Actuel / Leçon de démocratie d’un pays qui court après la paix
Ivan Duque est un libéral qui compte sur les entreprises pour accélérer une croissance déjà remarquable aujourd’hui. © DR
La Colombie a un nouveau président. Elu dans des conditions démocratiques irréprochables. Ce pays qui, à l’étranger, reste lié à l’image des séries sur Escobar, la drogue et la violence, témoigne d’une vie politique étonnamment saine dans un environnement régional inquiétant: le Venezuela au fond de l‘abîme totalitaire, le Brésil au fond de l’abîme de la corruption. Le vainqueur de ce dimanche 17 juin, issu d’une coalition de droite, Ivan Duque, 41 ans, revendiquant une ligne libérale mais centriste, l’a emporté avec 54% des voix face à l’ex-maire de Bogota, leader de la gauche, Gustavo Petro, 58 ans, qui fut proche de la guerilla (M-19) dans sa jeunesse. Un troisième homme a pesé lourd: Sergio Fajardo, ex-maire de Medellin, écologiste, centriste et humaniste: il a manqué de peu le deuxième tour, sorti premier dans plusieurs villes dont la capitale Bogota. Pour la suite il a prôné le vote blanc pour préparer «un futur hors des affrontements traditionnels». Jamais les bulletins vierges et nuls n’ont été aussi nombreux: plus d’un million sur un total de 18,2 millions. Une partie de ses sympathisants a manifestement voté Duque. Ce Macron vert attend son tour…
Salle de vote improvisée dans une salle de sport à Medellin. © 2018 Bon pour la tête / Jacques Pilet
C’était à n’y pas croire. Au soir du premier tour, le 27 mai, les deux vainqueurs et les perdants se félicitaient mutuellement, relevaient tous que le vote n’a guère été entaché par les irrégularités (600 plaintes pour 11'000 bureaux de vote). Et aucune violence. La campagne elle-même avait été dure sur le fond, mais sans attaques personnelles ordurières comme il en vole si souvent, pas seulement en Amérique latine. Autre performance: deux heures après le bouclage des urnes, tous les résultats étaient connus. Et dans les bureaux de vote, les observateurs de tous les partis et les internationaux, ont pu constater que tout se passait dans l’ordre. Avec interdiction d’utiliser les portables susceptibles d’espionner le choix du voisin. La participation était aussi réjouissante, la plus haute depuis 1974: 54%.
Bandes criminelles et trafic de drogues
Il a beaucoup été dit que cette élection mettait en jeu les accords de paix qui ont mis fin à un conflit d’un demi-siècle avec la guerilla de FARC. C’est faux. Ivan Duque a reconnu leur nécessité et souhaite leur apporter seulement quelques aménagements. Conscient, comme tous les candidats d’ailleurs, que le vide laissé par le retrait des rebelles, réintégrés dans la vie politique, est loin de tout résoudre. Des bandes criminelles, d’ex-FARC, d’ex-paramilitaires, des hommes de main de certains grands propriétaires, s’installent dans les régions reculées et prospèrent grâce au trafic de drogues. Le combat pour établir le contrôle de l’Etat sur l’entier du territoire sera ardu.
C’est en matière économique que l’affrontement gauche-droite a été le plus dur. Ivan Duque est un libéral qui compte sur les entreprises pour accélérer une croissance déjà remarquable aujourd’hui: +3,5% prévu cette année. Depuis les accords de paix, les investissements ont repris. Consécration de l’effort: la Colombie vient d’être admis au sein de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économique) qui compte avec elle 36 membres. Ce label lui ouvre l’accès à des crédits internationaux aux meilleures conditions.
