Culture / A la guerre comme à la guerre, toutes et tous vont «faire avec»
"Ciel d’encre et d’oubli". © Didier Mouron
"Combien étaient-ils ? (Fukushima, Phuket, etc.)" © Didier Mouron
Un opuscule de supposés «grands penseurs» occidentaux «positionne» ceux-ci Face à la guerre. En même temps que d’ingénus branchés se demandent: «Que peuvent faire les Inrocks?» Et les experts de ricaner en multipliant leurs expertises contradictoires, tandis que tel poète ukrainien célèbre les «hommes-mots», que tel autre pointe la «conspiration du réel» et que les Mouron père (Didier) et fils (Quentin) vivent en douceur une collaboration pacifique d’artiste et de poète, en marge d’une superbe exposition.
D’Ukraine en guerre, l’autre soir, un inconnu, du nom de Mykola Istvyn, m’envoie sept poèmes qu’il me prie de publier dans la revue littéraire numérique que j’anime, à l’enseigne du Passe-Muraille.
Le dernier de ces sept poèmes, qui s’intitule Hommes-Mots, me parle immédiatement, comme m’ont parlé les poèmes d’un autre jeune auteur, un nomade du nom de Grégory Rateau, m’envoyant la veille son dernier recueil intitulé Conspiration du réel.
A l’instant, l’opuscule de Grégory, «homme-mot» de toute évidence avec sa poésie existentielle, rejoint sur ma table une autre plaquette signée Didier et Quentin Mouron, à l’enseigne de Dialogue I, «geste» camarade du père et du fils en dessins et poèmes mêlant amour et déchirures, enfance et vieillesse, sexe et guerre, mort et tendresse.
Et je suis donc là, ce même soir d’un dimanche de printemps supposé Fête du Travail, venant juste de me faire insulter dans la rue par deux furies noires hypersexy qui ont failli me renverser avec leurs trottes de luxe sur l’allée jouxtant le petit parc où j’allais faire se soulager mon innocent Foxy, hurlant comme des possédées après que je leur ai adressé le reproche poli qui s’imposait – putain de vieux mâle blanc mal coiffé tais-toi avec ton chien pelé, sûrement un raciste de plus, fuck you! Et moi de me la coincer.
Enfin quoi: quand t’es cardiopathe à un mois de tes 75 balais, en rémission de cancer et les jambes flagadas, tu ne vas pas envoyer tes missiles sur deux beautés black même barbares et pas sympas…
N’empêche que j’en prends acte, comme d’une sorte de rappel: que nous sommes en guerre. Avec les Noir(e)s? Evidemment pas. Pas plus qu’avec le peuple et la culture russes, non plus qu’avec les deux Amériques et leurs peuplades bigarrées.
En guerre avec l’hybris des nations, et des «keums» ou des «meufs». En guerre contre les violents qui ne l’emportent qu’avec notre consentement. En guerre contre l’incivilité de toutes les couleurs et (in)cultures, en guerre contre l’arrogance et l’irrespect, en guerre contre la bêtise glapissante, en guerre contre celles et ceux qui ne supportent pas les «hommes-mots», lesquels sont des «femmes-paroles» aussi bien...
La parole prise à la gorge
Et j’en reviens alors, évidemment aux poèmes de Mykola Istvyn. Or que dit-il, cet Ukrainien de malheur? Ce qu’il dit ne relève pas tant du «message» que du cri ou du chant, de même que les poèmes de Grégory Rateau ressortissent plus au viscéral et aux affects émotionnels qu’aux discours de ceux qui ont «choisi leur camp».
Il y a celles et ceux qui se paient de mots, et le «réel de la guerre» agit alors comme un révélateur du faux. En 1953 paraissait le livre d’un poète du nom d’Armand Robin, devenu spécialiste de la langue russe par solidarité avec les victimes du communisme, intitulé La Fausse parole et cherchant à mieux distinguer ce qui tient de la poésie, inclassable et irrécupérable, et ce qui reste soumis à l’idéologie ou au langage de bois de la propagande ou de la publicité.
Or lisant les poèmes en colère de Mykola Istvyn, écrits devant les ruines, ou lisant ceux de Grégory Rateau, engagé en sa chair et enragé en esprit mais hors parti, il m’a semblé retrouver ce «tremblement du temps» que transmet la poésie confrontée à ce que Georges Perec appelait la «grande hache de l’Histoire».
«Où est-il celui qui parlait le langage des astres?», se demande Grégory, «celui capable de réformer le monde / ou de l’embraser d’un souffle acide / de l’enrouler d’un bon mot / jusqu’à l’implosion des sens / de faire de tout ce qui était / cendres incandescentes», et de s’inquiéter qu’il soit «peut-être déjà trop tard / Car voici venu le temps des nombrilistes / des briseurs de rêves», puis de lancer l’injonction: «Embarque-nous dans tes soirs d’été / Fais de chaque vision notre éternité», à quoi Mykola fait écho en s’exclamant: «Hommes-mots! Ne vous fermez pas. / N’arrêtez pas / la liberté du mouvement / du mot-monde créatif / de votre épanouissement»...
