Culture / Douglas Sirk, le secret revisité
"Written on the wind", Douglas Sirk, 1956.
"Imitation of life", Douglas Sirk, 1959.
"A Time to love and a Time to die", Douglas Sirk, 1958.
Très suivie, la grande rétrospective Sirk du Festival de Locarno a permis d'améliorer notre connaissance d'un cinéaste majeur ayant oeuvré en Allemagne comme aux Etats-Unis, mais resté méconnu de son vivant. Promu «roi du mélodrame», il avait en réalité plus d'une corde à son arc et était intimement travaillé par une tragédie personnelle. Une sélection de ses films les plus connus est à présent visible à Lausanne et bientôt à Genève.
Pourquoi revenir à Douglas Sirk (1897-1987), devenu cette année le premier cinéaste à obtenir l'honneur d'une deuxième rétrospective au Festival de Locarno? D'abord, les décennies qui se sont écoulées depuis 1978 ont laissé peu de cinéphiles capables de s'en souvenir. Ensuite, la mise en réseau des ressources a permis de montrer beaucoup plus de films qu'à l'époque, soit une quasi intégrale de 38 longs-métrages et 6 courts (ne manquaient que Week-End with Father, de 1951, et deux versions en langue étrangère de films des années 1930). Mais surtout, alors même qu'on pouvait croire cet auteur de l'ère classique bien identifié, son style «d'artifice intelligent» revendiqué par nombre de cinéastes actuels, il s'agit en réalité d'une œuvre restée en partie dans l'ombre du fait d'un parcours marqué par la cassure de la guerre et l'exil. Il y a bel et bien un «mystère Sirk» que seule une telle rétrospective accompagnée d'un travail d'historien (le livre Douglas Sirk né Detlef Sierck de Bernard Eisenschitz) pouvait espérer lever.
Auteur d'un nouveau documentaire consacré au cinéaste, Douglas Sirk - Hope as in Despair, Roman Hüben, jeune diplômé de l'ECAL d'origine allemande, a sans doute mis le doigt sur la clé du mystère: la tragédie du fils de Sirk, Klaus Detlef, né d'un premier lit et élevé par sa mère comme un petit nazi, devenu jeune acteur de films de progagande et disparu sur le front russe en 1944. Ce qu'on ne saura jamais, c'est la culpabilité qu'en aura conçu son père, interdit de le voir grandir du fait de son remariage avec un actrice juive (Hilde Jary, avec laquelle il resta jusqu'à la fin de ses jours). Lui-même allemand d'origine danoise, homme de théâtre de premier plan et politiquement à gauche, Sierck/Sirk débuta au cinéma pour échapper à la censure. Il ne prit le large qu'une fois tout espoir perdu, devenant l'un des rares émigrés allemands de Hollywood à ne pas être juif.
Tout cela a-t-il vraiment eu une influence sur son style et a-t-il une importance pour le spectateur? Au-delà des sommets que constituent Hitler's Madman et A Time to Love and a Time to Die, deux des plus déchirants films de guerre jamais réalisés, difficile de l'affirmer. Mais on en comprend déjà mieux l'incroyable virulence anti-nazie du premier, reconstitution «à chaud» d'un massacre perpétré en Tchécoslovaquie, et la non moins incroyable tendresse du second, adaptation d'un roman d'Erich Maria Remarque qu'on peut lire comme un «tombeau» pour ce fils perdu. Deux chefs-d'œuvre aujourd'hui trop oubliés. Quant au reste de l'œuvre, marqué par le mélange d'émotion et d'ironie ainsi qu'un intérêt tout particulier pour les âmes tiraillées, il est clair qu'autant que son immense culture, c'est bien ce parcours de vie contrarié qui aura forgé son regard.
Des gammes en Allemagne
La période allemande, riche d'une dizaine de titres restaurés par la Murnau Stiftung de Wiesbaden, a constitué la première révélation de cette rétrospective. Où l'on a découvert dès son premier long-métrage April! April! (1935) un réel don pour la comédie, qui trouvera son apogée en Amérique avec les délicieux No Room for the Groom et Has Anybody Seen My Gal? en passant par le génial A Scandal in Paris, biographie romancée d'Eugène François Vidocq. L'un des films préférés du cinéaste lui-même, ce dernier constitue bien l'un des sommets de l'œuvre, tant par sa réflexion sur la dualité humaine que par son brio purement cinématographique. Quant au «mélodrame sirkien» il trouve lui aussi sa source dans cette période allemande où l'on a eu la surprise de préférer ses adaptations très sérieuses d'auteurs scandinaves, Das Mädchen vom Moorhof d'après Selma Lagerlöf et Stützen der Gesellschaft d'après Henrik Ibsen, aux plus célèbres Schlussackord, Zu neuen Ufern et La Habanera, énormes succès de l'époque. Dans ces derniers, le rôle d'une musique qui vient renforcer le drame (d'où «mélodrame») est certes frappant, de même que l'attrait pour un ailleurs fantasmé (respectivement les Etats-Unis, l'Australie et Porto Rico), mais les souffrances magnifiées de protagonistes trop passifs passent moins bien la rampe aujourd'hui. Et la personnalité de Zarah Leander, brune chanteuse suédoise propulsée star du Troisième Reich pour concurrencer Greta Garbo et Marlène Dietrich, n'y apparaît pas des plus enthousiasmantes.
Après deux films mineurs réalisés sur la route de l'exil, Accord final, une comédie romantique tournée (mais pas signée) entre Paris et les bord du Léman, et Boefje, chronique édifiante d'un gamin de la rue à Rotterdam, Sierck débarque à Los Angeles... où il commence par élever des poulets et cultiver de la luzerne faute de trouver du travail. Lorsqu'il est enfin pris sous contrat comme scénariste à la Columbia, Harry Cohn, «mogul» inculte et brutal, le tient à l'écart de tout projet intéressant. Ce n'est qu'en parallèle, pour des indépendants, que celui qui a changé son nom en Douglas Sirk peut réaliser les films de sa période dite «intermédiaire», autre (re)découverte de cette rétrospective.
Parmi ces huit titres en noir et blanc, outre l'inaugural Hitler's Madman, on y retient un trio de films pseudo-européens avec en vedette George Sanders, un acteur qui faisait pétiller l'esprit de ses films: Summer Storm, drame russe d'après la nouvelle Le Duel d'Anton Tchekhov, le déjà cité A Scandal in Paris, et Lured, brillant remake d'un film policier de Robert Siodmak rejoué à Londres. Mais il faut également retenir Sleep My Love, superbe drame «gothique» centré sur une femme que son mari cherche à éliminer, Shockproof, scénario de Samuel Fuller qui fait tomber amoureux une femme sortie de prison et son agent de probation, et surtout The First Legion, adaptation d'une pièce d'Emmet Lavery qui confronte un couvent de jésuites à un double miracle – le seul film que Sirk produisit lui-même, avec le soutien décisif de l'acteur Charles Boyer. Il suffit de voir l'intelligence avec laquelle le cinéaste y traite ce sujet délicat, posant des questions essentielles sur la religion et la foi en termes de croyance, pour être convaincu de sa grandeur.
