Actuel / Le vin, repère pour les soldats français de la Première Guerre mondiale
Une du journal La Baïonnette, numéro du 14 décembre 1916. © DR
Au début du mois d’octobre 2017, s’est tenu à Bordeaux un colloque sur les «Vins et alcools pendant la Première Guerre mondiale». Cette rencontre a été l’occasion d’interroger les bouleversements causés en France par la Grande Guerre, non seulement sur la production et les échanges, mais aussi sur les modes de consommation, les pratiques sociales et les représentations, au front comme à l’arrière. Derrière les mutations et les vicissitudes de l’économie des vins, spiritueux et alcools, puissamment mobilisée, s’esquisse le portrait d’une société en guerre, alors en pleine perte de repères.
Sébastien Durand, Historien, chargé de cours à l’Université Bordeaux Montaigne
Les circonstances de la guerre sont particulièrement propices à l’utilisation du vin […]. Il exalte les qualités de notre race, la bonne humeur, la ténacité, le courage.»
En fait, ils soulignent en creux un aspect fondamental: à la veille du conflit, les boissons alcoolisées, le vin tout spécialement (150 litres consommés par habitant et par an en 1900!), imprègnent en profondeur la France, son corps social autant que son tissu économique. De telles considérations, faisant de la France «le pays du boire», ne peuvent qu’impacter les stratégies militaires, dès lors que se pose avec acuité la question du ravitaillement en vins et alcools des combattants. Comme l’ont déjà montré Stéphane Le Bras, Christophe Lucand et Charles Ridel, le vin fait l’objet d’une attention soutenue et régulière de la part de la gouvernance et de l’intendance militaires françaises.
Pour preuve, les 3 à 3,5 millions de poilus reçoivent gratuitement dans leur rationnement quotidien un quart de vin (25 cl) dès 1914, puis deux quarts en 1916, avant d’atteindre trois quarts deux ans plus tard. L’eau-de-vie est également fournie, à hauteur d’un seizième de litre. La bière est aussi acheminée jusqu’au front, mais plus difficilement il est vrai (les Belges sont bien mieux approvisionnées!). À rebours, l’absinthe est proscrite en 1915.
Un tel approvisionnement nécessite un effort tout à fait considérable de la part de l’armée, qui devient un gestionnaire logisticien d’envergure. Les moyens de transport intégrés à l’effort de guerre (véhicules, transports ferroviaires par wagons-foudres, navires spécialisés dits «cargos-pinardiers» reliés au marché algérien) côtoient des structures d’entreposage impressionnantes, notamment les stations-magasins aménagées dans les gares, transformées près des zones de combat en centres de stockage et de tri. Soutenir le moral des troupes et garantir la solidité du front sont à ce prix.
La qualité du vin n’est cependant pas au rendez-vous. Pour reprendre les mots de C. Lucand:
«Il s’agit d’un vin rouge de qualité très médiocre, tantôt âpre, rêche, raboteux, tantôt aigrelet, acerbe, piquant. Le pinard mouillé, frelaté, bromuré, trafiqué, empesté est un gros vin rude, bourru, sans distinction, couramment coupé […].»
Les soldats, faute de mieux, s’en accommodent: il n’est pas rare de les entendre répéter un air rendu célèbre par le chanteur comique (Charles-Joseph Pasquier, dit Bach), incorporé au 140e régiment d’infanterie de ligne: «Le pinard c’est de la vinasse. Ça réchauffe là oùsque ça passe. Vas-y, Bidasse, remplis mon quart. Vive le pinard, vive le pinard! ».
L’essentiel est sans doute ailleurs. Les vins et alcools balisent désormais l’horizon mental et l’univers quotidien des combattants. Ils représentent ainsi un élément important et jusque-là mésestimé d’un dialogue tantôt fécond, tantôt heurté entre les soldats, les officiers et les généraux. Ces derniers, dans une logique de don et de contre-don, n’hésitent pas à récompenser ceux qui ont vaillamment combattu par une augmentation de leur rationnement. Ils disposent, à ce titre, d’une réelle latitude, celle de pouvoir stocker puis redistribuer selon leur volonté d’importantes quantités d’alcool. Parfois veillent-ils même à une alcoolisation des troupes avant l’assaut, afin de donner – par une annihilation des esprits – de la force pour se battre, de la force pour tuer.
En outre, la pratique des soldats s’approvisionnant sur leurs fonds propres, grâce à leur solde, auprès des cantines, des débits de boisson et des mercantis, s’effectue très souvent sans aucun contrôle. Du moins dans un premier temps. Selon Jules Isaac, dans une lettre datée du 5 septembre 1915, «la chasse au pinard est depuis le début de la guerre la principale occupation des poilus […] et ils n’en ont jamais assez.» Les experts et les hiérarques militaires, bien que responsables au premier chef de la situation, s’en inquiètent, modérément depuis 1915, plus sérieusement l’année suivante. À l’instar de Pétain qui, à Verdun, s’interroge sur les désordres éventuels provoqués par l’alcoolisation des troupes. Le rôle de cette dernière dans le déclenchement des mutineries de 1917 se pose ici: sont-elles déclenchées par une consommation excessive, désinhibant les soldats, et/ou par une insuffisance des approvisionnements? Les historien·ne·s sont très partagé·e·s sur le sujet.
Un point fait consensus: les soldats ont besoin de l’alcool. L’ivresse des combattants est-elle généralisée? Sans doute pas. Mais il s’agit d’un adjuvant irremplaçable, bien qu’artificiel, pour supporter la pression, l’ennui, l’éloignement, la perte des camarades. Quel soulagement pour le soldat de recevoir un colis de sa famille contenant une fiole de son alcool préféré, à l’exemple des Antillais recevant une petite quantité de rhum accompagnée de denrées coloniales! Quel plaisir de bénéficier pour le Nouvel An ou le 14 juillet des «rations de fête», sous la forme de vins et d’alcools de qualité de leur région d’origine! Ces dons ciblés de négociants de tout le pays (bordelais, charentais, champenois, bourguignons, languedociens) sont habilement exploités par la propagande.
Les alcools tissent de solides liens de fraternité et de solidarité. Associés à des moments festifs ou adossés à des pratiques cohésives (entrée dans une escouade, retour de permission, célébration d’une promotion), ils favorisent l’esprit de corps et participent à la construction d’une communauté combattante et d’une sociabilité masculine, toutes deux mises à mal par une guerre mécanique et industrielle, dont la brutalité oblitère la valeur de l’existence humaine.
Une économie et une société mobilisées à l’épreuve des pénuries
Approvisionner suffisamment et régulièrement les zones de combat, tout en veillant à maintenir les positions sur les marchés civils, tant en France qu’à l’étranger, est un véritable défi lancé aux viticulteur.trice.s, brasseur.euse.s et fabricante·e·s de liqueurs. Le challenge est relevé en 1914, grâce il est vrai à des récoltes et des stocks surabondants. La guerre purge les marchés. Mais les années qui suivent sont bien plus difficiles. Dans les vignobles, les récoltes de 1915, passant de 60 à 20 millions d’hectolitres, sont calamiteuses, péniblement compensées par l’achat de vins étrangers (espagnols, italiens, chiliens…). C’est alors que les ponctions militaires débutent. En Gironde, elles portent sur environ un tiers de la récolte en vins ordinaires, soit la même proportion relevée sur l’ensemble de la période et des territoires. Au total, les réquisitions portent sur une moyenne annuelle de 10 à 15 millions d’hectolitres de vins. Pour le rhum, le quota de 50% de la production réservée à l’intendance militaire est régulièrement dépassé.
La pénurie imprime sa marque sur les systèmes productifs. En métropole, la mobilisation massive des hommes, producteurs, distillateurs, techniciens et ouvriers agricoles, réduit drastiquement le nombre de bras disponibles. La crainte de ne pas mener à bien les travaux agricoles (récoltes) et techniques (conditionnements, distillations) est constante. Dans les Antilles, l’incorporation des Martiniquais est tardive et ne débute réellement qu’en 1916: à peine un tiers des effectifs mobilisables part sur le front, le reste étant déployé dans les exploitations sucrières et les rhumeries. Il faut s’adapter à cette saignée démographique: outre l’investissement remarquable des femmes, sont mobilisés des étrangers et des prisonniers de guerre. Dans le Languedoc, le travail des Espagnols et des Algériens donne un résultat à ce point médiocre que les exploitants préfèrent faire appel aux prisonniers! Des permissions sont également octroyées, mais elles sont loin d’être systématiques. Dans le pays charentais, par exemple, 15 à 20 jours sont accordés en faveur de soldats distillateurs, quand 3 à 4 mois sont demandés!
La pénurie est multiple. Les moyens de transport font défaut à leur tour. Les communications ferroviaires sont insuffisantes, en fréquence et en quantité de matériels disponibles. Les négociants de Cognac n’ont d’autres choix que de réutiliser les anciennes voies d’expédition par gabarre. Le verre, le sucre, le liège, le charbon pour les verreries, le bois pour les futailles manquent également: leur usage est d’abord militaire. Les alcools industriels sont orientés eux aussi prioritairement vers la satisfaction des besoins stratégiques des industries chimiques (explosifs) et mécaniques (lubrifiants). Dans ses colonnes, _Le Vigneron champenois _se fait régulièrement écho des inquiétudes des vigneron·ne·s, qui manquent cruellement de produits anticryptogamiques et phytosanitaires. À cause du rationnement et de l’inflation, les outils et produits nécessaires au sulfatage sont peu accessibles. La vigne souffre et la qualité des vins se pose. En Gironde, cette qualité oscille grandement d’une année sur l’autre. D’après le courtier bordelais Tastet-Lawton, les vins rouges sont «bons» en 1914, mais «très médiocres» en 1915. Les 1917 ne laissent pas un grand souvenir: «Année ordinaire; vins plutôt maigres, certains n’ont pas été soignés comme il convenait.»