Entre «grands penseurs», Fashion week, pluralistes et «guerre métaphysique»…
Ce qui m’a frappé à la lecture du numéro de Philosophie Magazine intitulé Face à la guerre, c’est le fait que les «grands penseurs», selon l’expression de Martin Legros, rédacteur en chef de cette «édition spéciale» qui déclare illico que les Russes sont l’«ennemi décidé à fouler nos valeurs» – ne nous en apprennent guère plus que les commentateurs tous azimuts des plateaux télé, et parfois moins que quelques spécialistes avérés de géopolitique et autres témoins «sur le terrain».
Sages réflexions, nobles indignations, craintes convenues et supputations: Judith Butler aimerait que les Ukrainiens gagnent cette guerre mais voudrait «ultimement que la guerre soit éliminée»; Michael Walzer martèle que la guerre n’a rien à voir avec l’extension de l’OTAN tout en trouvant maladroit de traiter Poutine de criminel de guerre; Etienne Balibar relève que l’Ukraine est «déjà» entrée en Europe avec ses réfugiés et se tortille à propos du boycott de la culture russe; Frédéric Gros spécule sur trois formes de paix évitant la «montée aux extrêmes», Francis Wolf estime que «jamais l’Europe n’a mieux perçu ce qui l’oppose au nationalisme ethnique de tous les impérialismes» dont celui de Poutine serait le pire exemple, et Michael Eltchaninoff de rappeler le projet de «guerre métaphysique» menée par Vladimir le Maudit avec le soutien du patriarche orthodoxe Cyrille.
Autant dire: pas une vision globale et originale qui s’impose chez ces «grands penseurs». Mais qui s’en plaindrait? En tout cas pas moi, qui prend chez l’une ou chez l’autre tel ou tel élément éclairant, sans demander rien de plus. Après tout, les maîtres penseurs de la plus haute intelligentsia française, de Sartre à Badiou ou de Foucault à Derrida, nous ont assez montré les limites de leur discours en ces matières, parfois plus crédules ou naïfs que notre coiffeur…
Sur quoi j’ouvre Les Inrocks pour apprendre, par son éditorialiste Joseph Ghosn, qu’«une guerre mondiale s’est déclarée» (sic) et que cela nous oblige «à rêver plus fort encore». Sur une ligne analogue, le même inrockuptible nous annonce que la guerre en Ukraine est «un conflit presque sans précédent» et que ça nous interroge «grave».
«Que faire face au monde qui vacille et s’embrase? Que peuvent les Inrocks?» Tant de candeur laisse sans voix, mais ne raillons pas: lisons plutôt, car tout n’est pas à jeter. Sans doute le patriarche Cyrille, pour qui l’Occident n’est qu’une sorte de vaste Gay Pride, froncera-t-il le sourcil en apprenant que sa «guerre sainte» a jeté un froid sur la Fashion week parisienne, et que les «tops» de celle-ci ont versé leurs gains aux pauvres Ukrainiens, mais enfin restons pluralistes, au risque de fâcher les mânes de Soljenitsyne, vu que cette livraison des Inrocks contient des textes d’écrivains parfois intéressants (notamment de Philippe Lançon ou d’Aurélien Bellanger, de Simon Johannin et de David Diop) ou carrément ahurissants (tel celui de Paul B. Preciado qui rêve d’un monde sans pays ou les zones érogènes entreraient en «synthèse créative») et ne participant pas tous de la «fausse parole» à l’occidentale. Donc oui: on peut rêver!
De père en fils les Mouron cultivent l’émotion
Le rêve d’avoir un père à admirer, coïncidant avec l’admiration d’un père laissant librement son fils s’épanouir, la confluence d’un même sang n’excluant pas le parcours en vaisseaux séparés, chacun son âge et sa tête, chacun sa conviction d’être le chef dans sa partie, ni le fils de la fable freudienne impatient de buter son paternel pour se faire Jocaste, ni le père jaloux de ce rival montant en grappe, l’amour des arbres chez le cow-boy Didier et la passion des livres chez l’Indien Quentin – tout cela pourrait faire une assez épique bio croisée sur fond de forêt québécoise et de rivages vaudois, alors que l’artiste et l’écrivain ne se livrent ici, dans ce Dialogue, que par des objets cristallisant leurs communes émotions.
Telle étant la poésie: une sublimation, ici par l’image évocatrice, là par le mot décanté au plus juste.
Jocaste? Isabelle, dédicataire du recueil, inspire Quentin avec Femme et mère, trois vers comme d’un haïku: Elle a l’élégance des séismes / infinis / Qui trembleront encore après la terre, et le tableau de Didier, à double figure féminine, comme en abyme, flanquée d’un arbrisseau fragile, ouvre une troisième dimension au poème, à moins que ce ne soit l’inverse…
Père et fils, au naturel, se chamaillent volontiers. Quentin reproche à son vieux de ne rien comprendre à la politique. Didier trouve ce petit crevé bien cassant parfois, bien sûr de lui, même s’il reconnaît que son propre Ego d’artiste lui est vital (je suis le best dans ma partie, sinon rien) et concède donc au Poète le droit et peut-être le devoir de se prendre lui aussi pour Céline ou Proust, pour le moins...