D'Universal à l'auteur universel
Au retour d'un voyage vain en Allemagne pour retrouver la trace de son fils et tenter d'y reprendre pied professionnellement, Sirk décroche en 1949 un contrat chez Universal, alors la plus modeste des «majors» de Hollywood. Suivront pas moins de 21 films réalisés en dix ans, avec une montée en puissance qui aboutira aux grands mélodrames qui ont fait sa réputation. Au début, Sirk n'a pas accès aux meilleurs scénarios et on le voit ronger son frein avec des petits films qui flirtent avec la série B. Mais peu à peu, le succès venant, il parvient à imposer ses choix, se constituant une équipe de collaborateurs fidèles. Son sésame se nommera Rock Hudson, jeune acteur au physique imposant mais empreint d'une surprenante douceur, qu'il mène en huit collaborations au statut de vedette numéro un du box office américain.
Dans le lot des titres peu connus, on trouve de tout: film d'espionnage (Mystery Submarine), adaptation de pièce médiocre (Thunder on the Hill), comédie romantique (The Lady Pays Off), musicale (Meet Me at the Fair), western (Taza, Son of Cochise) ou même peplum (The Sign of the Pagan). Rien d'indigne mais pas grand-chose non plus qui indique un cinéaste d'un talent supérieur. Dans les trois derniers cités, les nouveautés de la couleur, de la 3D et du CinemaScope alourdissent nettement la mise en scène d'habitude si enlevée de Sirk. Après deux comédies déjà évoquées, qui traitent finement de sexualité et d'argent, Sirk retrouve de l'élan avec Captain Lightfoot, film d'aventures pseudo-historique dans la veine de son Vidocq, avec l'avantage de superbes paysages irlandais saisis avec un Scope cette fois pleinement maîtrisé.
Mais notre cinéaste ne trouve vraiment sa voie qu'avec All I Desire, un mélodrame avec l'immense Barbara Stanwyck (1953). Dans ce portrait d'une actrice ratée qui se rend dans une bourgade de province pour retrouver la famille qu'elle avait abandonnée des années plus tôt, Sirk nous émeut par le choix impossible entre vie sociale et passion privée, condamné à se rejouer chez la génération suivante, ne laissant que déceptions et regrets pour l'autre existence non vécue. A ce «film de la mère» répondra trois ans plus tard le «film du père» qu'est There Is Always Tomorrow, à nouveau en noir et blanc et avec Stanwyck, mais cette fois centré sur un bouleversant Fred MacMurray, en fabricant de jouets devenu invisible dans sa famille et qui imagine un instant pouvoir échapper à sa vie de brave «pilier de la société». Une pure merveille.
Le roi du mélodrame
Le nom de Sirk restera à jamais associé à ses derniers mélodrames en couleurs où, avec la complicité de son chef opérateur Russell Metty et de son musicien Frank Skinner, il développe un style d'un lyrisme exacerbé quoique doublé d'un regard très critique sur la société. Même tiré d'un impossible roman du pasteur Lloyd C. Douglas, Magnificent Obsession, qui raconte le rachat d'un playboy millionnaire ayant causé la mort d'un grand chirurgien et la cécité de sa femme, peut ainsi devenir une pure merveille. Mais son triomphe commercial permet aussi la réalisation d'un second film plus modeste avec le même couple Jane Wyman-Rock Hudson: All That Heaven Allows, l'histoire d'amour entre une veuve de la bonne société et un jeune jardinier qui mène une vie plus authentique (réminiscence de sa lecture des philosophes Thoreau et Emerson). Pour beaucoup, c'est là que se situe la quintessence de l'art de Sirk, même si ce film fait encore ricaner pas mal de spectateurs non avertis, comme on a pu le constater à Locarno.
Rien de tel dans l'autre duo de films rendus indissociables par leur casting: Written on the Wind et The Tarnished Angels, avec le trio Rock Hudson - Robert Stack - Dorothy Malone (en fait des quatuors, avec en prime Lauren Bacall dans le premier et Jack Carson dans le second). Deux mélodrames d'une autre nature, plus âpres, l'un sur fond de fortune pétrolière texane, l'autre de courses foraines d'avions au lendemain de la Première guerre mondiale (d'après le roman Pylône de William Faulkner). Avec leurs personnages désaxés campés par Stack et Malone, ces films deviennent aussi dramatiquement explosifs qu'esthétiquement incandescents entre les mains d'un cinéaste qui nous laisse à chaque fois le coeur essoré, avec un goût de cendres.
On l'a déjà dit, l'impossible retour au pays inspirera encore au cinéaste son chef-d'œuvre le plus personnel, A Time to Live and a Time to Die. Mais on aurait tort de négliger totalement le bancal Battle Hymn, qui transfère la culpabilité des bombardements meurtriers sur l'Allemagne sur le terrain de la Guerre de Corée avec une improbable (mais véridique) histoire de pilote américain qui sauve les enfants d'un orphelinat. S'il y a là de fort belles choses (dont des scènes aériennes meilleures que dans Top Gun), politiquement, c'est un peu court. Il convient surtout de réhabiliter Interlude et sa brève romance entre une Américaine expatriée et un chef d'orchestre européen, qui se joue entre Munich à Salzburg: a priori, un autre sujet insauvable, avec des acteurs peu emballants (June Allyson et Rossano Brazzi), mais traité avec un mélange de mélancolie et de réalisme qui fait mouche par-delà le luxe touristique affiché.
Dès lors, osera-t-on avouer une certaine déception à la revoyure du fameux Imitation of Life (1959), dernier long-métrage et plus grand succès de la carrière du cinéaste? Nombreux sont ceux qui y voient un ultime sommet – forcément. Mais non, même si le thème d'une vie plus imitée et contrainte que vécue est éminemment «sirkien». Alors que le drame de la fille noire à la peau si claire qu'elle peut passer pour blanche, quitte à rejeter sa mère à la peau foncée, reste saisissant, tout ce qui concerne l'ascension de l'actrice de théâtre jouée par Lana Turner et son ami platonique John Gavin paraît nettement plus quelconque. Et seule la procession funéraire finale est réellement «sublime» dans sa démesure.
Passer le flambeau
Malgré ce succès, un Sirk tombé malade choisira de prendre du recul avec le cinéma, s'établissant à Lugano pour les 25 dernières années de sa vie et terminant sa carrière sur une poignée de mise en scène de théâtre en Allemagne. Grâce à un jeune admirateur nommé Rainer Werner Fassbinder, il réalisera cependant encore trois courts métrages – de même qu'il avait débuté à la UFA avec trois courts! – dans le cadre de l'école de cinéma de Munich. Sur des textes de Tennessee Williams et Arthur Schnitzler, il s'agit de trois petits bijoux, d'une beauté plastique et d'une profondeur humaine insoupçonnée. Longtemps restés invisibles, de même que les trois premiers qu'on avait cru perdus, leur sauvegarde digitale devrait enfin permettre une plus large diffusion.
