieurs centaines de mille hommes. Vous pensiez vous appuyer, il y a quelques semaines encore sur certains éléments ukrainiens. Ils se sont effondrés et les troupes bolcheviques ont conquis l’Ukraine entière. Elles sont aujourd’hui sur les bords de la Mer Noire. Elles en seront demain, n’en doutez pas, les occupantes uniques. C’est qu’à l’heure présente l’armée bolchevique est forte moralement de l’idée qu’elle défend son sol contre l’invasion injustifiée dont vous avez été l’essentiel artisan, Monsieur Pichon. Elle est forte matériellement de l’appui de la Russie entière. Vous nous avez dit ici, il y a quelques mois, que votre politique trouvait en Russie des soutiens qui ne pouvaient manquer de la faire triompher à bref délai. J’ai le droit de dire qu’aujourd’hui vous avez réalisé contre vous l’unanimité du peuple russe.»</p><p>Les interpellations fusent et Cachin tente de mettre le gouvernement au pied du mur: «Aidez-vous Denikine, oui ou non? Si oui, vous aidez une tentative contre-révolutionnaire. Aidez-vous Koltchak, oui ou non? Si oui, vous aidez une tentative contre-révolutionnaire.» Et bien plus que de souligner le caractère éminemment politique d’une telle intervention, Cachin se scandalise du nouvel effort de guerre dissimulé demandé aux soldats français:</p><p>«On a commencé, dans de nombreux régiments, par offrir à chacun des petits soldats de la liberté une pièce de cent sous pas jour et 10 francs aux sous-officiers, pour aller en Orient; au reste on prenait soin de ne pas leur indiquer le but précis de l’engagement qu’on sollicitait d’eux… Or, malgré l’appât misérable de vos cent sous, malgré l’offre des quelques centaines de francs que vous leur proposiez comme prime, vous n’avez pas trouvé de volontaires. Je le dis ici hautement, c’est l’honneur de ce pays. (Vifs applaudissements à l’extrême gauche et sur quelques bancs à gauche.) Du haut de cette tribune, pour qu’ils l’entendent bien, nous demandons à tous les soldats du France de ne pas s’engager dans l’armée contre-révolutionnaire que veulent recruter M. Pichon et son Gouvernement. (Nouveaux applaudissements sur les mêmes bancs.) Mais n’ayant pas trouvé de volontaires, vous allez maintenant recruter de force les petits soldats…» </p><p>L’intervention à l’Est n’est plus une simple question technique ou strictement militaire dont on pourrait tirer quelque avantages économiques. Elle ne peut plus être présentée une simple relève des troupes allemandes sur les marges de l’Est en accord avec les conventions de l’armistice ou relative aux modalités de l’aide à apporter aux Volontaires, mais est avant tout une affaire politique. En substance l’intervention de Cachin, soutenue à l’extrême gauche et approuvée par une partie de la gauche, montre bien l’impossible renouvellement d’un effort guerrier à l’Est.</p><p>Ces échanges houleux qui durent jusqu’au 29 mars, ou tout du moins des morceaux choisis de la harangue de Cachin, transitent par la presse syndicale et d’extrême gauche qui irrigue les rangs de la marine, composés de nombreux éléments ouvriers en contact avec les organisations syndicales et pacifistes de France. La grogne gagne également les navires au large d’Odessa, en dépit de l’ordre d’évacuation, notamment à bord du Waldeck-Rousseau, à la fin avril. Dans le cas de Sébastopol, comme dans celui d’Odessa, les éléments les plus radicaux tentent de persuader la majorité des mutins qu’il faut aller plus loin que demander plus qu’une fin de l’intervention; certains parlent même de livrer des navires aux Bolcheviques. Mais c’est la promesse du retour dans les rades françaises qui l’emporte et ramène le calme. Ainsi dès le 22 avril, les marins reprennent leur poste, les éléments radicaux n’ont plus prise et le 23, le France et le Jean Bart appareillent pour la France. Dans le sillage de ces départs, le 28 et le 29 avril, Sébastopol est évacuée, conformément aux décisions prises avant le déclenchement des mutineries et les Volontaires de Denikine sont laissés à leur sort.</p><h4><img class="img-responsive img-center " src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1546928828_cartegwendal04.jpg">Carte des opérations © Conception: Gwendal Piégais et Ludovic Lepeltier-Kutasi – Réalisation: Ludovic Lepeltier-Kutasi</h4><br><p>L’agitation des mutineries d’Odessa et Sébastopol ne reste pas confinée à la Mer Noire. Une seconde série de mutineries éclate à l’été 1919 mais elles touchent cette fois le cuirassé Diderot et le croiseur cuirassé Guichen qui mouillent dans le golf de Patras. Elle s’étend ensuite aux arsenaux français, faisant craindre le pire aux autorités: Toulon, Bizerte, Lorient, Brest et Cherbourg sont secoués par la contestation. À Toulon, un important mouvement parti du cuirassé Provence réclame la levée des sanctions qui se sont abattues sur les mutins. Les autorités parviennent à contenir le mécontentement en améliorant les conditions matérielles des hommes servant sur les navires ou dans les arsenaux. Même si on s’était engagé à ne pas punir les mutins de la Mer Noire ou à faire preuve de clémence, la justice militaire prononce plusieurs condamnations: une centaine de marins sont dégradés, condamnés en conseil de guerre, dont certains à la peine de mort. Celle-ci est systématiquement commuée en vingt années de prison ou en travaux forcés. Aucun mutin n’est fusillé, et tous sont amnistiés en 1922.</p><p>La crise déclenchée par l’intervention française en Russie du Sud et en Crimée révèle qu’en dépit des tensions et des conflits qui se poursuivent à l’Est, la guerre est bel et bien terminée dans l’esprit des soldats mobilisés sous les drapeaux depuis 1914. Si dans les confins orientaux de l’Europe, la paix semble un horizon lointain pour ne pas dire hors de portée, la poursuite de la guerre pour les puissances comme la France est impossible. La déroute française est principalement due à l’insuffisance des effectifs engagés dans l’opération, mais tout autant à l’état de fatigue et de lassitude extrême dans lequel ces hommes se trouvent.</p><p>De plus, l’opération ne fait pas sens, alors qu’on sait les armistices signés sur tous les fronts. La guerre demeurant un prolongement de la politique par d’autres moyens, cette opération armée sur un sol étranger souffre justement d’emblée d’un manque de légitimité politique. La toile de fond de la seconde vague de mutineries qui touchent les arsenaux français est d’ailleurs constituée par ce climat social extrêmement tendu que doit gérer Clemenceau en 1919. La crise est donc à la fois politique, militaire, mais également géopolitique puisqu’elle pose la question de la place de la France dans le nouvel ordre européen qui se dessine. 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Depuis plusieurs semaines, Pierre correspondait avec une dizaine de personnes et toutes leurs conversations avaient pour sujet la critique du virilisme, la chasse au masculinisme, la volonté d’abattre le patriarcat «d’abord en nous». Rien que d’y penser, ça me donne envie de vomir. Je sais bien qu’une épidémie wokiste s’est abattue sur l’Occident mais je me pensais à l’abri. Eh bien, non! Cette épidémie a envahi mon salon, elle couche même dans mon lit! J’ai également découvert que Pierre me mentait. Alors qu’il prétendait aller jouer au badminton avec des copains, il participait à des <em>workshops</em> de déconstruction de virilité. «Je ne suis plus sûr de rien, écrivait-il sur le forum To-be-is-not-to-be-a-man. Suis-je un homme, une femme, un être mixte, double? Suis-je? 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Je l’ai tout de suite trouvé à mon goût mais je n’étais pas là pour ça. Nous nous étions donnés rendez-vous dans un tea-room du centre-ville, j’avais pris avec moi l’ordinateur portable de Pierre. Pierre qui prétendait être parti en séminaire professionnel à Zurich mais, je l’avais découvert sans peine, se trouvait en fait à Tolochenaz où avait lieu une rencontre avec un guru de la déconstruction masculine: «De viril à viriel».</p> <p>- Vous avez donc des doutes concernant votre mari? Expliquez-moi ce qui vous inquiète...</p> <p>Ce vouvoiement a sonné très agréablement à mes oreilles. Avec son col roulé, son blaser et sa coupe de cheveux tout à la fois stricte et décontractée, Emmanuel me fit me rendre compte qu’autour de moi, les hommes avaient depuis longtemps renoncé à leur élégance, privilégiant des tenues décontractées ne mettant plus du tout leurs atouts masculins en valeur.</p> <p>Oui, je dois l’avouer, à moi aussi les jeunes réactionnaires faisaient de l’effet. 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Pierre est déjà très perverti. Vous l’avez remarqué, dans ses messages il emploie l’écriture inclusive avec aisance. C’est la preuve que le mal a déjà atteint des couches profondes de sa conscience. De plus, il remet systématiquement en question les bienfaits de la civilisation occidentale dans le monde. Il milite pour la restitution des antiquités découvertes chez les peuples non-civilisés, il a participé au souillage de la statue de David de Pury à Neuchâtel, sous prétexte que celui-ci a participé à la traite d’esclaves…</p> <p>- Oui, je sais, c’est horrible. Tout ça alors que je le croyais occupé avec des clients. Les comptes de notre agence de communication sont dans le rouge. Cela fait des mois que Pierre ne prospecte plus de nouveaux clients et qu'il refuse les commandes au prétexte que la publicité est une aliénation capitalisto-patriarcale.</p> <p>- Et ça, Catherine, c’est très grave! S’attaquer à l’économie, c’est s’attaquer à nos valeurs premières. </p> <p>- Que faire? 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La fidélité absolue est un concept éculé et hypocrite qui a pour but principal que les hommes soient certains que les enfants qui sortent des ventres de leur épouse soient bien le produit de leurs spermatozoïdes à eux. Transmettre ses gènes est un réflexe très animal, si Sapiens est vraiment un être supérieur, il devrait se détendre sur cette question. En plus, Pierre et moi n’avons pas fait d’enfants, trop concentrés sur nous-mêmes et nos vies à réussir. Marie, ma sœur, prétend que pour les femmes, l’importance de la fidélité n’a pas pour but la perpétuation de l’espèce mais plutôt la conservation à leur côté du mâle qui assure leur protection. Elle se trompe. Si Pierre et moi sommes toujours ensemble après trente-cinq ans de mariage, c’est justement parce que nous nous laissons la liberté d’aller de temps en temps voir ailleurs. Marie, elle, ne souhaitait plus de rapports sexuels tout en menaçant son mari de le quitter s’il la trompait. C’est lui qui est parti avec la première maîtresse qu’il s’est autorisée.</p> <p>Mais Pierre a changé.</p> <p>Nous nous sommes connus dans une manifestation contre le racisme alors que nous avions vingt-sept ans. Il était graphiste tandis que moi j’enseignais le français à des réfugiés dans un centre géré par l’Eglise protestante. Je l’avais déjà remarqué à d’autres occasions au fil des ans – Lausanne est une petite ville – notamment lors d’une soirée chez Jean-Luc, lequel a été mon amant lorsque j’avais vingt ans et que j’hésitais entre le trotskisme et l’écologie politique. Lorsque Jean-Luc, figure de proue des trotskistes locaux, m’avait quittée pour une camarade d’origine kurde plus valorisante pour lui, j’avais renoncé aux principes de la Quatrième Internationale et milité pour la sauvegarde de la planète, jusqu’à ma rencontre avec un zapatiste belge avec qui je suis partie au Mexique où j’ai attrapé une infection sexuellement transmissible. De retour en Suisse, j’ai soigné ma salpingite et terminé mes études de lettres. Entre deux amants de passage, je traversais de longues périodes d’abstinence sexuelle sans que cela me coûte. A la manif, j’ai trouvé Pierre très beau avec sa moustache et sa barbe de cinq jours. Et je l’ai trouvé irrésistible lorsqu’il a jeté une bouteille vide en direction des forces de l’ordre qui voulaient nous empêcher d’accéder à la salle où se déroulait une assemblée de l’UDC, ce parti d’extrême droite honni par nous. Pierre s’est fait réprimander par les camarades communistes qui assuraient le service d’ordre et il a fini par en venir aux mains avec eux. J’ai spontanément pris sa défense, nous nous sommes faits bousculer et avons quitté la manifestation, lui avec une arcade sourcilière fendue, moi avec un fort désir pour lui. Je l’ai emmené chez moi pour soigner sa blessure et nous avons fait l’amour toute la nuit. 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Pierre est devenu agressif avec Mireille lorsque celle-ci a déclaré que les néo-féministes exagéraient et que #MeToo décourageait toute tentative de séduction de la part des hommes. «Je n’ai pas peur de le dire, j’aime bien que l’on me tienne la porte et que les hommes me fassent sentir qu’ils me désirent…» Pierre lui a rétorqué que le patriarcat était une forme de fascisme et qu’en tant que progressiste nous devions tout faire pour l’abattre. J’ai essayé de dévier la conversation sur la nourriture bio mais très vite c’est l’écriture inclusive qui a fait s’échauffer les esprits. Serge, qui se pique d’aimer la littérature, a déclaré que le français était en danger, qu’il fallait le sauver des points médians et des réformes de l’orthographe. 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En jeu, rien de moins que les causes de la crise de la pollution plastique et les solutions appropriées pour y remédier.</p> <ul> <li> <p>D’un côté, la <a href="https://hactoendplasticpollution.org/fr/">Coalition de haute ambition</a> (HAC), les activistes du «zéro déchet» et de <a href="https://theconversation.com/traite-mondial-contre-la-pollution-plastique-en-coulisses-le-regard-des-scientifiques-francais-presents-234046">nombreux scientifiques</a> insistent sur la nécessité d’une <a href="https://hactoendplasticpollution.org/hac-member-states-ministerial-joint-statement-for-inc-5/">approche globale portant sur l’ensemble du cycle de vie des plastiques</a>, y compris leur production.</p> </li> <li> <p>De l’autre côté, une <a href="https://medium.com/points-of-order/spoiler-alert-f737a24292e6">petite minorité d’Etats</a> ainsi que l’industrie pétrochimique ont à de nombreuses reprises détourné l’attention de cette question de la production des plastiques. 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Ils réduisent de manière significative la quantité de plastique qui se retrouve dans les océans.</p> <p>Malgré cela, et parce qu’ils font un travail salissant et vivent dans des endroits sales, ils sont souvent tenus pour responsables du problème de la pollution plastique. Dans les discours politiques des villes et des Etats, leur travail a longtemps été <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/0956247816657302">tourné en dérision, considéré comme non qualifié et inefficace</a>. <a href="https://www.undp.org/blog/unsung-heroes-four-things-policymakers-can-do-empower-informal-waste-workers">L’absence de reconnaissance officielle</a> de leur travail rend leurs revenus particulièrement instables et précaires. 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Il a été demandé que leurs contributions historiques à la réduction de la pollution plastique soient explicitement reconnues, et qu’un objectif explicite de transition juste soit intégré au traité sur les plastiques.</p> <h3>Avec l’économie circulaire, tout le monde est gagnant?</h3> <p>La <a href="https://theconversation.com/quatre-idees-recues-sur-la-transition-juste-227569">transition juste</a> est un principe défendu par les groupes de travailleurs et les défenseurs de la justice sociale afin de garantir que les politiques de transition écologique protègent, améliorent et compensent équitablement les moyens de subsistance des travailleurs et des communautés affectés par l’environnement.</p> <p>Les ramasseurs de déchets ont utilisé ce terme pour réclamer que le traité comprenne des dispositions pour améliorer leurs conditions de travail et de sécurité. Mais également pour que le traité intègre davantage les travailleurs informels aux systèmes de gestion des déchets, et pour exiger que les systèmes de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/responsabilite-elargie-du-producteur-67766">responsabilité élargie des producteurs</a> (REP) soutiennent aussi les travailleurs du secteur des déchets, en particulier les <a href="https://www.wiego.org/gender-waste-project">femmes et d’autres groupes vulnérables</a>.</p> <p>Etonnamment, ces demandes ont obtenu le soutien d’un large éventail de parties prenantes puissantes. Par exemple la <a href="https://www.businessforplasticstreaty.org/vision-statement#Key-elements">Business Coalition for a Plastics Treaty</a>, les <a href="https://news.un.org/en/story/2024/10/1156301">dirigeants des Nations unies</a> et même <a href="https://resolutions.unep.org/resolutions/uploads/american_chemistry_council.pdf">l’industrie pétrochimique</a>.</p> <p>Certaines de ces demandes ont été intégrées aux projets de traité sur les plastiques discutés au cours des négociations, ce qui représente une victoire majeure pour les travailleurs du secteur informel des déchets.</p> <p>Un consensus se dégage sur le fait qu’une économie circulaire inclusive peut être bénéfique à la fois pour l’environnement, l’économie et les travailleurs en améliorant la gestion de la pollution, les moyens de subsistance et les opportunités de croissance économique pour les entreprises.</p> <p>Ces promesses demandent toutefois à être vérifiées sur le terrain. Et c’est là que les choses se compliquent.</p> <h3>« Gagnant-gagnant », mais la victoire de qui ?</h3> <p>Dans mon livre <a href="https://mitpress.mit.edu/9780262546973/recycling-class/"><em>Recycling Class</em></a>, j’examine comment les efforts de recyclage inclusif ont été mis en œuvre à Bengaluru, l’une des plus grandes villes de l’Inde.</p> <figure><a href="https://images.theconversation.com/files/635250/original/file-20241129-15-cdpt12.jpg?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img src="https://images.theconversation.com/files/635250/original/file-20241129-15-cdpt12.jpg?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" alt="" /></a> <figcaption><span></span></figcaption> </figure> <p>Dans cet ouvrage, je défends que l’intégration dans des programmes d’économie circulaire basés sur le marché n’est pas une solution miracle aux injustices ancrées dans les systèmes de production, de consommation et de production des déchets.