Les vins et alcools, une trace sociale et une image mentale de la Grande Guerre
L’image du vin et des alcools se modifie-t-elle durant le conflit? Les historien·ne·s soulignent l’existence d’un paradoxe, surtout concernant le vin, dans la mesure où celui-ci apparaît pour certains comme un alcool dangereux et pour d’autres comme un produit hautement patriotique. À dire vrai, la seconde acception l’emporte sur la première. L’année 1916 marque bien un tournant relatif: l’alcool est présenté par d’aucuns comme «un ennemi de l’intérieur». La Société française d’action contre l’alcoolisme n’hésite pas, dans son bulletin L’Alarme, à associer les effets de l’alcool aux exactions allemandes et souhaite que les autorités françaises imitent les Russes qui ont interdit toute consommation dès 1914. Des mesures sont certes prises, mais elles sont tardives: une loi du 1ᵉʳ octobre 1917 renforce la répression contre l’ivresse. Les autorités restreignent alors les quantités de pinard achetées par les soldats chez les commerçants, mais les quantités tolérées demeurent importantes (pas plus de 10 litres!). Un chiffre impressionne: les débits de boisson en France, environ 480 000 en 1913, ne sont plus que 360 000 en 1918. Mais cette baisse est trompeuse, dans la mesure où les résultats de la réglementation, d’ailleurs mal ou peu appliquée, se combinent certainement ici aux conséquences de la délicate réinsertion dans le tissu commercial des hommes démobilisés.
Ensuite, les alcools fermentés jouissent toujours d’une bonne image, y compris auprès des généraux français. Dans leur grande majorité, malgré quelques inquiétudes formulées, ils rendent hommage au vin, qui prend les traits – pour reprendre les mots de Roland Barthes – d’une «boisson-totem». Pour le maréchal Joffre, lui-même fils de tonnelier, le vin est demeuré le fidèle compagnon du soldat; lui aussi a contribué à la victoire. La une du Petit Journal du 14 septembre 1919 n’est-il pas consacré au «vin de la revanche», instrument de glorification nationale contre le «phylloxera allemand»? Le «bon vin de 1919» a un arrière-goût fort agréable, celui de la victoire.
(...)
Vins et alcools pendant la Première Guerre mondiale, colloque tenu à Bordeaux les 2 et 3 octobre 2017 et organisé par le professeur Hubert Bonin. Publication en cours aux Éditions Féret
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Il exalte les qualités de notre race, la bonne humeur, la ténacité, le courage.» </strong></em></p></blockquote> <figure class="align-left zoomable"><p> Ainsi s’exprime, en novembre 1914, le docteur Eugène Rousseaux, alors directeur de la Station œnologique de l’Yonne. De tels propos ne peuvent être compris, sans avoir à l’esprit que, contrairement à l’alcool industriel distillé, condamné pour ses effets néfastes et associé aux productions allemandes, le vin est considéré à cette époque comme une «boisson hygiénique», un aliment aux vertus caloriques et microbicides et même comme un rempart contre… l’alcoolisme.</p><h4><a href="https://images.theconversation.com/files/196162/original/file-20171123-18017-tr86mv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/196162/original/file-20171123-18017-tr86mv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip"></a> <figcaption> <span class="caption">Une du journal <em>La Baïonnette</em>, numéro du 14 décembre 1916</span></figcaption></h4><figcaption><span class="caption"></span> </figcaption> </figure> <p>En fait, ils soulignent en creux un aspect fondamental: à la veille du conflit, les boissons alcoolisées, le vin tout spécialement (150 litres consommés par habitant et par an en 1900!), imprègnent en profondeur la France, son corps social autant que son tissu économique. De telles considérations, faisant de la France «le pays du boire», ne peuvent qu’impacter les stratégies militaires, dès lors que se pose avec acuité la question du ravitaillement en vins et alcools des combattants. Comme l’ont déjà montré <a href="http://www.lemonde.fr/centenaire-14-18/article/2014/10/17/boire-et-deboires-pendant-la-grande-guerre_4508005_3448834.html">Stéphane Le Bras</a>, <a href="http://eud.u-bourgogne.fr/histoire/442-le-pinard-des-poilus-9782364411319.html">Christophe Lucand</a> et <a href="http://www.editions-vendemiaire.com/catalogue/charles-ridel/l-ivresse-du-soldat-charles-ridel/">Charles Ridel</a>, le vin fait l’objet d’une attention soutenue et régulière de la part de la gouvernance et de l’intendance militaires françaises.</p> <p>Pour preuve, les 3 à 3,5 millions de poilus reçoivent gratuitement dans leur rationnement quotidien un quart de vin (25 cl) dès 1914, puis deux quarts en 1916, avant d’atteindre trois quarts deux ans plus tard. L’eau-de-vie est également fournie, à hauteur d’un seizième de litre. La bière est aussi acheminée jusqu’au front, mais plus difficilement il est vrai (les Belges sont bien mieux approvisionnées!). À rebours, l’absinthe est proscrite en 1915.</p> <p>Un tel approvisionnement nécessite un effort tout à fait considérable de la part de l’armée, qui devient un gestionnaire logisticien d’envergure. Les moyens de transport intégrés à l’effort de guerre (véhicules, transports ferroviaires par wagons-foudres, navires spécialisés dits «cargos-pinardiers» reliés au marché algérien) côtoient des structures d’entreposage impressionnantes, notamment les stations-magasins aménagées dans les gares, transformées près des zones de combat en centres de stockage et de tri. Soutenir le moral des troupes et garantir la solidité du front sont à ce prix.</p> <p>La qualité du vin n’est cependant pas au rendez-vous. Pour reprendre les mots de <a href="https://www.monde-diplomatique.fr/2016/08/LUCAND/56091">C. Lucand</a>:</p> <blockquote><p><em><strong>«Il s’agit d’un vin rouge de qualité très médiocre, tantôt âpre, rêche, raboteux, tantôt aigrelet, acerbe, piquant. Le pinard mouillé, frelaté, bromuré, trafiqué, empesté est un gros vin rude, bourru, sans distinction, couramment coupé […].»</strong></em></p> </blockquote> <p>Les soldats, faute de mieux, s’en accommodent: il n’est pas rare de les entendre répéter un air rendu célèbre par le chanteur comique (<a href="http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k13112962/f2.media">Charles-Joseph Pasquier, dit Bach</a>), incorporé au 140<sup>e</sup> régiment d’infanterie de ligne: «Le pinard c’est de la vinasse. Ça réchauffe là oùsque ça passe. Vas-y, Bidasse, remplis mon quart. Vive le pinard, vive le pinard! ».</p><p> L’essentiel est sans doute ailleurs. Les vins et alcools balisent désormais l’horizon mental et l’univers quotidien des combattants. Ils représentent ainsi un élément important et jusque-là mésestimé d’un dialogue tantôt fécond, tantôt heurté entre les soldats, les officiers et les généraux. Ces derniers, dans une logique de don et de contre-don, n’hésitent pas à récompenser ceux qui ont vaillamment combattu par une augmentation de leur rationnement. Ils disposent, à ce titre, d’une réelle latitude, celle de pouvoir stocker puis redistribuer selon leur volonté d’importantes quantités d’alcool. Parfois veillent-ils même à une alcoolisation des troupes avant l’assaut, afin de donner – par une annihilation des esprits – de la force pour se battre, de la force pour tuer. </p><p>En outre, la pratique des soldats s’approvisionnant sur leurs fonds propres, grâce à leur solde, auprès des cantines, des débits de boisson et des mercantis, s’effectue très souvent sans aucun contrôle. Du moins dans un premier temps. Selon Jules Isaac, dans une lettre datée du 5 septembre 1915, «la chasse au pinard est depuis le début de la guerre la principale occupation des poilus […] et ils n’en ont jamais assez.» Les experts et les hiérarques militaires, bien que responsables au premier chef de la situation, s’en inquiètent, modérément depuis 1915, plus sérieusement l’année suivante. À l’instar de Pétain qui, à Verdun, s’interroge sur les désordres éventuels provoqués par l’alcoolisation des troupes. Le rôle de cette dernière dans le déclenchement des mutineries de 1917 se pose ici: sont-elles déclenchées par une consommation excessive, désinhibant les soldats, et/ou par une insuffisance des approvisionnements? Les historien·ne·s sont très partagé·e·s sur le sujet.</p> <figure class="align-left zoomable"> <h4><a href="https://images.theconversation.com/files/196165/original/file-20171123-18021-t6xtud.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/196165/original/file-20171123-18021-t6xtud.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip"></a> <figcaption> <span class="caption">Une du journal l’<em>Excelsior</em>, numéro du 13 janvier 1916</span></figcaption></h4><figcaption><span class="caption"></span> </figcaption> </figure> <p>Un point fait consensus: les soldats ont besoin de l’alcool. L’ivresse des combattants est-elle généralisée? Sans doute pas. Mais il s’agit d’un adjuvant irremplaçable, bien qu’artificiel, pour supporter la pression, l’ennui, l’éloignement, la perte des camarades. Quel soulagement pour le soldat de recevoir un colis de sa famille contenant une fiole de son alcool préféré, à l’exemple des Antillais recevant une petite quantité de rhum accompagnée de denrées coloniales! Quel plaisir de bénéficier pour le Nouvel An ou le 14 juillet des «rations de fête», sous la forme de vins et d’alcools de qualité de leur région d’origine! Ces dons ciblés de négociants de tout le pays (bordelais, charentais, champenois, bourguignons, languedociens) sont habilement exploités par la propagande.</p> <p>Les alcools tissent de solides liens de fraternité et de solidarité. Associés à des moments festifs ou adossés à des pratiques cohésives (entrée dans une escouade, retour de permission, célébration d’une promotion), ils favorisent l’esprit de corps et participent à la construction d’une communauté combattante et d’une sociabilité masculine, toutes deux mises à mal par une guerre mécanique et industrielle, dont la brutalité oblitère la valeur de l’existence humaine.