Les thèmes, outil de marketing à l'ère digitale

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Culture / Les thèmes, outil de marketing à l'ère digitale

Michèle Laird

24 février 2018

Cig Harvey, The Pale Yellow Cadillac, Sadie, Portland, Maine, 2010 © Cig Harvey

Lewis Hine, On The Hoist, Empire State Building, 1931

Stéphane Couturier, Barendrecht n° 1, 2004 © Stéphane Couturier, Courtesy La Galerie Particulière, Paris, Bruxelles

Laurent Elie Badessi, Man's Back, Horse's Back, Camargue, France, 1994 © Laurent Elie Badessi

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En ces temps de sur-sollicitation, les thèmes ont la côte. Pour inviter le public à découvrir une collection qui n'est pas encore connue en Europe, et qui mériterait de l'être, le Musée de l'Elysée a trouvé la combine: «La Beauté des lignes» propose une thématique qui rassure et éclaire le parti-pris des collectionneurs, l'Américaine Sondra Gilman et son mari, Celso Gonzalez-Falla, né à Cuba.

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</p><h3>La question et la réponse en même temps</h3><p>Depuis qu'elle a repris les rênes du musée en 2015, la directrice de l'Élysée, Tatyana Franck, interroge le statut de la photographie dans la révolution numérique. Comment regarder le miroir de l'humanité et de notre temps à l'ère digitale et des selfies? La stratégie de la jeune trentenaire consiste à apporter la question et la réponse en même temp.:
</p><p>Elle a choisi de présenter une ferveur traduite en collection qui donne ses lettres de noblesse à la photo. Quand Sondra Gilman a acheté trois photos par Atget lorsqu'elle était encore étudiante, elle ne savait pas encore qu'une passion venait de naître. La beauté des lignes retenue à l'Elysée se passe du discours du comment et le pourquoi de la photo. Ici, nous sommes simplement en présence d'un appétit inconditionnel pour la beauté que la réalité est capable de générer à travers une pose/pause sur image.
</p> 
<p>Les thèmes ont la côte, ils sont tellement rassurants.
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<p><em><strong></strong></em></p><p></p><hr><p></p><p><em>La beauté des lignes, Chefs-d'œuvre de la collection Sondra Gilman et Celso Gonzalez-Falla</em>. Curatrices: Tatyana Frank et Pauline Martin. <a href="http://www.elysee.ch/fr/accueil/">Musée de l'Elysée</a>&nbsp;à Lausanne. Jusqu'au 6 mai 2018. <br></p>',
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</p><h3>La question et la réponse en même temps</h3><p>Depuis qu'elle a repris les rênes du musée en 2015, la directrice de l'Élysée, Tatyana Franck, interroge le statut de la photographie dans la révolution numérique. Comment regarder le miroir de l'humanité et de notre temps à l'ère digitale et des selfies? La stratégie de la jeune trentenaire consiste à apporter la question et la réponse en même temp.:
</p><p>Elle a choisi de présenter une ferveur traduite en collection qui donne ses lettres de noblesse à la photo. Quand Sondra Gilman a acheté trois photos par Atget lorsqu'elle était encore étudiante, elle ne savait pas encore qu'une passion venait de naître. La beauté des lignes retenue à l'Elysée se passe du discours du comment et le pourquoi de la photo. Ici, nous sommes simplement en présence d'un appétit inconditionnel pour la beauté que la réalité est capable de générer à travers une pose/pause sur image.
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<p>Les thèmes ont la côte, ils sont tellement rassurants.
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<p><em><strong></strong></em></p><p></p><hr><p></p><p><em>La beauté des lignes, Chefs-d'œuvre de la collection Sondra Gilman et Celso Gonzalez-Falla</em>. Curatrices: Tatyana Frank et Pauline Martin. <a href="http://www.elysee.ch/fr/accueil/">Musée de l'Elysée</a>&nbsp;à Lausanne. Jusqu'au 6 mai 2018. <br></p>',
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		'content' => '<p>Marie du Bouchet, philosophe, ancienne productrice &agrave; France Culture, auteure de la monographie <em>Nicolas de Sta&euml;l. Une illumination sans pr&eacute;c&eacute;dent </em>(2003), coordinatrice du Comit&eacute; Nicolas de Sta&euml;l et conseill&egrave;re scientifique de l&rsquo;exposition, est la fille d&rsquo;Anne de Sta&euml;l (1942), la fille que Nicolas de Sta&euml;l (1914-55) a eue avec Jeannine Guillou (1909-46), une artiste fran&ccedil;aise qu&rsquo;il avait rencontr&eacute;e au Maroc en 1937 et qui a jou&eacute; un r&ocirc;le d&eacute;terminant dans la vocation et l&rsquo;&eacute;volution du peintre.</p>
<p>Cet article compl&egrave;te <a href="https://bonpourlatete.com/culture/nicolas-de-stael-la-lumiere-vorace" target="_blank" rel="noopener">Nicolas de Sta&euml;l, la lumi&egrave;re vorace,</a> paru le 8 mars.</p>
<p><strong>Mich&egrave;le Laird: A force de chercher, de toujours se renouveler, Nicolas de Sta&euml;l manquait-il de confiance&nbsp;en lui-m&ecirc;me?</strong></p>
<p><strong>Marie du Bouchet</strong>: Non, il &eacute;tait tr&egrave;s s&ucirc;r de lui. Il avait le don de la certitude: il savait qu&rsquo;il avait quelque chose en lui.&nbsp;D&egrave;s son jeune &acirc;ge, il a cherch&eacute; &agrave; convaincre ses parents adoptifs d&rsquo;avoir confiance en son choix de devenir artiste, malgr&eacute; les r&eacute;ticences du p&egrave;re qui voulait qu&rsquo;il devienne ing&eacute;nieur, comme lui.</p>
<p><strong>Par artiste, entendez-vous peintre? </strong></p>
<p>Pas seulement. On se rend compte dans ses &eacute;crits de jeunesse, alors qu&rsquo;il est en train de se constituer en tant qu&rsquo;artiste peintre, que l&rsquo;&eacute;criture reste tr&egrave;s importante puisqu&rsquo;il d&eacute;crit toutes ses sensations.</p>
<p>Dans une &eacute;dition r&eacute;cente des textes qu&rsquo;il a &eacute;crits lors d&rsquo;un voyage au Maroc et qui n&rsquo;ont que r&eacute;cemment &eacute;t&eacute; trouv&eacute;s (<em>Le voyage au Maroc</em>, Nicolas de Sta&euml;l, Editions Arl&eacute;a, 2023), on d&eacute;couvre qu&rsquo;&agrave; 23 ans il &eacute;tait d&eacute;j&agrave; capable d&rsquo;exprimer un profond sentiment de la vie et qu&rsquo;il percevait toutes les possibilit&eacute;s de la lumi&egrave;re. On voit la pr&eacute;sence de sa future palette dans ses textes. C&rsquo;est comme s&rsquo;il constituait le tissu de sa perception.</p>
<p><strong>Votre monographie nous apprend son immense culture, qui n&rsquo;&eacute;tait pas r&eacute;serv&eacute;e &agrave; la peinture.</strong></p>
<p>Lecteur vorace, il aimait lire &agrave; voix haute &agrave; sa famille, Rimbaud, Baudelaire, Racine, Mallarm&eacute;&hellip; Il demandait m&ecirc;me &agrave; sa fille Anne, ma m&egrave;re, de faire comme lui. Il avait ce rapport &agrave; l&rsquo;oralit&eacute; et depuis toujours.</p>
<p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w678c16-9/1710970128_vuedexpositiondestaelfondationdelhermitage.jpg" /></p>
<h4 style="text-align: center;"><em>Vue d'exposition de Sta&euml;l, Fondation de l'Hermitage, Po&egrave;mes. &copy; M.L.</em></h4>
<p><strong>En 1951, de l&rsquo;amiti&eacute; intense entre de Sta&euml;l et Ren&eacute; Char na&icirc;tra <em>Po&egrave;mes</em>, un livre o&ugrave; quatorze gravures sur bois de l&rsquo;artiste dialoguent avec les textes du po&egrave;te, ici dans l'exposition.</strong></p>
<p>La musique a &eacute;galement beaucoup compt&eacute; pour lui, m&ecirc;me si, curieusement, il ne peignait jamais en l&rsquo;&eacute;coutant. Son int&eacute;r&ecirc;t pour les musiques vivantes le conduisait aux concerts du domaine musical tenu par Suzanne T&eacute;zenas &agrave; Paris avec Pierre Boulez. Sa derni&egrave;re toile, <em>Le Concert</em>, 1955, immense (6 m de large), inachev&eacute;e, a du reste &eacute;t&eacute; r&eacute;alis&eacute;e au retour d&rsquo;un concert de musique contemporaine, juste avant sa mort.</p>
<p><strong>Sa vaste correspondance, donne-t-elle des cl&eacute;s pour le comprendre?</strong></p>
<p>C&rsquo;est assez particulier, c&rsquo;est comme s&rsquo;il avait invent&eacute; sa propre langue tellement il voulait dire les choses exactement, comme il les ressentait. Il &eacute;crivait au rythme de sa pens&eacute;e. Il se passe dans ses lettres&nbsp;exactement ce qui se passe dans sa peinture: il nous donne un moyen tr&egrave;s pr&eacute;cis d&rsquo;entrer dans ses motivations int&eacute;rieures. Il nous donne &agrave; lire, exactement comme il nous donne &agrave; voir.</p>
<p><em>Ndlr: </em>Lettres 1926-1955 de Nicolas de Sta&euml;l<em> (pr&eacute;sentation, commentaires et notes de Germain Viatte), &eacute;dition augment&eacute;e 2016, Le Bruit du Temps. Lecture vivement recommand&eacute;e, 700 pages.</em></p>
<p><strong>Cherchait-il la c&eacute;l&eacute;brit&eacute;?</strong></p>
<p>Non, il &eacute;tait heureux de son succ&egrave;s, mais ce n&rsquo;est pas cela qu&rsquo;il cherchait, sinon il n&rsquo;aurait peut-&ecirc;tre pas pu s&rsquo;approcher de ce qu&rsquo;il avait &agrave; dire.</p>
<p><strong>Etait-il dans la s&eacute;duction?</strong></p>
<p>Oui, il a accept&eacute; le jeu de la c&eacute;l&eacute;brit&eacute;, mais en se pr&eacute;servant la force pour travailler. Il avait besoin des autres, il ne vivait pas en reclus, mais il ne cherchait pas &agrave; r&eacute;pondre aux attentes de ses amis.</p>
<p><strong>Etait-il solitaire? </strong></p>
<p>Un vrai solitaire, pour moi, c&rsquo;est quelqu&rsquo;un qui a besoin de personne. Ce n&rsquo;&eacute;tait pas son cas.&nbsp;Le paradoxe, c&rsquo;est qu&rsquo;il avait &agrave; la fois cette perception intime, qui lui appartenait, mais il avait besoin d&rsquo;&ecirc;tre dans le partage; il ressentait en permanence la n&eacute;cessit&eacute; d&rsquo;&ecirc;tre dans un dialogue avec ses proches et en lien avec le monde. Par exemple, avec son ami Jean Bauret, &agrave; qui il montrait ce qu&rsquo;il avait peint pour avoir son avis.</p>
<p><strong>Comment expliquez-vous sa singularit&eacute;?</strong></p>
<p>Il a trouv&eacute; des rapports de couleur que personne ne savait faire. Son int&eacute;r&ecirc;t pour les mosa&iuml;ques byzantines &ndash; ces tesselles o&ugrave; les couleurs s&rsquo;expriment sur celles qui sont sous-jacentes, qui sont constamment mises en rapport les unes avec les autres &ndash;&nbsp;cela a donn&eacute; une mobilit&eacute; &agrave; ses &oelig;uvres.</p>
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<h4 style="text-align: center;"><em>Nicolas de Sta&euml;l, "Fleurs" (d&eacute;tail), Paris, 1952, Huile sur toile, collection particuli&egrave;re</em></h4>
<p><strong>Cette singularit&eacute;, a-t-elle pos&eacute; un probl&egrave;me aux conservateurs et aux historiens de l&rsquo;art?</strong></p>
<p>De Sta&euml;l a toujours suscit&eacute; des doutes de la part des conservateurs qui se sentent mal &agrave; l&rsquo;aise face &agrave; une singularit&eacute; et &agrave; un propos pictural absolument unique, inclassable. Mais, les choses sont en train de changer avec ces r&eacute;trospectives. Le public, lui, n&rsquo;a jamais &eacute;t&eacute; d&eacute;rang&eacute; par le fait que de Sta&euml;l n&rsquo;appartenait &agrave; aucune &eacute;cole.</p>
<p><strong>Son retour &agrave; la figuration, apr&egrave;s sa p&eacute;riode d&rsquo;abstraction, en a pourtant d&eacute;rout&eacute; plus d&rsquo;un.</strong></p>
<p>Pour moi, il s&rsquo;agissait d&rsquo;une &eacute;volution naturelle de sa peinture, pas forc&eacute;ment d&rsquo;un retour &agrave; la figuration, mais d&rsquo;une exploration de formes. Du reste, chez ce peintre-l&agrave;, m&ecirc;me l&rsquo;abstraction reste ancr&eacute;e d&rsquo;une fa&ccedil;on tr&egrave;s particuli&egrave;re dans le r&eacute;el, dans l&rsquo;observation de la lumi&egrave;re et de la structure d&rsquo;un espace r&eacute;el. C&rsquo;est vraiment le propre de son abstraction. Il &eacute;tait toujours &agrave; la limite de quelque chose de tr&egrave;s concret.</p>
<p><strong>Quelle &eacute;tait la place du dessin dans ses explorations?</strong></p>
<p>Il travaillait le dessin et la peinture concomitamment, c&rsquo;&eacute;tait vraiment un dialogue, sans que le croquis ne soit n&eacute;cessairement pr&eacute;paratoire. Si le trait du dessin contient toute l&rsquo;&eacute;nergie de sa peinture, cela tient &agrave; sa capacit&eacute; de synth&egrave;se &ndash;&nbsp;cette synth&egrave;se que l&rsquo;artiste sait &eacute;tablir. On la retrouve dans ses dessins.</p>
<p>Il cherchait toujours cette lumi&egrave;re qui surgit du fond de la toile, ou du fond de la page du dessin. On peut dire que la simplicit&eacute; du trait va lui permettre de travailler ce rapport &agrave; la lumi&egrave;re qu&rsquo;il va poursuivre &agrave; travers la peinture.</p>
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<h4>Lors d&rsquo;un voyage en Italie r&eacute;alis&eacute; en ao&ucirc;t 1953 avec sa famille, et deux amies, dont Jeanne Polge, de Sta&euml;l ne peint pas, il dessine.&nbsp; A son retour, ces croquis formeront la base des paysages d&rsquo;Agrigente et Syracuse r&eacute;alis&eacute;s avec des aplats de teintes &eacute;clatantes.</h4>
<h4 style="text-align: center;"><em>Nicolas de Sta&euml;l, Sicile, dessin&eacute; sur le motif, 1953, Stylo-feutre sur papier, 32,2 x 26,2, collection particuli&egrave;re</em></h4>
<p><strong>Peut-&ecirc;tre que je me trompe, mais je n&rsquo;ai trouv&eacute; aucune ombre dans ses tableaux.</strong></p>
<p>Si on prend <em>Les Poissons</em>, 1955, comme exemple, il y a des t&acirc;ches noires qui pourraient &ecirc;tre des ombres. Mais, c&rsquo;est vrai, s&rsquo;il y a ombre, elle prend une forme qu&rsquo;on ne reconnait pas; elle devient un &eacute;cho, un ricochet &agrave; l&rsquo;objet, elle ne sert pas &agrave; l&rsquo;inscrire par rapport &agrave; une position. J&rsquo;ai l&rsquo;impression qu&rsquo;il avait une fa&ccedil;on de poser les objets d&rsquo;une fa&ccedil;on finalement assez m&eacute;taphysique: il transpose notre r&eacute;el dans un espace pictural, il r&eacute;ussit &agrave; faire exister ces formes <em>dans le monde de la peinture.</em></p>
<p><strong>Il mesurait 1m97 et pourtant il travaillait sans chevalet.</strong></p>
<p>Oui, il &eacute;tait toujours repli&eacute;, accroupi, pour peindre ses toiles au sol. C&rsquo;est tr&egrave;s particulier et c&rsquo;est une r&eacute;flexion qu&rsquo;on peut avoir sur son rapport &agrave; la toile et m&ecirc;me au r&eacute;el. Il y a un lien en permanence au sol. Il avait d&rsquo;ailleurs toujours tr&egrave;s mal au dos.</p>
<p><strong>Les photos r&eacute;alis&eacute;es par Denise Colomb en 1954, devenues iconiques, nous laissent avec l&rsquo;image d&rsquo;un homme &eacute;l&eacute;gant, presque d&eacute;tach&eacute;.</strong></p>
<p>Cela peut surprendre, mais il avait en r&eacute;alit&eacute; une personnalit&eacute; rayonnante et tr&egrave;s joyeuse. C&rsquo;est pour cela d&rsquo;ailleurs qu&rsquo;on ne peut pas parler d&rsquo;un peintre d&eacute;sesp&eacute;r&eacute;. C&rsquo;&eacute;tait quelqu&rsquo;un de tr&egrave;s enthousiaste qui parlait tout le temps de joie, y compris dans sa correspondance. S&rsquo;il rencontrait des moments de remise en question, la peinture l&rsquo;entrainait vers la grande &eacute;nergie qu&rsquo;il recherchait, qu&rsquo;il percevait et dont il a su nous rendre compte. Les spectateurs le sentent tr&egrave;s bien aujourd&rsquo;hui encore.</p>
<p><strong>Comment se comportait-il avec son entourage?</strong></p>
<p>Il y avait beaucoup de bonheur dans son couple avec Fran&ccedil;oise <em>(Ndlr: de Sta&euml;l &eacute;pousa Fran&ccedil;oise Chapouton en 1946 apr&egrave;s le d&eacute;c&egrave;s de Jeannine Guillou, et avec laquelle il eut trois autres enfants)</em>, des d&eacute;jeuners passionnants, des sujets toujours essentiels, enflamm&eacute;s, donc je pense que &ccedil;a cr&eacute;e une vie extraordinairement dense et enlev&eacute;e pour ceux qui vivent dedans.</p>
<p>En m&ecirc;me temps, il pouvait &ecirc;tre tr&egrave;s col&eacute;rique, voulant les choses telles qu&rsquo;il les concevait au moment-m&ecirc;me, et s&rsquo;il y avait de la r&eacute;sistance, il le supportait mal. Comme l&rsquo;explique ma m&egrave;re, Anne de Sta&euml;l, il &eacute;tait toujours en effraction, il for&ccedil;ait les choses. &Ccedil;a, c&rsquo;est un trait de caract&egrave;re qui peut rendre les choses difficiles pour l&rsquo;entourage.</p>
<p><strong>Ce qui frappe dans sa correspondance, c&rsquo;est combien il se pr&eacute;occupait des autres.</strong></p>
<p>Il avait une grande tendresse pour s&rsquo;adresser &agrave; la m&egrave;re de Fran&ccedil;oise et &agrave; sa grand-m&egrave;re; en fait, il les adoptait, pour sans doute se faire adopter lui-m&ecirc;me, en tant qu&rsquo;orphelin&hellip; Il &eacute;tait absolument charmant. Tout le monde l&rsquo;aimait beaucoup. Il n&rsquo;&eacute;tait pas du tout le genre d&rsquo;artiste &agrave; qui on ne pouvait pas s&rsquo;adresser, qui restait dans son mutisme. Il donnait &eacute;norm&eacute;ment &agrave; tous ceux qui l&rsquo;entouraient.</p>
<p><strong>N&rsquo;a-t-il jamais eu un sentiment d&rsquo;&eacute;chec pendant ses ann&eacute;es de mis&egrave;re?</strong></p>
