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Actuel / Une stratégie de la dépendance, par Nestlé


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L’image véhiculée par Nestlé — engagement pour la formation des jeunes, création de nouveaux emplois, soutien aux femmes des favelas brésiliennes, combat contre la sous-alimentation, etc. — est bien loin de la réalité du terrain. Le «New York Times» y consacre un reportage qui met en lumière l’impact des produits de la firme suisse au Brésil. Si la sous-nutrition y devient rare, l’obésité d’une part importante de la population révèle d’autres enjeux.



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Fortaleza, Brésil: Des exclamations d’enfants résonnent dans l’air étouffant du matin, alors qu’une femme pousse une rutilante carriole blanche le long d’une rue remplie de déchets. Elle vient livrer quelques maisons appartenant aux plus pauvres dans cette ville du bord de mer: elle apporte pudding, cookies et autre nourriture préfabriquée à ses clients.

Les premières phrases du reportage de The New York Times consacré au commerce et à la stratégie marketing de Nestlé.



Après avoir conquis le monde occidental, les multinationales de l’agroalimentaire telles que Nestlé sont en pleine expansion dans les pays émergents. Elles utilisent un marketing agressif qui modifie la structure alimentaire d'un pays, aussi bien au niveau de la production des biens que de leur distribution et de leur consommation.

Après une période où la population souffrait de sous-nutrition ou de malnutrition, le Brésil fait aujourd’hui face à une forte augmentation de l’obésité. De nombreuses maladies découlent de ce phénomène. L’accessibilité à des produits hauts en calories, souvent très sucrés, très salés ou gras conduit non seulement au surpoids, mais également au diabète, à des problèmes de cœur et à d’autres maladies chroniques. Ironie du sort, une partie des personnes consommant trop régulièrement cette nourriture pauvre en nutriment se révèlent à la fois obèses et en sous-nutrition. Il est évident que d’autres facteurs tels que la génétique, l’urbanisation, l’augmentation des salaires ou la sédentarisation entrent également en ligne de compte.


La distribution de cette nourriture et sa consommation semble donc échapper à tout contrôle et la production agricole ne fait pas exception. L'arrivée des produits des multinationales mène à des transformations de l'agriculture locale. Les fermiers sont poussés à abandonner leurs cultures traditionnelles en faveur de la canne à sucre, des céréales diverses ou de soja. Des matières premières utilisées dans la nourriture industrielle.

Toucher les pauvres

Si les produits Nestlé sont si répandus au Brésil, c’est notamment dû à la stratégie marketing de la compagnie. Mise en place il y a une décennie environ, les ventes porte-à-porte par des femmes des quartiers défavorisés a permis une pénétration relativement rapide du marché. Cette stratégie entendait toucher dès le départ les couches inférieures de la population grâce au contact interpersonnel entre les femmes d’un quartier défavorisé et leurs pairs.

«Le but principal de notre programme est de toucher les plus pauvres. Le contact personnel entre les vendeuses et les consommateurs est la clé de cette réussite.»

explique au New York Times, M. Barbosa, responsable chez Nestlé.

La possibilité de payer les produits à 30 jours se révèle être un autre avantage: cela permet d’attendre le versement des «Bolsa Famìlia», un subside gouvernemental alloué aux familles à bas revenus.


Par ailleurs, dans la population locale, les produits sont majoritairement vus comme sains, puisqu’ils contiennent des vitamines et de minéraux ajoutés. La firme suisse tient à garder cette image positive et se décrit elle-même comme «leader mondial de nutrition, de santé et de bien-être.»

«Dans les rues de Fortaleza, où Nestlé est admiré pour son pedigree de haute qualité suisse, il est rare d’entendre des remarques négatives à l’encontre de la compagnie» écrit le New York Times

Si les questions de santé publique peinent à éveiller l’attention, c’est évidemment parce que l’expansion de Nestlé au Brésil a apporté des bénéfices économiques à tous, tous niveaux sociaux confondus. Nestlé annonce employer 21'000 personnes dans le pays et a développé un programme d’apprentissage qui forme 7000 jeunes. Au «bout de la chaine alimentaire», les vendeuses de porte-à-porte ont trouvé un mode de vie qui leur semble meilleur, malgré les problèmes de santé. L’une d’elles témoigne: «Pour la première fois dans ma vie, je sens une forme d’espoir et d’indépendance».

Biberonnés au Chocapic

Malgré les efforts d’image de Nestlé, le constat sans équivoque d’une sous-nutrition moins répandue et les apports économiques apportés au pays, l’exemple de la famille décrite dans le reportage du New York Times est éloquent. Joana D’arc de Vasconcellos, vendeuse Nestlé assure que son fils n’aimait pas du tout manger lorsqu’il était bébé: la tendance s’est inversée lorsqu’elle a commencé à lui donner de la nourriture Nestlé.

Dans son salon trône une photo de lui lorsqu'il avait deux ans: le bambin est assis devant une pyramide de lait en poudre Nestlé. Plus tard, ses deux enfants ont été biberonnés aux produits industriels: Nido Kinder (une poudre de lait), Chocapic (céréales au chocolat) et Nescau (poudre de cacao). Des produits très sucrés qui se révèlent néfastes s’ils sont consommés en trop grande quantité et non accompagnés de produits frais.

La maman souffre elle-même du diabète et d’une pression sanguine trop haute. Sa fille de 17 ans pèse plus de 100 kilos, a de l’hypertension et le syndrome des ovaires polykystiques ainsi que des désordres hormonaux liés à l’obésité. Et Joana D’arc de Vasconcellos de conclure: «Il est rare de trouver une famille dans la région qui ne souffre pas de diabète.»



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