</p> <h2>Une économie et une société mobilisées à l’épreuve des pénuries</h2> <p>Approvisionner suffisamment et régulièrement les zones de combat, tout en veillant à maintenir les positions sur les marchés civils, tant en France qu’à l’étranger, est un véritable défi lancé aux viticulteur.trice.s, brasseur.euse.s et fabricante·e·s de liqueurs. Le challenge est relevé en 1914, grâce il est vrai à des récoltes et des stocks surabondants. La guerre purge les marchés. Mais les années qui suivent sont bien plus difficiles. Dans les vignobles, les récoltes de 1915, passant de 60 à 20 millions d’hectolitres, sont calamiteuses, péniblement compensées par l’achat de vins étrangers (espagnols, italiens, chiliens…). C’est alors que les ponctions militaires débutent. En Gironde, elles portent sur environ un tiers de la récolte en vins ordinaires, soit la même proportion relevée sur l’ensemble de la période et des territoires. Au total, les réquisitions portent sur une moyenne annuelle de 10 à 15 millions d’hectolitres de vins. Pour le rhum, le quota de 50% de la production réservée à l’intendance militaire est régulièrement dépassé.</p> <p>La pénurie imprime sa marque sur les systèmes productifs. En métropole, la mobilisation massive des hommes, producteurs, distillateurs, techniciens et ouvriers agricoles, réduit drastiquement le nombre de bras disponibles. La crainte de ne pas mener à bien les travaux agricoles (récoltes) et techniques (conditionnements, distillations) est constante. Dans les Antilles, l’incorporation des Martiniquais est tardive et ne débute réellement qu’en 1916: à peine un tiers des effectifs mobilisables part sur le front, le reste étant déployé dans les exploitations sucrières et les rhumeries. Il faut s’adapter à cette saignée démographique: outre l’investissement remarquable des femmes, sont mobilisés des étrangers et des prisonniers de guerre. Dans le Languedoc, le travail des Espagnols et des Algériens donne un résultat à ce point médiocre que les exploitants préfèrent faire appel aux prisonniers! Des permissions sont également octroyées, mais elles sont loin d’être systématiques. Dans le pays charentais, par exemple, 15 à 20 jours sont accordés en faveur de soldats distillateurs, quand 3 à 4 mois sont demandés!</p> <p>La pénurie est multiple. Les moyens de transport font défaut à leur tour. Les communications ferroviaires sont insuffisantes, en fréquence et en quantité de matériels disponibles. Les négociants de Cognac n’ont d’autres choix que de réutiliser les anciennes voies d’expédition par gabarre. Le verre, le sucre, le liège, le charbon pour les verreries, le bois pour les futailles manquent également: leur usage est d’abord militaire. Les alcools industriels sont orientés eux aussi prioritairement vers la satisfaction des besoins stratégiques des industries chimiques (explosifs) et mécaniques (lubrifiants). Dans ses colonnes, _Le Vigneron champenois _se fait régulièrement écho des inquiétudes des vigneron·ne·s, qui manquent cruellement de produits anticryptogamiques et phytosanitaires. À cause du rationnement et de l’inflation, les outils et produits nécessaires au sulfatage sont peu accessibles. La vigne souffre et la qualité des vins se pose. En Gironde, cette qualité oscille grandement d’une année sur l’autre. D’après le courtier bordelais Tastet-Lawton, les vins rouges sont «bons» en 1914, mais «très médiocres» en 1915. Les 1917 ne laissent pas un grand souvenir: «Année ordinaire; vins plutôt maigres, certains n’ont pas été soignés comme il convenait.»</p> <h2>Les vins et alcools, une trace sociale et une image mentale de la Grande Guerre</h2> <p>L’image du vin et des alcools se modifie-t-elle durant le conflit? Les historien·ne·s soulignent l’existence d’un paradoxe, surtout concernant le vin, dans la mesure où celui-ci apparaît pour certains comme un alcool dangereux et pour d’autres comme un produit hautement patriotique. À dire vrai, la seconde acception l’emporte sur la première. L’année 1916 marque bien un tournant relatif: l’alcool est présenté par d’aucuns comme «un ennemi de l’intérieur». La Société française d’action contre l’alcoolisme n’hésite pas, dans son bulletin <em>L’Alarme</em>, à associer les effets de l’alcool aux exactions allemandes et souhaite que les autorités françaises imitent les Russes qui ont interdit toute consommation dès 1914. Des mesures sont certes prises, mais elles sont tardives: une <a href="http://www.lhistoire.fr/1917-la-guerre-contre-le-vin-est-d%C3%A9clar%C3%A9e">loi du 1ᵉʳ octobre 1917</a> renforce la répression contre l’ivresse. Les autorités restreignent alors les quantités de pinard achetées par les soldats chez les commerçants, mais les quantités tolérées demeurent importantes (pas plus de 10 litres!). Un chiffre impressionne: les débits de boisson en France, environ 480 000 en 1913, ne sont plus que 360 000 en 1918. Mais cette baisse est trompeuse, dans la mesure où les résultats de la réglementation, d’ailleurs mal ou peu appliquée, se combinent certainement ici aux conséquences de la délicate réinsertion dans le tissu commercial des hommes démobilisés.</p> <figure class="align-center zoomable"> <h4><a href="https://images.theconversation.com/files/196167/original/file-20171123-18017-6yjhfa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/196167/original/file-20171123-18017-6yjhfa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip"></a> Une d’un bulletin de <em>L’Alarme</em>, daté de 1916</h4><br><p>Le «vinisme» est-il sur le point de remplacer l’absinthisme? La tempérance s’inscrit moins dans les actes que dans les discours, dont le contenu ne fait d’ailleurs pas consensus. Des professionnels, négociants et producteurs, s’émeuvent bien d’une possible «guerre contre les vins», mais l’opinion ne bascule pas, et pour plusieurs raisons. D’abord, les systèmes productifs des vins et alcools, entre ceux et celles qui les produisent puis en assurent le conditionnement, le transport et la vente, emploient des millions de personnes. Il n’est guère étonnant de voir des syndicats disposer de solides contacts auprès d’hommes politiques influents (notamment Édouard Barthe, Étienne Camuzet et Joseph Capus). Même originaires de régions concurrentes, les responsables professionnels et politiques savent se réunir pendant et après la guerre pour défendre des marchés jugés essentiels.</p></figure><figure class="align-left zoomable"> <h4><a href="https://images.theconversation.com/files/196169/original/file-20171123-17988-1uiuh24.JPEG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/196169/original/file-20171123-17988-1uiuh24.JPEG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip"></a> <figcaption> <span class="caption">«Le vin de la revanche», Une du <em>Petit Journal</em>, numéro du 14 septembre 1919</span></figcaption></h4><figcaption><span class="caption"></span> </figcaption> </figure> <p>Ensuite, les alcools fermentés jouissent toujours d’une bonne image, y compris auprès des généraux français. Dans leur grande majorité, malgré quelques inquiétudes formulées, ils rendent hommage au vin, qui prend les traits – pour reprendre les mots de Roland Barthes – d’une «boisson-totem». Pour le maréchal Joffre, lui-même fils de tonnelier, le vin est demeuré le fidèle compagnon du soldat; lui aussi a contribué à la victoire. La une du <em>Petit Journal</em> du 14 septembre 1919 n’est-il pas consacré au «vin de la revanche», instrument de glorification nationale contre le «phylloxera allemand»? Le «bon vin de 1919» a un arrière-goût fort agréable, celui de la victoire.</p><p>(...)</p><p></p><hr><p></p> <h4><em>Vins et alcools pendant la Première Guerre mondiale</em>, <a href="http://centenaire.org/fr/espace-scientifique/colloquesseminaires/vins-et-alcools-pendant-la-premiere-guerre-mondiale">colloque tenu à Bordeaux les 2 et 3 octobre 2017</a> et organisé par le professeur Hubert Bonin. Publication en cours aux Éditions Féret<!-- Below is The Conversation's page counter tag. 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De tels propos ne peuvent être compris, sans avoir à l’esprit que, contrairement à l’alcool industriel distillé, condamné pour ses effets néfastes et associé aux productions allemandes, le vin est considéré à cette époque comme une «boisson hygiénique», un aliment aux vertus caloriques et microbicides et même comme un rempart contre… l’alcoolisme.</p><h4><a href="https://images.theconversation.com/files/196162/original/file-20171123-18017-tr86mv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/196162/original/file-20171123-18017-tr86mv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip"></a> <figcaption> <span class="caption">Une du journal <em>La Baïonnette</em>, numéro du 14 décembre 1916</span></figcaption></h4><figcaption><span class="caption"></span> </figcaption> </figure> <p>En fait, ils soulignent en creux un aspect fondamental: à la veille du conflit, les boissons alcoolisées, le vin tout spécialement (150 litres consommés par habitant et par an en 1900!), imprègnent en profondeur la France, son corps social autant que son tissu économique. De telles considérations, faisant de la France «le pays du boire», ne peuvent qu’impacter les stratégies militaires, dès lors que se pose avec acuité la question du ravitaillement en vins et alcools des combattants. Comme l’ont déjà montré <a href="http://www.lemonde.fr/centenaire-14-18/article/2014/10/17/boire-et-deboires-pendant-la-grande-guerre_4508005_3448834.html">Stéphane Le Bras</a>, <a href="http://eud.u-bourgogne.fr/histoire/442-le-pinard-des-poilus-9782364411319.html">Christophe Lucand</a> et <a href="http://www.editions-vendemiaire.com/catalogue/charles-ridel/l-ivresse-du-soldat-charles-ridel/">Charles Ridel</a>, le vin fait l’objet d’une attention soutenue et régulière de la part de la gouvernance et de l’intendance militaires françaises.