Les Colombiens sont traumatisés par la guerre civile
Pourquoi, dans ce pays aux inégalités abyssales, la gauche n’a-t-elle pas gagné? Elle y a toujours été relativement faible. A l’exception de la fin des années 80, la période de l’Union populaire écrasée dans le sang avec plusieurs milliers de morts. C’est la première fois qu’elle avait une chance réelle d’accéder à la présidence. Deux explications. Les Colombiens sont traumatisés par la guerre civile. Les FARC ont exercé une terreur qui marquera longtemps la mémoire. Comme, en face, la brutalité de la répression.
Or la personnalité de Gustavo Petro, vieux militant tour à tour chrétien de gauche, trotzkiste, puis social-démocrate, aussi brillant orateur soit-il, n’a pas rassuré. Et le Venezuela! La Colombie a des raisons d’être effarée par l’autodestruction «révolutionnaire» de ce voisin. Sur ce sujet aussi, Petro n’a pas marqué des points. Il était grand ami avec Chavez, il a salué Maduro à ses débuts, puis, devant l’évidence, s’en est distancié: cela n’a pas suffi. Au début de sa campagne, le leader de la gauche, conscient qu’il lui serait difficile de gouverner avec un parlement majoritairement à droite, préconisait l’élection d’une constituante et de nouvelles élections. Comme Maduro! Sur la fin, pour attirer les voix centristes, il a renoncé au projet. Mais l’affaire a semé l’inquiétude jusque dans les rangs de la gauche. Un ami de Cali au long passé communiste nous confiait: « Il est habile et prêt à tout pour arriver à ses fins. Il est entouré des stratèges des FARC qui comptent sur lui pour revenir dans le jeu. Je ne voterai pas pour lui.» L’extrême-gauche fait encore peur. Dans les universités publiques, une partie de la jeunesse continue d’applaudir le Venezuela «bolivarien» en dépit de sa pathétique déroute.
Un jeune électeur cherche la table de vote qui lui est attitrée.
© 2018 Bon pour la tête / Jacques Pilet
Ce qui changera avec Duque? Le retour à l’«uribisme»? Peu probable. Le jeune juriste est aussi froid, maître de lui, structuré, que son mentor, Alvaro Uribe, se montre émotionnel et emporté. Aussi enclin au consensus, semble-t-il, que l’ex-président était clivant. Il n’est pas sûr du tout qu’il se laisse téléguider par l’homme le plus détesté et le plus apprécié de la Colombie contemporaine.
Le programme annoncé est précis, détaillé. Duque veut revoir la fiscalité, la rationaliser avec les outils modernes. L’alléger pour les entreprises et pour remplir les caisses, lutter contre l’économie informelle (la moitié du PIB!). Plus étonnant: il insiste sur le développement de la petite agriculture (22% de la population), en lui donnant accès au crédit, en diminuant les subventions aux exportateurs et en améliorant enfin les conditions de vie (écoles, santé, routes…) des paysans aux revenus minuscules, dont les enfants quittent les classes trop tôt. Il assume le soutien à l’exploitation des mines et du pétrole (le pays est maintenant autosuffisant). On peut s’attendre à ce qu’il renforce la lutte contre la culture de la coca – en progression ces dernières années – qui rejette de vastes territoires dans la marginalité criminelle. Il déclare aussi la guerre à un autre fléau sud-américain, la corruption. Il dit vouloir durcir la loi sur les lobbys, financer par l’Etat les campagnes électorales parlementaires, renforcer les contrôles et les sanctions.
Les réseaux sociaux ont joué un rôle-clé
Il était d’ailleurs frappant de constater que les affiches n’ont pas envahi les rues, pour éviter, dit-on, «la pollution visuelle». On ne peut pas dire que la victoire de la droite est due à la disproportion des moyens financiers, même si les journaux penchant plutôt de ce côté que de l’autre. Les réseaux sociaux – en plus de la télévision et ses débats contradictoires – ont joué un rôle-clé jusque dans des régions reculées. Internet progresse à vitesse grand V. Et c’est là aussi que les Européens feraient bien de réviser leur image stéréotypée de ce pays. L’innovation technologique y est encouragée. Les Colombiens n’ont pas de complexe à cet égard.