On le voit, la moisson locarnaise fut riche de réévaluations. Reste le mystère d'une réputation si tardive, arrivée seulement à partir des années 1970. C'est sans doute que tant en Allemagne sous le nazisme que dans l'Amérique maccarthyste, la critique de cinéma était devenue quantité négligeable, tandis que la jeune critique auteuriste française ne découvrit que les derniers feux du cinéaste. Il aura ainsi fallu un livre d'entretiens exemplaire de l'Irlandais Jon Halliday (1971) pour conférer à Sirk sa stature d'auteur à part entière. Depuis, le flambeau a surtout été porté par des cinéastes homosexuels qui s'en sont parfois inspirés – après Fassbinder, Daniel Schmid, John Waters, Pedro Almodovar, Todd Haynes ou François Ozon – alors même qu'il n'y a rien de moins gay que les films de Sirk! Il faut croire que l'artifice assumé du style, le thème du rôle que l'on tient en société, la tendresse pour les outsiders, exclus ou perdants, l'ironie chevillée qui n'empêche pas la recherche d'une émotion magnifiée, sans oublier le facteur Rock Hudson, devenu une icône gay depuis, ont touché une corde sensible de ce côté-là. Mais il ne faudrait surtout pas que l'œuvre de Sirk s'en retrouve l'otage, pas plus que des «études de genre» à l'américaine. Elle est bien trop riche et profonde pour ça, encore capable de parler à quiconque a des yeux pour s'émerveiller et un cœur pour comprendre.
Hommage à Douglas Sirk. Cinémathèque Suisse, Lausanne, dès le 24 août. Cinémas du Grütli, Genève, dès le 7 septembre.
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Quant au reste de l'œuvre, marqué par le mélange d'émotion et d'ironie ainsi qu'un intérêt tout particulier pour les âmes tiraillées, il est clair qu'autant que son immense culture, c'est bien ce parcours de vie contrarié qui aura forgé son regard.</p> <h3>Des gammes en Allemagne</h3> <p>La période allemande, riche d'une dizaine de titres restaurés par la Murnau Stiftung de Wiesbaden, a constitué la première révélation de cette rétrospective. Où l'on a découvert dès son premier long-métrage <i>April! April!</i> (1935) un réel don pour la comédie, qui trouvera son apogée en Amérique avec les délicieux <i>No Room for the Groom</i> et <i>Has Anybody Seen My Gal?</i> en passant par le génial <i>A Scandal in Paris,</i> biographie romancée d'Eugène François Vidocq. L'un des films préférés du cinéaste lui-même, ce dernier constitue bien l'un des sommets de l'œuvre, tant par sa réflexion sur la dualité humaine que par son brio purement cinématographique. Quant au «mélodrame sirkien» il trouve lui aussi sa source dans cette période allemande où l'on a eu la surprise de préférer ses adaptations très sérieuses d'auteurs scandinaves, <i>Das Mädchen vom Moorhof</i> d'après Selma Lagerlöf et <i>Stützen der Gesellschaft</i> d'après Henrik Ibsen, aux plus célèbres <i>Schlussackord, Zu neuen Ufern</i> et <i>La Habanera</i>, énormes succès de l'époque. Dans ces derniers, le rôle d'une musique qui vient renforcer le drame (d'où «mélodrame») est certes frappant, de même que l'attrait pour un ailleurs fantasmé (respectivement les Etats-Unis, l'Australie et Porto Rico), mais les souffrances magnifiées de protagonistes trop passifs passent moins bien la rampe aujourd'hui. Et la personnalité de Zarah Leander, brune chanteuse suédoise propulsée star du Troisième Reich pour concurrencer Greta Garbo et Marlène Dietrich, n'y apparaît pas des plus enthousiasmantes.</p> <p>Après deux films mineurs réalisés sur la route de l'exil, <i>Accord final,</i> une comédie romantique tournée (mais pas signée) entre Paris et les bord du Léman, et <i>Boefje,</i> chronique édifiante d'un gamin de la rue à Rotterdam, Sierck débarque à Los Angeles... où il commence par élever des poulets et cultiver de la luzerne faute de trouver du travail. Lorsqu'il est enfin pris sous contrat comme scénariste à la Columbia, Harry Cohn, «mogul» inculte et brutal, le tient à l'écart de tout projet intéressant. Ce n'est qu'en parallèle, pour des indépendants, que celui qui a changé son nom en Douglas Sirk peut réaliser les films de sa période dite «intermédiaire», autre (re)découverte de cette rétrospective.</p> <p>Parmi ces huit titres en noir et blanc, outre l'inaugural <i>Hitler's Madman,</i> on y retient un trio de films pseudo-européens avec en vedette George Sanders, un acteur qui faisait pétiller l'esprit de ses films: <i>Summer Storm,</i> drame russe d'après la nouvelle <i>Le Duel</i> d'Anton Tchekhov, le déjà cité <em>A</em><i> Scandal in Paris,</i> et <i>Lured</i>, brillant remake d'un film policier de Robert Siodmak rejoué à Londres. Mais il faut également retenir <i>Sleep My Love,</i> superbe drame «gothique» centré sur une femme que son mari cherche à éliminer, <i>Shockproof,</i> scénario de Samuel Fuller qui fait tomber amoureux une femme sortie de prison et son agent de probation, et surtout <i>The First Legion,</i> adaptation d'une pièce d'Emmet Lavery qui confronte un couvent de jésuites à un double miracle – le seul film que Sirk produisit lui-même, avec le soutien décisif de l'acteur Charles Boyer. Il suffit de voir l'intelligence avec laquelle le cinéaste y traite ce sujet délicat, posant des questions essentielles sur la religion et la foi en termes de croyance, pour être convaincu de sa grandeur.</p> <h3>D'Universal à l'auteur universel</h3> <p>Au retour d'un voyage vain en Allemagne pour retrouver la trace de son fils et tenter d'y reprendre pied professionnellement, Sirk décroche en 1949 un contrat chez Universal, alors la plus modeste des «majors» de Hollywood. Suivront pas moins de 21 films réalisés en dix ans, avec une montée en puissance qui aboutira aux grands mélodrames qui ont fait sa réputation. Au début, Sirk n'a pas accès aux meilleurs scénarios et on le voit ronger son frein avec des petits films qui flirtent avec la série B. Mais peu à peu, le succès venant, il parvient à imposer ses choix, se constituant une équipe de collaborateurs fidèles. Son sésame se nommera Rock Hudson, jeune acteur au physique imposant mais empreint d'une surprenante douceur, qu'il mène en huit collaborations au statut de vedette numéro un du box office américain.</p> <p>Dans le lot des titres peu connus, on trouve de tout: film d'espionnage <i>(Mystery Submarine),</i> adaptation de pièce médiocre <i>(Thunder on the Hill),</i> comédie romantique <i>(The Lady Pays Off),</i> musicale <i>(Meet Me at the Fair),</i> western <i>(Taza, Son of Cochise)</i> ou même peplum <i>(The Sign of the Pagan).</i> Rien d'indigne mais pas grand-chose non plus qui indique un cinéaste d'un talent supérieur. Dans les trois derniers cités, les nouveautés de la couleur, de la 3D et du CinemaScope alourdissent nettement la mise en scène d'habitude si enlevée de Sirk. Après deux comédies déjà évoquées, qui traitent finement de sexualité et d'argent, Sirk retrouve de l'élan avec <i>Captain Lightfoot,</i> film d'aventures pseudo-historique dans la veine de son Vidocq, avec l'avantage de superbes paysages irlandais saisis avec un Scope cette fois pleinement maîtrisé.