<p>Jamais, il &eacute;tait comme tir&eacute; par la direction dans laquelle il allait. Le d&eacute;roulement &eacute;tait tr&egrave;s logique. M&ecirc;me dans le d&eacute;nuement le plus total pendant la guerre, il n&rsquo;en a jamais d&eacute;vi&eacute;.</p>
<p><strong>Ressentez-vous sa pr&eacute;sence dans sa peinture?</strong></p>
<p>C&rsquo;est curieux comme question, mais il est vrai que l&rsquo;on peut avoir l&rsquo;impression d&rsquo;&ecirc;tre en sa pr&eacute;sence devant ses tableaux. Sans doute est-ce l&rsquo;effet d&rsquo;une &eacute;motion ind&eacute;finissable face &agrave; un &eacute;lan artistique qui ne ressemble &agrave; aucun autre.</p>
<p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w678c16-9/1710969451_destaelpaysageavecfiguresdetail1952huilesurcarton12x22cm.jpg" /></p>
<h4 style="text-align: center;"><em>Nicolas de Sta&euml;l, "Paysage avec figures" (d&eacute;tail) 1952, huile sur carton, 12 x 22 cm</em></h4>
<p><strong>Aidez-nous &agrave; comprendre ce qui a men&eacute; &agrave; son suicide. Votre maman, Anne de Sta&euml;l &ndash;&nbsp;qui n&rsquo;avait que 13 ans quand son p&egrave;re est mort et &agrave; qui il a adress&eacute; sa derni&egrave;re lettre &ndash;&nbsp;explique que l&rsquo;histoire d&rsquo;amour malheureuse avec Jeanne Polge &eacute;tait une cl&eacute;, mais pas la cause de sa disparition.</strong></p>
<p>Nicolas de Sta&euml;l n&rsquo;&eacute;tait jamais dans la gratuit&eacute;, il tendait toujours vers l&rsquo;essentiel. Une telle intensit&eacute; pouvait-elle durer? C&rsquo;est fatiguant dix ans de recherches constantes, tous les jours sans r&eacute;pit.</p>
<p><em>Ndlr: plus de 1'000 tableaux et autant de dessins, dont 250 par ann&eacute;e juste avant sa mort.</em></p>
<p>On peut comprendre son &eacute;puisement.</p>
<p>Le suicide &eacute;tait pr&eacute;sent dans sa vie, il en &eacute;tait fascin&eacute;. Peut-&ecirc;tre ne se voyait-il pas en vieux peintre. Il avait bien pr&eacute;par&eacute; son d&eacute;part; il &eacute;tait pass&eacute; chez le notaire avant son d&eacute;part pour prot&eacute;ger sa fille, Anne, n&eacute;e en dehors du mariage. Peut-on parler d&rsquo;un acte d&eacute;sesp&eacute;r&eacute;?</p>
<p><strong>Il &eacute;crivait dans sa note d&rsquo;adieu &agrave; son marchand, Jacques Dubourg, le jour de sa mort, le 16 mars 1955, qu&rsquo;il n&rsquo;avait plus la force de parachever ses tableaux.</strong></p>
<p>Contrairement aux peintres qui ne nous donnent pas les mots pour comprendre, Nicolas de Sta&euml;l s&rsquo;est exprim&eacute; jusqu&rsquo;au bout.</p>
<p><strong>De Sta&euml;l est-il rest&eacute; plus intemporel que les autres? </strong></p>
<p>C&rsquo;est vrai, de Sta&euml;l a cette chose &eacute;tonnante, c&rsquo;est qu&rsquo;il reste &eacute;ternellement jeune. Il est d&rsquo;ailleurs mort jeune et c&rsquo;est comme si sa jeunesse &eacute;tait rest&eacute;e imprim&eacute;e dans sa peinture. On a d&rsquo;ailleurs l&rsquo;impression que certains tableaux ont &eacute;t&eacute; peints hier.</p>
<p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w678c16-9/1710969188_destaelbarquesauxmartigues19531954stylofeutresurpapiercollectionparticuliere.jpg" /></p>
<h4 style="text-align: center;"><em>Nicolas de Sta&euml;l, "Barques aux Martigues", 1953- 1954, Stylo-feutre sur papier, collection particuli&egrave;re</em></h4>
<hr />
<h4>Pour en savoir plus,&nbsp;<a href="https://www.rts.ch/play/tv/la-culture-en-films/video/nicolas-de-stal-la-peinture-a-vif?urn=urn:rts:video:14712006" target="_blank" rel="noopener">Nicolas de Sta&euml;l, la peinture &agrave; vif</a>, un documentaire r&eacute;alis&eacute; par Fran&ccedil;ois Levy Keuntz.</h4>
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		'content' => '<p>Nicolas de Sta&euml;l a perc&eacute; la lumi&egrave;re. Regardez ses tableaux, vous ne verrez aucune ombre. Il est comme un astre dans un ciel de plans color&eacute;s. <em>&laquo;Me voil&agrave; pr&egrave;s de cette lumi&egrave;re vorace que tu connais bien&raquo; </em>&eacute;crivait-il &agrave; son ami le po&egrave;te Ren&eacute; Char en 1952.</p>
<p>Peintre infatigable de la luminance et de la vibration des couleurs, de Sta&euml;l s&rsquo;est donn&eacute; la mort en 1955 &agrave; l&rsquo;&acirc;ge de 41 ans. Eternel exil&eacute; de sa Russie natale, issu de l&rsquo;aristocratie militaire qui a fui la r&eacute;volution en 1917, orphelin &agrave; sept ans, de Sta&euml;l a men&eacute; une vie d&rsquo;une fr&eacute;n&eacute;sie extr&ecirc;me avec comme seule boussole son besoin de cr&eacute;er.</p>
<p>&laquo;C&rsquo;est notre James Dean &agrave; nous&raquo;, avance Pierre Wat, commissaire avec Charlotte Barat-Mabille des expositions de Sta&euml;l au Mus&eacute;e d&rsquo;art moderne de Paris et la Fondation de l&rsquo;Hermitage.</p>
<p>D&rsquo;une beaut&eacute; sauvage, photog&eacute;nique, immense avec son 1m97, le mythe de Sta&euml;l a d&eacute;vor&eacute; l&rsquo;homme. &laquo;L&rsquo;enjeu &eacute;tait de ramener le regard sur sa peinture&raquo;.</p>
<p>Si la r&eacute;cente exposition de Paris se pr&ecirc;tait &agrave; la v&eacute;n&eacute;ration d&rsquo;un artiste que le public a toujours aim&eacute;, celle de Lausanne nous rapproche de l&rsquo;intimit&eacute; de l&rsquo;homme, aid&eacute;e par le charme de l&rsquo;Hermitage.</p>
<p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1709151058_stael_parcdesprinces_1952scaled.jpg" class="img-responsive img-fluid center " /></p>
<h4 style="text-align: center;"><em>Le 10 avril 1952, de Sta&euml;l et sa femme Fran&ccedil;oise assistent au premier match de foot &eacute;clair&eacute; en nocturne au Parc des Princes. &laquo;Entre ciel et terre, sur l&rsquo;herbe rouge ou bleue une tonne de muscles voltige en plein oubli de soi avec toute la pr&eacute;sence que cela requiert en toute invraisemblance. Quelle Joie! Ren&eacute;, quelle joie!&raquo; Lettre &agrave; Ren&eacute; Char. Plusieurs tableaux sont n&eacute;s du choc ressenti et marquent le retour du peintre &agrave; la peinture figurative apr&egrave;s une p&eacute;riode d'abstraction de plusieurs ann&eacute;es.&nbsp;</em></h4>
<h4 style="text-align: center;">Nicolas de Sta&euml;l, "Parc des Princes", 1952. Huile sur toile, 200 &times; 350 cm.&nbsp;Collection particuli&egrave;re.&nbsp;Photo Christie&rsquo;s&nbsp;&copy; 2023, ProLitteris, Zurich</h4>
<p>&laquo;Ce n&rsquo;est pas une adaptation, mais une r&eacute;invention&raquo;, pr&eacute;cise Wat. Le nombre des &oelig;uvres pr&eacute;sent&eacute;es en Suisse a &eacute;t&eacute; r&eacute;duit de 200 &agrave; 105, dont 67 qui sortent de collections priv&eacute;es pour la premi&egrave;re fois, une raret&eacute;. De petites compositions prises sur le vif, &agrave; peine plus grandes qu&rsquo;une feuille de papier, veillent sur d&rsquo;immenses r&eacute;alisations, telles que les c&eacute;l&egrave;bres <em>Le Parc des Princes</em> et <em>Nu couch&eacute; bleu</em>.</p>
<p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1709151113_stael_lelavandou_1952scaled.jpg" class="img-responsive img-fluid center " /></p>
<h4 style="text-align: center;"><em>En mai 1952, de Sta&euml;l voyage dans le sud de la France. &laquo;La lumi&egrave;re est tout simplement fulgurante ici, bien plus que je m&rsquo;en souvenais. Je vous ferai des choses de mer, de plage, en menant l&rsquo;&eacute;clat jusqu&rsquo;au bout si tout va bien, et des choses d&rsquo;ombres nocturnes&raquo;. Lettre &agrave; son marchand, Jacques Dubourg, Le Lavandou, 31 mai 1952.</em></h4>
<h4 style="text-align: center;">Nicolas de Sta&euml;l, "Le Lavandou", 1952. Huile sur carton, 12 &times; 22 cm.&nbsp;Collection particuli&egrave;re.&nbsp;Photo Jean-Louis Losi&nbsp;&copy; 2023, ProLitteris, Zurich</h4>
<p>L&rsquo;harmonie de l&rsquo;accrochage ne laisse pas percevoir l&rsquo;urgence insens&eacute;e d&rsquo;un artiste qui a produit 90% de ses 1'100 tableaux et autant de dessins en dix ans, dont un quart vers la fin de sa vie. Au lieu de cela, nous entrons, comme par invitation, dans une apaisante sensorialit&eacute;.</p>
<p>&laquo;Ce sont des tableaux qu&rsquo;il faut voir en vrai&nbsp;<em>car ils &eacute;chappent &agrave; la photo</em>. Il y a chez de Sta&euml;l une immense qualit&eacute; de surface qui peut devenir s&egrave;che, grasse, ou charnelle. Il n&rsquo;est pas dans l&rsquo;image, il est dans la couleur, il anime la mati&egrave;re&raquo;, rappelle le commissaire.</p>
<p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1709151640_stael_agrigente_19541scaled.jpg" class="img-responsive img-fluid center " /></p>
<h4 style="text-align: center;"><em>La s&eacute;rie de tableaux &laquo;Agrigente&raquo; r&eacute;alis&eacute;e &agrave; partir de croquis fulgurants de simplicit&eacute; ramen&eacute;s d&rsquo;un voyage en Sicile en ao&ucirc;t 1953 marquera une rupture dans sa peinture et dans sa vie: il quitte sa famille pour vivre une histoire d&rsquo;amour impossible, s&rsquo;enfonce dans la solitude, peint sans cesse, rencontre le succ&egrave;s et voyage souvent &agrave; l&rsquo;occasion de ses nombreuses expositions.</em><em></em></h4>
<h4 style="text-align: center;">Nicolas de Sta&euml;l, "Agrigente", 1954. Huile sur toile, 73 &times; 92 cm.&nbsp;Collection particuli&egrave;re.&nbsp;Photo Jean-Louis Losi&nbsp;&copy; 2023, ProLitteris, Zurich</h4>
<p>Sans jamais se r&eacute;p&eacute;ter, Nicolas de Sta&euml;l est rest&eacute; un homme libre. Il n&rsquo;&eacute;tait pas attach&eacute; &agrave; ses &oelig;uvres &ndash; qu&rsquo;il laissait partir comme un pass&eacute; d&eacute;j&agrave; oubli&eacute; &ndash;&nbsp;comme si le seul fait de les avoir r&eacute;alis&eacute;es lui suffisait. Ses innombrables lettres, d&rsquo;une qualit&eacute; d&rsquo;&eacute;crivain, sont celles d&rsquo;un &ecirc;tre f&eacute;brile, exigeant, loyal, amoureux, insupportable, mais g&eacute;n&eacute;reux, se pr&eacute;occupant des autres et, paradoxalement, ne se comportant jamais en h&eacute;ros. Il se lit comme un livre ouvert.</p>
<p>&laquo;C&rsquo;est la plus belle exposition consacr&eacute;e &agrave; Nicolas de Sta&euml;l que j&rsquo;aie jamais vue&raquo; d&eacute;clarait l&rsquo;artiste Elena Prentice, &agrave; Lausanne. Accompagn&eacute;e de son &eacute;poux, Gustave de Sta&euml;l, le dernier enfant du peintre (qu&rsquo;il n&rsquo;a pas eu le temps de conna&icirc;tre), elle suit le travail du peintre depuis les ann&eacute;es soixante quand elle le d&eacute;couvrait aux Etats Unis, pays dont elle est originaire. &laquo;A la Fondation de l&rsquo;Hermitage, les tableaux respirent&raquo;.&nbsp;</p>
<p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1709151778_stael_lesmouettes_1955scaled.jpg" class="img-responsive img-fluid center " /></p>
<h4 style="text-align: center;"><em>Dans un atelier lou&eacute; sur les remparts d&rsquo;Antibes, de Sta&euml;l passera ses derniers mois &agrave; peindre comme un fou, seul, face &agrave; la mer. &laquo;Je deviens un cyclone en peinture&raquo;, &eacute;crit-il en mai 54 &agrave; Jeanne Polge, la femme qui refusera son amour.</em></h4>
<h4 style="text-align: center;">Nicolas de Sta&euml;l, "Les Mouettes", 1955. Huile sur toile, 195 &times; 130 cm.&nbsp;Collection particuli&egrave;re.&nbsp;Photo Thomas Hennocque&nbsp;&copy; 2023, ProLitteris, Zurich</h4>
<p>Seule critique, le superbe catalogue de l&rsquo;exposition termine avec une analyse du d&eacute;clin de la reconnaissance du peintre d&egrave;s son retour &agrave; la figuration au d&eacute;but des ann&eacute;es cinquante &ndash; apr&egrave;s son passage par l&rsquo;abstraction &ndash;&nbsp;et face &agrave; l&rsquo;&eacute;mergence de l&rsquo;Expressionisme am&eacute;ricain (Pollock, Rothko, Rauschenberg&hellip;), comme si le monde de l&rsquo;art pouvait lui dicter ce qu&rsquo;il devait devenir. Peut-on encore imaginer un peintre plus proche de sa propre v&eacute;rit&eacute; sans l&rsquo;interf&eacute;rence de chapelles artistiques? De Sta&euml;l est rest&eacute; fid&egrave;le &agrave; lui-m&ecirc;me, restant libre &agrave; jamais.</p>
<p>&laquo;<span>L&rsquo;homme &eacute;tait d&eacute;sesp&eacute;r&eacute;,&nbsp;</span>mais l&rsquo;artiste est rest&eacute; jusqu&rsquo;&agrave; la fin face &agrave; la beaut&eacute;&raquo;, observe Pierre Wat.</p>
<p>L&rsquo;&eacute;chec d&rsquo;une histoire d&rsquo;amour a trop longtemps aliment&eacute; la l&eacute;gende romanesque du suicide de l&rsquo;artiste. Dans une interview exclusive &agrave; venir, sa petite fille, Marie du Bouchet, nous livre une autre version: Nicolas de Sta&euml;l serait mort d&rsquo;&eacute;puisement.</p>
<h4><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1709151914_portraitdestael.jpg" class="img-responsive img-fluid center " /></h4>
<h4 style="text-align: center;"><em>De Sta&euml;l a 40 ans. Denise Colomb r&eacute;alisera une s&eacute;rie de portraits sur deux jours, le peintre tout en blanc devant ses tableaux le premier jour, le deuxi&egrave;me jour tout en noir devant les murs vides.</em></h4>
<h4 style="text-align: center;">Portrait de Nicolas de Sta&euml;l dans son atelier, 1954, photo Denise Colomb. Minist&egrave;re de la Culture &ndash; M&eacute;diath&egrave;que du patrimoine et de la photographie&nbsp;&copy; RMN-Grand Palais</h4>
<hr />
<h4 style="text-align: left;">Pour en savoir plus,&nbsp;<a href="https://www.rts.ch/play/tv/la-culture-en-films/video/nicolas-de-stal-la-peinture-a-vif?urn=urn:rts:video:14712006" target="_blank" rel="noopener">Nicolas de Sta&euml;l, la peinture &agrave; vif</a>, un documentaire r&eacute;alis&eacute; par Fran&ccedil;ois Levy Keuntz.</h4>
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		'content' => '<p>Connu pour ses narrations &eacute;piques de d&eacute;placement des r&eacute;fugi&eacute;s au Congo et du bassin m&eacute;diterran&eacute;en, qui lui ont valu la repr&eacute;sentation de son pays &agrave; la Biennale de Venise en 2013 et le Prix Pictet en 2017, Richard Mosse livre sur un &eacute;cran de 19 m&egrave;tres de large des images sans appel sur la destruction de la for&ecirc;t vierge de l&rsquo;Amazonie.</p>
<p>Pour ce travail, Mosse s&rsquo;est de nouveau entour&eacute; du cin&eacute;matographe <a href="https://trevortweeten.com/Cinematography" target="_blank" rel="noopener">Trevor Tweeten</a> et du compositeur exp&eacute;rimental <a href="https://benfrost.bandcamp.com/album/broken-spectre" target="_blank" rel="noopener">Ben Frost</a> pour cr&eacute;er une pi&egrave;ce qui, m&ecirc;me si elle colle &agrave; l&rsquo;actualit&eacute;, est r&eacute;solument une &oelig;uvre d&rsquo;art. R&eacute;alis&eacute;e au moyen de cam&eacute;ras multispectrales et de capteurs ultrasoniques, le film d&rsquo;une dur&eacute;e de 74 minutes donne &agrave; voir des images et &agrave; entendre des sons qui sont en dehors de nos champs de perception.</p>
<h3>Photo / Art</h3>
<p>&laquo;Je cherche les lignes de faille de la photographie documentaire pour trouver de nouvelles fa&ccedil;ons de raconter des histoires&raquo;, expliquait Mosse lors du vernissage. Il estime que l&rsquo;art permet aux images de durer, contrairement &agrave; un reportage trop vite &eacute;teint quand il devient insupportable.</p>
<blockquote>
<p><em>&laquo;Je fais appel &agrave; l&rsquo;art pour donner de la puissance aux images, car la beaut&eacute; est un outil efficace, elle d&eacute;passe l&rsquo;horreur et devient une arme contre l&rsquo;indiff&eacute;rence&raquo;.</em><em></em></p>
<p><em><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1704798071_richard_mosse_capture_tiree_de_broken_spectre_rondonia_sig_aerien_multispectral_richard_mosse.2.jpg" class="img-responsive img-fluid center " /></em></p>
<h4><em>Les terres de la for&ecirc;t sont d&eacute;gag&eacute;es par des incendies sauvages, dont celles pour faire place aux cultures intensives, essentiellement de soja. Pr&egrave;s de 20% de la surface de la for&ecirc;t amazonienne est d&eacute;j&agrave; scalp&eacute;e. Priv&eacute;e de la capacit&eacute; &agrave; se reg&eacute;n&eacute;rer, la for&ecirc;t tropicale deviendrait une savane.</em></h4>
</blockquote>
<p>Positionner la photo &agrave; l&rsquo;intersection de l&rsquo;art pour interroger la soci&eacute;t&eacute; contemporaine est une ligne &eacute;ditoriale d&eacute;fendue de longue date par la nouvelle directrice de Photo Elys&eacute;e, Natalie Herschdorfer, encore r&eacute;cemment &agrave; la t&ecirc;te du Mus&eacute;e des Beaux-arts du Locle et fondatrice de la biennale Alt.+1000.</p>
<p>&laquo;Mosse nous place face &agrave; un &eacute;tat d&rsquo;urgence&raquo;, rappelle-t-elle.</p>
<h3>Humain / Nature</h3>