Bref, le Dialogue est la meilleure façon de poursuivre la guerre des générations autrement, et ça donne 32 poèmes étincelants jouxtant 32 tableaux, ou l’inverse. Qui racontent, chacun à sa façon, la foule et la foudre sur un boulevard, les moments de l’amour, caresses et disparitions, l’aïeule qui s’en va et les voleuses de feu, la mort en famille et les travailleuses de l’amour, des rabelaisiens et des rabelaisiennes, de la musique au clair de lune et des amants qui dérivent, rien de banal ou de mièvre, les mots sculptés, le clair-obscur drapé ou du sfumato de brume rêveuse et, de loin en loin, arrêt sur image et merveilles: Le Parfum de l’absente, dont la douceur contraste avec le dessin comme «ressaisi» par le crayon dans le marbre du papier, des évocations frisant l’aporie sensible comme dans L’infini de ta disparition, de plus humbles «minutes heureuses» ramenant Baudelaire au quotidien, de la mélancolie et du fruit, du barbare et de la bête, enfin quoi: 32 fois la vie et ce n’est pas fini – la guerre finira mais la Poésie survit…
«Conspiration du réel», Grégory Rateau, Editions Unicité, 81 pages.
«Dialogue 1», Didier et Quentin Mouron, préfacé par Bertrand R. Reich.
A ne pas manquer: l’exposition à Giez (sur Grandson), à l’Espace DM, dès le 6 mai, vernissage à 18h.
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En guerre contre l’incivilité de toutes les couleurs et (in)cultures, en guerre contre l’arrogance et l’irrespect, en guerre contre la bêtise glapissante, en guerre contre celles et ceux qui ne supportent pas les «hommes-mots», lesquels sont des «femmes-paroles» aussi bien...</p> <h3>La parole prise à la gorge</h3> <p>Et j’en reviens alors, évidemment aux poèmes de Mykola Istvyn. Or que dit-il, cet Ukrainien de malheur? Ce qu’il dit ne relève pas tant du «message» que du cri ou du chant, de même que les poèmes de Grégory Rateau ressortissent plus au viscéral et aux affects émotionnels qu’aux discours de ceux qui ont «choisi leur camp». </p> <p>Il y a celles et ceux qui se paient de mots, et le «réel de la guerre» agit alors comme un révélateur du faux. 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Mais qui s’en plaindrait? En tout cas pas moi, qui prend chez l’une ou chez l’autre tel ou tel élément éclairant, sans demander rien de plus. Après tout, les maîtres penseurs de la plus haute intelligentsia française, de Sartre à Badiou ou de Foucault à Derrida, nous ont assez montré les limites de leur discours en ces matières, parfois plus crédules ou naïfs que notre coiffeur…</p> <p>Sur quoi j’ouvre <i>Les Inrocks</i> pour apprendre, par son éditorialiste Joseph Ghosn, qu’«une guerre mondiale s’est déclarée» (sic) et que cela nous oblige «à rêver plus fort encore». Sur une ligne analogue, le même inrockuptible nous annonce que la guerre en Ukraine est «un conflit presque sans précédent» et que ça nous interroge «grave». </p> <p>«Que faire face au monde qui vacille et s’embrase? Que peuvent les Inrocks?» Tant de candeur laisse sans voix, mais ne raillons pas: lisons plutôt, car tout n’est pas à jeter. Sans doute le patriarche Cyrille, pour qui l’Occident n’est qu’une sorte de vaste Gay Pride, froncera-t-il le sourcil en apprenant que sa «guerre sainte» a jeté un froid sur la Fashion week parisienne, et que les «tops» de celle-ci ont versé leurs gains aux pauvres Ukrainiens, mais enfin restons pluralistes, au risque de fâcher les mânes de Soljenitsyne, vu que cette livraison des <em>Inrocks</em> contient des textes d’écrivains parfois intéressants (notamment de Philippe Lançon ou d’Aurélien Bellanger, de Simon Johannin et de David Diop) ou carrément ahurissants (tel celui de Paul B. Preciado qui rêve d’un monde sans pays ou les zones érogènes entreraient en «synthèse créative») et ne participant pas tous de la «fausse parole» à l’occidentale. Donc oui: on peut rêver!</p> <h3>De père en fils les Mouron cultivent l’émotion</h3> <p>Le rêve d’avoir un père à admirer, coïncidant avec l’admiration d’un père laissant librement son fils s’épanouir, la confluence d’un même sang n’excluant pas le parcours en vaisseaux séparés, chacun son âge et sa tête, chacun sa conviction d’être le chef dans sa partie, ni le fils de la fable freudienne impatient de buter son paternel pour se faire Jocaste, ni le père jaloux de ce rival montant en grappe, l’amour des arbres chez le cow-boy Didier et la passion des livres chez l’Indien Quentin – tout cela pourrait faire une assez épique bio croisée sur fond de forêt québécoise et de rivages vaudois, alors que l’artiste et l’écrivain ne se livrent ici, dans ce <i>Dialogue</i>, que par des objets cristallisant leurs communes émotions.</p> <p>Telle étant la poésie: une sublimation, ici par l’image évocatrice, là par le mot décanté au plus juste.