Actuel / Après Marignan, les Suisses ont continué à se battre
Le tableau de Ferdinand Hodler illustrant la retraite des Suisses, après leur défaite à Marignan, fit dans un premier temps scandale.
Dans la connaissance de notre passé, le 1er août 1291 comme la bataille de Marignan en 1515 focalisent toute l'attention. Mais ce qu'il est advenu après, la Paix de Fribourg et ses conséquences, est tout aussi passionnant. Un gros pavé vient de paraître, qui éclaire plein de chapitres méconnus de l'Ancienne Confédération, et recadre quelques mythes.
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Une raison de plus pour mieux se renseigner sur les siècles de relations étroites entre la Suisse et la France à partir de la Paix de Fribourg. </p><br><p><em>Cet article doit aussi beaucoup aux discussions entre historiens lors d’une soirée de présentation de l’ouvrage, organisée à l’Ambassade de Suisse à Paris, le 6 juin 2018.</em></p> <p></p><hr><p></p><h4>* Ouvrage collectif, «Après Marignan, la Paix perpétuelle entre la France et la Suisse», 1516-2016, Société d’Histoire de la Suisse romande, 685 pages.</h4>', 'content_edition' => null, 'slug' => 'apres-marignan-les-suisses-ont-continue-a-se-battre', 'headline' => false, 'homepage' => 'col-md-12', 'like' => (int) 749, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1156, 'homepage_order' => (int) 1380, 'original_url' => null, 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 5, 'person_id' => (int) 52, 'post_type_id' => (int) 1, 'poster_attachment' => null, 'editions' => [], 'tags' => [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Tag) {} ], 'locations' => [], 'attachment_images' => [ (int) 0 => object(Cake\ORM\Entity) {} ], 'attachments' => [ (int) 0 => object(Cake\ORM\Entity) {} ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'comments' => [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Comment) {}, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Comment) {} ], 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ '*' => true, 'id' => false ], '[dirty]' => [], '[original]' => [], '[virtual]' => [], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [], '[invalid]' => [], '[repository]' => 'Posts' } $relatives = [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 2609, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => false, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => 'NORMAL', 'readed' => null, 'subhead' => 'ACTUEL / Suisse-UE accord-cadre', 'title' => 'Quand les «bilatéralistes» font une crise de masochisme…', 'subtitle' => 'Ils ont gagné contre l’UDC, mais sont prêts à torpiller leur résultat, faute de comprendre l’enjeu de l’accord-cadre avec l'Union européenne, un rapprochement politique plus que juridique avec nos principaux partenaires. 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Les lobbies économiques ont mobilisé les entrepreneurs, les syndicats ont parlé à leurs adhérents, les milieux académiques et scientifiques sont sortis de leur tour d’ivoire, Opération libero et le Nouveau Mouvement européen suisse ont mené des campagnes de conviction.</p> <p>Vingt ans après le scrutin qui l’a intronisée, la voie des accords bilatéraux avec l’Union européenne est confirmée, alors qu’elle a été l’objet d’un pilonnage continu de la part des blochériens. Tout et son contraire ont été reproché à ce système pragmatique de gestion de nos relations avec les 27 membres de l’Union. Pas un petit problème helvétique en matière de transports, de criminalité, d’aménagement du territoire, de gestion de la main d’œuvre ou de financement des assurances sociales dont la responsabilité n’ait été attribuée aux « méchants Européens ».</p> <h3><strong>Un message limpide</strong></h3> <p>Le message délivré le 27 septembre par six citoyens sur dix est pourtant limpide comme de l’eau de roche: les accords bilatéraux avec l’UE valent bien plus que les éventuels inconvénients qu’ils génèrent. Certains espèrent que l’UDC se le tiendra pour dit, et ne récidivera pas avec une énième initiative visant à abattre l'édifice.</p> <p>C’est bien mal connaître les Blochériens. Pour nos «nationalistes», l’instrument de l’initiative populaire est avant tout un outil marketing, à déployer quelques mois avant les élections fédérales, histoire de galvaniser les troupes. Que ce mésusage de la démocratie directe perturbe notre agenda diplomatique et comprime la réflexion des autres partis sur les objectifs et les moyens de notre politique étrangère, le premier parti de Suisse, nanti de deux conseillers fédéraux, s’en fiche éperdument. 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Au lieu de considérer avec sérénité la prochaine étape, les présidents de partis et les partenaires sociaux rivalisent de mots graves et accablants pour enterrer la ratification de l’accord-cadre négocié pendant 5 ans et en attente de paraphe depuis décembre 2018. Ces gens-là se sont battus comme des lions pour empêcher l’UDC de dynamiter le pont bilatéral, et maintenant ce sont eux qui vont poser leurs propres mines.</span></p> <h3><strong>Jalousie, arrogance et fatalisme</strong></h3> <p>Comment en est-on arrivé à une telle absurdité? Depuis la fin des années 1990, la Suisse appréhende le dossier de ses relations avec une communauté européenne en constant développement par un mélange de jalousie, d’arrogance et de fatalisme.</p> <p>La jalousie se manifeste dans l’obsession, qui détermine toute sa stratégie de politique économique extérieure, de ne pas être discriminée par rapport à ses principaux concurrents, de mieux en mieux organisés sur le plan économique. La Confédération ne veut pas être membre du club, mais elle veut pouvoir utiliser toutes ses commodités.</p> <p>L’arrogance tient dans la conviction d’une bonne partie des Suisses qu’ils pourraient se passer sans trop de dommages de relations privilégiées avec les Européens. Le mythe d’une Suisse splendidement indépendante carbure à plein régime, générant les succès électoraux de l’UDC, au mépris de notre histoire réelle: de 1291 à nos jours, les Confédérés doivent leur prospérité aux échanges économiques, militaires et culturels avec leurs voisins.</p> <p>Un fatalisme désabusé s’est installé dans maintes têtes: l’UE nous est indispensable, mais elle passe son temps à nous torturer avec ses exigences sans la moindre considération pour notre souveraineté nationale. 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Les bénéfices d’une adhésion ne sont même plus analysés dans les rapports du Département fédéral des affaires étrangères, alors que l’Union a aimanté presque tous les pays de notre continent. L’adhésion fut pourtant «l’objectif» de notre politique d’intégration, puis reléguée sous l’influence de l’UDC au rang d’option, puis plus rien du tout. Même pas un souvenir dans la tête des conseillers fédéraux en place. Pour parler de la solution de l’adhésion de la Suisse à l’UE, nos ministres attendent d’être à la retraite. Tout comme la plupart des diplomates qui se sont occupés du dossier.</p> <h3><strong>La surenchère étonnée </strong></h3> <p>À la lumière de ce non-dit, face à ce trou noir, l’accord-cadre, dotant les accords bilatéraux d’un mécanisme de règlement des différences d’interprétation du droit européen repris par la Suisse, devrait être considéré comme la solution miracle, épargnant aux partis politiques et au gouvernement toute réflexion sur une solution plus ambitieuse. Mais non. Le président du PDC, Gerhard Pfister, fait mine de découvrir que le Conseil fédéral injecte du droit européen dans les lois suisses chaque semaine, et que la Cour de justice de l’Union européenne étant <em>in fine</em> la garante de l’application du droit européen, la Suisse ne peut prétendre à l’interpréter pour elle-même.</p> <p>A gauche, la surenchère étonnée est également surjouée. On fait mine de croire que la lutte contre le dumping salarial ne peut être réalisée que par Bruxelles, alors que partenaires sociaux, cantons et Confédération peuvent demain matin décider ensemble de mieux contrôler les chantiers et les conditions des travailleurs détachés. Et, de même, s’entendre moralement pour privilégier la main d’œuvre indigène, dans une sorte de paix du travail renouvelée.