</p> <p>Pour preuve, les 3 à 3,5 millions de poilus reçoivent gratuitement dans leur rationnement quotidien un quart de vin (25 cl) dès 1914, puis deux quarts en 1916, avant d’atteindre trois quarts deux ans plus tard. L’eau-de-vie est également fournie, à hauteur d’un seizième de litre. La bière est aussi acheminée jusqu’au front, mais plus difficilement il est vrai (les Belges sont bien mieux approvisionnées!). À rebours, l’absinthe est proscrite en 1915.</p> <p>Un tel approvisionnement nécessite un effort tout à fait considérable de la part de l’armée, qui devient un gestionnaire logisticien d’envergure. Les moyens de transport intégrés à l’effort de guerre (véhicules, transports ferroviaires par wagons-foudres, navires spécialisés dits «cargos-pinardiers» reliés au marché algérien) côtoient des structures d’entreposage impressionnantes, notamment les stations-magasins aménagées dans les gares, transformées près des zones de combat en centres de stockage et de tri. Soutenir le moral des troupes et garantir la solidité du front sont à ce prix.</p> <p>La qualité du vin n’est cependant pas au rendez-vous. Pour reprendre les mots de <a href="https://www.monde-diplomatique.fr/2016/08/LUCAND/56091">C. 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Ils représentent ainsi un élément important et jusque-là mésestimé d’un dialogue tantôt fécond, tantôt heurté entre les soldats, les officiers et les généraux. Ces derniers, dans une logique de don et de contre-don, n’hésitent pas à récompenser ceux qui ont vaillamment combattu par une augmentation de leur rationnement. Ils disposent, à ce titre, d’une réelle latitude, celle de pouvoir stocker puis redistribuer selon leur volonté d’importantes quantités d’alcool. Parfois veillent-ils même à une alcoolisation des troupes avant l’assaut, afin de donner – par une annihilation des esprits – de la force pour se battre, de la force pour tuer. </p><p>En outre, la pratique des soldats s’approvisionnant sur leurs fonds propres, grâce à leur solde, auprès des cantines, des débits de boisson et des mercantis, s’effectue très souvent sans aucun contrôle. Du moins dans un premier temps. Selon Jules Isaac, dans une lettre datée du 5 septembre 1915, «la chasse au pinard est depuis le début de la guerre la principale occupation des poilus […] et ils n’en ont jamais assez.» Les experts et les hiérarques militaires, bien que responsables au premier chef de la situation, s’en inquiètent, modérément depuis 1915, plus sérieusement l’année suivante. À l’instar de Pétain qui, à Verdun, s’interroge sur les désordres éventuels provoqués par l’alcoolisation des troupes. Le rôle de cette dernière dans le déclenchement des mutineries de 1917 se pose ici: sont-elles déclenchées par une consommation excessive, désinhibant les soldats, et/ou par une insuffisance des approvisionnements? Les historien·ne·s sont très partagé·e·s sur le sujet.</p> <figure class="align-left zoomable"> <h4><a href="https://images.theconversation.com/files/196165/original/file-20171123-18021-t6xtud.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/196165/original/file-20171123-18021-t6xtud.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip"></a> <figcaption> <span class="caption">Une du journal l’<em>Excelsior</em>, numéro du 13 janvier 1916</span></figcaption></h4><figcaption><span class="caption"></span> </figcaption> </figure> <p>Un point fait consensus: les soldats ont besoin de l’alcool. L’ivresse des combattants est-elle généralisée? Sans doute pas. Mais il s’agit d’un adjuvant irremplaçable, bien qu’artificiel, pour supporter la pression, l’ennui, l’éloignement, la perte des camarades. Quel soulagement pour le soldat de recevoir un colis de sa famille contenant une fiole de son alcool préféré, à l’exemple des Antillais recevant une petite quantité de rhum accompagnée de denrées coloniales! Quel plaisir de bénéficier pour le Nouvel An ou le 14 juillet des «rations de fête», sous la forme de vins et d’alcools de qualité de leur région d’origine! Ces dons ciblés de négociants de tout le pays (bordelais, charentais, champenois, bourguignons, languedociens) sont habilement exploités par la propagande.</p> <p>Les alcools tissent de solides liens de fraternité et de solidarité. Associés à des moments festifs ou adossés à des pratiques cohésives (entrée dans une escouade, retour de permission, célébration d’une promotion), ils favorisent l’esprit de corps et participent à la construction d’une communauté combattante et d’une sociabilité masculine, toutes deux mises à mal par une guerre mécanique et industrielle, dont la brutalité oblitère la valeur de l’existence humaine.</p> <h2>Une économie et une société mobilisées à l’épreuve des pénuries</h2> <p>Approvisionner suffisamment et régulièrement les zones de combat, tout en veillant à maintenir les positions sur les marchés civils, tant en France qu’à l’étranger, est un véritable défi lancé aux viticulteur.trice.s, brasseur.euse.s et fabricante·e·s de liqueurs. Le challenge est relevé en 1914, grâce il est vrai à des récoltes et des stocks surabondants. La guerre purge les marchés. Mais les années qui suivent sont bien plus difficiles. Dans les vignobles, les récoltes de 1915, passant de 60 à 20 millions d’hectolitres, sont calamiteuses, péniblement compensées par l’achat de vins étrangers (espagnols, italiens, chiliens…). C’est alors que les ponctions militaires débutent. En Gironde, elles portent sur environ un tiers de la récolte en vins ordinaires, soit la même proportion relevée sur l’ensemble de la période et des territoires. Au total, les réquisitions portent sur une moyenne annuelle de 10 à 15 millions d’hectolitres de vins. Pour le rhum, le quota de 50% de la production réservée à l’intendance militaire est régulièrement dépassé.</p> <p>La pénurie imprime sa marque sur les systèmes productifs. En métropole, la mobilisation massive des hommes, producteurs, distillateurs, techniciens et ouvriers agricoles, réduit drastiquement le nombre de bras disponibles. La crainte de ne pas mener à bien les travaux agricoles (récoltes) et techniques (conditionnements, distillations) est constante. Dans les Antilles, l’incorporation des Martiniquais est tardive et ne débute réellement qu’en 1916: à peine un tiers des effectifs mobilisables part sur le front, le reste étant déployé dans les exploitations sucrières et les rhumeries. Il faut s’adapter à cette saignée démographique: outre l’investissement remarquable des femmes, sont mobilisés des étrangers et des prisonniers de guerre. Dans le Languedoc, le travail des Espagnols et des Algériens donne un résultat à ce point médiocre que les exploitants préfèrent faire appel aux prisonniers! Des permissions sont également octroyées, mais elles sont loin d’être systématiques. Dans le pays charentais, par exemple, 15 à 20 jours sont accordés en faveur de soldats distillateurs, quand 3 à 4 mois sont demandés!</p> <p>La pénurie est multiple. Les moyens de transport font défaut à leur tour. Les communications ferroviaires sont insuffisantes, en fréquence et en quantité de matériels disponibles. Les négociants de Cognac n’ont d’autres choix que de réutiliser les anciennes voies d’expédition par gabarre. Le verre, le sucre, le liège, le charbon pour les verreries, le bois pour les futailles manquent également: leur usage est d’abord militaire. Les alcools industriels sont orientés eux aussi prioritairement vers la satisfaction des besoins stratégiques des industries chimiques (explosifs) et mécaniques (lubrifiants). Dans ses colonnes, _Le Vigneron champenois _se fait régulièrement écho des inquiétudes des vigneron·ne·s, qui manquent cruellement de produits anticryptogamiques et phytosanitaires. À cause du rationnement et de l’inflation, les outils et produits nécessaires au sulfatage sont peu accessibles. La vigne souffre et la qualité des vins se pose. En Gironde, cette qualité oscille grandement d’une année sur l’autre. D’après le courtier bordelais Tastet-Lawton, les vins rouges sont «bons» en 1914, mais «très médiocres» en 1915. Les 1917 ne laissent pas un grand souvenir: «Année ordinaire; vins plutôt maigres, certains n’ont pas été soignés comme il convenait.»</p> <h2>Les vins et alcools, une trace sociale et une image mentale de la Grande Guerre</h2> <p>L’image du vin et des alcools se modifie-t-elle durant le conflit? Les historien·ne·s soulignent l’existence d’un paradoxe, surtout concernant le vin, dans la mesure où celui-ci apparaît pour certains comme un alcool dangereux et pour d’autres comme un produit hautement patriotique. À dire vrai, la seconde acception l’emporte sur la première. L’année 1916 marque bien un tournant relatif: l’alcool est présenté par d’aucuns comme «un ennemi de l’intérieur». La Société française d’action contre l’alcoolisme n’hésite pas, dans son bulletin <em>L’Alarme</em>, à associer les effets de l’alcool aux exactions allemandes et souhaite que les autorités françaises imitent les Russes qui ont interdit toute consommation dès 1914. Des mesures sont certes prises, mais elles sont tardives: une <a href="http://www.lhistoire.fr/1917-la-guerre-contre-le-vin-est-d%C3%A9clar%C3%A9e">loi du 1ᵉʳ octobre 1917</a> renforce la répression contre l’ivresse. Les autorités restreignent alors les quantités de pinard achetées par les soldats chez les commerçants, mais les quantités tolérées demeurent importantes (pas plus de 10 litres!). Un chiffre impressionne: les débits de boisson en France, environ 480 000 en 1913, ne sont plus que 360 000 en 1918. Mais cette baisse est trompeuse, dans la mesure où les résultats de la réglementation, d’ailleurs mal ou peu appliquée, se combinent certainement ici aux conséquences de la délicate réinsertion dans le tissu commercial des hommes démobilisés.