</p> <p>Jocaste? Isabelle, dédicataire du recueil, inspire Quentin avec <i>Femme et mère, </i>trois vers comme d’un haïku<i>: Elle a l’élégance des séismes / infinis / Qui trembleront encore après la terre, </i>et le tableau de Didier, à double figure féminine, comme en abyme, flanquée d’un arbrisseau fragile, ouvre une troisième dimension au poème, à moins que ce ne soit l’inverse… </p> <p>Père et fils, au naturel, se chamaillent volontiers. Quentin reproche à son vieux de ne rien comprendre à la politique. Didier trouve ce petit crevé bien cassant parfois, bien sûr de lui, même s’il reconnaît que son propre Ego d’artiste lui est vital (je suis le best dans ma partie, sinon rien) et concède donc au Poète le droit et peut-être le devoir de se prendre lui aussi pour Céline ou Proust, pour le moins...</p> <p>Bref, le <i>Dialogue </i>est la meilleure façon de poursuivre la guerre des générations autrement, et ça donne 32 poèmes étincelants jouxtant 32 tableaux, ou l’inverse. 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Et c’est lui qui prend les devants: «Quand les gens vous prennent pour un monstre, il n’y a qu’une chose à faire: aller au-delà de leurs attentes». C’est en tout cas ce qu’il explique à sa pharmacienne, comme il l’écrit dans sa <i>Confession d’un gentil garçon,</i> paru en janvier de l’année pandémique 2020.</p> <p>Et de balancer à la pharmacienne en question, dont il est sûr qu’elle n’a pas lu Cioran et qui ne lui fourguera ni Stilnox (qu’il m’a demandé deux ou trois fois de lui apporter à Paris) ni Xylo Mepha (qu’il ramenait de Lausanne à Paris à François Ceresa, autre nez bouché), quelques horreurs propres à l’émouvoir: à savoir que ce qui est intéressant dans l’amour, selon Cioran, est son impossibilité, que lorsqu’on est «attaché aux putains, on l’est pour toujours», et que lui-même, le Jaccardo, se rappelle cette dame de mauvaise vie qui, chaque fois qu’elle faisait l’amour, voyait le cadavre de son amant à côté d’elle. «Après cela, comment parler encore d’amour?, avais-je ajouté. Je l’intriguais déjà. 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Echec sur toute la ligne (ou presque )»…</p> <p>Si Jaccard s’accorde cet «ou presque», comme un Georges Haldas le fait à sa façon (peu frivole!) après s’être taxé de nullité, c’est en estimant, à juste titre, que ses livres plaideront pour lui, avec tous les réserves qu’on voudra y trouver, mais en toute liberté accordée à la lectrice et au lecteur. </p> <p>Le nom d’oiseau de Jaccardo figurait sur son siège réservé (genre metteur en scène de cinéma, son rêve) de chez Yushi, rue des Ciseaux , à un coup d’aile de l’Hôtel La Perle jadis offert par Marcel Proust à ses amis Albaret – voisinage qui fait de ce drôle de volatile graphomane un cousin lointain des personnages de <i>La Recherche</i>, entre snobisme germanopratin et goûts bizarres sinon extrêmes, cynisme de façade et (presque) gentillesse.</p> <p>Après la mort de l’écrivain Bergotte, supposé voué au néant de l’oubli, Proust évoque les livres de celui-ci en vitrine, battant des ailes comme des anges, et l’on filera la métaphore au bénéfice du monstre de second rang que figure le Jaccardo, personnage représentatif d’une époque d’eaux basses, son style tant loué par certains n’atteignant pas les cimes d’un Saint-Simon – lequel n’aurait jamais usé du mot poufiasse pour qualifier une femme –, d’un Joubert, d’un Chamfort, d’un Benjamin Constant, d’un Amiel ou d’un Cioran, et pourtant! </p> <p>Pourtant il y a, bel et bien, un écrivain de style chez Roland Jaccard, ou de ton, ou de voix ou de «papatte», comme on voudra. 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Meyer, vivant lui-même la déchirure vécue par les Israéliens entre eux. </p> <p>«La vie était propre et simple même après l’assassinat de Rabin, parce que la colère était nourrie d’espoirs. Yoav et son épouse croyaient en la rédemption des hommes», lisons-nous dans la sixième nouvelle de <i>Tribus</i>, intitulée <i>Yoav et Maya</i> et décrivant la vie d’un couple de sexas de bonne foi (lui est le rabbin d’une communauté réformée enseignant l’histoire des religions, et elle est infirmière en oncologie), mais ladite «foi en la rédemption des hommes» a du plomb dans l’aile depuis le 11 septembre (la famille de Yoav l’accompagnait alors aux Etats-Unis pour une série de conférences ), le «judaïsme bonhomme» pratiqué par le couple a subi des coups avec la radicalisation religieuse en marche, et plus particulièrement quand un juge intègre de leur connaissance, ancien président de la Cour suprême, a soudain été placé en résidence surveillée par un sbire du Premier ministre; enfin leur communauté libérale est devenue l’objet d’injures et d’attaques physiques de la part des ultraorthodoxes conspuant les «faux juifs prosélytes d’Amérique», et la conclusion est à fendre le cœur quand ces amoureux de Jérusalem, ces pratiquants d’un «judaïsme de la joie», se font dire, par un fonctionnaire de police des frontières à dégaine de seul véritable défenseur de la tribu, que leur nouveau passeport leur ouvrira désormais toutes les portes, sauf celles de leur pays...