</p> <p>La plupart des politiques d’économie circulaire et de recyclage inclusif reposent sur des mécanismes de marché, partant du principe que la création de marchés pour les déchets incitera les acteurs du marché à récupérer efficacement les déchets et à les convertir en ressources.</p> <p>Pour remplir leurs obligations en matière de <a href="https://theconversation.com/faire-payer-plus-les-entreprises-pour-quelles-reduisent-les-emballages-130073">responsabilité élargie des producteurs</a> (REP), les marques peuvent alors s’engager à acheter des plastiques recyclés et à financer la collecte des déchets en achetant des <a href="https://www.worldbank.org/en/programs/problue/publication/unlocking-financing-to-combat-the-plastics-crisis">crédits plastique</a>.</p> <p>Cette approche vise à améliorer le prix des déchets, à augmenter les salaires et à encourager les efforts de collecte, tout en attirant des investissements pour financer l’amélioration des infrastructures et des technologies.</p> <p>Cependant, les mécanismes fondés sur le marché aggravent les inégalités existantes en matière d’accès au marché. Les efforts visant à donner la priorité à la traçabilité et à la transparence – dans le but d’améliorer l’efficacité du marché et le respect de la réglementation – désavantagent souvent les travailleurs informels.</p> <p>Ces derniers ne disposent pas des ressources et des capacités techniques nécessaires pour adopter des systèmes de suivi complexes basés sur les SIG ou la blockchain, et se retrouvent exclus des processus formalisés. Les start-up financées par le capital-risque et les grandes entreprises s’emparent alors du secteur du recyclage.</p> <p>Les multinationales préfèrent d’ailleurs les partenariats avec des start-up technologiques qui offrent des services à «valeur ajoutée» tels que des indicateurs et des tableaux de bord environnementaux, permettant aux entreprises de mettre en scène leur propre récit sur le développement durable. Souvent issus de milieux éduqués et privilégiés, les employés de ces firmes <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S001671852300057X">concurrencent les travailleurs informels existants, les subordonnant au passage</a>.</p> <p>A l’inverse, les femmes et les membres des minorités ethno-raciales et religieuses, qui constituent la majorité des travailleurs des économies informelles des déchets, sont confrontés à des obstacles supplémentaires. Notamment des <a href="https://mouvements.info/recuperateurs-de-dechets/">stigmates sociaux bien ancrés</a> qui limitent leur capacité à participer sur un pied d’égalité à ces marchés émergents. Ils restent toujours relégués aux mêmes tâches manuelles et difficiles, même si leurs conditions de travail en ressortent légèrement améliorées.</p> <h3>L’industrie du plastique maintient le <em>statu quo</em></h3> <p>Malgré les bonnes intentions de départ, des termes tels que «économie circulaire inclusive» sont donc trop souvent utilisés à des fins de <em>green washing</em> et même de <em>justice washing</em>, tandis que les travailleurs continuent à endurer des conditions difficiles. Une étude de <a href="https://www.circle-economy.com/resources/decent-work-in-the-circular-economy">Circle Economy</a> souligne que la plupart des emplois du secteur de l’économie circulaire restent ad-hoc et informels et ne bénéficient pas des garanties d’un emploi décent.</p> <p>En fin de compte, les travailleurs informels sont confrontés à un choix difficile: soit ils acceptent d’être exploités au sein des circuits de traitements des déchets en tant que simples ressources, soit ils risquent de perdre complètement leurs moyens de subsistance.</p> <p>Les systèmes actuels de production et de consommation du plastique déplacent donc la charge des déchets sur des communautés autochtones ou ethniques marginalisées, créant ainsi des <a href="https://www.dukeupress.edu/pollution-is-colonialism">zones sacrifiées</a>. Ce déplacement permet de maintenir la rentabilité, tout en perpétuant les atteintes à l’environnement et les inégalités sociales.</p> <p>En promouvant des technologies de <a href="https://www.bbc.com/afrique/monde-57087908">recyclage chimique</a> non éprouvées et en étendant les marchés du plastique, les entreprises <a href="https://theconversation.com/comment-lindustrie-fossile-influence-les-negociations-mondiales-sur-le-plastique-222112">pétrochimiques</a> et de matières plastiques <a href="https://direct.mit.edu/glep/article/21/2/121/97367/Future-Proofing-Capitalism-The-Paradox-of-the">s’approprient le langage de l’économie circulaire</a>. Cela leur permet de donner un vernis écologique à leurs propositions, tout en maintenant le <em>statu quo</em> sur les inégalités.</p> <p>Pendant ce temps, la HAC, plusieurs ONG et même certains ramasseurs de déchets invoquent également l’économie circulaire comme solution à la crise du plastique, en mettant l’accent sur le réemploi et le recyclage inclusif.</p> <h3>Demander des comptes aux pollueurs plutôt que compter sur l’efficacité du marché</h3> <p>Pour que l’économie circulaire aille au-delà de la simple protection du capitalisme fossile, elle doit prendre en compte les collecteurs de déchets et recycleurs informels dans le Sud et reconnaître les limites des mécanismes basés sur le marché. C’est vrai aussi bien pour le traité international sur la pollution plastique que pour d’autres démarches régionales comme le <a href="https://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/ATAG/2021/679066/EPRS_ATA(2021)679066_FR.pdf">plan d’action de l’UE pour l’économie circulaire</a>.</p> <p>En effet, toute stratégie de lutte contre la pollution plastique basée sur le marché et axée sur le profit est susceptible de reproduire ces schémas d’inégalité. Et par la même occasion, de pérenniser les injustices systémiques qui soutiennent le statu quo. Pour une transition vraiment juste, la lutte contre la pollution plastique ne doit donc pas devenir une opportunité de croissance économique ou de profit.</p> <p>Au contraire, nous avons besoin d’une approche centrée sur la réparation. Il faut d’abord, pour cela, reconnaître les contributions historiques des collecteurs informels du plastique ainsi que les préjudices qu’ils subissent. Puis redistribuer les ressources aux personnes les plus touchées et créer des systèmes qui donnent la priorité à la restauration de l’environnement et à la justice sociale plutôt qu’au profit des entreprises.</p> <p>Une économie circulaire bien financée devrait d’abord renforcer le pouvoir des travailleurs, puis améliorer les capacités des infrastructures et réduire la concentration de ces déchets en produits chimiques toxiques, plutôt que de s’appuyer sur des solutions basées sur le marché qui aggravent les inégalités.</p> <p>Les vraies solutions consistent à demander des comptes aux pollueurs et à adopter des approches circulaires fondées sur la sobriété et la réparation, et non sur l’efficacité du marché.<img src="https://counter.theconversation.com/content/244065/count.gif?distributor=republish-lightbox-basic" alt="The Conversation" width="1" height="1" /></p> <hr /> <h4><span><a href="https://theconversation.com/profiles/manisha-anantharaman-1526162">Manisha Anantharaman</a>, Assistant Professor, Center for the Sociology of Organisations, CNRS/Sciences Po, <em><a href="https://theconversation.com/institutions/sciences-po-2196">Sciences Po </a></em></span></h4> <h4>Cet article est republié à partir de <a href="https://theconversation.com">The Conversation</a> sous licence Creative Commons. Lire l’<a href="https://theconversation.com/les-ramasseurs-de-dechets-grands-perdants-du-recit-dominant-sur-la-pollution-plastique-244065">article original</a>.</h4> </div>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'les-ramasseurs-de-dechets-grands-perdants-du-recit-dominant-sur-la-pollution-plastique', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 49, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 5, 'person_id' => (int) 85, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'comments' => [[maximum depth reached]], 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Posts' }, (int) 3 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 5283, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => true, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => null, 'readed' => null, 'subhead' => null, 'title' => 'Les Etats-Unis financent un collectif international de journalistes', 'subtitle' => 'Si le réseau Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP) a révélé des avoirs russes cachés ou la corruption au Venezuela, le Delaware, paradis de l'évasion fiscale, reste pour lui un tabou. «Notre politique veut que nous ne fassions pas de rapports sur un pays avec son propre argent», a déclaré Drew Sullivan, son cofondateur.', 'subtitle_edition' => 'Si le réseau Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP) a révélé des avoirs russes cachés ou la corruption au Venezuela, le Delaware, paradis de l'évasion fiscale, reste pour lui un tabou. «Notre politique veut que nous ne fassions pas de rapports sur un pays avec son propre argent», a déclaré Drew Sullivan, son cofondateur.', 'content' => '<p style="text-align: center;"><strong>Urs P. 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De plus, l'agence gouvernementale américaine interdit d'utiliser son argent pour mettre au jour la corruption aux Etats-Unis.</p> <p>Certaines subventions étaient même affectées à un but précis: le Department of State, par exemple, a versé 173 000 dollars à l'OCCRP pour «détecter et combattre la corruption au Venezuela». Ou l'<a href="https://www.usaid.gov/">Agence pour le développement international (USAID)</a> a versé plus de deux millions de dollars dans le but de «mettre au jour la criminalité et la corruption à Malte et à Chypre».</p> <p>Le journal en ligne français indépendant <a href="https://www.mediapart.fr/en/journal/international/021224/hidden-links-between-giant-investigative-journalism-and-us-government">« Mediapart »</a> en a parlé le 2 décembre 2024 <a href="https://www.mediapart.fr/en/journal/international/021224/hidden-links-between-giant-investigative-journalism-and-us-government">.</a></p> <p>Le fondateur de l'OCCRP est un ancien employé <a href="https://www.rockwellautomation.com/de-ch.html">de Rockwell</a> devenu journaliste: <a href="https://www.occrp.org/en/staff/drew-sullivan">Drew Sullivan</a>. L'OCCRP a été créé à l'instigation de fonctionnaires du gouvernement américain. Selon Mediapart, Sullivan a reçu pour cela, en 2008, un financement de départ de 1,7 million de dollars du <a href="https://www.state.gov/bureaus-offices/under-secretary-for-civilian-security-democracy-and-human-rights/bureau-of-international-narcotics-and-law-enforcement-affairs/">Bureau of International Narcotics and Law Enforcement Affairs</a>(INL). Il s'agit d'une agence d'application de la loi du Département d'Etat américain.</p> <p>L'OCCRP s'appuie souvent sur des documents divulgués provenant de sources non identifiées. La qualité des recherches et des révélations de l'OCCRP n'est pas mise en doute. L'orientation unilatérale des recherches et le manque de transparence des informations sur le financement donnent lieu à des critiques.</p> <p>L'ampleur des liens personnels et financiers de l'OCCRP avec le gouvernement américain va à l'encontre de «tous les principes de l'éthique journalistique». C'est ce qu'a déclaré Leonard Novy, directeur de l'Institut allemand des médias et de la politique de communication, à la chaîne NDR. Cela laisse supposer que les journalistes peuvent être utilisés ou instrumentalisés à des fins politiques.</p> <p>Sullivan et l'OCCRP ont également laissé les médias partenaires et leurs lecteurs dans l'ignorance de leur proximité avec le gouvernement américain. Selon Leonard Novy, l'organisation a ainsi dépassé les limites.</p> <h3><strong>Sullivan n'a pas voulu parler clairement aujourd'hui encore</strong></h3> <p>Sullivan a d'abord affirmé à la chaîne NDR que l'OCCRP avait «un groupe de donateurs largement répandu», parmi lesquels «aucun donateur individuel ne domine». Il a ajouté que «le gouvernement américain [...] est l'un des plus grands donateurs, mais ce n'est pas un pourcentage énorme». 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[...] Je suis très reconnaissant au gouvernement américain.»</p> <p>Par écrit, Sullivan a renchéri: «Nous avons dû décider si nous voulions accepter de l'argent du gouvernement ou ne pas exister.» Sur le site web de l'OCCRP, les montants des sponsors ne sont pas indiqués.</p> <h3><strong>Conditions posées</strong></h3> <p>Sullivan a confirmé à la NDR le pouvoir d'influence des autorités américaines: «Dans le cadre d'accords de coopération que nous n'aimons pas conclure, ils ont un droit de regard sur le choix des personnes [...] Ils peuvent mettre leur veto sur quelqu'un [...] Ils n'ont jamais mis leur veto sur quelqu'un.»</p> <p>L'OCCRP ne peut pas enquêter sur des affaires américaines avec l'argent fourni par Washington. «Notre politique veut que nous ne fassions pas de rapports sur un pays avec son propre argent», a déclaré Sullivan à la NDR. «Je pense que le gouvernement américain ne le permet pas. 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Des faits presque incroyables sur le travail de relations publiques du Pentagone.</p> <p><strong>20 avril 2008</strong> <a href="https://www.spiegel.de/kultur/gesellschaft/gekaufte-meinung-pentagon-beschaeftigt-pr-armee-fuer-us-tv-a-548519.html">Le Pentagone emploie une armée de RP pour la télévision américaine</a>. 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Un article original paru dans le Courrier d’Europe centrale, de Gwendal Piégais, Doctorant en histoire à l’Université de Bretagne occidentale, spécialisé en histoire militaire, Première Guerre mondiale, Europe Centrale, Russie impériale et soviétique.
Le 13 octobre 1918, une forte agitation règne au quartier général du commandant des armées alliées d’Orient, le français Louis Franchet d’Espèrey. Depuis près d’un mois, une offensive d’envergure est lancée contre les armées des Empires centraux dans les Balkans. Le 15 septembre, une coalition regroupant des soldats français de métropole et des colonies, mais aussi des Britanniques, des Serbes, des Grecs et des Italiens brise la ligne ennemie tenue par les Bulgares, rendant possible une percée et une exploitation de plusieurs dizaines puis centaines de kilomètres. L’avancée alliée est si rapide que les états-majors à Paris et Londres ont eux-mêmes du mal à suivre.
Louis Franchet d’Espèrey
Mais alors que le général Franchet d’Espèrey vient d’adresser à Paris un plan d’offensive visant à pousser l’avantage encore plus au nord, vers la Bohème et par extension l’Empire allemand, le général Berthelot, ancien chef de la Mission militaire française en Roumanie, arrive à Salonique pour lui remettre personnellement les directives de Georges Clemenceau, président du conseil et ministre de la Guerre. Clemenceau intime à Franchet de refréner sa poussée, de stabiliser une ligne de défense et de réorienter ses efforts au nord-Est, vers la Roumanie et au-delà vers la Russie du Sud, l’actuelle Ukraine. Selon ce plan, les armées alliées d’Orient doivent, dans un premier temps libérer la Serbie, encore occupée par les Empires centraux, prendre le contrôle du territoire bulgare, puis atteindre le Danube pour y constituer un front défensif; à la suite de cela il doit rouvrir les communications avec la Russie par la Mer Noire pour préparer une action commune contre les Bolcheviques.
Pour Clemenceau, ce qui se joue désormais sur le front d’Orient c’est la possible mise en échec de la révolution russe, à tout le moins sa mise à distance de la Russie du Sud où la France souhaite sécuriser des intérêts économiques et géopolitiques. Paris a grandement investi dans l’économie et les infrastructures de l’Empire russe avant et pendant la Grande Guerre et entend sécuriser ses investissements tout en gagnant une zone d’influence économique (bassin du Don, Crimée, ports de la Mer Noire, etc.). Ce n’est d’ailleurs pas un cas unique puisque la Grande-Bretagne intervient dès décembre 1917 dans le Caucase, avec la Dunsterforce. La priorité française est donc désormais de soutenir l’armée du général Alexeieff, qui s’oppose aux forces bolcheviques et se trouve en difficulté.
Mais à l’automne 1918, la situation est déjà plus que confuse dans le sud de la Russie. En effet, en novembre, les Empires centraux s’effondrent dans le sillage de l’armistice de Salonique, obtenu par Franchet d’Espèrey. Sur les anciennes terres impériales d’Autriche-Hongrie, des républiques ukrainiennes fleurissent déjà du Dniestr jusqu’au Don, des Carpates au Donets: une petite république des Lemkos, sise à Florynka, surgit puis est annexée par la Pologne après deux mois d’existence, la République houtsoule est fondée à Yasinia par des Ukrainiens du Royaume de Hongrie, une République populaire d’Ukraine occidentale s’établit à Lviv tandis que la République populaire ukrainienne est dirigée par Petlioura à Kiev dès décembre 1918. À cette mosaïque déjà fortement bigarrée vient s’ajouter un gouvernement bolchevique basé à Kharkov.
Carte des différentes républiques ukrainiennes qui naissent dans le sillage de la Première Guerre mondiale. © Conception: Gwendal Piégais et Ludovic Lepeltier-Kutasi – Réalisation: Ludovic Lepeltier-Kutasi
C’est le sort des armes qui décide bien vite de l’avenir de ces états à l’existence bien souvent éphémère. Plusieurs forces s’affrontent sur ces terres tant convoitées: celles des modestes républiques des anciennes possessions des Habsbourg, Petlioura et son Armée Populaire Ukrainienne tandis que les armées tchécoslovaque, polonaise et roumaine sont à portée de canon, que les troupes de partisans de l’anarchiste Nestor Makhno harcèlent les forces blanches et que deux armées bolcheviques (de Hongrie et de Russie) tentent de faire la jonction. Ainsi, à l’Ouest, l’armée ukrainienne arrête une offensive polonaise. Les forces blanches, appelées Armée des Volontaires, reprennent Novorosiisk, Kouban et Stavropol et marchent sur Kiev. De plus, Petlioura doit affronter Makhno, un seigneur de la guerre communiste, dans la campagne ukrainienne.