</p> <figure class="align-center zoomable"> <h4><a href="https://images.theconversation.com/files/196167/original/file-20171123-18017-6yjhfa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/196167/original/file-20171123-18017-6yjhfa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip"></a> Une d’un bulletin de <em>L’Alarme</em>, daté de 1916</h4><br><p>Le «vinisme» est-il sur le point de remplacer l’absinthisme? La tempérance s’inscrit moins dans les actes que dans les discours, dont le contenu ne fait d’ailleurs pas consensus. Des professionnels, négociants et producteurs, s’émeuvent bien d’une possible «guerre contre les vins», mais l’opinion ne bascule pas, et pour plusieurs raisons. D’abord, les systèmes productifs des vins et alcools, entre ceux et celles qui les produisent puis en assurent le conditionnement, le transport et la vente, emploient des millions de personnes. Il n’est guère étonnant de voir des syndicats disposer de solides contacts auprès d’hommes politiques influents (notamment Édouard Barthe, Étienne Camuzet et Joseph Capus). Même originaires de régions concurrentes, les responsables professionnels et politiques savent se réunir pendant et après la guerre pour défendre des marchés jugés essentiels.</p></figure><figure class="align-left zoomable"> <h4><a href="https://images.theconversation.com/files/196169/original/file-20171123-17988-1uiuh24.JPEG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/196169/original/file-20171123-17988-1uiuh24.JPEG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip"></a> <figcaption> <span class="caption">«Le vin de la revanche», Une du <em>Petit Journal</em>, numéro du 14 septembre 1919</span></figcaption></h4><figcaption><span class="caption"></span> </figcaption> </figure> <p>Ensuite, les alcools fermentés jouissent toujours d’une bonne image, y compris auprès des généraux français. Dans leur grande majorité, malgré quelques inquiétudes formulées, ils rendent hommage au vin, qui prend les traits – pour reprendre les mots de Roland Barthes – d’une «boisson-totem». Pour le maréchal Joffre, lui-même fils de tonnelier, le vin est demeuré le fidèle compagnon du soldat; lui aussi a contribué à la victoire. La une du <em>Petit Journal</em> du 14 septembre 1919 n’est-il pas consacré au «vin de la revanche», instrument de glorification nationale contre le «phylloxera allemand»? Le «bon vin de 1919» a un arrière-goût fort agréable, celui de la victoire.</p><p>(...)</p><p></p><hr><p></p> <h4><em>Vins et alcools pendant la Première Guerre mondiale</em>, <a href="http://centenaire.org/fr/espace-scientifique/colloquesseminaires/vins-et-alcools-pendant-la-premiere-guerre-mondiale">colloque tenu à Bordeaux les 2 et 3 octobre 2017</a> et organisé par le professeur Hubert Bonin. Publication en cours aux Éditions Féret<!-- Below is The Conversation's page counter tag. 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More info: http://theconversation.com/republishing-guidelines --></h4> <h4><span></span></h4><h4><span></span></h4> <h4>Retrouvez l’<a href="https://theconversation.com/produire-et-consommer-les-vins-et-alcools-en-france-de-1914-a-1918-une-autre-maniere-de-comprendre-la-premiere-guerre-mondiale-87722?utm_medium=email&utm_campaign=Newsletter%20thmatique%20VIN%20Whisky%20178%20-%20106569448&utm_content=Newsletter%20thmatique%20VIN%20Whisky%20178%20-%20106569448+CID_bc0d08c47cefcf8688a6b95be9093d4c&utm_source=campaign_monitor_fr&utm_term=Produire%20et%20consommer%20les%20vins%20et%20alcools%20en%20France%20de%201914%20%201918%20%20une%20autre%20manire%20de%20comprendre%20la%20Premire%20Guerre%20mondiale">article original</a> dans son intégralité sur <em><a href="http://theconversation.com">The Conversation</a></em> <br></h4> ', 'content_edition' => null, 'slug' => 'le-vin-en-france-pendant-la-pemiere-guerre-mondiale', 'headline' => false, 'homepage' => 'col-md-6', 'like' => (int) 872, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1328, 'homepage_order' => (int) 1560, 'original_url' => null, 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 5, 'person_id' => (int) 85, 'post_type_id' => (int) 1, 'poster_attachment' => null, 'editions' => [], 'tags' => [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Tag) {} ], 'locations' => [], 'attachment_images' => [ (int) 0 => object(Cake\ORM\Entity) {} ], 'attachments' => [ (int) 0 => object(Cake\ORM\Entity) {} ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'comments' => [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Comment) {} ], 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ '*' => true, 'id' => false ], '[dirty]' => [], '[original]' => [], '[virtual]' => [], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [], '[invalid]' => [], '[repository]' => 'Posts' } $relatives = [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 5302, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => false, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => null, 'readed' => null, 'subhead' => null, 'title' => 'Un bien cruel conte de Noël (2)', 'subtitle' => 'Catherine et Pierre forment un couple épanoui. 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Que je fasse du Pilates?</p> <p>- Non… Serge et toi avez raison…</p> <p>- A propos de quoi ma chérie?</p> <p>- Mais à propos de Pierre! Il est en train de se transformer en woke! Je ne sais pas quoi faire, je t’en supplie, aide-moi!</p> <p>Lorsque Mireille est arrivée à la maison, j’étais en larmes et elle en sueur. Elle m’a prise dans ses bras, c’est gentil mais elle sentait fort la transpiration. Lorsque je lui ai expliqué ce que j’avais trouvé dans l’ordinateur de Pierre, elle a secoué la tête et a voulu à nouveau me prendre dans ses bras mais j’ai esquivé ce rapprochement.</p> <p>- Pierre fait partie d’un groupe d’homme «en phase de déconstruction».</p> <p>- Ma pauvre chérie, c’est vraiment horrible. Je ne pensais pas que ça arriverait à l’une d’entre nous.</p> <p>Pourtant, cela ne faisait aucun doute. Depuis plusieurs semaines, Pierre correspondait avec une dizaine de personnes et toutes leurs conversations avaient pour sujet la critique du virilisme, la chasse au masculinisme, la volonté d’abattre le patriarcat «d’abord en nous». Rien que d’y penser, ça me donne envie de vomir. Je sais bien qu’une épidémie wokiste s’est abattue sur l’Occident mais je me pensais à l’abri. Eh bien, non! Cette épidémie a envahi mon salon, elle couche même dans mon lit! J’ai également découvert que Pierre me mentait. Alors qu’il prétendait aller jouer au badminton avec des copains, il participait à des <em>workshops</em> de déconstruction de virilité. «Je ne suis plus sûr de rien, écrivait-il sur le forum To-be-is-not-to-be-a-man. Suis-je un homme, une femme, un être mixte, double? Suis-je? Je ne me sens plus capable de vivre dans un monde dualiste, je veux rejoindre une autre dimension, me sentir dans les autres, sentir les autres en moi…»</p> <p>- En fait, il est peut-être gay… Cela fait combien de temps qu’il ne t’a plus fait l’amour?</p> <p>Mireille a raison. Pierre ne m’a plus touchée depuis au moins trois mois. Mais je crois que c’est encore plus grave que ça…</p> <p>- Si tu veux en avoir le cœur net, appelle Emmanuel de ma part. C’est un spécialiste.</p> <p>Emmanuel est le fils d’un ancien amant de Mireille qui était acteur de théâtre. Le fils, lui, a fait des études d’économie avant de se spécialiser dans la traque aux déviations woke et LGBT. Il est renommé dans toute la région. Très propre sur lui, on le sollicite beaucoup. Après des décennies de doxa social-démocrate, les médias découvrent comme un agréable vent nouveau que de jeunes réactionnaires remettent en question sans aucune gêne le bla-bla post-soixante-huitard. Je l’ai tout de suite trouvé à mon goût mais je n’étais pas là pour ça. Nous nous étions donnés rendez-vous dans un tea-room du centre-ville, j’avais pris avec moi l’ordinateur portable de Pierre. Pierre qui prétendait être parti en séminaire professionnel à Zurich mais, je l’avais découvert sans peine, se trouvait en fait à Tolochenaz où avait lieu une rencontre avec un guru de la déconstruction masculine: «De viril à viriel».</p> <p>- Vous avez donc des doutes concernant votre mari? Expliquez-moi ce qui vous inquiète...</p> <p>Ce vouvoiement a sonné très agréablement à mes oreilles. Avec son col roulé, son blaser et sa coupe de cheveux tout à la fois stricte et décontractée, Emmanuel me fit me rendre compte qu’autour de moi, les hommes avaient depuis longtemps renoncé à leur élégance, privilégiant des tenues décontractées ne mettant plus du tout leurs atouts masculins en valeur.</p> <p>Oui, je dois l’avouer, à moi aussi les jeunes réactionnaires faisaient de l’effet. Lorsque je songeais aux gauchistes à l’hygiène douteuse auxquels j’avais offert mon jeune corps dans les années 1980, des sanglots de regret me serraient la gorge. Sans compter tous ces festivals où nous fumions du cannabis, filles et garçons portant les mêmes vêtements et arborant les mêmes coupes des cheveux… </p> <p>- Vous voyez, Catherine, le wokisme se répand depuis fort longtemps dans la société occidentale. Personne n’a voulu le voir et c’est pourquoi aujourd’hui ses effets sont si pervers. Votre génération l’a laissé s’installer comme une plante invasive et il a pratiquement détruit tous les fondements de notre civilisation. C’est le dernier moment pour agir, ce sursaut est indispensable. C’est pourquoi je salue votre démarche. Vous êtes très courageuse, Catherine, je vais vous aider à libérer votre mari de cette infection, s’il en est encore temps, bien sûr…</p> <p>- Vous pensez qu’il pourrait être trop tard ?