Actuel / François d’Assise, premier patron du WWF?
Fresque de Giotto, fin XIIIe siècle, dans la basilique Saint-François d’Assise, qui représente ce dernier en train de prêcher auprès des oiseaux. © DR
La question animale se fait de plus en plus présente dans le débat public : on réfléchit, on discute et parfois on s’écharpe au sujet de la préservation des espèces menacées, du bouleversement des équilibres écologiques, ou encore des conditions de l’élevage et la place de la viande dans les régimes alimentaires. La maltraitance animale est également un sujet brûlant, auquel un public toujours plus large est sensibilisé grâce à des initiatives, des reportages et des enquêtes de qualité.
Simon Hasdenteufel, Doctorant en histoire médiévale, Sorbonne Université
On voit souvent le Moyen Âge comme une époque carnassière et peu respectueuse de la condition animale. Nous serions toutefois bien mal placés pour émettre un tel jugement! En effet, les relations entre individus et animaux étaient alors bien plus complexes qu’on ne peut le croire. Les animaux faisaient partie de la vie quotidienne des médiévaux: ils se trouvaient bien sûr à la campagne, mais aussi en ville et jusque dans les églises quand un seigneur y entrait par exemple avec son faucon de chasse favori. Plus largement, êtres humains comme animaux étaient alors considérés comme appartenant à la Création divine. D’ailleurs, il n’était pas rare de reconnaître une personnalité, voire une âme aux animaux. Enfin, dès cette époque, des défenseurs de la nature se faisaient remarquer!
«Une mémoire d’éléphant»: l’intelligence des animaux au Moyen Âge
À l’époque, on mange de la viande – surtout quand l’on est un aristocrate – et on utilise la force animale pour les travaux ou la guerre. Pourtant, les médiévaux ne sont pas seulement de vilains bouchers. Ils se représentaient en effet les animaux d’une façon différente de la nôtre. L’animal est doté d’une intelligence et les bêtes ont en commun avec l’être humain une «raison sensible» – à savoir la prudence, le jugement, l’instinct. On prête volontiers à chaque espèce des qualités et des défauts: le cerf est subtil, le cheval est doté d’une grande intelligence, de beaucoup de jugement et de mémoire. Le cas du cochon est également très intéressant. En effet, pour les sociétés anciennes, ce n’est pas le singe mais le cochon qui est l’animal le plus proche de l’homme. La médecine antique et médiévale estime que les deux êtres présentent la même organisation anatomique interne et, à partir de là, des similitudes spirituelles et morales. Cependant, dans les représentations de l’époque le cochon fait souvent figure de mal-aimé, symbole de débauche et de luxure, venant nourrir les discours moraux des prédicateurs contre le péché.
Il n’en reste que, selon certains médiévaux, les animaux peuvent être beaucoup plus doués que les hommes. Plus efficace qu’une horloge, l’âne sauvage passe pour savoir compter les heures, tandis que, selon le comte Gaston Phébus, auteur d’un Livre de chasse dans la seconde moitié du XIVe siècle, «je parle à mes chiens comme je ferais à un homme. Et ils me comprennent mieux qu’aucun de mes serviteurs». Enfin, au XVIe siècle, l’humaniste Montaigne louait la force, l’intelligence et la sensibilité de l’éléphant. Toutes ces aptitudes prêtées aux animaux ont rarement des fondements scientifiques et reposent plutôt sur des observations, des idées reçues ou encore des considérations morales. Pour autant, elles n’en montrent pas moins le souci de l’animal chez l’individu médiéval. À cet égard, rappelons que notre vision contemporaine selon laquelle l’animal n’agirait jamais par raison mais uniquement par instinct mécanique et serait donc inférieur à l’être humain, est héritée de Descartes, à l’époque moderne – et non au Moyen Âge!
La pensée sauvage
La proximité entre les animaux et les individus médiévaux se retrouvait aussi à un niveau spirituel. Certaines personnes pouvaient prendre un prénom tiré de celui d’un animal – ainsi pour les Léo (le petit lion) et Léonard (le lion fort), les Arthur (le petit ours) ou encore les Ursule (Petite Ourse). Tous ces prénoms font référence à des bêtes admirées par les gens du Moyen Âge. Porter le nom d’un animal sauvage ou domestique n’a d’ailleurs rien de déshonorant et une figure prestigieuse comme le patron des bergers se nommait ni plus ni moins «saint Loup».
Plus encore, il arrive que l’on baptise des animaux destinés à vivre âgés et dans l’intimité des individus – par exemple, les chats, chiens, chevaux, chèvres ou vaches à lait. C’est un acte fort dans une société chrétienne où le baptême intègre les individus à une communauté de vie et de croyance. Enfin, si dans leur immense majorité les bêtes finissent jetées dans un fossé, il arrive que les animaux familiers soient pleurés et enterrés dans le jardin. On prie alors pour eux et on se plaît à imaginer un paradis où ils sont bienheureux. Témoignage visuel de cette proximité: plusieurs chapiteaux d’églises romanes où l’harmonie entre êtres humains et animaux est parfois représentée, par exemple dans le prieuré de Chanteuges en Auvergne où l’on retrouve les «bons bergers» portant avec amour leurs brebis sur les épaules. Tout cela ne signifie évidemment pas qu’êtres humains et animaux vivaient toujours en symbiose parfaite; néanmoins, on entrevoit à travers ces pratiques une conception typiquement médiévale du monde animal.
François d’Assise et la cause animale
À certains égards, le frère franciscain du début du XIIIe siècle, François d’Assise, pourrait passer pour le protecteur des animaux de l’époque. C’était tout d’abord un grand admirateur de la nature, œuvre de Dieu dont il chantait les louanges. Il faisait attention à ne pas marcher sur les vers de terre, racheta à des bergers plusieurs moutons conduits à la boucherie ou fit l’acquisition d’une brebis égarée au milieu d’un troupeau de chèvres et de boucs afin de la donner à des religieuses pour qu’elles veillent sur elle – une anecdote digne de l’histoire de la vache hollandaise Hermien qui a ému l’opinion récemment!.