<p>L&rsquo;immense mosa&iuml;que de Mosse alterne entre l&rsquo;humain et la nature. Des sc&egrave;nes effroyables &ndash; tourn&eacute;es en noir et blanc analogique pour son effet velout&eacute; &ndash;&nbsp;d&rsquo;abattage d&rsquo;arbres centenaires, de b&ecirc;tes issues d&rsquo;&eacute;levages ultra-intensifs, de mercure utilis&eacute; pour l&rsquo;extraction d&rsquo;or vers&eacute;e dans les cours d&rsquo;eau, d&rsquo;incendies provoqu&eacute;s au p&eacute;trole pour d&eacute;gager les sols, sont entrecoup&eacute;es d&rsquo;images technicolor et de sons magnifi&eacute;es du lit de la for&ecirc;t, de tapis &agrave; l&rsquo;infini de la canop&eacute;e capt&eacute;e &agrave; l&rsquo;infrarouge (o&ugrave; la chlorophylle se traduit par des teintes de rouge et rose vifs), autant de chefs-d&rsquo;&oelig;uvre de la nature invisibles &agrave; l&rsquo;&oelig;il nu &ndash; et de tableaux abstraits.</p>
<blockquote>
<p><em>La cl&eacute; est dans le montage, pr&eacute;cise Mosse, &laquo;passer d&rsquo;une dimension &agrave; l&rsquo;autre pour cr&eacute;er une dissonance visuelle, c&rsquo;est l&agrave; o&ugrave; la magie op&egrave;re.&raquo;</em><em></em></p>
<p><em><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1704798162_richard_mosse_vue_exposition_de_broken_spectre_national_gallery_of_victoria_tom_ross.jpg" class="img-responsive img-fluid center " /></em></p>
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<h4><em>Les sc&egrave;nes qui illustrent les ravages perp&eacute;tr&eacute;s par l&rsquo;homme sont film&eacute;es en noir et blanc.</em></h4>
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<h4><em>Les sc&egrave;nes qui documentent l&rsquo;&eacute;tat de la for&ecirc;t amazonienne sont film&eacute;es avec des cam&eacute;ras multispectrales qui permettent d'enregistrer en une seule prise de vue plusieurs longueurs d'onde du spectre lumineux et ensuite de choisir quelles couleurs rendre visibles pour r&eacute;v&eacute;ler les d&eacute;tails. Cette technique est au c&oelig;ur de la pratique de Richard Mosse.</em></h4>
</blockquote>
<p>Le titre &laquo;Broken Spectre&raquo; (Spectre bris&eacute;) s&rsquo;inspire du spectre de Brocken, ce ph&eacute;nom&egrave;ne rare quand l&rsquo;ombre d&rsquo;un sujet proche est projet&eacute;e au loin sur un nuage et parfois aur&eacute;ol&eacute;e d&rsquo;un halo arc-en-ciel.</p>
<p>Pour autant, les observations visuelles de Richard Mosse restent empreintes d&rsquo;humanit&eacute;. Le degr&eacute; d&rsquo;intimit&eacute; &eacute;tabli avec les pr&eacute;dateurs de la d&eacute;forestation pris sur le vif peut surprendre. Depuis 1972, l&rsquo;ann&eacute;e de la construction de la voie transamazonienne, la surface de la for&ecirc;t a diminu&eacute; de pr&egrave;s d&rsquo;un quart. Le point de bascule, au-del&agrave; duquel la for&ecirc;t ne pourra plus se reg&eacute;n&eacute;rer et servir d&rsquo;absorbeur de CO<sub>2</sub> de la plan&egrave;te sera bient&ocirc;t atteint. Les hommes et femmes qui participent &agrave; cette destruction ne sont pourtant pas des d&eacute;mons, ils travaillent pour des cercles mafieux de plus en plus puissants au service du commerce international, pr&eacute;vient Mosse, qui les filme sans hostilit&eacute;; il n&rsquo;est pas indiff&eacute;rent &agrave; leur sort.</p>
<h3>Art / Politique</h3>
<p>&laquo;Mon travail consiste &agrave; partager, &agrave; communiquer, non pas &agrave; juger&raquo;. Mosse s&rsquo;appuie sur les th&egrave;ses du philosophe Walter Benjamin pour expliquer qu&rsquo;une &oelig;uvre d&rsquo;art ne doit pas servir de propagande.</p>
<blockquote>
<p><em>&laquo;A mon avis, l&rsquo;art ne vous dit pas ce que vous devez penser. Mon intention est de d&eacute;sorienter le spectateur (visiteur) pour qu&rsquo;il d&eacute;cide de lui-m&ecirc;me. Je me contente de donner la texture des crimes environnementaux&raquo;</em>, rappelle Mosse.</p>
</blockquote>
<p>Son film a cependant pris une tournure politique impr&eacute;vue par le hasard d&rsquo;une actualit&eacute; tragique. Le lendemain d&rsquo;une fusillade par des <em>garimpeiros</em> (chercheurs d&rsquo;or) contre une communaut&eacute; indig&egrave;ne de Yanomamis qui avait emp&ecirc;ch&eacute; la livraison et br&ucirc;l&eacute; l&rsquo;essence n&eacute;cessaire &agrave; leur campement, Mosse et son &eacute;quipe arrivaient sur place et tombaient sur Adneia.</p>
<p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1705487011_richardmossecapturetireedebrokenspectreroraimasigaerienmultispectralrichardmosse.jpg" class="img-responsive img-fluid center " /></p>
<h4><em>La rivi&egrave;re Uraricoera dans l&rsquo;&eacute;tat de Rond&ocirc;nia, berceau de la communaut&eacute; Yanomami, est au c&oelig;ur de la ru&eacute;e pour l&rsquo;or cautionn&eacute;e du temps de Bolsonaro et combattue par Lula.</em></h4>
<p>Pendant de longues minutes ininterrompues (&agrave; part pour le changement de pellicules par Tweeten pris au d&eacute;pourvu et en manque de stock), la jeune <em>mater dolorosa</em> livre une diatribe cinglante.&nbsp;&laquo;Bolsonaro, cette terre n&rsquo;est pas la tienne, ce n&rsquo;est pas toi qui a mis la rivi&egrave;re l&agrave;. Esp&egrave;ce de parasite, reprends toute ta salet&eacute;.&nbsp;Tu nous fais souffrir.&nbsp;Envoie-nous l&rsquo;arm&eacute;e pour nous prot&eacute;ger des envahisseurs, nous voulons que nos enfants dorment la nuit.&raquo;&nbsp;Malaria, diarrh&eacute;e, le mercure qui pollue l&rsquo;eau, les Yanomamis n&rsquo;ont m&ecirc;me plus de centre m&eacute;dical. La mortalit&eacute; enfantine est &eacute;lev&eacute;e.</p>
<p>Puis, le regard droit dans l&rsquo;objectif, elle s&rsquo;adresse &agrave; nous: &laquo;Vous les blancs, ouvrez les yeux, ouvrez vos cerveaux. Nos enfants souffrent, &ccedil;a fend le c&oelig;ur!&raquo; La cam&eacute;ra continue de tourner autour d&rsquo;elle pendant qu&rsquo;elle se ressaisit dans la douleur. La sc&egrave;ne est bouleversante.</p>
<p>Mosse admet que &laquo;Broken Spectre&raquo; est son premier film activiste. Il n&rsquo;a pas la certitude d&rsquo;un lien de cause &agrave; effet, mais quand John Kerry, l&rsquo;envoy&eacute; sp&eacute;cial des Etats-Unis pour le climat de l&rsquo;administration Biden, a rencontr&eacute; Luiz In&aacute;cio Lula da Silva le pr&eacute;sident br&eacute;silien fra&icirc;chement &eacute;lu, il a demand&eacute; &agrave; recevoir le lien du film de Mosse qu&rsquo;il venait de d&eacute;couvrir &agrave; Londres (le film a &eacute;t&eacute; pr&eacute;sent&eacute; en Angleterre, Australie et les EU). Tr&egrave;s peu de temps apr&egrave;s, l&rsquo;arm&eacute;e br&eacute;silienne est intervenue pour emp&ecirc;cher l&rsquo;activit&eacute; des <em>garimpeiros</em> dans la r&eacute;gion.</p>
<p>&laquo;C&rsquo;est pr&eacute;cis&eacute;ment ce que demandait Adneia!&nbsp;Cela d&eacute;montre le pouvoir de l&rsquo;art&raquo;, dit Mosse, enthousiaste.</p>
<p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1705487284_richardmosselausannenovembre2023.jpg" class="img-responsive img-fluid center " width="461" height="412" /></p>
<blockquote>
<h4><em>Richard Mosse, Lausanne, novembre 2023.</em></h4>
</blockquote>
<p>Issu d&rsquo;une famille Quaker irlandaise et pacifiste, Mosse, la quarantaine juv&eacute;nile, vit &agrave; pr&eacute;sent &agrave; New York. Il qualifie ce film difficile, film&eacute; sur 3 ans de 2019 &agrave; 2022, par &eacute;pisodes de six &agrave; huit semaines, son &laquo;chemin de croix&raquo;.&nbsp;</p>
<blockquote>
<p><em>&laquo;La d&eacute;forestation se produit en direct. C'est maintenant qu'il faut l&rsquo;arr&ecirc;ter&raquo;.</em></p>
</blockquote>
<h3>Apr&egrave;s-propos</h3>
<p>Dans un article du <em><a href="https://www.theguardian.com/world/2023/dec/27/mining-on-rise-again-in-amazon-says-yanomami-leader" target="_blank" rel="noopener">Guardian </a></em> du 27 d&eacute;cembre 2023, David Kopenawa, l&rsquo;activiste shaman Yanomami, se lamente du retour des mineurs malgr&eacute; la campagne d&rsquo;&eacute;viction du gouvernement. Les antennes paraboliques Starlink permettraient aux criminels d&rsquo;y &eacute;chapper. Lula a depuis command&eacute; une intensification des efforts.</p>
<p><strong>T&eacute;moignage de David Frost, le compositeur de la bande sonore &agrave; la fois organique et spectrale de &laquo;Broken Spectre&raquo;</strong></p>
<p>&laquo;Au cours des trois derni&egrave;res ann&eacute;es, Richard Mosse, Trevor Tweeten et moi-m&ecirc;me avons parcouru l'Amazonie pour documenter sa destruction. Les r&eacute;sultats de cette documentation sont devenus le nouveau film de Richard, Broken Spectre.</p>
<p>Durant cette p&eacute;riode, j&rsquo;ai &eacute;t&eacute; t&eacute;moin d&rsquo;incendies si vastes qu&rsquo;ils masquaient le soleil. J'ai vu des b&ucirc;cherons ill&eacute;gaux abattre des arbres vieux de 700 ans et j'ai entendu le silence troublant de la for&ecirc;t qui a suivi. J&rsquo;ai vu des rivi&egrave;res empoisonn&eacute;es par le mercure et de vastes &eacute;tendues de for&ecirc;t d&eacute;cim&eacute;es pour la promesse de quelques grains d&rsquo;or par de jeunes mineurs cherchant ill&eacute;galement fortune dans les territoires autochtones. J'ai enregistr&eacute; des v&eacute;t&eacute;rinaires b&eacute;n&eacute;voles traitant des br&ucirc;lures au troisi&egrave;me degr&eacute; sur les pattes d'un Jaguar anesth&eacute;si&eacute;; des blessures inflig&eacute;es par des &eacute;leveurs enhardis cherchant &agrave; produire davantage de b&oelig;uf destin&eacute; &agrave; l'exportation sur les restes fumants de sa maison dans une zone humide. Tout cela parce que "l&rsquo;homme dominera"&raquo;.</p>
<hr />
<h4><a href="https://elysee.ch/expositions/richard-mosse-broken-spectre/" target="_blank" rel="noopener">&laquo;Broken Spectre&raquo;</a>, Richard Mosse, Photo Elys&eacute;e, Lausanne, jusqu'au 25 f&eacute;vrier 2024. L'exposition est accompagn&eacute;e d'un catalogue &eacute;ponyme co-&eacute;dit&eacute; par Loose Joints, 180 Studios et Converge45.</h4>
<h4>Pour aller plus loin: <a href="https://vimeo.com/896479230%20%20" target="_blank" rel="noopener">Richard Mosse - Broken Spectre - Vimeo&nbsp;</a></h4>',
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<p>Lac&eacute;r&eacute;es, trou&eacute;es, gribouill&eacute;es, d&eacute;coup&eacute;es, recompos&eacute;es ou encore recolor&eacute;es, les 458 photos pr&eacute;sent&eacute;es dans le cadre de l&rsquo;exposition <em>Photomachin&eacute;es, </em>ont quelque chose de d&eacute;rangeant, quand elles ne font pas sourire. A qui appartenaient ces mains qui ont transform&eacute;, d&eacute;tourn&eacute;, enjoliv&eacute;, parfois m&ecirc;me viol&eacute; ces images, leur donnant un statut forc&eacute;ment &eacute;trange qui appelle le regard (voir la galerie de photos)?</p>
<p>Chin&eacute;es dans un nombre &laquo;incalculable&raquo; de brocantes par les collectionneurs parisiens, Antoine Gentil &ndash;&nbsp;&eacute;galement commissaire de l&rsquo;exposition et co-auteur du catalogue &ndash;&nbsp;et Lucas Reitalov, ces photos composent un ensemble qui ne trouve son sens qu&rsquo;&agrave; travers les nombreuses cat&eacute;gories, autant de n&eacute;ologismes cr&eacute;&eacute;s par les donateurs, dans lesquelles se glissent les images, comme &laquo;photopr&eacute;lev&eacute;es&raquo;, &laquo;photofusionn&eacute;es&raquo; ou &laquo;photof&eacute;tichis&eacute;es&raquo;. Il y en a plus de vingt, r&eacute;arrang&eacute;es dans quatre familles.</p>
<h3><strong>Quel lien avec l&rsquo;art brut?</strong></h3>
<p>Pour autant, il y a un certain risque &agrave; sugg&eacute;rer que la photo, par le seul fait d&rsquo;avoir &eacute;t&eacute; d&eacute;tourn&eacute;e de sa fonction premi&egrave;re, s&rsquo;apparente &agrave; l&rsquo;art brut. A part <a href="https://www.artbrut.ch/fr_CH/exposition/morton-bartlett" target="_blank" rel="noopener">Morton Bartlett</a> qui a peupl&eacute; son monde fantasmagorique de photos de poup&eacute;es id&eacute;alis&eacute;es, et de quelques photos incluses dans des &oelig;uvres disparates, les auteurs d&rsquo;art brut se sont tr&egrave;s peu int&eacute;ress&eacute;s &agrave; la photo.</p>
<p>Pour &eacute;clairer son choix de pr&eacute;senter la collection de photos &laquo;machin&eacute;es&raquo;, Sarah Lombardi, la directrice du mus&eacute;e, explique que ces objets ont en commun d&rsquo;avoir &eacute;t&eacute; r&eacute;alis&eacute;s par la libert&eacute; de geste d&rsquo;autodidactes et n&rsquo;&eacute;taient pas destin&eacute;s &agrave; &ecirc;tre vus. Ils correspondraient fondamentalement &agrave; la notion d&rsquo;art brut d&eacute;finie par Jean Dubuffet qui disait par ailleurs pr&eacute;f&eacute;rer &laquo;les petites &oelig;uvres qui sonnent&hellip; aux &oelig;uvres monumentales d&rsquo;illustres professionnels&raquo;.</p>
<p>D&egrave;s 1949, &agrave; l&rsquo;occasion de la premi&egrave;re exposition publique d&rsquo;&oelig;uvres de W&ouml;lfli, Alo&iuml;s, Forestier et Hernandez &agrave; Paris &ndash;&nbsp;et qui formerait le c&oelig;ur de la Collection offerte &agrave; Lausanne en 1972 &ndash;&nbsp;il pr&eacute;cisait:</p>
<blockquote>
<p>&laquo;Nous entendons par l&agrave; (art brut) des ouvrages ex&eacute;cut&eacute;s par des personnes indemnes de culture artistique, dans lesquels donc le mim&eacute;tisme &hellip; ait peu ou pas de part, de sorte que leurs auteurs y trient tout (sujets, choix des mat&eacute;riaux mis en &oelig;uvre, moyens de transposition, rythmes, fa&ccedil;on d&rsquo;&eacute;criture, etc.) de leur propre fonds et non pas des poncifs de l&rsquo;art classique&hellip;&raquo; (Jean Dubuffet)</p>
</blockquote>
<p>Les compositions qui remplissent les vitrines de Lausanne, aussi maladroites soient-elles, entreraient dans cette d&eacute;finition, &agrave; la diff&eacute;rence pr&egrave;s qu&rsquo;il est difficile de parler d&rsquo;art.</p>
<p>De fait, la cat&eacute;gorie &laquo;neuve invention&raquo;, admise par Dubuffet, correspond mieux &agrave; cet ensemble de photos intimes qui n'ont rien en commun, sinon d'avoir &eacute;t&eacute; trafiqu&eacute;es. Leur ph&eacute;nom&egrave;ne unique, rappelle toutefois Sarah Lombardi, c&rsquo;est qu&rsquo;elles n&rsquo;&eacute;taient pas destin&eacute;es &agrave; sortir de l&rsquo;anonymat.&nbsp;</p>
<h3><strong>Le r&ocirc;le des collectionneurs</strong></h3>
<p>Du coup, le r&ocirc;le des collectionneurs prend une autre dimension. Combien d&rsquo;images gisent-elles dans des cartons au fond d&rsquo;armoires poussi&eacute;reuses, destin&eacute;es &agrave; la destruction certaine. L&rsquo;&egrave;re du papier a c&eacute;d&eacute; sa place &agrave; l&rsquo;image virtuelle.</p>
<p>Il y a donc quelque chose de magn&eacute;tique dans la volont&eacute; de Gentil et Reitalov d&rsquo;arracher ces photos &agrave; l&rsquo;inexistence programm&eacute;e. Leur d&eacute;marche est obsessionnelle, irr&eacute;ductible, na&iuml;ve, presque enfantine, au point qu&rsquo;il serait l&eacute;gitime de se demander si ce n&rsquo;est pas eux qui produisent de l&rsquo;art brut.</p>
<p>Avant d&rsquo;ouvrir son magasin de seconde-main &agrave; Pigalle, Antoine Gentil avait r&eacute;alis&eacute; des &eacute;tudes de math&eacute;matiques et de statistiques. Du haut de ses 37 ans, il a un c&ocirc;t&eacute; illumin&eacute; quand il parle de ses passions. Il pr&eacute;cise que son int&eacute;r&ecirc;t pour l&rsquo;art brut a d&eacute;marr&eacute; un mercredi&hellip;</p>
<p>L&rsquo;exercice des deux comparses dans l&rsquo;aventure des Photomachin&eacute;es met en lumi&egrave;re une &eacute;tape fondamentale du d&eacute;veloppement humain: la cr&eacute;ation de la photographie introduisait la possibilit&eacute; d&rsquo;assurer sa propre p&eacute;rennit&eacute;, un privil&egrave;ge qui &eacute;tait r&eacute;serv&eacute; jusqu&rsquo;alors aux fortun&eacute;s dont les portraits &eacute;taient dessin&eacute;s ou peints sur commande. D&egrave;s le milieu du XIX&egrave;me si&egrave;cle, la vulgarisation de la photo permettait l&rsquo;appropriation de l&rsquo;image, une notion que l&rsquo;exposition &agrave; la Collection de l&rsquo;art brut amplifie. Soudain, les femmes et les hommes avaient le pouvoir non seulement de documenter la r&eacute;alit&eacute;, mais &eacute;galement de la transformer. A l&rsquo;&egrave;re d&rsquo;Instagram, cette v&eacute;rit&eacute; trouve toute sa r&eacute;sonance.</p>
<p>&laquo;Photomachin&eacute;es&raquo; est une exposition ni particuli&egrave;rement belle, ni m&eacute;morable, mais elle arrive &agrave; la fin du r&egrave;gne du papier et de l&rsquo;argentique. Sa valeur tient aux interventions humaines souvent absurdes qui retiennent de l&rsquo;oubli un mat&eacute;riel vou&eacute; &agrave; la disparition.</p>
<p>&laquo;On avance dans une narration, indique Antoine Gentil, ces photos ont le dernier mot &agrave; partir de la main&raquo;.</p>
<hr />
<h4><a href="https://www.artbrut.ch/fr_CH/exposition/photomachinees" target="_blank" rel="noopener">&laquo;Photomachin&eacute;es&raquo;</a>, Collection de l'Art brut, Lausanne, jusqu&rsquo;au 27 ao&ucirc;t 2023.</h4>
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L'outil de marketing est imparable: comment résister à la beauté? Le thème se prête encore à une déclinaison qui caresse le sens et l'œil. L'exposition est ainsi découpée en plusieurs chapitres: lignes contrôlées ou spontanées (comprenez les structures), lignes courbes (suivez le corps) et abstractions (la photo se lâche!). Oui, c'est un peu recherché, mais ça marche.

