Actuel / Une stratégie de la dépendance, par Nestlé
Une partie des personnes consommant trop régulièrement de la nourriture transformée et pauvre en nutriment, peuvent se révéler à la fois obèses et en sous-nutrition. © Bon pour la tête
L’image véhiculée par Nestlé — engagement pour la formation des jeunes, création de nouveaux emplois, soutien aux femmes des favelas brésiliennes, combat contre la sous-alimentation, etc. — est bien loin de la réalité du terrain. Le «New York Times» y consacre un reportage qui met en lumière l’impact des produits de la firme suisse au Brésil. Si la sous-nutrition y devient rare, l’obésité d’une part importante de la population révèle d’autres enjeux.
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Alors posons-nous la question: pourquoi envoyons-nous encore chaque année des dizaines de milliers de francs en l’air?', 'subtitle_edition' => null, 'content' => '<hr /> <p style="text-align: center;">Cet article est paru le 1er août sur <a href="https://leregardlibre.com/forum/feux-dartifice-pourvu-que-le-covid-se-prolonge/#more-35164" target="_blank" rel="noopener"><em>Le Regard Libre</em></a></p> <hr /> <p>«Par ce que c’est joli», diront certaines et certains. Joli… vraiment? Des lumières de couleurs qui explosent dans le ciel accompagnées de gros bruits. Joli? Tenez-vous devant les néons d’un cabaret vétuste quelques instants et admirez l’effet, votre 1<sup>er</sup> août se terminera peut-être également avec des papillons dans le ventre.</p> <p>«Ahhh mademoiselle, ce n’est pas parce que les feux d’artifice ne sont pas utiles qu’ils n’ont pas leur place.» Vous avez raison. Je suis même une fervente défenseuse des choses inutiles. Je vous invite volontiers à rester prostré quelques instants devant ma bibliothèque pour observer l’étendue de mon inutilité. On pourra même boire ensemble un verre de vin inutilement bon, en tenant des théories inutilement longues. Mais pour que le futile ait du sens, il faut encore qu’il soit bien réalisé. Et chers artificiers, on peut parfois se demander dans quelle direction vous avez projeté votre conscience professionnelle.</p> <p>Justement, à votre tour messieurs-dames les professionnels de la pyrotechnie. Oui, vous vous plaignez d’une baisse drastique des commandes pour cette fête nationale. Les principaux feux ont été annulés un peu partout. Votre chiffre d’affaires a chuté d’environ 80% en Suisse cette année. Ayons s’il vous plaît une seconde réflexive: au plus profond du confinement, un certain nombre d’activités professionnelles ou de loisir avaient été citées comme irremplaçables, bénéfiques à notre société, souhaitables même. Faites la liste. Elle était longue, si je me souviens bien. Que les personnes qui auraient nommé «les feux d’artifice» dans leur choix personnel m’écrivent. Vraiment. «Les feux d’artifice.» Et pas de mauvaise foi rétrospective: j’aimerais bien profiter de quelques activités inutiles ces prochains jours sans répondre à vos mails.</p> <p>«Les enfants adorent.» Ils adorent aussi taper sur leur petite sœur, sucer leur pouce, miauler lorsqu’ils ont faim, sont fatigués, ont envie de faire pipi, veulent regarder une vidéo pseudo-éducative sur l’iPad de papa ou acheter le même pantalon qu’Angèle. Ce n’est pas pour autant que l’Etat finance leurs caprices. Bien heureusement, certains ont grandi et se rendent compte que le Vésuve est un volcan en Italie et les fusées, un joujou nord-coréen et non une prestation sociale. Et ne me lancez pas sur ces apprentis sorciers qui dépensent leur futur treizième salaire pour épater les copains et les copines entre les noix de cajou-wasabi et la salade d’avocat.