Toutefois, prenons tous ces témoignages avec le recul critique de l’historien. Les auteurs du XIXe siècle qui ont redécouvert la figure de François se sont empressés d’en faire un ami des bêtes – le modèle d’un homme en symbiose parfaite avec la nature. Mais la réalité est évidemment plus complexe. Les textes qui nous parlent de François sont pour partie des hagiographies destinées à idéaliser un personnage pour sa sainteté et son dévouement religieux. Ils insistent sur son rapport aux animaux dans une perspective religieuse: François est décrit comme faisant attention aux vers de terre car ces derniers, rampant au sol sont des figures de l’humilité; il s’émeut du sort de la brebis car c’est tout à la fois le reflet de l’innocence christique au milieu des méchants – selon l’image de l’Agnus Dei – et le membre du troupeau des fidèles. Enfin, François aime tout particulièrement les oiseaux car ils sont pour lui comme les religieux qui, humbles, se consacrent à la contemplation et au chant, dans la joie, sur leur branche, loin du tumulte du monde.
Tous les animaux sont ainsi convoqués comme des modèles à imiter pour mener une vie pieuse. Dans les représentations médiévales, les animaux sont soit des exemples à imiter, à l’image de l’oiseau ou de l’agneau, soit des contre-exemples à rejeter, à l’instar des loups tant redoutés par les bergers ou encore de ce pauvre cochon mis en procès pour le meurtre du jeune roi Philippe en 1131.
Ces modèles animaliers trouvent peut-être une résonance dans nos films d’animation actuels où l’on fait souvent porter des vices et vertus aux animaux – Le livre de la jungle ou Kung Fu Panda pourraient ainsi être les héritiers de l’animal médiéval!
Pour autant, ce qui est original dans la vision supposée de François, c’est que selon lui l’être humain ne se distinguait pas radicalement des animaux. Les relations entre eux devaient être fondées sur la non-violence et l’entente mutuelle. Il se refusait ainsi à participer aux expéditions contre les loups et n’hésitait pas à s’aventurer en pleine forêt sans crainte des animaux sauvages, considérant qu’ils étaient libres de le dévorer. Une telle vision d’égalité entre humains et animaux n’est pas sans rappeler les théories antispécistes qui se développent actuellement. Elle était novatrice pour l’époque car elle se distinguait des conceptions issues du droit canonique. À partir du récit de la Genèse où Dieu confie à l’homme la mission de régner sur l’ensemble de la Création, les autorités pontificales affirmaient en effet que l’être humain disposait d’un droit de domestication totale sur la nature dont il est légitimement le maître. La position du frère franciscain semble au contraire plus humble.
Néanmoins, à nouveau, prenons ces témoignages sur François avec un recul critique et rappelons d’ailleurs que ce dernier consommait de la viande, comme la majorité de ses contemporains. Ceci n’est pas incohérent, dans la mesure où il estimait que, réciproquement, les bêtes sauvages avaient tout à fait le droit de manger sa chair. Il n’en reste pas moins que pour un certain nombre de religieux, limiter voire prohiber la consommation de la viande est un moyen d’atteindre une pureté morale et spirituelle, en maîtrisant ses pulsions carnassières. Au VIe siècle, la règle de Saint-Benoît impose ainsi aux moines un régime sans viande – avant de connaître des assouplissements par la suite. En tout cas, on voit que le végétarisme médiéval est avant tout une affaire de religieux !
L’animal était au cœur de la vie médiévale. Compagnon des paysans, force de travail, source de nourriture, monture de guerre, sa place est complexe et paradoxale dans la société du Moyen Âge. Au demeurant, ce qui est certain, c’est que les liens entre êtres humains et animaux étaient étroits – peut-être plus qu’à notre époque où l’urbanisation, l’élevage intensif et les logiques industrielles ont éloigné l’animal de l’humain. À cela s’ajoute un changement dans nos conceptions du monde puisque, après le Moyen Âge, l’Occident moderne a progressivement instauré la distinction entre nature et culture, séparant l’individu civilisé de l’animal sauvage.
De manière étonnante et peut-être paradoxale, les éleveurs comme les militants de la cause animale – que l’on oppose trop souvent en deux camps ennemis – partagent pourtant le fait d’avoir conservé ce lien étroit avec les animaux, à une époque où le monde animal est justement devenu petit à petit étranger à notre monde humain, moderne et urbain.
Ces réflexions historiques restent encore en suspens car si les questions de violence animale et les modes d’alimentation qui en découlent connaissent une popularité grandissante dans l’opinion ainsi que dans certaines sciences humaines, il reste encore beaucoup à explorer dans le champ de l’histoire des animaux. Or, pour repenser notre rapport aux animaux à l’avenir et peut-être mettre en place un droit de l’animal, le Moyen Âge peut être riche de leçons!
Retrouvez la version originale de cet article sur The Conversation.