Fil conducteur

Sinon, par où commencer? La collection Gilman and Gonzalez-Falla, commencée dans les années 70, comprend plus de 1500 tirages originaux par les plus grands noms de la photographie des 20^e et 21^esiècles. En choisissant le fil conducteur de la ligne, les curatrices sollicitent la tranquillité du regard dans l'harmonie des salles de l'Elysée.

La question et la réponse en même temps

Depuis qu'elle a repris les rênes du musée en 2015, la directrice de l'Élysée, Tatyana Franck, interroge le statut de la photographie dans la révolution numérique. Comment regarder le miroir de l'humanité et de notre temps à l'ère digitale et des selfies? La stratégie de la jeune trentenaire consiste à apporter la question et la réponse en même temp.:

Elle a choisi de présenter une ferveur traduite en collection qui donne ses lettres de noblesse à la photo. Quand Sondra Gilman a acheté trois photos par Atget lorsqu'elle était encore étudiante, elle ne savait pas encore qu'une passion venait de naître. La beauté des lignes retenue à l'Elysée se passe du discours du comment et le pourquoi de la photo. Ici, nous sommes simplement en présence d'un appétit inconditionnel pour la beauté que la réalité est capable de générer à travers une pose/pause sur image.

Les thèmes ont la côte, ils sont tellement rassurants.

La beauté des lignes, Chefs-d'œuvre de la collection Sondra Gilman et Celso Gonzalez-Falla. Curatrices: Tatyana Frank et Pauline Martin. Musée de l'Elysée à Lausanne. Jusqu'au 6 mai 2018.