</p> <p>Alors oui, on espère tous garder notre âme d’enfant (l’insouciance qui va avec, la peau douce aussi et les bonbons aux anniversaires). D’ailleurs, maintenant que vous me le dites… c’est vrai, moi aussi ça m’est arrivé d’apprécier un feu d’artifice. Une fois. Je m’en rappelle. 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Les excréments dans les égouts hors de vue; les ordures dans les poubelles (le nom vient d’ailleurs d’un préfet parisien hygiéniste du 19<sup>e</sup> siècle); nos résidus métalliques, plastiques, en verre moderne dans de grandes fosses; les surplus de ce que l’on ne veut plus, qui a été utilisé, dont on ne sait plus quoi faire, dans les océans, en attendant que le temps fasse son effet. «C’est comme si nous préférions rester aveugles à ces ombres incommodantes de la civilisation», écrit Monsaingeon. Mettre à la poubelle, fermer le couvercle et ne plus y penser. </p><h3>Prise de conscience ratée: l’écologisation de l’économie </h3><p>Coup de théâtre au milieu du siècle dernier. Les scientifiques découvrent avec stupéfaction l’ampleur de la situation. Repousser ce que l’on ne veut plus «hors de nous», loin de nos lieux sociaux comporte des limites. Nous sommes d’ores et déjà submergés. Certains postulent alors un changement radical de philosophie, mais ceux qui l’emportent sont les «environnementalistes». Pour eux, les déchets doivent être vus comme une chose à organiser, à gérer, à «manager». Ainsi, au lieu de créer une «écologisation de l’économie», c’est-à-dire remettre en cause la conception et la production du déchet, les autorités appliquent une stratégie de «mise en économie de l’environnement» que l’on peut résumer par «la bonne gestion des déchets et aussi celle qui est rentable». Et c’est là que le citoyen responsable (et culpabilisé) entre en scène.</p><h3>Le déchet ou le cheval de Troie du «waste managment» </h3><p>«Pour le valeureux soldat de l’armée verte, pour l’écocitoyen, il reste possible, moralement acceptable, d’acheter une bouteille d’eau minérale, car si elle est bien jetée, elle sera recyclée.» Cette réflexion a été intégrée par bon nombre de gens dans nos sociétés occidentales. Ainsi, «sous couvert d’un argumentaire orienté vers la protection de l’environnement, bien jeter est devenu un moyen pour pouvoir continuer à (mieux) consommer.» </p><p>Illustration du propos. Le groupe Coca-Cola s’est par exemple engagé à un monde sans déchets d’ici 2030. Pourtant, selon les découvertes de<em> Cash investigation </em>en 2018, dans la pratique, seul 7% du plastique contenu dans les bouteilles en PET provient du recyclage. Trier est donc un geste louable, mais il permet surtout à la marque de continuer à vendre ses produits sous couvert de bonne conscience. </p><p>Deuxième exemple: les campagnes de ramassages d’ordure sur les bords de lacs ou de mer, dans les montagnes, dans les forêts. Bon nombre d’entre elles ont été instiguées à la base par des consortiums liés aux industries de boissons ou d’emballages à usage unique, comme Keep Amercia Beautiful, fondé en 1953. La logique derrière? Rejeter, mine de rien, la responsabilité de la pollution sur le dos des citoyennes et citoyens. Une campagne marketing plus que réussie puisqu’aujourd’hui des écoles et des ONG organisent également ce genre d’action. </p><h3>Consommer & jeter: du programme économique à l’art de vivre </h3><p>«L’incorporation par les usagers de la réforme environnementale du geste de mise au rebut est emblématique de la façon dont s’est construit un déni des racines profondes de la crise écologique mettant en cause les fondements de l’industrialisation productive, du capitalisme mondialisé, et d’une façon générale d’un mode de vie 'moderne'», postule