</p> <p>Mais notre cinéaste ne trouve vraiment sa voie qu'avec <i>All I Desire,</i> un mélodrame avec l'immense Barbara Stanwyck (1953). Dans ce portrait d'une actrice ratée qui se rend dans une bourgade de province pour retrouver la famille qu'elle avait abandonnée des années plus tôt, Sirk nous émeut par le choix impossible entre vie sociale et passion privée, condamné à se rejouer chez la génération suivante, ne laissant que déceptions et regrets pour l'autre existence non vécue. A ce «film de la mère» répondra trois ans plus tard le «film du père» qu'est <i>There Is Always Tomorrow</i>, à nouveau en noir et blanc et avec Stanwyck, mais cette fois centré sur un bouleversant Fred MacMurray, en fabricant de jouets devenu invisible dans sa famille et qui imagine un instant pouvoir échapper à sa vie de brave «pilier de la société». Une pure merveille.</p> <h3>Le roi du mélodrame</h3> <p>Le nom de Sirk restera à jamais associé à ses derniers mélodrames en couleurs où, avec la complicité de son chef opérateur Russell Metty et de son musicien Frank Skinner, il développe un style d'un lyrisme exacerbé quoique doublé d'un regard très critique sur la société. Même tiré d'un impossible roman du pasteur Lloyd C. Douglas, <i>Magnificent Obsession,</i> qui raconte le rachat d'un playboy millionnaire ayant causé la mort d'un grand chirurgien et la cécité de sa femme, peut ainsi devenir une pure merveille. Mais son triomphe commercial permet aussi la réalisation d'un second film plus modeste avec le même couple Jane Wyman-Rock Hudson: <i>All That Heaven Allows,</i> l'histoire d'amour entre une veuve de la bonne société et un jeune jardinier qui mène une vie plus authentique (réminiscence de sa lecture des philosophes Thoreau et Emerson). Pour beaucoup, c'est là que se situe la quintessence de l'art de Sirk, même si ce film fait encore ricaner pas mal de spectateurs non avertis, comme on a pu le constater à Locarno.</p> <p>Rien de tel dans l'autre duo de films rendus indissociables par leur casting: <i>Written on the Wind</i> et <i>The Tarnished Angels,</i> avec le trio Rock Hudson - Robert Stack - Dorothy Malone (en fait des quatuors, avec en prime Lauren Bacall dans le premier et Jack Carson dans le second). Deux mélodrames d'une autre nature, plus âpres, l'un sur fond de fortune pétrolière texane, l'autre de courses foraines d'avions au lendemain de la Première guerre mondiale (d'après le roman <i>Pylône</i> de William Faulkner). Avec leurs personnages désaxés campés par Stack et Malone, ces films deviennent aussi dramatiquement explosifs qu'esthétiquement incandescents entre les mains d'un cinéaste qui nous laisse à chaque fois le coeur essoré, avec un goût de cendres.</p> <p>On l'a déjà dit, l'impossible retour au pays inspirera encore au cinéaste son chef-d'œuvre le plus personnel, <i>A Time to Live and a Time to Die.</i> Mais on aurait tort de négliger totalement le bancal <i>Battle Hymn,</i> qui transfère la culpabilité des bombardements meurtriers sur l'Allemagne sur le terrain de la Guerre de Corée avec une improbable (mais véridique) histoire de pilote américain qui sauve les enfants d'un orphelinat. S'il y a là de fort belles choses (dont des scènes aériennes meilleures que dans <i>Top Gun), </i>politiquement, c'est un peu court. Il convient surtout de réhabiliter <i>Interlude</i> et sa brève romance entre une Américaine expatriée et un chef d'orchestre européen, qui se joue entre Munich à Salzburg: a priori, un autre sujet insauvable, avec des acteurs peu emballants (June Allyson et Rossano Brazzi), mais traité avec un mélange de mélancolie et de réalisme qui fait mouche par-delà le luxe touristique affiché.</p> <p>Dès lors, osera-t-on avouer une certaine déception à la revoyure du fameux <i>Imitation of Life</i> (1959), dernier long-métrage et plus grand succès de la carrière du cinéaste? Nombreux sont ceux qui y voient un ultime sommet – forcément. Mais non, même si le thème d'une vie plus imitée et contrainte que vécue est éminemment «sirkien». Alors que le drame de la fille noire à la peau si claire qu'elle peut passer pour blanche, quitte à rejeter sa mère à la peau foncée, reste saisissant, tout ce qui concerne l'ascension de l'actrice de théâtre jouée par Lana Turner et son ami platonique John Gavin paraît nettement plus quelconque. Et seule la procession funéraire finale est réellement «sublime» dans sa démesure.</p> <h3>Passer le flambeau</h3> <p>Malgré ce succès, un Sirk tombé malade choisira de prendre du recul avec le cinéma, s'établissant à Lugano pour les 25 dernières années de sa vie et terminant sa carrière sur une poignée de mise en scène de théâtre en Allemagne. Grâce à un jeune admirateur nommé Rainer Werner Fassbinder, il réalisera cependant encore trois courts métrages – de même qu'il avait débuté à la UFA avec trois courts! – dans le cadre de l'école de cinéma de Munich. Sur des textes de Tennessee Williams et Arthur Schnitzler, il s'agit de trois petits bijoux, d'une beauté plastique et d'une profondeur humaine insoupçonnée. Longtemps restés invisibles, de même que les trois premiers qu'on avait cru perdus, leur sauvegarde digitale devrait enfin permettre une plus large diffusion.</p> <p>On le voit, la moisson locarnaise fut riche de réévaluations. Reste le mystère d'une réputation si tardive, arrivée seulement à partir des années 1970. C'est sans doute que tant en Allemagne sous le nazisme que dans l'Amérique maccarthyste, la critique de cinéma était devenue quantité négligeable, tandis que la jeune critique auteuriste française ne découvrit que les derniers feux du cinéaste. Il aura ainsi fallu un livre d'entretiens exemplaire de l'Irlandais Jon Halliday (1971) pour conférer à Sirk sa stature d'auteur à part entière. Depuis, le flambeau a surtout été porté par des cinéastes homosexuels qui s'en sont parfois inspirés – après Fassbinder, Daniel Schmid, John Waters, Pedro Almodovar, Todd Haynes ou François Ozon – alors même qu'il n'y a rien de moins gay que les films de Sirk! Il faut croire que l'artifice assumé du style, le thème du rôle que l'on tient en société, la tendresse pour les outsiders, exclus ou perdants, l'ironie chevillée qui n'empêche pas la recherche d'une émotion magnifiée, sans oublier le facteur Rock Hudson, devenu une icône gay depuis, ont touché une corde sensible de ce côté-là. Mais il ne faudrait surtout pas que l'œuvre de Sirk s'en retrouve l'otage, pas plus que des «études de genre» à l'américaine. Elle est bien trop riche et profonde pour ça, encore capable de parler à quiconque a des yeux pour s'émerveiller et un cœur pour comprendre.</p> <hr /> <h4>Hommage à Douglas Sirk. Cinémathèque Suisse, Lausanne, dès le 24 août. 