Actuel / Le Brésil de Bolsonaro
Le Brésil a toujours su relever la tête après ses crises. Cela arrivera, mais quand? © Wikipedia
«Nous n’avions qu’un seul héros au Brésil, Ayrton Senna, le coureur automobile. Maintenant, on en a un deuxième, Jair Bolsonaro. Il va sauver le pays». Ce cri du cœur d’un Brésilien vivant en Suisse résume à lui seul ce qui a motivé une bonne partie des 55% d’électeurs à porter à la présidence de la République fédérative du Brésil le candidat de l’extrême-droite. Les autres l’ont fait par dégoût de gauche gouvernementale dominée par le Parti des Travailleurs depuis 2003, le PT qui a plongé le pays dans la corruption systémique et la récession économique.
Jean-Jacques Fontaine, journaliste, Rio de Janeiro
Mais qu’est-ce que le «sauveur du Brésil» propose? Un programme de législature très vague, mâtiné de promesses-chocs: gouverner avec l’aide de Dieu et de la Constitution pour extirper le communisme.
Extirper le communisme, quel communisme?
«Il n’y aura plus de cohabitation avec le socialisme, le communisme, le populisme et l’extrémisme de la gauche. Nous allons changer le Brésil». Le premier discours de Bolsonaro, sur Facebook, après sa victoire, n’est pas un message de réconciliation, c’est une déclaration de guerre. Qui rejoint une promesse de l’alors candidat Bolsonaro, la semaine dernière: «les marginaux rouges n’auront d’autre choix que la prison ou l’exil».
Mais de quel «communisme» diable parle-t-il? Le Brésil a-t-il vécu sous cette férule depuis le premier gouvernement de Lula? Aucune entorse aux règles démocratiques n’a été commise jusqu’à ce jour. Une «lettre au peuple brésilien», écrite par le candidat Lula en 2003, promettait qu’en cas d’élection, il ne serait pas attenté aux libertés économiques ni à la propriété privée. Cet engagement a été respecté par tous les gouvernements d’après. Il n’y a pas eu non plus la mise en place d’un État autoritaire à la Chavez ou Maduro, comme au Vénézuéla. Sur le plan international, la «fraternité» molle avec Cuba n’a pas empêché un grand respect des traités internationaux.
Certes, durant les années Lula et Dilma Roussef, le Parti des Travailleurs a commis de graves erreurs. Faisant notamment de la corruption politique un système de gouvernement et déclenchant, par son dogmatisme, à partir de 2012, la plus grave crise économique et sociale du Brésil. En refusant encore aujourd’hui d’en faire la critique, le PT porte une lourde responsabilité dans la marche victorieuse de Bolsonaro vers la présidence du pays. Mais on cherchera vainement dans sa gestion du pouvoir des tentatives de «soviétisation». En voulant «extirper le communisme», Bolsonaro se trompe de cible, mais, peu importe, l’amalgame a fonctionné auprès des électeurs.
Gouverner avec l’aide de Dieu, mais quel Dieu?
Jusqu’en 2016, le capitaine retraité Jair Bolsonaro était un catholique bon teint. Comme la majorité de ses concitoyens. Le Brésil abrite 15% des catholiques du monde. Et puis, cette année-là, il se fait baptiser dans les eaux du Jourdain par un prédicateur évangéliste. Pur opportunisme politique. Il a découvert l’intérêt de courtiser les adeptes de ces religions protestantes, d’obédience nord-américaine, qui ont le vent en poupe au Brésil: déjà 26% des chrétiens du pays. Beaucoup d’électeurs potentiels.
Depuis, Bolsonaro ne parle en public que la main sur la Bible. Une Bible qui, selon son interprétation, condamne l’avortement, les homosexuels et toutes les minorités déviantes. Pas de quartiers, même pour sa famille! «Je préférerais voir mon fils mort plutôt qu’en compagnie d’un moustachu».
Pour rétablir cet ordre moral à sa sauce, il pourra compter sur la «bancada» des évangélistes au Congrès. Elle totalise 82 députés déclarés, mais peut compter sur l’appui de 150 à 180 des 513 parlementaires élus début octobre.
L’autre main sur la Constitution, mais quelle Constitution?
Lors de ce premier discours de victoire, prononcé dimanche soir sur Facebook, Jair Bolsonaro tenait la Bible dans sa main gauche et ostensiblement la Constitution dans sa main droite. Promettant de ne jamais s’en écarter. Cette Constitution, c’est celle de 1989, adoptée en lieu et place de celle qui avait cours du temps de la dictature militaire. Une Constitution toute neuve alors, ce qui montre bien que les textes fondateurs d’une nation peuvent être changés. Bolsonaro ne manquera sûrement pas de le faire. Dans ses promesses de campagne, il l’a dit sur plusieurs dossiers.
À propos de la lutte conte la violence et la criminalité, il veut abaisser la majorité pénale à 17 ans pour traquer les mineurs délinquants. Cela signifie qu’il devra remettre en cause le «Estatuto do Menor», le Statut du Mineur. C’est un texte constitutionnel. Il fixe cette majorité pénale, comme la majorité politique, à 18 ans. Pour modifier les choses, il lui faudra donc un vote au 2/3 du Congrès et du Sénat puisqu’il s’agit d’une modification de la charte fondamentale.
Idem pour le port d’armes. Le «Estatuto do Desarmamanento», adopté en 2003, pour contrôler le port d’armes par les civils est lui aussi un texte constitutionnel. L’abroger demandera l’appui de la «bancada da bala», le lobby des défenseurs des armes à feu. Ils occupent désormais 35% des sièges du Congrès. 73 de leurs députés sont des militaires ou des policiers, contre 18 dans la législature précédente. Bolsonaro peut compter sur eux. Il a déclaré lors d’un de ses meetings qu’un policier qui tue un délinquant devrait être décoré au lieu d’être condamné.
Combattre la violence par la violence?
En 2017, 61 619 homicides ont été commis au Brésil, selon le Forum brésilien de sécurité publique. 170 personnes par jour dont un noir chaque 23 minutes. 5012 personnes tuées l’ont été par des policiers en service, 19% de plus en 2017 qu’en 2016.
Affirmer dès lors, comme le fait Bolsonaro «qu’un bon bandit est un bandit mort» et «qu’un policier qui tue est un homme à récompenser» laisse présager le pire. Human Right Watch s’en inquiète d’ailleurs. L’ONG déclare dans un appel urgent vouloir surveiller la présidence de Jair Bolsonaro pour ce qui est de la protection des droits humains:
«Le Brésil a des juges indépendants, des procureurs et des défenseurs publics engagés, des journalistes courageux et une société civile vibrante», affirme José Miguel Vivanco, directeur de la division Amériques de Human Rights Watch. «Nous nous joindrons à eux pour nous opposer à toute tentative visant à éroder les droits et les institutions démocratiques que le Brésil a laborieusement mis en place au cours des trois dernières décennies.»