</p> <h3><strong>Renversement de doctrine sur les aides d'Etat</strong></h3> <p>Quant aux cantons qui redoutent des complications sur les aides d’Etat, il faut leur signaler que ce cadre a totalement sauté depuis la pandémie COVID-19. La Commission n’a cessé d’octroyer aux pays membres des dérogations afin qu’ils puissent venir en aide aux secteurs impactés par la crise. Ce renversement de doctrine (les aides d’état étant réputées fausser la concurrence) laisse augurer une belle marge de manœuvre dans de futures applications.</p> <h3><strong>Un statut d'exception </strong></h3> <p>Dans ce concert alarmiste, les bilatéralistes masochistes se noient dans les détails juridiques et passent à côté de l’enjeu politique. Ils perdent de vue que l’accord-cadre représente pour la Suisse une solution sur-mesure qui n’existe que pour elle. La panoplie juridico-commerciale de l’UE prévoit pour les non-membres un partenariat rapproché au sein de l’Espace économique européen (refusé par nous en 1992), ou le statut d’état tiers, bien moins avantageux économiquement que nos accords bilatéraux. Renoncer à l’accord-cadre, c’est renoncer à ce statut d’exception. La probabilité que l’UE nous en concède un meilleur relève de l’utopie, surtout dans le contexte du Brexit. </p> <p>Dans la définition de sa politique européenne, le Conseil fédéral a toujours un peu peur de son ombre. Il a tendance à jouer la montre. Accueillant avec satisfaction le vote du 27 septembre, Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission, a ainsi pris soin d’indiquer qu’elle était disponible pour des éclaircissements sur la portée de l’accord-cadre négocié, mais qu’elle s’attendait à ce que le Conseil fédéral entame sa ratification «rapidement».</p> <h3><strong>Expliciter le contenu</strong></h3> <p>Notre gouvernement devrait donc sans tarder présenter et expliciter le contenu de l’accord-cadre. On ose espérer qu’il a utilisé les derniers mois pour obtenir de Bruxelles les clarifications sur les points litigieux, tout en les gardant secrètes afin de ne pas perturber la campagne de votation du 27 septembre.</p> <p>Les trois autres options qui s’offrent au Conseil fédéral ne sont guère réalistes. Laisser tomber l’accord-cadre est une option idiote. Cela reviendrait à enterrer la voie bilatérale alors qu’elle vient d’être sauvée par le peuple et les cantons. Laisser pourrir la mise à jour des accords actuels, bloquée par la non ratification de l’accord-cadre, ne serait pas très intelligent au moment où l’économie suisse a besoin des meilleures conditions possibles pour faire face aux conséquences de la pandémie. Demander à renégocier représente une option hautement improbable, maintes fois exclue par la Commission. Mais entre renégociation formelle et éclaircissements politiques, il y a peut-être une petite marge pour permettre à tous les interlocuteurs de sauver la face.</p> <p>Comme souvent quand une crise semble insurmontable, il faut envisager une sortie par le haut, ambitieuse et courageuse. 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Or, chaque fois que nous votons sur une problématique européenne, ce sont les partisans des accords bilatéraux qui sont acculés à défendre la situation actuelle, alors que les auteurs de l’initiative sont traités comme de doux contestataires, dont les agissements seraient sans conséquences.</p> <p>Par exemple, l’UDC ne nous dit pas comment elle entend que le gouvernement agisse diplomatiquement avec nos partenaires européens. Bien que disposant de deux élus au Conseil fédéral, elle s’est bien gardée de revendiquer la direction du Département fédéral des affaires étrangères, lors des récentes rocades. Pourtant, en cas de oui le 27 septembre, ne vaudrait-il pas mieux que Guy Parmelin ou Ueli Maurer aillent «renégocier» avec l’Union européenne, puisque leur parti pense que ce serait tellement simple et facile?</p> <p>L’UDC ne nous indique pas non plus quel solde migratoire serait acceptable pour elle, ni quel taux de croissance supérieur ou taux de chômage inférieur aux actuels nous pourrions espérer en cas de oui.</p> <h3>Croissance en berne</h3> <p>Dans leur argumentaire, les partisans de l’initiative dite «de limitation» minimisent les conséquences de la résiliation des accords bilatéraux, liés par la clause guillotine. Ils avancent que «la catastrophe prévue n’a pas eu lieu» après le fameux non à l’EEE de 1992. Ce faisant, ils omettent de préciser que:</p> <p><strong>1.</strong> les années qui suivirent la croissance suisse fut en berne, et qu’elle est repartie à la hausse grâce à l’entrée en vigueur des accords bilatéraux;</p> <p><strong>2.</strong> les autres pays de taille similaire à la nôtre englobés dans l’EEE (par exemple l’Autriche) ont connu une croissance supérieure;</p> <p><strong>3.</strong> l’écart de croissance entre eux et nous ne s’est jamais comblé.</p> <p>Ils font comme si le Conseil fédéral n’avait pas agi et signé, après des négociations difficiles, deux paquets d’accords bilatéraux avec l’Union européenne, qui nous ont permis grosso modo d’obtenir les mêmes avantages que ceux promis par l’EEE.</p> <h3>Accord de libre-échange insuffisant</h3> <p>Visant la suppression de la libre-circulation des personnes (LCP) avec l’UE, les partisans du texte de l’UDC vont jusqu’à prétendre que la Suisse peut se passer des autres accords bilatéraux, dont la valeur pour les entreprises serait surestimée. Là encore, leur trou de mémoire est béant. La Suisse a vécu dans les années 1990 sans accords bilatéraux avec l’UE, sous le toit du seul accord de libre-échange signé en 1972 avec les Communautés européennes (et que l’UDC cite aussi beaucoup). Mais la situation a été jugée insatisfaisante par les milieux économiques, car depuis 1972, les flux économiques se sont beaucoup modifiés. Les accords bilatéraux ont été voulus par la Suisse et négociés pour nous mettre sur un pied d’égalité avec nos concurrents européens. Ils sont le plan B, imaginé après le refus de l'EEE. </p> <h3>S'infliger une double peine?</h3> <p>Les partisans de l’initiative ne prennent pas non plus en compte les chaînes de valeur qui se sont créées <a href="https://bonpourlatete.com/actuel/quand-guy-parmelin-voudra-bien-nous-parler-de-notre-principal-marche" target="_blank" rel="noopener">au sein du marché européen</a>, c’est-à-dire la part et le rôle des sous-traitants. Une automobile allemande comprend des pièces usinées en Italie, en Suisse,... et dans cette chaîne, il est crucial que les produits puissent passer les frontières sans obstacles. Sinon, l’entreprise en bout de chaîne se choisira d’autres sous-traitants. L’industrie suisse d’exportation subit déjà le poids du franc fort, pas sûr qu’il soit malin de lui infliger une «double peine» en faisant sauter l’accord sur la reconnaissance mutuelle des produits et en lui infligeant des complications et de la paperasserie supplémentaire.</p> <p>Un des gros problèmes des partisans du texte de l’UDC est que la Suisse jouit en comparaison internationale d’une prospérité inouïe (en tout cas jusqu’à la pandémie du COVID19). Pourquoi changer les paramètres d’une économie qui gagne, placée dans le peloton des nations les plus innovantes?</p> <p>Les initiants nous racontent donc que cette prospérité n’est pas partagée par tous, que la libre-circulation des personnes ne bénéficie pas aux catégories les plus précaires de la population. Il est vrai que la croissance du PIB par habitant n’est pas au mieux de sa forme depuis 2007, mais cela est dû aux effets de la crise financière de 2008 pas à la LCP ou à l’UE.</p> <p>Surtout, si l’UDC veut se focaliser sur le pouvoir d’achat des plus faibles, beaucoup d’autres leviers existent, plus efficaces, que le bouleversement des conditions-cadre qui nous lient à nos principaux partenaires commerciaux. On pourrait agir sur les primes d’assurance-maladie, la politique salariale, la fiscalité,… Autant de domaines où le premier parti de Suisse se distingue par son refus de toute mesure sociale.