La Joconde, star du Louvre. © Pixabay / FAL
La démocratisation de la culture a-t-elle atteint ses limites? C'est ce que l'on est tenté de penser en voyant la foule de touristes qui se pressent chaque jour devant la Joconde. Ou plus exactement, dos à Mona Lisa, pour un selfie. C'est agaçant, ça oui, mais cet article, paru dans The Conversation, affirme qu'il pourrait s'agir en fait d'une nouvelle forme d'expérience esthétique, une mutation qui n'aurait pas que des défauts.
Fabrice Raffin
Maître de Conférence à l'Université de Picardie Jules Verne et chercheur au laboratoire Habiter le Monde.
C’est un long cortège qui se déploie en un piétinement rituel, celui du public venu en masse au Musée du Louvre ce jeudi 14 novembre 2019 pour admirer les œuvres de Leonardo Da Vinci. Les visiteurs doivent patienter bien plus d’une demi-heure avant d’accéder, non pas aux salles d’exposition, mais à un labyrinthe de poteaux à sangles installés là pour guider la foule, la ramasser sur elle-même, la contenir. Le serpentin du public est ici retenu par un ouvreur qui gère le flux continu. Enfin, il nous laisse accéder au Saint des Saints, en fonction du nombre de sortants. Et la procession de reprendre sur le parquet usé et sonore des salles bondées, dans les crissements de pas. C’est à la queue leu leu que le public se presse devant les œuvres. Je compte: un, deux, trois, quatre secondes et au suivant.
Autant traverser le musée au pas de course, comme Anna Karina, Claude Brasseur et Sami Frey en leur temps..?
En 2018, 10 millions de visiteurs se sont rendus au Louvre, 6 millions à la National Gallery de Londres et 4 millions à l’Ermitage de Saint-Pétersbourg. Le tourisme de masse alimente une culture de masse et réciproquement, dans la mesure où le flot de touristes s’appuie bien souvent sur des expositions temporaires mises en scènes sous forme événementielle. «Produit d’appel» pour les institutions culturelles, ces expositions sont également un enjeu pour des villes ou des collectivités dans une concurrence féroce entre elles, selon une dynamique communicationnelle propre au musée du XXIe siècle comme le pointait Daniel Jacobi il y a déjà 20 ans.
Le musée est-il une expérience esthétique?
Si, à la suite de nos précédents articles, nous définissons la culture par l’expérience esthétique qu’elle procure (et non par les œuvres auxquelles le public accède), à bien observer ces expositions de masse, les conditions et l’attitude du public devant les œuvres, on pourra se demander ce qui leur reste de culturel. À lire les statistiques, en 2018, 98 % des visiteurs sont satisfaits d’être venus au Louvre!
Cependant, quand on est dans les salles d’expositions on éprouve des doutes. Comment parler d’expérience esthétique lorsque les études très nombreuses chronomètrent le temps passé devant les œuvres oscille entre 4 et 20 secondes maximum?
Encore faut-il ajouter à cette rapidité la pression imposée à celui qui regarde dans la densité extrême du piétinement le long des cimaises. Comment pourrait se jouer en si peu de temps ce que J.C. Passeron nommait le pacte de réception iconique, lorsque celui qu’il appelait le visionneur ne fait que zapper dans la mobilité, d’un tableau à l’autre, d’une sculpture à une installation? À bien observer les visiteurs, rares sont ceux qui s’arrêtent devant les cartels, encore moins nombreux ceux qui les lisent entièrement, quant aux visites guidées elles sont le fait d’une minorité. «C’est vrai, me dit un visiteur, qu’en dehors des tableaux connus, dans les salles, on ne sait pas trop quoi regarder, ils se ressemblent tous.»
Dos au tableau
Peut-on encore parler d’expérience esthétique pour ces visiteurs à l’attitude apparemment désinvolte, téléphone en main, qui regardent à peine le tableau, qui souvent se tournent immédiatement pour se prendre en photo en selfie? Peut-on apprécier quoi que ce soit en tournant le dos aux œuvres? Que signifie dès lors pour cette partie des publics l’enjeu de leur présence au musée? Pour échapper au jugement conventionnel des amateurs d’art, peut-être pourra-t-on suivre la réflexion d’André Gunthert, se référant à Michel de Certeau, pour qui cette attitude est le contraire de ce qu’elle paraît.
