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Actuel / «Le monde est en train de changer et nous n’avons pas fait l’effort de comprendre pourquoi»

Bon pour la tête

7 décembre 2018

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A l’occasion des Tribunes de la presse 2018 à Bordeaux, l’historien britannique Peter Frankopan, professeur émérite à Oxford et spécialiste de l’histoire byzantine livre un regard éclairé sur l’Europe et ses mutations. Son dernier ouvrage «Les nouvelles routes de la soie» (Nevicata, 2018), s’inscrit dans la continuité de son premier livre «Les routes de la soie» (Nevicata, 2015), vendu à plus d’un million d’exemplaires.



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Marie Christine Lipani, Maitre de conférences en Sciences de l’Information et de la Communication habilitée à diriger des recherches à l'Institut de Journalisme Bordeaux Aquitaine (IJBA)


Vous évoquez souvent la nécessité de consulter l’histoire pour comprendre pourquoi et comment le monde est en train de changer et vous avez beaucoup travaillé sur l’ensemble des échanges entre les cultures et les peuples. Quel regard d’historien portez-vous sur le retour des frontières en ce moment dans le monde et surtout en Europe?

Peter Frankopan: Aujourd’hui, nous assistons à un mouvement bouleversant en Europe. A la fin de mon premier livre, je ne m’attendais pas à ce que l’Europe se retrouve prise dans cette crise. Mais à la fin du second, j’ai écrit que l’Europe était arrivée à ce carrefour, celui de la division. Il suffit de regarder ce qu’il se passe au Royaume-Uni avec le Brexit, en Pologne, en Hongrie mais aussi en France. On observe une forte volonté de la part des pays d’Europe à vouloir se découpler en partie à cause d’une coopération jugée de plus en plus inefficace. Plus globalement, il faut comprendre que cette crise européenne est liée à l’émergence d’un monde nouveau dans lequel l’Asie est un acteur incontournable.

Ce rejet de la coopération est-il propre à notre continent? Qu’en est-il en Asie justement?

P.F.: Ce monde «nouveau» n’est pas si récent, mais l’Europe ne se réveille que maintenant. Historiquement, en Asie, la situation est diamétralement opposée à celle de l’Europe. Dans cette région du monde, l’idée de coopération a toujours été très forte. Les cultures, les pays et les civilisations asiatiques ont beaucoup collaboré, tant sur le plan commercial que sur le plan politique. En Europe, notre connaissance de ce monde est plus ou moins nulle car nous avons basé notre conception de l’histoire sur notre propre continent uniquement. Nous avons peu à peu écrasé ce qui ne nous intéressait pas à cause de notre «eurocentrisme». Le monde est en train de changer et nous n’avons pas fait l’effort de comprendre pourquoi. L’Est est un monde de réseaux, où les échanges ont toujours prospéré.

Comment cela se traduit-il aujourd’hui?

P.F.: Aujourd’hui, le projet des «nouvelles routes de la soie» renforce cette coopération. Entre la Chine, l’Iran, la Turquie, la Russie, l’Inde et le Pakistan, nous observons une forte volonté de communication, de coopération concernant la sécurité, l’énergie et de nombreux autres investissements. Et dans ces échanges, les États-Unis et l’Europe n’ont que peu d’importance.

Diriez-vous alors que le centre du monde est en train de se déplacer? Nous pouvons penser à la Chine, puisque Xi Jinping veut hisser son pays «au premier rang du monde». Serions-nous en train d’assister à la fin d’une grande période de domination de l’Occident?

P.F.: Aujourd’hui, ce n’est pas un monde nouveau qui naît, mais un monde qui se retourne. Le centre du monde bouge car la démographie, l’économie, le climat, les réseaux, les routes évoluent. La Chine notamment est en passe de devenir un pouvoir global et non plus seulement régional. Par exemple, dans le passé l’Europe achetait la soie et les épices à la Chine. Maintenant c’est la Chine qui a l’argent et qui achète les domaines viticoles, les bâtiments, les clubs sportifs. Il y a trente ans, la Chine n’achetait aucun produit de luxe alors qu’aujourd’hui, plus d’un tiers de ces produits vendus dans le monde sont achetés par les Chinois. En 25 ans, avec le développement de la Banque Mondiale, 800 millions de Chinois sont sortis de la pauvreté. Les changements en Asie, comme en Afrique d’ailleurs, sont fondamentaux pour le reste du monde, mais nous – l’Europe – n’y prêtons pas beaucoup d’attention.

Quelles relations pourrait-on imaginer entre l’Europe et l’Asie à l’avenir ?

P.F.: Si nous nous représentons le monde comme un puzzle dans lequel tout est lié, l’Asie deviendra la pièce la plus importante. Il s’agit en fait plus d’une région que d’un pays, car tous les états ne cherchent pas à dominer la Chine, qui est le plus puissant, mais à s’accroître avec elle. Nous, en Europe, nous devrions jouer un rôle pour aider ces pays à négocier avec la Chine et prendre part à leur reconstruction.

Dans cette perspective, où devons-nous porter notre regard aujourd’hui? A quoi devons-nous être attentifs?

P.F.: Vers la Chine, la Russie, l’Iran… de manière générale vers le monde de l’Est. On parle souvent du monde de l’Est comme un monde menaçant. L’investissement chinois massif est difficile à accepter et il est fréquent d’être effrayé par les Chinois par exemple. En fait, dans ce monde globalisé, il est tentant de chercher à se protéger soi-même, pourtant, c’est de là que viennent toutes les énergies. Il est dangereux d’être convaincu que nous sommes les seuls à détenir la solution pour restaurer le calme et la prospérité.

Alors, comment le citoyen occidental doit-il appréhender ce monde «nouveau»?

P.F.: Il faut commencer par ouvrir les yeux, les oreilles et notre esprit au reste du monde. A nous, historiens, de faire comprendre que les frontières sont dangereuses et nous menacent.

Entretien réalisé par Lio Viry et Ève Guyot, IJBA, le 22 novembre 2018 aux Tribunes de la Presse de Bordeaux.


Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET

1 Commentaire

@stef 23.12.2018 | 20h33

«S’ouvrir à l’Iran, l’Inde et la Chine afin de ne plus dépendre de l’UE et des USA.»


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