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Ensuite, la mise en réseau des ressources a permis de montrer beaucoup plus de films qu'à l'époque, soit une quasi intégrale de 38 longs-métrages et 6 courts (ne manquaient que <i>Week-End with Father,</i> de 1951, et deux versions en langue étrangère de films des années 1930). Mais surtout, alors même qu'on pouvait croire cet auteur de l'ère classique bien identifié, son style «d'artifice intelligent» revendiqué par nombre de cinéastes actuels, il s'agit en réalité d'une œuvre restée en partie dans l'ombre du fait d'un parcours marqué par la cassure de la guerre et l'exil. 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Il ne prit le large qu'une fois tout espoir perdu, devenant l'un des rares émigrés allemands de Hollywood à ne pas être juif.</p> <p>Tout cela a-t-il vraiment eu une influence sur son style et a-t-il une importance pour le spectateur? Au-delà des sommets que constituent <i>Hitler's Madman</i> et <i>A Time to Love and a Time to Die,</i> deux des plus déchirants films de guerre jamais réalisés, difficile de l'affirmer. Mais on en comprend déjà mieux l'incroyable virulence anti-nazie du premier, reconstitution «à chaud» d'un massacre perpétré en Tchécoslovaquie, et la non moins incroyable tendresse du second, adaptation d'un roman d'Erich Maria Remarque qu'on peut lire comme un «tombeau» pour ce fils perdu. Deux chefs-d'œuvre aujourd'hui trop oubliés. 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Mais il faut également retenir <i>Sleep My Love,</i> superbe drame «gothique» centré sur une femme que son mari cherche à éliminer, <i>Shockproof,</i> scénario de Samuel Fuller qui fait tomber amoureux une femme sortie de prison et son agent de probation, et surtout <i>The First Legion,</i> adaptation d'une pièce d'Emmet Lavery qui confronte un couvent de jésuites à un double miracle – le seul film que Sirk produisit lui-même, avec le soutien décisif de l'acteur Charles Boyer. Il suffit de voir l'intelligence avec laquelle le cinéaste y traite ce sujet délicat, posant des questions essentielles sur la religion et la foi en termes de croyance, pour être convaincu de sa grandeur.</p> <h3>D'Universal à l'auteur universel</h3> <p>Au retour d'un voyage vain en Allemagne pour retrouver la trace de son fils et tenter d'y reprendre pied professionnellement, Sirk décroche en 1949 un contrat chez Universal, alors la plus modeste des «majors» de Hollywood. Suivront pas moins de 21 films réalisés en dix ans, avec une montée en puissance qui aboutira aux grands mélodrames qui ont fait sa réputation. Au début, Sirk n'a pas accès aux meilleurs scénarios et on le voit ronger son frein avec des petits films qui flirtent avec la série B. Mais peu à peu, le succès venant, il parvient à imposer ses choix, se constituant une équipe de collaborateurs fidèles. 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Alors que le drame de la fille noire à la peau si claire qu'elle peut passer pour blanche, quitte à rejeter sa mère à la peau foncée, reste saisissant, tout ce qui concerne l'ascension de l'actrice de théâtre jouée par Lana Turner et son ami platonique John Gavin paraît nettement plus quelconque. Et seule la procession funéraire finale est réellement «sublime» dans sa démesure.</p> <h3>Passer le flambeau</h3> <p>Malgré ce succès, un Sirk tombé malade choisira de prendre du recul avec le cinéma, s'établissant à Lugano pour les 25 dernières années de sa vie et terminant sa carrière sur une poignée de mise en scène de théâtre en Allemagne. Grâce à un jeune admirateur nommé Rainer Werner Fassbinder, il réalisera cependant encore trois courts métrages – de même qu'il avait débuté à la UFA avec trois courts! – dans le cadre de l'école de cinéma de Munich. Sur des textes de Tennessee Williams et Arthur Schnitzler, il s'agit de trois petits bijoux, d'une beauté plastique et d'une profondeur humaine insoupçonnée. Longtemps restés invisibles, de même que les trois premiers qu'on avait cru perdus, leur sauvegarde digitale devrait enfin permettre une plus large diffusion.</p> <p>On le voit, la moisson locarnaise fut riche de réévaluations. Reste le mystère d'une réputation si tardive, arrivée seulement à partir des années 1970. C'est sans doute que tant en Allemagne sous le nazisme que dans l'Amérique maccarthyste, la critique de cinéma était devenue quantité négligeable, tandis que la jeune critique auteuriste française ne découvrit que les derniers feux du cinéaste. Il aura ainsi fallu un livre d'entretiens exemplaire de l'Irlandais Jon Halliday (1971) pour conférer à Sirk sa stature d'auteur à part entière. Depuis, le flambeau a surtout été porté par des cinéastes homosexuels qui s'en sont parfois inspirés – après Fassbinder, Daniel Schmid, John Waters, Pedro Almodovar, Todd Haynes ou François Ozon – alors même qu'il n'y a rien de moins gay que les films de Sirk! Il faut croire que l'artifice assumé du style, le thème du rôle que l'on tient en société, la tendresse pour les outsiders, exclus ou perdants, l'ironie chevillée qui n'empêche pas la recherche d'une émotion magnifiée, sans oublier le facteur Rock Hudson, devenu une icône gay depuis, ont touché une corde sensible de ce côté-là. Mais il ne faudrait surtout pas que l'œuvre de Sirk s'en retrouve l'otage, pas plus que des «études de genre» à l'américaine. Elle est bien trop riche et profonde pour ça, encore capable de parler à quiconque a des yeux pour s'émerveiller et un cœur pour comprendre.</p> <hr /> <h4>Hommage à Douglas Sirk. Cinémathèque Suisse, Lausanne, dès le 24 août. 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Depuis son hameau de Quincy (commune de Mieussy) niché derrière le Môle, une montagne bien connue des habitants du bout du Léman, il mène une carrière unique en son genre, qui prouve qu'on peut traiter du global à partir du local. En témoignent une vingtaine de titres, dont une dizaine de longs-métrages de <i>Ma Mondialisation</i> (2006), sur l'industrie du décolletage dans la vallée de l'Arve toute proche, à deux films récents avec le député Insoumis François Ruffin <i>(J'veux du soleil!</i> et <i>Debout les femmes!).</i></p> <p>Après un premier détour par la fiction tenté avec l'aide de sa compagne Marion Richoux, <i>Reprise en main</i> (ancré dans cette même réalité ouvrière, avec Pierre Deladonchamps et Laetitia Dosch), le voici qui revient au sujet de son premier film, <i>Trois frères pour une vie</i> (1999), portrait de paysans de son village. 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C'est cet achat qui a lancé la machine... </p> <p><strong>On voit aussi dans le film une achive TV en noir et blanc avec les trois frères, Jean, Joseph et André, en 1972. D'où provient-elle?