</p> <p>La vie décrite, plutôt que les bombes, les destinées personnelles et leurs «petites histoires», ressaisies dans la dérive collective de l’Histoire avec une grande hache, mieux que les analyses expertes et autres explications géo-politiques ou théologico-sociologiques: telle est la matière de ces douze modulations individualisées de la vie des gens à visages de femmes et d’hommes de conditions et de convictions diverses, témoins d’une tragédie aboutissant aujourd’hui, après un odieuse agression de masse islamiste, à un non moins abominable massacre des innocents.</p> <p>Mais que peut faire un écrivain face à la Shoah, face aux pogroms, face aux fatwahs et aux razzias? L’on se rappelle l’injonction de Theodor Adorno, selon lequel «après Auschwitz, écrire de la poésie est barbare», mais de même qu’Adorno s’est rétracté, la Littérature a prouvé depuis lors qu’elle participait bel et bien à la lutte «contre Auschwitz», et c’est la poésie, justement, qui constitue l’une des forces de Shmuel T. Meyer, à savoir la concentration, à chaque page de chacune de ses nouvelles de la beauté et de la bonté dans le contexte humain parfois le plus haineux ou le plus laid, cette nouvelle société israélienne aux prises avec le fanatisme et ce que le penseur allemand Peter Sloterdijk appelle justement «la folie de Dieu». </p> <p>Or nous voici arrivés en ces temps où des citoyens qui ont cru à l’idéal sioniste, déçus voire désespérés par le «messionisme» qui fait danser les Messie avec Satan s’exilent en Allemagne… </p> <p>«Je fous le camp», déclare le jeune Avroumchik. «Définitivement. Vancouver, Melbourne, Auckland, Copenhaugue, Berlin. Un endroit qui n’est pas ici, un endroit où tu ne serais pas juge. Un endroit où Dieu me semblera heureux»...</p> <p>Dans la nouvelle intitulée <i>Le jour du colonel</i>, ce jeune caporal-chef chargé de conduire une juge militaire au procès d’un colonel dégradé représentant «le patron de ce qui restait de l’opposition parlementaire», taxé d’antisémitisme et de trahison par le Premier ministre et qui se suicidera le soir même – cet Avroumchik a perçu la nouvelle violence plombant la capitale de l’Etat hébreu, «une violence qui échappait au sens commun de la violence tribale, économique ou sociale, ici la violence était divine, il n’en doutait pas un instant, une justice sans miséricorde, une violence de la radicalité». </p> <p>Et le vieux Ravi, le cœur à gauche et l’âme en lambeaux, de formuler son propre désespoir dès la première nouvelle de <i>Tribus</i> et dans son épilogue: «Lui qui était, aux yeux de la communauté séfarade, lorsqu’il portait encore l’uniforme, un symbole de fierté, était devenu à sa retraite et depuis son remariage avec Nava, la cible préférée des prêcheurs des synagogues orientales. 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Le tribalisme ontologique du peuple juif s’était imposé face à l’utopie du rassemblement des exils». </p> <h3>Des prénoms et des noms, des visages et des voix</h3> <p>Si vous ne savez rien des traditions et des rites du judaïsme, ne connaissez rien de la cuisine judéo-arabe ou des découpages territoriaux de Jérusalem et environs cousus de checkpoints, sursautez plus ou moins devant les noms et prénoms, ou autres noms de lieux, tels que Shaul et Rafi (deux vieux amis aux positions contrastées) et Nava et Ronit (leurs épouses), ou le septième enfant de dix prénommé Yakov et surnommé Koby (qui avait tout pour réussir et en a été empêché), ou le kibboutz Kfar Avraham où sont nés divers personnages, Josh le vieux hippie transformé en mystique , Scanner le rabbin et IRM son épouse, la ville arabe bétonnée à la diable de Umm el Fahm ou la tribu hiérosolymitaine de Reb Pinhas Altschuler; si les premières manifs de Shalom Akshav (la Paix maintenant) ne vous en disent pas plus que les éditos contestés d’Amira Hass dans le supplément de <i>Haaretz</i>, pas de soucis les amis: vous serez illico dans le bain malgré vous grâce à la grâce grave du conteur dont les histoires rassemblent aux vôtres, histoires de familles semblables aux familles de partout avec leur grognes à propos de tout, sauf qu’Israël ne ressemble à rien avec son Histoire taillée à la hache, son passé terrifiant et «tout ça» qui recommence comme aux temps bibliques des tribus en bisbilles…</p> <h3>Par delà l'horreur, la vie</h3> <p>La composition des douze nouvelles de <i>Tribus</i> a été achevée par Shmuel T. Meyer le 27 juin 2023, au kibboutz Nativ Halamed Hé. L’épilogue, plus que poignant: bouleversant, est daté du 7 octobre 2023. Nous y retrouvons Rafi, en phase terminale de cancer, Nava son épouse et le jeune infirmier Idan du «camp des vainqueurs», petit-neveu de Koby de la Mousrara, mais le contraire de ce perdant: un futur médecin à large kippa qui lance au grand malade: «On les crèvera tous…ces nazis, ne vous en faites pas, Monsieur Rafaël, ces sauvages on les crèvera tous».