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Nous serions toutefois bien mal placés pour émettre un tel jugement! En effet, les relations entre individus et animaux étaient alors bien plus complexes qu’on ne peut le croire. <a href="https://www.him-mag.com/frequence-medievale-les-animaux-au-moyen-age/">Les animaux faisaient partie de la vie quotidienne des médiévaux</a>: ils se trouvaient bien sûr à la campagne, mais aussi en ville et jusque dans les églises quand un seigneur y entrait par exemple avec son faucon de chasse favori. Plus largement, êtres humains comme animaux étaient alors considérés comme appartenant à la Création divine. D’ailleurs, il n’était pas rare de reconnaître une personnalité, voire une âme aux animaux. 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On prête volontiers à chaque espèce des qualités et des défauts: le cerf est subtil, le cheval est doté d’une grande intelligence, de beaucoup de jugement et de mémoire. Le cas du cochon est également très intéressant. En effet, pour les sociétés anciennes, ce n’est pas le singe mais le cochon qui est l’animal le plus proche de l’homme. La médecine antique et médiévale estime que les deux êtres présentent la même organisation anatomique interne et, à partir de là, des similitudes spirituelles et morales. Cependant, dans les représentations de l’époque le cochon fait souvent figure de mal-aimé, symbole de débauche et de luxure, venant nourrir les discours moraux des prédicateurs contre le péché.</p> <p>Il n’en reste que, selon certains médiévaux, les animaux peuvent être beaucoup plus doués que les hommes. Plus efficace qu’une horloge, l’âne sauvage passe pour savoir compter les heures, tandis que, selon le comte Gaston Phébus, auteur d’un <em>Livre de chasse</em> dans la seconde moitié du XIV<sup>e</sup> siècle, «je parle à mes chiens comme je ferais à un homme. Et ils me comprennent mieux qu’aucun de mes serviteurs». Enfin, au XVI<sup>e</sup> siècle, l’<a href="https://fr.wikisource.org/wiki/Essais/Livre_II/Chapitre_12">humaniste Montaigne louait la force, l’intelligence et la sensibilité de l’éléphant</a>. Toutes ces aptitudes prêtées aux animaux ont rarement des fondements scientifiques et reposent plutôt sur des observations, des idées reçues ou encore des considérations morales. Pour autant, elles n’en montrent pas moins le souci de l’animal chez l’individu médiéval. À cet égard, rappelons que notre vision contemporaine selon laquelle l’animal n’agirait jamais par raison mais uniquement par instinct mécanique et serait donc inférieur à l’être humain, est héritée de Descartes, à l’époque moderne – et non au Moyen Âge!<br><br></p><h2>La pensée sauvage<br></h2> <figure class="align-left zoomable"> <a href="https://images.theconversation.com/files/219934/original/file-20180522-51130-1vv5puo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/219934/original/file-20180522-51130-1vv5puo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip"></a></figure><figure class="align-left zoomable"><span class="caption" style="color: inherit; font-family: "GT America Standard Regular"; font-size: 1.4rem;">Au Moyen Âge, les animaux aussi ont l’âme musicienne comme le « Lièvre musicien » issu du Recueil des Romans de la Table Ronde, c. 1220.</span><span style="color: inherit; font-family: "GT America Standard Regular"; font-size: 1.4rem;"> © </span><span class="attribution" style="color: inherit; font-family: "GT America Standard Regular"; font-size: 1.4rem;"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/bibliotheque-leschampslibres-rennes/13949025406">Flickr</a></span></figure> <br><p>La proximité entre les animaux et les individus médiévaux se retrouvait aussi à un niveau spirituel. Certaines personnes pouvaient prendre un prénom tiré de celui d’un animal – ainsi pour les Léo (le petit lion) et Léonard (le lion fort), les Arthur (le petit ours) ou encore les Ursule (Petite Ourse). Tous ces prénoms font référence à des bêtes admirées par les gens du Moyen Âge. Porter le nom d’un animal sauvage ou domestique n’a d’ailleurs rien de déshonorant et une figure prestigieuse comme le patron des bergers se nommait ni plus ni moins «saint Loup».</p> <p>Plus encore, il arrive que l’on baptise des animaux destinés à vivre âgés et dans l’intimité des individus – par exemple, les chats, chiens, chevaux, chèvres ou vaches à lait. C’est un acte fort dans une société chrétienne où le baptême intègre les individus à une communauté de vie et de croyance. Enfin, si dans leur immense majorité les bêtes finissent jetées dans un fossé, il arrive que les animaux familiers soient pleurés et enterrés dans le jardin. On prie alors pour eux et on se plaît à imaginer un paradis où ils sont bienheureux. Témoignage visuel de cette proximité: <a href="https://www.franceculture.fr/emissions/lessai-et-la-revue-du-jour-14-15/le-monde-roman-revue-mirabilia">plusieurs chapiteaux d’églises romanes</a> où l’harmonie entre êtres humains et animaux est parfois représentée, par exemple dans le prieuré de Chanteuges en Auvergne où l’on retrouve les «bons bergers» portant avec amour leurs brebis sur les épaules. Tout cela ne signifie évidemment pas qu’êtres humains et animaux vivaient toujours en symbiose parfaite; néanmoins, on entrevoit à travers ces pratiques une conception typiquement médiévale du monde animal.</p><br> <figure class="align-right zoomable"> <a href="https://images.theconversation.com/files/226583/original/file-20180708-122250-1fk8uhr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/226583/original/file-20180708-122250-1fk8uhr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip"></a></figure><figure class="align-right zoomable"><span class="caption" style="color: inherit; font-family: "GT America Standard Regular"; font-size: 1.4rem;">Le chapiteau du Prieuré de Chanteuges, représentant les bergers portant leurs brebis.