Pour lui, par le selfie, une part du public se réapproprie son expérience du musée, s’inclut dans le cadre. Plus qu’une marque de défiance, le selfie serait une marque de respect envers les œuvres. L’auteur devient alors, via les réseaux sociaux, diffuseur d’une culture dans laquelle il s’inclut, à même d’entretenir le mythe d’un artiste ou d’une œuvre. En une même référence à Michel de Certeau, on pourra analyser que les contrevenants aux règles de la bonne réception des œuvres défient l’ordre institué du monde de l’art. Une fois de plus, ceux que l’on considère comme dominés ne sont-ils pas là engagés dans des tactiques de résistance à l’imposition d’une bonne manière d’apprécier les œuvres? L’enjeu symbolique est fort tant la culture est l’outil par excellence de domination sociale. Comme le notait déjà Olivier Donnat dans les années 1990:
«les usages les plus fréquents du musée sont éloignés du modèle du rapport cultivé aux œuvres.»
Avant tout, une expérience urbaine
Pour une partie du public, la venue au musée n’a pas grand-chose à voir avec les œuvres elles-mêmes. Une part majeure de l’expérience du musée réside dans ce que ces expositions et leurs lieux représentent d’événementiel et de symbolique.
Ce qui s’exprime alors, c’est la dimension collective d’une expérience esthétique, mais en dehors du musée et de l’exposition. Elle se joue dans le rapport à l’architecture et à une mise en scène d’urbanité, dans le sens où vivre la ville nous disait Antoine Picon, c’est accéder à son caractère événementiel comme dimension urbaine caractéristique. Aller au Louvre, c’est se confronter à une architecture, à une scénographie urbaine spectaculaires. Dans l’accès au musée se construit un rapport au cadre bâti de la ville et plus largement à son histoire. Accéder aux grands musées est pour le touriste vivre l’essence représentée des villes, d’un pays, de Paris. Le musée est intégré à un parcours urbain, et l’exposition vient renforcer l’expérience de la ville, point d’orgue d’un séjour parfois.
Pour certains touristes, faire l'expérience de la ville est un événement en soi. © Pixabay
Le Louvre, la Joconde, Da Vinci créent l’événement continu en eux-mêmes, par leur renommée autant que par la dimension artistique – d’autant plus lorsqu’un scandale comme le différend avec l’Italie au sujet du prêt des œuvres décuple la médiatisation d’une exposition. Se promener dans l’événement urbain que représente l’exposition revient pour beaucoup de touristes à vivre pleinement la ville quitte a éclipser l’enjeu artistique, qui apparaît alors bien secondaire.
«Pourquoi voir la Joconde? Elle est normale, c’est juste un portrait. Je crois que c’est parce que tout le monde en parle», me dit cette autre jeune visiteuse, «je trouve qu’elle est banale, on s’habitue, pas magnifique quoi.»
L’expérience esthétique se joue pour une partie des publics hors musée, dans la ville donc, sur les réseaux sociaux aussi, par selfie interposé. Une autre partie du public accorde une attention diffuse aux œuvres. Ce n’est pas le moindre des paradoxes: parmi les plus virulents critiques des grandes expositions, on retrouve les apôtres de la démocratisation artistique qui revendiquent la mission de rendre accessible au plus grand nombre les œuvres majeures de l’humanité selon les termes d’André Malraux. Néanmoins, ces mêmes porteurs de la démocratisation sont parfois prompts à déplorer le caractère dégradé de la relation à l’œuvre dans le cadre des expositions-événements. Ainsi, note Daniel Jacobi, «les amateurs d’art et de patrimoine les plus experts n’ont pas de mots assez durs et sévères pour se moquer de ces visites dites «à l’américaine», superficielles et peu à même d’apprécier ou de goûter ce qui est visité ou exposé.»
Le débat n’est pas nouveau et il fut porté en son temps par M. Horkheimer, W. Benjamin et T. Adorno, ce dernier dénonçant «les œuvres perverties» dès lors qu’elles sont exposées à la masse «des yeux des oreilles aliénées.»
L’idéal démocratique achoppe ici sur une fonction majeure de toute pratique culturelle, la distinction sociale, qui rend la démocratisation culturelle si ardue malgré les efforts de médiation culturelle, les amateurs d’art étant certainement les premiers à ne pas vouloir être confondus avec les masses. D’autant plus que les «masses» en question, loin d’être homogènes, restent rétives à toute imposition de ce qui est désigné par les professionnels de la culture comme digne d’intérêt. Les publics sont ainsi toujours enclins, soit, pour le plus grand nombre, à éviter les formes culturelles légitimes, soit à les détourner, serait-ce avec selfie, soit tout simplement à inventer leurs propres pratiques.
Cet article est republié à partir de The Conversation, sous licence Creative Commons.
