Culture / Pôle muséal, si provincial
Le projet Plateforme10. Il réunira les musées des Beaux-arts (ouverture 2019), de l'Elysée et du design (ouverture 2021) près de la gare CFF à Lausanne.
Budget total: 180 millions. DR
En favorisant la politique des petits copains, le projet Plateforme10 à Lausanne se dessert lui-même. Il court-circuite ses ambitions suprarégionales en favorisant une gouvernance d’un autre âge, ponctuée de petites collusions locales. Ce beau projet muséal mériterait une direction indépendante, comme cela se pratique partout. Sauf dans le canton de Vaud.
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La politique vaudoise continue de fonctionner avec ses «habitudes de tribus», comme le relevait jadis Jacques Chessex. Pas de raison que cela change. Il en a toujours été ainsi. Il en sera toujours ainsi.
Tout de même. Le mois dernier, le journal 24 heures titrait: «Le nouveau job d’Anne-Catherine Lyon interpelle». Un soupçon de conflit d’intérêts flottait dans l’air estival. Des voix anonymes maugréaient, beaucoup se taisaient, seul le député Jérôme Christen avait le cran de dénoncer «une coterie».
Que s’est-il passé de si grave? Rien d’autre qu’une habitude de tribu, autrement dit une politique des petits copains. Avant de lâcher la direction du Département vaudois de la formation, de la jeunesse et de la culture (DFJC), cet été, Anne-Catherine Lyon a élaboré une loi pour la création de la fondation de droit public du Musée cantonal des Beaux-Arts. Le projet du pôle muséal de Lausanne, désormais baptisé Plateforme10, stipule que les musées concernés passent d’un statut cantonal (Beaux-Arts, Elysée) ou communal (mudac) à celui d’une fondation de droit public.
La déontologie de la gestion étatique de culture aurait voulu que l’ex-ministre en reste là. Anne-Catherine Lyon est proche de Chantal Prod’hom, directrice du mudac et présidente de Plateforme10. Le risque de conflit d’intérêts est patent. Après tout, soyons juste, les classes dirigeantes du canton de Vaud savent aussi prendre leurs responsabilités. Le mari de Cesla Amarelle a démissionné de ses importantes fonctions au CHUV lorsque son épouse a pris la tête du Département de formation et de la culture, à la suite d'Anne-Catherine Lyon.
Juge et partie
Or celle-ci a été nommée en juin par le Conseil d’Etat présidente de la Fondation pour le Musée des beaux-arts. Une responsabilité qui lui permet de rebondir et d’être rémunérée, à raison de deux jours de travail par semaine, selon 24 heures. Cette situation conflictuelle s’ajoute à celle créée par la nomination de Chantal Prod’hom à la présidence de Plateforme10, la directrice du mudac étant en l’occurrence juge et partie, en dehors de tout droit de réserve.
A part au Kazakhstan ou en Chine, on voit mal une autre contrée que le canton de Vaud où cette coterie institutionnelle pourrait prévaloir. Ce serait exclu à Genève: ce type de nominations amicales serait vitupérée par nombre de milieux politiques. La situation serait encore plus inimaginable en Suisse alémanique.
A propos de Genève, il est intéressant de visiter l’exposition «Musées du XXIe siècle» au Musée d’art et d’histoire (jusqu’au 20 août). La présentation détaille seize institutions choisies dans le monde, juste inaugurées ou en projet, s’interrogeant sur le nouveau visage de la modernité muséale.
Une partie de l’exposition s’intéresse aux projets qui s’inscrivent dans le cadre de revitalisations urbaines. C’est le cas de Plateforme10, dont la maquette aux trois musées est présentée au Musée d’art et d’histoire aux côtés d’autres réalisations similaires. A savoir des «clusters» de musées implantés dans des zones urbaines peu attractives – une ex-friche CFF pour Lausanne – pour stimuler des retombées culturelles, économiques et sociales.
Exemple norvégien
Prenons, dans cette section, le cas du Nasjonalmuseet for kunst, arkitektur og design d’Oslo, qui ouvrira en 2020. Comme à Lausanne, il réunira plusieurs musées existants. Comme à Lausanne encore, il occupera tout un quartier et aura une ambition européenne.
Comment s’organise la gouvernance du futur Nasjonalmuseet norvégien? A-t-elle à sa tête un dirigeant de l’un des musées concernés, avec son copain ou sa copine responsable de l’une des fondations qui doit assurer la bonne marche de l’entreprise culturelle?