Internet dans un village de l’intérieur: la campagne s’est déroulée avant tout sur les réseaux sociaux.
© 2018 Bon pour la tête / Jacques Pilet
Avec le recul, on ne peut qu’admirer leur maturité politique. Ce peuple est déterminé à sortir du cauchemar de la guerre civile. A panser ses plaies. A prendre pied dans la modernité. Il s’est certes trouvé divisé dans ce moment politique. Des discours de détestation, il y en a eu. Mais tous les partis ont été amenés à rester dans un débat démocratique rationnel. Un grand intellectuel, l’essayiste et homme de cinéma, Gonzalo Castellanos, à la veille du scrutin, écrivait ces mots, révélateur d’un nouvel état d’esprit: «Que l’on ne m’invite pas à voter mû par la peur, par tel ou tel danger, par la haine de tel ou tel. Que les auteurs de pamphlets apocalyptiques les remballent et se les mettent là où ils veulent…»
L’immense désir de paix de la Colombie fait du bien à voir dans un monde tant de tirades belliqueuses font recette.
A suivre
Série 2/4 Plus compliqué d’acheter des cigarettes à Medellin que de la coke à Lausanne- Jacques Pilet
Série 3/4 L’épopée du barrage inondé - Jacques Pilet
Série 4/4 Mines d'or: l'enfer ou l'espoir- Jacques Pilet
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Et dans les bureaux de vote, les observateurs de tous les partis et les internationaux, ont pu constater que tout se passait dans l’ordre. Avec interdiction d’utiliser les portables susceptibles d’espionner le choix du voisin. La participation était aussi réjouissante, la plus haute depuis 1974: 54%.</p><h3 style="text-align: center;">Bandes criminelles et trafic de drogues<br></h3><p>Il a beaucoup été dit que cette élection mettait en jeu les accords de paix qui ont mis fin à un conflit d’un demi-siècle avec la guerilla de FARC. C’est faux. Ivan Duque a reconnu leur nécessité et souhaite leur apporter seulement quelques aménagements. Conscient, comme tous les candidats d’ailleurs, que le vide laissé par le retrait des rebelles, réintégrés dans la vie politique, est loin de tout résoudre. Des bandes criminelles, d’ex-FARC, d’ex-paramilitaires, des hommes de main de certains grands propriétaires, s’installent dans les régions reculées et prospèrent grâce au trafic de drogues. Le combat pour établir le contrôle de l’Etat sur l’entier du territoire sera ardu.</p><p>C’est en matière économique que l’affrontement gauche-droite a été le plus dur. Ivan Duque est un libéral qui compte sur les entreprises pour accélérer une croissance déjà remarquable aujourd’hui: +3,5% prévu cette année. Depuis les accords de paix, les investissements ont repris. Consécration de l’effort: la Colombie vient d’être admis au sein de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économique) qui compte avec elle 36 membres. Ce label lui ouvre l’accès à des crédits internationaux aux meilleures conditions.</p><h3 style="text-align: center;">Les Colombiens sont traumatisés par la guerre civile<br></h3><p>Pourquoi, dans ce pays aux inégalités abyssales, la gauche n’a-t-elle pas gagné? Elle y a toujours été relativement faible. A l’exception de la fin des années 80, la période de l’Union populaire écrasée dans le sang avec plusieurs milliers de morts. C’est la première fois qu’elle avait une chance réelle d’accéder à la présidence. Deux explications. Les Colombiens sont traumatisés par la guerre civile. Les FARC ont exercé une terreur qui marquera longtemps la mémoire. Comme, en face, la brutalité de la répression.