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À bien observer les visiteurs, rares sont ceux qui s’arrêtent devant les cartels, encore moins nombreux ceux qui les lisent entièrement, quant aux visites guidées elles sont le fait d’une minorité. «C’est vrai, me dit un visiteur, qu’en dehors des tableaux connus, dans les salles, on ne sait pas trop quoi regarder, ils se ressemblent tous.»</p> <h3>Dos au tableau</h3> <p>Peut-on encore parler d’expérience esthétique pour ces visiteurs à l’attitude apparemment désinvolte, téléphone en main, qui regardent à peine le tableau, qui souvent se tournent immédiatement pour se prendre en photo en selfie? Peut-on apprécier quoi que ce soit en tournant le dos aux œuvres? Que signifie dès lors pour cette partie des publics l’enjeu de leur présence au musée? Pour échapper au jugement conventionnel des amateurs d’art, peut-être pourra-t-on suivre la réflexion d’André Gunthert, se référant à Michel de Certeau, pour qui cette attitude est le contraire de ce qu’elle paraît.</p> <p>Pour lui, par le selfie, une part du public se réapproprie son expérience du musée, s’inclut dans le cadre. Plus qu’une marque de défiance, le selfie serait une marque de respect envers les œuvres. L’auteur devient alors, via les réseaux sociaux, diffuseur d’une culture dans laquelle il s’inclut, à même d’entretenir le mythe d’un artiste ou d’une œuvre. En une même référence à Michel de Certeau, on pourra analyser que les contrevenants aux règles de la bonne réception des œuvres défient l’ordre institué du monde de l’art. Une fois de plus, ceux que l’on considère comme dominés ne sont-ils pas là engagés dans des tactiques de résistance à l’imposition d’une bonne manière d’apprécier les œuvres? L’enjeu symbolique est fort tant la culture est l’outil par excellence de domination sociale. Comme le <a href="http://doc.ocim.fr/LO/LO035/LO.35%284%29-pp.16-23.pdf">notait déjà Olivier Donnat</a> dans les années 1990:</p> <blockquote> <p><em>«les usages les plus fréquents du musée sont éloignés du modèle du rapport cultivé aux œuvres.»</em></p> </blockquote> <h3>Avant tout, une expérience urbaine</h3> <blockquote> <p>Pour une partie du public, la venue au musée n’a pas grand-chose à voir avec les œuvres elles-mêmes. Une part majeure de l’expérience du musée réside dans ce que ces expositions et leurs lieux représentent d’événementiel et de symbolique.</p> <p>Ce qui s’exprime alors, c’est la dimension collective d’une expérience esthétique, mais en dehors du musée et de l’exposition. Elle se joue dans le rapport à l’architecture et à une mise en scène d’urbanité, dans le sens où vivre la ville <a href="https://www.cairn.info/revue-flux1-2009-4-page-17.htm">nous disait Antoine Picon</a>, c’est accéder à son caractère événementiel comme dimension urbaine caractéristique. Aller au Louvre, c’est se confronter à une architecture, à une scénographie urbaine spectaculaires. Dans l’accès au musée se construit un rapport au cadre bâti de la ville et plus largement à son histoire. Accéder aux grands musées est pour le touriste vivre l’essence représentée des villes, d’un pays, de Paris. Le musée est intégré à un parcours urbain, et l’exposition vient renforcer l’expérience de la ville, point d’orgue d’un séjour parfois.</p> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1575205066_file20191120554louejx.jpg" class="img-responsive img-fluid center " /></p> <h4 style="text-align: center;">Pour certains touristes, faire l'expérience de la ville est un événement en soi. © Pixabay</h4> <p>Le Louvre, la Joconde, Da Vinci créent l’événement continu en eux-mêmes, par leur renommée autant que par la dimension artistique – d’autant plus lorsqu’un scandale comme le différend avec l’Italie au sujet du prêt des œuvres décuple la médiatisation d’une exposition. Se promener dans l’événement urbain que représente l’exposition revient pour beaucoup de touristes à vivre pleinement la ville quitte a éclipser l’enjeu artistique, qui apparaît alors bien secondaire.</p> <p>«Pourquoi voir la Joconde? Elle est normale, c’est juste un portrait. Je crois que c’est parce que tout le monde en parle», me dit cette autre jeune visiteuse, «je trouve qu’elle est banale, on s’habitue, pas magnifique quoi.»</p> <p>L’expérience esthétique se joue pour une partie des publics hors musée, dans la ville donc, sur les réseaux sociaux aussi, par selfie interposé. Une autre partie du public accorde une attention diffuse aux œuvres. Ce n’est pas le moindre des paradoxes: parmi les plus virulents critiques des grandes expositions, on retrouve les apôtres de la démocratisation artistique qui revendiquent la mission de rendre accessible au plus grand nombre les œuvres majeures de l’humanité selon les termes d’André Malraux. Néanmoins, ces mêmes porteurs de la démocratisation sont parfois prompts à déplorer le caractère dégradé de la relation à l’œuvre dans le cadre des expositions-événements. Ainsi, <a href="https://www.cairn.info/revue-communication-et-langages1-2017-1-page-15.htm?contenu=resume">note Daniel Jacobi</a>, «les amateurs d’art et de patrimoine les plus experts n’ont pas de mots assez durs et sévères pour se moquer de ces visites dites «à l’américaine», superficielles et peu à même d’apprécier ou de goûter ce qui est visité ou exposé.»