</p> <h3>La neutralité économique? Du vent</h3> <p>Pour convaincre, nos isolationnistes essayent également d’élargir la focale et de nous abstraire d’un continent dont nous sommes le centre géographique: la Suisse devrait, selon eux, privilégier le multilatéralisme et viser la neutralité économique. Ils font semblant d’ignorer que le système multilatéral est en panne, grippé par un Donald Trump qu’ils trouvent par ailleurs formidable. Il convient de leur rappeler que même quand le système multilatéral fonctionnait bien, dans les années qui ont suivi la création de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en 1994, la Suisse a éprouvé le besoin d’avoir des accords bilatéraux privilégiés avec l’UE.</p> <p>Quant à la neutralité économique, ça n’existe pas, ça n’a jamais existé, même pendant les guerres (chaudes ou froides) où la Suisse la proclamait haut et fort. Au surplus, cette posture fait fi de toute préoccupation éthique (ce qui compterait, c’est de commercer et pour le reste, <a href="https://bonpourlatete.com/actuel/les-bons-amis-suisses-d-alexandre-loukachenko" target="_blank" rel="noopener">on fermerait les yeux</a>), une posture qui ne cadre guère avec notre rôle traditionnel de garant du droit humanitaire.</p> <p>Dans le déboulonnage de l’UE, certains partisans de l’initiative de l’UDC enjoignent la Confédération de prendre ses distances avec une Union sous la coupe du couple franco-allemand. D’abord, il ne faut pas confondre pouvoir d'impulsion du couple franco-allemand avec domination. Les décisions sur le récent plan de relance européen montrent que parmi les 27, chaque pays compte et possède une sorte de droit de veto. Une UE où seuls les Allemands et les Français dirigeraient ne connaîtrait pas les débats et les tensions actuelles. Ces tensions démontrent <em>a contrario</em> que, malgré toutes les critiques, l'UE est un ensemble démocratique où l'on débat des solutions et où on fait des compromis. Enfin, toute notre histoire a été influencée par celle de nos deux plus puissants voisins. Imaginer réduire leur influence sur notre destin national est aussi irréaliste que présomptueux.</p> <h3>Fausse histoire</h3> <p>Derrière ces arguments qui tournent en boucle, il n’y a aucune alternative crédible.</p> <p>L’UDC isolée nous ressasse toujours la même fausse histoire, celle d’un pays envahi et menacé, alors que notre paix sociale, notre stabilité politique et notre prospérité sont enviées. </p> <p>Elle se veut le parti de l’économie, mais l’économie combat de toutes ses forces son initiative.</p> <p>Elle prétend défendre les travailleurs, mais elle ne vote jamais pour de meilleurs contrôles des abus.</p> <p>Elle prétend défendre les chômeurs, mais elle fait tout pour réduire l’aide sociale.</p> <p>Elle prétend vouloir protéger notre patrimoine naturel, mais elle réfute toute politique contre les effets du réchauffement climatique.</p> <p>Elle prétend que l’on pourra renégocier sans soucis, alors que la puissante Grande-Bretagne avec des revendications du même ordre n’a encore rien obtenu d’avantageux.</p> <p>Elle diabolise l'UE, alors qu'il s'agit de notre meilleur rempart contre l'arbitraire des Chinois ou des Américains. </p> <p>Elle adopte une posture de pseudo défense de notre indépendance, alors que son inspirateur Christoph Blocher vise avant tout un affaiblissement de l’Etat, quel qu’il soit, pour mener ses affaires à sa guise, et engranger un maximum de profits.</p> <p>Avec son initiative dite de limitation, l’UDC ne nous offre aucune perspective autre que celle fumeuse des Brexiteurs, qui promettaient de «reprendre le contrôle» et qui depuis quatre ans n’ont repris le contrôle de rien du tout et n’ont su semer qu’une déconcertante incertitude. 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Cette réforme constitutionnelle émane des populistes du Mouvement 5 étoiles, naguère antisystème, aujourd'hui prêts à tout pour rester au pouvoir. Analyse d'une dangereuse embrouille dont les opposants peinent à être entendus.', 'subtitle_edition' => null, 'content' => '<p>L’Italie vit un moment paradoxal. Dans un mois, les citoyens sont appelés à se prononcer sur un référendum constitutionnel taillant un tiers des effectifs des parlementaires, une vieille revendication du Mouvement 5 étoiles au pouvoir. Dans le même temps, au terme de deux ans de gouvernement, le Mouvement antisystème se fond chaque jour un peu plus dans le «système» jadis honni, adoptant les codes et les comportements des autres formations politiques. A l’approche de nouvelles échéances électorales régionales et communales, les 5 étoiles ont voté l’abolition de la limite à deux mandats pour leurs élus. 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Au passage, les Italiens de l’étranger perdraient la moitié de leurs représentants (plus que 6 députés contre 12 actuellement et 4 sénateurs contre 8).</p> <h3><strong>Le non des sardines</strong></h3> <p>Les sondages donnent le oui gagnant, mais l’opposition à cette réforme relève la tête. Le jeune Mouvement des sardines, fer de lance de l’opposition à la Ligue de Matteo Salvini, apparu l’automne dernier à Bologne, vient de se déclarer contre la coupe. Europa più, le parti d’Emma Bonino, figure historique de la lutte pour les droits politiques, conteste aussi la proposition. Au sein du Parti démocrate, qui l’a votée au parlement, de plus en plus de dissidents donnent de la voix. Ce combat, disent-ils, n’est pas le leur, mais celui des 5 étoiles. Dans l’accord de gouvernement, scellé il y a un an, il était prévu d’accompagner ce changement d’une nouvelle loi électorale, or celle-ci n’est pas sur la table. Difficile dans ces conditions de simuler les conséquences concrètes de la réforme, notamment sur les petits partis. </p> <h3><strong>Pluralisme menacé</strong></h3> <p>Mais au-delà des calculs pour savoir à qui profiterait le changement émergent de vraies objections. En supprimant un tiers de leurs parlementaires, les Italiens se priveraient de représentants à un moment où justement le peuple se plaint de ne pas être écouté. Le fossé se creuserait. Le pluralisme serait menacé. Les minorités auraient moins de chance de se faire entendre, ce qui n’est jamais bon signe en démocratie. Actuellement, un député à la chambre représente en moyenne 90 000 citoyens, et un sénateur 190 000. Si le oui s’impose, le ratio passerait à 150 000 et à 300 000. Pas terrible pour combler le fossé entre élus et population. Les Italiens prendraient ainsi la tête du classement du nombre d’habitants par parlementaire, devant l’Allemagne (107 000).</p> <p>L’impact financier de la coupe est relativisé: 0,007% des dépenses publiques, sans compter que les 600 élus restant siégeraient plus souvent en commission. Il aurait mieux valu, expliquent les partisans du non, revoir et distinguer les attributions des deux chambres, sortir du bicaméralisme dit «parfait» qui oblige les deux chambres – comme en Suisse – à voter les mêmes projets de loi. Le problème, soulignent-ils encore, n’est pas la quantité de députés, mais leur qualité et leur intégrité. La réduction d’un tiers des effectifs ne garantit absolument pas que le parlement sera à l’avenir plus efficace.