</p> <p>- Tout ce que vous me dites m’inquiète beaucoup. Pierre est déjà très perverti. Vous l’avez remarqué, dans ses messages il emploie l’écriture inclusive avec aisance. C’est la preuve que le mal a déjà atteint des couches profondes de sa conscience. De plus, il remet systématiquement en question les bienfaits de la civilisation occidentale dans le monde. Il milite pour la restitution des antiquités découvertes chez les peuples non-civilisés, il a participé au souillage de la statue de David de Pury à Neuchâtel, sous prétexte que celui-ci a participé à la traite d’esclaves…</p> <p>- Oui, je sais, c’est horrible. Tout ça alors que je le croyais occupé avec des clients. Les comptes de notre agence de communication sont dans le rouge. Cela fait des mois que Pierre ne prospecte plus de nouveaux clients et qu'il refuse les commandes au prétexte que la publicité est une aliénation capitalisto-patriarcale.</p> <p>- Et ça, Catherine, c’est très grave! S’attaquer à l’économie, c’est s’attaquer à nos valeurs premières. </p> <p>- Que faire? 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Même si, je le sais, ce qui va se passer à Noël chez nous va être excessivement éprouvant, et pas seulement pour Pierre…</p> <p style="text-align: right;"><em>Suite la semaine prochaine</em></p> <hr /> <h4>Pierre Ronpipal est l’auteur de<br /><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1734002707_damned01.jpg" class="img-responsive img-fluid normal " width="133" height="184" /><br />«A moi de choisir ceux qui vont mourir»<br /> et de <br /><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1734002742_cover20242.jpg" class="img-responsive img-fluid normal " width="130" height="175" /><br />«Le vert était rouge à l’intérieur»<br />aux <a href="https://nouvelleseditionshumus.ch/" target="_blank" rel="noopener">Nouvelles Editions Humus</a> </h4>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'un-bien-cruel-conte-de-noel-2', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 19, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 6, 'person_id' => (int) 85, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'comments' => [[maximum depth reached]], 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Posts' }, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 5295, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => false, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => null, 'readed' => null, 'subhead' => null, 'title' => 'Un bien cruel conte de Noël (1)', 'subtitle' => 'Catherine et Pierre forment un couple épanoui. 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La fidélité absolue est un concept éculé et hypocrite qui a pour but principal que les hommes soient certains que les enfants qui sortent des ventres de leur épouse soient bien le produit de leurs spermatozoïdes à eux. Transmettre ses gènes est un réflexe très animal, si Sapiens est vraiment un être supérieur, il devrait se détendre sur cette question. En plus, Pierre et moi n’avons pas fait d’enfants, trop concentrés sur nous-mêmes et nos vies à réussir. Marie, ma sœur, prétend que pour les femmes, l’importance de la fidélité n’a pas pour but la perpétuation de l’espèce mais plutôt la conservation à leur côté du mâle qui assure leur protection. Elle se trompe. Si Pierre et moi sommes toujours ensemble après trente-cinq ans de mariage, c’est justement parce que nous nous laissons la liberté d’aller de temps en temps voir ailleurs. Marie, elle, ne souhaitait plus de rapports sexuels tout en menaçant son mari de le quitter s’il la trompait. C’est lui qui est parti avec la première maîtresse qu’il s’est autorisée.</p> <p>Mais Pierre a changé.</p> <p>Nous nous sommes connus dans une manifestation contre le racisme alors que nous avions vingt-sept ans. Il était graphiste tandis que moi j’enseignais le français à des réfugiés dans un centre géré par l’Eglise protestante. Je l’avais déjà remarqué à d’autres occasions au fil des ans – Lausanne est une petite ville – notamment lors d’une soirée chez Jean-Luc, lequel a été mon amant lorsque j’avais vingt ans et que j’hésitais entre le trotskisme et l’écologie politique. Lorsque Jean-Luc, figure de proue des trotskistes locaux, m’avait quittée pour une camarade d’origine kurde plus valorisante pour lui, j’avais renoncé aux principes de la Quatrième Internationale et milité pour la sauvegarde de la planète, jusqu’à ma rencontre avec un zapatiste belge avec qui je suis partie au Mexique où j’ai attrapé une infection sexuellement transmissible. De retour en Suisse, j’ai soigné ma salpingite et terminé mes études de lettres. Entre deux amants de passage, je traversais de longues périodes d’abstinence sexuelle sans que cela me coûte. A la manif, j’ai trouvé Pierre très beau avec sa moustache et sa barbe de cinq jours. Et je l’ai trouvé irrésistible lorsqu’il a jeté une bouteille vide en direction des forces de l’ordre qui voulaient nous empêcher d’accéder à la salle où se déroulait une assemblée de l’UDC, ce parti d’extrême droite honni par nous. Pierre s’est fait réprimander par les camarades communistes qui assuraient le service d’ordre et il a fini par en venir aux mains avec eux. J’ai spontanément pris sa défense, nous nous sommes faits bousculer et avons quitté la manifestation, lui avec une arcade sourcilière fendue, moi avec un fort désir pour lui. Je l’ai emmené chez moi pour soigner sa blessure et nous avons fait l’amour toute la nuit. 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Pierre est devenu agressif avec Mireille lorsque celle-ci a déclaré que les néo-féministes exagéraient et que #MeToo décourageait toute tentative de séduction de la part des hommes. «Je n’ai pas peur de le dire, j’aime bien que l’on me tienne la porte et que les hommes me fassent sentir qu’ils me désirent…» Pierre lui a rétorqué que le patriarcat était une forme de fascisme et qu’en tant que progressiste nous devions tout faire pour l’abattre. J’ai essayé de dévier la conversation sur la nourriture bio mais très vite c’est l’écriture inclusive qui a fait s’échauffer les esprits. Serge, qui se pique d’aimer la littérature, a déclaré que le français était en danger, qu’il fallait le sauver des points médians et des réformes de l’orthographe. Pierre a rétorqué que pour rester vivantes les langues devaient changer, que les normes les étouffaient, que les règles orthographiques avaient été inventées pour empêcher les pauvres d’accéder aux études. «Etes-vous allés récemment au cinéma?» ai-je incidemment demandé à Mireille?</p> <p>Le lendemain, elle m’a appelée. «Avec Serge, on se demande si Pierre n’est pas en train devenir woke…» Mon sang s’est figé dans mes veines, une sourde angoisse est montée de mon estomac jusque dans ma gorge. «Non, non… Vous vous trompez… Vous avez bien vu, il continue de manger de la viande», ai-je rassuré Mireille. Mais le doute s’était instillé en moi, je me suis mise à mieux observer Pierre et, pour la première fois, j’ai fouillé dans ses poches et ses agendas, même dans son ordinateur. Ce que j’ai découvert est effrayant…</p> <p style="text-align: right;"><em>Suite la semaine prochaine</em></p> <hr /> <h4>Pierre Ronpipal est l’auteur de<br /><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1734002707_damned01.jpg" class="img-responsive img-fluid normal " width="149" height="206" /><br />«A moi de choisir ceux qui vont mourir»<br /><span>et de<br /></span><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1734002742_cover20242.jpg" class="img-responsive img-fluid normal " width="154" height="207" /><br />«Le vert était rouge à l’intérieur»<br />aux <a href="https://nouvelleseditionshumus.ch/" target="_blank" rel="noopener">Nouvelles Editions Humus</a></h4>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'un-bien-cruel-conte-de-noel-1', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 39, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 6, 'person_id' => (int) 85, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'comments' => [ [maximum depth reached] ], 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Posts' }, (int) 2 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 5284, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => true, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => null, 'readed' => null, 'subhead' => null, 'title' => 'Les ramasseurs de déchets, grands perdants du récit dominant sur la pollution plastique', 'subtitle' => 'A Busan, en Corée du Sud, les discussions sur le traité mondial sur la pollution plastique, qui se tenaient du 25 novembre au 1er décembre, se sont soldées par un échec. 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En jeu, rien de moins que les causes de la crise de la pollution plastique et les solutions appropriées pour y remédier.</p> <ul> <li> <p>D’un côté, la <a href="https://hactoendplasticpollution.org/fr/">Coalition de haute ambition</a> (HAC), les activistes du «zéro déchet» et de <a href="https://theconversation.com/traite-mondial-contre-la-pollution-plastique-en-coulisses-le-regard-des-scientifiques-francais-presents-234046">nombreux scientifiques</a> insistent sur la nécessité d’une <a href="https://hactoendplasticpollution.org/hac-member-states-ministerial-joint-statement-for-inc-5/">approche globale portant sur l’ensemble du cycle de vie des plastiques</a>, y compris leur production.</p> </li> <li> <p>De l’autre côté, une <a href="https://medium.com/points-of-order/spoiler-alert-f737a24292e6">petite minorité d’Etats</a> ainsi que l’industrie pétrochimique ont à de nombreuses reprises détourné l’attention de cette question de la production des plastiques. Au lieu de cela, ils accusent des <a href="https://psmag.com/environment/the-epa-blames-six-asian-nations-that-the-u-s-exports-plastic-waste-to-for-ocean-pollution/">systèmes de recyclage inadéquats et une mauvaise gestion des déchets</a>.