</strong></p> <p><strong>GP</strong>: Elle figurait déjà dans le film de 1999. Je m'étais souvenu de l'événement qu'avait été la venue de la télé dans notre hameau – je devais avoir 4 ou 5 ans – et j'étais donc parti à sa recherche. Avant l'apparation de reportages télévisés plus formatés, c'était une sorte d'émission de promotion rurale à l'intention des paysans eux-mêmes, diffusée sur un créneau spécifique de FR3. Retrouver ça n'a pas été une mince affaire!</p> <p><strong>MR</strong>: En fait, je pense que ces images ont aussi influencé Gilles dans sa manière de faire. 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Contre les discours politiques qui simplifient, cela rappelle qu'il existe en France beaucoup de réalités rurales très différentes. Ici, derrière les trois frères qui ont souffert pour tout mettre en place, on a une génération qui a vraiment choisi ce métier et qui en vit bien, parvenant à réinvestir sans surendettement. A priori, on peut ne pas voir la robotisation de la traite d'un très bon œil, mais de leur point de vue c'est un réel progrès. Leur modèle fonctionne bien, sous la protection de l'AOC Reblochon. Car il faut se rendre compte que c'est grâce à elle que leur lait est payé deux fois plus cher qu'un lait de plaine, qui lui est en concurrence avec d'autres laits européens.... Même si ce n'est pas explicite dans le film, je tiens à ramener cette dimension politique dans les débats. Alors que de nombreux paysans clament qu'ils veulent moins de règles, surtout environnementales, ici, ce sont bien les règles contraignantes édictées par l'AOC qui les protègent!</p> <p><strong>MR</strong>: C'est un film où il y a beaucoup de thèmes sous-jacents, en particulier du fait que tout est appréhendé sur le temps long. Le montage non-chronologique, qui fait des retours dans le passé, permet de se rendre compte de tout ce qui a évolué. Cadré sous le même angle, le paysage n'a peut-être pas changé, mais on voit la ferme se moderniser, le travail se mécaniser, les gens prendre de l'âge et la vie passer...</p> <p><strong>Tout documentaire est forcément sélectif. Ici, on se demande ce que ces paysans font à part travailler du matin au soir. Il n'y a donc pas de place pour d'autres passions?</strong></p> <p><strong>GP</strong>: Les trois frères n'ont pas vraiment connu de loisirs, encore moins pris de vacances. Et l'heure de la retraite arrivée, ils n'en manifestent pas le désir. Mais c'était des gens étonnamment érudits et intéressés, capables de discuter d'autres sujets que juste leur travail! Le grand-père était un grand lecteur et il leur avait transmis ça. André, celui qui est encore en vie et qui tire un bilan plutôt amer de leur existence, sans femmes pour la partager, lit toujours le <i>Courrier International!</i> Ils ont aussi un peu regardé la TV, même si on ne la voit pas: elle était cachée dans un coin sous un tissu, dans cet intérieur d'une totale austérité.</p> <p><strong>MR</strong>: Il a bien fallu se focaliser sur la ferme, la question de sa survie économique et de sa transmission. Si la nouvelle génération est parvenue à prendre sa place dans le film, ce n'était pas du tout évident au début, face à des personnages tels que ces trois oncles! Au bout du compte, malgré les inévitables «oublis», ils se sont tous déclarés satisfaits de l'image qu'on donne du métier. Même le vieil André, en général si négatif.</p> <p><strong>Les thèmes du regroupement des terres, de la construction galopante, de l'écologie et du réchauffement climatique sont juste effleurés. Que peut-on en dire?</strong></p> <p><strong>GP</strong>: Le regroupement foncier s'est fait naturellement, en parallèle à la mécanisation. A présent, les Bertrand possèdent la moitié des terres à Quincy et gèrent tout le reste. Mais si le hameau est resté inchangé, au contraire d'autres villages de la même commune où la population a doublé, c'est bien grâce à son classement comme terrain agricole. Encore une règle salutaire! Parce qu'entre l'industrie de la vallée de l'Arve, le tourisme et la proximité de Genève, la pression démographique est très forte dans la région. Sans même parler des résidences secondaires...</p> <p><strong>MR</strong>: Même si André paraît se moquer de ces écologistes citadins, il faut aussi voir que dans la pratique, on trouverait difficilement plus vertueux que lui! En termes de bilan carbone, on est tous loin derrière, même si la nouvelle génération n'en est évidemment plus là non plus. Dans le film, on voit encore comment l'entretien du paysage et le bien-être de leurs vaches leur ont toujours tenu à cœur. Comme quoi les paysans ne sont pas forcément les ennemis de l'écologie.</p> <p><strong>GP</strong>: Quant au réchauffement climatique, je dirais qu'ils ne sont pas dans la panique, plutôt dans l'anticipation. Les foins se font déjà plus tôt dans l'année et les retours à l'étable plus tard. Alors, ils se préparent à des années avec «deux hivers»: c'est-à dire qu'en plein été aussi il va falloir rentrer les vaches pendant un ou deux mois. Cela paraît inéluctable quand on voit toute la neige qui a déjà disparu en hiver, les pics de chaleur et la sécheresse qui commence à s'installer en été. 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Et aussi que la question de son importance littéraire restait suspendue, forcément en retrait des polémiques. Puis le cinéma a commencé à s'intéresser à elle, Laëtitia Masson (non-)adaptant de manière originale <i>Pourquoi (pas) le Brésil</i> bien avant qu'une Claire Denis peu inspirée n'illustre ses scénarios <i>Un Beau soleil intérieur</i> et <i>Avec amour et acharnement.</i> Quant à l'adaptation d'<i>Un amour impossible</i> par Catherine Corsini, elle est hélas restée inédite sous nos cieux.</p> <p>Tout cela pour dire que lorsque dame Angot décide de faire un film, ce n'est pas en oie blanche qu'elle débarque, mais entourée de grands professionnels, de ses producteurs (Alice Girard et Bertrand Faivre) à sa cheffe opératrice (Caroline Champetier). Et qu'il convient donc de prendre le résultat au sérieux, d'autant plus qu'elle est devenue une icône pour toute une nouvelle vague féminine. 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N'obtenant que de vagues excuses de cette digne bourgeoise germanique qui prétend n'avoir rien su de l'inceste qui a eu lieu sous ce même toit, elle repart à peine moins fâchée. Qui croire? La violence employée ne plaide pas forcément en faveur de celle qui réclame des excuses...</p> <p>Suit heureusement toute une remise en contexte, avec narration en voix off et images d'archives familiales qui montrent l'enfant puis la belle jeune femme, épouse et mère, que Christine Angot a aussi été. Les mots choisis sonnent juste, les images habilement amenées touchent, sa jeunesse saccagée ne fait aucun doute derrière une apparence faussement tranquille. 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Bref, il y a là une dimension de plaidoyer <em>pro</em> <em>domo</em> sélectif dont il convient de de pas être dupe.