</p> <h3><strong>Choc entre démocratie participative et démocratie représentative</strong></h3> <p>Cette réforme de la constitution entérine une défiance envers les institutions au moment où les populistes du Mouvement 5 étoiles, ayant mieux compris leur fonctionnement, s’y fondent avec l’application de béotiens, et où l’autre camp populiste emmené par Matteo Salvini rêve de les dompter en sa faveur. Elle contient une ambiguïté peu discutée: à la démocratie représentative classique, avec ses mécanismes de contrôle et ses contre-pouvoirs, les 5 étoiles privilégient de fait une démocratie participative instantanée et permanente, sans le moindre mécanisme de contrôle. Le Mouvement procède en effet régulièrement à des consultations des membres cotisant du Mouvement par sondages en ligne, dont la fiabilité des résultats n’est absolument pas garantie. Ce conflit de légitimité entre le vote du plus grand nombre et celui de quelques privilégiés témoigne de l’extraordinaire aberration des propositions populistes. </p> <p>Traumatisés par la crise du COVID19 et ses cortèges de cercueil, inquiets des perspectives économiques sombres qu’on leur prédit pour les prochains mois, les Italiens sauront-ils résister au mirage populiste? Pour ne rien arranger à cette difficile prise de conscience de l’enjeu démocratique et représentatif du scrutin de septembre, un nouveau scandale vient d’alimenter la perplexité ambiante: la presse a révélé que cinq parlementaires, tout à fait correctement payés durant la pandémie, ont sollicité le bonus de 600 euros destinés par le gouvernement aux Italiens en situation précaire. 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Sur cet enjeu crucial, la discussion se fera en italien. Pour une fois, les Tessinois ne se sentiront pas exclus du débat. De la part de l’UDC, ce n’est pas mal joué de mettre Chiesa dans les pattes du duo Cassis-Balzaretti. Mais sera-t-il <strong>capable de tenir le choc</strong>?</p> <p>Face aux libéraux-radicaux raisonnablement ralliés aux bilatérales par obsession de ne pas évoquer l’adhésion à l’UE, le défi sera pour lui de tenir une position crédible économiquement. Nos accords bilatéraux avec l’UE constituent le plan B de l’EEE rejeté en 1992. Sur les alternatives à ce plan B, l’UDC n’a produit aucun argumentaire sérieux, elle se contente de slogans incantatoires, qui tournent en boucle.</p> <h3>Le besoin de protection a muté</h3> <p>Le parti blochérien a construit son hégémonie sur le rejet de l’Europe et des étrangers, prétendant en protéger les Suisses. Or, le besoin de protection vient de muter. La crise du COVID19 s’accompagne du retour en grâce de l’Etat et des services publics. Avec son idéologie anti-étatiste et anti-fiscale, l’UDC est prise en porte-à-faux. Le PLR peut, lui, se réclamer de sa tradition historique étatiste. Il a déjà, mieux que l’UDC, amorcé le tournant écologique.</p> <h3>Les questions d'aujourd'hui pas celles d'hier</h3> <p>Afin de prouver qu’il n’est pas à la présidence de l’UDC par défaut, Chiesa devra répondre aux questions d’aujourd’hui pas à celles d’hier: comment maintenir notre haut niveau de vie en sabotant les facilités d’accès au <strong>grand marché européen</strong>? comment financer la <strong>transition énergétique</strong>? comment exister commercialement sans devenir un <strong>vassal des Chinois ou des Américains</strong>? comment protéger nos libertés dans le nouveau monde <strong>numérique</strong>? 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Ça n’a pas manqué. Donnant une interview au Corriere della Sera (parue dans l’édition du 21 juillet), le conseiller fédéral Ignazio Cassis a invoqué la défaite de Marignan pour expliquer pourquoi la Suisse ne veut pas entrer dans l’Union européenne: les Confédérés meurtris qui revinrent du sanglant champ de bataille choisirent la neutralité, et respectèrent les préceptes de Nicolas de Flue – «occupez vous de vos affaires et ne vous mêlez pas de celles des autres.» Le Chef du Département des affaires étrangères voit dans ce lointain épisode la source de notre politique extérieure.
Le Tessinois reprend un mythe solidement ancré. Après Marignan en 1515, la neutralité aurait calfeutré les Suisses dans leurs frontières. Ce serait «circulez, il n’y a plus rien à voir», grosso modo jusqu’en 1848, date de fondation de l’Etat fédéral actuel. Pourtant, notre histoire est beaucoup plus riche et complexe que le raccourci 1291-1515-1848.
Un gros pavé de 685 pages, récemment sorti de presse, retrace ce qu’il advint dès 1516 et jusqu’à l’avènement de la République helvétique à la toute fin du 18e siècle. Il s’agit des Actes des colloques consacrés à Paris et à Fribourg à l’automne 2016 à la Paix perpétuelle entre la France et la Suisse. Edité par la Société d’histoire de la Suisse romande, le bouquin fera date dans l’historiographie. Réunissant une vingtaine d’articles des meilleurs spécialistes de la période, il peut se lire agréablement par petites doses*.
François Ier tend la main aux perdants
Alors, non, l’histoire suisse ne se fige pas après la retraite glorieuse de Marignan, peinte quelques siècles plus tard par Hodler. On peut même dire, selon la formule chère à Darius Rochebin, que les «événements se précipitent». On ne soulignera jamais assez l’étrangeté du comportement de François Ier. Le jeune roi a terrassé les hordes confédérées dont tout le continent craignait la fureur et la bestialité, rapportées par les chroniqueurs de l’époque. Mais le vainqueur va s’empresser de tendre la main aux vaincus, et leur offrir des conditions de paix «incroyablement avantageuses», quand bien même, souligne la Professeure Claire Gantet de l’Université de Fribourg, cet accord est scellé entre deux forces très inégales.
Le traité de Fribourg scellé entre François Ier et les seigneurs des «anciennes ligues des hautes Allemagnes». ©DR
François Ier promet aux Suisses de les défendre s’ils sont attaqués. Il leur reconnaît la possession de bailliages milanais, il leur rembourse une partie de leurs frais de guerre, il alloue des pensions à chaque canton, il octroie des privilèges commerciaux. Pourquoi? Le Roi de France veut s’attacher les services des mercenaires: la Confédération est un bassin de recrutement plus proche que l’Ecosse, l’Irlande ou la Bohême, autres régions fournissant des guerriers au plus offrant.
A noter que par commodité rétroactive, on parle de Suisses et de Confédérés, mais que le traité de paix mentionne les seigneurs des «anciennes ligues des hautes Allemagnes». Les territoires des cantons sont alors dans l’orbite du Saint-Empire romain-germanique. Ils vont peu à peu glisser dans la sphère d’influence française.
Les liens du sang et de l’argent
La paix perpétuelle, signée à Fribourg, va durer 276 ans, ce qui doit constituer un record. Elle sera renouvelée chaque fois qu’un nouveau Roi monte sur le trône. D’abord utilisés en première ligne des batailles, les régiments levés dans les cantons vont constituer la garde rapprochée de la famille royale, jusqu’à se faire massacrer aux Tuileries le 10 août 1792 pour la protéger de la fureur révolutionnaire. Les historiens estiment à un million le nombre de jeunes Suisses qui ont servi les Rois de France (lire aussi cet article sur la paix perpétuelle).
Ces «liens du sang» établissent entre les Confédérés et la Royauté une relation de créanciers-débiteurs: la Couronne, qui guerroie beaucoup, honore difficilement toutes ses dettes, les Suisses se montrent patients car ils veulent être payés et ne souhaitent pas rompre une alliance aussi lucrative dans la durée. Pour mieux gérer cette relation complexe et si particulière, dès 1522, une ambassade est établie à Soleure.
Le renouvellement de l’alliance entre Louis XIV et les cantons suisses, en 1663. Cette tapisserie monumentale est aujourd’hui visible à l’Ambassade de Suisse à Paris. ©DR
Alors comment la retraite de Marignan est-elle devenue ce totem du discours politique sur la neutralité suisse? L’historien Thomas Maissen l’étudie en détails dans un article fouillé dont nous reprenons ci-dessous les points principaux, et que le conseiller fédéral Ignazio Cassis serait bien inspiré de lire.
On ne le sait pas assez: «L’alliance avec la France fut l’unique traité de politique non seulement étrangère, mais aussi intérieure engageant l’ensemble des Confédérés. Par son argent et son influence, la France voulait s’assurer un réservoir de mercenaires; elle empêcha ainsi la Confédération de se dissocier, notamment le long de lignes confessionnelles.»
Ce constat est essentiel. Non, la Suisse ne s’est pas développée seulement de manière organique et autonome, mais sous pression ou en interaction avec les autres pays européens.