</p> <p>Alors Nava, plus que jamais éprise de justice et de vérité, de reprendre Idan: «Ce ne sont pas des nazis. Ils ne mécanisent ni n’industrialisent la mort des juifs, ce sont des pogromistes, comme le furent les Roumains, les Ukrainiens, les Polonais, les Baltes, les Russes, les Croates». Et la très belle femme aux cheveux blancs de poursuivre: «J’ai l’âge de ce pays dans lequel j’ai eu la chance de naître, je suis sûre que Rafi dirait "ou la malchance, imagine-toi la Californie en 1948". 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De la même façon, Patricia Highsmith – elle-même vive admiratrice de Simenon mais ne prisant guère le genre policier en tant que tel -, n’appréciait pas du tout le titre de « reine du crime » que d’aucuns lui accolaient. </p> <p>Or s’il est vrai que les « purs littéraires », et surtout en France, aiment à séparer ce qui est « vraie littérature » des genres dits mineurs (polar, science-fiction, fantastique, littérature populaire en un mot), il n’est pas moins évident que le roman policier, dit aussi roman noir, thriller ou polar, a ses règles spécifiques qui en font, qu’on le veuille ou non, et sans mépris, un genre particulier.</p> <p>Simenon reconnaissait, le premier, que la série de Maigret obéissait à certains schémas dont il éprouva, à un moment donné, le besoin de se libérer. Cela ne signifie pas que ses Maigret soient forcément schématiques, mais le fait est que le meilleur de Simenon échappe aux normes du polar. Un volume en partie « biographique » de la prestigieuse Pléiade, paru en 2009, témoigne à la fois de la reconnaissance et du niveau de qualité et de profondeur d’au moins une trentaine de romans qu’on taxe tantôt, comme l’auteur, de « romans durs », ou de « romans de l’homme ».</p> <p>C’est ainsi que <em>Lettre à mon juge</em><em> </em>ou <em>le balzacien</em><em> Bourgmestre de Furnes</em>, <em>La neige était sale</em>, <em>Les inconnus dans la maison</em>, <em>Feux rouges</em>, <em>Les gens d’en face</em><em> </em>ou <em>L’homme qui regardait passer les trains</em>, pour ne citer que ceux-là, ressortissent bel et bien à la meilleure littérature, comme il en va de <em>Crime et châtiment</em><em> </em>de Dostoïevski, si proche à l’inverse de certains romans noirs.</p> <p>Mais qui était Simenon, formidable personnage lui-même de roman sans rien de « policier » ? De <em>Pedigree</em> à la <em>Lettre à ma mère</em>, entre sept autres romans, le volume de La Pléiade éclairait incidemment la personnalité même du grand romancier.</p> <h3><strong>Quand le « je » devient « il »</strong></h3> <p>Il aura fallu, à l’été 1940, qu’un médecin lui annonce sa mort à brève échéance (deux ans au plus) pour que Georges Simenon entreprenne soudain, pour son premier fils Marc en bas âge, de rédiger l’histoire de sa propre enfance et de son clan liégeois, «afin qu’il sache »...</p> <p>Dans l’immédiat, interdiction lui était faite de fumer, de boire ou de faire l’amour. Dur, dur pour un homme aussi porté sur la chair que sur la chère, incroyablement fécond (dix romans rien qu’en 39-40 !) et qui venait de payer de sa personne dans l’accueil de 18.000 réfugiés belges à La Rochelle, en tant que « haut commissaire » spécial…</p> <p>À 38 ans, déjà célèbre et richissime, le romancier avait signé plusieurs centaines de romans, sans jamais parler de lui-même. Or c’est en « je » qu’il allait rédiger les cent premiers feuillets d’un texte (réédité plus tard sous le titre de <em>Je me souviens</em>) qu’il soumit à André Gide, lequel lui conseilla de passer à la troisième personne pour se raconter plus librement, comme… dans un roman de Simenon.</p> <p>Ainsi fut écrit <em>Pedigree,</em> pavé de 400 pages et tableau vibrant de vie et d’humanité d’un quartier populaire de Liège au début du XXe siècle. Au premier rang : le jeune Roger Mamelin, entre un père sensible et digne (très proche de Désiré Simenon), et une mère castratrice, découvre tout un monde de petites gens attachants, les vertiges du sexe éprouvés par l’enfant de chœur courant au bordel avec les sous du curé, enfin la vie profuse de la ville ouvrière. 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Bref, une galaxie humaine à ne cesser de découvrir, comme en témoigne l’expo à voir ces jours à la fondation Michalski.</p> <h3><strong>Figures de l’humiliation</strong></h3> <p>Autre univers personnel à découvrir : l’arrière-monde de Patricia Highsmith, dont les <em>Écrits intimes</em> de plus de mille pages, parus en 2021 chez Calmann-Lévy, constituent la meilleure introduction. </p> <p>Bien plus que les secrets d’une « reine du crime », nous y découvrons les soubassements émotionnels et le quotidien professionnel et affectif souvent très difficile d’une insatiable amoureuse qualifiée justement de « poète de l’angoisse » par le grand romancier anglais Graham Greene. Autant que Simenon, Patricia Highsmith a signé des romans et des nouvelles qui ne s’intéressent guère aux aspects techniques policiers ou judiciaires de la criminalité, constituant le fonds des auteurs actuels de polars, mais essentiellement aux motivations obscures de celles et ceux qui « passent à l’acte ». Dès ses premiers écrits de jeune fille, le crime la scotche, mais des flics et des « enquêtes » elle n’a que fiche… </p> <p>Lors d’une visite que je lui rendis en 1988 dans le hameau tessinois d’Aurigeno, me recevant en l’humble maison de pierres où elle logeait avant sa dernière installation sur les hauts d’Ascona, la romancière, peu soucieuse de parler d’elle-même, répondit, à la question que je lui posai, relative à l’origine, selon elle, de la plupart des crimes, par un seul mot : l’humiliation.