Triste Amazonie…
«Nous ne délimiterons plus un seul millimètre de réserve indigène». C’est encore une promesse-choc du candidat Bolsonaro. Il va sans doute l’honorer dès le 1er janvier 2019, date de son intronisation. Elle ouvre la voie à une accélération du déboisement de l’Amazonie, car créer des sanctuaires indigènes dans la forêt a été une des mesures qui a permis de réduire le volume des arbres abattus ces dernières années. Et, bien sûr, de rendre aux Indiens quelques-uns de leurs territoires ancestraux.
La pression sur la forêt provient des éleveurs de viande, chaque fois plus poussés vers le Nord par l’avance de la culture du soja dans le Centre-Ouest. Bolsonaro avait annoncé que, s’il était élu, il allait fusionner le ministère de l’Environnement avec celui de l’Agriculture. Aux dernières nouvelles, il semble qu’il ne le fera pas. Et qu’il respectera l’Accord de Paris sur le climat qu’il prétendait dénoncer. Mais qu’à la tête du ministère de l’Environnement, il placera une figure issue de la «bancada do boi», le regroupement des acteurs de l’agrobusiness.
Au Congrès, la «bancada do boi» compte 54 députés déclarés, mais peut s’appuyer sur 119 autres, au coup par coup, selon les projets de loi discutés. Les écologistes s’en inquiètent à juste titre. Ainsi, la présidente de l’Institut fédéral de l’Environnement (IBAMA) craint «la mise en place de projets à fort impact environnemental, sans analyse préalable, ce qui ferait reculer le pays de quatre décennies».
Emilio La Rovere, directeur du laboratoire d’Études de l’Environnement de l’université fédérale de Rio de Janeiro, souligne quant à lui que les propos de Bolsonaro «rappellent la doctrine du développement à tout prix qui régnait à l’époque de la dictature militaire, une doctrine selon laquelle la protection de l’environnement est vue comme un obstacle». Au chercheur de rappeler que les efforts consentis ces quinze dernières années pour préserver l’exceptionnelle biodiversité de la forêt amazonienne et réduire de moitié les émissions de gaz à effet de serre risqueraient d’être anéantis par une telle approche.
«Bolsonaro, le héraut de toutes les violences de la société brésilienne» (Regards.fr)
«J’ai travaillé gratuitement pour toi et j’ai reçu en récompense ce qu’un salaire ne pourra jamais payer, la libération de mon Brésil», «Mon président, Dieu soit avec toi, prends soin de notre Brésil», «Pour la première fois au Brésil, un président est élu en pyjama et sans faire campagne dans la rue». Tout de suite après son discours de victoire, le «sauveur du pays» suscitait un engouement sans précédent sur les réseaux sociaux. Plus de 187'000 commentaires partagés déjà à 7 heures du matin au Brésil, soit 10 heures après l’annonce du résultat du scrutin.
On peut imaginer qu’avec le temps, l’enthousiasme pour le petit capitaine fléchira. Mais pas nécessairement le nombre de ses supporters, nostalgiques du régime militaire, qui appellent à un durcissement des règles démocratiques. Nostalgie n’est pas le bon mot. La moyenne d’âge, encore relativement basse, fait que la majorité de la population adulte n’a pas vécu la dictature de 1964-1985.
Mais au Congrès, la «bancada BBB», Bœuf, Balle et Bible, traverse les 30 partis politiques qui siègent, et assure pour l’instant au nouveau président une assise parlementaire confortable.
Que pourrait être l’après-Bolsonaro?
Un second mandat Bolsonaro en 2022, s’il réussit à conserver l’appui de ses hétéroclites suiveurs d’aujourd’hui, ce sera difficile, estiment la plupart des observateurs. La réalité des faits risque de la lézarder. Il sera par exemple ardu de concilier la réforme nécessaire de la prévoyance, qui impose la fin des privilèges de certaines corporations, avec l’adhésion de ces mêmes catégories sociales à ces mesures politiques qui les pénalisent.
Laisser la bride sur le cou aux policiers et réarmer les citoyens ne va pas non plus faire baisser la violence, au contraire. Le front sécuritaire bolsonarien risque alors de se fissurer.
Quant à la politique ultralibérale prônée par le futur ministre de l’Économie Paulo Guedes, fidèle élève de l’école des Chicago Boys, elle ne portera ses fruits que si la conjoncture internationale s’améliore, notamment en ce qui concerne le cours des commodités. Le Brésil est en effet essentiellement un exportateur de matières premières et de denrées agricoles, soumises à ces fluctuations mondiales. Et favoriser l’agrobusiness et les grandes entreprises par des baisses d’impôts, au détriment des investissements sociaux fera augmenter les inégalités dans un pays qui est déjà un triste champion dans ce domaine.
Les opposants à la politique de Bolsonaro ont devant eux un puissant défi à relever: recomposer l’éventail des forces démocratiques et citoyennes. Sur le modèle, peut-être, de ce qui s’est fait au Mexique, avec le pacte national mis en place il y a quelques années autour d’une dizaine d’objectifs stratégiques que tous les partis s’engageaient à appliquer. La tentative a valu ce qu’elle valait, mais elle a permis au Mexique de ne pas sombrer complètement dans la violence et le chaos.
Et d’élire à la présidence, en juillet dernier, Andrés Manuel Lopez Obrador qui promet de mettre fin à la «corruption du Parti révolutionnaire institutionnel» à la tête du pays depuis des lustres et d’apporter «de profonds changements sans recourir à la dictature». Au Brésil, l’ancien président Fernando Henrique Cardoso (1994-2002) prône depuis plusieurs années une telle stratégie. Au début de la campagne du second tour, il a approché Fernando Haddad dans cette perspective. Les exigences du PT étaient alors telles, exigeant la relaxation de Lula, que l’essai a tourné court.
C’est pourtant vraisemblablement la seule voie possible pour recomposer le jeu démocratique au Brésil. Reste à convaincre suffisamment de monde pour construire une large alliance, politique et citoyenne. Cela arrivera. Le Brésil a toujours su relever la tête après ses crises. Cela arrivera, mais quand?