</p><p>Or la personnalité de Gustavo Petro, vieux militant tour à tour chrétien de gauche, trotzkiste, puis social-démocrate, aussi brillant orateur soit-il, n’a pas rassuré. Et le Venezuela! La Colombie a des raisons d’être effarée par l’autodestruction «révolutionnaire» de ce voisin. Sur ce sujet aussi, Petro n’a pas marqué des points. Il était grand ami avec Chavez, il a salué Maduro à ses débuts, puis, devant l’évidence, s’en est distancié: cela n’a pas suffi. Au début de sa campagne, le leader de la gauche, conscient qu’il lui serait difficile de gouverner avec un parlement majoritairement à droite, préconisait l’élection d’une constituante et de nouvelles élections. Comme Maduro! Sur la fin, pour attirer les voix centristes, il a renoncé au projet. Mais l’affaire a semé l’inquiétude jusque dans les rangs de la gauche. Un ami de Cali au long passé communiste nous confiait: « Il est habile et prêt à tout pour arriver à ses fins. Il est entouré des stratèges des FARC qui comptent sur lui pour revenir dans le jeu. Je ne voterai pas pour lui.» L’extrême-gauche fait encore peur. Dans les universités publiques, une partie de la jeunesse continue d’applaudir le Venezuela «bolivarien» en dépit de sa pathétique déroute.</p><h4 style="text-align: center;"><img class="img-responsive img-center " src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1529289317_l1030618.jpg" width="528" height="792">Un jeune électeur cherche la table de vote qui lui est attitrée. <br>© 2018 Bon pour la tête / Jacques Pilet<br></h4><p>Ce qui changera avec Duque? Le retour à l’«uribisme»? Peu probable. Le jeune juriste est aussi froid, maître de lui, structuré, que son mentor, Alvaro Uribe, se montre émotionnel et emporté. Aussi enclin au consensus, semble-t-il, que l’ex-président était clivant. Il n’est pas sûr du tout qu’il se laisse téléguider par l’homme le plus détesté et le plus apprécié de la Colombie contemporaine.</p><p>Le programme annoncé est précis, détaillé. Duque veut revoir la fiscalité, la rationaliser avec les outils modernes. L’alléger pour les entreprises et pour remplir les caisses, lutter contre l’économie informelle (la moitié du PIB!). Plus étonnant: il insiste sur le développement de la petite agriculture (22% de la population), en lui donnant accès au crédit, en diminuant les subventions aux exportateurs et en améliorant enfin les conditions de vie (écoles, santé, routes…) des paysans aux revenus minuscules, dont les enfants quittent les classes trop tôt. Il assume le soutien à l’exploitation des mines et du pétrole (le pays est maintenant autosuffisant). On peut s’attendre à ce qu’il renforce la lutte contre la culture de la coca – en progression ces dernières années – qui rejette de vastes territoires dans la marginalité criminelle. Il déclare aussi la guerre à un autre fléau sud-américain, la corruption. Il dit vouloir durcir la loi sur les lobbys, financer par l’Etat les campagnes électorales parlementaires, renforcer les contrôles et les sanctions.</p><h3 style="text-align: center;">Les réseaux sociaux ont joué un rôle-clé<br></h3><p>Il était d’ailleurs frappant de constater que les affiches n’ont pas envahi les rues, pour éviter, dit-on, «la pollution visuelle». On ne peut pas dire que la victoire de la droite est due à la disproportion des moyens financiers, même si les journaux penchant plutôt de ce côté que de l’autre. Les réseaux sociaux – en plus de la télévision et ses débats contradictoires – ont joué un rôle-clé jusque dans des régions reculées. Internet progresse à vitesse grand V. Et c’est là aussi que les Européens feraient bien de réviser leur image stéréotypée de ce pays. L’innovation technologique y est encouragée. Les Colombiens n’ont pas de complexe à cet égard.</p><h4 style="text-align: center;"><img class="img-responsive " src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1529289468_l1030855.jpg">Internet dans un village de l’intérieur: la campagne s’est déroulée avant tout sur les réseaux sociaux. <br>© 2018 Bon pour la tête / Jacques Pilet</h4><p>Avec le recul, on ne peut qu’admirer leur maturité politique. Ce peuple est déterminé à sortir du cauchemar de la guerre civile. A panser ses plaies. A prendre pied dans la modernité. Il s’est certes trouvé divisé dans ce moment politique. Des discours de détestation, il y en a eu. Mais tous les partis ont été amenés à rester dans un débat démocratique rationnel. 