787

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</p><h3>La question et la réponse en même temps</h3><p>Depuis qu'elle a repris les rênes du musée en 2015, la directrice de l'Élysée, Tatyana Franck, interroge le statut de la photographie dans la révolution numérique. Comment regarder le miroir de l'humanité et de notre temps à l'ère digitale et des selfies? La stratégie de la jeune trentenaire consiste à apporter la question et la réponse en même temp.:
</p><p>Elle a choisi de présenter une ferveur traduite en collection qui donne ses lettres de noblesse à la photo. Quand Sondra Gilman a acheté trois photos par Atget lorsqu'elle était encore étudiante, elle ne savait pas encore qu'une passion venait de naître. La beauté des lignes retenue à l'Elysée se passe du discours du comment et le pourquoi de la photo. Ici, nous sommes simplement en présence d'un appétit inconditionnel pour la beauté que la réalité est capable de générer à travers une pose/pause sur image.
</p> 
<p>Les thèmes ont la côte, ils sont tellement rassurants.
</p>
<p><em><strong></strong></em></p><p></p><hr><p></p><p><em>La beauté des lignes, Chefs-d'œuvre de la collection Sondra Gilman et Celso Gonzalez-Falla</em>. Curatrices: Tatyana Frank et Pauline Martin. <a href="http://www.elysee.ch/fr/accueil/">Musée de l'Elysée</a>&nbsp;à Lausanne. Jusqu'au 6 mai 2018. <br></p>',
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</p><h3>La question et la réponse en même temps</h3><p>Depuis qu'elle a repris les rênes du musée en 2015, la directrice de l'Élysée, Tatyana Franck, interroge le statut de la photographie dans la révolution numérique. Comment regarder le miroir de l'humanité et de notre temps à l'ère digitale et des selfies? La stratégie de la jeune trentenaire consiste à apporter la question et la réponse en même temp.:
</p><p>Elle a choisi de présenter une ferveur traduite en collection qui donne ses lettres de noblesse à la photo. Quand Sondra Gilman a acheté trois photos par Atget lorsqu'elle était encore étudiante, elle ne savait pas encore qu'une passion venait de naître. La beauté des lignes retenue à l'Elysée se passe du discours du comment et le pourquoi de la photo. Ici, nous sommes simplement en présence d'un appétit inconditionnel pour la beauté que la réalité est capable de générer à travers une pose/pause sur image.
</p> 
<p>Les thèmes ont la côte, ils sont tellement rassurants.
</p>
<p><em><strong></strong></em></p><p></p><hr><p></p><p><em>La beauté des lignes, Chefs-d'œuvre de la collection Sondra Gilman et Celso Gonzalez-Falla</em>. Curatrices: Tatyana Frank et Pauline Martin. <a href="http://www.elysee.ch/fr/accueil/">Musée de l'Elysée</a>&nbsp;à Lausanne. Jusqu'au 6 mai 2018. <br></p>',
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		'content' => '<p>Marie du Bouchet, philosophe, ancienne productrice &agrave; France Culture, auteure de la monographie <em>Nicolas de Sta&euml;l. Une illumination sans pr&eacute;c&eacute;dent </em>(2003), coordinatrice du Comit&eacute; Nicolas de Sta&euml;l et conseill&egrave;re scientifique de l&rsquo;exposition, est la fille d&rsquo;Anne de Sta&euml;l (1942), la fille que Nicolas de Sta&euml;l (1914-55) a eue avec Jeannine Guillou (1909-46), une artiste fran&ccedil;aise qu&rsquo;il avait rencontr&eacute;e au Maroc en 1937 et qui a jou&eacute; un r&ocirc;le d&eacute;terminant dans la vocation et l&rsquo;&eacute;volution du peintre.</p>
<p>Cet article compl&egrave;te <a href="https://bonpourlatete.com/culture/nicolas-de-stael-la-lumiere-vorace" target="_blank" rel="noopener">Nicolas de Sta&euml;l, la lumi&egrave;re vorace,</a> paru le 8 mars.</p>
<p><strong>Mich&egrave;le Laird: A force de chercher, de toujours se renouveler, Nicolas de Sta&euml;l manquait-il de confiance&nbsp;en lui-m&ecirc;me?</strong></p>
<p><strong>Marie du Bouchet</strong>: Non, il &eacute;tait tr&egrave;s s&ucirc;r de lui. Il avait le don de la certitude: il savait qu&rsquo;il avait quelque chose en lui.&nbsp;D&egrave;s son jeune &acirc;ge, il a cherch&eacute; &agrave; convaincre ses parents adoptifs d&rsquo;avoir confiance en son choix de devenir artiste, malgr&eacute; les r&eacute;ticences du p&egrave;re qui voulait qu&rsquo;il devienne ing&eacute;nieur, comme lui.</p>
<p><strong>Par artiste, entendez-vous peintre? </strong></p>
<p>Pas seulement. On se rend compte dans ses &eacute;crits de jeunesse, alors qu&rsquo;il est en train de se constituer en tant qu&rsquo;artiste peintre, que l&rsquo;&eacute;criture reste tr&egrave;s importante puisqu&rsquo;il d&eacute;crit toutes ses sensations.</p>
<p>Dans une &eacute;dition r&eacute;cente des textes qu&rsquo;il a &eacute;crits lors d&rsquo;un voyage au Maroc et qui n&rsquo;ont que r&eacute;cemment &eacute;t&eacute; trouv&eacute;s (<em>Le voyage au Maroc</em>, Nicolas de Sta&euml;l, Editions Arl&eacute;a, 2023), on d&eacute;couvre qu&rsquo;&agrave; 23 ans il &eacute;tait d&eacute;j&agrave; capable d&rsquo;exprimer un profond sentiment de la vie et qu&rsquo;il percevait toutes les possibilit&eacute;s de la lumi&egrave;re. On voit la pr&eacute;sence de sa future palette dans ses textes. C&rsquo;est comme s&rsquo;il constituait le tissu de sa perception.</p>
<p><strong>Votre monographie nous apprend son immense culture, qui n&rsquo;&eacute;tait pas r&eacute;serv&eacute;e &agrave; la peinture.</strong></p>
<p>Lecteur vorace, il aimait lire &agrave; voix haute &agrave; sa famille, Rimbaud, Baudelaire, Racine, Mallarm&eacute;&hellip; Il demandait m&ecirc;me &agrave; sa fille Anne, ma m&egrave;re, de faire comme lui. Il avait ce rapport &agrave; l&rsquo;oralit&eacute; et depuis toujours.</p>
<p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w678c16-9/1710970128_vuedexpositiondestaelfondationdelhermitage.jpg" /></p>
<h4 style="text-align: center;"><em>Vue d'exposition de Sta&euml;l, Fondation de l'Hermitage, Po&egrave;mes. &copy; M.L.</em></h4>
<p><strong>En 1951, de l&rsquo;amiti&eacute; intense entre de Sta&euml;l et Ren&eacute; Char na&icirc;tra <em>Po&egrave;mes</em>, un livre o&ugrave; quatorze gravures sur bois de l&rsquo;artiste dialoguent avec les textes du po&egrave;te, ici dans l'exposition.</strong></p>
<p>La musique a &eacute;galement beaucoup compt&eacute; pour lui, m&ecirc;me si, curieusement, il ne peignait jamais en l&rsquo;&eacute;coutant. Son int&eacute;r&ecirc;t pour les musiques vivantes le conduisait aux concerts du domaine musical tenu par Suzanne T&eacute;zenas &agrave; Paris avec Pierre Boulez. Sa derni&egrave;re toile, <em>Le Concert</em>, 1955, immense (6 m de large), inachev&eacute;e, a du reste &eacute;t&eacute; r&eacute;alis&eacute;e au retour d&rsquo;un concert de musique contemporaine, juste avant sa mort.</p>
<p><strong>Sa vaste correspondance, donne-t-elle des cl&eacute;s pour le comprendre?</strong></p>
<p>C&rsquo;est assez particulier, c&rsquo;est comme s&rsquo;il avait invent&eacute; sa propre langue tellement il voulait dire les choses exactement, comme il les ressentait. Il &eacute;crivait au rythme de sa pens&eacute;e. Il se passe dans ses lettres&nbsp;exactement ce qui se passe dans sa peinture: il nous donne un moyen tr&egrave;s pr&eacute;cis d&rsquo;entrer dans ses motivations int&eacute;rieures. Il nous donne &agrave; lire, exactement comme il nous donne &agrave; voir.</p>
<p><em>Ndlr: </em>Lettres 1926-1955 de Nicolas de Sta&euml;l<em> (pr&eacute;sentation, commentaires et notes de Germain Viatte), &eacute;dition augment&eacute;e 2016, Le Bruit du Temps. Lecture vivement recommand&eacute;e, 700 pages.</em></p>
<p><strong>Cherchait-il la c&eacute;l&eacute;brit&eacute;?</strong></p>
<p>Non, il &eacute;tait heureux de son succ&egrave;s, mais ce n&rsquo;est pas cela qu&rsquo;il cherchait, sinon il n&rsquo;aurait peut-&ecirc;tre pas pu s&rsquo;approcher de ce qu&rsquo;il avait &agrave; dire.</p>
<p><strong>Etait-il dans la s&eacute;duction?</strong></p>
<p>Oui, il a accept&eacute; le jeu de la c&eacute;l&eacute;brit&eacute;, mais en se pr&eacute;servant la force pour travailler. Il avait besoin des autres, il ne vivait pas en reclus, mais il ne cherchait pas &agrave; r&eacute;pondre aux attentes de ses amis.</p>
<p><strong>Etait-il solitaire? </strong></p>
<p>Un vrai solitaire, pour moi, c&rsquo;est quelqu&rsquo;un qui a besoin de personne. Ce n&rsquo;&eacute;tait pas son cas.&nbsp;Le paradoxe, c&rsquo;est qu&rsquo;il avait &agrave; la fois cette perception intime, qui lui appartenait, mais il avait besoin d&rsquo;&ecirc;tre dans le partage; il ressentait en permanence la n&eacute;cessit&eacute; d&rsquo;&ecirc;tre dans un dialogue avec ses proches et en lien avec le monde. Par exemple, avec son ami Jean Bauret, &agrave; qui il montrait ce qu&rsquo;il avait peint pour avoir son avis.</p>
<p><strong>Comment expliquez-vous sa singularit&eacute;?</strong></p>
<p>Il a trouv&eacute; des rapports de couleur que personne ne savait faire. Son int&eacute;r&ecirc;t pour les mosa&iuml;ques byzantines &ndash; ces tesselles o&ugrave; les couleurs s&rsquo;expriment sur celles qui sont sous-jacentes, qui sont constamment mises en rapport les unes avec les autres &ndash;&nbsp;cela a donn&eacute; une mobilit&eacute; &agrave; ses &oelig;uvres.</p>
<p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w678c16-9/1710969008_destaelfleursdetailparis1952huilesurtoilecollectionparticuliere.jpg" /></p>
<h4 style="text-align: center;"><em>Nicolas de Sta&euml;l, "Fleurs" (d&eacute;tail), Paris, 1952, Huile sur toile, collection particuli&egrave;re</em></h4>
<p><strong>Cette singularit&eacute;, a-t-elle pos&eacute; un probl&egrave;me aux conservateurs et aux historiens de l&rsquo;art?</strong></p>
<p>De Sta&euml;l a toujours suscit&eacute; des doutes de la part des conservateurs qui se sentent mal &agrave; l&rsquo;aise face &agrave; une singularit&eacute; et &agrave; un propos pictural absolument unique, inclassable. Mais, les choses sont en train de changer avec ces r&eacute;trospectives. Le public, lui, n&rsquo;a jamais &eacute;t&eacute; d&eacute;rang&eacute; par le fait que de Sta&euml;l n&rsquo;appartenait &agrave; aucune &eacute;cole.</p>
<p><strong>Son retour &agrave; la figuration, apr&egrave;s sa p&eacute;riode d&rsquo;abstraction, en a pourtant d&eacute;rout&eacute; plus d&rsquo;un.</strong></p>
<p>Pour moi, il s&rsquo;agissait d&rsquo;une &eacute;volution naturelle de sa peinture, pas forc&eacute;ment d&rsquo;un retour &agrave; la figuration, mais d&rsquo;une exploration de formes. Du reste, chez ce peintre-l&agrave;, m&ecirc;me l&rsquo;abstraction reste ancr&eacute;e d&rsquo;une fa&ccedil;on tr&egrave;s particuli&egrave;re dans le r&eacute;el, dans l&rsquo;observation de la lumi&egrave;re et de la structure d&rsquo;un espace r&eacute;el. C&rsquo;est vraiment le propre de son abstraction. Il &eacute;tait toujours &agrave; la limite de quelque chose de tr&egrave;s concret.</p>
<p><strong>Quelle &eacute;tait la place du dessin dans ses explorations?</strong></p>
<p>Il travaillait le dessin et la peinture concomitamment, c&rsquo;&eacute;tait vraiment un dialogue, sans que le croquis ne soit n&eacute;cessairement pr&eacute;paratoire. Si le trait du dessin contient toute l&rsquo;&eacute;nergie de sa peinture, cela tient &agrave; sa capacit&eacute; de synth&egrave;se &ndash;&nbsp;cette synth&egrave;se que l&rsquo;artiste sait &eacute;tablir. On la retrouve dans ses dessins.</p>
<p>Il cherchait toujours cette lumi&egrave;re qui surgit du fond de la toile, ou du fond de la page du dessin. On peut dire que la simplicit&eacute; du trait va lui permettre de travailler ce rapport &agrave; la lumi&egrave;re qu&rsquo;il va poursuivre &agrave; travers la peinture.</p>
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<h4>Lors d&rsquo;un voyage en Italie r&eacute;alis&eacute; en ao&ucirc;t 1953 avec sa famille, et deux amies, dont Jeanne Polge, de Sta&euml;l ne peint pas, il dessine.&nbsp; A son retour, ces croquis formeront la base des paysages d&rsquo;Agrigente et Syracuse r&eacute;alis&eacute;s avec des aplats de teintes &eacute;clatantes.</h4>
<h4 style="text-align: center;"><em>Nicolas de Sta&euml;l, Sicile, dessin&eacute; sur le motif, 1953, Stylo-feutre sur papier, 32,2 x 26,2, collection particuli&egrave;re</em></h4>
<p><strong>Peut-&ecirc;tre que je me trompe, mais je n&rsquo;ai trouv&eacute; aucune ombre dans ses tableaux.</strong></p>
<p>Si on prend <em>Les Poissons</em>, 1955, comme exemple, il y a des t&acirc;ches noires qui pourraient &ecirc;tre des ombres. Mais, c&rsquo;est vrai, s&rsquo;il y a ombre, elle prend une forme qu&rsquo;on ne reconnait pas; elle devient un &eacute;cho, un ricochet &agrave; l&rsquo;objet, elle ne sert pas &agrave; l&rsquo;inscrire par rapport &agrave; une position. J&rsquo;ai l&rsquo;impression qu&rsquo;il avait une fa&ccedil;on de poser les objets d&rsquo;une fa&ccedil;on finalement assez m&eacute;taphysique: il transpose notre r&eacute;el dans un espace pictural, il r&eacute;ussit &agrave; faire exister ces formes <em>dans le monde de la peinture.</em></p>