l’auteur de <em>Homo Detritus</em>. Bien jeter a créé une sorte de «rituel contemporain de dénégation.» Nous «faisons notre part» en triant, en recyclant et en inculquant ces valeurs à nos enfants. Jusqu’à dire que c’est la manipulation à large échelle, il n’y a qu’un pas. </p><p>«La naissance [il y a 50 ans] de la sensibilité écologique en France comme dans d’autres pays industrialisés aurait pu être l’occasion d’une révolution du quotidien qui n’est pas advenue», cite Monsaingeon. Aujourd’hui, alors que de nombreuses manifestations de jeunes éclatent dans toute l’Europe – manifestations que l’on peut d’ailleurs critiquer– les politiciennes et politiciens avancent timidement quelques solutions. «Économie circulaire»: tente une partie de la gauche. «Responsabilité et innovation» essayent quelques partis de droite. Toutes ces réponses sont pourtant empreintes d’«environnementalisme». Le déni est général, même chez beaucoup d’écologistes. Car il ne suffit plus de «manager» les déchets – qui reviendront toujours en plus grand nombre – mais bel et bien de remettre en cause le système productiviste. Et cela ne peut passer que par des politiques globales. Malheureusement, il serait illusoire de penser que trier les partis politiques en ne mettant que les bons dans l’urne – dans une logique du «bien voter» ressemblant au «bien jeter» – ne nous permette d’agir sur les réels impacts de nos modes de vie. Mais en attendant, trions et «faisons notre part», c’est toujours ça de pris. </p><p><hr></p><p><br><img class="img-responsive " src="https://media.bonpourlatete.com/default/w175/1556096692_515j071wtl._sx195_.jpg"></p><h4>Baptiste Monsaingeon, <em>Homo Detritus</em>, Ed. 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Toujours à sa façon, en tentant d’intéresser la catégorie qui semble le moins se préoccuper de ces thèmes grâce à des formats nouveaux, dynamiques, courts. Les vidéos «speech» (une prise de parole de quelques minutes face caméra de personnalités politiques ou non <a href="https://www.youtube.com/watch?v=bWvcmQVQEQA">ici par exemple de Jean Ziegler</a>) voient le jour. L’arrivée de la nouvelle star du journalisme Hugo Clément achève la transformation. 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La «verticale» helvète, créée en juillet 2017 démarre gentiment: «On peut compter environ à 3 millions d’utilisateurs non uniques en une année», annonce le trentenaire qui s’est formé à la RTS. Ce jour-là, les trois derniers articles publiés parlaient de l’ouverture de la Migros à la vente de sextoys, de l’utilisation du cannabis dans des EMS et d’un jeu dissimulé dans l’application des CFF. On est plus du côté de «infotainment» que de l’info pure.</p><p><em>Konbini</em> Suisse va-t-il aussi s’intéresser aux grands thèmes politiques 2019? «Certainement, répond Antoine Multone, mais il s’agit de trouver des angles qui touchent les jeunes.» Pour les élections fédérales, la petite rédaction veveysane compte se concentrer sur la pauvreté, le climat et les questions de genre, de sexualité et plus généralement des minorités. 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Ils et elles peuvent ainsi être confrontés à des articles qui les sortent de leur zone de confort.