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Autre performance: deux heures après le bouclage des urnes, tous les résultats étaient connus. Et dans les bureaux de vote, les observateurs de tous les partis et les internationaux, ont pu constater que tout se passait dans l’ordre. Avec interdiction d’utiliser les portables susceptibles d’espionner le choix du voisin. La participation était aussi réjouissante, la plus haute depuis 1974: 54%.</p><h3 style="text-align: center;">Bandes criminelles et trafic de drogues<br></h3><p>Il a beaucoup été dit que cette élection mettait en jeu les accords de paix qui ont mis fin à un conflit d’un demi-siècle avec la guerilla de FARC. C’est faux. Ivan Duque a reconnu leur nécessité et souhaite leur apporter seulement quelques aménagements. Conscient, comme tous les candidats d’ailleurs, que le vide laissé par le retrait des rebelles, réintégrés dans la vie politique, est loin de tout résoudre. Des bandes criminelles, d’ex-FARC, d’ex-paramilitaires, des hommes de main de certains grands propriétaires, s’installent dans les régions reculées et prospèrent grâce au trafic de drogues. Le combat pour établir le contrôle de l’Etat sur l’entier du territoire sera ardu.</p><p>C’est en matière économique que l’affrontement gauche-droite a été le plus dur. Ivan Duque est un libéral qui compte sur les entreprises pour accélérer une croissance déjà remarquable aujourd’hui: +3,5% prévu cette année. Depuis les accords de paix, les investissements ont repris. Consécration de l’effort: la Colombie vient d’être admis au sein de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économique) qui compte avec elle 36 membres. Ce label lui ouvre l’accès à des crédits internationaux aux meilleures conditions.</p><h3 style="text-align: center;">Les Colombiens sont traumatisés par la guerre civile<br></h3><p>Pourquoi, dans ce pays aux inégalités abyssales, la gauche n’a-t-elle pas gagné? 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Il dit vouloir durcir la loi sur les lobbys, financer par l’Etat les campagnes électorales parlementaires, renforcer les contrôles et les sanctions.</p><h3 style="text-align: center;">Les réseaux sociaux ont joué un rôle-clé<br></h3><p>Il était d’ailleurs frappant de constater que les affiches n’ont pas envahi les rues, pour éviter, dit-on, «la pollution visuelle». On ne peut pas dire que la victoire de la droite est due à la disproportion des moyens financiers, même si les journaux penchant plutôt de ce côté que de l’autre. Les réseaux sociaux – en plus de la télévision et ses débats contradictoires – ont joué un rôle-clé jusque dans des régions reculées. Internet progresse à vitesse grand V. Et c’est là aussi que les Européens feraient bien de réviser leur image stéréotypée de ce pays. L’innovation technologique y est encouragée. 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Il va jusqu’à promettre une ambassade à Jérusalem… où l’on n’est guère convaincu par ce nouvel allié proclamé. Ses seuls ennemis, dit-il, ce sont l’Iran et le Hezbollah. Et n’a pas un mot quant aux bombes israéliennes qui pleuvent sur son territoire ni sur la présence de Tsahal aux portes de Damas. Silence aussi devant les exactions et les assassinats commis par ses partisans, rapportés sur le net, image à l’appui. En outre, il est prévu de mijoter une nouvelle constitution. La «République arabe syrienne» devrait s’appeler «Etat islamique de Syrie».</p> <p>On peut comprendre la satisfaction des Américains et des Européens voyant que la Russie et l’Iran sont bannis des lieux. Mais comment peuvent-ils peindre ainsi en rose la nouvelle situation? Sans penser aux désastreux précédents de l’Irak, de la Libye?