</p> <p>La rencontre la plus révélatrice est celle, douce-amère, avec son ex-mari, qui fut lui-même victime d'un viol dans son enfance. Survient alors ce moment où elle lui reproche de ne pas être intervenu alors que, dans leur maison à Nice, elle «rechutait» avec son père à l'étage. Lui se défend en affirmant que c'était par respect pour sa personne, supposant qu'à ce moment de sa vie elle devait savoir ce qu'elle faisait. Ignoble lâcheté ou au contraire retenue admirable? Apparaît alors, aveuglante, l'infinie complexité de ces histoires d'emprise et de consentement, de désir et de honte, de demande d'amour et de responsabilité qui peut fluctuer avec le temps. 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C'est en tout cas fort de cette conviction qu'on est allé voir <i>The Palace</i> et qu'on l'a beaucoup apprécié, contrairement à la meute qui lui est tombée dessus en septembre dernier à Venise. Non, il ne s'agit pas d'un grand film et pourtant, il y a là une liberté de ton, une capacité à mêler burlesque raffiné et mauvais goût le plus trash, à concilier un cynisme apparemment total et un regard moral, qui fait le plus grand bien. Est-ce trop demander aujourd'hui qu'un peu de respect pour cet artiste majeur en fin de carrière et, surtout, le droit de vérifier par soi-même plutôt que de subir de nouveaux censeurs auto-institués</p> <p>Car on en est là. Depuis cette présentation désastreuse hors compétition à la dernière Mostra, précédée d'appels au boycott, plus personne ne semble vouloir de ce film. Déjà son tournage à Gstaad, avec un montage financier acrobatique suite au désistement de nombreuses vedettes, fut tout sauf simple. Malgré l'aura du cinéaste palmé et oscarisé de <i>The Pianist</i> et de son co-scénariste Jerzy Skolimowski <i>(EO),</i> le projet était devenu comme pestiféré déjà avant le premier clap. Et à présent que toute chance de succès commercial a disparu, c'est la débandade.</p> <p>Certes, <i>The Palace </i>est encore sorti plus ou moins normalement dans une poignée de pays (Italie, Pologne, Russie, Hongrie, Suède et Allemagne). Mais dans le monde anglo-saxon, personne n'ose s'en approcher, surtout après son assassinat en règle par les donneurs de ton <i>Variety, The Hollywood Reporter</i> et <i>Screen.</i> En France, après six mois de tergiversations, seule une petite compagnie spécialisée dans la réédition de classiques américains, Swashbuckler Films, a fini par assumer le risque d'une distribution, en espérant que suffisamment de salles suivront d'ici la date annoncée du 15 mai. Et en Suisse, autre pays co-producteur derrière l'Italie et la Pologne? Ici aussi, c'est un mini-distributeur occasionnel, Mont-Blanc, qui est venu à la rescousse, sortant d'abord le film en Suisse allemande le 18 janvier (flop à 4'600 d'entrées) tandis que presque tous les exploitants romands se défilaient. Même notre Cinémathèque se cache courageusement. Ne reste pour l'instant plus que le Ciné 17 de Genève, qui sort le film le 10 avril – qu'on se le dise.</p> <h3>C'est quoi, ce <i>Palace?</i></h3> <p>Car enfin, ce n'est «que» d'une œuvre qu'il sagit, pas d'anciennes affaires de mœurs sur lesquelles nous n'avons ni les moyens ni l'autorité pour juger! Et <i>The Palace,</i> malgré tous les bâtons mis dans ses roues, vaut largement le détour. Peut-être que seuls ceux qui se souviennent encore de <i>What? </i>(1972), la dernière franche comédie de Polanski, comprendront vraiment d'où sort ce film absurde et grotesque, cosmopolite en diable et peuplé de monstres tous plus ou moins escrocs. Après une villa isolée au bord la Méditerranée, c'est dans un grand hôtel de l'Oberland bernois – à Gstaad, où il possède un chalet et passa une année en résidence surveillée sous la menace d'une extradition aux Etats-Unis – que notre auteur a situé sa nouvelle farce. Et à la place de son vieux complice Gérard Brach, décédé en 2006, c'est cette fois son ami de jeunesse Skolimowski qui, avec son épouse Ewa Piaskowska, co-signe le scénario. Soixante ans après leur mémorable collaboration du <i>Couteau dans l'eau,</i> un bel exemple de fidélité.</p> <p>Pays hôte, la Suisse n'en sort pas grandie, et on peut dès lors comprendre que la Confédération n'ait pas lâché le moindre centime au courageux co-producteur CAB Films. Mais elle n'est de loin pas la seule à en prendre pour son grade dans ce qui s'apparente à un grand jeu de massacre géopolitique. Seul épargné, ce «reste du monde», pays du Golfe, Chine, Inde ou Brésil, qui n'a atteint le statut puissance mondiale qu'après l'an 2000. Ce règlement de comptes est donc avec l'ancien monde, celui du XXème siècle qu'a traversé Polanski, aujourd'hui âgé de 90 ans. Mais il concerne tout autant une certaine «belle» société huppée qu'il a aussi côtoyée. Et là, il y a peu de chances que quoi que ce soit ait changé depuis, les nouveaux riches valant bien les anciens.</p> <h3>Jeunesse qui s'enfuit, argent aux abris</h3> <p>Tout commence donc avec l'arrivée des convives pour un réveillon du millénaire qui s'annonce festif tandis que le personnel s'active pour leur accueil. Hansueli Kopf, l'impeccable directeur du palace (Oliver Masucci, un des principaux acteurs allemands actuels), sera particulièrement mis à contribution. Il est le clown blanc de l'affaire, qui se plie aux exigences les plus extravagantes de ses hôtes, arrangeant des services discrets par-ci et éteignant des incendies par-là avec l'aide de ses adjoints Tonino (Fortunato Cerlino) et Mrs. Frautschi (Beatrice Frey). Et parmi les habitués déjà installés, qui d'autre pour ouvrir le bal que... Sydne Rome, l'héroïne de <i>What?</i></p> <p>Las! Ex-beauté d'une fraîcheur exquise, cette juive américaine installée en Italie n'est plus que l'ombre d'elle-même après trop de passages sous les bistouris (à sa décharge, dans la vie réelle, c'est suite à un accident de voiture lors duquel un airbag lui explosa au visage). Vitrine de tous les autres «monstres» à venir, elle remercie un certain Dr. Lima (Joaquim de Almeida, star portugaise du cinéma international) pour les années de jeunesse qu'il lui aurait fait gagner. Très demandé, ce prince de la chirurgie esthétique ne se souvient pas des noms de ses innombrables patientes, plus préoccupé qu'il est par une épouse gagnée par Alzheimer. Claquemurée dans sa suite, une autre de ses clientes, une marquise française (Fanny Ardant), voue son affection à son petit chien Mr. Toby. Mais un souci d'écoulement lui fait bientôt reporter son intérêt sur Karol, un beau plombier polonais.