Le tournant des Traités de Westphalie en 1648
Sur le parchemin, le Roi de France veut se garantir l’exclusivité des soldats suisse. Dans la pratique, les cantons continuèrent à nouer des alliances militaires avec d’autres puissances étrangères. La sanglante Guerre de Trente ans fait office de révélateur: les Confédérés se rendent compte qu’ils ont eu des morts dans tous les camps, bien que la Confédération soit restée en tant que telle hors du conflit. «Cette expérience, note Thomas Maissen, était une condition préalable à l’adoption de la neutralité comme position officielle de la Confédération dans la société des Etats qui s’établit progressivement après les traités de Westphalie de 1648.»
L’origine de la neutralité commence à être discutée à la fin du XIXe siècle, documente Thomas Maissen, lorsqu’il s’agit de légitimer le nouvel État-nation, fondé en 1848, en le faisant remonter au Moyen-Âge. En 1885, l’historien Dändliker évoque le traité de Fribourg et parle de la neutralité de la Suisse «dans la mesure où l’on peut utiliser ce terme». Dans la foulée, Dieraurer, autre référence historiographique de l’époque, voit dans 1516 «la transition vers une position de neutralité» plus appropriée aux moyens des cantons que leurs ambitions de puissance.
Un scandale d’espionnage entre la Suisse et l’Allemagne bismarckienne accroît la nécessité de se référer à un principe ancien, et de remonter à la défaite de Marignan.
En 1904, un autre auteur estime que «c’est l’absence d’un pouvoir centralisé qui explique pourquoi les Suisses ont renoncé à une politique de puissance» plutôt que la défaite de Marignan.
Naissance d’un mythe utile
L’interprétation va durablement changer pendant la Première Guerre mondiale. En 1915, pour le 400e anniversaire de la bataille, alors que la Suisse est écartelée entre ses deux voisins belligérants, l’évocation de Marignan «unique origine et cause de notre neutralité» permet de légitimer la position officielle des autorités.
Dans les années qui précédent la deuxième guerre mondiale, le mythe s’installe d’autant plus fort que l’on ressort aussi la figure de Nicolas de Flue. A l’été 1940, le conseiller fédéral Marcel Pilet-Golaz les utilise dans le contexte de «défense spirituelle».
Quelques années plus tard, son successeur, Max Petitpierre, reconnaît lui que la neutralité date plutôt des traités de Westphalie que des bonnes paroles de l’ermite ou de défaite de 1515.
En 1965, un comité «pro Marignano» se constitue pour ériger un monument avec pour épigraphe «Ex claude salus» (De la défaite vient le salut). Le choix du latin suggère habilement une tradition ancienne. Un autre comité «pour la commémoration de la bataille de Marignan et de ses conséquences» s’attache à mieux documenter ce qui s’est passé. Conclusion d’un gros ouvrage de 600 pages d’Emil Usteri: «Ce qui est en général affirmé à l’école est faux. Les Confédérés n’ont pas cessé de se mêler des affaires étrangères après Marignan et sous le coup de la défaite: ils ont continué à le faire, simplement de façon moins officielle… Le revirement de la Suisse vers la véritable neutralité est l’œuvre des générations postérieures».
«Les défaites héroïques sont, au même titre que les grandes victoires, la matière masculine à partir de laquelle les nationalistes conservateurs de nombreux pays forgent la soi-disant spécificité de leur pays et tirent des leçons présentées comme intemporelles.»
Parmi les membres qui ont financé ce livre figure Christoph Blocher, qui pourtant martèle le contraire: «notre neutralité remonte à la bataille de Marignan, elle est bien plus vieille que l’Etat fédéral».
Dans la conclusion de sa passionnante communication, Thomas Maissen se demande pourquoi beaucoup d’opposants à l’intégration à l’Union européenne célèbrent une défaite militaire? Il note, en citant l’exemple du Serbe Slobodan Milosevic, que: «Les défaites héroïques sont, au même titre que les grandes victoires, la matière masculine à partir de laquelle les nationalistes conservateurs de nombreux pays forgent la soi-disant spécificité de leur pays et tirent des leçons présentées comme intemporelles.»
Ce faisant, poursuit Thomas Maissen, les nationalistes conservateurs «refoulent le fait que les Suisses ont surestimé leurs propres forces en 1515, entraînant la signature d’un traité de paix avec la France qui fit des Confédérés un fournisseur de mercenaires sous tutelle pendant trois siècles. De façon plus problématique encore, ils refoulent le fait que la neutralité de la Suisse, sa pérennité en règle générale pacifique et le système international des Etats se fondent sur le droit international. Ce dernier a pour sa part besoin d’institutions et d’instances qui le garantissent, et sur notre continent, c’est l’Union européenne qui les garantit.»
On mesure ainsi à quel point l’enjeu mémoriel autour de Marignan est au cœur de l’actualité politique, avec la votation de novembre prochain sur l’initiative de l’UDC dite «pour l’autodétermination». Une raison de plus pour mieux se renseigner sur les siècles de relations étroites entre la Suisse et la France à partir de la Paix de Fribourg.
Cet article doit aussi beaucoup aux discussions entre historiens lors d’une soirée de présentation de l’ouvrage, organisée à l’Ambassade de Suisse à Paris, le 6 juin 2018.
* Ouvrage collectif, «Après Marignan, la Paix perpétuelle entre la France et la Suisse», 1516-2016, Société d’Histoire de la Suisse romande, 685 pages.
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Réunissant une vingtaine d’articles des meilleurs spécialistes de la période, il peut se lire agréablement par petites doses*.</p><h3>François Ier tend la main aux perdants</h3> <p>Alors, non, l’histoire suisse ne se fige pas après la retraite glorieuse de Marignan, peinte quelques siècles plus tard par Hodler. On peut même dire, selon la formule chère à Darius Rochebin, que les «événements se précipitent». On ne soulignera jamais assez l’étrangeté du comportement de François Ier. Le jeune roi a terrassé les hordes confédérées dont tout le continent craignait la fureur et la bestialité, rapportées par les chroniqueurs de l’époque. 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Il leur reconnaît la possession de bailliages milanais, il leur rembourse une partie de leurs frais de guerre, il alloue des pensions à chaque canton, il octroie des privilèges commerciaux. Pourquoi? Le Roi de France veut s’attacher les services des mercenaires: la Confédération est un bassin de recrutement plus proche que l’Ecosse, l’Irlande ou la Bohême, autres régions fournissant des guerriers au plus offrant. </p> <p>A noter que par commodité rétroactive, on parle de Suisses et de Confédérés, mais que le traité de paix mentionne les seigneurs des «anciennes ligues des hautes Allemagnes». Les territoires des cantons sont alors dans l’orbite du Saint-Empire romain-germanique. Ils vont peu à peu glisser dans la sphère d’influence française.</p><h3>Les liens du sang et de l’argent</h3> <p>La paix perpétuelle, signée à Fribourg, va durer 276 ans, ce qui doit constituer un record. Elle sera renouvelée chaque fois qu’un nouveau Roi monte sur le trône. 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Pour mieux gérer cette relation complexe et si particulière, dès 1522, une ambassade est établie à Soleure.</p><p><br><img class="img-responsive img-center " src="https://media.bonpourlatete.com/default/w400/1532699592_6520.jpg"><span style="color: inherit; font-family: "GT America Standard Regular"; font-size: 1.4rem;"></span></p><p style="text-align: center;"><span style="color: inherit; font-family: "GT America Standard Regular"; font-size: 1.4rem;">Le renouvellement de l’alliance entre Louis XIV et les cantons suisses, en 1663. Cette tapisserie monumentale est aujourd’hui visible à l’Ambassade de Suisse à Paris. ©DR</span></p><br> <p>Alors comment la retraite de Marignan est-elle devenue ce totem du discours politique sur la neutralité suisse? L’historien Thomas Maissen l’étudie en détails dans un article fouillé dont nous reprenons ci-dessous les points principaux, et que le conseiller fédéral Ignazio Cassis serait bien inspiré de lire. </p> <p>On ne le sait pas assez: «L’alliance avec la France fut l’unique traité de politique non seulement étrangère, mais aussi intérieure engageant l’ensemble des Confédérés. Par son argent et son influence, la France voulait s’assurer un réservoir de mercenaires; elle empêcha ainsi la Confédération de se dissocier, notamment le long de lignes confessionnelles.» </p> <p>Ce constat est essentiel. Non, la Suisse ne s’est pas développée seulement de manière organique et autonome, mais sous pression ou en interaction avec les autres pays européens. </p><h3>Le tournant des Traités de Westphalie en 1648</h3> <p>Sur le parchemin, le Roi de France veut se garantir l’exclusivité des soldats suisse. 