</p> <p>Or celle-ci est la base évidente de la psychologie du plus emblématique de ses personnages, au nom de Tom Ripley, dont tous les agissements paraissent un exorcisme à l’humiliation nourrie d’envie, de frustration et d’esprit de revanche.</p> <p>On croit avoir tout dit de Ripley en le réduisant à un pervers inquiétant se plaisant en eaux troubles, mais le personnage est beaucoup plus que cela : un homme perdu de notre temps, un type qui rêve d’être quelqu’un, au sens de la société, et le devient en façade, sans être jamais vraiment satisfait, calmé ou justifié.</p> <p>Il faut lire la série des romans dans l’ordre de leur composition pour bien voir d’où vient Tom Ripley, survivant comme par malentendu à la disparition accidentelle de ses parents. C’est un peu la version thriller de <em>L’homme sans qualités,</em> dont l’écriture apparemment plate de Patricia Highsmith ne tisse pas moins un arrière-monde aux insondables profondeurs. Ripley l’informe rêve d’art et y accède par tous les biais, y compris le faux (l’invention de Derwatt) et le simulacre - il peint lui-même à ses heures, comme on dit…</p> <p>Ripley est un humilié qui se rachète en douce, comme il peut, un pas après l’autre. C’est un peu par malentendu qu’il commet son premier meurtre, parce qu’un jeune homme l’a vexé, et pour tout le reste qui justifiait cet énervement du moment, tout ce que symbolisait ce fils d’enfant gâté. Mais Ripley lui-même est un monde, qui suscite de multiples interprétations, comme on l’a vu au cinéma sous les visages successifs du (trop) bel Alain Delon (<em>Plein soleil</em> de René Clément), du plus équivoque Matt Damon (<em>Le talentueux M. 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Pedigree et autres romans, Lettre à ma mère. Edition établie et préfacée par Jacques Dubois et Benoît Denis. Gallimard, Bibliothèque de La Pléiade, 699p.</p> <p>Montricher. Fondation Jan Michalski. <a href="https://fondation-janmichalski.com/fr/agenda/simenon?fbclid=IwAR3Ew-xfs48NeLbFnoCl5IrdI8zVgeKdFx-fDBVW12ISDz2IntW1ku_xlUQ_aem_ATVpJq1sLpfhRXj1et6ytZQ6Nomt31-UcZpTbfJ3-c1B2nW_hMACFeaichqJ0nvkx6IWLY9oqljQo0SIfin4abOZ">https://fondation-janmichalski.com/fr/agenda/simenon</a></p> <p>Patricia Highsmith<em>. </em><em>Les écrits intimes de Patricia Highsmith</em> (1941-1995)</p>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'comment-simenon-et-highsmith-dejouent-les-poncifs-du-polar', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 611, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 6, 'person_id' => (int) 675, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'comments' => [ [maximum depth reached] ], 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Posts' }, (int) 3 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 4840, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => false, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => null, 'readed' => null, 'subhead' => null, 'title' => 'Quand le trou noir de notre corps donne du sens à l’écriture', 'subtitle' => 'L’infarctus de l’un, et l’AVC de l’autre, ont suscité deux écrits relevant de la meilleure littérature. 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Sous la plume du fameux écrivain hongrois Péter Nádas, avec «La mort seul à seul», c’est le récit clinique saisissant d’une crise cardiaque lente à venir et d’autant plus violente par ses effets; et Bastien Hauser, dans son premier roman, «Une singularité», pousse encore plus loin l’observation scientifico-fantasmagorique d’un accident cérébral.', 'content' => '<p>«Ma mère a donné naissance au corps, et moi je donne naissance à ma mort», écrit Péter Nádas, citant Samuel Beckett, au fil des pensées que, lucide en diable, il ne cesse de développer, comme dédoublé depuis qu’un vague malaise, la sensation malgré le jour d’été splendide que tout se met à clocher, puis un début de douleur, et la peur éprouvée par le corps de sentir cette douleur l’envahir, et ensuite une sueur et un dégoût inaccoutumé (ce bol de bouillon qui sent la charogne et qu’on ne touchera pas au risque de se faire remarquer dans ce restaurant bon genre), le refus d’admettre que ça lui arrive à lui (l’incongruité d’avouer sa faiblesse quand on est un garçon bien éduqué pratiquant son jogging), puis l’évidence criante d’une gueule de déterré devant son miroir, et l’accélération des phénomènes, l’appel au secours et l’ambulance, l’arrivée à l’hosto et les gesticulations grossières d’une infirmière qui «en a vu d’autres» – tout ça pour l’extérieur