Odessa en 1918 © DR
C’est dans ce contexte extrêmement confus que la décision d’intervenir en Russie du Sud, plus précisément à Odessa et en Crimée, est prise à Paris. Elle a pour premiers objectifs de restaurer l’ordre, de contrôler le retrait allemand, de renforcer l’armée des Volontaires et de tenter d’unir les forces anti-bolcheviques présentes en Russie du Sud. Il s’agira ensuite de «réaliser l’encerclement économique du bolchevisme et [d’] en provoquer la chute,» des mots mêmes de Clemenceau. Ces forces anti-bolcheviques, qu’elles soient politiques ou militaires, tiennent une conférence à Iași (ou Yassi, dans la documentation diplomatique française) en Roumanie en décembre 1918, siège des légations alliées depuis la fin 1916.
Le général Denikine est désigné pour prendre la tête des forces blanches et anti-bolcheviques. Les délégués reprennent espoir en la possibilité d’une restauration de l’État impérial russe et se voient déjà siéger parmi les signataires des traités de paix et du côté des vainqueurs. Mais deux malentendus apparaissent déjà. Tout d’abord, aucun consensus n’est trouvé sur le projet politique que sous-tend une intervention militaire en Russie du Sud, c’est-à-dire sur la forme que l’état russe prendrait après une victoire contre les Bolcheviks. Ensuite, Émile Henno, un diplomate français en mission spéciale en Roumanie, initiateur de la conférence de Iași et un de ses principaux animateurs, agit de sa propre initiative sans rendre de compte à Paris. Son trop grand enthousiasme et son esprit aventurier laissent entendre aux représentants politiques et militaires russes que les alliés, et particulièrement la France, sont prêts à lancer une opération de grande envergure en Russie. Or, on est loin du compte.
Les forces françaises capables de se projeter en Russie du Sud sont celles de l’armée d’Orient, commandées par Franchet d’Espèrey, à qui Clemenceau confie la mission d’organiser une telle expédition. Les soldats de cette armée sortent d’une campagne longue, de dix-huit à même vingt-quatre mois de combats pour certains. Et les dernières semaines d’avancée – certes victorieuse – ont largement achevé d’épuiser les troupes. De plus, la perspective d’intervenir en Russie ne fait pas sens pour ces soldats qui viennent d’apprendre la signature de l’Armistice et attendent la démobilisation avec impatience. Par ailleurs, des pans entiers de cette armée ont déjà reçu l’ordre de faire route vers le front Ouest, alors que l’Allemagne n’avait pas encore déposé les armes. Ainsi, de novembre 1918 à l’été 1919, ce sont des troupes coloniales qui remplacent peu à peu les soldats métropolitains démobilisés sur des positions que la France ne peut immédiatement dégarnir.
Défilé de l’artillerie française, Odessa, décembre 1918. © coll. La Contemporaine.
Des signaux contradictoires vont venir complexifier cet écheveau de malentendus lorsque le général Berthelot, acceptant avec enthousiasme la tâche de planifier cette expédition, fait savoir aux représentants des Volontaires que douze divisions alliées seraient nécessaires et disponibles pour cette intervention. Grisé par ce qu’il prend pour des promesses de Paris, Denikine prépare un plan d’attaque impliquant dix-huit divisions alliées et russes (!) et envisage la mobilisation possible de 500'000 soldats russes dans la dynamique de cette offensive.
Les navires français appareillent de Roumanie malgré les mises en garde de Franchet d’Espèrey, qui trouve que cette opération et l’occupation qui en découlerait «en Ukraine et en Russie seraient mal vues et risqueraient d’amener des incidents pénibles» et seraient d’autant plus risquées qu’elles ne mobiliseraient pas suffisamment d’hommes. Malgré ces mises en garde, les forces françaises gagnent les rivages d’Ukraine dès le 17 décembre et le général Berthelot débarque à Odessa avec… 1800 hommes. Un autre convoi se dirige vers Sebastopol mais n’est pas mieux pourvu. L’objectif militaire est d’établir, dans l’arrière-pays d’Odessa, un arc Tiraspol-Nikolaïev-Kherson allant du Dniestr au Dniepr. Dans la mesure où les Allemands et les Autrichiens ont peiné à sécuriser le pays avec toutes leurs forces d’occupations, on voit mal comment le maigre contingent français pourrait y parvenir avec si peu de soldats.
Lors de leur débarquement, les Français découvrent un port isolé du reste du pays par la neige; ce qui empêche l’établissement de liaisons avec Kiev et les autres villes. Et les surprises sont nombreuses: le port est contrôlé par les volontaires de Denikine, mais la ville abrite également des troupes de Petlioura, 1600 Allemands, une brigade polonaise ainsi que 2000 Russes blancs commandés par le général Grichine-Almazov, proche de Henno. De plus Odessa fait face à des forts afflux de réfugiés: des Roumains ayant quitté Bucarest au début de l’occupation allemande, ainsi que des Russes ayant fui successivement Petrograd, Moscou puis Kiev avant d’atteindre les rivages de la Mer Noire. La population de la ville doit avoisiner les 800’000 personnes, alors qu’elle n’en comptait que 500’000 en 1910.
Tensions, revers et évacuations
Après avoir pris position à Odessa, Nikolaïev, Kherson et en Crimée, des problèmes surgissent dès les premières semaines d’occupation. Tout d’abord, le général Berthelot est mal vu par les officiers et généraux des Volontaires russes, car, en plus de ne pas débarquer avec les effectifs nécessaires, il a la réputation – non usurpée – d’être proche des Roumains. Les politiciens et militaires russes voient d’un très mauvais œil les projets d’agrandissement de la Roumanie au détriment de l’Empire russe qu’ils rêvent de restaurer. Ensuite, les Volontaires comptent beaucoup sur l’appui politique et diplomatique d’Émile Henno, nommé gérant du vice-consulat de France à Kiev. Mais on finit par se méfier de cet homme qui se présente à tous comme rien de moins que le «consul de France plénipotentiaire et le porte-parole de l’Entente». Les initiatives de cet aventurier diplomate finissent par mettre définitivement les troupes françaises dans l’embarras puisqu’il soutient la nomination du général russe Grichine-Almazov, un ultra-conservateur au poste de gouverneur de la ville. Ce soutien apporté aux éléments réactionnaires et Grands-Russes achève de ruiner les espoirs d’union des forces anti-bolcheviques en Russie du Sud. Henno va même jusqu’à traiter les partisans de Petlioura, tout autant opposés aux bolcheviques que les Volontaires, de «suppôts de l’Allemagne.»
Du point de vue militaire, les Français sont frappés par la désorganisation des armées blanches dont les officiers semblent plus intéressés par le gouvernement du pays que par sa reconquête. Ces mêmes officiers restent très mal perçus par la population qui voit en eux des réactionnaires incapables de proposer politiquement autre chose qu’un retour au statu quo ante bellum. Les Français finissent par ne plus cacher leur dédain pour cette «parodie d’armée de Condé» (colonel Freydenberg) qui compte, par bataillon, plus d’officiers que de soldats. À titre d’exemple, le port d’Odessa est contrôlé et administré par sept amiraux russes! Mais déjà, les forces d’occupation française sont assimilées par la population aux Blancs ultra-réactionnaires, auxquels même les éléments français les plus conservateurs se montrent hostiles. L’action funeste d’Émile Henno en la matière, sa collusion permanente avec les Volontaires, est déjà jugée très sévèrement en haut lieu et – fait rare – désapprouvée publiquement à la Chambre des députés par Stephen Pichon, le ministre français des Affaires étrangères.
À tout cela il faut évidemment ajouter que le climat à Odessa se tend à l’extrême: Makhno et Grigorieff, des seigneurs de la guerre locaux, sèment la terreur dans les campagnes environnantes. L’ordre ne règne que par la terreur policière. La spéculation sur les denrées de première nécessité va bon train, encouragée par les équipages de navires civils ravitaillant le port. L’afflux de réfugiés en provenance de Kiev ne se tarit pas et rien ne semble pouvoir refréner l’inflation. Quant aux troupes françaises, elles sont la cible d’une propagande bolchevique amplifiée par l’incompréhension des soldats vis-à-vis d’une opération dont ils ne saisissent pas le sens. Les troupes souhaitent retrouver leurs foyers.Jacques Sadoul, ancien membre de la Mission militaire française en Russie passé au camp de la révolution, qui orchestre cet effort de démoralisation, le sait très bien.
Les autorités militaires françaises reconnaissent elles-mêmes qu’aucun soldat français ayant survécu à Verdun et à la Marne ne souhaiterait la perde dans les plaines d’Ukraine.
L’arrivée de nouveaux renforts motivés (des troupes grecques et des bataillons mêlant tchécoslovaques, roumains et polonais) pendant l’hiver n’y fait rien: Berthelot se plaint à Paris qu’on ne passe même pas la barre des 3 000 hommes. Le 2 février, des mutineries éclatent au sein du 58e régiment d’infanterie qui refuse d’attaquer à Tiraspol. Des troubles similaires surviennent à Kherson en mars et permettent une avancée de Grigoriev qui a changé d’allégeance et est passé chez les Bolcheviks. La propagande en provenance de Kiev à destination des troupes françaises s’intensifie et les autorités locales la combattent avec plus ou moins d’efficacité. Ainsi, le 2 mars, la police d’Odessa, aux mains des Blancs, arrête et exécute une militante communiste française, Jeanne Labourbe, auteur du bulletin Le Communiste rédigé en français et distribué en ville.
Grigoriev, qui renouvelle ses assauts dès mars sur Kherson, rompt les lignes franco-grecques le 7, coupant ainsi la ville de ses communications avec Nikolaïev. Les soldats français sont pris à parti par la population qui fait feu sur l’occupant depuis les toits ou les fenêtres. Des renforts arrivent le 8 mais refusent de se battre. Les Bolcheviques ont alors déjà pris les docks et encerclé les troupes franco-grecques. Il faut l’intervention de la flotte française qui bombarde la ville pour que des soldats grecs puissent débarquer dans le port, libérer les hommes encerclés et aussitôt rembarquer, abandonnant la ville à Grigoriev.
Le vice-amiral Exelmans et le colonel Lejay, à Nikolaïev, ne prendront pas autant de peine à résister, craignant un soulèvement populaire et une déroute d’une plus grande ampleur: ils négocient directement avec l’ennemi et parviennent à organiser un rembarquement en bon ordre des troupes du 14 au 16 mars. À cette date, les états-majors français n’envisagent pas autre chose que l’évacuation pure et simple de la Russie du Sud, alors que Bela Kun proclame sa République des Conseils en Hongrie, et que l’armée d’Orient doit y porter toutes ses forces. Le 1er avril, le général d’Anselme annonce l’évacuation d’Odessa ordonnée par Franchet d’Espèrey. Pour certains civils réfugiés dans la ville portuaire, c’est la panique: 40 000 habitants s’entassent sur des navires français peinant à évacuer et qui quittent définitivement Odessa le 6 avril.
Mutineries et crise politique
Mais la révolution rattrape bientôt une intervention française déjà mal en point. C’est dans la marine qu’éclatent les premiers troubles. L’escadre française du vice-amiral Amet intervient en Mer Noire pour protéger l’aile droite des troupes alliées en Ukraine, et couvrir la Crimée et Sébastopol. L’escadre est composée des cuirassés France, Vergniaud, Jean Bart, et Justice. En plus d’un soutien d’artillerie de la mer au littoral, ils maintiennent un blocus sur le sud de la Russie.
Le cuirassé Mirabeau vu de l’arrière, Sébastopol. © coll. La Contemporaine.
Le 19 avril, des mutineries éclatent sur les navires français à Sébastopol: le drapeau rouge est hissé sur les cuirassés France et Jean Bart puis plus tard sur la Justice; d’autres incidents surviennent sur les Mirabeau, Vergniaud. Aucun acte de sabotage grave n’a cependant lieu. Les marins se révoltent principalement contre leurs conditions matérielles, les corvées, la rareté des permissions: les slogans «A Toulon!» expriment l’irrépressible désir du retour, mais croise également le mot d’ordre «Révolution», signe – comme pour le mécontentement dans l’armée – que la propagande bolchevique s’adosse une nouvelle fois à la précarité des conditions matérielles. La situation est inégalement contrôlée: si le navire amiral de l’escadre, le Jean Bart, est habilement tenu par le capitaine de vaisseau Couëdic, il n’en va pas de même sur le France – navire déjà en sous-effectifs et manquant de cadres en raison des démobilisations – où les mutins ont pris le dessus. À terre on assiste à des fraternisations entre marins français, civils de Sébastopol et bolcheviques. À la suite de manifestations, des officiers sont pris à parti et les soldats grecs ouvrent le feu pour disperser la foule. Russes blancs et soldats français prennent part à la mêlée qui fait un peu plus de cinquante blessés et tués.
Cette crise est nourrie par la contestation de la politique du gouvernement et de Clemenceau, contestation qui prend place dans la troupe comme en métropole, ce dont les mutins sont au fait. Les deux phénomènes se nourrissent et les soldats et marins français de Russie du Sud trouvent arguments et sens à leur révolte dans les interpellations de Marcel.
Cachin à la Chambre des députés. Cachin, qui est avec Frossard «l’importateur» du communisme en France et un des artisans de la scission de la SFIO qui donne naissance au parti communiste français quelques années plus tard, s’illustre pendant plusieurs séances en critiquant la politique étrangère du gouvernement. En effet, quelques jours plus tôt, le 24 mars, le parlementaire socialiste s’en prend vertement à Pichon au sujet de l’intervention en Russie du Sud.
«À l’heure actuelle, le Gouvernement français est en état de guerre contre la révolution russe. Il ne l’a jamais déclarée, il n’a jamais consulté le Parlement, et la nation sur l’état de guerre qu’en fait il a instauré. C’est là un fait grave sur lequel il a d’abord devoir de s’expliquer ici. Nous envoyons des troupes en Russie, nous dressons contre la révolution russe tous les peuples allogènes qui l’entourent. Nous fournissons aux contre-révolutionnaires des troupes, des armes et de l’argent. Nous sommes donc, en vérité, en état de guerre contre le gouvernement de fait de la Russie: mais jamais le gouvernement n’a demandé au Parlement de déclarer la guerre à la révolution russe. (Applaudissements à l’extrême gauche.) C’est là une violation manifeste de notre Constitution. Que peut nous répondre à cette question précise, le Gouvernement?»
Les soutiens de Cachin enchaînent alors sur de graves accusations: le gouvernement dissimulerait des dépêches et des informations à la Commission des Affaires extérieures de la Chambre. Et Cachin de surenchérir:
«À l’heure actuelle, cette armée bolchevique, renforcée de l’ensemble de tous les éléments paysans et ouvriers révolutionnaires de Russie, est très forte. Elle comprend plusieurs centaines de mille hommes. Vous pensiez vous appuyer, il y a quelques semaines encore sur certains éléments ukrainiens. Ils se sont effondrés et les troupes bolcheviques ont conquis l’Ukraine entière. Elles sont aujourd’hui sur les bords de la Mer Noire. Elles en seront demain, n’en doutez pas, les occupantes uniques. C’est qu’à l’heure présente l’armée bolchevique est forte moralement de l’idée qu’elle défend son sol contre l’invasion injustifiée dont vous avez été l’essentiel artisan, Monsieur Pichon. Elle est forte matériellement de l’appui de la Russie entière. Vous nous avez dit ici, il y a quelques mois, que votre politique trouvait en Russie des soutiens qui ne pouvaient manquer de la faire triompher à bref délai. J’ai le droit de dire qu’aujourd’hui vous avez réalisé contre vous l’unanimité du peuple russe.»
Les interpellations fusent et Cachin tente de mettre le gouvernement au pied du mur: «Aidez-vous Denikine, oui ou non? Si oui, vous aidez une tentative contre-révolutionnaire. Aidez-vous Koltchak, oui ou non? Si oui, vous aidez une tentative contre-révolutionnaire.» Et bien plus que de souligner le caractère éminemment politique d’une telle intervention, Cachin se scandalise du nouvel effort de guerre dissimulé demandé aux soldats français:
«On a commencé, dans de nombreux régiments, par offrir à chacun des petits soldats de la liberté une pièce de cent sous pas jour et 10 francs aux sous-officiers, pour aller en Orient; au reste on prenait soin de ne pas leur indiquer le but précis de l’engagement qu’on sollicitait d’eux… Or, malgré l’appât misérable de vos cent sous, malgré l’offre des quelques centaines de francs que vous leur proposiez comme prime, vous n’avez pas trouvé de volontaires. Je le dis ici hautement, c’est l’honneur de ce pays. (Vifs applaudissements à l’extrême gauche et sur quelques bancs à gauche.) Du haut de cette tribune, pour qu’ils l’entendent bien, nous demandons à tous les soldats du France de ne pas s’engager dans l’armée contre-révolutionnaire que veulent recruter M. Pichon et son Gouvernement. (Nouveaux applaudissements sur les mêmes bancs.) Mais n’ayant pas trouvé de volontaires, vous allez maintenant recruter de force les petits soldats…»
L’intervention à l’Est n’est plus une simple question technique ou strictement militaire dont on pourrait tirer quelque avantages économiques. Elle ne peut plus être présentée une simple relève des troupes allemandes sur les marges de l’Est en accord avec les conventions de l’armistice ou relative aux modalités de l’aide à apporter aux Volontaires, mais est avant tout une affaire politique. En substance l’intervention de Cachin, soutenue à l’extrême gauche et approuvée par une partie de la gauche, montre bien l’impossible renouvellement d’un effort guerrier à l’Est.
