Culture / La fuite en avant d'un père en roue libre
© Brett Jordan via Unsplash
Sous le titre ironique de «Fête des pères», Jean-Michel Olivier propose un livre passionnant et admirablement construit qui met en scène le déchirement de ces pères du dimanche, contraints de voir grandir leur enfant de sept en quatorze.
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Les proches sont au premier front pour encaisser les jugements. Mais à la fondation Repère, j’ai aussi rencontré des gens très à l’aise avec l’idée d’avoir un proche derrière les barreaux, et très décomplexés.</p> <p><strong>Votre narratrice a parfois l’air plus adulte que ses parents. Est-elle parentalisée ou est-ce juste une impression due au fait que le lecteur n’a que son point de vue?</strong></p> <p>Un peu des deux. Quand j’avais encore trois points de vue, j’essayais de montrer comment chacun pense avoir raison. C’est intéressant de chercher l’angle d’interprétation à partir duquel les gens estiment faire ce qu’il faut. Oriane a ce rôle de grande sœur réconfortante.</p> <p><strong>Vous décrivez un lien très fort et très touchant entre la grande sœur et son petit frère. Est-ce que les circonstances les amènent à mettre de côté les disputes habituelles au sein d’une fratrie?</strong></p> <p>Non, je pense que leur relation serait la même en d’autres circonstances. 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J’avais beaucoup travaillé la voix de Noah: dans tous les ateliers d’écriture, j’essayais de faire parler un enfant. J’ai construit Oriane par antithèse en m’inspirant de la façon de parler des gens qui m’entourent. J’avais vingt-et-un ans à l’époque, j’étais encore assez proche de l’adolescence. J’ai aussi pris soin d’éviter un vocabulaire trop précisément daté. J’y ai plus réfléchi comme un souffle que comme une langue.</p> <p><strong>Et la logorrhée de l’enfant?</strong></p> <p>C’est comme une pelote qu’on déroule et qui part dans tous les sens sans jamais se censurer.</p> <p><strong>Pourquoi avoir choisi de fondre les dialogues dans la narration?</strong></p> <p>Les dialogues ont eu beaucoup de formes différentes. Dans les premières versions, j’étais dans cette idée de flux de pensée rendue sous forme de monoblocs avec des dialogues juste marqués par des tirets. Ensuite j’ai quand même ajouté des retours à la ligne, mais comme Oriane a de la peine à dire tout ce qu’elle pense, je trouvais intéressant de maintenant le flou entre dialogue et pensée, pour que le lecteur puisse se demander si elle l’a réellement dit ou juste pensé et si elle a été entendue. Ce qu’elle dit s’inscrit dans une continuité par rapport à son flux de pensée.</p> <p><strong>L’histoire se déroule dans un milieu social très modeste: est-ce que la précarité économique excuse en partie le dérapage du père?</strong></p> <p>Je ne pense pas qu’elle l’excuse, mais elle l’explique. J’avais quand même envie qu’il y ait d’autres solutions, par exemple solliciter l’aide de la grand-mère. Mais les alternatives sont maigres. Maintenant que j’ai travaillé comme assistance sociale, je développerais ces problématiques autrement. 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Je pense que le théâtre est un outil de résilience, d’ailleurs, je viens de terminer une pièce qui réunit sur scène des migrants et des Fribourgeois dans l’idée qu’on peut avoir des histoires de vie très différentes et se retrouver autour d’un projet qui crée du lien. </p> <hr /> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1721306618_eh_231ecouvmarilourytz_md1200x2000.jpg" class="img-responsive img-fluid left " width="200" height="333" /></p> <h4>«Quand papa est tombé malade», Marilou Rytz, Editions de l’Hèbe, 288 pages.</h4>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'quand-papa-deale-et-maman-ment', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 108, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 6, 'person_id' => (int) 2859, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'comments' => [[maximum depth reached]], 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Posts' }, (int) 2 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 5018, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => false, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => null, 'readed' => null, 'subhead' => null, 'title' => 'Un tableau sociologique qui se déguste avec bonheur', 'subtitle' => 'L’autrice genevoise Marie Beer excelle dans l'art de camper des personnages hauts en couleur et de jouer sur les contrastes. 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Vous mettez en scène la situation typique d’un père divorcé qui ne voit son enfant qu’un week-end sur deux et qui en souffre manifestement beaucoup. A notre époque de revendications égalitaires, comment expliquez-vous qu’on n’entende pas plus la voix des pères divorcés?
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Je n’ai pas tellement pensé à ça. Ce meurtre s’imposait de lui-même et donnait un sens à cet homme en fuite et en crise. Je voulais jeter sur lui des éclairages très différents, en faire un personnage contrasté, avec des zones d’ombre et pas seulement un héros positif. Je suis toujours obsédé par l’idée d’un livre total, j’essaie d’éclairer toutes les facettes d’un personnage, même les moins glorieuses.
Pourquoi avoir choisi d’alterner la narration à la première personne et la narration à la troisième personne, tout en restant malgré tout fidèle au point de vue de Damien?
Ça s’est imposé tout seul. Damien est un comédien habitué à tenir différents rôles, le rôle de père, de mari, d’homme. De temps en temps, il parle en son nom et la partie suivante est impersonnelle, comme s’il y avait un point de vue extérieur. Cette alternance souligne sa double personnalité.
L’actualité a beaucoup d’impact sur la vie de vos personnages au point que l’élection de Trump se confond avec la rupture que le narrateur qualifie d’explosion atomique. Damien sert-il de victime expiatoire à sa femme qui se venge ainsi de l’accession au pouvoir d’un misogyne notoire?