Retrouvez le texte original sur le blog de Jean-Jacques Fontaine: Vision Brésil
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Un programme de législature très vague, mâtiné de promesses-chocs: gouverner avec l’aide de Dieu et de la Constitution pour extirper le communisme. <br></p><h3>Extirper le communisme, quel communisme? </h3><p>«Il n’y aura plus de cohabitation avec le socialisme, le communisme, le populisme et l’extrémisme de la gauche. Nous allons changer le Brésil». Le premier discours de Bolsonaro, <a href="https://bonpourlatete.com/a-vif/bolsonaro-par-la-mission-de-dieu">sur Facebook</a>, après sa victoire, n’est pas un message de réconciliation, c’est une déclaration de guerre. Qui rejoint une promesse de l’alors candidat Bolsonaro, la semaine dernière: «les marginaux rouges n’auront d’autre choix que la prison ou l’exil». </p><p>Mais de quel «communisme» diable parle-t-il? Le Brésil a-t-il vécu sous cette férule depuis le premier gouvernement de Lula? Aucune entorse aux règles démocratiques n’a été commise jusqu’à ce jour. Une «lettre au peuple brésilien», écrite par le candidat Lula en 2003, promettait qu’en cas d’élection, il ne serait pas attenté aux libertés économiques ni à la propriété privée. Cet engagement a été respecté par tous les gouvernements d’après. Il n’y a pas eu non plus la mise en place d’un État autoritaire à la Chavez ou Maduro, comme au Vénézuéla. Sur le plan international, la «fraternité» molle avec Cuba n’a pas empêché un grand respect des traités internationaux. </p><p>Certes, durant les années Lula et Dilma Roussef, le Parti des Travailleurs a commis de graves erreurs. Faisant notamment de la corruption politique un système de gouvernement et déclenchant, par son dogmatisme, à partir de 2012, la plus grave crise économique et sociale du Brésil. En refusant encore aujourd’hui d’en faire la critique, le PT porte une lourde responsabilité dans la marche victorieuse de Bolsonaro vers la présidence du pays. Mais on cherchera vainement dans sa gestion du pouvoir des tentatives de «soviétisation». En voulant «extirper le communisme», Bolsonaro se trompe de cible, mais, peu importe, l’amalgame a fonctionné auprès des électeurs. </p><h3>Gouverner avec l’aide de Dieu, mais quel Dieu? </h3><p>Jusqu’en 2016, le capitaine retraité Jair Bolsonaro était un catholique bon teint. Comme la majorité de ses concitoyens. Le Brésil abrite 15% des catholiques du monde. Et puis, cette année-là, il se fait baptiser dans les eaux du Jourdain par un prédicateur évangéliste. Pur opportunisme politique. Il a découvert l’intérêt de courtiser les adeptes de ces religions protestantes, d’obédience nord-américaine, qui ont le vent en poupe au Brésil: déjà 26% des chrétiens du pays. Beaucoup d’électeurs potentiels. </p><p>Depuis, Bolsonaro ne parle en public que la main sur la Bible. Une Bible qui, selon son interprétation, condamne l’avortement, les homosexuels et toutes les minorités déviantes. Pas de quartiers, même pour sa famille! «Je préférerais voir mon fils mort plutôt qu’en compagnie d’un moustachu». </p><p>Pour rétablir cet ordre moral à sa sauce, il pourra compter sur la «bancada» des évangélistes au Congrès. Elle totalise 82 députés déclarés, mais peut compter sur l’appui de 150 à 180 des 513 parlementaires élus début octobre. </p><h3>L’autre main sur la Constitution, mais quelle Constitution? </h3><p>Lors de ce premier discours de victoire, prononcé dimanche soir sur Facebook, Jair Bolsonaro tenait la Bible dans sa main gauche et ostensiblement la Constitution dans sa main droite. Promettant de ne jamais s’en écarter. Cette Constitution, c’est celle de 1989, adoptée en lieu et place de celle qui avait cours du temps de la dictature militaire. Une Constitution toute neuve alors, ce qui montre bien que les textes fondateurs d’une nation peuvent être changés. Bolsonaro ne manquera sûrement pas de le faire. Dans ses promesses de campagne, il l’a dit sur plusieurs dossiers. </p><p>À propos de la lutte conte la violence et la criminalité, il veut abaisser la majorité pénale à 17 ans pour traquer les mineurs délinquants. Cela signifie qu’il devra remettre en cause le «Estatuto do Menor», le Statut du Mineur. C’est un texte constitutionnel. Il fixe cette majorité pénale, comme la majorité politique, à 18 ans. Pour modifier les choses, il lui faudra donc un vote au 2/3 du Congrès et du Sénat puisqu’il s’agit d’une modification de la charte fondamentale. </p><p>Idem pour le port d’armes. Le «Estatuto do Desarmamanento», adopté en 2003, pour contrôler le port d’armes par les civils est lui aussi un texte constitutionnel. L’abroger demandera l’appui de la «bancada da bala», le lobby des défenseurs des armes à feu. Ils occupent désormais 35% des sièges du Congrès. 73 de leurs députés sont des militaires ou des policiers, contre 18 dans la législature précédente. Bolsonaro peut compter sur eux. Il a déclaré lors d’un de ses meetings qu’un policier qui tue un délinquant devrait être décoré au lieu d’être condamné. </p><h3>Combattre la violence par la violence? </h3><p>En 2017, 61 619 homicides ont été commis au Brésil, selon le Forum brésilien de sécurité publique. 170 personnes par jour dont un noir chaque 23 minutes. 5012 personnes tuées l’ont été par des policiers en service, 19% de plus en 2017 qu’en 2016. </p><p>Affirmer dès lors, comme le fait Bolsonaro «qu’un bon bandit est un bandit mort» et «qu’un policier qui tue est un homme à récompenser» laisse présager le pire. Human Right Watch s’en inquiète d’ailleurs. L’ONG déclare dans un appel urgent vouloir surveiller la présidence de Jair Bolsonaro pour ce qui est de la protection des droits humains: </p><p>«Le Brésil a des juges indépendants, des procureurs et des défenseurs publics engagés, des journalistes courageux et une société civile vibrante», affirme José Miguel Vivanco, directeur de la division Amériques de Human Rights Watch. «Nous nous joindrons à eux pour nous opposer à toute tentative visant à éroder les droits et les institutions démocratiques que le Brésil a laborieusement mis en place au cours des trois dernières décennies.» </p><h3>Triste Amazonie… </h3><p>«Nous ne délimiterons plus un seul millimètre de réserve indigène». C’est encore une promesse-choc du candidat Bolsonaro. Il va sans doute l’honorer dès le 1er janvier 2019, date de son intronisation. Elle ouvre la voie à une accélération du déboisement de l’Amazonie, car créer des sanctuaires indigènes dans la forêt a été une des mesures qui a permis de réduire le volume des arbres abattus ces dernières années. Et, bien sûr, de rendre aux Indiens quelques-uns de leurs territoires ancestraux. </p><p>La pression sur la forêt provient des éleveurs de viande, chaque fois plus poussés vers le Nord par l’avance