Ces échanges houleux qui durent jusqu’au 29 mars, ou tout du moins des morceaux choisis de la harangue de Cachin, transitent par la presse syndicale et d’extrême gauche qui irrigue les rangs de la marine, composés de nombreux éléments ouvriers en contact avec les organisations syndicales et pacifistes de France. La grogne gagne également les navires au large d’Odessa, en dépit de l’ordre d’évacuation, notamment à bord du Waldeck-Rousseau, à la fin avril. Dans le cas de Sébastopol, comme dans celui d’Odessa, les éléments les plus radicaux tentent de persuader la majorité des mutins qu’il faut aller plus loin que demander plus qu’une fin de l’intervention; certains parlent même de livrer des navires aux Bolcheviques. Mais c’est la promesse du retour dans les rades françaises qui l’emporte et ramène le calme. Ainsi dès le 22 avril, les marins reprennent leur poste, les éléments radicaux n’ont plus prise et le 23, le France et le Jean Bart appareillent pour la France. Dans le sillage de ces départs, le 28 et le 29 avril, Sébastopol est évacuée, conformément aux décisions prises avant le déclenchement des mutineries et les Volontaires de Denikine sont laissés à leur sort.
Carte des opérations © Conception: Gwendal Piégais et Ludovic Lepeltier-Kutasi – Réalisation: Ludovic Lepeltier-Kutasi
L’agitation des mutineries d’Odessa et Sébastopol ne reste pas confinée à la Mer Noire. Une seconde série de mutineries éclate à l’été 1919 mais elles touchent cette fois le cuirassé Diderot et le croiseur cuirassé Guichen qui mouillent dans le golf de Patras. Elle s’étend ensuite aux arsenaux français, faisant craindre le pire aux autorités: Toulon, Bizerte, Lorient, Brest et Cherbourg sont secoués par la contestation. À Toulon, un important mouvement parti du cuirassé Provence réclame la levée des sanctions qui se sont abattues sur les mutins. Les autorités parviennent à contenir le mécontentement en améliorant les conditions matérielles des hommes servant sur les navires ou dans les arsenaux. Même si on s’était engagé à ne pas punir les mutins de la Mer Noire ou à faire preuve de clémence, la justice militaire prononce plusieurs condamnations: une centaine de marins sont dégradés, condamnés en conseil de guerre, dont certains à la peine de mort. Celle-ci est systématiquement commuée en vingt années de prison ou en travaux forcés. Aucun mutin n’est fusillé, et tous sont amnistiés en 1922.
La crise déclenchée par l’intervention française en Russie du Sud et en Crimée révèle qu’en dépit des tensions et des conflits qui se poursuivent à l’Est, la guerre est bel et bien terminée dans l’esprit des soldats mobilisés sous les drapeaux depuis 1914. Si dans les confins orientaux de l’Europe, la paix semble un horizon lointain pour ne pas dire hors de portée, la poursuite de la guerre pour les puissances comme la France est impossible. La déroute française est principalement due à l’insuffisance des effectifs engagés dans l’opération, mais tout autant à l’état de fatigue et de lassitude extrême dans lequel ces hommes se trouvent.
De plus, l’opération ne fait pas sens, alors qu’on sait les armistices signés sur tous les fronts. La guerre demeurant un prolongement de la politique par d’autres moyens, cette opération armée sur un sol étranger souffre justement d’emblée d’un manque de légitimité politique. La toile de fond de la seconde vague de mutineries qui touchent les arsenaux français est d’ailleurs constituée par ce climat social extrêmement tendu que doit gérer Clemenceau en 1919. La crise est donc à la fois politique, militaire, mais également géopolitique puisqu’elle pose la question de la place de la France dans le nouvel ordre européen qui se dessine. L’» intervention de Marcel Cachin ne porte d’ailleurs pas que sur l’Ukraine puisqu’il évoque également l’implication de la France en Pologne, en Bohème, dans la Baltique… tant de lieux où Paris cherche à réinventer son rôle.
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Le 15 septembre, une coalition regroupant des soldats français de métropole et des colonies, mais aussi des Britanniques, des Serbes, des Grecs et des Italiens brise la ligne ennemie tenue par les Bulgares, rendant possible une percée et une exploitation de plusieurs dizaines puis centaines de kilomètres. L’avancée alliée est si rapide que les états-majors à Paris et Londres ont eux-mêmes du mal à suivre.</p><h4><img class="img-responsive " src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1546928556_ob_deb052_franchetdespereylouis.jpg">Louis Franchet d’Espèrey</h4><p>Mais alors que le général Franchet d’Espèrey vient d’adresser à Paris un plan d’offensive visant à pousser l’avantage encore plus au nord, vers la Bohème et par extension l’Empire allemand, le général Berthelot, ancien chef de la Mission militaire française en Roumanie, arrive à Salonique pour lui remettre personnellement les directives de Georges Clemenceau, président du conseil et ministre de la Guerre. Clemenceau intime à Franchet de refréner sa poussée, de stabiliser une ligne de défense et de réorienter ses efforts au nord-Est, vers la Roumanie et au-delà vers la Russie du Sud, l’actuelle Ukraine. Selon ce plan, les armées alliées d’Orient doivent, dans un premier temps libérer la Serbie, encore occupée par les Empires centraux, prendre le contrôle du territoire bulgare, puis atteindre le Danube pour y constituer un front défensif; à la suite de cela il doit rouvrir les communications avec la Russie par la Mer Noire pour préparer une action commune contre les Bolcheviques.</p><p>Pour Clemenceau, ce qui se joue désormais sur le front d’Orient c’est la possible mise en échec de la révolution russe, à tout le moins sa mise à distance de la Russie du Sud où la France souhaite sécuriser des intérêts économiques et géopolitiques. Paris a grandement investi dans l’économie et les infrastructures de l’Empire russe avant et pendant la Grande Guerre et entend sécuriser ses investissements tout en gagnant une zone d’influence économique (bassin du Don, Crimée, ports de la Mer Noire, etc.). Ce n’est d’ailleurs pas un cas unique puisque la Grande-Bretagne intervient dès décembre 1917 dans le Caucase, avec la Dunsterforce. La priorité française est donc désormais de soutenir l’armée du général Alexeieff, qui s’oppose aux forces bolcheviques et se trouve en difficulté.</p><p>Mais à l’automne 1918, la situation est déjà plus que confuse dans le sud de la Russie. En effet, en novembre, les Empires centraux s’effondrent dans le sillage de l’armistice de Salonique, obtenu par Franchet d’Espèrey. Sur les anciennes terres impériales d’Autriche-Hongrie, des républiques ukrainiennes fleurissent déjà du Dniestr jusqu’au Don, des Carpates au Donets: une petite république des Lemkos, sise à Florynka, surgit puis est annexée par la Pologne après deux mois d’existence, la République houtsoule est fondée à Yasinia par des Ukrainiens du Royaume de Hongrie, une République populaire d’Ukraine occidentale s’établit à Lviv tandis que la République populaire ukrainienne est dirigée par Petlioura à Kiev dès décembre 1918. À cette mosaïque déjà fortement bigarrée vient s’ajouter un gouvernement bolchevique basé à Kharkov.</p><h4><strong><img class="img-responsive " src="https://bonpourlatete.comhttps://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1546928503_cartegwendal021.jpg"></strong>Carte des différentes républiques ukrainiennes qui naissent dans le sillage de la Première Guerre mondiale. © Conception: Gwendal Piégais et Ludovic Lepeltier-Kutasi – Réalisation: Ludovic Lepeltier-Kutasi</h4><p>C’est le sort des armes qui décide bien vite de l’avenir de ces états à l’existence bien souvent éphémère. Plusieurs forces s’affrontent sur ces terres tant convoitées: celles des modestes républiques des anciennes possessions des Habsbourg, Petlioura et son Armée Populaire Ukrainienne tandis que les armées tchécoslovaque, polonaise et roumaine sont à portée de canon, que les troupes de partisans de l’anarchiste Nestor Makhno harcèlent les forces blanches et que deux armées bolcheviques (de Hongrie et de Russie) tentent de faire la jonction. Ainsi, à l’Ouest, l’armée ukrainienne arrête une offensive polonaise. Les forces blanches, appelées Armée des Volontaires, reprennent Novorosiisk, Kouban et Stavropol et marchent sur Kiev. De plus, Petlioura doit affronter Makhno, un seigneur de la guerre communiste, dans la campagne ukrainienne.</p><h4><img class="img-responsive img-center " src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1546928587_odessa1918.jpg">Odessa en 1918 © DR<br></h4><p>C’est dans ce contexte extrêmement confus que la décision d’intervenir en Russie du Sud, plus précisément à Odessa et en Crimée, est prise à Paris. Elle a pour premiers objectifs de restaurer l’ordre, de contrôler le retrait allemand, de renforcer l’armée des Volontaires et de tenter d’unir les forces anti-bolcheviques présentes en Russie du Sud. Il s’agira ensuite de «réaliser l’encerclement économique du bolchevisme et [d’] en provoquer la chute,» des mots mêmes de Clemenceau. Ces forces anti-bolcheviques, qu’elles soient politiques ou militaires, tiennent une conférence à Iași (ou Yassi, dans la documentation diplomatique française) en Roumanie en décembre 1918, siège des légations alliées depuis la fin 1916.</p><p>Le général Denikine est désigné pour prendre la tête des forces blanches et anti-bolcheviques. Les délégués reprennent espoir en la possibilité d’une restauration de l’État impérial russe et se voient déjà siéger parmi les signataires des traités de paix et du côté des vainqueurs. Mais deux malentendus apparaissent déjà. Tout d’abord, aucun consensus n’est trouvé sur le projet politique que sous-tend une intervention militaire en Russie du Sud, c’est-à-dire sur la forme que l’état russe prendrait après une victoire contre les Bolcheviks. Ensuite, Émile Henno, un diplomate français en mission spéciale en Roumanie, initiateur de la conférence de Iași et un de ses principaux animateurs, agit de sa propre initiative sans rendre de compte à Paris. Son trop grand enthousiasme et son esprit aventurier laissent entendre aux représentants politiques et militaires russes que les alliés, et particulièrement la France, sont prêts à lancer une opération de grande envergure en Russie. Or, on est loin du compte.</p><p>Les forces françaises capables de se projeter en Russie du Sud sont celles de l’armée d’Orient, commandées par Franchet d’Espèrey, à qui Clemenceau confie la mission d’organiser une telle expédition. Les soldats de cette armée sortent d’une campagne longue, de dix-huit à même vingt-quatre mois de combats pour certains. Et les dernières semaines d’avancée – certes victorieuse – ont largement achevé d’épuiser les troupes. De plus, la perspective d’intervenir en Russie ne fait pas sens pour ces soldats qui viennent d’apprendre la signature de l’Armistice et attendent la démobilisation avec impatience. Par ailleurs, des pans entiers de cette armée ont déjà reçu l’ordre de faire route vers le front Ouest, alors que l’Allemagne n’avait pas encore déposé les armes. Ainsi, de novembre 1918 à l’été 1919, ce sont des troupes coloniales qui remplacent peu à peu les soldats métropolitains démobilisés sur des positions que la France ne peut immédiatement dégarnir.</p><h4><img class="img-responsive img-center " src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1546928661_bdic_val_tir_01_0119_r.jpg">Défilé de l’artillerie française, Odessa, décembre 1918. © coll. La Contemporaine.</h4><br><p>Des signaux contradictoires vont venir complexifier cet écheveau de malentendus lorsque le général Berthelot, acceptant avec enthousiasme la tâche de planifier cette expédition, fait savoir aux représentants des Volontaires que douze divisions alliées seraient nécessaires et disponibles pour cette intervention. Grisé par ce qu’il prend pour des promesses de Paris, Denikine prépare un plan d’attaque impliquant dix-huit divisions alliées et russes (!) et envisage la mobilisation possible de 500'000 soldats russes dans la dynamique de cette offensive.</p><p>Les navires français appareillent de Roumanie malgré les mises en garde de Franchet d’Espèrey, qui trouve que cette opération et l’occupation qui en découlerait «en Ukraine et en Russie seraient mal vues et risqueraient d’amener des incidents pénibles» et seraient d’autant plus risquées qu’elles ne mobiliseraient pas suffisamment d’hommes. Malgré ces mises en garde, les forces françaises gagnent les rivages d’Ukraine dès le 17 décembre et le général Berthelot débarque à Odessa avec… 1800 hommes. Un autre convoi se dirige vers Sebastopol mais n’est pas mieux pourvu. L’objectif militaire est d’établir, dans l’arrière-pays d’Odessa, un arc Tiraspol-Nikolaïev-Kherson allant du Dniestr au Dniepr. Dans la mesure où les Allemands et les Autrichiens ont peiné à sécuriser le pays avec toutes leurs forces d’occupations, on voit mal comment le maigre contingent français pourrait y parvenir avec si peu de soldats.</p><p>Lors de leur débarquement, les Français découvrent un port isolé du reste du pays par la neige; ce qui empêche l’établissement de liaisons avec Kiev et les autres villes. Et les surprises sont nombreuses: le port est contrôlé par les volontaires de Denikine, mais la ville abrite également des troupes de Petlioura, 1600 Allemands, une brigade polonaise ainsi que 2000 Russes blancs commandés par le général Grichine-Almazov, proche de Henno. De plus Odessa fait face à des forts afflux de réfugiés: des Roumains ayant quitté Bucarest au début de l’occupation allemande, ainsi que des Russes ayant fui successivement Petrograd, Moscou puis Kiev avant d’atteindre les rivages de la Mer Noire. La population de la ville doit avoisiner les 800’000 personnes, alors qu’elle n’en comptait que 500’000 en 1910.</p><h3>Tensions, revers et évacuations</h3><p>Après avoir pris position à Odessa, Nikolaïev, Kherson et en Crimée, des problèmes surgissent dès les premières semaines d’occupation. Tout d’abord, le général Berthelot est mal vu par les officiers et généraux des Volontaires russes, car, en plus de ne pas débarquer avec les effectifs nécessaires, il a la réputation – non usurpée – d’être proche des Roumains. Les politiciens et militaires russes voient d’un très mauvais œil les projets d’agrandissement de la Roumanie au détriment de l’Empire russe qu’ils rêvent de restaurer. Ensuite, les Volontaires comptent beaucoup sur l’appui politique et diplomatique d’Émile Henno, nommé gérant du vice-consulat de France à Kiev. Mais on finit par se méfier de cet homme qui se présente à tous comme rien de moins que le «consul de France plénipotentiaire et le porte-parole de l’Entente». Les initiatives de cet aventurier diplomate finissent par mettre définitivement les troupes françaises dans l’embarras puisqu’il soutient la nomination du général russe Grichine-Almazov, un ultra-conservateur au poste de gouverneur de la ville. Ce soutien apporté aux éléments réactionnaires et Grands-Russes achève de ruiner les espoirs d’union des forces anti-bolcheviques en Russie du Sud. Henno va même jusqu’à traiter les partisans de Petlioura, tout autant opposés aux bolcheviques que les Volontaires, de «suppôts de l’Allemagne.»</p><p>Du point de vue militaire, les Français sont frappés par la désorganisation des armées blanches dont les officiers semblent plus intéressés par le gouvernement du pays que par sa reconquête. Ces mêmes officiers restent très mal perçus par la population qui voit en eux des réactionnaires incapables de proposer politiquement autre chose qu’un retour au statu quo ante bellum. Les Français finissent par ne plus cacher leur dédain pour cette «parodie d’armée de Condé» (colonel Freydenberg) qui compte, par bataillon, plus d’officiers que de soldats. À titre d’exemple, le port d’Odessa est contrôlé et administré par sept amiraux russes! Mais déjà, les forces d’occupation française sont assimilées par la population aux Blancs ultra-réactionnaires, auxquels même les éléments français les plus conservateurs se montrent hostiles. L’action funeste d’Émile Henno en la matière, sa collusion permanente avec les Volontaires, est déjà jugée très sévèrement en haut lieu et – fait rare – désapprouvée publiquement à la Chambre des députés par Stephen Pichon, le ministre français des Affaires étrangères.</p><p>À tout cela il faut évidemment ajouter que le climat à Odessa se tend à l’extrême: Makhno et Grigorieff, des seigneurs de la guerre locaux, sèment la terreur dans les campagnes environnantes. L’ordre ne règne que par la terreur policière. La spéculation sur les denrées de première nécessité va bon train, encouragée par les équipages de navires civils ravitaillant le port. L’afflux de réfugiés en provenance de Kiev ne se tarit pas et rien ne semble pouvoir refréner l’inflation. Quant aux troupes françaises, elles sont la cible d’une propagande bolchevique amplifiée par l’incompréhension des soldats vis-à-vis d’une opération dont ils ne saisissent pas le sens. Les troupes souhaitent retrouver leurs foyers.Jacques Sadoul, ancien membre de la Mission militaire française en Russie passé au camp de la révolution, qui orchestre cet effort de démoralisation, le sait très bien.</p><p>Les autorités militaires françaises reconnaissent elles-mêmes qu’aucun soldat français ayant survécu à Verdun et à la Marne ne souhaiterait la perde dans les plaines d’Ukraine.</p><p>L’arrivée de nouveaux renforts motivés (des troupes grecques et des bataillons mêlant tchécoslovaques, roumains et polonais) pendant l’hiver n’y fait rien: Berthelot se plaint à Paris qu’on ne passe même pas la barre des 3 000 hommes. Le 2 février, des mutineries éclatent au sein du 58e régiment d’infanterie qui refuse d’attaquer à Tiraspol. Des troubles similaires surviennent à Kherson en mars et permettent une avancée de Grigoriev qui a changé d’allégeance et est passé chez les Bolcheviks. La propagande en provenance de Kiev à destination des troupes françaises s’intensifie et les autorités locales la combattent avec plus ou moins d’efficacité. Ainsi, le 2 mars, la police d’Odessa, aux mains des Blancs, arrête et exécute une militante communiste française, Jeanne Labourbe, auteur du bulletin Le Communiste rédigé en français et distribué en ville.