</p><p>Les algorithmes des réseaux sociaux et des moteurs de recherches proposent une tout autre logique: au travers des clics ou des «likes» répétés sur un média le système de calcul informatique guide systématiquement les lecteurs et lectrices vers des articles «qui pourraient leur plaire»: c’est-à-dire, au bout du compte, vers ce qui leur a déjà plu dans le passé. Les conséquences de ce mécanisme sont souvent résumées sous l’appellation de «bulle filtrante» des réseaux sociaux. <br></p><h3>«La nouvelle diversité de la presse, c’est la diversité des algorithmes»</h3><p><em>Konbini</em> a bien un site internet. Mais il très peu fréquenté, car l’essentiel se passe ailleurs: la majorité de ses consommateurs et consommatrices sont sur les réseaux sociaux, le média joue à fond le jeu des plateformes qui utilisent les algorithmes. </p><p>Antoine Multone ne ménage pas ses critiques face aux réseaux sociaux. Non, il ne soutient pas les logiques de ce monde-là. Mais en même temps, il s’y résigne: si c’est la seule manière de parler à sa génération, il veut bien appréhender cette collaboration «tout au plus comme une contrainte» et non comme une perte de liberté. <em><strong><br></strong></em></p><blockquote><p><em><strong>«L’humain est paresseux, </strong></em>analyse-t-il, un peu fataliste.<em><strong> Il aime qu’on lui montre ce qu’il veut voir. Oui, c’est parfois frustrant. Mais dans tous les cas, on ne peut pas le forcer à porter de l’attention sur ce qui ne l’intéresse pas. Ce qu’il nous reste à faire, c’est diversifier les plateformes. 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En bon français: de la publicité et du publireportage sous forme numérique. Le mélange de contenu rédactionnel et publicitaire, une pratique qui fait bondir les consœurs et confrères soucieux d’éthique, mais qui se répand depuis quelques années jusque dans les titres les plus prestigieux. </p><p>Dans le cas précis de <em>Konbini</em>, il est certain que les revenus publicitaires sont liés au fort trafic que génèrent les publications du média. Plus il y aura de personnes touchées par le contenu éditorial, mais également par la mise en valeur de certaines marques – et le bât blesse lorsqu’il n’y a pas une différenciation claire des deux – plus les entreprises seront intéressées à investir dans du contenu <em>brandé</em>. </p><p>La question est donc primordiale: le rapport d’interdépendance entre le média, son canal de diffusion (majoritairement les réseaux sociaux) et les marques permet-il réellement de faire du «vrai journalisme», comme le déclarait Hugo Clément en 2017? 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Les premières phrases du reportage de The New York Times consacré au commerce et à la stratégie marketing de Nestlé.
Après avoir conquis le monde occidental, les multinationales de l’agroalimentaire telles que Nestlé sont en pleine expansion dans les pays émergents. Elles utilisent un marketing agressif qui modifie la structure alimentaire d'un pays, aussi bien au niveau de la production des biens que de leur distribution et de leur consommation.
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Toucher les pauvres
Si les produits Nestlé sont si répandus au Brésil, c’est notamment dû à la stratégie marketing de la compagnie. Mise en place il y a une décennie environ, les ventes porte-à-porte par des femmes des quartiers défavorisés a permis une pénétration relativement rapide du marché. Cette stratégie entendait toucher dès le départ les couches inférieures de la population grâce au contact interpersonnel entre les femmes d’un quartier défavorisé et leurs pairs.
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Biberonnés au Chocapic
Malgré les efforts d’image de Nestlé, le constat sans équivoque d’une sous-nutrition moins répandue et les apports économiques apportés au pays, l’exemple de la famille décrite dans le reportage du New York Times est éloquent. Joana D’arc de Vasconcellos, vendeuse Nestlé assure que son fils n’aimait pas du tout manger lorsqu’il était bébé: la tendance s’est inversée lorsqu’elle a commencé à lui donner de la nourriture Nestlé.