</p> <p>Le débat n’est pas nouveau et il fut porté en son temps par M. Horkheimer, W. Benjamin et <a href="https://www.franceculture.fr/oeuvre/prismes-critique-de-la-culture-et-societe">T. Adorno</a>, ce dernier dénonçant «les œuvres perverties» dès lors qu’elles sont exposées à la masse «des yeux des oreilles aliénées.»</p> <p>L’idéal démocratique achoppe ici sur une fonction majeure de toute pratique culturelle, la distinction sociale, qui rend la démocratisation culturelle si ardue malgré les efforts de <a href="https://www-cairn-info.merlin.u-picardie.fr/revue-l-observatoire-2018-1-page-40.htm">médiation culturelle</a>, les amateurs d’art étant certainement les premiers à ne pas vouloir être confondus avec les masses. D’autant plus que les «masses» en question, loin d’être homogènes, restent rétives à toute imposition de ce qui est désigné par les professionnels de la culture comme digne d’intérêt. Les publics sont ainsi toujours enclins, soit, pour le plus grand nombre, à éviter les formes culturelles légitimes, soit à les détourner, serait-ce avec selfie, <a href="https://editions-attribut.com/product/nectart-8/">soit tout simplement à inventer leurs propres pratiques</a>.</p> <hr /> <h4>Cet article est republié à partir de <a href="https://theconversation.com/un-selfie-avec-la-joconde-pas-si-superficiel-126378" target="_blank" rel="noopener">The Conversation</a>, sous licence Creative Commons. </h4> </blockquote>', 'content_edition' => null, 'slug' => 'un-selfie-avec-la-joconde-pas-si-superficiel', 'headline' => false, 'homepage' => 'col-md-12', 'like' => (int) 427, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 2035, 'homepage_order' => (int) 2286, 'original_url' => 'https://theconversation.com/un-selfie-avec-la-joconde-pas-si-superficiel-126378', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 8, 'person_id' => (int) 85, 'post_type_id' => (int) 1, 'poster_attachment' => null, 'editions' => [], 'tags' => [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Tag) {}, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Tag) {}, (int) 2 => object(App\Model\Entity\Tag) {}, (int) 3 => object(App\Model\Entity\Tag) {} ], 'locations' => [], 'attachment_images' => [ (int) 0 => object(Cake\ORM\Entity) {} ], 'attachments' => [ (int) 0 => object(Cake\ORM\Entity) {} ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'comments' => [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Comment) {} ], 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ '*' => true, 'id' => false ], '[dirty]' => [], '[original]' => [], '[virtual]' => [], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [], '[invalid]' => [], '[repository]' => 'Posts' } $relatives = [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 4909, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => true, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => null, 'readed' => null, 'subhead' => null, 'title' => 'Emergence du langage dans l’évolution humaine: des chercheurs font parler les structures osseuses fossilisées', 'subtitle' => 'Les positions d’Aristote et de Descartes, qui affirmaient que le langage est le «propre de l’homme», se trouvent aujourd’hui contestées par des observations éthologiques sur les singes ou les oiseaux.', 'subtitle_edition' => 'Les positions d’Aristote et de Descartes, qui affirmaient que le langage est le «propre de l’homme», se trouvent aujourd’hui contestées par des observations éthologiques sur les singes ou les oiseaux.', 'content' => '<div style="text-align: left;"><span><span><strong><a href="https://theconversation.com/profiles/pascal-perrier-1528361">Pascal Perrier</a></strong>, <em><a href="https://theconversation.com/institutions/institut-polytechnique-de-grenoble-grenoble-inp-2428">Institut polytechnique de Grenoble (Grenoble INP)</a></em>; <a href="https://theconversation.com/profiles/amelie-vialet-1528373"><strong>Amélie Vialet</strong></a>, <em><a href="https://theconversation.com/institutions/museum-national-dhistoire-naturelle-mnhn-2191">Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)</a></em> et <strong><a href="https://theconversation.com/profiles/yohan-payan-1528354">Yohan Payan</a></strong>, <em><a href="https://theconversation.com/institutions/universite-grenoble-alpes-uga-2279">Université Grenoble Alpes (UGA)</a></em></span></span><hr /><span><em><a href="https://theconversation.com/institutions/universite-grenoble-alpes-uga-2279"></a></em></span> <p>En effet, on retrouve dans les signaux de communication de ces espèces, des caractéristiques similaires à celle du langage parlé humain, telles que la notion de sémantique (un cri est porteur de sens), la variation d’un son qui change la signification du cri (ce qui se rapproche de la notion de phonème, unité minimale du langage parlé humain), ou la notion de morphologie (il existe dans les cris des éléments qui peuvent être combinés de manière variée au sein de différentes structures plus complexes). Mais rien ne permet d’abandonner l’idée que la parole reste « le propre de l’homme », c’est-à-dire la capacité à articuler avec sa bouche des sons distinctifs qui peuvent se combiner à l’infini pour donner une infinité de sens.