</p><p>Grigoriev, qui renouvelle ses assauts dès mars sur Kherson, rompt les lignes franco-grecques le 7, coupant ainsi la ville de ses communications avec Nikolaïev. Les soldats français sont pris à parti par la population qui fait feu sur l’occupant depuis les toits ou les fenêtres. Des renforts arrivent le 8 mais refusent de se battre. Les Bolcheviques ont alors déjà pris les docks et encerclé les troupes franco-grecques. Il faut l’intervention de la flotte française qui bombarde la ville pour que des soldats grecs puissent débarquer dans le port, libérer les hommes encerclés et aussitôt rembarquer, abandonnant la ville à Grigoriev.</p><p>Le vice-amiral Exelmans et le colonel Lejay, à Nikolaïev, ne prendront pas autant de peine à résister, craignant un soulèvement populaire et une déroute d’une plus grande ampleur: ils négocient directement avec l’ennemi et parviennent à organiser un rembarquement en bon ordre des troupes du 14 au 16 mars. À cette date, les états-majors français n’envisagent pas autre chose que l’évacuation pure et simple de la Russie du Sud, alors que Bela Kun proclame sa République des Conseils en Hongrie, et que l’armée d’Orient doit y porter toutes ses forces. Le 1er avril, le général d’Anselme annonce l’évacuation d’Odessa ordonnée par Franchet d’Espèrey. Pour certains civils réfugiés dans la ville portuaire, c’est la panique: 40 000 habitants s’entassent sur des navires français peinant à évacuer et qui quittent définitivement Odessa le 6 avril.</p><h3>Mutineries et crise politique</h3><p>Mais la révolution rattrape bientôt une intervention française déjà mal en point. C’est dans la marine qu’éclatent les premiers troubles. L’escadre française du vice-amiral Amet intervient en Mer Noire pour protéger l’aile droite des troupes alliées en Ukraine, et couvrir la Crimée et Sébastopol. L’escadre est composée des cuirassés France, Vergniaud, Jean Bart, et Justice. En plus d’un soutien d’artillerie de la mer au littoral, ils maintiennent un blocus sur le sud de la Russie.</p><h4><img class="img-responsive img-center " src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1546928710_bdic_val_tir_01_0164_r.jpg">Le cuirassé Mirabeau vu de l’arrière, Sébastopol. © coll. La Contemporaine.</h4><p>Le 19 avril, des mutineries éclatent sur les navires français à Sébastopol: le drapeau rouge est hissé sur les cuirassés France et Jean Bart puis plus tard sur la Justice; d’autres incidents surviennent sur les Mirabeau, Vergniaud. Aucun acte de sabotage grave n’a cependant lieu. Les marins se révoltent principalement contre leurs conditions matérielles, les corvées, la rareté des permissions: les slogans «A Toulon!» expriment l’irrépressible désir du retour, mais croise également le mot d’ordre «Révolution», signe – comme pour le mécontentement dans l’armée – que la propagande bolchevique s’adosse une nouvelle fois à la précarité des conditions matérielles. La situation est inégalement contrôlée: si le navire amiral de l’escadre, le Jean Bart, est habilement tenu par le capitaine de vaisseau Couëdic, il n’en va pas de même sur le France – navire déjà en sous-effectifs et manquant de cadres en raison des démobilisations – où les mutins ont pris le dessus. À terre on assiste à des fraternisations entre marins français, civils de Sébastopol et bolcheviques. À la suite de manifestations, des officiers sont pris à parti et les soldats grecs ouvrent le feu pour disperser la foule. Russes blancs et soldats français prennent part à la mêlée qui fait un peu plus de cinquante blessés et tués.</p><p>Cette crise est nourrie par la contestation de la politique du gouvernement et de Clemenceau, contestation qui prend place dans la troupe comme en métropole, ce dont les mutins sont au fait. Les deux phénomènes se nourrissent et les soldats et marins français de Russie du Sud trouvent arguments et sens à leur révolte dans les interpellations de Marcel.</p><p>Cachin à la Chambre des députés. Cachin, qui est avec Frossard «l’importateur» du communisme en France et un des artisans de la scission de la SFIO qui donne naissance au parti communiste français quelques années plus tard, s’illustre pendant plusieurs séances en critiquant la politique étrangère du gouvernement. En effet, quelques jours plus tôt, le 24 mars, le parlementaire socialiste s’en prend vertement à Pichon au sujet de l’intervention en Russie du Sud.</p><p>«À l’heure actuelle, le Gouvernement français est en état de guerre contre la révolution russe. Il ne l’a jamais déclarée, il n’a jamais consulté le Parlement, et la nation sur l’état de guerre qu’en fait il a instauré. C’est là un fait grave sur lequel il a d’abord devoir de s’expliquer ici. Nous envoyons des troupes en Russie, nous dressons contre la révolution russe tous les peuples allogènes qui l’entourent. Nous fournissons aux contre-révolutionnaires des troupes, des armes et de l’argent. Nous sommes donc, en vérité, en état de guerre contre le gouvernement de fait de la Russie: mais jamais le gouvernement n’a demandé au Parlement de déclarer la guerre à la révolution russe. (Applaudissements à l’extrême gauche.) C’est là une violation manifeste de notre Constitution. Que peut nous répondre à cette question précise, le Gouvernement?»</p><p>Les soutiens de Cachin enchaînent alors sur de graves accusations: le gouvernement dissimulerait des dépêches et des informations à la Commission des Affaires extérieures de la Chambre. Et Cachin de surenchérir:</p><p>«À l’heure actuelle, cette armée bolchevique, renforcée de l’ensemble de tous les éléments paysans et ouvriers révolutionnaires de Russie, est très forte. Elle comprend plusieurs centaines de mille hommes. Vous pensiez vous appuyer, il y a quelques semaines encore sur certains éléments ukrainiens. Ils se sont effondrés et les troupes bolcheviques ont conquis l’Ukraine entière. Elles sont aujourd’hui sur les bords de la Mer Noire. Elles en seront demain, n’en doutez pas, les occupantes uniques. C’est qu’à l’heure présente l’armée bolchevique est forte moralement de l’idée qu’elle défend son sol contre l’invasion injustifiée dont vous avez été l’essentiel artisan, Monsieur Pichon. Elle est forte matériellement de l’appui de la Russie entière. Vous nous avez dit ici, il y a quelques mois, que votre politique trouvait en Russie des soutiens qui ne pouvaient manquer de la faire triompher à bref délai. J’ai le droit de dire qu’aujourd’hui vous avez réalisé contre vous l’unanimité du peuple russe.»</p><p>Les interpellations fusent et Cachin tente de mettre le gouvernement au pied du mur: «Aidez-vous Denikine, oui ou non? Si oui, vous aidez une tentative contre-révolutionnaire. Aidez-vous Koltchak, oui ou non? Si oui, vous aidez une tentative contre-révolutionnaire.» Et bien plus que de souligner le caractère éminemment politique d’une telle intervention, Cachin se scandalise du nouvel effort de guerre dissimulé demandé aux soldats français:</p><p>«On a commencé, dans de nombreux régiments, par offrir à chacun des petits soldats de la liberté une pièce de cent sous pas jour et 10 francs aux sous-officiers, pour aller en Orient; au reste on prenait soin de ne pas leur indiquer le but précis de l’engagement qu’on sollicitait d’eux… Or, malgré l’appât misérable de vos cent sous, malgré l’offre des quelques centaines de francs que vous leur proposiez comme prime, vous n’avez pas trouvé de volontaires. Je le dis ici hautement, c’est l’honneur de ce pays. (Vifs applaudissements à l’extrême gauche et sur quelques bancs à gauche.) Du haut de cette tribune, pour qu’ils l’entendent bien, nous demandons à tous les soldats du France de ne pas s’engager dans l’armée contre-révolutionnaire que veulent recruter M. Pichon et son Gouvernement. (Nouveaux applaudissements sur les mêmes bancs.) Mais n’ayant pas trouvé de volontaires, vous allez maintenant recruter de force les petits soldats…» </p><p>L’intervention à l’Est n’est plus une simple question technique ou strictement militaire dont on pourrait tirer quelque avantages économiques. Elle ne peut plus être présentée une simple relève des troupes allemandes sur les marges de l’Est en accord avec les conventions de l’armistice ou relative aux modalités de l’aide à apporter aux Volontaires, mais est avant tout une affaire politique. En substance l’intervention de Cachin, soutenue à l’extrême gauche et approuvée par une partie de la gauche, montre bien l’impossible renouvellement d’un effort guerrier à l’Est.</p><p>Ces échanges houleux qui durent jusqu’au 29 mars, ou tout du moins des morceaux choisis de la harangue de Cachin, transitent par la presse syndicale et d’extrême gauche qui irrigue les rangs de la marine, composés de nombreux éléments ouvriers en contact avec les organisations syndicales et pacifistes de France. La grogne gagne également les navires au large d’Odessa, en dépit de l’ordre d’évacuation, notamment à bord du Waldeck-Rousseau, à la fin avril. Dans le cas de Sébastopol, comme dans celui d’Odessa, les éléments les plus radicaux tentent de persuader la majorité des mutins qu’il faut aller plus loin que demander plus qu’une fin de l’intervention; certains parlent même de livrer des navires aux Bolcheviques. Mais c’est la promesse du retour dans les rades françaises qui l’emporte et ramène le calme. Ainsi dès le 22 avril, les marins reprennent leur poste, les éléments radicaux n’ont plus prise et le 23, le France et le Jean Bart appareillent pour la France. Dans le sillage de ces départs, le 28 et le 29 avril, Sébastopol est évacuée, conformément aux décisions prises avant le déclenchement des mutineries et les Volontaires de Denikine sont laissés à leur sort.</p><h4><img class="img-responsive img-center " src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1546928828_cartegwendal04.jpg">Carte des opérations © Conception: Gwendal Piégais et Ludovic Lepeltier-Kutasi – Réalisation: Ludovic Lepeltier-Kutasi</h4><br><p>L’agitation des mutineries d’Odessa et Sébastopol ne reste pas confinée à la Mer Noire. Une seconde série de mutineries éclate à l’été 1919 mais elles touchent cette fois le cuirassé Diderot et le croiseur cuirassé Guichen qui mouillent dans le golf de Patras. Elle s’étend ensuite aux arsenaux français, faisant craindre le pire aux autorités: Toulon, Bizerte, Lorient, Brest et Cherbourg sont secoués par la contestation. À Toulon, un important mouvement parti du cuirassé Provence réclame la levée des sanctions qui se sont abattues sur les mutins. Les autorités parviennent à contenir le mécontentement en améliorant les conditions matérielles des hommes servant sur les navires ou dans les arsenaux. Même si on s’était engagé à ne pas punir les mutins de la Mer Noire ou à faire preuve de clémence, la justice militaire prononce plusieurs condamnations: une centaine de marins sont dégradés, condamnés en conseil de guerre, dont certains à la peine de mort. Celle-ci est systématiquement commuée en vingt années de prison ou en travaux forcés. Aucun mutin n’est fusillé, et tous sont amnistiés en 1922.</p><p>La crise déclenchée par l’intervention française en Russie du Sud et en Crimée révèle qu’en dépit des tensions et des conflits qui se poursuivent à l’Est, la guerre est bel et bien terminée dans l’esprit des soldats mobilisés sous les drapeaux depuis 1914. Si dans les confins orientaux de l’Europe, la paix semble un horizon lointain pour ne pas dire hors de portée, la poursuite de la guerre pour les puissances comme la France est impossible. La déroute française est principalement due à l’insuffisance des effectifs engagés dans l’opération, mais tout autant à l’état de fatigue et de lassitude extrême dans lequel ces hommes se trouvent.</p><p>De plus, l’opération ne fait pas sens, alors qu’on sait les armistices signés sur tous les fronts. La guerre demeurant un prolongement de la politique par d’autres moyens, cette opération armée sur un sol étranger souffre justement d’emblée d’un manque de légitimité politique. La toile de fond de la seconde vague de mutineries qui touchent les arsenaux français est d’ailleurs constituée par ce climat social extrêmement tendu que doit gérer Clemenceau en 1919. La crise est donc à la fois politique, militaire, mais également géopolitique puisqu’elle pose la question de la place de la France dans le nouvel ordre européen qui se dessine. 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Le 15 septembre, une coalition regroupant des soldats français de métropole et des colonies, mais aussi des Britanniques, des Serbes, des Grecs et des Italiens brise la ligne ennemie tenue par les Bulgares, rendant possible une percée et une exploitation de plusieurs dizaines puis centaines de kilomètres. L’avancée alliée est si rapide que les états-majors à Paris et Londres ont eux-mêmes du mal à suivre.</p><h4><img class="img-responsive " src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1546928556_ob_deb052_franchetdespereylouis.jpg">Louis Franchet d’Espèrey</h4><p>Mais alors que le général Franchet d’Espèrey vient d’adresser à Paris un plan d’offensive visant à pousser l’avantage encore plus au nord, vers la Bohème et par extension l’Empire allemand, le général Berthelot, ancien chef de la Mission militaire française en Roumanie, arrive à Salonique pour lui remettre personnellement les directives de Georges Clemenceau, président du conseil et ministre de la Guerre. Clemenceau intime à Franchet de refréner sa poussée, de stabiliser une ligne de défense et de réorienter ses efforts au nord-Est, vers la Roumanie et au-delà vers la Russie du Sud, l’actuelle Ukraine. Selon ce plan, les armées alliées d’Orient doivent, dans un premier temps libérer la Serbie, encore occupée par les Empires centraux, prendre le contrôle du territoire bulgare, puis atteindre le Danube pour y constituer un front défensif; à la suite de cela il doit rouvrir les communications avec la Russie par la Mer Noire pour préparer une action commune contre les Bolcheviques.</p><p>Pour Clemenceau, ce qui se joue désormais sur le front d’Orient c’est la possible mise en échec de la révolution russe, à tout le moins sa mise à distance de la Russie du Sud où la France souhaite sécuriser des intérêts économiques et géopolitiques. Paris a grandement investi dans l’économie et les infrastructures de l’Empire russe avant et pendant la Grande Guerre et entend sécuriser ses investissements tout en gagnant une zone d’influence économique (bassin du Don, Crimée, ports de la Mer Noire, etc.). Ce n’est d’ailleurs pas un cas unique puisque la Grande-Bretagne intervient dès décembre 1917 dans le Caucase, avec la Dunsterforce. La priorité française est donc désormais de soutenir l’armée du général Alexeieff, qui s’oppose aux forces bolcheviques et se trouve en difficulté.</p><p>Mais à l’automne 1918, la situation est déjà plus que confuse dans le sud de la Russie. En effet, en novembre, les Empires centraux s’effondrent dans le sillage de l’armistice de Salonique, obtenu par Franchet d’Espèrey. Sur les anciennes terres impériales d’Autriche-Hongrie, des républiques ukrainiennes fleurissent déjà du Dniestr jusqu’au Don, des Carpates au Donets: une petite république des Lemkos, sise à Florynka, surgit puis est annexée par la Pologne après deux mois d’existence, la République houtsoule est fondée à Yasinia par des Ukrainiens du Royaume de Hongrie, une République populaire d’Ukraine occidentale s’établit à Lviv tandis que la République populaire ukrainienne est dirigée par Petlioura à Kiev dès décembre 1918. À cette mosaïque déjà fortement bigarrée vient s’ajouter un gouvernement bolchevique basé à Kharkov.</p><h4><strong><img class="img-responsive " src="https://bonpourlatete.comhttps://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1546928503_cartegwendal021.jpg"></strong>Carte des différentes républiques ukrainiennes qui naissent dans le sillage de la Première Guerre mondiale. © Conception: Gwendal Piégais et Ludovic Lepeltier-Kutasi – Réalisation: Ludovic Lepeltier-Kutasi</h4><p>C’est le sort des armes qui décide bien vite de l’avenir de ces états à l’existence bien souvent éphémère. Plusieurs forces s’affrontent sur ces terres tant convoitées: celles des modestes républiques des anciennes possessions des Habsbourg, Petlioura et son Armée Populaire Ukrainienne tandis que les armées tchécoslovaque, polonaise et roumaine sont à portée de canon, que les troupes de partisans de l’anarchiste Nestor Makhno harcèlent les forces blanches et que deux armées bolcheviques (de Hongrie et de Russie) tentent de faire la jonction. Ainsi, à l’Ouest, l’armée ukrainienne arrête une offensive polonaise. Les forces blanches, appelées Armée des Volontaires, reprennent Novorosiisk, Kouban et Stavropol et marchent sur Kiev. De plus, Petlioura doit affronter Makhno, un seigneur de la guerre communiste, dans la campagne ukrainienne.</p><h4><img class="img-responsive img-center " src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1546928587_odessa1918.jpg">Odessa en 1918 © DR<br></h4><p>C’est dans ce contexte extrêmement confus que la décision d’intervenir en Russie du Sud, plus précisément à Odessa et en Crimée, est prise à Paris. Elle a pour premiers objectifs de restaurer l’ordre, de contrôler le retrait allemand, de renforcer l’armée des Volontaires et de tenter d’unir les forces anti-bolcheviques présentes en Russie du Sud. Il s’agira ensuite de «réaliser l’encerclement économique du bolchevisme et [d’] en provoquer la chute,» des mots mêmes de Clemenceau. Ces forces anti-bolcheviques, qu’elles soient politiques ou militaires, tiennent une conférence à Iași (ou Yassi, dans la documentation diplomatique française) en Roumanie en décembre 1918, siège des légations alliées depuis la fin 1916.