</p> <p>Et ainsi vogue la comédie, de chambre en chambre et de nouvel arrivant en nouvelle crise. Il y a là l'octogéraire milliardaire américain Arthur William Dallas III (John Cleese, des Monty Python) et Magnolia, sa jeune épouse texane enveloppée (la non moins britannique Bronwyn James), surtout intéressée à hériter. Autre Américain quoique d'âge indéfinissable grâce à sa moumoute et son fond de teint orangé, Bill Crush (Mickey Rourke, ou ce qu'il en reste) est un escroc qui s'est invité sans réservation pour faire affaire avec Jacob Tell (Milan Peschel, autre excellent comédien allemand), un timide banquier suisse. Mais qui est donc ce Vaclav, surgi de quelque pays d'Europe centrale avec femme et enfants, qui se présente soudain comme son fils? A l'autre bout du spectre, voici un groupe de jeunes et bruyants oligarques russes avec leurs blondes escorts venus retrouver un ambassadeur corrompu avec des sacs remplis de billets à «blanchir». Trop volumineux pour être accueillis par le safe de l'hôtel, ils trouveront place dans l'abri anti-atomique...</p> <h3>La vanité des monstres</h3> <p>On peut trouver le trait gros, mais la caricature à la Daumier est précise et cruelle, de même que la mise en scène reste affûtée. Par moments, Polanski manque visiblement de moyens (l'envol depuis un balcon qui révèle enfin l'ensemble du bâtiment, réalisé en effets spéciaux) et ses blagues ne sont pas toujours du meilleur goût, comme celles concernant le signor Minetti, alias Bongo, ancienne star du porno bien membré (Luca Barbareschi, complice de longue date et principal producteur du film). Mais un pansement bien placé en souvenir de <i>Chinatown</i> a tôt fait de nous le rendre plus amusant. En fait, tous se valent dans cette grande course à l'argent, contre le temps qui file et qui finira tout de même par les rattraper.</p> <p>Mr. Crush veut convaincre Tell de parier avec lui sur le «bug» informatique prédit pour l'an 2000. A la télévision, en direct, un Boris Eltsine épuisé passe la main à un jeune successeur prometteur, un certain Vladimir Poutine, lequel assure un peu plus tard à tous la protection d'un Etat de droit. Un pingouin offert par le vieux milliardaire à sa petit-fille – pardon, sa jeune épouse – s'échappe dans les couloirs de l'hôtel, pauvre petit intrus dans ce monde de fous. Pour finir, il y aura des morts, mais on ne dévoilera pas ici lesquelles. Par contre, il n'y pas de mal à révéler que, de manière parfaitement réaliste, les riches resteront riches et la Suisse saura en profiter. Quant à Tell, il sortira de là tout ébaudi, déclarant avoir vécu là «la plus belle soirée de sa vie». Clin d'œil au titre du film qu'Ettore Scola tira en 1972 de <i>La Panne</i> de Friedrich Dürrenmatt?</p> <p>Toujours est-il que c'est bien la satire jusqu'au-boutiste des dernières grandes comédies italiennes qui vient ici à l'esprit (bien plus que les récents <i>Youth</i> de Paolo Sorrentino ou <i>Sans filtre/Triangle of Sadness</i> de Ruben Östlund). C'est comme si Polanski avait choisi de rester un cinéaste du siècle passé, pour le meilleur et pour le pire. Quant à l'humour, il n'y a bien sûr rien de plus personnel. Par le passé, il est arrivé au cinéaste de toucher le grand public <i>(Cul-de-sac, Le Bal des vampires)</i> comme de rater sa cible <i>(What?, Pirates). </i>Pour notre part, nous nous sommes bien amusés. En tous cas, ne croyez pas ceux qui clament que Polanski serait soudain devenu gâteux et aurait perdu tout talent. Secondé par ses fidèles collaborateurs, le monteur Hervé de Luze (12ème film en commun), le chef opérateur Pawel Edelman (8ème) et le compositeur Alexandre Desplat (6ème), réunis depuis <i>The Ghost Writer</i> et ses ennuis helvétiques de 2009, cet éternel fugitif a réalisé le film qu'il voulait. Sans doute le dernier d'un esprit libre, qui aura estimé qu'il n'avait plus rien à perdre.</p> <hr /> <p>(<strong>Rédaction</strong>) <em>Nous apprenons que le producteur-délégué du film de Polanski, Jean-Louis Porchet, a été victime d’un grave accident de circulation le dimanche 24 mars, près de Rivaz. Il se trouve dans un état grave au CHUV, à Lausanne. Sa société, CAB-Productions, établie à Lausanne, connaît de sérieuses difficultés en raison du boycott dans quasiment toutes les salles suisses de cette œuvre tournée à Gstaad, avec un grand nombre de techniciens locaux. Ce qui d’ailleurs, outre la notoriété du réalisateur, n’a pas suffi à convaincre la RTS, Cinéforom et l’Office fédéral de la Culture de soutenir le projet. 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Il y a pourtant de quoi être inquiet devant un générique assez hideux qui se charge de nous rappeler à quel point ce morceau est populaire et a fait le tour du monde, resservi (toutes les 15 minutes, à ce qu'il paraît) à toutes les sauces. Pauvre Ravel, très contrarié que ce qu'il considérait comme un simple exercice de style éclipse toute son œuvre, au point de regretter l'avoir composé! Heureusement qu'une séquence pré-générique située dans une usine, avec Ravel qui tente vainement d'expliquer la musicalité de cet environnement sonore à sa commanditaire, la danseuse Ida Rubinstein, a déjà posé d'autres bases, qui font la part d'une certaine modernité.</p> <p>Evidemment, personne n'attend plus un film novateur de la part d'Anne Fontaine, 64 ans, cinéaste dont le principal mérite est d'avoir su se maintenir à un niveau honorable depuis trois décennies. Mais même si elle ne saurait clamer que son Maurice Ravel, c'est elle, ce 19ème opus a déjà l'immense mérite de résister aussi bien à cet académisme formel qui guette tout «film d'époque» qu'au diktat féministe actuel. Toujours produite par son mari Philippe Carcassonne (ça aide), l'auteure de <i>Coco avant Chanel</i> (2009) y approche son grand homme avec une délicatesse rare, qui respecte autant sa musique que les zones d'ombre du personnage. Au point que son film devrait au minimum intriguer ceux qui n'aurait pas été profondément émus!</p> <h3>Cinq femmes autour de Ravel</h3> <p>Après une scène qui voit le jeune Ravel incapable de remporter un Prix de Rome convoité (il s'y reprit à cinq fois), <i>Bolero</i> débute vraiment une vingtaine d'années plus tard, lorsque, compositeur reconnu, il reçoit la commande d'un ballet de la fantasque Ida (Jeanne Balibar, au sommet de sa préciosité). C'est un bel homme de petite stature, élégant et discret, qui se consacre entièrement à la musique, au point qu'elle seule semble compter dans sa vie. Il a des amitiés féminines mais on ne lui connaît pas d'amours, et la principale à le taquiner à ce sujet n'est autre que Misia (Doria Tillier), la mécène et «reine» du tout-Paris d'alors. Eh oui, la même Misia Godebska (ou Edwards ou Sert, selon ses mariages) que l'on a pu voir tout récemment dans le <i>Bonnard</i> de Martin Provost, sous les traits d'Anouk Grinberg! Toujours est-il que même très disponible, Ravel sèche sérieusement sur cette nouvelle commande.</p> <p>Or, c'est justement de cette non-action que le film tire sa particularité et,<i> in fine,</i> sa réussite. A côté de dialogues toujours bien sentis, les tentatives répétées de se mettre au travail, la procrastination, les distractions et les souvenirs composent l'essentiel du scénario. 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