alors que dedans c’est le vertige, la totale remise en question de ce qu’on a été au vu de ce qu’on est en train de vivre sans pouvoir le partager – et pourtant le miracle est là, les mots cristallisent les sensations et les émotions, et ce qui pourrait n’être qu’un récit-témoignage de plus (après tous ceux qu’on a lus sur le cancer et le sida, entre tant d’autres «descentes aux enfers» du corps) devient, sous le regard hypersensible de celui qui est seul à vivre ce qu’il vit, nous confrontant à ce que nous sommes seuls à pouvoir le recevoir comme personne, que nous ayons vécu l’infarctus ou pas, le cancer ou pas, le sida ou la peur de tout ça. </p> <p>A très fines petites touches, parfois sur deux ou trois lignes par page, alternant avec de plus amples développements où tous les aspects d’une vie et de ce qui en fait l’unicité, la richesse soudain relativisée, la beauté mise à mal par la conscience de sa finitude, se trouvent éclairés par cette nouvelle lumière, précisément, de ce qui va s’achever sous l’effet d’un simple «souffle au cœur». Mais celui qui croyait vivre la mort «seul à seul» en dit assez, ici, pour se trouver justifié par le partage attentif de notre écoute…</p> <h3>Une rêverie scientifico-poétique</h3> <p>Si le retour à la vie – la «ressuscitation» médicale, selon l’expression teintée d’humour du miraculé – de Péter Nádas est en somme celui d’un routier de l’existence qui a une bonne part de sa vie de quinqua derrière lui, il en va tout autrement d’Abel Fleck, le narrateur d’<i>Une singularité</i>, que l’AVC hémorragique frappe dans sa trentaine, et qui, des symptômes moins douloureux en apparence que ceux d’un infarctus, va tirer un «narratif» littéraire plus foisonnant, voire extravagant, développé avec maestria par le jeune auteur en phase avec l’esprit du temps et le vécu de sa génération.</p> <p>Non sans humour, c’est dans un urinoir de boîte de jeunes, à quatre heures du matin, que l’auteur situe la première «révélation» faite au protagoniste de son roman par les commentaires d’un certain Cyril, étudiant en neurosciences, qui parle à Abel de la première image photographique jamais réalisée d’un trou noir, plus précisément au cœur de la galaxie Messier 87 (M87*) dont il a d’ailleurs une capture sur son smartphone – et c’est parti pour un vrai délire.</p> <p>L’idée folle, nourrie dans l’esprit du jeune Abel Fleck (dont le nom ne signifie pas «la tache» pour rien, on s’en doute) dès qu’il entend parler des trous noirs, sur lesquels il va se documenter avec frénésie –, l’idée, donc, qu’il y ait un lien entre «sa» tache au cerveau et le trou noir en question, et que cette accointance fasse de lui un possible cobaye de la Science mondiale, justifiant qu’il disparaisse vite fait après s’être claquemuré dans sa carrée – cette idée-fantasme pourrait sembler loufoque, à tout le moins peu crédible et ne justifiant guère le développement de tout un roman.</p> <p>Or la réussite très singulière de celui-ci, qui ne relève pas vraiment de la science-fiction, mais bel et bien de la conjecture rationnelle, tient au fait que le lecteur joue à croire à la conviction têtue d’Abel d’être le centre de l’univers, au dam du premier groupe de tendres amis qui l’entourent avant sa fugue quasi somnambulique aux States, et plus précisément à Tucson où il rencontre un professeur à réelle stature de personnage romanesque. </p> <p>Dans la foulée, c’est d’ailleurs par le jeu de la fiction, le charme du protagoniste et de ses jeunes amis, l’intérêt aussi des thèmes abordés au fil de ses pérégrinations, que Bastien Hauser, conteur un brin magicien dont la plasticité du style contribue pour beaucoup à l’incarnation concrète de son récit – un tableau vivant des errances générationnelles des millenials –, parvient à faire tenir debout sa rêverie scientifico-poétique, signalant du même coup l’apparition d’un auteur au potentiel plus que prometteur – belle découverte!</p> <hr /> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1711628540_9782882508904.jpg" class="img-responsive img-fluid left " width="200" height="307" /></p> <h4>«La mort seul à seul», Péter Nádas, traduit du hongrois par Marc Martin, Editions Noir sur Blanc, 110 pages.</h4> <h4><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1711628486_9782330189518.jpg" class="img-responsive img-fluid left " width="200" height="378" /></h4> <h4>«Une singularité», Bastien Hauser, Editions Actes Sud, 257 pages.</h4>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'quand-le-trou-noir-de-notre-corps-donne-du-sens-a-l-ecriture', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 44, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 6, 'person_id' => (int) 675, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'comments' => [[maximum depth reached]], 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ 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1 Commentaire
@simone 06.05.2022 | 15h52
«Vous avez raison: la poésie survit. Merci.
Suzette Sandoz»