de la culture du soja dans le Centre-Ouest. Bolsonaro avait annoncé que, s’il était élu, il allait fusionner le ministère de l’Environnement avec celui de l’Agriculture. Aux dernières nouvelles, il semble qu’il ne le fera pas. Et qu’il respectera l’Accord de Paris sur le climat qu’il prétendait dénoncer. Mais qu’à la tête du ministère de l’Environnement, il placera une figure issue de la «bancada do boi», le regroupement des acteurs de l’agrobusiness. </p><p>Au Congrès, la «bancada do boi» compte 54 députés déclarés, mais peut s’appuyer sur 119 autres, au coup par coup, selon les projets de loi discutés. Les écologistes s’en inquiètent à juste titre. Ainsi, la présidente de l’Institut fédéral de l’Environnement (IBAMA) craint «la mise en place de projets à fort impact environnemental, sans analyse préalable, ce qui ferait reculer le pays de quatre décennies». </p><p>Emilio La Rovere, directeur du laboratoire d’Études de l’Environnement de l’université fédérale de Rio de Janeiro, souligne quant à lui que les propos de Bolsonaro «rappellent la doctrine du développement à tout prix qui régnait à l’époque de la dictature militaire, une doctrine selon laquelle la protection de l’environnement est vue comme un obstacle». Au chercheur de rappeler que les efforts consentis ces quinze dernières années pour préserver l’exceptionnelle biodiversité de la forêt amazonienne et réduire de moitié les émissions de gaz à effet de serre risqueraient d’être anéantis par une telle approche. </p><p>«Bolsonaro, le héraut de toutes les violences de la société brésilienne» (Regards.fr) </p><p>«J’ai travaillé gratuitement pour toi et j’ai reçu en récompense ce qu’un salaire ne pourra jamais payer, la libération de mon Brésil», «Mon président, Dieu soit avec toi, prends soin de notre Brésil», «Pour la première fois au Brésil, un président est élu en pyjama et sans faire campagne dans la rue». Tout de suite après son discours de victoire, le «sauveur du pays» suscitait un engouement sans précédent sur les réseaux sociaux. Plus de 187'000 commentaires partagés déjà à 7 heures du matin au Brésil, soit 10 heures après l’annonce du résultat du scrutin. </p><p>On peut imaginer qu’avec le temps, l’enthousiasme pour le petit capitaine fléchira. Mais pas nécessairement le nombre de ses supporters, nostalgiques du régime militaire, qui appellent à un durcissement des règles démocratiques. Nostalgie n’est pas le bon mot. La moyenne d’âge, encore relativement basse, fait que la majorité de la population adulte n’a pas vécu la dictature de 1964-1985. </p><p>Mais au Congrès, la «bancada BBB», Bœuf, Balle et Bible, traverse les 30 partis politiques qui siègent, et assure pour l’instant au nouveau président une assise parlementaire confortable. </p><h3>Que pourrait être l’après-Bolsonaro? </h3><p>Un second mandat Bolsonaro en 2022, s’il réussit à conserver l’appui de ses hétéroclites suiveurs d’aujourd’hui, ce sera difficile, estiment la plupart des observateurs. La réalité des faits risque de la lézarder. Il sera par exemple ardu de concilier la réforme nécessaire de la prévoyance, qui impose la fin des privilèges de certaines corporations, avec l’adhésion de ces mêmes catégories sociales à ces mesures politiques qui les pénalisent. </p><p>Laisser la bride sur le cou aux policiers et réarmer les citoyens ne va pas non plus faire baisser la violence, au contraire. Le front sécuritaire bolsonarien risque alors de se fissurer. </p><p>Quant à la politique ultralibérale prônée par le futur ministre de l’Économie Paulo Guedes, fidèle élève de l’école des Chicago Boys, elle ne portera ses fruits que si la conjoncture internationale s’améliore, notamment en ce qui concerne le cours des commodités. Le Brésil est en effet essentiellement un exportateur de matières premières et de denrées agricoles, soumises à ces fluctuations mondiales. Et favoriser l’agrobusiness et les grandes entreprises par des baisses d’impôts, au détriment des investissements sociaux fera augmenter les inégalités dans un pays qui est déjà un triste champion dans ce domaine. </p><p>Les opposants à la politique de Bolsonaro ont devant eux un puissant défi à relever: recomposer l’éventail des forces démocratiques et citoyennes. Sur le modèle, peut-être, de ce qui s’est fait au Mexique, avec le pacte national mis en place il y a quelques années autour d’une dizaine d’objectifs stratégiques que tous les partis s’engageaient à appliquer. La tentative a valu ce qu’elle valait, mais elle a permis au Mexique de ne pas sombrer complètement dans la violence et le chaos. </p><p>Et d’élire à la présidence, en juillet dernier, Andrés Manuel Lopez Obrador qui promet de mettre fin à la «corruption du Parti révolutionnaire institutionnel» à la tête du pays depuis des lustres et d’apporter «de profonds changements sans recourir à la dictature». Au Brésil, l’ancien président Fernando Henrique Cardoso (1994-2002) prône depuis plusieurs années une telle stratégie. Au début de la campagne du second tour, il a approché Fernando Haddad dans cette perspective. Les exigences du PT étaient alors telles, exigeant la relaxation de Lula, que l’essai a tourné court. </p><p>C’est pourtant vraisemblablement la seule voie possible pour recomposer le jeu démocratique au Brésil. Reste à convaincre suffisamment de monde pour construire une large alliance, politique et citoyenne. Cela arrivera. Le Brésil a toujours su relever la tête après ses crises. 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La fidélité absolue est un concept éculé et hypocrite qui a pour but principal que les hommes soient certains que les enfants qui sortent des ventres de leur épouse soient bien le produit de leurs spermatozoïdes à eux. Transmettre ses gènes est un réflexe très animal, si Sapiens est vraiment un être supérieur, il devrait se détendre sur cette question. En plus, Pierre et moi n’avons pas fait d’enfants, trop concentrés sur nous-mêmes et nos vies à réussir. Marie, ma sœur, prétend que pour les femmes, l’importance de la fidélité n’a pas pour but la perpétuation de l’espèce mais plutôt la conservation à leur côté du mâle qui assure leur protection. Elle se trompe. Si Pierre et moi sommes toujours ensemble après trente-cinq ans de mariage, c’est justement parce que nous nous laissons la liberté d’aller de temps en temps voir ailleurs. Marie, elle, ne souhaitait plus de rapports sexuels tout en menaçant son mari de le quitter s’il la trompait. C’est lui qui est parti avec la première maîtresse qu’il s’est autorisée.</p> <p>Mais Pierre a changé.