</span><span style="color: inherit; font-family: "GT America Standard Regular"; font-size: 1.4rem;"> © </span><span class="attribution" style="color: inherit; font-family: "GT America Standard Regular"; font-size: 1.4rem;"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Prieur%C3%A9_de_Chanteuges#/media/File:Chanteuges-_Prieur%C3%A9_-_Chapiteau_-3.jpg">Mossot/Flickr</a><br><br></span></figure><h2>François d’Assise et la cause animale<br></h2> <p>À certains égards, le frère franciscain du début du XIII<sup>e</sup> siècle, François d’Assise, pourrait passer <a href="https://www.lemonde.fr/voyage/article/2007/03/01/dans-l-rsquo-antre-du-loup-de-gubbio_1338894_3546.html">pour le protecteur des animaux de l’époque</a>. C’était tout d’abord un grand admirateur de la nature, œuvre de Dieu dont il chantait les louanges. Il faisait attention à ne pas marcher sur les vers de terre, racheta à des bergers plusieurs moutons conduits à la boucherie ou fit l’acquisition d’une brebis égarée au milieu d’un troupeau de chèvres et de boucs afin de la donner à des religieuses pour qu’elles veillent sur elle – une anecdote digne de l’histoire de la <a href="http://www.lemonde.fr/big-browser/article/2018/02/05/hermien-la-vache-rebelle-qui-suscite-la-solidarite-des-internautes-neerlandais_5252038_4832693.html">vache hollandaise Hermien qui a ému l’opinion récemment!</a>.</p> <p>Toutefois, prenons tous ces témoignages avec le recul critique de l’historien. Les auteurs du XIX<sup>e</sup> siècle qui ont redécouvert la figure de François se sont empressés d’en faire un ami des bêtes – le modèle d’un homme en symbiose parfaite avec la nature. Mais la réalité est évidemment plus complexe. Les textes qui nous parlent de François sont pour partie des hagiographies destinées à idéaliser un personnage pour sa sainteté et son dévouement religieux. Ils insistent sur son rapport aux animaux dans une perspective religieuse: François est décrit comme faisant attention aux vers de terre car ces derniers, rampant au sol sont des figures de l’humilité; il s’émeut du sort de la brebis car c’est tout à la fois le reflet de l’innocence christique au milieu des méchants – selon l’image de l’Agnus Dei – et le membre du troupeau des fidèles. Enfin, François aime tout particulièrement les oiseaux car ils sont pour lui comme les religieux qui, humbles, se consacrent à la contemplation et au chant, dans la joie, sur leur branche, loin du tumulte du monde.</p><br> <figure class="align-center "> <img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/226590/original/file-20180708-122280-frs2mk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip"></figure><figure class="align-center "><span class="caption" style="color: inherit; font-family: "GT America Standard Regular"; font-size: 1.4rem;">De l’ours et de toute sa nature. Gaston Phébus, Livre de chasse France, début du XVᵉ siècle Paris, BNF, département des Manuscrits, Français 616, fol. 27v.</span><span style="color: inherit; font-family: "GT America Standard Regular"; font-size: 1.4rem;"> © </span><span class="attribution" style="color: inherit; font-family: "GT America Standard Regular"; font-size: 1.4rem;"><a class="source" href="https://biblogotheque.wordpress.com/2010/09/19/les-animaux-au-moyen-age-premiere-partie/">BnF</a></span></figure><figure class="align-center "><figcaption><br></figcaption> </figure> <p>Tous les animaux sont ainsi convoqués comme des modèles à imiter pour mener une vie pieuse. Dans les représentations médiévales, les animaux sont soit des exemples à imiter, à l’image de l’oiseau ou de l’agneau, soit des contre-exemples à rejeter, à l’instar des loups tant redoutés par les bergers ou encore de <a href="http://www.seuil.com/ouvrage/le-roi-tue-par-un-cochon-michel-pastoureau/9782021035285">ce pauvre cochon mis en procès pour le meurtre du jeune roi Philippe en 1131</a>.</p> <p>Ces modèles animaliers trouvent peut-être une résonance dans nos films d’animation actuels où l’on fait souvent porter des vices et vertus aux animaux – <em>Le livre de la jungle</em> ou <em>Kung Fu Panda</em> pourraient ainsi être les héritiers de l’animal médiéval!</p> <p>Pour autant, ce qui est original dans la vision supposée de François, c’est que selon lui l’être humain ne se distinguait pas radicalement des animaux. Les relations entre eux devaient être fondées sur la non-violence et l’entente mutuelle. Il se refusait ainsi à participer aux expéditions contre les loups et n’hésitait pas à s’aventurer en pleine forêt sans crainte des animaux sauvages, considérant qu’ils étaient libres de le dévorer. Une telle vision d’égalité entre humains et animaux n’est pas sans rappeler les <a href="http://www.rfi.fr/france/20170827-journee-mondiale-anti-specisme-animal-aymeric-caron">théories antispécistes qui se développent actuellement</a>. Elle était novatrice pour l’époque car elle se distinguait des conceptions issues du droit canonique. À partir du récit de la Genèse où Dieu confie à l’homme la mission de régner sur l’ensemble de la Création, les autorités pontificales affirmaient en effet que l’être humain disposait d’un droit de domestication totale sur la nature dont il est légitimement le maître. La position du frère franciscain semble au contraire plus humble.</p> <p>Néanmoins, à nouveau, prenons ces témoignages sur François avec un recul critique et rappelons d’ailleurs que ce dernier consommait de la viande, comme la majorité de ses contemporains. Ceci n’est pas incohérent, dans la mesure où il estimait que, réciproquement, les bêtes sauvages avaient tout à fait le droit de manger sa chair. Il n’en reste pas moins que pour un certain nombre de religieux, limiter voire prohiber la consommation de la viande est un moyen d’atteindre une pureté morale et spirituelle, en maîtrisant ses pulsions carnassières. Au VI<sup>e</sup> siècle, la règle de Saint-Benoît impose ainsi aux moines un régime sans viande – avant de connaître des assouplissements par la suite. En tout cas, on voit que le <a href="https://www.nonfiction.fr/article-8640-actuel-moyen-age-48-le-christ-les-legumes-et-jose-bove.htm">végétarisme médiéval est avant tout une affaire de religieux !</a></p> <p>L’animal était au cœur de la vie médiévale. Compagnon des paysans, force de travail, source de nourriture, monture de guerre, sa place est complexe et paradoxale dans la société du Moyen Âge. Au demeurant, ce qui est certain, c’est que les liens entre êtres humains et animaux étaient étroits – peut-être plus qu’à notre époque où l’urbanisation, l’élevage intensif et les logiques industrielles ont éloigné l’animal de l’humain. 