On peut le voir comme ça. Ce qui m’avait frappé en 2016, c’est l’extraordinaire coup de tonnerre qu’a représenté cette élection. Personne ne l’avait vue venir. Le jour même, les sondages du New York Times ne donnaient que 6 ou 7% de chances de victoire à Trump. Ça m’a frappé de voir qu’après une élection relativement démocratique, les gens ne croyaient pas au résultat et n’acceptaient pas le verdict populaire. Ce qui m’a intéressé, c’est le déni d’une partie des Américains. Une grande différence avec la Suisse, où le peuple est souvent consulté et accepte le verdict une fois qu’il a donné son avis.
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Est-ce que les hommes arrivent mieux que les femmes à se glisser dans le rôle de parents de substitution?</strong></p> <p>Je ne pense pas, les femmes y parviennent très bien. Ma seconde femme s’est parfaitement coulée dans le rôle de marâtre avec ma seconde fille qu’elle a élevée comme si c’était la sienne. Face à Damien qui est un peu perdu, il fallait un personnage antagoniste féminin fort et étranger qui menace de retourner au pays avec l’enfant. Russ l’y encourage.</p> <p><strong>Votre narrateur perd complètement les pédales et en arrive à tuer un homme à terre et déjà blessé pour lui voler son argent. Doit-on comprendre que c’est quelqu’un d’irresponsable et d’impulsif ou qu’il commet l’irréparable parce qu’il n’a plus rien à perdre?</strong></p> <p>Plutôt la deuxième solution: Damien est en roue libre, en crise. Il se laisse entraîner par cette violence qui l’habite et qu’il essaie de calmer en allant voir la prostituée. Mais cette violence ressurgit face aux dealers qui infestent le quartier. Désespéré, il se laisse aller à ses pulsions premières. Cela s’explique aussi par son goût des armes à feu. Comme moi, Damien a un problème avec les dealers de son quartier. Mes deux filles sont allées au parc des Cropettes dont les bancs étaient occupés tous les jours par des vendeurs de came. Cette présence me gênait beaucoup.</p> <p><strong>En plaçant un meurtre sordide au milieu de votre histoire, n’avez-vous pas eu peur de changer de genre, de basculer du roman de société au roman noir et donc de perdre les lecteurs intéressés par le thème initial ou d’atténuer le côté tragique de l’épilogue, parce qu’on s’identifie moins à Damien?</strong></p> <p>Je n’ai pas tellement pensé à ça. Ce meurtre s’imposait de lui-même et donnait un sens à cet homme en fuite et en crise. Je voulais jeter sur lui des éclairages très différents, en faire un personnage contrasté, avec des zones d’ombre et pas seulement un héros positif. Je suis toujours obsédé par l’idée d’un livre total, j’essaie d’éclairer toutes les facettes d’un personnage, même les moins glorieuses.</p> <p><strong>Pourquoi avoir choisi d’alterner la narration à la première personne et la narration à la troisième personne, tout en restant malgré tout fidèle au point de vue de Damien?</strong></p> <p>Ça s’est imposé tout seul. Damien est un comédien habitué à tenir différents rôles, le rôle de père, de mari, d’homme. De temps en temps, il parle en son nom et la partie suivante est impersonnelle, comme s’il y avait un point de vue extérieur. Cette alternance souligne sa double personnalité.</p> <p><strong>L’actualité a beaucoup d’impact sur la vie de vos personnages au point que l’élection de Trump se confond avec la rupture que le narrateur qualifie d’explosion atomique. Damien sert-il de victime expiatoire à sa femme qui se venge ainsi de l’accession au pouvoir d’un misogyne notoire?</strong></p> <p>On peut le voir comme ça. Ce qui m’avait frappé en 2016, c’est l’extraordinaire coup de tonnerre qu’a représenté cette élection. Personne ne l’avait vue venir. Le jour même, les sondages du <em>New York Times</em> ne donnaient que 6 ou 7% de chances de victoire à Trump. Ça m’a frappé de voir qu’après une élection relativement démocratique, les gens ne croyaient pas au résultat et n’acceptaient pas le verdict populaire. Ce qui m’a intéressé, c’est le déni d’une partie des Américains. Une grande différence avec la Suisse, où le peuple est souvent consulté et accepte le verdict une fois qu’il a donné son avis.</p> <p><strong>Ce parallèle entre l’actualité politique et le devenir de Damien et Leslie tend-il à rappeler que le destin des personnages est écrit à l’avance, en l’occurrence par l’auteur?</strong></p> <p>Non, il n’était pas écrit d’avance. Ce qui était programmé, c’est l’aventure de ce personnage, comédien, partagé entre deux villes, qui a connu un certain succès dans les années 2000 et qui est maintenant sur la touche. Son destin ressemble à celui de plusieurs comédiens que je connais, en particulier Carlo Brandt. Après deux décennies de lumière, c’est l’ombre qui guette.</p> <p><strong>Le Royaume-Uni post-Brexit est-il la métaphore d’un père à la dérive ou d’un enfant déchiré entre deux continents?</strong></p> <p>On peut le voir comme la métaphore de la déchirure ou de l’arrachement qui est l’un des thèmes du livre, l’enfant étant sans cesse arraché à sa vie, à ses affections. Je voulais une espèce de voyage heureux, un moment de grâce où le père oublie les soucis liés à son ex et tous les ennuis qu’il a laissés derrière lui.</p> <p><strong>Lorsqu’il s’enfuit avec l’enfant, Damien ne prend aucune précaution pour échapper à la traque ou retarder l’échéance. Il n’essaie pas de changer de véhicule, de modifier son apparence et utilise même sa carte de crédit alors qu’il détient une grosse somme en espèces. Il ne se donne pas les moyens d’atteindre ne serait-ce que l’objectif géographique qu’il s’est fixé. Est-ce que la destination visée n’a finalement pas d’importance?</strong></p> <p>Damien est imprudent et inconscient. 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