</p> <p>C’est sans doute à cette spécificité que la question de l’émergence de la parole dans l’évolution humaine doit d’être restée à travers les âges au cœur de recherches dans le domaine de la philosophie, de la linguistique et, plus récemment, de l’éthologie, de la psychologie et des neurosciences. Cette question renvoie à la fois à l’existence des capacités cognitives adaptées à l’émergence du langage, qu’il soit parlé ou non, et à l’existence de capacités physiques de la bouche et des lèvres pour structurer et articuler les unités sonores qui seront les vecteurs acoustiques du langage, via la parole.</p> <p>Cognitivement, le <a href="https://royalsocietypublishing.org/doi/10.1098/rstb.2011.0295">langage renvoie fondamentalement à la capacité d’abstraction</a>. C’est la raison pour laquelle la fabrication d’outils, la maîtrise du feu, les peintures pariétales, la structuration de l’habitat sont autant d’étapes de l’évolution humaine qui ont fréquemment été utilisées comme des marqueurs potentiels de l’émergence de la capacité au langage. Il n’y a pas de consensus sur l’émergence de la parole. Nos travaux visent à contribuer à ces débats, en étudiant si les capacités des hominines fossiles (les Néandertaliens qui sont proches de nous comme leurs ancêtres, les H. heidelbergensis datant de 500 000 ans voire les Australopithèques qui sont beaucoup plus anciens et appartiennent à un autre genre) leur permettaient d’articuler suffisamment de sons distinctifs pour constituer la base du langage parlé.</p> <h3>Depuis quand peut-on articuler ?</h3> <p>Sur le plan physique, c’est l’usage de la bouche qui est au cœur de la capacité à parler. <a href="https://www.youtube.com/watch?v=XVE4B6TxlfM">Le célèbre ethnologue français André Leroi-Gourhan</a> (1911-1986) voyait dans le passage de la quadrupédie à la bipédie une étape essentielle dans l’émergence du langage parlé : permettant l’usage de la main pour des gestes de préhension jusqu’alors effectués par la bouche, la bipédie a « libéré » la mandibule, les lèvres et la langue pour leur permettre d’exécuter un répertoire gestuel riche et structuré, capable de transmettre le langage via le son.</p> <p>Quand est apparue la capacité physique à articuler des sons distinctifs ? C’est lorsque l’ensemble de cartilages marqué par la pomme d’Adam, qu’on appelle le larynx, est suffisamment descendu dans le cou, répondit le <a href="https://www.science.org/doi/10.1126/science.164.3884.1185">chercheur américain Philip Lieberman</a> (1934-2022) dans le journal Science en 1969. Cette descente du larynx aurait, selon lui, offert à la langue un espace vertical nouveau, suffisamment large pour qu’elle puisse se déformer, se bomber ou s’aplatir pour générer une variété de formes et de sons appropriée à la richesse combinatoire du langage.</p> <p>Cette hypothèse, qui a fonctionné pendant plusieurs décennies, en sclérosant quelque peu la recherche dans ce domaine, a depuis lors été fortement contestée. Le chercheur <a href="https://theconversation.com/la-parole-ne-serait-pas-apparue-avec-homo-sapiens-et-ce-sont-les-singes-qui-nous-le-disent-128708">Louis-Jean Boë et ses collègues</a> ont en effet montré que les cris de babouins, dont le larynx est élevé et la langue plate, contiennent des sons proches du « a », du « ou » et du « i », les trois voyelles qui constituent la base fondamentale des systèmes vocaliques des langues du monde.</p> <p>De même, Fitch, pourtant disciple de Lieberman, et ses collègues, <a href="https://www.science.org/doi/10.1126/sciadv.1600723">dans un article paru dans <em>Science Advances</em> en 2016</a>, ont montré, à partir de radiographies de la gueule de macaques au cours de la déglutition, que malgré leur larynx élevé, ces primates pouvaient générer des formes de langue compatibles avec la production de voyelles suffisamment variées et distinctes pour constituer les bases sonores d’un langage parlé. La descente du larynx ne semble donc pas constituer un marqueur fiable de l’émergence de la capacité physique à parler au cours de l’évolution humaine, et le mystère reste entier.