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Nous serions toutefois bien mal placés pour émettre un tel jugement! En effet, les relations entre individus et animaux étaient alors bien plus complexes qu’on ne peut le croire. <a href="https://www.him-mag.com/frequence-medievale-les-animaux-au-moyen-age/">Les animaux faisaient partie de la vie quotidienne des médiévaux</a>: ils se trouvaient bien sûr à la campagne, mais aussi en ville et jusque dans les églises quand un seigneur y entrait par exemple avec son faucon de chasse favori. Plus largement, êtres humains comme animaux étaient alors considérés comme appartenant à la Création divine. D’ailleurs, il n’était pas rare de reconnaître une personnalité, voire une âme aux animaux. Enfin, dès cette époque, des défenseurs de la nature se faisaient remarquer!</p><br> <figure class="align-right "> <img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/226587/original/file-20180708-122256-1kf7ows.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip"></figure><figure class="align-right "><span style="color: inherit; font-family: "GT America Standard Regular"; font-size: 1.4rem;">Les faucons de Frédéric II. © BnF<br><br></span></figure><h2>«Une mémoire d’éléphant»: l’intelligence des animaux au Moyen Âge</h2> <p>À l’époque, on mange de la viande – surtout quand l’on est un aristocrate – et on utilise la force animale pour les travaux ou la guerre. Pourtant, les médiévaux ne sont pas seulement de vilains bouchers. Ils se représentaient en effet les animaux d’une façon différente de la nôtre. L’animal est doté d’une intelligence et les bêtes ont en commun avec l’être humain une «raison sensible» – à savoir la prudence, le jugement, l’instinct. On prête volontiers à chaque espèce des qualités et des défauts: le cerf est subtil, le cheval est doté d’une grande intelligence, de beaucoup de jugement et de mémoire. Le cas du cochon est également très intéressant. En effet, pour les sociétés anciennes, ce n’est pas le singe mais le cochon qui est l’animal le plus proche de l’homme. La médecine antique et médiévale estime que les deux êtres présentent la même organisation anatomique interne et, à partir de là, des similitudes spirituelles et morales. Cependant, dans les représentations de l’époque le cochon fait souvent figure de mal-aimé, symbole de débauche et de luxure, venant nourrir les discours moraux des prédicateurs contre le péché.</p> <p>Il n’en reste que, selon certains médiévaux, les animaux peuvent être beaucoup plus doués que les hommes. Plus efficace qu’une horloge, l’âne sauvage passe pour savoir compter les heures, tandis que, selon le comte Gaston Phébus, auteur d’un <em>Livre de chasse</em> dans la seconde moitié du XIV<sup>e</sup> siècle, «je parle à mes chiens comme je ferais à un homme. Et ils me comprennent mieux qu’aucun de mes serviteurs». Enfin, au XVI<sup>e</sup> siècle, l’<a href="https://fr.wikisource.org/wiki/Essais/Livre_II/Chapitre_12">humaniste Montaigne louait la force, l’intelligence et la sensibilité de l’éléphant</a>. Toutes ces aptitudes prêtées aux animaux ont rarement des fondements scientifiques et reposent plutôt sur des observations, des idées reçues ou encore des considérations morales. Pour autant, elles n’en montrent pas moins le souci de l’animal chez l’individu médiéval. À cet égard, rappelons que notre vision contemporaine selon laquelle l’animal n’agirait jamais par raison mais uniquement par instinct mécanique et serait donc inférieur à l’être humain, est héritée de Descartes, à l’époque moderne – et non au Moyen Âge!<br><br></p><h2>La pensée sauvage<br></h2> <figure class="align-left zoomable"> <a href="https://images.theconversation.com/files/219934/original/file-20180522-51130-1vv5puo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/219934/original/file-20180522-51130-1vv5puo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip"></a></figure><figure class="align-left zoomable"><span class="caption" style="color: inherit; font-family: "GT America Standard Regular"; font-size: 1.4rem;">Au Moyen Âge, les animaux aussi ont l’âme musicienne comme le « Lièvre musicien » issu du Recueil des Romans de la Table Ronde, c. 1220.</span><span style="color: inherit; font-family: "GT America Standard Regular"; font-size: 1.4rem;"> © </span><span class="attribution" style="color: inherit; font-family: "GT America Standard Regular"; font-size: 1.4rem;"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/bibliotheque-leschampslibres-rennes/13949025406">Flickr</a></span></figure> <br><p>La proximité entre les animaux et les individus médiévaux se retrouvait aussi à un niveau spirituel. Certaines personnes pouvaient prendre un prénom tiré de celui d’un animal – ainsi pour les Léo (le petit lion) et Léonard (le lion fort), les Arthur (le petit ours) ou encore les Ursule (Petite Ourse). Tous ces prénoms font référence à des bêtes admirées par les gens du Moyen Âge. Porter le nom d’un animal sauvage ou domestique n’a d’ailleurs rien de déshonorant et une figure prestigieuse comme le patron des bergers se nommait ni plus ni moins «saint Loup».</p> <p>Plus encore, il arrive que l’on baptise des animaux destinés à vivre âgés et dans l’intimité des individus – par exemple, les chats, chiens, chevaux, chèvres ou vaches à lait. C’est un acte fort dans une société chrétienne où le baptême intègre les individus à une communauté de vie et de croyance. Enfin, si dans leur immense majorité les bêtes finissent jetées dans un fossé, il arrive que les animaux familiers soient pleurés et enterrés dans le jardin. On prie alors pour eux et on se plaît à imaginer un paradis où ils sont bienheureux. Témoignage visuel de cette proximité: <a href="https://www.franceculture.fr/emissions/lessai-et-la-revue-du-jour-14-15/le-monde-roman-revue-mirabilia">plusieurs chapiteaux d’églises romanes</a> où l’harmonie entre êtres humains et animaux est parfois représentée, par exemple dans le prieuré de Chanteuges en Auvergne où l’on retrouve les «bons bergers» portant avec amour leurs brebis sur les épaules. Tout cela ne signifie évidemment pas qu’êtres humains et animaux vivaient toujours en symbiose parfaite; néanmoins, on entrevoit à travers ces pratiques une conception typiquement médiévale du monde animal.</p><br> <figure class="align-right zoomable"> <a href="https://images.theconversation.com/files/226583/original/file-20180708-122250-1fk8uhr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/226583/original/file-20180708-122250-1fk8uhr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip"></a></figure><figure class="align-right zoomable"><span class="caption" style="color: inherit; font-family: "GT America Standard Regular"; font-size: 1.4rem;">Le chapiteau du Prieuré de Chanteuges, représentant les bergers portant leurs brebis.