</p> </li> </ul> <p>L’attention portée au recyclage des plastiques et à la gestion des déchets touche en réalité des millions de personnes en Asie, en Amérique du Sud et en Afrique. Il s’agit des travailleurs qui récupèrent, réutilisent ou revendent les plastiques, les textiles, l’aluminium et d’autres matériaux précieux issus des déchets.</p> <p>Dans le cadre du traité sur les plastiques, pour que ces travailleurs informels soient reconnus, que leurs conditions de travail puissent être améliorées et qu’ils puissent bénéficient d’une transition écologique plus équitable, les solutions politiques doivent aller au-delà des mécanismes économiques basés sur le seul marché et des stratégies axées sur le profit.</p> <p>Si ce n’est pas le cas, les efforts en faveur d’un recyclage plus inclusif et du développement de l’économie circulaire risquent de renforcer les injustices mêmes qu’ils prétendent combattre.</p> <h3>Qui sont les ramasseurs informels de déchets?</h3> <p>Les collecteurs de déchets – et les autres personnes travaillant avec eux dans un cadre informel et coopératif – effectuent une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0921344924001824#sec0021">grande partie du travail de recyclage à l’échelle mondiale</a>. Ils réduisent de manière significative la quantité de plastique qui se retrouve dans les océans.</p> <p>Malgré cela, et parce qu’ils font un travail salissant et vivent dans des endroits sales, ils sont souvent tenus pour responsables du problème de la pollution plastique. Dans les discours politiques des villes et des Etats, leur travail a longtemps été <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/0956247816657302">tourné en dérision, considéré comme non qualifié et inefficace</a>. <a href="https://www.undp.org/blog/unsung-heroes-four-things-policymakers-can-do-empower-informal-waste-workers">L’absence de reconnaissance officielle</a> de leur travail rend leurs revenus particulièrement instables et précaires. Les réglementations environnementales peuvent <a href="https://iopscience.iop.org/article/10.1088/1748-9326/ac6b49">aggraver ces menaces</a> en accélérant la privatisation du traitement des déchets.</p> <p>Alors que les efforts de lutte contre la pollution plastique gagnent du terrain, les ramasseurs informels sont soumis à une double pression:</p> <ul> <li> <p>Ils doivent protéger leur accès aux déchets, car c’est l’un des rares moyens de subsistance dont ils disposent.</p> </li> <li> <p>En même temps, ils cherchent à améliorer leurs conditions de vie et de travail.</p> </li> </ul> <p>Un groupe de ramasseurs de déchets a donc profité de l’ouverture des négociations pour <a href="https://globalrec.org/document/just-transition-waste-pickers-un-plastics-treaty/">plaider en faveur de la reconnaissance de leur travail</a>. Il a été demandé que leurs contributions historiques à la réduction de la pollution plastique soient explicitement reconnues, et qu’un objectif explicite de transition juste soit intégré au traité sur les plastiques.</p> <h3>Avec l’économie circulaire, tout le monde est gagnant?</h3> <p>La <a href="https://theconversation.com/quatre-idees-recues-sur-la-transition-juste-227569">transition juste</a> est un principe défendu par les groupes de travailleurs et les défenseurs de la justice sociale afin de garantir que les politiques de transition écologique protègent, améliorent et compensent équitablement les moyens de subsistance des travailleurs et des communautés affectés par l’environnement.</p> <p>Les ramasseurs de déchets ont utilisé ce terme pour réclamer que le traité comprenne des dispositions pour améliorer leurs conditions de travail et de sécurité. Mais également pour que le traité intègre davantage les travailleurs informels aux systèmes de gestion des déchets, et pour exiger que les systèmes de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/responsabilite-elargie-du-producteur-67766">responsabilité élargie des producteurs</a> (REP) soutiennent aussi les travailleurs du secteur des déchets, en particulier les <a href="https://www.wiego.org/gender-waste-project">femmes et d’autres groupes vulnérables</a>.</p> <p>Etonnamment, ces demandes ont obtenu le soutien d’un large éventail de parties prenantes puissantes. Par exemple la <a href="https://www.businessforplasticstreaty.org/vision-statement#Key-elements">Business Coalition for a Plastics Treaty</a>, les <a href="https://news.un.org/en/story/2024/10/1156301">dirigeants des Nations unies</a> et même <a href="https://resolutions.unep.org/resolutions/uploads/american_chemistry_council.pdf">l’industrie pétrochimique</a>.</p> <p>Certaines de ces demandes ont été intégrées aux projets de traité sur les plastiques discutés au cours des négociations, ce qui représente une victoire majeure pour les travailleurs du secteur informel des déchets.</p> <p>Un consensus se dégage sur le fait qu’une économie circulaire inclusive peut être bénéfique à la fois pour l’environnement, l’économie et les travailleurs en améliorant la gestion de la pollution, les moyens de subsistance et les opportunités de croissance économique pour les entreprises.</p> <p>Ces promesses demandent toutefois à être vérifiées sur le terrain. Et c’est là que les choses se compliquent.</p> <h3>« Gagnant-gagnant », mais la victoire de qui ?</h3> <p>Dans mon livre <a href="https://mitpress.mit.edu/9780262546973/recycling-class/"><em>Recycling Class</em></a>, j’examine comment les efforts de recyclage inclusif ont été mis en œuvre à Bengaluru, l’une des plus grandes villes de l’Inde.</p> <figure><a href="https://images.theconversation.com/files/635250/original/file-20241129-15-cdpt12.jpg?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img src="https://images.theconversation.com/files/635250/original/file-20241129-15-cdpt12.jpg?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" alt="" /></a> <figcaption><span></span></figcaption> </figure> <p>Dans cet ouvrage, je défends que l’intégration dans des programmes d’économie circulaire basés sur le marché n’est pas une solution miracle aux injustices ancrées dans les systèmes de production, de consommation et de production des déchets.</p> <p>La plupart des politiques d’économie circulaire et de recyclage inclusif reposent sur des mécanismes de marché, partant du principe que la création de marchés pour les déchets incitera les acteurs du marché à récupérer efficacement les déchets et à les convertir en ressources.</p> <p>Pour remplir leurs obligations en matière de <a href="https://theconversation.com/faire-payer-plus-les-entreprises-pour-quelles-reduisent-les-emballages-130073">responsabilité élargie des producteurs</a> (REP), les marques peuvent alors s’engager à acheter des plastiques recyclés et à financer la collecte des déchets en achetant des <a href="https://www.worldbank.org/en/programs/problue/publication/unlocking-financing-to-combat-the-plastics-crisis">crédits plastique</a>.</p> <p>Cette approche vise à améliorer le prix des déchets, à augmenter les salaires et à encourager les efforts de collecte, tout en attirant des investissements pour financer l’amélioration des infrastructures et des technologies.</p> <p>Cependant, les mécanismes fondés sur le marché aggravent les inégalités existantes en matière d’accès au marché. Les efforts visant à donner la priorité à la traçabilité et à la transparence – dans le but d’améliorer l’efficacité du marché et le respect de la réglementation – désavantagent souvent les travailleurs informels.</p> <p>Ces derniers ne disposent pas des ressources et des capacités techniques nécessaires pour adopter des systèmes de suivi complexes basés sur les SIG ou la blockchain, et se retrouvent exclus des processus formalisés. Les start-up financées par le capital-risque et les grandes entreprises s’emparent alors du secteur du recyclage.</p> <p>Les multinationales préfèrent d’ailleurs les partenariats avec des start-up technologiques qui offrent des services à «valeur ajoutée» tels que des indicateurs et des tableaux de bord environnementaux, permettant aux entreprises de mettre en scène leur propre récit sur le développement durable. Souvent issus de milieux éduqués et privilégiés, les employés de ces firmes <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S001671852300057X">concurrencent les travailleurs informels existants, les subordonnant au passage</a>.</p> <p>A l’inverse, les femmes et les membres des minorités ethno-raciales et religieuses, qui constituent la majorité des travailleurs des économies informelles des déchets, sont confrontés à des obstacles supplémentaires. Notamment des <a href="https://mouvements.info/recuperateurs-de-dechets/">stigmates sociaux bien ancrés</a> qui limitent leur capacité à participer sur un pied d’égalité à ces marchés émergents. Ils restent toujours relégués aux mêmes tâches manuelles et difficiles, même si leurs conditions de travail en ressortent légèrement améliorées.</p> <h3>L’industrie du plastique maintient le <em>statu quo</em></h3> <p>Malgré les bonnes intentions de départ, des termes tels que «économie circulaire inclusive» sont donc trop souvent utilisés à des fins de <em>green washing</em> et même de <em>justice washing</em>, tandis que les travailleurs continuent à endurer des conditions difficiles. Une étude de <a href="https://www.circle-economy.com/resources/decent-work-in-the-circular-economy">Circle Economy</a> souligne que la plupart des emplois du secteur de l’économie circulaire restent ad-hoc et informels et ne bénéficient pas des garanties d’un emploi décent.</p> <p>En fin de compte, les travailleurs informels sont confrontés à un choix difficile: soit ils acceptent d’être exploités au sein des circuits de traitements des déchets en tant que simples ressources, soit ils risquent de perdre complètement leurs moyens de subsistance.