</p> <p>Pour tenter de le percer, notre projet <a href="https://iscd.sorbonne-universite.fr/research/sponsored-junior-teams/origins-of-speech/">« Origins of Speech »</a>, s’est proposé d’élaborer des modèles biomécaniques de langue d’humains fossiles.</p> <p>Un modèle biomécanique est un modèle numérique, sur ordinateur, qui représente une partie du corps humain, avec son anatomie, ses structures osseuses, ses tissus mous, ses muscles, et est capable de rendre compte des mécanismes physiques qui régissent leurs mouvements et leurs déformations sous l’action d’activations musculaires. Pour la langue, de tels modèles permettent d’étudier comment les muscles linguaux influencent la forme et la position de la langue dans la bouche. Ainsi, pour les fossiles, ces modèles offriraient la possibilité d’étudier, quantitativement et systématiquement, leur capacité à produire des sons de parole.</p> <h3>Prédire la langue des humains fossiles à partir des os de la tête</h3> <p>Mais sur quoi s’appuyer pour élaborer de tels modèles ? Aucune donnée anatomique n’existe. En effet, les tissus mous de langue, des parois de la bouche, et du visage ne fossilisent pas. Seuls restent les os, plus ou moins abîmés par les sévices du temps.</p> <p>C’est l’idée originale de notre projet, présentée dans <a href="https://journals.plos.org/ploscompbiol/article?id=10.1371/journal.pcbi.1011808">notre article récent</a> publié dans le journal <em>PLoS Computational Biology</em> porté par les jeunes chercheurs de notre équipe, Pablo Alvarez, Marouane El Mouss et Maxime Calka.</p> <h4><a href="https://images.theconversation.com/files/590916/original/file-20240429-20-zn36pe.png?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img src="https://images.theconversation.com/files/590916/original/file-20240429-20-zn36pe.png?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" alt="" /></a><em><span>Processus permettant la génération d’un modèle biomécanique de langue de babouin par la transformation d’un modèle de référence élaboré sur un humain actuel. Cette transformation s’appuie sur la modélisation mathématique des différences morphologiques entre les structures osseuses crâniennes de l’humain actuel et du babouin.</span> <span><span>Fourni par l'auteur</span></span></em></h4> <p>Elle consiste à exploiter les structures osseuses fossilisées pour prédire la forme et l’anatomie de la langue de ces humains disparus. Pour cela, nous utilisons comme référence le modèle biomécanique de langue d’un humain vivant, que nous avons soigneusement conçu dans nos laboratoires grenoblois GIPSA-lab et TIMC au cours de près de 3 décennies de recherches coordonnées.</p> <p>Ce modèle rend compte fidèlement de la morphologie de la langue, de ses structures musculaires, des caractéristiques mécaniques de ses tissus mous, et de ses interactions mécaniques avec la mandibule, le palais et l’os hyoïde, un petit os mobile qui relie la langue… au larynx.</p> <h4 style="text-align: center;"><iframe frameborder="0" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/Pz0A5HTYFeM?wmode=transparent&start=0" width="440"></iframe><em><span>Modèle de langue TIMC et Gipsa lab Grenoble.</span></em></h4> <p>C’est en modifiant la géométrie du modèle de référence que nous générerons des modèles biomécaniques pour les langues fossiles. Pour cela, en nous appuyant sur des outils mathématiques combinant des transformations géométriques complexes, nous déterminons tout d’abord la transformation géométrique optimale qui permet de passer de la géométrie du crâne et de la mandibule de l’humain actuel à celle du crâne et de la mandibule de l’humain fossile.</p> <p>Puis nous appliquons cette transformation géométrique au modèle de langue du premier pour le déformer et en faire un modèle de langue pour le second, avec sa forme spécifique, ses structures musculaires, et ses interactions avec la mandibule, le palais et l’os hyoïde…</p> <p>Mais dans quelle mesure peut-on faire confiance à une transformation géométrique basée sur les structures osseuses pour prédire les tissus mous de la langue ? Pour répondre à cette question, cruciale pour valider la méthode, nous avons choisi d’évaluer leur méthode sur la génération d’un modèle biomécanique de langue de babouin, un primate non-humain dont la morphologie de la tête est très différente de celle d’un Homo Sapiens.</p> <p>Notre hypothèse en la matière consiste à dire que si cette méthode marche pour un tel primate, alors il est vraisemblable qu’elle sera fiable pour la prédiction de la langue de tous les humains fossiles dont les crânes sont moins différents de celui d’un Homo Sapiens, que ne l’est celui d’un babouin.Nous avons alors généré deux modèles de langue de babouin. Le premier a été conçu en utilisant une transformation géométrique optimale déterminée en prenant en compte les structures osseuses et les tissus mous de la tête. Comme on peut s’y attendre, la complétude des informations morphologiques prises en compte permet d’obtenir un modèle qui décrit avec une grande précision la morphologie de la langue du babouin.