</p><p>Le général Denikine est désigné pour prendre la tête des forces blanches et anti-bolcheviques. Les délégués reprennent espoir en la possibilité d’une restauration de l’État impérial russe et se voient déjà siéger parmi les signataires des traités de paix et du côté des vainqueurs. Mais deux malentendus apparaissent déjà. Tout d’abord, aucun consensus n’est trouvé sur le projet politique que sous-tend une intervention militaire en Russie du Sud, c’est-à-dire sur la forme que l’état russe prendrait après une victoire contre les Bolcheviks. Ensuite, Émile Henno, un diplomate français en mission spéciale en Roumanie, initiateur de la conférence de Iași et un de ses principaux animateurs, agit de sa propre initiative sans rendre de compte à Paris. Son trop grand enthousiasme et son esprit aventurier laissent entendre aux représentants politiques et militaires russes que les alliés, et particulièrement la France, sont prêts à lancer une opération de grande envergure en Russie. Or, on est loin du compte.</p><p>Les forces françaises capables de se projeter en Russie du Sud sont celles de l’armée d’Orient, commandées par Franchet d’Espèrey, à qui Clemenceau confie la mission d’organiser une telle expédition. Les soldats de cette armée sortent d’une campagne longue, de dix-huit à même vingt-quatre mois de combats pour certains. Et les dernières semaines d’avancée – certes victorieuse – ont largement achevé d’épuiser les troupes. De plus, la perspective d’intervenir en Russie ne fait pas sens pour ces soldats qui viennent d’apprendre la signature de l’Armistice et attendent la démobilisation avec impatience. Par ailleurs, des pans entiers de cette armée ont déjà reçu l’ordre de faire route vers le front Ouest, alors que l’Allemagne n’avait pas encore déposé les armes. Ainsi, de novembre 1918 à l’été 1919, ce sont des troupes coloniales qui remplacent peu à peu les soldats métropolitains démobilisés sur des positions que la France ne peut immédiatement dégarnir.</p><h4><img class="img-responsive img-center " src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1546928661_bdic_val_tir_01_0119_r.jpg">Défilé de l’artillerie française, Odessa, décembre 1918. © coll. La Contemporaine.</h4><br><p>Des signaux contradictoires vont venir complexifier cet écheveau de malentendus lorsque le général Berthelot, acceptant avec enthousiasme la tâche de planifier cette expédition, fait savoir aux représentants des Volontaires que douze divisions alliées seraient nécessaires et disponibles pour cette intervention. Grisé par ce qu’il prend pour des promesses de Paris, Denikine prépare un plan d’attaque impliquant dix-huit divisions alliées et russes (!) et envisage la mobilisation possible de 500'000 soldats russes dans la dynamique de cette offensive.</p><p>Les navires français appareillent de Roumanie malgré les mises en garde de Franchet d’Espèrey, qui trouve que cette opération et l’occupation qui en découlerait «en Ukraine et en Russie seraient mal vues et risqueraient d’amener des incidents pénibles» et seraient d’autant plus risquées qu’elles ne mobiliseraient pas suffisamment d’hommes. Malgré ces mises en garde, les forces françaises gagnent les rivages d’Ukraine dès le 17 décembre et le général Berthelot débarque à Odessa avec… 1800 hommes. Un autre convoi se dirige vers Sebastopol mais n’est pas mieux pourvu. L’objectif militaire est d’établir, dans l’arrière-pays d’Odessa, un arc Tiraspol-Nikolaïev-Kherson allant du Dniestr au Dniepr. Dans la mesure où les Allemands et les Autrichiens ont peiné à sécuriser le pays avec toutes leurs forces d’occupations, on voit mal comment le maigre contingent français pourrait y parvenir avec si peu de soldats.</p><p>Lors de leur débarquement, les Français découvrent un port isolé du reste du pays par la neige; ce qui empêche l’établissement de liaisons avec Kiev et les autres villes. Et les surprises sont nombreuses: le port est contrôlé par les volontaires de Denikine, mais la ville abrite également des troupes de Petlioura, 1600 Allemands, une brigade polonaise ainsi que 2000 Russes blancs commandés par le général Grichine-Almazov, proche de Henno. De plus Odessa fait face à des forts afflux de réfugiés: des Roumains ayant quitté Bucarest au début de l’occupation allemande, ainsi que des Russes ayant fui successivement Petrograd, Moscou puis Kiev avant d’atteindre les rivages de la Mer Noire. La population de la ville doit avoisiner les 800’000 personnes, alors qu’elle n’en comptait que 500’000 en 1910.</p><h3>Tensions, revers et évacuations</h3><p>Après avoir pris position à Odessa, Nikolaïev, Kherson et en Crimée, des problèmes surgissent dès les premières semaines d’occupation. Tout d’abord, le général Berthelot est mal vu par les officiers et généraux des Volontaires russes, car, en plus de ne pas débarquer avec les effectifs nécessaires, il a la réputation – non usurpée – d’être proche des Roumains. Les politiciens et militaires russes voient d’un très mauvais œil les projets d’agrandissement de la Roumanie au détriment de l’Empire russe qu’ils rêvent de restaurer. Ensuite, les Volontaires comptent beaucoup sur l’appui politique et diplomatique d’Émile Henno, nommé gérant du vice-consulat de France à Kiev. Mais on finit par se méfier de cet homme qui se présente à tous comme rien de moins que le «consul de France plénipotentiaire et le porte-parole de l’Entente». Les initiatives de cet aventurier diplomate finissent par mettre définitivement les troupes françaises dans l’embarras puisqu’il soutient la nomination du général russe Grichine-Almazov, un ultra-conservateur au poste de gouverneur de la ville. Ce soutien apporté aux éléments réactionnaires et Grands-Russes achève de ruiner les espoirs d’union des forces anti-bolcheviques en Russie du Sud. Henno va même jusqu’à traiter les partisans de Petlioura, tout autant opposés aux bolcheviques que les Volontaires, de «suppôts de l’Allemagne.»</p><p>Du point de vue militaire, les Français sont frappés par la désorganisation des armées blanches dont les officiers semblent plus intéressés par le gouvernement du pays que par sa reconquête. Ces mêmes officiers restent très mal perçus par la population qui voit en eux des réactionnaires incapables de proposer politiquement autre chose qu’un retour au statu quo ante bellum. Les Français finissent par ne plus cacher leur dédain pour cette «parodie d’armée de Condé» (colonel Freydenberg) qui compte, par bataillon, plus d’officiers que de soldats. À titre d’exemple, le port d’Odessa est contrôlé et administré par sept amiraux russes! Mais déjà, les forces d’occupation française sont assimilées par la population aux Blancs ultra-réactionnaires, auxquels même les éléments français les plus conservateurs se montrent hostiles. L’action funeste d’Émile Henno en la matière, sa collusion permanente avec les Volontaires, est déjà jugée très sévèrement en haut lieu et – fait rare – désapprouvée publiquement à la Chambre des députés par Stephen Pichon, le ministre français des Affaires étrangères.</p><p>À tout cela il faut évidemment ajouter que le climat à Odessa se tend à l’extrême: Makhno et Grigorieff, des seigneurs de la guerre locaux, sèment la terreur dans les campagnes environnantes. L’ordre ne règne que par la terreur policière. La spéculation sur les denrées de première nécessité va bon train, encouragée par les équipages de navires civils ravitaillant le port. L’afflux de réfugiés en provenance de Kiev ne se tarit pas et rien ne semble pouvoir refréner l’inflation. Quant aux troupes françaises, elles sont la cible d’une propagande bolchevique amplifiée par l’incompréhension des soldats vis-à-vis d’une opération dont ils ne saisissent pas le sens. Les troupes souhaitent retrouver leurs foyers.Jacques Sadoul, ancien membre de la Mission militaire française en Russie passé au camp de la révolution, qui orchestre cet effort de démoralisation, le sait très bien.</p><p>Les autorités militaires françaises reconnaissent elles-mêmes qu’aucun soldat français ayant survécu à Verdun et à la Marne ne souhaiterait la perde dans les plaines d’Ukraine.</p><p>L’arrivée de nouveaux renforts motivés (des troupes grecques et des bataillons mêlant tchécoslovaques, roumains et polonais) pendant l’hiver n’y fait rien: Berthelot se plaint à Paris qu’on ne passe même pas la barre des 3 000 hommes. Le 2 février, des mutineries éclatent au sein du 58e régiment d’infanterie qui refuse d’attaquer à Tiraspol. Des troubles similaires surviennent à Kherson en mars et permettent une avancée de Grigoriev qui a changé d’allégeance et est passé chez les Bolcheviks. La propagande en provenance de Kiev à destination des troupes françaises s’intensifie et les autorités locales la combattent avec plus ou moins d’efficacité. Ainsi, le 2 mars, la police d’Odessa, aux mains des Blancs, arrête et exécute une militante communiste française, Jeanne Labourbe, auteur du bulletin Le Communiste rédigé en français et distribué en ville.</p><p>Grigoriev, qui renouvelle ses assauts dès mars sur Kherson, rompt les lignes franco-grecques le 7, coupant ainsi la ville de ses communications avec Nikolaïev. Les soldats français sont pris à parti par la population qui fait feu sur l’occupant depuis les toits ou les fenêtres. Des renforts arrivent le 8 mais refusent de se battre. Les Bolcheviques ont alors déjà pris les docks et encerclé les troupes franco-grecques. Il faut l’intervention de la flotte française qui bombarde la ville pour que des soldats grecs puissent débarquer dans le port, libérer les hommes encerclés et aussitôt rembarquer, abandonnant la ville à Grigoriev.</p><p>Le vice-amiral Exelmans et le colonel Lejay, à Nikolaïev, ne prendront pas autant de peine à résister, craignant un soulèvement populaire et une déroute d’une plus grande ampleur: ils négocient directement avec l’ennemi et parviennent à organiser un rembarquement en bon ordre des troupes du 14 au 16 mars. À cette date, les états-majors français n’envisagent pas autre chose que l’évacuation pure et simple de la Russie du Sud, alors que Bela Kun proclame sa République des Conseils en Hongrie, et que l’armée d’Orient doit y porter toutes ses forces. Le 1er avril, le général d’Anselme annonce l’évacuation d’Odessa ordonnée par Franchet d’Espèrey. Pour certains civils réfugiés dans la ville portuaire, c’est la panique: 40 000 habitants s’entassent sur des navires français peinant à évacuer et qui quittent définitivement Odessa le 6 avril.</p><h3>Mutineries et crise politique</h3><p>Mais la révolution rattrape bientôt une intervention française déjà mal en point. C’est dans la marine qu’éclatent les premiers troubles. L’escadre française du vice-amiral Amet intervient en Mer Noire pour protéger l’aile droite des troupes alliées en Ukraine, et couvrir la Crimée et Sébastopol. L’escadre est composée des cuirassés France, Vergniaud, Jean Bart, et Justice. En plus d’un soutien d’artillerie de la mer au littoral, ils maintiennent un blocus sur le sud de la Russie.</p><h4><img class="img-responsive img-center " src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1546928710_bdic_val_tir_01_0164_r.jpg">Le cuirassé Mirabeau vu de l’arrière, Sébastopol. © coll. La Contemporaine.</h4><p>Le 19 avril, des mutineries éclatent sur les navires français à Sébastopol: le drapeau rouge est hissé sur les cuirassés France et Jean Bart puis plus tard sur la Justice; d’autres incidents surviennent sur les Mirabeau, Vergniaud. Aucun acte de sabotage grave n’a cependant lieu. Les marins se révoltent principalement contre leurs conditions matérielles, les corvées, la rareté des permissions: les slogans «A Toulon!» expriment l’irrépressible désir du retour, mais croise également le mot d’ordre «Révolution», signe – comme pour le mécontentement dans l’armée – que la propagande bolchevique s’adosse une nouvelle fois à la précarité des conditions matérielles. La situation est inégalement contrôlée: si le navire amiral de l’escadre, le Jean Bart, est habilement tenu par le capitaine de vaisseau Couëdic, il n’en va pas de même sur le France – navire déjà en sous-effectifs et manquant de cadres en raison des démobilisations – où les mutins ont pris le dessus. À terre on assiste à des fraternisations entre marins français, civils de Sébastopol et bolcheviques. À la suite de manifestations, des officiers sont pris à parti et les soldats grecs ouvrent le feu pour disperser la foule. Russes blancs et soldats français prennent part à la mêlée qui fait un peu plus de cinquante blessés et tués.</p><p>Cette crise est nourrie par la contestation de la politique du gouvernement et de Clemenceau, contestation qui prend place dans la troupe comme en métropole, ce dont les mutins sont au fait. Les deux phénomènes se nourrissent et les soldats et marins français de Russie du Sud trouvent arguments et sens à leur révolte dans les interpellations de Marcel.</p><p>Cachin à la Chambre des députés. Cachin, qui est avec Frossard «l’importateur» du communisme en France et un des artisans de la scission de la SFIO qui donne naissance au parti communiste français quelques années plus tard, s’illustre pendant plusieurs séances en critiquant la politique étrangère du gouvernement. En effet, quelques jours plus tôt, le 24 mars, le parlementaire socialiste s’en prend vertement à Pichon au sujet de l’intervention en Russie du Sud.</p><p>«À l’heure actuelle, le Gouvernement français est en état de guerre contre la révolution russe. Il ne l’a jamais déclarée, il n’a jamais consulté le Parlement, et la nation sur l’état de guerre qu’en fait il a instauré. C’est là un fait grave sur lequel il a d’abord devoir de s’expliquer ici. Nous envoyons des troupes en Russie, nous dressons contre la révolution russe tous les peuples allogènes qui l’entourent. Nous fournissons aux contre-révolutionnaires des troupes, des armes et de l’argent. Nous sommes donc, en vérité, en état de guerre contre le gouvernement de fait de la Russie: mais jamais le gouvernement n’a demandé au Parlement de déclarer la guerre à la révolution russe. (Applaudissements à l’extrême gauche.) C’est là une violation manifeste de notre Constitution. Que peut nous répondre à cette question précise, le Gouvernement?»</p><p>Les soutiens de Cachin enchaînent alors sur de graves accusations: le gouvernement dissimulerait des dépêches et des informations à la Commission des Affaires extérieures de la Chambre. Et Cachin de surenchérir:</p><p>«À l’heure actuelle, cette armée bolchevique, renforcée de l’ensemble de tous les éléments paysans et ouvriers révolutionnaires de Russie, est très forte. Elle comprend plusieurs centaines de mille hommes. Vous pensiez vous appuyer, il y a quelques semaines encore sur certains éléments ukrainiens. Ils se sont effondrés et les troupes bolcheviques ont conquis l’Ukraine entière. Elles sont aujourd’hui sur les bords de la Mer Noire. Elles en seront demain, n’en doutez pas, les occupantes uniques. C’est qu’à l’heure présente l’armée bolchevique est forte moralement de l’idée qu’elle défend son sol contre l’invasion injustifiée dont vous avez été l’essentiel artisan, Monsieur Pichon. Elle est forte matériellement de l’appui de la Russie entière. Vous nous avez dit ici, il y a quelques mois, que votre politique trouvait en Russie des soutiens qui ne pouvaient manquer de la faire triompher à bref délai. J’ai le droit de dire qu’aujourd’hui vous avez réalisé contre vous l’unanimité du peuple russe.»</p><p>Les interpellations fusent et Cachin tente de mettre le gouvernement au pied du mur: «Aidez-vous Denikine, oui ou non? Si oui, vous aidez une tentative contre-révolutionnaire. Aidez-vous Koltchak, oui ou non? Si oui, vous aidez une tentative contre-révolutionnaire.» Et bien plus que de souligner le caractère éminemment politique d’une telle intervention, Cachin se scandalise du nouvel effort de guerre dissimulé demandé aux soldats français:</p><p>«On a commencé, dans de nombreux régiments, par offrir à chacun des petits soldats de la liberté une pièce de cent sous pas jour et 10 francs aux sous-officiers, pour aller en Orient; au reste on prenait soin de ne pas leur indiquer le but précis de l’engagement qu’on sollicitait d’eux… Or, malgré l’appât misérable de vos cent sous, malgré l’offre des quelques centaines de francs que vous leur proposiez comme prime, vous n’avez pas trouvé de volontaires. Je le dis ici hautement, c’est l’honneur de ce pays. (Vifs applaudissements à l’extrême gauche et sur quelques bancs à gauche.) Du haut de cette tribune, pour qu’ils l’entendent bien, nous demandons à tous les soldats du France de ne pas s’engager dans l’armée contre-révolutionnaire que veulent recruter M. Pichon et son Gouvernement. (Nouveaux applaudissements sur les mêmes bancs.) Mais n’ayant pas trouvé de volontaires, vous allez maintenant recruter de force les petits soldats…» </p><p>L’intervention à l’Est n’est plus une simple question technique ou strictement militaire dont on pourrait tirer quelque avantages économiques. Elle ne peut plus être présentée une simple relève des troupes allemandes sur les marges de l’Est en accord avec les conventions de l’armistice ou relative aux modalités de l’aide à apporter aux Volontaires, mais est avant tout une affaire politique. En substance l’intervention de Cachin, soutenue à l’extrême gauche et approuvée par une partie de la gauche, montre bien l’impossible renouvellement d’un effort guerrier à l’Est.</p><p>Ces échanges houleux qui durent jusqu’au 29 mars, ou tout du moins des morceaux choisis de la harangue de Cachin, transitent par la presse syndicale et d’extrême gauche qui irrigue les rangs de la marine, composés de nombreux éléments ouvriers en contact avec les organisations syndicales et pacifistes de France. La grogne gagne également les navires au large d’Odessa, en dépit de l’ordre d’évacuation, notamment à bord du Waldeck-Rousseau, à la fin avril. Dans le cas de Sébastopol, comme dans celui d’Odessa, les éléments les plus radicaux tentent de persuader la majorité des mutins qu’il faut aller plus loin que demander plus qu’une fin de l’intervention; certains parlent même de livrer des navires aux Bolcheviques. Mais c’est la promesse du retour dans les rades françaises qui l’emporte et ramène le calme. Ainsi dès le 22 avril, les marins reprennent leur poste, les éléments radicaux n’ont plus prise et le 23, le France et le Jean Bart appareillent pour la France. Dans le sillage de ces départs, le 28 et le 29 avril, Sébastopol est évacuée, conformément aux décisions prises avant le déclenchement des mutineries et les Volontaires de Denikine sont laissés à leur sort.