</span><span style="color: inherit; font-family: "GT America Standard Regular"; font-size: 1.4rem;"> © </span><span class="attribution" style="color: inherit; font-family: "GT America Standard Regular"; font-size: 1.4rem;"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Prieur%C3%A9_de_Chanteuges#/media/File:Chanteuges-_Prieur%C3%A9_-_Chapiteau_-3.jpg">Mossot/Flickr</a><br><br></span></figure><h2>François d’Assise et la cause animale<br></h2> <p>À certains égards, le frère franciscain du début du XIII<sup>e</sup> siècle, François d’Assise, pourrait passer <a href="https://www.lemonde.fr/voyage/article/2007/03/01/dans-l-rsquo-antre-du-loup-de-gubbio_1338894_3546.html">pour le protecteur des animaux de l’époque</a>. C’était tout d’abord un grand admirateur de la nature, œuvre de Dieu dont il chantait les louanges. Il faisait attention à ne pas marcher sur les vers de terre, racheta à des bergers plusieurs moutons conduits à la boucherie ou fit l’acquisition d’une brebis égarée au milieu d’un troupeau de chèvres et de boucs afin de la donner à des religieuses pour qu’elles veillent sur elle – une anecdote digne de l’histoire de la <a href="http://www.lemonde.fr/big-browser/article/2018/02/05/hermien-la-vache-rebelle-qui-suscite-la-solidarite-des-internautes-neerlandais_5252038_4832693.html">vache hollandaise Hermien qui a ému l’opinion récemment!</a>.</p> <p>Toutefois, prenons tous ces témoignages avec le recul critique de l’historien. Les auteurs du XIX<sup>e</sup> siècle qui ont redécouvert la figure de François se sont empressés d’en faire un ami des bêtes – le modèle d’un homme en symbiose parfaite avec la nature. Mais la réalité est évidemment plus complexe. Les textes qui nous parlent de François sont pour partie des hagiographies destinées à idéaliser un personnage pour sa sainteté et son dévouement religieux. Ils insistent sur son rapport aux animaux dans une perspective religieuse: François est décrit comme faisant attention aux vers de terre car ces derniers, rampant au sol sont des figures de l’humilité; il s’émeut du sort de la brebis car c’est tout à la fois le reflet de l’innocence christique au milieu des méchants – selon l’image de l’Agnus Dei – et le membre du troupeau des fidèles. 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Dans les représentations médiévales, les animaux sont soit des exemples à imiter, à l’image de l’oiseau ou de l’agneau, soit des contre-exemples à rejeter, à l’instar des loups tant redoutés par les bergers ou encore de <a href="http://www.seuil.com/ouvrage/le-roi-tue-par-un-cochon-michel-pastoureau/9782021035285">ce pauvre cochon mis en procès pour le meurtre du jeune roi Philippe en 1131</a>.</p> <p>Ces modèles animaliers trouvent peut-être une résonance dans nos films d’animation actuels où l’on fait souvent porter des vices et vertus aux animaux – <em>Le livre de la jungle</em> ou <em>Kung Fu Panda</em> pourraient ainsi être les héritiers de l’animal médiéval!</p> <p>Pour autant, ce qui est original dans la vision supposée de François, c’est que selon lui l’être humain ne se distinguait pas radicalement des animaux. Les relations entre eux devaient être fondées sur la non-violence et l’entente mutuelle. Il se refusait ainsi à participer aux expéditions contre les loups et n’hésitait pas à s’aventurer en pleine forêt sans crainte des animaux sauvages, considérant qu’ils étaient libres de le dévorer. Une telle vision d’égalité entre humains et animaux n’est pas sans rappeler les <a href="http://www.rfi.fr/france/20170827-journee-mondiale-anti-specisme-animal-aymeric-caron">théories antispécistes qui se développent actuellement</a>. Elle était novatrice pour l’époque car elle se distinguait des conceptions issues du droit canonique. À partir du récit de la Genèse où Dieu confie à l’homme la mission de régner sur l’ensemble de la Création, les autorités pontificales affirmaient en effet que l’être humain disposait d’un droit de domestication totale sur la nature dont il est légitimement le maître. La position du frère franciscain semble au contraire plus humble.</p> <p>Néanmoins, à nouveau, prenons ces témoignages sur François avec un recul critique et rappelons d’ailleurs que ce dernier consommait de la viande, comme la majorité de ses contemporains. Ceci n’est pas incohérent, dans la mesure où il estimait que, réciproquement, les bêtes sauvages avaient tout à fait le droit de manger sa chair. Il n’en reste pas moins que pour un certain nombre de religieux, limiter voire prohiber la consommation de la viande est un moyen d’atteindre une pureté morale et spirituelle, en maîtrisant ses pulsions carnassières. Au VI<sup>e</sup> siècle, la règle de Saint-Benoît impose ainsi aux moines un régime sans viande – avant de connaître des assouplissements par la suite. 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À cela s’ajoute un changement dans nos conceptions du monde puisque, après le Moyen Âge, l’<a href="https://www.franceculture.fr/oeuvre/par-dela-nature-et-culture">Occident moderne a progressivement instauré la distinction entre nature et culture</a>, séparant l’individu civilisé de l’animal sauvage.</p><br> <figure class="align-center "> <img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/226592/original/file-20180708-122268-1dk8fw5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip"></figure><figure class="align-center "><span class="caption" style="color: inherit; font-family: "GT America Standard Regular"; font-size: 1.4rem;">Calendrier agricole de Pietro Crescenzi, XVᵉ siècle, musée de Condé, Chantilly.</span><span style="color: inherit; font-family: "GT America Standard Regular"; font-size: 1.4rem;"> © </span><span class="attribution" style="color: inherit; font-family: "GT America Standard Regular"; font-size: 1.4rem;"><a class="source" href="http://data.abuledu.org/wp/?LOM=4281">ressources éducatives libres</a></span></figure><figure class="align-center "><figcaption><br></figcaption> </figure> <p>De manière étonnante et peut-être paradoxale, les éleveurs comme les militants de la cause animale – que l’on oppose trop souvent en deux camps ennemis – partagent pourtant le fait d’avoir conservé ce lien étroit avec les animaux, à une époque où le monde animal est justement devenu petit à petit étranger à notre monde humain, moderne et urbain.