</p> <p>Nous nous sommes connus dans une manifestation contre le racisme alors que nous avions vingt-sept ans. Il était graphiste tandis que moi j’enseignais le français à des réfugiés dans un centre géré par l’Eglise protestante. Je l’avais déjà remarqué à d’autres occasions au fil des ans – Lausanne est une petite ville – notamment lors d’une soirée chez Jean-Luc, lequel a été mon amant lorsque j’avais vingt ans et que j’hésitais entre le trotskisme et l’écologie politique. Lorsque Jean-Luc, figure de proue des trotskistes locaux, m’avait quittée pour une camarade d’origine kurde plus valorisante pour lui, j’avais renoncé aux principes de la Quatrième Internationale et milité pour la sauvegarde de la planète, jusqu’à ma rencontre avec un zapatiste belge avec qui je suis partie au Mexique où j’ai attrapé une infection sexuellement transmissible. De retour en Suisse, j’ai soigné ma salpingite et terminé mes études de lettres. Entre deux amants de passage, je traversais de longues périodes d’abstinence sexuelle sans que cela me coûte. A la manif, j’ai trouvé Pierre très beau avec sa moustache et sa barbe de cinq jours. Et je l’ai trouvé irrésistible lorsqu’il a jeté une bouteille vide en direction des forces de l’ordre qui voulaient nous empêcher d’accéder à la salle où se déroulait une assemblée de l’UDC, ce parti d’extrême droite honni par nous. Pierre s’est fait réprimander par les camarades communistes qui assuraient le service d’ordre et il a fini par en venir aux mains avec eux. J’ai spontanément pris sa défense, nous nous sommes faits bousculer et avons quitté la manifestation, lui avec une arcade sourcilière fendue, moi avec un fort désir pour lui. Je l’ai emmené chez moi pour soigner sa blessure et nous avons fait l’amour toute la nuit. Deux semaines plus tard nous emménagions ensemble; nous ne nous sommes plus quittés.</p> <p>L’autre soir, alors que nous avions des invités à la maison, il m’a semblé reconnaître chez Pierre les signes d’une tension extrême. Depuis le temps, je le connais bien. Serge et Mireille, nos invités, l’ont eux aussi sentie, cette tension. Ce sont tout à la fois des amis et des clients. Des amis parce que comme nous ils sont de centre gauche, des clients car ils font appel à notre agence de communication pour promouvoir leur commerce. Après avoir été de grands voyageurs, Serge et Mireille vendent aujourd’hui des produits venus d’Asie, principalement d’Inde mais aussi de Birmanie et du Cambodge. Ils sélectionnent avec soins les artisans, privilégiant les structures coopératives respectueuses de l’environnement et du bien-être des populations locales. Nous gérons leur site internet et leur publicité, et tournons même pour eux des clips promotionnels. Pierre est devenu agressif avec Mireille lorsque celle-ci a déclaré que les néo-féministes exagéraient et que #MeToo décourageait toute tentative de séduction de la part des hommes. «Je n’ai pas peur de le dire, j’aime bien que l’on me tienne la porte et que les hommes me fassent sentir qu’ils me désirent…» Pierre lui a rétorqué que le patriarcat était une forme de fascisme et qu’en tant que progressiste nous devions tout faire pour l’abattre. J’ai essayé de dévier la conversation sur la nourriture bio mais très vite c’est l’écriture inclusive qui a fait s’échauffer les esprits. Serge, qui se pique d’aimer la littérature, a déclaré que le français était en danger, qu’il fallait le sauver des points médians et des réformes de l’orthographe. Pierre a rétorqué que pour rester vivantes les langues devaient changer, que les normes les étouffaient, que les règles orthographiques avaient été inventées pour empêcher les pauvres d’accéder aux études. «Etes-vous allés récemment au cinéma?» ai-je incidemment demandé à Mireille?</p> <p>Le lendemain, elle m’a appelée. «Avec Serge, on se demande si Pierre n’est pas en train devenir woke…» Mon sang s’est figé dans mes veines, une sourde angoisse est montée de mon estomac jusque dans ma gorge. «Non, non… Vous vous trompez… Vous avez bien vu, il continue de manger de la viande», ai-je rassuré Mireille. Mais le doute s’était instillé en moi, je me suis mise à mieux observer Pierre et, pour la première fois, j’ai fouillé dans ses poches et ses agendas, même dans son ordinateur. 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En jeu, rien de moins que les causes de la crise de la pollution plastique et les solutions appropriées pour y remédier.</p> <ul> <li> <p>D’un côté, la <a href="https://hactoendplasticpollution.org/fr/">Coalition de haute ambition</a> (HAC), les activistes du «zéro déchet» et de <a href="https://theconversation.com/traite-mondial-contre-la-pollution-plastique-en-coulisses-le-regard-des-scientifiques-francais-presents-234046">nombreux scientifiques</a> insistent sur la nécessité d’une <a href="https://hactoendplasticpollution.org/hac-member-states-ministerial-joint-statement-for-inc-5/">approche globale portant sur l’ensemble du cycle de vie des plastiques</a>, y compris leur production.</p> </li> <li> <p>De l’autre côté, une <a href="https://medium.com/points-of-order/spoiler-alert-f737a24292e6">petite minorité d’Etats</a> ainsi que l’industrie pétrochimique ont à de nombreuses reprises détourné l’attention de cette question de la production des plastiques. 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Il s’agit des travailleurs qui récupèrent, réutilisent ou revendent les plastiques, les textiles, l’aluminium et d’autres matériaux précieux issus des déchets.</p> <p>Dans le cadre du traité sur les plastiques, pour que ces travailleurs informels soient reconnus, que leurs conditions de travail puissent être améliorées et qu’ils puissent bénéficient d’une transition écologique plus équitable, les solutions politiques doivent aller au-delà des mécanismes économiques basés sur le seul marché et des stratégies axées sur le profit.</p> <p>Si ce n’est pas le cas, les efforts en faveur d’un recyclage plus inclusif et du développement de l’économie circulaire risquent de renforcer les injustices mêmes qu’ils prétendent combattre.</p> <h3>Qui sont les ramasseurs informels de déchets?</h3> <p>Les collecteurs de déchets – et les autres personnes travaillant avec eux dans un cadre informel et coopératif – effectuent une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0921344924001824#sec0021">grande partie du travail de recyclage à l’échelle mondiale</a>. Ils réduisent de manière significative la quantité de plastique qui se retrouve dans les océans.</p> <p>Malgré cela, et parce qu’ils font un travail salissant et vivent dans des endroits sales, ils sont souvent tenus pour responsables du problème de la pollution plastique. Dans les discours politiques des villes et des Etats, leur travail a longtemps été <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/0956247816657302">tourné en dérision, considéré comme non qualifié et inefficace</a>. <a href="https://www.undp.org/blog/unsung-heroes-four-things-policymakers-can-do-empower-informal-waste-workers">L’absence de reconnaissance officielle</a> de leur travail rend leurs revenus particulièrement instables et précaires. 