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Dans la foulée, Dieraurer, autre référence historiographique de l’époque, voit dans 1516 «la transition vers une position de neutralité» plus appropriée aux moyens des cantons que leurs ambitions de puissance. </p> <p>Un scandale d’espionnage entre la Suisse et l’Allemagne bismarckienne accroît la nécessité de se référer à un principe ancien, et de remonter à la défaite de Marignan. </p><p>En 1904, un autre auteur estime que «c’est l’absence d’un pouvoir centralisé qui explique pourquoi les Suisses ont renoncé à une politique de puissance» plutôt que la défaite de Marignan. </p> <h3>Naissance d’un mythe utile</h3><p>L’interprétation va durablement changer pendant la Première Guerre mondiale. En 1915, pour le 400<sup>e</sup> anniversaire de la bataille, alors que la Suisse est écartelée entre ses deux voisins belligérants, l’évocation de Marignan «unique origine et cause de notre neutralité» permet de légitimer la position officielle des autorités. </p> <p>Dans les années qui précédent la deuxième guerre mondiale, le mythe s’installe d’autant plus fort que l’on ressort aussi la figure de Nicolas de Flue. A l’été 1940, le conseiller fédéral Marcel Pilet-Golaz les utilise dans le contexte de «défense spirituelle». </p> <p>Quelques années plus tard, son successeur, Max Petitpierre, reconnaît lui que la neutralité date plutôt des traités de Westphalie que des bonnes paroles de l’ermite ou de défaite de 1515. </p> <p>En 1965, un comité «pro Marignano» se constitue pour ériger un monument avec pour épigraphe «Ex claude salus» (De la défaite vient le salut). Le choix du latin suggère habilement une tradition ancienne. Un autre comité «pour la commémoration de la bataille de Marignan et de ses conséquences» s’attache à mieux documenter ce qui s’est passé. Conclusion d’un gros ouvrage de 600 pages d’Emil Usteri: «Ce qui est en général affirmé à l’école est faux. Les Confédérés n’ont pas cessé de se mêler des affaires étrangères après Marignan et sous le coup de la défaite: ils ont continué à le faire, simplement de façon moins officielle… Le revirement de la Suisse vers la véritable neutralité est l’œuvre des générations postérieures». </p><br><blockquote>«Les défaites héroïques sont, au même titre que les grandes victoires, la matière masculine à partir de laquelle les nationalistes conservateurs de nombreux pays forgent la soi-disant spécificité de leur pays et tirent des leçons présentées comme intemporelles.» </blockquote> <p>Parmi les membres qui ont financé ce livre figure Christoph Blocher, qui pourtant martèle le contraire: «notre neutralité remonte à la bataille de Marignan, elle est bien plus vieille que l’Etat fédéral». </p> <p>Dans la conclusion de sa passionnante communication, Thomas Maissen se demande pourquoi beaucoup d’opposants à l’intégration à l’Union européenne célèbrent une défaite militaire? 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Donnant une interview au <em>Corriere della Sera</em> (<a href="https://bonpourlatete.com/ailleurs/sombre-prediction-de-cassis-dans-la-presse-italienne">parue dans l’édition du 21 juillet</a>), le conseiller fédéral Ignazio Cassis a invoqué la défaite de Marignan pour expliquer pourquoi la Suisse ne veut pas entrer dans l’Union européenne: les Confédérés meurtris qui revinrent du sanglant champ de bataille choisirent la neutralité, et respectèrent les préceptes de Nicolas de Flue – «occupez vous de vos affaires et ne vous mêlez pas de celles des autres.» Le Chef du Département des affaires étrangères voit dans ce lointain épisode la source de notre politique extérieure. </p> <p>Le Tessinois reprend un mythe solidement ancré. Après Marignan en 1515, la neutralité aurait calfeutré les Suisses dans leurs frontières. Ce serait «circulez, il n’y a plus rien à voir», grosso modo jusqu’en 1848, date de fondation de l’Etat fédéral actuel. Pourtant, notre histoire est beaucoup plus riche et complexe que le raccourci 1291-1515-1848. </p> <p>Un gros pavé de 685 pages, récemment sorti de presse, retrace ce qu’il advint dès 1516 et jusqu’à l’avènement de la République helvétique à la toute fin du 18<sup>e</sup> siècle. Il s’agit des Actes des colloques consacrés à Paris et à Fribourg à l’automne 2016 à la Paix perpétuelle entre la France et la Suisse. Edité par la Société d’histoire de la Suisse romande, le bouquin fera date dans l’historiographie. Réunissant une vingtaine d’articles des meilleurs spécialistes de la période, il peut se lire agréablement par petites doses*.</p><h3>François Ier tend la main aux perdants</h3> <p>Alors, non, l’histoire suisse ne se fige pas après la retraite glorieuse de Marignan, peinte quelques siècles plus tard par Hodler. On peut même dire, selon la formule chère à Darius Rochebin, que les «événements se précipitent». On ne soulignera jamais assez l’étrangeté du comportement de François Ier. Le jeune roi a terrassé les hordes confédérées dont tout le continent craignait la fureur et la bestialité, rapportées par les chroniqueurs de l’époque. 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Il leur reconnaît la possession de bailliages milanais, il leur rembourse une partie de leurs frais de guerre, il alloue des pensions à chaque canton, il octroie des privilèges commerciaux. Pourquoi? Le Roi de France veut s’attacher les services des mercenaires: la Confédération est un bassin de recrutement plus proche que l’Ecosse, l’Irlande ou la Bohême, autres régions fournissant des guerriers au plus offrant. </p> <p>A noter que par commodité rétroactive, on parle de Suisses et de Confédérés, mais que le traité de paix mentionne les seigneurs des «anciennes ligues des hautes Allemagnes». Les territoires des cantons sont alors dans l’orbite du Saint-Empire romain-germanique. Ils vont peu à peu glisser dans la sphère d’influence française.</p><h3>Les liens du sang et de l’argent</h3> <p>La paix perpétuelle, signée à Fribourg, va durer 276 ans, ce qui doit constituer un record. Elle sera renouvelée chaque fois qu’un nouveau Roi monte sur le trône. D’abord utilisés en première ligne des batailles, les régiments levés dans les cantons vont constituer la garde rapprochée de la famille royale, jusqu’à se faire massacrer aux Tuileries le 10 août 1792 pour la protéger de la fureur révolutionnaire. Les historiens estiment à un million le nombre de jeunes Suisses qui ont servi les Rois de France (<a href="http://chantaltauxe.ch/ce-que-vous-devriez-savoir-sur-la-paix-perpetuelle/">lire aussi cet article sur la paix perpétuelle</a>). </p> <p>Ces «liens du sang» établissent entre les Confédérés et la Royauté une relation de créanciers-débiteurs: la Couronne, qui guerroie beaucoup, honore difficilement toutes ses dettes, les Suisses se montrent patients car ils veulent être payés et ne souhaitent pas rompre une alliance aussi lucrative dans la durée. 