Renseignement pris, la réponse est froide. Les responsables du projet ont pris grand soin à aller chercher une personnalité indépendante pour assurer la direction du futur Nasjonalmuseet. Ex-directrice des musées d’art KODE à Bergen, sur la côte ouest de la Norvège, Karin Hindsbo a pris la tête de l’institution d’Oslo en juin dernier. L’important, assure la direction de la communication du musée national, est que «Karin Hindsbo n’avait aucun lien antérieur avec le Nasjonalmuseet». Son mandat est de six ans. Au bout de cette échéance, le poste sera remis au concours. L’actuelle directrice sera alors libre de postuler. Ou non.
Collusions d'un autre âge
Voilà la norme pour ce genre de réalisation muséale, ailleurs que dans le canton de Vaud. Toujours choisir un superintendant indépendant, pour tuer dans l’œuf les possibles conflits d’intérêts. Un gestionnaire charismatique, digne de confiance, résistant aux pressions politiques de tous bords. Un expert dont la crédibilité est à même de fédérer les énergies internes et d’attirer les externes, dont celles des collectionneurs susceptibles de léguer leurs possessions à une institution prometteuse. Avec sa gestion provinciale, ponctuée de collusions d’un autre âge, Plateforme10 est aujourd’hui en décalage avec son ambition régionale, nationale et internationale.
L’enjeu est d’autant plus important qu’il est politique. L’un des enseignements de l’exposition «Musées du XXIe siècle» est que ce type d’institution majeure aura toujours davantage la responsabilité d’établir un espace de stabilité sociale dans la cité. Elle devra, grâce à la culture, encourager la formation d’individus qui réfléchissent à leur place dans la collectivité. Et produire des citoyens informés, engagés, prêts à prendre leurs responsabilités civiques, notamment en contribuant à élargir le spectre de l’imagination politique.
A Lausanne hélas, c’est plutôt d’un rétrécissement dont il s’agit.
Second article: Pôle muséal: Anne-Catherine Lyon renonce
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Alors qu’il était dans l’Himalaya, en 1986, dans un monastère reculé (comme dans les romans d’aventure), un groupe de Chinois a débarqué dans le lieu saint. </p><p> «Nous avons engagé la conversation, racontait l’autre jour Michel Comte au téléphone depuis Zurich, où il vient de se réinstaller, ne supportant plus l’Amérique de Trump. C’étaient des scientifiques. Ils m’ont dit que la Chine n’était pas au Tibet pour des raisons politiques ou religieuses. Mais parce que la région était la réserve d’eau de leur pays. Et que cette réserve serait un jour, dans 20 ou 25 ans, menacée par un phénomène climatique : la fonte des glaciers». </p><h3>Le grand-père aviateur</h3><p> Le mauvais augure est tombé dans l’oreille d’un montagnard. Michel Comte a toujours pratiqué la grimpe, la randonnée dans les Grisons, l’échappée vers les sommets. Il a commencé à s’intéresser aux glaciers, dans les Alpes, l’Himalaya, la Colombie-Britanniques, les Andes, le Spitzberg. En trente ans d’observations, de photographies aériennes ou sur le terrain, il a constaté leur recul de plus en plus rapide, désormais alarmant. </p><p>La sensibilisation à ce péril majeur a une autre cause, encore plus ancienne. Enfant, Michel Comte aimait la compagnie de son grand-père, le pionnier de l’aviation suisse Alfred Comte, l’un des co-créateurs de la compagnie Swissair. Le Jurassien (les Comte sont originaires de Courtételle) avait notamment traversé les Alpes en 1914. Il montrait au jeune Michel les photos prises lors du vol, cet été-là. Le cœur du massif était blanc, couvert de glaciers intacts. «Lorsque je suis retourné 100 ans plus tard aux mêmes endroits, également pendant l’été, tout était noir. La glace avait comme disparu», note le photographe. </p><p>Celui-ci a décidé de réagir, à sa manière visuelle, émotionnelle, esthétique. Il expose depuis quelques jours ses photographies prises depuis 30 ans au musée d’art contemporain de Rome, le Maxxi. Michel Comte ne s’inscrit pas dans la tradition de la photo naturaliste ou de paysage, mais dans une appréhension plus personnelle du phénomène climatique. Il alterne les plans larges et serrés, la nuit et le jour, les détails et les structures, le noir & blanc et la couleur, parfois en grande nappe abstraite. </p><h3>Land Art</h3><p>Enveloppé dans une feuille d’aluminium protecteur, grâce à un photomontage, le glacier Aialik en Alaska ressemble à une installation de Land Art. Un genre apprécié depuis longtemps par Michel Comte. Ces dernières années, abandonnant la mode et les portraits, le photographe s’est tourné vers l’art contemporain. Son exposition «Light» au Maxxi est comporte du mapping vidéo, de la sculpture, des sons, des installations, comme ces petites montagnes en glace qui fondent dans une vitrine. </p><p>Dès le 28 novembre, Michel Comte interviendra aussi à la Triennale de Milan, avec une autre installation, cette fois monumentale: «Black Light, White Light». 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Nous avons ainsi droit à la pire photo d’Allen Ginsberg, le poète beat, à n’avoir jamais atterri dans un musée.</p><p> L’exposition Gus Van Sant pourrait ainsi être embarrassante. Surtout que les autres clichés du cinéaste ne rattrapent guère ses Polaroid de casting. Mis à part de beaux agrandissements de portraits noir et blanc, comme celui de David Bowie, ou quelques photos de tournages. Bien heureusement, dans son ensemble, l’exposition travaille à la rédemption de ces images faibles. Elle les insère avec habileté dans une énergie expressive beaucoup plus large, Gus Van Sant étant à la fois réalisateur, peintre, dessinateur, romancier, poète ou musicien. <span style="color: inherit; font-family: "Domaine Disp"; font-size: 2.6rem;"><br></span></p><h3>Pop, beat, rock</h3><p> C’est une présentation chorale, un montage syncopé d’impressions, de mouvements, de désirs qui donne la juste mesure d’un créateur sensible, toujours attentif à l’humain. A partir de là, le visiteur s’y retrouve dans l’audace formelle de Gus Van Sant (65 ans). Son goût des marges, l’acuité de son observation des dynamiques de groupes, sa tendresse et sa violence entremêlées, sa capacité à rendre la psyché d’une époque, la finesse de ses gros plans comme le souffle de ses paysages. Pop, beat, rock, hollywoodien, indépendant ou expérimental, le multinstrumentiste de Portland est un artiste. </p><p>L’exposition est si ample qu’elle joue au passe-muraille. Elle s’étend à la Cinémathèque suisse, à Lausanne toujours, mais aussi dans d’autres villes suisses grâce à une rétrospective inédite de la vingtaine de films de Gus Van Sant, dont plusieurs ont été restaurés. Elle a été présentée pour la première fois l’an dernier à la Cinémathèque française de Paris avant de faire halte au Musée de l’Elysée, cet automne. </p><p>Par l’identité du musée lausannois, le travail photographique de Gus Van Sant est mis en exergue. Alors que dans les faits, il n’est que la partie d’un plus grand tout. Le risque de la surévaluation de ces photographies d’un auteur connu, entouré d’acteurs ou d’artistes qui le sont tout autant, s’atténue de lui-même.</p><h3>Les liens étroits de la photo et du cinéma </h3><p> L’histoire de la relation entre la photo et le cinéma est riche d’exemples fameux. Elle est parfois contaminée par l’égo d’un réalisateur qui, flatté par un musée ou une galerie, se prend aussi pour un bon photographe. Cette complaisance est toutefois est moins pire que celle d’acteurs persuadés d’être la réincarnation de Henri Cartier-Bresson. </p><p>Reste que le cinéma fourmille d’exemples d’excellents réalisateurs - Stanley Kubrick, Robert Frank, Agnès Varda, William Klein, Anton Corbijn ou Spike Jonze - qui ont commencé par être photographes. 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Mêlant reportage, chronique et portrait, attentif à la société et culture sud-américaines, Gatopardo pratique un journalisme narratif de qualité. </p><p>A preuve le <a href="https://www.gatopardo.com/portafolio/estructura/diseno-suizo/">récent reportage</a> de Rigoberto De La Rocha sur le site web du mensuel: le journaliste a sillonné la Suisse à la recherche du meilleur du design dans le pays, passant de Lausanne à Zurich à la recherche de créativités affirmées, mais aussi différenciées. Une Suisse qui était l’invitée de la récente Design Week de Mexico, où trois expositions lui étaient consacrées. 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