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Il a été demandé que leurs contributions historiques à la réduction de la pollution plastique soient explicitement reconnues, et qu’un objectif explicite de transition juste soit intégré au traité sur les plastiques.</p> <h3>Avec l’économie circulaire, tout le monde est gagnant?</h3> <p>La <a href="https://theconversation.com/quatre-idees-recues-sur-la-transition-juste-227569">transition juste</a> est un principe défendu par les groupes de travailleurs et les défenseurs de la justice sociale afin de garantir que les politiques de transition écologique protègent, améliorent et compensent équitablement les moyens de subsistance des travailleurs et des communautés affectés par l’environnement.</p> <p>Les ramasseurs de déchets ont utilisé ce terme pour réclamer que le traité comprenne des dispositions pour améliorer leurs conditions de travail et de sécurité. Mais également pour que le traité intègre davantage les travailleurs informels aux systèmes de gestion des déchets, et pour exiger que les systèmes de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/responsabilite-elargie-du-producteur-67766">responsabilité élargie des producteurs</a> (REP) soutiennent aussi les travailleurs du secteur des déchets, en particulier les <a href="https://www.wiego.org/gender-waste-project">femmes et d’autres groupes vulnérables</a>.</p> <p>Etonnamment, ces demandes ont obtenu le soutien d’un large éventail de parties prenantes puissantes. 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Et c’est là que les choses se compliquent.</p> <h3>« Gagnant-gagnant », mais la victoire de qui ?</h3> <p>Dans mon livre <a href="https://mitpress.mit.edu/9780262546973/recycling-class/"><em>Recycling Class</em></a>, j’examine comment les efforts de recyclage inclusif ont été mis en œuvre à Bengaluru, l’une des plus grandes villes de l’Inde.</p> <figure><a href="https://images.theconversation.com/files/635250/original/file-20241129-15-cdpt12.jpg?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img src="https://images.theconversation.com/files/635250/original/file-20241129-15-cdpt12.jpg?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" alt="" /></a> <figcaption><span></span></figcaption> </figure> <p>Dans cet ouvrage, je défends que l’intégration dans des programmes d’économie circulaire basés sur le marché n’est pas une solution miracle aux injustices ancrées dans les systèmes de production, de consommation et de production des déchets.</p> <p>La plupart des politiques d’économie circulaire et de recyclage inclusif reposent sur des mécanismes de marché, partant du principe que la création de marchés pour les déchets incitera les acteurs du marché à récupérer efficacement les déchets et à les convertir en ressources.</p> <p>Pour remplir leurs obligations en matière de <a href="https://theconversation.com/faire-payer-plus-les-entreprises-pour-quelles-reduisent-les-emballages-130073">responsabilité élargie des producteurs</a> (REP), les marques peuvent alors s’engager à acheter des plastiques recyclés et à financer la collecte des déchets en achetant des <a href="https://www.worldbank.org/en/programs/problue/publication/unlocking-financing-to-combat-the-plastics-crisis">crédits plastique</a>.</p> <p>Cette approche vise à améliorer le prix des déchets, à augmenter les salaires et à encourager les efforts de collecte, tout en attirant des investissements pour financer l’amélioration des infrastructures et des technologies.</p> <p>Cependant, les mécanismes fondés sur le marché aggravent les inégalités existantes en matière d’accès au marché. 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Souvent issus de milieux éduqués et privilégiés, les employés de ces firmes <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S001671852300057X">concurrencent les travailleurs informels existants, les subordonnant au passage</a>.</p> <p>A l’inverse, les femmes et les membres des minorités ethno-raciales et religieuses, qui constituent la majorité des travailleurs des économies informelles des déchets, sont confrontés à des obstacles supplémentaires. Notamment des <a href="https://mouvements.info/recuperateurs-de-dechets/">stigmates sociaux bien ancrés</a> qui limitent leur capacité à participer sur un pied d’égalité à ces marchés émergents. 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Une étude de <a href="https://www.circle-economy.com/resources/decent-work-in-the-circular-economy">Circle Economy</a> souligne que la plupart des emplois du secteur de l’économie circulaire restent ad-hoc et informels et ne bénéficient pas des garanties d’un emploi décent.</p> <p>En fin de compte, les travailleurs informels sont confrontés à un choix difficile: soit ils acceptent d’être exploités au sein des circuits de traitements des déchets en tant que simples ressources, soit ils risquent de perdre complètement leurs moyens de subsistance.</p> <p>Les systèmes actuels de production et de consommation du plastique déplacent donc la charge des déchets sur des communautés autochtones ou ethniques marginalisées, créant ainsi des <a href="https://www.dukeupress.edu/pollution-is-colonialism">zones sacrifiées</a>. Ce déplacement permet de maintenir la rentabilité, tout en perpétuant les atteintes à l’environnement et les inégalités sociales.</p> <p>En promouvant des technologies de <a href="https://www.bbc.com/afrique/monde-57087908">recyclage chimique</a> non éprouvées et en étendant les marchés du plastique, les entreprises <a href="https://theconversation.com/comment-lindustrie-fossile-influence-les-negociations-mondiales-sur-le-plastique-222112">pétrochimiques</a> et de matières plastiques <a href="https://direct.mit.edu/glep/article/21/2/121/97367/Future-Proofing-Capitalism-The-Paradox-of-the">s’approprient le langage de l’économie circulaire</a>. Cela leur permet de donner un vernis écologique à leurs propositions, tout en maintenant le <em>statu quo</em> sur les inégalités.</p> <p>Pendant ce temps, la HAC, plusieurs ONG et même certains ramasseurs de déchets invoquent également l’économie circulaire comme solution à la crise du plastique, en mettant l’accent sur le réemploi et le recyclage inclusif.</p> <h3>Demander des comptes aux pollueurs plutôt que compter sur l’efficacité du marché</h3> <p>Pour que l’économie circulaire aille au-delà de la simple protection du capitalisme fossile, elle doit prendre en compte les collecteurs de déchets et recycleurs informels dans le Sud et reconnaître les limites des mécanismes basés sur le marché. C’est vrai aussi bien pour le traité international sur la pollution plastique que pour d’autres démarches régionales comme le <a href="https://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/ATAG/2021/679066/EPRS_ATA(2021)679066_FR.pdf">plan d’action de l’UE pour l’économie circulaire</a>.