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L’historien Thomas Maissen l’étudie en détails dans un article fouillé dont nous reprenons ci-dessous les points principaux, et que le conseiller fédéral Ignazio Cassis serait bien inspiré de lire. </p> <p>On ne le sait pas assez: «L’alliance avec la France fut l’unique traité de politique non seulement étrangère, mais aussi intérieure engageant l’ensemble des Confédérés. Par son argent et son influence, la France voulait s’assurer un réservoir de mercenaires; elle empêcha ainsi la Confédération de se dissocier, notamment le long de lignes confessionnelles.» </p> <p>Ce constat est essentiel. Non, la Suisse ne s’est pas développée seulement de manière organique et autonome, mais sous pression ou en interaction avec les autres pays européens. </p><h3>Le tournant des Traités de Westphalie en 1648</h3> <p>Sur le parchemin, le Roi de France veut se garantir l’exclusivité des soldats suisse. Dans la pratique, les cantons continuèrent à nouer des alliances militaires avec d’autres puissances étrangères. La sanglante Guerre de Trente ans fait office de révélateur: les Confédérés se rendent compte qu’ils ont eu des morts dans tous les camps, bien que la Confédération soit restée en tant que telle hors du conflit. «Cette expérience, note Thomas Maissen, était une condition préalable à l’adoption de la neutralité comme position officielle de la Confédération dans la société des Etats qui s’établit progressivement après les traités de Westphalie de 1648.» </p> <p>L’origine de la neutralité commence à être discutée à la fin du XIX<sup>e</sup> siècle, documente Thomas Maissen, lorsqu’il s’agit de légitimer le nouvel État-nation, fondé en 1848, en le faisant remonter au Moyen-Âge. En 1885, l’historien Dändliker évoque le traité de Fribourg et parle de la neutralité de la Suisse «dans la mesure où l’on peut utiliser ce terme». Dans la foulée, Dieraurer, autre référence historiographique de l’époque, voit dans 1516 «la transition vers une position de neutralité» plus appropriée aux moyens des cantons que leurs ambitions de puissance. </p> <p>Un scandale d’espionnage entre la Suisse et l’Allemagne bismarckienne accroît la nécessité de se référer à un principe ancien, et de remonter à la défaite de Marignan. </p><p>En 1904, un autre auteur estime que «c’est l’absence d’un pouvoir centralisé qui explique pourquoi les Suisses ont renoncé à une politique de puissance» plutôt que la défaite de Marignan. </p> <h3>Naissance d’un mythe utile</h3><p>L’interprétation va durablement changer pendant la Première Guerre mondiale. En 1915, pour le 400<sup>e</sup> anniversaire de la bataille, alors que la Suisse est écartelée entre ses deux voisins belligérants, l’évocation de Marignan «unique origine et cause de notre neutralité» permet de légitimer la position officielle des autorités. </p> <p>Dans les années qui précédent la deuxième guerre mondiale, le mythe s’installe d’autant plus fort que l’on ressort aussi la figure de Nicolas de Flue. A l’été 1940, le conseiller fédéral Marcel Pilet-Golaz les utilise dans le contexte de «défense spirituelle». </p> <p>Quelques années plus tard, son successeur, Max Petitpierre, reconnaît lui que la neutralité date plutôt des traités de Westphalie que des bonnes paroles de l’ermite ou de défaite de 1515. </p> <p>En 1965, un comité «pro Marignano» se constitue pour ériger un monument avec pour épigraphe «Ex claude salus» (De la défaite vient le salut). Le choix du latin suggère habilement une tradition ancienne. Un autre comité «pour la commémoration de la bataille de Marignan et de ses conséquences» s’attache à mieux documenter ce qui s’est passé. Conclusion d’un gros ouvrage de 600 pages d’Emil Usteri: «Ce qui est en général affirmé à l’école est faux. 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Les lobbies économiques ont mobilisé les entrepreneurs, les syndicats ont parlé à leurs adhérents, les milieux académiques et scientifiques sont sortis de leur tour d’ivoire, Opération libero et le Nouveau Mouvement européen suisse ont mené des campagnes de conviction.</p> <p>Vingt ans après le scrutin qui l’a intronisée, la voie des accords bilatéraux avec l’Union européenne est confirmée, alors qu’elle a été l’objet d’un pilonnage continu de la part des blochériens. Tout et son contraire ont été reproché à ce système pragmatique de gestion de nos relations avec les 27 membres de l’Union. 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Que ce mésusage de la démocratie directe perturbe notre agenda diplomatique et comprime la réflexion des autres partis sur les objectifs et les moyens de notre politique étrangère, le premier parti de Suisse, nanti de deux conseillers fédéraux, s’en fiche éperdument. 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Les bénéfices d’une adhésion ne sont même plus analysés dans les rapports du Département fédéral des affaires étrangères, alors que l’Union a aimanté presque tous les pays de notre continent. L’adhésion fut pourtant «l’objectif» de notre politique d’intégration, puis reléguée sous l’influence de l’UDC au rang d’option, puis plus rien du tout. Même pas un souvenir dans la tête des conseillers fédéraux en place. Pour parler de la solution de l’adhésion de la Suisse à l’UE, nos ministres attendent d’être à la retraite. Tout comme la plupart des diplomates qui se sont occupés du dossier.</p> <h3><strong>La surenchère étonnée </strong></h3> <p>À la lumière de ce non-dit, face à ce trou noir, l’accord-cadre, dotant les accords bilatéraux d’un mécanisme de règlement des différences d’interprétation du droit européen repris par la Suisse, devrait être considéré comme la solution miracle, épargnant aux partis politiques et au gouvernement toute réflexion sur une solution plus ambitieuse. Mais non. Le président du PDC, Gerhard Pfister, fait mine de découvrir que le Conseil fédéral injecte du droit européen dans les lois suisses chaque semaine, et que la Cour de justice de l’Union européenne étant <em>in fine</em> la garante de l’application du droit européen, la Suisse ne peut prétendre à l’interpréter pour elle-même.</p> <p>A gauche, la surenchère étonnée est également surjouée. On fait mine de croire que la lutte contre le dumping salarial ne peut être réalisée que par Bruxelles, alors que partenaires sociaux, cantons et Confédération peuvent demain matin décider ensemble de mieux contrôler les chantiers et les conditions des travailleurs détachés. 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La panoplie juridico-commerciale de l’UE prévoit pour les non-membres un partenariat rapproché au sein de l’Espace économique européen (refusé par nous en 1992), ou le statut d’état tiers, bien moins avantageux économiquement que nos accords bilatéraux. Renoncer à l’accord-cadre, c’est renoncer à ce statut d’exception. La probabilité que l’UE nous en concède un meilleur relève de l’utopie, surtout dans le contexte du Brexit. </p> <p>Dans la définition de sa politique européenne, le Conseil fédéral a toujours un peu peur de son ombre. Il a tendance à jouer la montre. Accueillant avec satisfaction le vote du 27 septembre, Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission, a ainsi pris soin d’indiquer qu’elle était disponible pour des éclaircissements sur la portée de l’accord-cadre négocié, mais qu’elle s’attendait à ce que le Conseil fédéral entame sa ratification «rapidement».</p> <h3><strong>Expliciter le contenu</strong></h3> <p>Notre gouvernement devrait donc sans tarder présenter et expliciter le contenu de l’accord-cadre. On ose espérer qu’il a utilisé les derniers mois pour obtenir de Bruxelles les clarifications sur les points litigieux, tout en les gardant secrètes afin de ne pas perturber la campagne de votation du 27 septembre.</p> <p>Les trois autres options qui s’offrent au Conseil fédéral ne sont guère réalistes. Laisser tomber l’accord-cadre est une option idiote. Cela reviendrait à enterrer la voie bilatérale alors qu’elle vient d’être sauvée par le peuple et les cantons. Laisser pourrir la mise à jour des accords actuels, bloquée par la non ratification de l’accord-cadre, ne serait pas très intelligent au moment où l’économie suisse a besoin des meilleures conditions possibles pour faire face aux conséquences de la pandémie. Demander à renégocier représente une option hautement improbable, maintes fois exclue par la Commission. Mais entre renégociation formelle et éclaircissements politiques, il y a peut-être une petite marge pour permettre à tous les interlocuteurs de sauver la face.</p> <p>Comme souvent quand une crise semble insurmontable, il faut envisager une sortie par le haut, ambitieuse et courageuse. Simonetta Sommaruga, la présidente de la Confédération, doit aller à Bruxelles obtenir des clarifications sur la portée de l’accord-cadre, et sceller un deal politique.