</p> <p>Les systèmes actuels de production et de consommation du plastique déplacent donc la charge des déchets sur des communautés autochtones ou ethniques marginalisées, créant ainsi des <a href="https://www.dukeupress.edu/pollution-is-colonialism">zones sacrifiées</a>. Ce déplacement permet de maintenir la rentabilité, tout en perpétuant les atteintes à l’environnement et les inégalités sociales.</p> <p>En promouvant des technologies de <a href="https://www.bbc.com/afrique/monde-57087908">recyclage chimique</a> non éprouvées et en étendant les marchés du plastique, les entreprises <a href="https://theconversation.com/comment-lindustrie-fossile-influence-les-negociations-mondiales-sur-le-plastique-222112">pétrochimiques</a> et de matières plastiques <a href="https://direct.mit.edu/glep/article/21/2/121/97367/Future-Proofing-Capitalism-The-Paradox-of-the">s’approprient le langage de l’économie circulaire</a>. Cela leur permet de donner un vernis écologique à leurs propositions, tout en maintenant le <em>statu quo</em> sur les inégalités.</p> <p>Pendant ce temps, la HAC, plusieurs ONG et même certains ramasseurs de déchets invoquent également l’économie circulaire comme solution à la crise du plastique, en mettant l’accent sur le réemploi et le recyclage inclusif.</p> <h3>Demander des comptes aux pollueurs plutôt que compter sur l’efficacité du marché</h3> <p>Pour que l’économie circulaire aille au-delà de la simple protection du capitalisme fossile, elle doit prendre en compte les collecteurs de déchets et recycleurs informels dans le Sud et reconnaître les limites des mécanismes basés sur le marché. C’est vrai aussi bien pour le traité international sur la pollution plastique que pour d’autres démarches régionales comme le <a href="https://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/ATAG/2021/679066/EPRS_ATA(2021)679066_FR.pdf">plan d’action de l’UE pour l’économie circulaire</a>.</p> <p>En effet, toute stratégie de lutte contre la pollution plastique basée sur le marché et axée sur le profit est susceptible de reproduire ces schémas d’inégalité. Et par la même occasion, de pérenniser les injustices systémiques qui soutiennent le statu quo. Pour une transition vraiment juste, la lutte contre la pollution plastique ne doit donc pas devenir une opportunité de croissance économique ou de profit.</p> <p>Au contraire, nous avons besoin d’une approche centrée sur la réparation. Il faut d’abord, pour cela, reconnaître les contributions historiques des collecteurs informels du plastique ainsi que les préjudices qu’ils subissent. Puis redistribuer les ressources aux personnes les plus touchées et créer des systèmes qui donnent la priorité à la restauration de l’environnement et à la justice sociale plutôt qu’au profit des entreprises.</p> <p>Une économie circulaire bien financée devrait d’abord renforcer le pouvoir des travailleurs, puis améliorer les capacités des infrastructures et réduire la concentration de ces déchets en produits chimiques toxiques, plutôt que de s’appuyer sur des solutions basées sur le marché qui aggravent les inégalités.</p> <p>Les vraies solutions consistent à demander des comptes aux pollueurs et à adopter des approches circulaires fondées sur la sobriété et la réparation, et non sur l’efficacité du marché.<img src="https://counter.theconversation.com/content/244065/count.gif?distributor=republish-lightbox-basic" alt="The Conversation" width="1" height="1" /></p> <hr /> <h4><span><a href="https://theconversation.com/profiles/manisha-anantharaman-1526162">Manisha Anantharaman</a>, Assistant Professor, Center for the Sociology of Organisations, CNRS/Sciences Po, <em><a href="https://theconversation.com/institutions/sciences-po-2196">Sciences Po </a></em></span></h4> <h4>Cet article est republié à partir de <a href="https://theconversation.com">The Conversation</a> sous licence Creative Commons. Lire l’<a href="https://theconversation.com/les-ramasseurs-de-dechets-grands-perdants-du-recit-dominant-sur-la-pollution-plastique-244065">article original</a>.</h4> </div>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'les-ramasseurs-de-dechets-grands-perdants-du-recit-dominant-sur-la-pollution-plastique', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 44, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 5, 'person_id' => (int) 85, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'comments' => [[maximum depth reached]], 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Posts' }, (int) 3 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 5283, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => true, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => null, 'readed' => null, 'subhead' => null, 'title' => 'Les Etats-Unis financent un collectif international de journalistes', 'subtitle' => 'Si le réseau Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP) a révélé des avoirs russes cachés ou la corruption au Venezuela, le Delaware, paradis de l'évasion fiscale, reste pour lui un tabou. «Notre politique veut que nous ne fassions pas de rapports sur un pays avec son propre argent», a déclaré Drew Sullivan, son cofondateur.', 'subtitle_edition' => 'Si le réseau Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP) a révélé des avoirs russes cachés ou la corruption au Venezuela, le Delaware, paradis de l'évasion fiscale, reste pour lui un tabou. «Notre politique veut que nous ne fassions pas de rapports sur un pays avec son propre argent», a déclaré Drew Sullivan, son cofondateur.', 'content' => '<p style="text-align: center;"><strong>Urs P. Gasche</strong>, article publié sur <a href="https://www.infosperber.ch/medien/medienkritik/die-usa-finanzieren-internationales-journalisten-kollektiv/" target="_blank" rel="noopener"><em>Infosperber</em></a> le 5 décembre 2024, traduit par <em>Bon Pour La Tête</em></p> <hr /> <p>Parmi de nombreux autres médias, la <em>NZZ</em> et le <em>Tages-Anzeiger</em> ont diffusé à plusieurs reprises des révélations du réseau international de journalistes Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP). Ce faisant, ils n'ont pas rendu transparent le fait que les services gouvernementaux américains paient la moitié du budget de l'OCCRP. 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De plus, l'agence gouvernementale américaine interdit d'utiliser son argent pour mettre au jour la corruption aux Etats-Unis.</p> <p>Certaines subventions étaient même affectées à un but précis: le Department of State, par exemple, a versé 173 000 dollars à l'OCCRP pour «détecter et combattre la corruption au Venezuela». Ou l'<a href="https://www.usaid.gov/">Agence pour le développement international (USAID)</a> a versé plus de deux millions de dollars dans le but de «mettre au jour la criminalité et la corruption à Malte et à Chypre».</p> <p>Le journal en ligne français indépendant <a href="https://www.mediapart.fr/en/journal/international/021224/hidden-links-between-giant-investigative-journalism-and-us-government">« Mediapart »</a> en a parlé le 2 décembre 2024 <a href="https://www.mediapart.fr/en/journal/international/021224/hidden-links-between-giant-investigative-journalism-and-us-government">.</a></p> <p>Le fondateur de l'OCCRP est un ancien employé <a href="https://www.rockwellautomation.com/de-ch.html">de Rockwell</a> devenu journaliste: <a href="https://www.occrp.org/en/staff/drew-sullivan">Drew Sullivan</a>. L'OCCRP a été créé à l'instigation de fonctionnaires du gouvernement américain. Selon Mediapart, Sullivan a reçu pour cela, en 2008, un financement de départ de 1,7 million de dollars du <a href="https://www.state.gov/bureaus-offices/under-secretary-for-civilian-security-democracy-and-human-rights/bureau-of-international-narcotics-and-law-enforcement-affairs/">Bureau of International Narcotics and Law Enforcement Affairs</a>(INL). Il s'agit d'une agence d'application de la loi du Département d'Etat américain.</p> <p>L'OCCRP s'appuie souvent sur des documents divulgués provenant de sources non identifiées. La qualité des recherches et des révélations de l'OCCRP n'est pas mise en doute. L'orientation unilatérale des recherches et le manque de transparence des informations sur le financement donnent lieu à des critiques.</p> <p>L'ampleur des liens personnels et financiers de l'OCCRP avec le gouvernement américain va à l'encontre de «tous les principes de l'éthique journalistique». C'est ce qu'a déclaré Leonard Novy, directeur de l'Institut allemand des médias et de la politique de communication, à la chaîne NDR. Cela laisse supposer que les journalistes peuvent être utilisés ou instrumentalisés à des fins politiques.</p> <p>Sullivan et l'OCCRP ont également laissé les médias partenaires et leurs lecteurs dans l'ignorance de leur proximité avec le gouvernement américain. Selon Leonard Novy, l'organisation a ainsi dépassé les limites.</p> <h3><strong>Sullivan n'a pas voulu parler clairement aujourd'hui encore</strong></h3> <p>Sullivan a d'abord affirmé à la chaîne NDR que l'OCCRP avait «un groupe de donateurs largement répandu», parmi lesquels «aucun donateur individuel ne domine». Il a ajouté que «le gouvernement américain [...] est l'un des plus grands donateurs, mais ce n'est pas un pourcentage énorme». 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Des faits presque incroyables sur le travail de relations publiques du Pentagone.</p> <p><strong>20 avril 2008</strong> <a href="https://www.spiegel.de/kultur/gesellschaft/gekaufte-meinung-pentagon-beschaeftigt-pr-armee-fuer-us-tv-a-548519.html">Le Pentagone emploie une armée de RP pour la télévision américaine</a>. 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VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET
1 Commentaire
@Lagom 06.11.2018 | 22h15
«Excellent article qui fait le tour de la question, mais curieusement, il ne mentionne pas la faible dose d'alcool qui se trouva dans ces vins. Aujourd'hui entre 12,5 et 14 degrés, alors qu'à l'époque, je pense que le taux était entre 3 et 6 ou 7 degrés maximum. »