</p><h4><img class="img-responsive img-center " src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1546928828_cartegwendal04.jpg">Carte des opérations © Conception: Gwendal Piégais et Ludovic Lepeltier-Kutasi – Réalisation: Ludovic Lepeltier-Kutasi</h4><br><p>L’agitation des mutineries d’Odessa et Sébastopol ne reste pas confinée à la Mer Noire. Une seconde série de mutineries éclate à l’été 1919 mais elles touchent cette fois le cuirassé Diderot et le croiseur cuirassé Guichen qui mouillent dans le golf de Patras. Elle s’étend ensuite aux arsenaux français, faisant craindre le pire aux autorités: Toulon, Bizerte, Lorient, Brest et Cherbourg sont secoués par la contestation. À Toulon, un important mouvement parti du cuirassé Provence réclame la levée des sanctions qui se sont abattues sur les mutins. Les autorités parviennent à contenir le mécontentement en améliorant les conditions matérielles des hommes servant sur les navires ou dans les arsenaux. Même si on s’était engagé à ne pas punir les mutins de la Mer Noire ou à faire preuve de clémence, la justice militaire prononce plusieurs condamnations: une centaine de marins sont dégradés, condamnés en conseil de guerre, dont certains à la peine de mort. Celle-ci est systématiquement commuée en vingt années de prison ou en travaux forcés. Aucun mutin n’est fusillé, et tous sont amnistiés en 1922.</p><p>La crise déclenchée par l’intervention française en Russie du Sud et en Crimée révèle qu’en dépit des tensions et des conflits qui se poursuivent à l’Est, la guerre est bel et bien terminée dans l’esprit des soldats mobilisés sous les drapeaux depuis 1914. Si dans les confins orientaux de l’Europe, la paix semble un horizon lointain pour ne pas dire hors de portée, la poursuite de la guerre pour les puissances comme la France est impossible. La déroute française est principalement due à l’insuffisance des effectifs engagés dans l’opération, mais tout autant à l’état de fatigue et de lassitude extrême dans lequel ces hommes se trouvent.</p><p>De plus, l’opération ne fait pas sens, alors qu’on sait les armistices signés sur tous les fronts. La guerre demeurant un prolongement de la politique par d’autres moyens, cette opération armée sur un sol étranger souffre justement d’emblée d’un manque de légitimité politique. 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Tout allait bien entre eux jusqu’au jour où Catherine a soupçonné une transformation inquiétante chez son mari. Ce récit de l’auteur lausannois Pierre Ronpipal est publié en trois épisodes, les 13, 20 et 27 décembre.', 'subtitle_edition' => 'Catherine et Pierre forment un couple épanoui. Tout allait bien entre eux jusqu’au jour où Catherine a soupçonné une transformation inquiétante chez son mari. Ce récit de l’auteur lausannois Pierre Ronpipal est publié en trois épisodes, les 13, 20 et 27 décembre.', 'content' => '<h4>Un récit de Pierre Ronpipal</h4> <hr /> <p>Dans dix jours c’est Noël mais ce qui tous les ans est une réjouissance pour moi pourrait bien cette année devenir un cauchemar. A cause de mon mari.</p> <p>Pierre m’est fidèle, j’en suis certaine, même s’il a eu, comme moi, quelques aventures extraconjugales. Il n’y a pas de quoi en faire tout un plat. La fidélité absolue est un concept éculé et hypocrite qui a pour but principal que les hommes soient certains que les enfants qui sortent des ventres de leur épouse soient bien le produit de leurs spermatozoïdes à eux. Transmettre ses gènes est un réflexe très animal, si Sapiens est vraiment un être supérieur, il devrait se détendre sur cette question. En plus, Pierre et moi n’avons pas fait d’enfants, trop concentrés sur nous-mêmes et nos vies à réussir. Marie, ma sœur, prétend que pour les femmes, l’importance de la fidélité n’a pas pour but la perpétuation de l’espèce mais plutôt la conservation à leur côté du mâle qui assure leur protection. Elle se trompe. Si Pierre et moi sommes toujours ensemble après trente-cinq ans de mariage, c’est justement parce que nous nous laissons la liberté d’aller de temps en temps voir ailleurs. Marie, elle, ne souhaitait plus de rapports sexuels tout en menaçant son mari de le quitter s’il la trompait. C’est lui qui est parti avec la première maîtresse qu’il s’est autorisée.</p> <p>Mais Pierre a changé.</p> <p>Nous nous sommes connus dans une manifestation contre le racisme alors que nous avions vingt-sept ans. Il était graphiste tandis que moi j’enseignais le français à des réfugiés dans un centre géré par l’Eglise protestante. Je l’avais déjà remarqué à d’autres occasions au fil des ans – Lausanne est une petite ville – notamment lors d’une soirée chez Jean-Luc, lequel a été mon amant lorsque j’avais vingt ans et que j’hésitais entre le trotskisme et l’écologie politique. Lorsque Jean-Luc, figure de proue des trotskistes locaux, m’avait quittée pour une camarade d’origine kurde plus valorisante pour lui, j’avais renoncé aux principes de la Quatrième Internationale et milité pour la sauvegarde de la planète, jusqu’à ma rencontre avec un zapatiste belge avec qui je suis partie au Mexique où j’ai attrapé une infection sexuellement transmissible. De retour en Suisse, j’ai soigné ma salpingite et terminé mes études de lettres. Entre deux amants de passage, je traversais de longues périodes d’abstinence sexuelle sans que cela me coûte. A la manif, j’ai trouvé Pierre très beau avec sa moustache et sa barbe de cinq jours. Et je l’ai trouvé irrésistible lorsqu’il a jeté une bouteille vide en direction des forces de l’ordre qui voulaient nous empêcher d’accéder à la salle où se déroulait une assemblée de l’UDC, ce parti d’extrême droite honni par nous. Pierre s’est fait réprimander par les camarades communistes qui assuraient le service d’ordre et il a fini par en venir aux mains avec eux. J’ai spontanément pris sa défense, nous nous sommes faits bousculer et avons quitté la manifestation, lui avec une arcade sourcilière fendue, moi avec un fort désir pour lui. Je l’ai emmené chez moi pour soigner sa blessure et nous avons fait l’amour toute la nuit. Deux semaines plus tard nous emménagions ensemble; nous ne nous sommes plus quittés.</p> <p>L’autre soir, alors que nous avions des invités à la maison, il m’a semblé reconnaître chez Pierre les signes d’une tension extrême. Depuis le temps, je le connais bien. Serge et Mireille, nos invités, l’ont eux aussi sentie, cette tension. Ce sont tout à la fois des amis et des clients. Des amis parce que comme nous ils sont de centre gauche, des clients car ils font appel à notre agence de communication pour promouvoir leur commerce. Après avoir été de grands voyageurs, Serge et Mireille vendent aujourd’hui des produits venus d’Asie, principalement d’Inde mais aussi de Birmanie et du Cambodge. Ils sélectionnent avec soins les artisans, privilégiant les structures coopératives respectueuses de l’environnement et du bien-être des populations locales. Nous gérons leur site internet et leur publicité, et tournons même pour eux des clips promotionnels. Pierre est devenu agressif avec Mireille lorsque celle-ci a déclaré que les néo-féministes exagéraient et que #MeToo décourageait toute tentative de séduction de la part des hommes. «Je n’ai pas peur de le dire, j’aime bien que l’on me tienne la porte et que les hommes me fassent sentir qu’ils me désirent…» Pierre lui a rétorqué que le patriarcat était une forme de fascisme et qu’en tant que progressiste nous devions tout faire pour l’abattre. J’ai essayé de dévier la conversation sur la nourriture bio mais très vite c’est l’écriture inclusive qui a fait s’échauffer les esprits. Serge, qui se pique d’aimer la littérature, a déclaré que le français était en danger, qu’il fallait le sauver des points médians et des réformes de l’orthographe. Pierre a rétorqué que pour rester vivantes les langues devaient changer, que les normes les étouffaient, que les règles orthographiques avaient été inventées pour empêcher les pauvres d’accéder aux études. «Etes-vous allés récemment au cinéma?» ai-je incidemment demandé à Mireille?</p> <p>Le lendemain, elle m’a appelée. «Avec Serge, on se demande si Pierre n’est pas en train devenir woke…» Mon sang s’est figé dans mes veines, une sourde angoisse est montée de mon estomac jusque dans ma gorge. «Non, non… Vous vous trompez… Vous avez bien vu, il continue de manger de la viande», ai-je rassuré Mireille. Mais le doute s’était instillé en moi, je me suis mise à mieux observer Pierre et, pour la première fois, j’ai fouillé dans ses poches et ses agendas, même dans son ordinateur. Ce que j’ai découvert est effrayant…</p> <p style="text-align: right;"><em>Suite la semaine prochaine</em></p> <hr /> <h4>Pierre Ronpipal est l’auteur de<br /><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1734002707_damned01.jpg" class="img-responsive img-fluid normal " width="149" height="206" /><br />«A moi de choisir ceux qui vont mourir»<br /><span>et de<br /></span><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1734002742_cover20242.jpg" class="img-responsive img-fluid normal " width="154" height="207" /><br />«Le vert était rouge à l’intérieur»<br />aux <a href="https://nouvelleseditionshumus.ch/" target="_blank" rel="noopener">Nouvelles Editions Humus</a></h4>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'un-bien-cruel-conte-de-noel-1', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 44, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 6, 'person_id' => (int) 85, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'comments' => [ [maximum depth reached] ], 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Posts' }, (int) 2 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 5284, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => true, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => null, 'readed' => null, 'subhead' => null, 'title' => 'Les ramasseurs de déchets, grands perdants du récit dominant sur la pollution plastique', 'subtitle' => 'A Busan, en Corée du Sud, les discussions sur le traité mondial sur la pollution plastique, qui se tenaient du 25 novembre au 1er décembre, se sont soldées par un échec. 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En jeu, rien de moins que les causes de la crise de la pollution plastique et les solutions appropriées pour y remédier.</p> <ul> <li> <p>D’un côté, la <a href="https://hactoendplasticpollution.org/fr/">Coalition de haute ambition</a> (HAC), les activistes du «zéro déchet» et de <a href="https://theconversation.com/traite-mondial-contre-la-pollution-plastique-en-coulisses-le-regard-des-scientifiques-francais-presents-234046">nombreux scientifiques</a> insistent sur la nécessité d’une <a href="https://hactoendplasticpollution.org/hac-member-states-ministerial-joint-statement-for-inc-5/">approche globale portant sur l’ensemble du cycle de vie des plastiques</a>, y compris leur production.</p> </li> <li> <p>De l’autre côté, une <a href="https://medium.com/points-of-order/spoiler-alert-f737a24292e6">petite minorité d’Etats</a> ainsi que l’industrie pétrochimique ont à de nombreuses reprises détourné l’attention de cette question de la production des plastiques. Au lieu de cela, ils accusent des <a href="https://psmag.com/environment/the-epa-blames-six-asian-nations-that-the-u-s-exports-plastic-waste-to-for-ocean-pollution/">systèmes de recyclage inadéquats et une mauvaise gestion des déchets</a>.</p> </li> </ul> <p>L’attention portée au recyclage des plastiques et à la gestion des déchets touche en réalité des millions de personnes en Asie, en Amérique du Sud et en Afrique. Il s’agit des travailleurs qui récupèrent, réutilisent ou revendent les plastiques, les textiles, l’aluminium et d’autres matériaux précieux issus des déchets.</p> <p>Dans le cadre du traité sur les plastiques, pour que ces travailleurs informels soient reconnus, que leurs conditions de travail puissent être améliorées et qu’ils puissent bénéficient d’une transition écologique plus équitable, les solutions politiques doivent aller au-delà des mécanismes économiques basés sur le seul marché et des stratégies axées sur le profit.</p> <p>Si ce n’est pas le cas, les efforts en faveur d’un recyclage plus inclusif et du développement de l’économie circulaire risquent de renforcer les injustices mêmes qu’ils prétendent combattre.</p> <h3>Qui sont les ramasseurs informels de déchets?</h3> <p>Les collecteurs de déchets – et les autres personnes travaillant avec eux dans un cadre informel et coopératif – effectuent une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0921344924001824#sec0021">grande partie du travail de recyclage à l’échelle mondiale</a>. Ils réduisent de manière significative la quantité de plastique qui se retrouve dans les océans.</p> <p>Malgré cela, et parce qu’ils font un travail salissant et vivent dans des endroits sales, ils sont souvent tenus pour responsables du problème de la pollution plastique. Dans les discours politiques des villes et des Etats, leur travail a longtemps été <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/0956247816657302">tourné en dérision, considéré comme non qualifié et inefficace</a>. <a href="https://www.undp.org/blog/unsung-heroes-four-things-policymakers-can-do-empower-informal-waste-workers">L’absence de reconnaissance officielle</a> de leur travail rend leurs revenus particulièrement instables et précaires. Les réglementations environnementales peuvent <a href="https://iopscience.iop.org/article/10.1088/1748-9326/ac6b49">aggraver ces menaces</a> en accélérant la privatisation du traitement des déchets.</p> <p>Alors que les efforts de lutte contre la pollution plastique gagnent du terrain, les ramasseurs informels sont soumis à une double pression:</p> <ul> <li> <p>Ils doivent protéger leur accès aux déchets, car c’est l’un des rares moyens de subsistance dont ils disposent.</p> </li> <li> <p>En même temps, ils cherchent à améliorer leurs conditions de vie et de travail.</p> </li> </ul> <p>Un groupe de ramasseurs de déchets a donc profité de l’ouverture des négociations pour <a href="https://globalrec.org/document/just-transition-waste-pickers-un-plastics-treaty/">plaider en faveur de la reconnaissance de leur travail</a>. Il a été demandé que leurs contributions historiques à la réduction de la pollution plastique soient explicitement reconnues, et qu’un objectif explicite de transition juste soit intégré au traité sur les plastiques.</p> <h3>Avec l’économie circulaire, tout le monde est gagnant?</h3> <p>La <a href="https://theconversation.com/quatre-idees-recues-sur-la-transition-juste-227569">transition juste</a> est un principe défendu par les groupes de travailleurs et les défenseurs de la justice sociale afin de garantir que les politiques de transition écologique protègent, améliorent et compensent équitablement les moyens de subsistance des travailleurs et des communautés affectés par l’environnement.</p> <p>Les ramasseurs de déchets ont utilisé ce terme pour réclamer que le traité comprenne des dispositions pour améliorer leurs conditions de travail et de sécurité. Mais également pour que le traité intègre davantage les travailleurs informels aux systèmes de gestion des déchets, et pour exiger que les systèmes de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/responsabilite-elargie-du-producteur-67766">responsabilité élargie des producteurs</a> (REP) soutiennent aussi les travailleurs du secteur des déchets, en particulier les <a href="https://www.wiego.org/gender-waste-project">femmes et d’autres groupes vulnérables</a>.</p> <p>Etonnamment, ces demandes ont obtenu le soutien d’un large éventail de parties prenantes puissantes. Par exemple la <a href="https://www.businessforplasticstreaty.org/vision-statement#Key-elements">Business Coalition for a Plastics Treaty</a>, les <a href="https://news.un.org/en/story/2024/10/1156301">dirigeants des Nations unies</a> et même <a href="https://resolutions.unep.org/resolutions/uploads/american_chemistry_council.pdf">l’industrie pétrochimique</a>.</p> <p>Certaines de ces demandes ont été intégrées aux projets de traité sur les plastiques discutés au cours des négociations, ce qui représente une victoire majeure pour les travailleurs du secteur informel des déchets.</p> <p>Un consensus se dégage sur le fait qu’une économie circulaire inclusive peut être bénéfique à la fois pour l’environnement, l’économie et les travailleurs en améliorant la gestion de la pollution, les moyens de subsistance et les opportunités de croissance économique pour les entreprises.</p> <p>Ces promesses demandent toutefois à être vérifiées sur le terrain. Et c’est là que les choses se compliquent.</p> <h3>« Gagnant-gagnant », mais la victoire de qui ?</h3> <p>Dans mon livre <a href="https://mitpress.mit.edu/9780262546973/recycling-class/"><em>Recycling Class</em></a>, j’examine comment les efforts de recyclage inclusif ont été mis en œuvre à Bengaluru, l’une des plus grandes villes de l’Inde.</p> <figure><a href="https://images.theconversation.com/files/635250/original/file-20241129-15-cdpt12.jpg?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img src="https://images.theconversation.com/files/635250/original/file-20241129-15-cdpt12.jpg?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" alt="" /></a> <figcaption><span></span></figcaption> </figure> <p>Dans cet ouvrage, je défends que l’intégration dans des programmes d’économie circulaire basés sur le marché n’est pas une solution miracle aux injustices ancrées dans les systèmes de production, de consommation et de production des déchets.</p> <p>La plupart des politiques d’économie circulaire et de recyclage inclusif reposent sur des mécanismes de marché, partant du principe que la création de marchés pour les déchets incitera les acteurs du marché à récupérer efficacement les déchets et à les convertir en ressources.