</p> <p>Puis nous avons généré un second modèle, en déterminant la transformation géométrique optimale sur la seule base des informations sur les structures osseuses, ignorant celles sur les tissus mous. Ce second modèle s’est avéré être très proche du premier et la fiabilité de cette prédiction a été validée par des outils statistiques de quantification des incertitudes développés par Anca Belme à l’Institut Jean Le Rond d’Alembert de Sorbonne Université. Nous avons alors pu conclure que notre méthode est fiable pour générer, à partir des seules structures osseuses, des modèles biomécaniques réalistes pour les langues de primates, qu’ils soient humains ou non humains, qu’ils soient vivants ou (bientôt car les analyses sont en cours) fossiles.</p> <p>C’est en exploitant cette méthode, que nous travaillons actuellement à la génération de modèles biomécaniques de la langue d’humains fossiles, tels que les <em>Homo Heidelbergensis</em> connus en Europe à partir de 600 000 ans ou les Néandertaliens de 70-50 000 ans, à partir respectivement des ossements d’Arago 21 (grotte à proximité de Perpignan) et de ceux de La Ferrassie 1 en Dordogne. Notre but est d’explorer systématiquement les conséquences des activations des muscles de la langue dans ces modèles, d’observer le spectre des formes de la bouche qui peuvent ainsi être générées et d’analyser les caractéristiques des sons qui seraient ainsi produits par les fossiles, en faisant l’hypothèse qu’ils possédaient des cordes vocales et des capacités pulmonaires similaires à celles des Homo Sapiens. Il sera aussi possible de tester quantitativement, en jouant sur la position de l’os hyoïde, connecté au larynx, dans quelle mesure la position, plus ou moins haute, du larynx est susceptible d’influencer la richesse des formes de bouches et des sons produits.</p> <p>C’est la méthodologie de recherche que nous avons choisie pour percer le mystère de l’émergence au cours de l’évolution humaine de la capacité à produire avec la bouche des sons suffisamment variés pour constituer la base d’un langage utilisant l’acoustique pour véhiculer des idées entre congénères…<img src="https://counter.theconversation.com/content/226977/count.gif?distributor=republish-lightbox-basic" alt="The Conversation" width="1" height="1" /></p> <hr /> <h4><span><a href="https://theconversation.com/profiles/pascal-perrier-1528361">Pascal Perrier</a>, Professeur en Mathématiques du Signal - Modèles biomécaniques orofociaux - Modèlisation du contrôle moteur de la production de la parole, <em><a href="https://theconversation.com/institutions/institut-polytechnique-de-grenoble-grenoble-inp-2428">Institut polytechnique de Grenoble (Grenoble INP)</a></em>; <a href="https://theconversation.com/profiles/amelie-vialet-1528373">Amélie Vialet</a>, Maître de conférences en paléoanthropologie, <em><a href="https://theconversation.com/institutions/museum-national-dhistoire-naturelle-mnhn-2191">Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)</a></em> et <a href="https://theconversation.com/profiles/yohan-payan-1528354">Yohan Payan</a>, Chercheur en biomécanique des tissus mous, laboratoire TIMC (CNRS, Univ. 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Lire l’<a href="https://theconversation.com/emergence-du-langage-dans-levolution-humaine-des-chercheurs-font-parler-les-structures-osseuses-fossilisees-226977">article original</a>.</h4> </div>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'emergence-du-langage-dans-l-evolution-humaine-des-chercheurs-font-parler-les-structures-osseuses-fossilisees', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 14, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => 'https://theconversation.com/emergence-du-langage-dans-levolution-humaine-des-chercheurs-font-parler-les-structures-osseuses-fossilisees-226977', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 10, 'person_id' => (int) 85, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'comments' => [[maximum depth reached]], 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Posts' }, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 4881, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => false, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => null, 'readed' => null, 'subhead' => null, 'title' => 'La Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) aurait-elle engagé une guerre contre le monde des réalités?', 'subtitle' => 'Avec le jugement favorable à la plainte de l’association KlimaSeniorinnen Schweiz, la CEDH ouvre la voie à la sanction des Etats en se fondant sur des arguments façonnés dans un monde imaginaire. 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Par ce jugement, la CEDH semble vouloir enterrer toute démarche rationnelle appuyée sur des faits pour favoriser des croyances.