<p><strong>Il mesurait 1m97 et pourtant il travaillait sans chevalet.</strong></p>
<p>Oui, il &eacute;tait toujours repli&eacute;, accroupi, pour peindre ses toiles au sol. C&rsquo;est tr&egrave;s particulier et c&rsquo;est une r&eacute;flexion qu&rsquo;on peut avoir sur son rapport &agrave; la toile et m&ecirc;me au r&eacute;el. Il y a un lien en permanence au sol. Il avait d&rsquo;ailleurs toujours tr&egrave;s mal au dos.</p>
<p><strong>Les photos r&eacute;alis&eacute;es par Denise Colomb en 1954, devenues iconiques, nous laissent avec l&rsquo;image d&rsquo;un homme &eacute;l&eacute;gant, presque d&eacute;tach&eacute;.</strong></p>
<p>Cela peut surprendre, mais il avait en r&eacute;alit&eacute; une personnalit&eacute; rayonnante et tr&egrave;s joyeuse. C&rsquo;est pour cela d&rsquo;ailleurs qu&rsquo;on ne peut pas parler d&rsquo;un peintre d&eacute;sesp&eacute;r&eacute;. C&rsquo;&eacute;tait quelqu&rsquo;un de tr&egrave;s enthousiaste qui parlait tout le temps de joie, y compris dans sa correspondance. S&rsquo;il rencontrait des moments de remise en question, la peinture l&rsquo;entrainait vers la grande &eacute;nergie qu&rsquo;il recherchait, qu&rsquo;il percevait et dont il a su nous rendre compte. Les spectateurs le sentent tr&egrave;s bien aujourd&rsquo;hui encore.</p>
<p><strong>Comment se comportait-il avec son entourage?</strong></p>
<p>Il y avait beaucoup de bonheur dans son couple avec Fran&ccedil;oise <em>(Ndlr: de Sta&euml;l &eacute;pousa Fran&ccedil;oise Chapouton en 1946 apr&egrave;s le d&eacute;c&egrave;s de Jeannine Guillou, et avec laquelle il eut trois autres enfants)</em>, des d&eacute;jeuners passionnants, des sujets toujours essentiels, enflamm&eacute;s, donc je pense que &ccedil;a cr&eacute;e une vie extraordinairement dense et enlev&eacute;e pour ceux qui vivent dedans.</p>
<p>En m&ecirc;me temps, il pouvait &ecirc;tre tr&egrave;s col&eacute;rique, voulant les choses telles qu&rsquo;il les concevait au moment-m&ecirc;me, et s&rsquo;il y avait de la r&eacute;sistance, il le supportait mal. Comme l&rsquo;explique ma m&egrave;re, Anne de Sta&euml;l, il &eacute;tait toujours en effraction, il for&ccedil;ait les choses. &Ccedil;a, c&rsquo;est un trait de caract&egrave;re qui peut rendre les choses difficiles pour l&rsquo;entourage.</p>
<p><strong>Ce qui frappe dans sa correspondance, c&rsquo;est combien il se pr&eacute;occupait des autres.</strong></p>
<p>Il avait une grande tendresse pour s&rsquo;adresser &agrave; la m&egrave;re de Fran&ccedil;oise et &agrave; sa grand-m&egrave;re; en fait, il les adoptait, pour sans doute se faire adopter lui-m&ecirc;me, en tant qu&rsquo;orphelin&hellip; Il &eacute;tait absolument charmant. Tout le monde l&rsquo;aimait beaucoup. Il n&rsquo;&eacute;tait pas du tout le genre d&rsquo;artiste &agrave; qui on ne pouvait pas s&rsquo;adresser, qui restait dans son mutisme. Il donnait &eacute;norm&eacute;ment &agrave; tous ceux qui l&rsquo;entouraient.</p>
<p><strong>N&rsquo;a-t-il jamais eu un sentiment d&rsquo;&eacute;chec pendant ses ann&eacute;es de mis&egrave;re?</strong></p>
<p>Jamais, il &eacute;tait comme tir&eacute; par la direction dans laquelle il allait. Le d&eacute;roulement &eacute;tait tr&egrave;s logique. M&ecirc;me dans le d&eacute;nuement le plus total pendant la guerre, il n&rsquo;en a jamais d&eacute;vi&eacute;.</p>
<p><strong>Ressentez-vous sa pr&eacute;sence dans sa peinture?</strong></p>
<p>C&rsquo;est curieux comme question, mais il est vrai que l&rsquo;on peut avoir l&rsquo;impression d&rsquo;&ecirc;tre en sa pr&eacute;sence devant ses tableaux. Sans doute est-ce l&rsquo;effet d&rsquo;une &eacute;motion ind&eacute;finissable face &agrave; un &eacute;lan artistique qui ne ressemble &agrave; aucun autre.</p>
<p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w678c16-9/1710969451_destaelpaysageavecfiguresdetail1952huilesurcarton12x22cm.jpg" /></p>
<h4 style="text-align: center;"><em>Nicolas de Sta&euml;l, "Paysage avec figures" (d&eacute;tail) 1952, huile sur carton, 12 x 22 cm</em></h4>
<p><strong>Aidez-nous &agrave; comprendre ce qui a men&eacute; &agrave; son suicide. Votre maman, Anne de Sta&euml;l &ndash;&nbsp;qui n&rsquo;avait que 13 ans quand son p&egrave;re est mort et &agrave; qui il a adress&eacute; sa derni&egrave;re lettre &ndash;&nbsp;explique que l&rsquo;histoire d&rsquo;amour malheureuse avec Jeanne Polge &eacute;tait une cl&eacute;, mais pas la cause de sa disparition.</strong></p>
<p>Nicolas de Sta&euml;l n&rsquo;&eacute;tait jamais dans la gratuit&eacute;, il tendait toujours vers l&rsquo;essentiel. Une telle intensit&eacute; pouvait-elle durer? C&rsquo;est fatiguant dix ans de recherches constantes, tous les jours sans r&eacute;pit.</p>
<p><em>Ndlr: plus de 1'000 tableaux et autant de dessins, dont 250 par ann&eacute;e juste avant sa mort.</em></p>
<p>On peut comprendre son &eacute;puisement.</p>
<p>Le suicide &eacute;tait pr&eacute;sent dans sa vie, il en &eacute;tait fascin&eacute;. Peut-&ecirc;tre ne se voyait-il pas en vieux peintre. Il avait bien pr&eacute;par&eacute; son d&eacute;part; il &eacute;tait pass&eacute; chez le notaire avant son d&eacute;part pour prot&eacute;ger sa fille, Anne, n&eacute;e en dehors du mariage. Peut-on parler d&rsquo;un acte d&eacute;sesp&eacute;r&eacute;?</p>
<p><strong>Il &eacute;crivait dans sa note d&rsquo;adieu &agrave; son marchand, Jacques Dubourg, le jour de sa mort, le 16 mars 1955, qu&rsquo;il n&rsquo;avait plus la force de parachever ses tableaux.</strong></p>
<p>Contrairement aux peintres qui ne nous donnent pas les mots pour comprendre, Nicolas de Sta&euml;l s&rsquo;est exprim&eacute; jusqu&rsquo;au bout.</p>
<p><strong>De Sta&euml;l est-il rest&eacute; plus intemporel que les autres? </strong></p>
<p>C&rsquo;est vrai, de Sta&euml;l a cette chose &eacute;tonnante, c&rsquo;est qu&rsquo;il reste &eacute;ternellement jeune. Il est d&rsquo;ailleurs mort jeune et c&rsquo;est comme si sa jeunesse &eacute;tait rest&eacute;e imprim&eacute;e dans sa peinture. On a d&rsquo;ailleurs l&rsquo;impression que certains tableaux ont &eacute;t&eacute; peints hier.</p>
<p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w678c16-9/1710969188_destaelbarquesauxmartigues19531954stylofeutresurpapiercollectionparticuliere.jpg" /></p>
<h4 style="text-align: center;"><em>Nicolas de Sta&euml;l, "Barques aux Martigues", 1953- 1954, Stylo-feutre sur papier, collection particuli&egrave;re</em></h4>
<hr />
<h4>Pour en savoir plus,&nbsp;<a href="https://www.rts.ch/play/tv/la-culture-en-films/video/nicolas-de-stal-la-peinture-a-vif?urn=urn:rts:video:14712006" target="_blank" rel="noopener">Nicolas de Sta&euml;l, la peinture &agrave; vif</a>, un documentaire r&eacute;alis&eacute; par Fran&ccedil;ois Levy Keuntz.</h4>
<h4>En partenariat avec le Mus&eacute;e d&rsquo;Art Moderne de Paris / Paris Mus&eacute;es.</h4>
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		'subtitle' => 'Le mythe a fait disparaître l’homme. Dans une exposition tout en finesse, la Fondation de l’Hermitage à Lausanne offre un regard nouveau sur Nicolas de Staël, l’artiste majeur du XXème siècle le moins bien compris. Traversées de lumière naturelle dans un cadre intimiste, ses œuvres renaissent et nous rapprochent d’un homme qui a échappé à son temps, et à lui-même. ',
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		'content' => '<p>Nicolas de Sta&euml;l a perc&eacute; la lumi&egrave;re. Regardez ses tableaux, vous ne verrez aucune ombre. Il est comme un astre dans un ciel de plans color&eacute;s. <em>&laquo;Me voil&agrave; pr&egrave;s de cette lumi&egrave;re vorace que tu connais bien&raquo; </em>&eacute;crivait-il &agrave; son ami le po&egrave;te Ren&eacute; Char en 1952.</p>
<p>Peintre infatigable de la luminance et de la vibration des couleurs, de Sta&euml;l s&rsquo;est donn&eacute; la mort en 1955 &agrave; l&rsquo;&acirc;ge de 41 ans. Eternel exil&eacute; de sa Russie natale, issu de l&rsquo;aristocratie militaire qui a fui la r&eacute;volution en 1917, orphelin &agrave; sept ans, de Sta&euml;l a men&eacute; une vie d&rsquo;une fr&eacute;n&eacute;sie extr&ecirc;me avec comme seule boussole son besoin de cr&eacute;er.</p>
<p>&laquo;C&rsquo;est notre James Dean &agrave; nous&raquo;, avance Pierre Wat, commissaire avec Charlotte Barat-Mabille des expositions de Sta&euml;l au Mus&eacute;e d&rsquo;art moderne de Paris et la Fondation de l&rsquo;Hermitage.</p>
<p>D&rsquo;une beaut&eacute; sauvage, photog&eacute;nique, immense avec son 1m97, le mythe de Sta&euml;l a d&eacute;vor&eacute; l&rsquo;homme. &laquo;L&rsquo;enjeu &eacute;tait de ramener le regard sur sa peinture&raquo;.</p>
<p>Si la r&eacute;cente exposition de Paris se pr&ecirc;tait &agrave; la v&eacute;n&eacute;ration d&rsquo;un artiste que le public a toujours aim&eacute;, celle de Lausanne nous rapproche de l&rsquo;intimit&eacute; de l&rsquo;homme, aid&eacute;e par le charme de l&rsquo;Hermitage.</p>
<p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1709151058_stael_parcdesprinces_1952scaled.jpg" class="img-responsive img-fluid center " /></p>
<h4 style="text-align: center;"><em>Le 10 avril 1952, de Sta&euml;l et sa femme Fran&ccedil;oise assistent au premier match de foot &eacute;clair&eacute; en nocturne au Parc des Princes. &laquo;Entre ciel et terre, sur l&rsquo;herbe rouge ou bleue une tonne de muscles voltige en plein oubli de soi avec toute la pr&eacute;sence que cela requiert en toute invraisemblance. Quelle Joie! Ren&eacute;, quelle joie!&raquo; Lettre &agrave; Ren&eacute; Char. Plusieurs tableaux sont n&eacute;s du choc ressenti et marquent le retour du peintre &agrave; la peinture figurative apr&egrave;s une p&eacute;riode d'abstraction de plusieurs ann&eacute;es.&nbsp;</em></h4>
<h4 style="text-align: center;">Nicolas de Sta&euml;l, "Parc des Princes", 1952. Huile sur toile, 200 &times; 350 cm.&nbsp;Collection particuli&egrave;re.&nbsp;Photo Christie&rsquo;s&nbsp;&copy; 2023, ProLitteris, Zurich</h4>
<p>&laquo;Ce n&rsquo;est pas une adaptation, mais une r&eacute;invention&raquo;, pr&eacute;cise Wat. Le nombre des &oelig;uvres pr&eacute;sent&eacute;es en Suisse a &eacute;t&eacute; r&eacute;duit de 200 &agrave; 105, dont 67 qui sortent de collections priv&eacute;es pour la premi&egrave;re fois, une raret&eacute;. De petites compositions prises sur le vif, &agrave; peine plus grandes qu&rsquo;une feuille de papier, veillent sur d&rsquo;immenses r&eacute;alisations, telles que les c&eacute;l&egrave;bres <em>Le Parc des Princes</em> et <em>Nu couch&eacute; bleu</em>.</p>
<p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1709151113_stael_lelavandou_1952scaled.jpg" class="img-responsive img-fluid center " /></p>
<h4 style="text-align: center;"><em>En mai 1952, de Sta&euml;l voyage dans le sud de la France. &laquo;La lumi&egrave;re est tout simplement fulgurante ici, bien plus que je m&rsquo;en souvenais. Je vous ferai des choses de mer, de plage, en menant l&rsquo;&eacute;clat jusqu&rsquo;au bout si tout va bien, et des choses d&rsquo;ombres nocturnes&raquo;. Lettre &agrave; son marchand, Jacques Dubourg, Le Lavandou, 31 mai 1952.</em></h4>
<h4 style="text-align: center;">Nicolas de Sta&euml;l, "Le Lavandou", 1952. Huile sur carton, 12 &times; 22 cm.&nbsp;Collection particuli&egrave;re.&nbsp;Photo Jean-Louis Losi&nbsp;&copy; 2023, ProLitteris, Zurich</h4>
<p>L&rsquo;harmonie de l&rsquo;accrochage ne laisse pas percevoir l&rsquo;urgence insens&eacute;e d&rsquo;un artiste qui a produit 90% de ses 1'100 tableaux et autant de dessins en dix ans, dont un quart vers la fin de sa vie. Au lieu de cela, nous entrons, comme par invitation, dans une apaisante sensorialit&eacute;.</p>
<p>&laquo;Ce sont des tableaux qu&rsquo;il faut voir en vrai&nbsp;<em>car ils &eacute;chappent &agrave; la photo</em>. Il y a chez de Sta&euml;l une immense qualit&eacute; de surface qui peut devenir s&egrave;che, grasse, ou charnelle. Il n&rsquo;est pas dans l&rsquo;image, il est dans la couleur, il anime la mati&egrave;re&raquo;, rappelle le commissaire.</p>
<p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1709151640_stael_agrigente_19541scaled.jpg" class="img-responsive img-fluid center " /></p>
<h4 style="text-align: center;"><em>La s&eacute;rie de tableaux &laquo;Agrigente&raquo; r&eacute;alis&eacute;e &agrave; partir de croquis fulgurants de simplicit&eacute; ramen&eacute;s d&rsquo;un voyage en Sicile en ao&ucirc;t 1953 marquera une rupture dans sa peinture et dans sa vie: il quitte sa famille pour vivre une histoire d&rsquo;amour impossible, s&rsquo;enfonce dans la solitude, peint sans cesse, rencontre le succ&egrave;s et voyage souvent &agrave; l&rsquo;occasion de ses nombreuses expositions.</em><em></em></h4>