</p> <p><img src="https://counter.theconversation.com/content/97012/count.gif?distributor=republish-lightbox-basic" alt="The Conversation" width="1" height="1">Ces réflexions historiques restent encore en suspens car si les questions de violence animale et les modes d’alimentation qui en découlent connaissent une popularité grandissante dans l’opinion ainsi que dans certaines sciences humaines, il reste encore beaucoup à explorer dans le champ de l’histoire des animaux. Or, pour repenser notre rapport aux animaux à l’avenir et peut-être mettre en place un droit de l’animal, le Moyen Âge peut être riche de leçons!</p> <p></p><hr><p></p><p>Retrouvez la <a href="https://theconversation.com/francois-dassise-premier-patron-du-wwf-97012">version originale</a> de cet article sur <a href="http://theconversation.com">The Conversation</a>.</p> ', 'content_edition' => null, 'slug' => 'francois-d-assise-premier-patron-du-wwf', 'headline' => false, 'homepage' => 'col-md-12', 'like' => (int) 635, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1138, 'homepage_order' => (int) 1365, 'original_url' => null, 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 5, 'person_id' => (int) 85, 'post_type_id' => (int) 1, 'poster_attachment' => null, 'editions' => [], 'tags' => [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Tag) {} ], 'locations' => [], 'attachment_images' => [ (int) 0 => object(Cake\ORM\Entity) {} ], 'attachments' => [ (int) 0 => object(Cake\ORM\Entity) {} ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'comments' => [], 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ '*' => true, 'id' => false ], '[dirty]' => [], '[original]' => [], '[virtual]' => [], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [], '[invalid]' => [], '[repository]' => 'Posts' } $relatives = [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 4881, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => false, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => null, 'readed' => null, 'subhead' => null, 'title' => 'La Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) aurait-elle engagé une guerre contre le monde des réalités?', 'subtitle' => 'Avec le jugement favorable à la plainte de l’association KlimaSeniorinnen Schweiz, la CEDH ouvre la voie à la sanction des Etats en se fondant sur des arguments façonnés dans un monde imaginaire. 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Par ce jugement, la CEDH semble vouloir enterrer toute démarche rationnelle appuyée sur des faits pour favoriser des croyances.</p> <p>Accrochées à un mouvement généralisé autour du climat, qui favorise la foi d’une construction sociale de la réalité, à l’instar de la «justice climatique», ces plaignantes semblent avoir banni de leur plaidoyer tout ce qui pourrait résister au contrôle humain de la météo du jour, sans égards aux résultats scientifiques et leurs immenses incertitudes concernant les climats futurs. Les plaignantes ont accusé en substance les autorités suisses de mener une politique climatique aux objectifs et aux mesures insuffisantes, «en violation de leur droit à la vie», arguant de la vulnérabilité des personnes âgées face aux effets des changements en cours, et en particulier aux vagues de chaleur. Ce qui est visé, selon le jugement, serait l’incapacité de la Suisse à fournir une estimation des émissions de gaz à effet de serre futures afin de limiter «le réchauffement climatique» au fameux 1,5°C de l’Accord de Paris, valeur pourtant parfaitement arbitraire et dont les conséquences néfastes restent difficiles à identifier.</p> <p>Mais qu’en est-il vraiment? Que disent les données des études démographiques sur la «violation du droit à la vie» que ce soit sous les climats helvétiques ou mondiaux? Le «réchauffement climatique» met-il réellement en péril le «droit à la vie» des femmes âgées de Suisse?</p> <p>Premier constat, d’après les données de l’Office Fédéral de la Statistique (OFS), l’espérance de vie à la naissance des femmes suisses est passée de 79,3 ans en 1982 à 85,4 ans en 2022, et ce malgré «l’urgence climatique», soit un gain de 56 jours par an depuis 1982. Sur la même période, l’espérance de vie à 65 ans, âge minimal de ces militantes, est passée de 18,4 à 22,5 années. Il ne semble pas que «le climat» ait eu des conséquences fâcheuses sur leur droit à la vie.</p> <p>En recoupant les données de l’OFS et de Météosuisse, on peut observer la nature cyclique du nombre de décès par semaine des personnes de plus de 65 ans en Suisse, de 2010 à 2024 (Figure).</p> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1713434705_capturedcran2024041812.04.17.png" class="img-responsive img-fluid center " width="784" height="554" /></p> <p>La courbe noire pleine montre que les périodes hivernales restent les plus fatales, toutes causes confondues, pouvant parfois accroître la mortalité de 72% par rapport aux périodes estivales. Bien que les variabilités démographiques soient complexes à appréhender avec précision (comme les «effets moisson» ou les crises sanitaires telles la Covid-19), cette nature cyclique confirme simplement que «le froid tue».</p> <p>Pour s’en convaincre, s’affichent en gris sur la figure et à titre d’exemple, les températures <i>maximales </i>quotidiennes de la station de Neuchâtel montrant de larges amplitudes au cours de l’année. A partir du printemps 2020, la courbe des décès-toutes-causes subit les perturbations du Coronavirus et ses conséquences, rendant hasardeuse toute interprétation de détail. Mais la forte anti-corrélation entre décès et saisonnalité demeure. Nous supportons bien plus aisément les températures non-optimales chaudes que froides. Une étude récente<strong><sup>1</sup></strong> publiée dans <i>The Lancet</i> sur les excès de mortalité dans les villes européennes entre 2000 et 2019, dus cette fois uniquement aux températures non-optimales chaudes ou froides, confirme la tendance générale: entre 65 et 74 ans, le froid tue en Suisse 3 fois plus que le chaud, entre 75 et 84 ans, 6 fois plus, et au-dessus de 85 ans, 7,6 fois davantage. Dans une autre étude du <i>Lancet</i><strong><sup>2</sup></strong> sur les températures non-optimales entre 2000 et 2019 au niveau mondial, le constat est identique: le taux mondial de surmortalité liée au froid a baissé de 0,5% alors que celui lié à la chaleur aurait augmenté de 0,2%, conduisant à une réduction nette du ratio mondial des décès liés aux températures extrêmes. Mais ces pourcentages ne touchent pas le même nombre de personnes, bien plus nombreuses à décéder durant les hivers, ce qui amplifie davantage le bénéfice d’un réchauffement climatique. Ces militantes du climat semblent donc avoir convaincu la CEDH de porter la justice dans un monde fantasmé, où seules les températures excessivement chaudes président à la destinée des femmes, en invitant la Suisse à rejeter la réalité des faits.