</p> <p>En effet, toute stratégie de lutte contre la pollution plastique basée sur le marché et axée sur le profit est susceptible de reproduire ces schémas d’inégalité. Et par la même occasion, de pérenniser les injustices systémiques qui soutiennent le statu quo. Pour une transition vraiment juste, la lutte contre la pollution plastique ne doit donc pas devenir une opportunité de croissance économique ou de profit.</p> <p>Au contraire, nous avons besoin d’une approche centrée sur la réparation. Il faut d’abord, pour cela, reconnaître les contributions historiques des collecteurs informels du plastique ainsi que les préjudices qu’ils subissent. Puis redistribuer les ressources aux personnes les plus touchées et créer des systèmes qui donnent la priorité à la restauration de l’environnement et à la justice sociale plutôt qu’au profit des entreprises.</p> <p>Une économie circulaire bien financée devrait d’abord renforcer le pouvoir des travailleurs, puis améliorer les capacités des infrastructures et réduire la concentration de ces déchets en produits chimiques toxiques, plutôt que de s’appuyer sur des solutions basées sur le marché qui aggravent les inégalités.</p> <p>Les vraies solutions consistent à demander des comptes aux pollueurs et à adopter des approches circulaires fondées sur la sobriété et la réparation, et non sur l’efficacité du marché.<img src="https://counter.theconversation.com/content/244065/count.gif?distributor=republish-lightbox-basic" alt="The Conversation" width="1" height="1" /></p> <hr /> <h4><span><a href="https://theconversation.com/profiles/manisha-anantharaman-1526162">Manisha Anantharaman</a>, Assistant Professor, Center for the Sociology of Organisations, CNRS/Sciences Po, <em><a href="https://theconversation.com/institutions/sciences-po-2196">Sciences Po </a></em></span></h4> <h4>Cet article est republié à partir de <a href="https://theconversation.com">The Conversation</a> sous licence Creative Commons. Lire l’<a href="https://theconversation.com/les-ramasseurs-de-dechets-grands-perdants-du-recit-dominant-sur-la-pollution-plastique-244065">article original</a>.</h4> </div>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'les-ramasseurs-de-dechets-grands-perdants-du-recit-dominant-sur-la-pollution-plastique', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 42, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 5, 'person_id' => (int) 85, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'comments' => [[maximum depth reached]], 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Posts' }, (int) 3 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 5283, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => true, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => null, 'readed' => null, 'subhead' => null, 'title' => 'Les Etats-Unis financent un collectif international de journalistes', 'subtitle' => 'Si le réseau Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP) a révélé des avoirs russes cachés ou la corruption au Venezuela, le Delaware, paradis de l'évasion fiscale, reste pour lui un tabou. «Notre politique veut que nous ne fassions pas de rapports sur un pays avec son propre argent», a déclaré Drew Sullivan, son cofondateur.', 'subtitle_edition' => 'Si le réseau Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP) a révélé des avoirs russes cachés ou la corruption au Venezuela, le Delaware, paradis de l'évasion fiscale, reste pour lui un tabou. «Notre politique veut que nous ne fassions pas de rapports sur un pays avec son propre argent», a déclaré Drew Sullivan, son cofondateur.', 'content' => '<p style="text-align: center;"><strong>Urs P. 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Parmi eux, <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Panama_Papers"><em>The Panama Papers</em></a><em>, </em><a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Pandora_Papers"><em>Pandora Papers</em></a><em>, </em><a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Suisse_Secrets"><em>Suisse Secrets</em></a><em>, </em><a href="https://www.occrp.org/en/project/narcofiles-the-new-criminal-order"><em>Narco Files</em></a><em>, </em><a href="https://www.occrp.org/en/project/the-pegasus-project/about-the-project"><em>Pegasus Project</em></a><em>, </em><a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Cyprus_Confidential"><em>Cyprus Confidential </em></a>et la série <a href="https://de.wikipedia.org/wiki/Die_Geldw%C3%A4scherei"><em>Laundromat</em></a>, qui a révélé les systèmes de blanchiment d'argent des élites dirigeantes en Azerbaïdjan et en Russie.</p> <h3><strong>Non sans conditions</strong></h3> <p>Les agences gouvernementales américaines ne financent pas l'OCCRP sans contrepartie: l'<a href="https://www.usaid.gov/"> U.S. Agency for International Development</a> dispose d'un droit de veto sur la nomination des dirigeants de l'OCCRP. De plus, l'agence gouvernementale américaine interdit d'utiliser son argent pour mettre au jour la corruption aux Etats-Unis.</p> <p>Certaines subventions étaient même affectées à un but précis: le Department of State, par exemple, a versé 173 000 dollars à l'OCCRP pour «détecter et combattre la corruption au Venezuela». Ou l'<a href="https://www.usaid.gov/">Agence pour le développement international (USAID)</a> a versé plus de deux millions de dollars dans le but de «mettre au jour la criminalité et la corruption à Malte et à Chypre».</p> <p>Le journal en ligne français indépendant <a href="https://www.mediapart.fr/en/journal/international/021224/hidden-links-between-giant-investigative-journalism-and-us-government">« Mediapart »</a> en a parlé le 2 décembre 2024 <a href="https://www.mediapart.fr/en/journal/international/021224/hidden-links-between-giant-investigative-journalism-and-us-government">.</a></p> <p>Le fondateur de l'OCCRP est un ancien employé <a href="https://www.rockwellautomation.com/de-ch.html">de Rockwell</a> devenu journaliste: <a href="https://www.occrp.org/en/staff/drew-sullivan">Drew Sullivan</a>. L'OCCRP a été créé à l'instigation de fonctionnaires du gouvernement américain. Selon Mediapart, Sullivan a reçu pour cela, en 2008, un financement de départ de 1,7 million de dollars du <a href="https://www.state.gov/bureaus-offices/under-secretary-for-civilian-security-democracy-and-human-rights/bureau-of-international-narcotics-and-law-enforcement-affairs/">Bureau of International Narcotics and Law Enforcement Affairs</a>(INL). Il s'agit d'une agence d'application de la loi du Département d'Etat américain.