</p> <p>Pour remplir leurs obligations en matière de <a href="https://theconversation.com/faire-payer-plus-les-entreprises-pour-quelles-reduisent-les-emballages-130073">responsabilité élargie des producteurs</a> (REP), les marques peuvent alors s’engager à acheter des plastiques recyclés et à financer la collecte des déchets en achetant des <a href="https://www.worldbank.org/en/programs/problue/publication/unlocking-financing-to-combat-the-plastics-crisis">crédits plastique</a>.</p> <p>Cette approche vise à améliorer le prix des déchets, à augmenter les salaires et à encourager les efforts de collecte, tout en attirant des investissements pour financer l’amélioration des infrastructures et des technologies.</p> <p>Cependant, les mécanismes fondés sur le marché aggravent les inégalités existantes en matière d’accès au marché. Les efforts visant à donner la priorité à la traçabilité et à la transparence – dans le but d’améliorer l’efficacité du marché et le respect de la réglementation – désavantagent souvent les travailleurs informels.</p> <p>Ces derniers ne disposent pas des ressources et des capacités techniques nécessaires pour adopter des systèmes de suivi complexes basés sur les SIG ou la blockchain, et se retrouvent exclus des processus formalisés. Les start-up financées par le capital-risque et les grandes entreprises s’emparent alors du secteur du recyclage.</p> <p>Les multinationales préfèrent d’ailleurs les partenariats avec des start-up technologiques qui offrent des services à «valeur ajoutée» tels que des indicateurs et des tableaux de bord environnementaux, permettant aux entreprises de mettre en scène leur propre récit sur le développement durable. Souvent issus de milieux éduqués et privilégiés, les employés de ces firmes <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S001671852300057X">concurrencent les travailleurs informels existants, les subordonnant au passage</a>.</p> <p>A l’inverse, les femmes et les membres des minorités ethno-raciales et religieuses, qui constituent la majorité des travailleurs des économies informelles des déchets, sont confrontés à des obstacles supplémentaires. Notamment des <a href="https://mouvements.info/recuperateurs-de-dechets/">stigmates sociaux bien ancrés</a> qui limitent leur capacité à participer sur un pied d’égalité à ces marchés émergents. Ils restent toujours relégués aux mêmes tâches manuelles et difficiles, même si leurs conditions de travail en ressortent légèrement améliorées.</p> <h3>L’industrie du plastique maintient le <em>statu quo</em></h3> <p>Malgré les bonnes intentions de départ, des termes tels que «économie circulaire inclusive» sont donc trop souvent utilisés à des fins de <em>green washing</em> et même de <em>justice washing</em>, tandis que les travailleurs continuent à endurer des conditions difficiles. Une étude de <a href="https://www.circle-economy.com/resources/decent-work-in-the-circular-economy">Circle Economy</a> souligne que la plupart des emplois du secteur de l’économie circulaire restent ad-hoc et informels et ne bénéficient pas des garanties d’un emploi décent.</p> <p>En fin de compte, les travailleurs informels sont confrontés à un choix difficile: soit ils acceptent d’être exploités au sein des circuits de traitements des déchets en tant que simples ressources, soit ils risquent de perdre complètement leurs moyens de subsistance.</p> <p>Les systèmes actuels de production et de consommation du plastique déplacent donc la charge des déchets sur des communautés autochtones ou ethniques marginalisées, créant ainsi des <a href="https://www.dukeupress.edu/pollution-is-colonialism">zones sacrifiées</a>. Ce déplacement permet de maintenir la rentabilité, tout en perpétuant les atteintes à l’environnement et les inégalités sociales.</p> <p>En promouvant des technologies de <a href="https://www.bbc.com/afrique/monde-57087908">recyclage chimique</a> non éprouvées et en étendant les marchés du plastique, les entreprises <a href="https://theconversation.com/comment-lindustrie-fossile-influence-les-negociations-mondiales-sur-le-plastique-222112">pétrochimiques</a> et de matières plastiques <a href="https://direct.mit.edu/glep/article/21/2/121/97367/Future-Proofing-Capitalism-The-Paradox-of-the">s’approprient le langage de l’économie circulaire</a>. 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C’est vrai aussi bien pour le traité international sur la pollution plastique que pour d’autres démarches régionales comme le <a href="https://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/ATAG/2021/679066/EPRS_ATA(2021)679066_FR.pdf">plan d’action de l’UE pour l’économie circulaire</a>.</p> <p>En effet, toute stratégie de lutte contre la pollution plastique basée sur le marché et axée sur le profit est susceptible de reproduire ces schémas d’inégalité. Et par la même occasion, de pérenniser les injustices systémiques qui soutiennent le statu quo. Pour une transition vraiment juste, la lutte contre la pollution plastique ne doit donc pas devenir une opportunité de croissance économique ou de profit.</p> <p>Au contraire, nous avons besoin d’une approche centrée sur la réparation. Il faut d’abord, pour cela, reconnaître les contributions historiques des collecteurs informels du plastique ainsi que les préjudices qu’ils subissent. Puis redistribuer les ressources aux personnes les plus touchées et créer des systèmes qui donnent la priorité à la restauration de l’environnement et à la justice sociale plutôt qu’au profit des entreprises.</p> <p>Une économie circulaire bien financée devrait d’abord renforcer le pouvoir des travailleurs, puis améliorer les capacités des infrastructures et réduire la concentration de ces déchets en produits chimiques toxiques, plutôt que de s’appuyer sur des solutions basées sur le marché qui aggravent les inégalités.</p> <p>Les vraies solutions consistent à demander des comptes aux pollueurs et à adopter des approches circulaires fondées sur la sobriété et la réparation, et non sur l’efficacité du marché.<img src="https://counter.theconversation.com/content/244065/count.gif?distributor=republish-lightbox-basic" alt="The Conversation" width="1" height="1" /></p> <hr /> <h4><span><a href="https://theconversation.com/profiles/manisha-anantharaman-1526162">Manisha Anantharaman</a>, Assistant Professor, Center for the Sociology of Organisations, CNRS/Sciences Po, <em><a href="https://theconversation.com/institutions/sciences-po-2196">Sciences Po </a></em></span></h4> <h4>Cet article est republié à partir de <a href="https://theconversation.com">The Conversation</a> sous licence Creative Commons. Lire l’<a href="https://theconversation.com/les-ramasseurs-de-dechets-grands-perdants-du-recit-dominant-sur-la-pollution-plastique-244065">article original</a>.</h4> </div>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'les-ramasseurs-de-dechets-grands-perdants-du-recit-dominant-sur-la-pollution-plastique', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 49, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 5, 'person_id' => (int) 85, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'comments' => [[maximum depth reached]], 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Posts' }, (int) 3 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 5283, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => true, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => null, 'readed' => null, 'subhead' => null, 'title' => 'Les Etats-Unis financent un collectif international de journalistes', 'subtitle' => 'Si le réseau Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP) a révélé des avoirs russes cachés ou la corruption au Venezuela, le Delaware, paradis de l'évasion fiscale, reste pour lui un tabou. «Notre politique veut que nous ne fassions pas de rapports sur un pays avec son propre argent», a déclaré Drew Sullivan, son cofondateur.', 'subtitle_edition' => 'Si le réseau Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP) a révélé des avoirs russes cachés ou la corruption au Venezuela, le Delaware, paradis de l'évasion fiscale, reste pour lui un tabou. «Notre politique veut que nous ne fassions pas de rapports sur un pays avec son propre argent», a déclaré Drew Sullivan, son cofondateur.', 'content' => '<p style="text-align: center;"><strong>Urs P. Gasche</strong>, article publié sur <a href="https://www.infosperber.ch/medien/medienkritik/die-usa-finanzieren-internationales-journalisten-kollektiv/" target="_blank" rel="noopener"><em>Infosperber</em></a> le 5 décembre 2024, traduit par <em>Bon Pour La Tête</em></p> <hr /> <p>Parmi de nombreux autres médias, la <em>NZZ</em> et le <em>Tages-Anzeiger</em> ont diffusé à plusieurs reprises des révélations du réseau international de journalistes Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP). Ce faisant, ils n'ont pas rendu transparent le fait que les services gouvernementaux américains paient la moitié du budget de l'OCCRP. L'UE et les Etats membres de l'UE financent les 20 % restants.</p> <p>Avec un budget annuel de 20 millions d'euros et plus de 150 journalistes sur tous les continents, l'<a href="https://www.occrp.org/en">OCCRP</a> − en partie en collaboration avec le <a href="https://www.icij.org/">Réseau international des journalistes d'investigation</a> ICIJ − a lancé les plus grands projets internationaux de journalisme d'investigation de ces dernières années. Parmi eux, <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Panama_Papers"><em>The Panama Papers</em></a><em>, </em><a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Pandora_Papers"><em>Pandora Papers</em></a><em>, </em><a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Suisse_Secrets"><em>Suisse Secrets</em></a><em>, </em><a href="https://www.occrp.org/en/project/narcofiles-the-new-criminal-order"><em>Narco Files</em></a><em>, </em><a href="https://www.occrp.org/en/project/the-pegasus-project/about-the-project"><em>Pegasus Project</em></a><em>, </em><a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Cyprus_Confidential"><em>Cyprus Confidential </em></a>et la série <a href="https://de.wikipedia.org/wiki/Die_Geldw%C3%A4scherei"><em>Laundromat</em></a>, qui a révélé les systèmes de blanchiment d'argent des élites dirigeantes en Azerbaïdjan et en Russie.</p> <h3><strong>Non sans conditions</strong></h3> <p>Les agences gouvernementales américaines ne financent pas l'OCCRP sans contrepartie: l'<a href="https://www.usaid.gov/"> U.S. Agency for International Development</a> dispose d'un droit de veto sur la nomination des dirigeants de l'OCCRP. De plus, l'agence gouvernementale américaine interdit d'utiliser son argent pour mettre au jour la corruption aux Etats-Unis.</p> <p>Certaines subventions étaient même affectées à un but précis: le Department of State, par exemple, a versé 173 000 dollars à l'OCCRP pour «détecter et combattre la corruption au Venezuela». Ou l'<a href="https://www.usaid.gov/">Agence pour le développement international (USAID)</a> a versé plus de deux millions de dollars dans le but de «mettre au jour la criminalité et la corruption à Malte et à Chypre».</p> <p>Le journal en ligne français indépendant <a href="https://www.mediapart.fr/en/journal/international/021224/hidden-links-between-giant-investigative-journalism-and-us-government">« Mediapart »</a> en a parlé le 2 décembre 2024 <a href="https://www.mediapart.fr/en/journal/international/021224/hidden-links-between-giant-investigative-journalism-and-us-government">.</a></p> <p>Le fondateur de l'OCCRP est un ancien employé <a href="https://www.rockwellautomation.com/de-ch.html">de Rockwell</a> devenu journaliste: <a href="https://www.occrp.org/en/staff/drew-sullivan">Drew Sullivan</a>. L'OCCRP a été créé à l'instigation de fonctionnaires du gouvernement américain. Selon Mediapart, Sullivan a reçu pour cela, en 2008, un financement de départ de 1,7 million de dollars du <a href="https://www.state.gov/bureaus-offices/under-secretary-for-civilian-security-democracy-and-human-rights/bureau-of-international-narcotics-and-law-enforcement-affairs/">Bureau of International Narcotics and Law Enforcement Affairs</a>(INL). Il s'agit d'une agence d'application de la loi du Département d'Etat américain.</p> <p>L'OCCRP s'appuie souvent sur des documents divulgués provenant de sources non identifiées. La qualité des recherches et des révélations de l'OCCRP n'est pas mise en doute. L'orientation unilatérale des recherches et le manque de transparence des informations sur le financement donnent lieu à des critiques.</p> <p>L'ampleur des liens personnels et financiers de l'OCCRP avec le gouvernement américain va à l'encontre de «tous les principes de l'éthique journalistique». C'est ce qu'a déclaré Leonard Novy, directeur de l'Institut allemand des médias et de la politique de communication, à la chaîne NDR. Cela laisse supposer que les journalistes peuvent être utilisés ou instrumentalisés à des fins politiques.</p> <p>Sullivan et l'OCCRP ont également laissé les médias partenaires et leurs lecteurs dans l'ignorance de leur proximité avec le gouvernement américain. Selon Leonard Novy, l'organisation a ainsi dépassé les limites.</p> <h3><strong>Sullivan n'a pas voulu parler clairement aujourd'hui encore</strong></h3> <p>Sullivan a d'abord affirmé à la chaîne NDR que l'OCCRP avait «un groupe de donateurs largement répandu», parmi lesquels «aucun donateur individuel ne domine». Il a ajouté que «le gouvernement américain [...] est l'un des plus grands donateurs, mais ce n'est pas un pourcentage énorme». Confronté aux dernières découvertes, il a finalement reconnu l'importance du financement de Washington: «C'est le plus grand bailleur de fonds de l'OCCRP, oui, et ce depuis presque le début de notre histoire. [...] Je suis très reconnaissant au gouvernement américain.»</p> <p>Par écrit, Sullivan a renchéri: «Nous avons dû décider si nous voulions accepter de l'argent du gouvernement ou ne pas exister.» Sur le site web de l'OCCRP, les montants des sponsors ne sont pas indiqués.</p> <h3><strong>Conditions posées</strong></h3> <p>Sullivan a confirmé à la NDR le pouvoir d'influence des autorités américaines: «Dans le cadre d'accords de coopération que nous n'aimons pas conclure, ils ont un droit de regard sur le choix des personnes [...] Ils peuvent mettre leur veto sur quelqu'un [...] Ils n'ont jamais mis leur veto sur quelqu'un.»</p> <p>L'OCCRP ne peut pas enquêter sur des affaires américaines avec l'argent fourni par Washington. «Notre politique veut que nous ne fassions pas de rapports sur un pays avec son propre argent», a déclaré Sullivan à la NDR. «Je pense que le gouvernement américain ne le permet pas. Mais même dans d'autres pays où ces dispositions n'existent pas, nous ne le faisons pas parce que cela vous place dans une situation de conflit d'intérêts et que vous préférez rester à l'écart de telles situations.»</p> <p>Ainsi, le paradis fiscal américain du Delaware n'a jamais fait l'objet de toutes les recherches sur l'évasion fiscale et l'argent de la corruption.</p> <p>L'OCCRP a tout de même effectué des recherches isolées aux Etats-Unis: par exemple sur les <a href="https://www.occrp.org/en/investigation/meet-the-florida-duo-helping-giuliani-investigate-for-trump-in-ukraine">hommes d'affaires</a> qui avaient soutenu l'avocat de Donald Trump pour nuire à Joe Biden, ou sur la manière dont le Pentagone a dépensé des sommes énormes pour <a href="https://www.occrp.org/en/project/making-a-killing/revealed-the-pentagon-is-spending-up-to-22-billion-on-soviet-style-arms-for-syrian-rebels">fournir des armes</a> à des groupes rebelles en Syrie, ou encore sur un <a href="https://www.occrp.org/en/investigation/flight-of-the-monarch-us-govt-contracted-airline-once-owned-by-criminals-with-ties-to-russian-mob">contrat</a> entre le gouvernement américain et une compagnie aérienne dont les propriétaires sont liés au crime organisé en Russie.</p> <p>Ces recherches ont manifestement respecté une autre condition imposée par les autorités américaines à l'OCCRP: l'activité doit être «en accord avec la politique étrangère et les intérêts économiques des Etats-Unis et les promouvoir.» (<a href="https://www.govinfo.gov/content/pkg/COMPS-1071/pdf/COMPS-1071.pdf">US Foreign Assistance Act</a>).</p> <h3><strong>Voici comment la «NZZ» et Tamedia ont présenté la source OCCRP</strong></h3> <p><strong>«NZZ» du 19 juillet 2023</strong></p> <p>«L'Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP) est un réseau d'organisations journalistiques fondé en 2006, basé dans de nombreux pays différents et fonctionnant sous cette forme en tant que filiale du Journalism Development Network à but non lucratif, dont le siège est dans le Maryland.»</p> <p><strong>«Tages-Anzeiger» du 21 juin 2023</strong></p> <p>«Grâce à l'organisation OCCRP, des journalistes femmes de plusieurs pays ont pu étudier ces données, dont <em>Der Standard</em> en Autriche et <em>Der Spiegel</em> en Allemagne. Pour la Suisse, le bureau de recherche de Tamedia et Paper Trail Media était de la partie.»</p> <h3><strong>Informations complémentaires</strong></h3> <p><strong>22 décembre 2022</strong> <a href="https://www.infosperber.ch/politik/welt/twitter-diente-jahrelang-als-gehilfe-des-pentagons/">Twitter a servi pendant des années d'auxiliaire au Pentagone</a>. Elon Musk a partiellement révélé les outils internes de Twitter. Ils prouvent des services d'hommes de main pour la propagande de l'armée américaine à l'étranger.</p> <p><strong>12 février 2009</strong> <a href="https://www.tagesanzeiger.ch/27-000-pr-berater-polieren-image-der-usa-631302390683">27 000 conseillers en relations publiques polissent l'image des Etats-Unis</a>. Des faits presque incroyables sur le travail de relations publiques du Pentagone.</p> <p><strong>20 avril 2008</strong> <a href="https://www.spiegel.de/kultur/gesellschaft/gekaufte-meinung-pentagon-beschaeftigt-pr-armee-fuer-us-tv-a-548519.html">Le Pentagone emploie une armée de RP pour la télévision américaine</a>. 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1 Commentaire
@Truc 09.01.2019 | 07h57
«Les imprécisions (pour ne pas parler de contre-vérités) sur le personnage de Makhno (https://fr.wikipedia.org/wiki/Nestor_Makhno) permettent malheureusement de se poser des questions sur le sérieux du travail de l'auteur. Dommage.»