<h4 style="text-align: center;">Nicolas de Sta&euml;l, "Agrigente", 1954. Huile sur toile, 73 &times; 92 cm.&nbsp;Collection particuli&egrave;re.&nbsp;Photo Jean-Louis Losi&nbsp;&copy; 2023, ProLitteris, Zurich</h4>
<p>Sans jamais se r&eacute;p&eacute;ter, Nicolas de Sta&euml;l est rest&eacute; un homme libre. Il n&rsquo;&eacute;tait pas attach&eacute; &agrave; ses &oelig;uvres &ndash; qu&rsquo;il laissait partir comme un pass&eacute; d&eacute;j&agrave; oubli&eacute; &ndash;&nbsp;comme si le seul fait de les avoir r&eacute;alis&eacute;es lui suffisait. Ses innombrables lettres, d&rsquo;une qualit&eacute; d&rsquo;&eacute;crivain, sont celles d&rsquo;un &ecirc;tre f&eacute;brile, exigeant, loyal, amoureux, insupportable, mais g&eacute;n&eacute;reux, se pr&eacute;occupant des autres et, paradoxalement, ne se comportant jamais en h&eacute;ros. Il se lit comme un livre ouvert.</p>
<p>&laquo;C&rsquo;est la plus belle exposition consacr&eacute;e &agrave; Nicolas de Sta&euml;l que j&rsquo;aie jamais vue&raquo; d&eacute;clarait l&rsquo;artiste Elena Prentice, &agrave; Lausanne. Accompagn&eacute;e de son &eacute;poux, Gustave de Sta&euml;l, le dernier enfant du peintre (qu&rsquo;il n&rsquo;a pas eu le temps de conna&icirc;tre), elle suit le travail du peintre depuis les ann&eacute;es soixante quand elle le d&eacute;couvrait aux Etats Unis, pays dont elle est originaire. &laquo;A la Fondation de l&rsquo;Hermitage, les tableaux respirent&raquo;.&nbsp;</p>
<p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1709151778_stael_lesmouettes_1955scaled.jpg" class="img-responsive img-fluid center " /></p>
<h4 style="text-align: center;"><em>Dans un atelier lou&eacute; sur les remparts d&rsquo;Antibes, de Sta&euml;l passera ses derniers mois &agrave; peindre comme un fou, seul, face &agrave; la mer. &laquo;Je deviens un cyclone en peinture&raquo;, &eacute;crit-il en mai 54 &agrave; Jeanne Polge, la femme qui refusera son amour.</em></h4>
<h4 style="text-align: center;">Nicolas de Sta&euml;l, "Les Mouettes", 1955. Huile sur toile, 195 &times; 130 cm.&nbsp;Collection particuli&egrave;re.&nbsp;Photo Thomas Hennocque&nbsp;&copy; 2023, ProLitteris, Zurich</h4>
<p>Seule critique, le superbe catalogue de l&rsquo;exposition termine avec une analyse du d&eacute;clin de la reconnaissance du peintre d&egrave;s son retour &agrave; la figuration au d&eacute;but des ann&eacute;es cinquante &ndash; apr&egrave;s son passage par l&rsquo;abstraction &ndash;&nbsp;et face &agrave; l&rsquo;&eacute;mergence de l&rsquo;Expressionisme am&eacute;ricain (Pollock, Rothko, Rauschenberg&hellip;), comme si le monde de l&rsquo;art pouvait lui dicter ce qu&rsquo;il devait devenir. Peut-on encore imaginer un peintre plus proche de sa propre v&eacute;rit&eacute; sans l&rsquo;interf&eacute;rence de chapelles artistiques? De Sta&euml;l est rest&eacute; fid&egrave;le &agrave; lui-m&ecirc;me, restant libre &agrave; jamais.</p>
<p>&laquo;<span>L&rsquo;homme &eacute;tait d&eacute;sesp&eacute;r&eacute;,&nbsp;</span>mais l&rsquo;artiste est rest&eacute; jusqu&rsquo;&agrave; la fin face &agrave; la beaut&eacute;&raquo;, observe Pierre Wat.</p>
<p>L&rsquo;&eacute;chec d&rsquo;une histoire d&rsquo;amour a trop longtemps aliment&eacute; la l&eacute;gende romanesque du suicide de l&rsquo;artiste. Dans une interview exclusive &agrave; venir, sa petite fille, Marie du Bouchet, nous livre une autre version: Nicolas de Sta&euml;l serait mort d&rsquo;&eacute;puisement.</p>
<h4><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1709151914_portraitdestael.jpg" class="img-responsive img-fluid center " /></h4>
<h4 style="text-align: center;"><em>De Sta&euml;l a 40 ans. Denise Colomb r&eacute;alisera une s&eacute;rie de portraits sur deux jours, le peintre tout en blanc devant ses tableaux le premier jour, le deuxi&egrave;me jour tout en noir devant les murs vides.</em></h4>
<h4 style="text-align: center;">Portrait de Nicolas de Sta&euml;l dans son atelier, 1954, photo Denise Colomb. Minist&egrave;re de la Culture &ndash; M&eacute;diath&egrave;que du patrimoine et de la photographie&nbsp;&copy; RMN-Grand Palais</h4>
<hr />
<h4 style="text-align: left;">Pour en savoir plus,&nbsp;<a href="https://www.rts.ch/play/tv/la-culture-en-films/video/nicolas-de-stal-la-peinture-a-vif?urn=urn:rts:video:14712006" target="_blank" rel="noopener">Nicolas de Sta&euml;l, la peinture &agrave; vif</a>, un documentaire r&eacute;alis&eacute; par Fran&ccedil;ois Levy Keuntz.</h4>
<h4>En partenariat avec le Mus&eacute;e d&rsquo;Art Moderne de Paris / Paris Mus&eacute;es.</h4>
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		'content' => '<p>Connu pour ses narrations &eacute;piques de d&eacute;placement des r&eacute;fugi&eacute;s au Congo et du bassin m&eacute;diterran&eacute;en, qui lui ont valu la repr&eacute;sentation de son pays &agrave; la Biennale de Venise en 2013 et le Prix Pictet en 2017, Richard Mosse livre sur un &eacute;cran de 19 m&egrave;tres de large des images sans appel sur la destruction de la for&ecirc;t vierge de l&rsquo;Amazonie.</p>
<p>Pour ce travail, Mosse s&rsquo;est de nouveau entour&eacute; du cin&eacute;matographe <a href="https://trevortweeten.com/Cinematography" target="_blank" rel="noopener">Trevor Tweeten</a> et du compositeur exp&eacute;rimental <a href="https://benfrost.bandcamp.com/album/broken-spectre" target="_blank" rel="noopener">Ben Frost</a> pour cr&eacute;er une pi&egrave;ce qui, m&ecirc;me si elle colle &agrave; l&rsquo;actualit&eacute;, est r&eacute;solument une &oelig;uvre d&rsquo;art. R&eacute;alis&eacute;e au moyen de cam&eacute;ras multispectrales et de capteurs ultrasoniques, le film d&rsquo;une dur&eacute;e de 74 minutes donne &agrave; voir des images et &agrave; entendre des sons qui sont en dehors de nos champs de perception.</p>
<h3>Photo / Art</h3>
<p>&laquo;Je cherche les lignes de faille de la photographie documentaire pour trouver de nouvelles fa&ccedil;ons de raconter des histoires&raquo;, expliquait Mosse lors du vernissage. Il estime que l&rsquo;art permet aux images de durer, contrairement &agrave; un reportage trop vite &eacute;teint quand il devient insupportable.</p>
<blockquote>
<p><em>&laquo;Je fais appel &agrave; l&rsquo;art pour donner de la puissance aux images, car la beaut&eacute; est un outil efficace, elle d&eacute;passe l&rsquo;horreur et devient une arme contre l&rsquo;indiff&eacute;rence&raquo;.</em><em></em></p>
<p><em><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1704798071_richard_mosse_capture_tiree_de_broken_spectre_rondonia_sig_aerien_multispectral_richard_mosse.2.jpg" class="img-responsive img-fluid center " /></em></p>
<h4><em>Les terres de la for&ecirc;t sont d&eacute;gag&eacute;es par des incendies sauvages, dont celles pour faire place aux cultures intensives, essentiellement de soja. Pr&egrave;s de 20% de la surface de la for&ecirc;t amazonienne est d&eacute;j&agrave; scalp&eacute;e. Priv&eacute;e de la capacit&eacute; &agrave; se reg&eacute;n&eacute;rer, la for&ecirc;t tropicale deviendrait une savane.</em></h4>
</blockquote>
<p>Positionner la photo &agrave; l&rsquo;intersection de l&rsquo;art pour interroger la soci&eacute;t&eacute; contemporaine est une ligne &eacute;ditoriale d&eacute;fendue de longue date par la nouvelle directrice de Photo Elys&eacute;e, Natalie Herschdorfer, encore r&eacute;cemment &agrave; la t&ecirc;te du Mus&eacute;e des Beaux-arts du Locle et fondatrice de la biennale Alt.+1000.</p>
<p>&laquo;Mosse nous place face &agrave; un &eacute;tat d&rsquo;urgence&raquo;, rappelle-t-elle.</p>
<h3>Humain / Nature</h3>
<p>L&rsquo;immense mosa&iuml;que de Mosse alterne entre l&rsquo;humain et la nature. Des sc&egrave;nes effroyables &ndash; tourn&eacute;es en noir et blanc analogique pour son effet velout&eacute; &ndash;&nbsp;d&rsquo;abattage d&rsquo;arbres centenaires, de b&ecirc;tes issues d&rsquo;&eacute;levages ultra-intensifs, de mercure utilis&eacute; pour l&rsquo;extraction d&rsquo;or vers&eacute;e dans les cours d&rsquo;eau, d&rsquo;incendies provoqu&eacute;s au p&eacute;trole pour d&eacute;gager les sols, sont entrecoup&eacute;es d&rsquo;images technicolor et de sons magnifi&eacute;es du lit de la for&ecirc;t, de tapis &agrave; l&rsquo;infini de la canop&eacute;e capt&eacute;e &agrave; l&rsquo;infrarouge (o&ugrave; la chlorophylle se traduit par des teintes de rouge et rose vifs), autant de chefs-d&rsquo;&oelig;uvre de la nature invisibles &agrave; l&rsquo;&oelig;il nu &ndash; et de tableaux abstraits.</p>
<blockquote>
<p><em>La cl&eacute; est dans le montage, pr&eacute;cise Mosse, &laquo;passer d&rsquo;une dimension &agrave; l&rsquo;autre pour cr&eacute;er une dissonance visuelle, c&rsquo;est l&agrave; o&ugrave; la magie op&egrave;re.&raquo;</em><em></em></p>
<p><em><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1704798162_richard_mosse_vue_exposition_de_broken_spectre_national_gallery_of_victoria_tom_ross.jpg" class="img-responsive img-fluid center " /></em></p>
<p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1705486767_richardmossebrokenspectrevuedexposition.bw.jpg" class="img-responsive img-fluid center " /></p>
<h4><em>Les sc&egrave;nes qui illustrent les ravages perp&eacute;tr&eacute;s par l&rsquo;homme sont film&eacute;es en noir et blanc.</em></h4>
<p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1704798223_richard_mosse_vue_exposition_de_broken_spectre_national_gallery_of_victoria_tom_ross.2.jpg" class="img-responsive img-fluid center " /></p>
<p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1705486865_richardmossebrokenspectrevuedexposition.couleur.jpg" class="img-responsive img-fluid center " /></p>
<h4><em>Les sc&egrave;nes qui documentent l&rsquo;&eacute;tat de la for&ecirc;t amazonienne sont film&eacute;es avec des cam&eacute;ras multispectrales qui permettent d'enregistrer en une seule prise de vue plusieurs longueurs d'onde du spectre lumineux et ensuite de choisir quelles couleurs rendre visibles pour r&eacute;v&eacute;ler les d&eacute;tails. Cette technique est au c&oelig;ur de la pratique de Richard Mosse.</em></h4>
</blockquote>
<p>Le titre &laquo;Broken Spectre&raquo; (Spectre bris&eacute;) s&rsquo;inspire du spectre de Brocken, ce ph&eacute;nom&egrave;ne rare quand l&rsquo;ombre d&rsquo;un sujet proche est projet&eacute;e au loin sur un nuage et parfois aur&eacute;ol&eacute;e d&rsquo;un halo arc-en-ciel.</p>
<p>Pour autant, les observations visuelles de Richard Mosse restent empreintes d&rsquo;humanit&eacute;. Le degr&eacute; d&rsquo;intimit&eacute; &eacute;tabli avec les pr&eacute;dateurs de la d&eacute;forestation pris sur le vif peut surprendre. Depuis 1972, l&rsquo;ann&eacute;e de la construction de la voie transamazonienne, la surface de la for&ecirc;t a diminu&eacute; de pr&egrave;s d&rsquo;un quart. Le point de bascule, au-del&agrave; duquel la for&ecirc;t ne pourra plus se reg&eacute;n&eacute;rer et servir d&rsquo;absorbeur de CO<sub>2</sub> de la plan&egrave;te sera bient&ocirc;t atteint. Les hommes et femmes qui participent &agrave; cette destruction ne sont pourtant pas des d&eacute;mons, ils travaillent pour des cercles mafieux de plus en plus puissants au service du commerce international, pr&eacute;vient Mosse, qui les filme sans hostilit&eacute;; il n&rsquo;est pas indiff&eacute;rent &agrave; leur sort.</p>
<h3>Art / Politique</h3>
<p>&laquo;Mon travail consiste &agrave; partager, &agrave; communiquer, non pas &agrave; juger&raquo;. Mosse s&rsquo;appuie sur les th&egrave;ses du philosophe Walter Benjamin pour expliquer qu&rsquo;une &oelig;uvre d&rsquo;art ne doit pas servir de propagande.</p>
<blockquote>
<p><em>&laquo;A mon avis, l&rsquo;art ne vous dit pas ce que vous devez penser. Mon intention est de d&eacute;sorienter le spectateur (visiteur) pour qu&rsquo;il d&eacute;cide de lui-m&ecirc;me. Je me contente de donner la texture des crimes environnementaux&raquo;</em>, rappelle Mosse.</p>
</blockquote>
<p>Son film a cependant pris une tournure politique impr&eacute;vue par le hasard d&rsquo;une actualit&eacute; tragique. Le lendemain d&rsquo;une fusillade par des <em>garimpeiros</em> (chercheurs d&rsquo;or) contre une communaut&eacute; indig&egrave;ne de Yanomamis qui avait emp&ecirc;ch&eacute; la livraison et br&ucirc;l&eacute; l&rsquo;essence n&eacute;cessaire &agrave; leur campement, Mosse et son &eacute;quipe arrivaient sur place et tombaient sur Adneia.</p>
<p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1705487011_richardmossecapturetireedebrokenspectreroraimasigaerienmultispectralrichardmosse.jpg" class="img-responsive img-fluid center " /></p>