</p> <p>Pourtant, dans le monde réel, faut-il le rappeler, l’espérance de vie des Suissesses n’a cessé d’augmenter, et ce malgré le «dérèglement climatique», et grâce, pour l’essentiel, aux énergies fossiles. De plus, les décès directement liés aux températures non-optimales s’amenuisent grâce en grande partie à des hivers plus cléments.</p> <p>Dans le monde réel, un pays riche comme la Suisse permet à sa population de s’adapter aisément aux inconforts météorologiques (chauffage ou climatisation, isolations, facilité d’accès aux soins, énergie toujours disponible, etc.). A cela peut s’ajouter une topographie bienveillante durant les étés avec de nombreux lacs et rivières, et une fraicheur montagnarde accessible.</p> <p>Dans le monde réel, la Suisse a diminué de près de 40% ses émissions de CO<sub>2</sub> par habitant depuis 1980 et 91% de sa production électrique est bas-carbone. D’après la Banque Mondiale, les émissions de CO<sub>2</sub> par dollar de parité de pouvoir d’achat de PIB (ce qui ramène tous les pays du monde à une échelle comparable) placent la Suisse au 4ème<sup>.</sup>rang sur 181 pays, démontrant son efficience énergétique tout en maintenant des conditions de vie exceptionnelles, devant la Suède 6ème, la France 28ème, l’Allemagne 74ème (illustrant l’échec de l’<i>Energiewende</i>), les USA 126ème et la Chine 170ème.</p> <p>Dans le monde réel, si la Suisse devait poursuivre ses émissions de CO<sub>2</sub> au niveau de 2019, elle ne contribuerait en 2100 qu’à une élévation de la température mondiale de quelques millièmes de degrés Celsius suivant les formules fournies par le GIEC. Ces valeurs restent non-mesurables et insignifiantes.</p> <p>Mais les militantes du climat ne vivent pas dans le monde réel. 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(2021) <i>Lancet Planet Health</i>, vol. 5, e415-425</h4>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'la-cour-europeenne-des-droits-de-l-homme-cedh-aurait-elle-engage-une-guerre-contre-le-monde-des-realites', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 41, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 8, 'person_id' => (int) 85, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'comments' => [ [maximum depth reached] ], 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Posts' }, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 4878, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => false, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => null, 'readed' => null, 'subhead' => null, 'title' => 'Cuba entre famine et abondance', 'subtitle' => 'La situation économique à Cuba est catastrophique. 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Si l’Allemagne et les autres membres de l’alliance nouent bien des partenariats avec des Etats du Pacifique, et conduisent des exercices militaires dans la zone, ce n’est pas à la hauteur de la «menace chinoise».</p> <p>La nature de cette menace? Elle n’est pas directement militaire mais plutôt économique. «Si Pékin était en mesure de bloquer les voies commerciales dans la mer de Chine méridionale, la circulation des marchandises en Europe serait en péril».</p> <p>Autre question qui n’était pas d’actualité il y a 75 ans: la contribution des Etats-Unis. Le <a href="https://www.telegraph.co.uk/opinion/2024/04/03/europe-must-step-up-to-keep-the-us-in-nato/" target="_blank" rel="noopener"><em>Daily Telegraph</em></a> regrette que l’Europe ne fasse aucun effort pour s’assurer que le plus grand contributeur de l’OTAN ne s’en détache pas. L’heure est grave, puisqu’on parle de «passer à la caisse». La menace qui plane sur l’avenir de l’organisation n’est pas seulement la perspective d’une réélection de Donald Trump et de la ligne isolationniste, c’est celle du mécontentement général des Etats-Unis qui «contribuent bien plus à la défense de l’Europe que le continent ne le fait lui-même... On aurait tort de penser que l’aide américaine coule de source.»</p> <p>Les dissensions internes sont toujours un péril sous-estimé, comme le confirme <a href="https://iq.lt/komentarai/issukiai-lietuvos-ateiciai-nato-ir-es/325771" target="_blank" rel="noopener">le mensuel lituanien </a><em><a href="https://iq.lt/komentarai/issukiai-lietuvos-ateiciai-nato-ir-es/325771" target="_blank" rel="noopener">IQ</a>. </em>Au cœur de la discorde, le droit de veto. Ce dernier a rendu «complètement inefficace» l’ONU, constate <em>IQ</em>, car le risque est constant de s’en servir pour exercer pressions ou intrigues diplomatiques. «Démocratie, droit international et Etat de droit forment le socle de l'alliance la plus puissante au monde. Mais un certain nombre d'Etats oublieux de ces valeurs tentent depuis longtemps de placer leur intérêts mercantilistes au-dessus des décisions cruciales de l’OTAN.»</p> <p>Cela revient à poser une question essentielle, dans toute organisation: qu’est-ce qui lie entre eux les Etats membres? Au-delà de la coopération militaire, ce sont des «valeurs», celles mêmes que les pays occidentaux s’emploient à défendre en ce moment en Ukraine. La députée Renaissance Anne Genetet plaide même pour la création d’un centre de l’OTAN chargé de défendre de concert les valeurs occidentales et la «résilience démocratique». Dans <a href="https://www.latribune.fr/opinions/tribunes/l-otan-a-75-ans-l-age-de-la-resilience-democratique-994366.html" target="_blank" rel="noopener">les colonnes de <em>La Tribune</em></a>, l’élue souligne que l’organisation «doit plus que jamais être notre bouclier face aux ennemis de la liberté».</p> <p>Un avenir mitigé donc, porté par de beaux discours et une volonté de cohésion, entaché par des divergences internes, car tous les Etats membres ne voient pas toujours leurs intérêts converger. De manière plus pragmatique, le quotidien croate <em>Večernji list</em> remet l’église au centre du village: comment faire face à l’avenir lorsque manque la ressource principale, les soldats? </p> <p>Le nombre de militaires actifs dans les différentes armées des pays membres est en effet en recul, jusqu’à atteindre un seuil inquiétant. 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