</p> <p>En fait, ce n’est pas totalement surprenant. 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Aucune issue en vue ne donne de vraies raisons d’espérer une amélioration dans ce pays endetté au point de payer plus d’intérêts que le budget de l’armée ou celui de l’éducation supérieure. Un pays livré à une gigantesque machine bureaucratique d’Etat. Un pays déprimé. Avec un président hors du réel, obsédé par son ego. Et une assemblée de tribuns ivres de leur rhétorique, incapables de s’entendre et de remettre les pieds sur terre.</p> <p>Moins grave: <strong>le président de la Corée du Sud</strong>, renouant avec les vieux démons de ce pays, tente d’en faire une dictature manu militari. Il échoue… mais ne se fait pas arrêter pour autant.</p> <p><strong>En Géorgie</strong>, c’est la castagne entre pro-Européens et pro-Russes à coups de poings et de slogans simplistes, enflammés, là aussi hors de toute raison. Les deux camps livrés aux jeux des influences extérieures. 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Même si un répit se dessine, sous la forme d’un «pax americana» dans la région, à terme, la guerre repartira dans quelque nouvelle configuration, peut-être pire encore qu’aujourd’hui. </p> <p><strong>Le Turc Erdogan</strong>, lui, se veut le plus malin des somnambules. Malgré ses dénégations, il a manifestement poussé à l’attaque des mouvements islamistes contre l’Etat syrien. Espérant ainsi tirer les ficelles dans son voisinage et surtout affaiblir ses ennemis kurdes. Avec l’appui discret des Israéliens et des Américains qui, eux, veulent en finir avec un régime appuyé par la Russie et l’Iran. Là, on retrouve la courte vue des somnambules. Quels lendemains si les fous d’Allah renversent Assad? Un nouvel Afghanistan? Ne tire-t-on jamais les leçons de l’histoire? Certes, Biden n’est plus en état de lire le livre de Christopher Clark, mais il est douteux que Trump connaisse toutes les dimensions du mot somnambule.</p> <p><strong>En Ukraine</strong>, le président Zelensky, si porteur d’espoir à son élection, devenu un héros à la suite de l’agression russe, titube aujourd’hui. Enfermé dans son discours, il ne sait comment répondre au désir de paix, au ras-le-bol de son peuple devant les souffrances endurées, sous un régime de surcroît corrompu et autoritaire. Aucune guerre ne peut se prolonger lorsque des policiers doivent pourchasser dans les rues les hommes qui se cachent pour ne pas prendre les armes. Certes, Zelensky vient de faire un pas vers l’idée de négociation, mais son obsession du rattachement à l’OTAN la condamne d’avance. </p> <p><strong>Même en Pologne</strong>, le gouvernement de centre-droit de Donald Tusk fait sa petite crise de somnambulisme. Il construit un mur sur plusieurs centaines de kilomètres, non seulement autour du territoire de Kaliningrad, mais le long de la frontière avec la Biélorussie et celle avec l’Ukraine. Il exproprie pour cela des paysans totalement affolés. Il s’agirait de retenir les fantassins russes au cas où ils auraient conquis tout le pays voisin! Cette perspective rocambolesque cache en fait un autre souci: empêcher les Ukrainiens de fuir vers l’ouest sans contrôle, à travers champs et forêts. Enfin, peut-être une préoccupation électorale au passage: démontrer aux sympathisants du parti PIS, hypernationaliste, que les «modérés» prennent aussi au sérieux qu’eux toute croisade antirusse.</p> <p>Bref, ici et là, nombre de dirigeants se font du cinéma. Chacun le leur. Dans l’affrontement, verbal ou militaire, avec le scénario du voisin. Il y a certes, dans tous les conflits, d’autres approches des parties rivales, celles des intérêts objectifs, rationnels. 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1 Commentaire
@contat 20.06.2018 | 11h59
«Excellent papier d’info objective. »