</p> <p>L'OCCRP s'appuie souvent sur des documents divulgués provenant de sources non identifiées. La qualité des recherches et des révélations de l'OCCRP n'est pas mise en doute. L'orientation unilatérale des recherches et le manque de transparence des informations sur le financement donnent lieu à des critiques.</p> <p>L'ampleur des liens personnels et financiers de l'OCCRP avec le gouvernement américain va à l'encontre de «tous les principes de l'éthique journalistique». C'est ce qu'a déclaré Leonard Novy, directeur de l'Institut allemand des médias et de la politique de communication, à la chaîne NDR. Cela laisse supposer que les journalistes peuvent être utilisés ou instrumentalisés à des fins politiques.</p> <p>Sullivan et l'OCCRP ont également laissé les médias partenaires et leurs lecteurs dans l'ignorance de leur proximité avec le gouvernement américain. Selon Leonard Novy, l'organisation a ainsi dépassé les limites.</p> <h3><strong>Sullivan n'a pas voulu parler clairement aujourd'hui encore</strong></h3> <p>Sullivan a d'abord affirmé à la chaîne NDR que l'OCCRP avait «un groupe de donateurs largement répandu», parmi lesquels «aucun donateur individuel ne domine». Il a ajouté que «le gouvernement américain [...] est l'un des plus grands donateurs, mais ce n'est pas un pourcentage énorme». Confronté aux dernières découvertes, il a finalement reconnu l'importance du financement de Washington: «C'est le plus grand bailleur de fonds de l'OCCRP, oui, et ce depuis presque le début de notre histoire. [...] Je suis très reconnaissant au gouvernement américain.»</p> <p>Par écrit, Sullivan a renchéri: «Nous avons dû décider si nous voulions accepter de l'argent du gouvernement ou ne pas exister.» Sur le site web de l'OCCRP, les montants des sponsors ne sont pas indiqués.</p> <h3><strong>Conditions posées</strong></h3> <p>Sullivan a confirmé à la NDR le pouvoir d'influence des autorités américaines: «Dans le cadre d'accords de coopération que nous n'aimons pas conclure, ils ont un droit de regard sur le choix des personnes [...] Ils peuvent mettre leur veto sur quelqu'un [...] Ils n'ont jamais mis leur veto sur quelqu'un.»</p> <p>L'OCCRP ne peut pas enquêter sur des affaires américaines avec l'argent fourni par Washington. «Notre politique veut que nous ne fassions pas de rapports sur un pays avec son propre argent», a déclaré Sullivan à la NDR. «Je pense que le gouvernement américain ne le permet pas. Mais même dans d'autres pays où ces dispositions n'existent pas, nous ne le faisons pas parce que cela vous place dans une situation de conflit d'intérêts et que vous préférez rester à l'écart de telles situations.»</p> <p>Ainsi, le paradis fiscal américain du Delaware n'a jamais fait l'objet de toutes les recherches sur l'évasion fiscale et l'argent de la corruption.</p> <p>L'OCCRP a tout de même effectué des recherches isolées aux Etats-Unis: par exemple sur les <a href="https://www.occrp.org/en/investigation/meet-the-florida-duo-helping-giuliani-investigate-for-trump-in-ukraine">hommes d'affaires</a> qui avaient soutenu l'avocat de Donald Trump pour nuire à Joe Biden, ou sur la manière dont le Pentagone a dépensé des sommes énormes pour <a href="https://www.occrp.org/en/project/making-a-killing/revealed-the-pentagon-is-spending-up-to-22-billion-on-soviet-style-arms-for-syrian-rebels">fournir des armes</a> à des groupes rebelles en Syrie, ou encore sur un <a href="https://www.occrp.org/en/investigation/flight-of-the-monarch-us-govt-contracted-airline-once-owned-by-criminals-with-ties-to-russian-mob">contrat</a> entre le gouvernement américain et une compagnie aérienne dont les propriétaires sont liés au crime organisé en Russie.</p> <p>Ces recherches ont manifestement respecté une autre condition imposée par les autorités américaines à l'OCCRP: l'activité doit être «en accord avec la politique étrangère et les intérêts économiques des Etats-Unis et les promouvoir.» (<a href="https://www.govinfo.gov/content/pkg/COMPS-1071/pdf/COMPS-1071.pdf">US Foreign Assistance Act</a>).</p> <h3><strong>Voici comment la «NZZ» et Tamedia ont présenté la source OCCRP</strong></h3> <p><strong>«NZZ» du 19 juillet 2023</strong></p> <p>«L'Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP) est un réseau d'organisations journalistiques fondé en 2006, basé dans de nombreux pays différents et fonctionnant sous cette forme en tant que filiale du Journalism Development Network à but non lucratif, dont le siège est dans le Maryland.»</p> <p><strong>«Tages-Anzeiger» du 21 juin 2023</strong></p> <p>«Grâce à l'organisation OCCRP, des journalistes femmes de plusieurs pays ont pu étudier ces données, dont <em>Der Standard</em> en Autriche et <em>Der Spiegel</em> en Allemagne. Pour la Suisse, le bureau de recherche de Tamedia et Paper Trail Media était de la partie.»</p> <h3><strong>Informations complémentaires</strong></h3> <p><strong>22 décembre 2022</strong> <a href="https://www.infosperber.ch/politik/welt/twitter-diente-jahrelang-als-gehilfe-des-pentagons/">Twitter a servi pendant des années d'auxiliaire au Pentagone</a>. Elon Musk a partiellement révélé les outils internes de Twitter. Ils prouvent des services d'hommes de main pour la propagande de l'armée américaine à l'étranger.</p> <p><strong>12 février 2009</strong> <a href="https://www.tagesanzeiger.ch/27-000-pr-berater-polieren-image-der-usa-631302390683">27 000 conseillers en relations publiques polissent l'image des Etats-Unis</a>. Des faits presque incroyables sur le travail de relations publiques du Pentagone.</p> <p><strong>20 avril 2008</strong> <a href="https://www.spiegel.de/kultur/gesellschaft/gekaufte-meinung-pentagon-beschaeftigt-pr-armee-fuer-us-tv-a-548519.html">Le Pentagone emploie une armée de RP pour la télévision américaine</a>. 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VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET
2 Commentaires
@Bogner Shiva 212 30.10.2018 | 13h31
«Un gros pavé de plus sur la route de notre extinction, de la déliquescence définitive de notre civilisation.»
@Lagom 30.10.2018 | 21h02
«Encore un "wake up call" après celui de l'élection de Trump, du Président philippin et de M. Salvini. Mais les démocraties traditionnelles ne font rien pour arrêter l'avancée des régimes extrémistes. Les gouvernants européens "ne Bouffent pas de foin" ils connaissent la recette pour contrer la vague mais le courage leur manque. Ils savent que cette arrivée massive des immigrés non-qualifiés attisent la haine contre l'ordre établi, mais on ne fait rien. Aidez l'Afrique à s'en sortir pour rapatrier ses enfants et leurs offrir une vie digne au lieu que l'extrême droite n’utilise leurs misères comme argument pour nous prendre le pouvoir. »