<h4><em>La rivi&egrave;re Uraricoera dans l&rsquo;&eacute;tat de Rond&ocirc;nia, berceau de la communaut&eacute; Yanomami, est au c&oelig;ur de la ru&eacute;e pour l&rsquo;or cautionn&eacute;e du temps de Bolsonaro et combattue par Lula.</em></h4>
<p>Pendant de longues minutes ininterrompues (&agrave; part pour le changement de pellicules par Tweeten pris au d&eacute;pourvu et en manque de stock), la jeune <em>mater dolorosa</em> livre une diatribe cinglante.&nbsp;&laquo;Bolsonaro, cette terre n&rsquo;est pas la tienne, ce n&rsquo;est pas toi qui a mis la rivi&egrave;re l&agrave;. Esp&egrave;ce de parasite, reprends toute ta salet&eacute;.&nbsp;Tu nous fais souffrir.&nbsp;Envoie-nous l&rsquo;arm&eacute;e pour nous prot&eacute;ger des envahisseurs, nous voulons que nos enfants dorment la nuit.&raquo;&nbsp;Malaria, diarrh&eacute;e, le mercure qui pollue l&rsquo;eau, les Yanomamis n&rsquo;ont m&ecirc;me plus de centre m&eacute;dical. La mortalit&eacute; enfantine est &eacute;lev&eacute;e.</p>
<p>Puis, le regard droit dans l&rsquo;objectif, elle s&rsquo;adresse &agrave; nous: &laquo;Vous les blancs, ouvrez les yeux, ouvrez vos cerveaux. Nos enfants souffrent, &ccedil;a fend le c&oelig;ur!&raquo; La cam&eacute;ra continue de tourner autour d&rsquo;elle pendant qu&rsquo;elle se ressaisit dans la douleur. La sc&egrave;ne est bouleversante.</p>
<p>Mosse admet que &laquo;Broken Spectre&raquo; est son premier film activiste. Il n&rsquo;a pas la certitude d&rsquo;un lien de cause &agrave; effet, mais quand John Kerry, l&rsquo;envoy&eacute; sp&eacute;cial des Etats-Unis pour le climat de l&rsquo;administration Biden, a rencontr&eacute; Luiz In&aacute;cio Lula da Silva le pr&eacute;sident br&eacute;silien fra&icirc;chement &eacute;lu, il a demand&eacute; &agrave; recevoir le lien du film de Mosse qu&rsquo;il venait de d&eacute;couvrir &agrave; Londres (le film a &eacute;t&eacute; pr&eacute;sent&eacute; en Angleterre, Australie et les EU). Tr&egrave;s peu de temps apr&egrave;s, l&rsquo;arm&eacute;e br&eacute;silienne est intervenue pour emp&ecirc;cher l&rsquo;activit&eacute; des <em>garimpeiros</em> dans la r&eacute;gion.</p>
<p>&laquo;C&rsquo;est pr&eacute;cis&eacute;ment ce que demandait Adneia!&nbsp;Cela d&eacute;montre le pouvoir de l&rsquo;art&raquo;, dit Mosse, enthousiaste.</p>
<p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1705487284_richardmosselausannenovembre2023.jpg" class="img-responsive img-fluid center " width="461" height="412" /></p>
<blockquote>
<h4><em>Richard Mosse, Lausanne, novembre 2023.</em></h4>
</blockquote>
<p>Issu d&rsquo;une famille Quaker irlandaise et pacifiste, Mosse, la quarantaine juv&eacute;nile, vit &agrave; pr&eacute;sent &agrave; New York. Il qualifie ce film difficile, film&eacute; sur 3 ans de 2019 &agrave; 2022, par &eacute;pisodes de six &agrave; huit semaines, son &laquo;chemin de croix&raquo;.&nbsp;</p>
<blockquote>
<p><em>&laquo;La d&eacute;forestation se produit en direct. C'est maintenant qu'il faut l&rsquo;arr&ecirc;ter&raquo;.</em></p>
</blockquote>
<h3>Apr&egrave;s-propos</h3>
<p>Dans un article du <em><a href="https://www.theguardian.com/world/2023/dec/27/mining-on-rise-again-in-amazon-says-yanomami-leader" target="_blank" rel="noopener">Guardian </a></em> du 27 d&eacute;cembre 2023, David Kopenawa, l&rsquo;activiste shaman Yanomami, se lamente du retour des mineurs malgr&eacute; la campagne d&rsquo;&eacute;viction du gouvernement. Les antennes paraboliques Starlink permettraient aux criminels d&rsquo;y &eacute;chapper. Lula a depuis command&eacute; une intensification des efforts.</p>
<p><strong>T&eacute;moignage de David Frost, le compositeur de la bande sonore &agrave; la fois organique et spectrale de &laquo;Broken Spectre&raquo;</strong></p>
<p>&laquo;Au cours des trois derni&egrave;res ann&eacute;es, Richard Mosse, Trevor Tweeten et moi-m&ecirc;me avons parcouru l'Amazonie pour documenter sa destruction. Les r&eacute;sultats de cette documentation sont devenus le nouveau film de Richard, Broken Spectre.</p>
<p>Durant cette p&eacute;riode, j&rsquo;ai &eacute;t&eacute; t&eacute;moin d&rsquo;incendies si vastes qu&rsquo;ils masquaient le soleil. J'ai vu des b&ucirc;cherons ill&eacute;gaux abattre des arbres vieux de 700 ans et j'ai entendu le silence troublant de la for&ecirc;t qui a suivi. J&rsquo;ai vu des rivi&egrave;res empoisonn&eacute;es par le mercure et de vastes &eacute;tendues de for&ecirc;t d&eacute;cim&eacute;es pour la promesse de quelques grains d&rsquo;or par de jeunes mineurs cherchant ill&eacute;galement fortune dans les territoires autochtones. J'ai enregistr&eacute; des v&eacute;t&eacute;rinaires b&eacute;n&eacute;voles traitant des br&ucirc;lures au troisi&egrave;me degr&eacute; sur les pattes d'un Jaguar anesth&eacute;si&eacute;; des blessures inflig&eacute;es par des &eacute;leveurs enhardis cherchant &agrave; produire davantage de b&oelig;uf destin&eacute; &agrave; l'exportation sur les restes fumants de sa maison dans une zone humide. Tout cela parce que "l&rsquo;homme dominera"&raquo;.</p>
<hr />
<h4><a href="https://elysee.ch/expositions/richard-mosse-broken-spectre/" target="_blank" rel="noopener">&laquo;Broken Spectre&raquo;</a>, Richard Mosse, Photo Elys&eacute;e, Lausanne, jusqu'au 25 f&eacute;vrier 2024. L'exposition est accompagn&eacute;e d'un catalogue &eacute;ponyme co-&eacute;dit&eacute; par Loose Joints, 180 Studios et Converge45.</h4>
<h4>Pour aller plus loin: <a href="https://vimeo.com/896479230%20%20" target="_blank" rel="noopener">Richard Mosse - Broken Spectre - Vimeo&nbsp;</a></h4>',
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<p>Lac&eacute;r&eacute;es, trou&eacute;es, gribouill&eacute;es, d&eacute;coup&eacute;es, recompos&eacute;es ou encore recolor&eacute;es, les 458 photos pr&eacute;sent&eacute;es dans le cadre de l&rsquo;exposition <em>Photomachin&eacute;es, </em>ont quelque chose de d&eacute;rangeant, quand elles ne font pas sourire. A qui appartenaient ces mains qui ont transform&eacute;, d&eacute;tourn&eacute;, enjoliv&eacute;, parfois m&ecirc;me viol&eacute; ces images, leur donnant un statut forc&eacute;ment &eacute;trange qui appelle le regard (voir la galerie de photos)?</p>
<p>Chin&eacute;es dans un nombre &laquo;incalculable&raquo; de brocantes par les collectionneurs parisiens, Antoine Gentil &ndash;&nbsp;&eacute;galement commissaire de l&rsquo;exposition et co-auteur du catalogue &ndash;&nbsp;et Lucas Reitalov, ces photos composent un ensemble qui ne trouve son sens qu&rsquo;&agrave; travers les nombreuses cat&eacute;gories, autant de n&eacute;ologismes cr&eacute;&eacute;s par les donateurs, dans lesquelles se glissent les images, comme &laquo;photopr&eacute;lev&eacute;es&raquo;, &laquo;photofusionn&eacute;es&raquo; ou &laquo;photof&eacute;tichis&eacute;es&raquo;. Il y en a plus de vingt, r&eacute;arrang&eacute;es dans quatre familles.</p>
<h3><strong>Quel lien avec l&rsquo;art brut?</strong></h3>
<p>Pour autant, il y a un certain risque &agrave; sugg&eacute;rer que la photo, par le seul fait d&rsquo;avoir &eacute;t&eacute; d&eacute;tourn&eacute;e de sa fonction premi&egrave;re, s&rsquo;apparente &agrave; l&rsquo;art brut. A part <a href="https://www.artbrut.ch/fr_CH/exposition/morton-bartlett" target="_blank" rel="noopener">Morton Bartlett</a> qui a peupl&eacute; son monde fantasmagorique de photos de poup&eacute;es id&eacute;alis&eacute;es, et de quelques photos incluses dans des &oelig;uvres disparates, les auteurs d&rsquo;art brut se sont tr&egrave;s peu int&eacute;ress&eacute;s &agrave; la photo.</p>
<p>Pour &eacute;clairer son choix de pr&eacute;senter la collection de photos &laquo;machin&eacute;es&raquo;, Sarah Lombardi, la directrice du mus&eacute;e, explique que ces objets ont en commun d&rsquo;avoir &eacute;t&eacute; r&eacute;alis&eacute;s par la libert&eacute; de geste d&rsquo;autodidactes et n&rsquo;&eacute;taient pas destin&eacute;s &agrave; &ecirc;tre vus. Ils correspondraient fondamentalement &agrave; la notion d&rsquo;art brut d&eacute;finie par Jean Dubuffet qui disait par ailleurs pr&eacute;f&eacute;rer &laquo;les petites &oelig;uvres qui sonnent&hellip; aux &oelig;uvres monumentales d&rsquo;illustres professionnels&raquo;.</p>
<p>D&egrave;s 1949, &agrave; l&rsquo;occasion de la premi&egrave;re exposition publique d&rsquo;&oelig;uvres de W&ouml;lfli, Alo&iuml;s, Forestier et Hernandez &agrave; Paris &ndash;&nbsp;et qui formerait le c&oelig;ur de la Collection offerte &agrave; Lausanne en 1972 &ndash;&nbsp;il pr&eacute;cisait:</p>
<blockquote>
<p>&laquo;Nous entendons par l&agrave; (art brut) des ouvrages ex&eacute;cut&eacute;s par des personnes indemnes de culture artistique, dans lesquels donc le mim&eacute;tisme &hellip; ait peu ou pas de part, de sorte que leurs auteurs y trient tout (sujets, choix des mat&eacute;riaux mis en &oelig;uvre, moyens de transposition, rythmes, fa&ccedil;on d&rsquo;&eacute;criture, etc.) de leur propre fonds et non pas des poncifs de l&rsquo;art classique&hellip;&raquo; (Jean Dubuffet)</p>
</blockquote>
<p>Les compositions qui remplissent les vitrines de Lausanne, aussi maladroites soient-elles, entreraient dans cette d&eacute;finition, &agrave; la diff&eacute;rence pr&egrave;s qu&rsquo;il est difficile de parler d&rsquo;art.</p>
<p>De fait, la cat&eacute;gorie &laquo;neuve invention&raquo;, admise par Dubuffet, correspond mieux &agrave; cet ensemble de photos intimes qui n'ont rien en commun, sinon d'avoir &eacute;t&eacute; trafiqu&eacute;es. Leur ph&eacute;nom&egrave;ne unique, rappelle toutefois Sarah Lombardi, c&rsquo;est qu&rsquo;elles n&rsquo;&eacute;taient pas destin&eacute;es &agrave; sortir de l&rsquo;anonymat.&nbsp;</p>
<h3><strong>Le r&ocirc;le des collectionneurs</strong></h3>
<p>Du coup, le r&ocirc;le des collectionneurs prend une autre dimension. Combien d&rsquo;images gisent-elles dans des cartons au fond d&rsquo;armoires poussi&eacute;reuses, destin&eacute;es &agrave; la destruction certaine. L&rsquo;&egrave;re du papier a c&eacute;d&eacute; sa place &agrave; l&rsquo;image virtuelle.</p>
<p>Il y a donc quelque chose de magn&eacute;tique dans la volont&eacute; de Gentil et Reitalov d&rsquo;arracher ces photos &agrave; l&rsquo;inexistence programm&eacute;e. Leur d&eacute;marche est obsessionnelle, irr&eacute;ductible, na&iuml;ve, presque enfantine, au point qu&rsquo;il serait l&eacute;gitime de se demander si ce n&rsquo;est pas eux qui produisent de l&rsquo;art brut.</p>
<p>Avant d&rsquo;ouvrir son magasin de seconde-main &agrave; Pigalle, Antoine Gentil avait r&eacute;alis&eacute; des &eacute;tudes de math&eacute;matiques et de statistiques. Du haut de ses 37 ans, il a un c&ocirc;t&eacute; illumin&eacute; quand il parle de ses passions. Il pr&eacute;cise que son int&eacute;r&ecirc;t pour l&rsquo;art brut a d&eacute;marr&eacute; un mercredi&hellip;</p>
<p>L&rsquo;exercice des deux comparses dans l&rsquo;aventure des Photomachin&eacute;es met en lumi&egrave;re une &eacute;tape fondamentale du d&eacute;veloppement humain: la cr&eacute;ation de la photographie introduisait la possibilit&eacute; d&rsquo;assurer sa propre p&eacute;rennit&eacute;, un privil&egrave;ge qui &eacute;tait r&eacute;serv&eacute; jusqu&rsquo;alors aux fortun&eacute;s dont les portraits &eacute;taient dessin&eacute;s ou peints sur commande. D&egrave;s le milieu du XIX&egrave;me si&egrave;cle, la vulgarisation de la photo permettait l&rsquo;appropriation de l&rsquo;image, une notion que l&rsquo;exposition &agrave; la Collection de l&rsquo;art brut amplifie. Soudain, les femmes et les hommes avaient le pouvoir non seulement de documenter la r&eacute;alit&eacute;, mais &eacute;galement de la transformer. A l&rsquo;&egrave;re d&rsquo;Instagram, cette v&eacute;rit&eacute; trouve toute sa r&eacute;sonance.</p>
<p>&laquo;Photomachin&eacute;es&raquo; est une exposition ni particuli&egrave;rement belle, ni m&eacute;morable, mais elle arrive &agrave; la fin du r&egrave;gne du papier et de l&rsquo;argentique. Sa valeur tient aux interventions humaines souvent absurdes qui retiennent de l&rsquo;oubli un mat&eacute;riel vou&eacute; &agrave; la disparition.</p>
<p>&laquo;On avance dans une narration, indique Antoine Gentil, ces photos ont le dernier mot &agrave; partir de la main&raquo;.</p>
<hr />
<h4><a href="https://www.artbrut.ch/fr_CH/exposition/photomachinees" target="_blank" rel="noopener">&laquo;Photomachin&eacute;es&raquo;</a>, Collection de l'Art brut, Lausanne, jusqu&rsquo;au 27 ao&ucirc;t 2023.</h4>
<h4><a href="https://www.artbrut.ch/fr_CH/articles/catalogues-d-exposition/photomachinees-1" target="_blank" rel="noopener">Catalogue</a></h4>',
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