</p> <p>Accrochées à un mouvement généralisé autour du climat, qui favorise la foi d’une construction sociale de la réalité, à l’instar de la «justice climatique», ces plaignantes semblent avoir banni de leur plaidoyer tout ce qui pourrait résister au contrôle humain de la météo du jour, sans égards aux résultats scientifiques et leurs immenses incertitudes concernant les climats futurs. Les plaignantes ont accusé en substance les autorités suisses de mener une politique climatique aux objectifs et aux mesures insuffisantes, «en violation de leur droit à la vie», arguant de la vulnérabilité des personnes âgées face aux effets des changements en cours, et en particulier aux vagues de chaleur. Ce qui est visé, selon le jugement, serait l’incapacité de la Suisse à fournir une estimation des émissions de gaz à effet de serre futures afin de limiter «le réchauffement climatique» au fameux 1,5°C de l’Accord de Paris, valeur pourtant parfaitement arbitraire et dont les conséquences néfastes restent difficiles à identifier.</p> <p>Mais qu’en est-il vraiment? Que disent les données des études démographiques sur la «violation du droit à la vie» que ce soit sous les climats helvétiques ou mondiaux? Le «réchauffement climatique» met-il réellement en péril le «droit à la vie» des femmes âgées de Suisse?</p> <p>Premier constat, d’après les données de l’Office Fédéral de la Statistique (OFS), l’espérance de vie à la naissance des femmes suisses est passée de 79,3 ans en 1982 à 85,4 ans en 2022, et ce malgré «l’urgence climatique», soit un gain de 56 jours par an depuis 1982. Sur la même période, l’espérance de vie à 65 ans, âge minimal de ces militantes, est passée de 18,4 à 22,5 années. Il ne semble pas que «le climat» ait eu des conséquences fâcheuses sur leur droit à la vie.</p> <p>En recoupant les données de l’OFS et de Météosuisse, on peut observer la nature cyclique du nombre de décès par semaine des personnes de plus de 65 ans en Suisse, de 2010 à 2024 (Figure).</p> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1713434705_capturedcran2024041812.04.17.png" class="img-responsive img-fluid center " width="784" height="554" /></p> <p>La courbe noire pleine montre que les périodes hivernales restent les plus fatales, toutes causes confondues, pouvant parfois accroître la mortalité de 72% par rapport aux périodes estivales. Bien que les variabilités démographiques soient complexes à appréhender avec précision (comme les «effets moisson» ou les crises sanitaires telles la Covid-19), cette nature cyclique confirme simplement que «le froid tue».</p> <p>Pour s’en convaincre, s’affichent en gris sur la figure et à titre d’exemple, les températures <i>maximales </i>quotidiennes de la station de Neuchâtel montrant de larges amplitudes au cours de l’année. A partir du printemps 2020, la courbe des décès-toutes-causes subit les perturbations du Coronavirus et ses conséquences, rendant hasardeuse toute interprétation de détail. Mais la forte anti-corrélation entre décès et saisonnalité demeure. Nous supportons bien plus aisément les températures non-optimales chaudes que froides. Une étude récente<strong><sup>1</sup></strong> publiée dans <i>The Lancet</i> sur les excès de mortalité dans les villes européennes entre 2000 et 2019, dus cette fois uniquement aux températures non-optimales chaudes ou froides, confirme la tendance générale: entre 65 et 74 ans, le froid tue en Suisse 3 fois plus que le chaud, entre 75 et 84 ans, 6 fois plus, et au-dessus de 85 ans, 7,6 fois davantage. Dans une autre étude du <i>Lancet</i><strong><sup>2</sup></strong> sur les températures non-optimales entre 2000 et 2019 au niveau mondial, le constat est identique: le taux mondial de surmortalité liée au froid a baissé de 0,5% alors que celui lié à la chaleur aurait augmenté de 0,2%, conduisant à une réduction nette du ratio mondial des décès liés aux températures extrêmes. Mais ces pourcentages ne touchent pas le même nombre de personnes, bien plus nombreuses à décéder durant les hivers, ce qui amplifie davantage le bénéfice d’un réchauffement climatique. 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A cela peut s’ajouter une topographie bienveillante durant les étés avec de nombreux lacs et rivières, et une fraicheur montagnarde accessible.</p> <p>Dans le monde réel, la Suisse a diminué de près de 40% ses émissions de CO<sub>2</sub> par habitant depuis 1980 et 91% de sa production électrique est bas-carbone. 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VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET
1 Commentaire
@gugus 09.12.2019 | 16h13
«excellent article exhaustif. Le phénomène "mode" est exécrable; on le voit aussi par les prix hallucinants qu'obtiennent certaines œuvres dans les ventes aux enchères: Basquiat, par exemple, avait du génie mais sa cote est délirante!
Quant à l'œuvre d'art elle-même, on ne l'apprécie vraiment que dans la solitude...»