</p> <p>Sur le front interne, Karin Keller-Sutter et Ignazio Cassis doivent aligner les partenaires sociaux et sceller une entente sur de nouvelles mesures d’accompagnement de cette étape additionnelle de notre politique d’intégration européenne.</p> <h3><strong>Empoigner le débat sur la souveraineté </strong></h3> <p>Quant aux partis gouvernementaux et aux Verts, ils doivent empoigner une discussion sérieuse et scientifiquement documentée sur les avantages et les inconvénients en termes de souveraineté de la voie bilatérale, de l’accord-cadre et de l’adhésion à l’UE. Ils ne doivent plus laisser l’UDC confisquer le débat sur ce thème, mais oser l’affronter avec leurs propres valeurs. 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Or, chaque fois que nous votons sur une problématique européenne, ce sont les partisans des accords bilatéraux qui sont acculés à défendre la situation actuelle, alors que les auteurs de l’initiative sont traités comme de doux contestataires, dont les agissements seraient sans conséquences.</p> <p>Par exemple, l’UDC ne nous dit pas comment elle entend que le gouvernement agisse diplomatiquement avec nos partenaires européens. Bien que disposant de deux élus au Conseil fédéral, elle s’est bien gardée de revendiquer la direction du Département fédéral des affaires étrangères, lors des récentes rocades. 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Là encore, leur trou de mémoire est béant. La Suisse a vécu dans les années 1990 sans accords bilatéraux avec l’UE, sous le toit du seul accord de libre-échange signé en 1972 avec les Communautés européennes (et que l’UDC cite aussi beaucoup). Mais la situation a été jugée insatisfaisante par les milieux économiques, car depuis 1972, les flux économiques se sont beaucoup modifiés. Les accords bilatéraux ont été voulus par la Suisse et négociés pour nous mettre sur un pied d’égalité avec nos concurrents européens. Ils sont le plan B, imaginé après le refus de l'EEE. </p> <h3>S'infliger une double peine?</h3> <p>Les partisans de l’initiative ne prennent pas non plus en compte les chaînes de valeur qui se sont créées <a href="https://bonpourlatete.com/actuel/quand-guy-parmelin-voudra-bien-nous-parler-de-notre-principal-marche" target="_blank" rel="noopener">au sein du marché européen</a>, c’est-à-dire la part et le rôle des sous-traitants. 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Pourquoi changer les paramètres d’une économie qui gagne, placée dans le peloton des nations les plus innovantes?</p> <p>Les initiants nous racontent donc que cette prospérité n’est pas partagée par tous, que la libre-circulation des personnes ne bénéficie pas aux catégories les plus précaires de la population. Il est vrai que la croissance du PIB par habitant n’est pas au mieux de sa forme depuis 2007, mais cela est dû aux effets de la crise financière de 2008 pas à la LCP ou à l’UE.</p> <p>Surtout, si l’UDC veut se focaliser sur le pouvoir d’achat des plus faibles, beaucoup d’autres leviers existent, plus efficaces, que le bouleversement des conditions-cadre qui nous lient à nos principaux partenaires commerciaux. On pourrait agir sur les primes d’assurance-maladie, la politique salariale, la fiscalité,… Autant de domaines où le premier parti de Suisse se distingue par son refus de toute mesure sociale.</p> <h3>La neutralité économique? Du vent</h3> <p>Pour convaincre, nos isolationnistes essayent également d’élargir la focale et de nous abstraire d’un continent dont nous sommes le centre géographique: la Suisse devrait, selon eux, privilégier le multilatéralisme et viser la neutralité économique. Ils font semblant d’ignorer que le système multilatéral est en panne, grippé par un Donald Trump qu’ils trouvent par ailleurs formidable. Il convient de leur rappeler que même quand le système multilatéral fonctionnait bien, dans les années qui ont suivi la création de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en 1994, la Suisse a éprouvé le besoin d’avoir des accords bilatéraux privilégiés avec l’UE.</p> <p>Quant à la neutralité économique, ça n’existe pas, ça n’a jamais existé, même pendant les guerres (chaudes ou froides) où la Suisse la proclamait haut et fort. Au surplus, cette posture fait fi de toute préoccupation éthique (ce qui compterait, c’est de commercer et pour le reste, <a href="https://bonpourlatete.com/actuel/les-bons-amis-suisses-d-alexandre-loukachenko" target="_blank" rel="noopener">on fermerait les yeux</a>), une posture qui ne cadre guère avec notre rôle traditionnel de garant du droit humanitaire.</p> <p>Dans le déboulonnage de l’UE, certains partisans de l’initiative de l’UDC enjoignent la Confédération de prendre ses distances avec une Union sous la coupe du couple franco-allemand. D’abord, il ne faut pas confondre pouvoir d'impulsion du couple franco-allemand avec domination. Les décisions sur le récent plan de relance européen montrent que parmi les 27, chaque pays compte et possède une sorte de droit de veto. Une UE où seuls les Allemands et les Français dirigeraient ne connaîtrait pas les débats et les tensions actuelles. 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Le Tessinois, qui devrait être désigné à la présidence de l'UDC le 22 août prochain, va très vite connaître son baptême du feu, avec la votation du 27 septembre sur la libre-circulation des personnes. Avec la crise climatique et le COVID19, le camp souverainiste ne peut plus se contenter de ses slogans habituels. Analyse. ', 'subtitle_edition' => null, 'content' => '<p>Pour les Latins, il n’est pas anodin que Marco Chiesa entre dans le club des présidents de partis gouvernementaux. Petra Gössi et Gerhard Pfister n’ont pas une grande sensibilité pour les minorités linguistiques. Il est inédit que l’UDC confie les rênes à un non-alémanique. Le parti veut-il <strong>prouver son assise aux quatre coins du territoire</strong>, comme lorsqu’il a projeté Guy Parmelin au Conseil fédéral? 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VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET
2 Commentaires
@Richard Golay 01.08.2018 | 09h31
«Texte intéressant, merci ! En ce 1er août il est bon de mettre de l'ordre dans notre histoire qui est effectivement trop souvent caricaturée.
Il est par contre étonnant que Thomas Maissen affirment que l'UE est la garante du droit international sur notre continent. Je croyais que c'était l'ONU (avec un siège à Genève). Tentative désespérée de trouver une utilité à l'UE ?
Sur la non-adhésion de la Suisse à l'UE, je vois dans la position de Mme Tauxe l'impossibilité d'admettre que la raison principale de la position du peuple suisse est d'avoir conscience que cette structure politique est fondamentalement un déni de démocratie.»
@Orgétorix 03.08.2018 | 20h38
«Merci de remettre ainsi "l'église au milieu du village" et de tordre le cou aux mythes sur la neutralité et l'indépendance soi-disant "séculaires" de la Suisse, qui remonteraient au temps des Waldstätten! Non seulement la Suisse a toujours été dans son histoire plus ou moins directement sous l'influence de ses puissants voisins (Saint-Empire, France) mais sa fameuse neutralité n'a été rendue possible que parce que celle-ci servait en fait les intérêts desdits voisins; sans cela, cette neutralité n'aurait guère fait long feu. Etrange aussi, que les Suisses n'aient pas compris que la Construction européenne était, d'une certaine manière, la continuation à une autre échelle, qui est celle à laquelle les problèmes se posent aujourd'hui, du principe qui a présidé à la consolidation petit-à-petit de l'alliance confédérale, à savoir que l'on est plus fort et efficace uni que divisé (division qui a coûté assez cher à notre continent jusqu'au milieu du siècle passé!). Même si elle est loin d'être parfaite (mais elle est encore jeune), l'UE a garanti une période sans conflit majeur d'une durée que notre continent n'avait jamais connue auparavant. Dommage qu'au lieu de participer à cet construction et y apporter son expérience la Suisse ait choisi de s'en tenir (plus ou moins, et plutôt "moins" que "plus" quand ses intérêts économiques sont en jeu!)) à l'écart. »