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Elles utilisent un marketing agressif qui modifie la structure alimentaire d'un pays, aussi bien au niveau de la production des biens que de leur distribution et de leur consommation. </p><p>Après une période où la population souffrait de sous-nutrition ou de malnutrition, le Brésil fait aujourd’hui face à une forte augmentation de l’obésité. De nombreuses maladies découlent de ce phénomène. L’accessibilité à des produits hauts en calories, souvent très sucrés, très salés ou gras conduit non seulement au surpoids, mais également au diabète, à des problèmes de cœur et à d’autres maladies chroniques. Ironie du sort, une partie des personnes consommant trop régulièrement cette nourriture pauvre en nutriment se révèlent à la fois obèses et en sous-nutrition. Il est évident que d’autres facteurs tels que la génétique, l’urbanisation, l’augmentation des salaires ou la sédentarisation entrent également en ligne de compte. <img class="img-responsive img-float-right " src="https://media.bonpourlatete.com/default/w800/1509115475_ifyouhaventbeenaffectedbythedisasterdonateyourtimetoorganizationssuchastheredcrossorevenyourlocalchurchandhelpthereliefoperationprocess.3.png" width="341" height="833"></p><br><p>La distribution de cette nourriture et sa consommation semble donc échapper à tout contrôle et la production agricole ne fait pas exception. L'arrivée des produits des multinationales mène à des transformations de l'agriculture locale. Les fermiers sont poussés à abandonner leurs cultures traditionnelles en faveur de la canne à sucre, des céréales diverses ou de soja. 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Barbosa, responsable chez Nestlé.</p><p>La possibilité de payer les produits à 30 jours se révèle être un autre avantage: cela permet d’attendre le versement des «Bolsa Famìlia», un subside gouvernemental alloué aux familles à bas revenus.</p><p><img class="img-responsive " src="https://media.bonpourlatete.com/default/w800/1509115466_r3.jpeg"></p><br><p>Par ailleurs, dans la population locale, les produits sont majoritairement vus comme sains, puisqu’ils contiennent des vitamines et de minéraux ajoutés. 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Joana D’arc de Vasconcellos, vendeuse Nestlé assure que son fils n’aimait pas du tout manger lorsqu’il était bébé: la tendance s’est inversée lorsqu’elle a commencé à lui donner de la nourriture Nestlé. </p><p>Dans son salon trône une photo de lui lorsqu'il avait deux ans: le bambin est assis devant une pyramide de lait en poudre Nestlé. Plus tard, ses deux enfants ont été biberonnés aux produits industriels: Nido Kinder (une poudre de lait), Chocapic (céréales au chocolat) et Nescau (poudre de cacao). Des produits très sucrés qui se révèlent néfastes s’ils sont consommés en trop grande quantité et non accompagnés de produits frais.</p><p>La maman souffre elle-même du diabète et d’une pression sanguine trop haute. Sa fille de 17 ans pèse plus de 100 kilos, a de l’hypertension et le syndrome des ovaires polykystiques ainsi que des désordres hormonaux liés à l’obésité. 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Lors d’un voyage en Sibérie, j’avais naïvement demandé à ma logeuse pourquoi les Russes continuaient de voter pour Poutine. Elle m’avait simplement répondu: «Sinon qui?».</p> <p>Si Alexeï Navalny et son parti Russie du futur n’a jamais semblé être une alternative appétissante pour les habitantes et habitants de ce pays – qui ne se réduit pas aux deux villes Moscou et Saint-Pétersbourg – l’opposant numéro 1 (du moins vu comme tel depuis l’Occident), aura pourtant apporté une solution à cette femme dès 2018. A la question «Qui»? Navalny répond simplement: tous sauf Russie unie. 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Je vous invite volontiers à rester prostré quelques instants devant ma bibliothèque pour observer l’étendue de mon inutilité. On pourra même boire ensemble un verre de vin inutilement bon, en tenant des théories inutilement longues. Mais pour que le futile ait du sens, il faut encore qu’il soit bien réalisé. Et chers artificiers, on peut parfois se demander dans quelle direction vous avez projeté votre conscience professionnelle.</p> <p>Justement, à votre tour messieurs-dames les professionnels de la pyrotechnie. Oui, vous vous plaignez d’une baisse drastique des commandes pour cette fête nationale. Les principaux feux ont été annulés un peu partout. Votre chiffre d’affaires a chuté d’environ 80% en Suisse cette année. Ayons s’il vous plaît une seconde réflexive: au plus profond du confinement, un certain nombre d’activités professionnelles ou de loisir avaient été citées comme irremplaçables, bénéfiques à notre société, souhaitables même. Faites la liste. 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Certains postulent alors un changement radical de philosophie, mais ceux qui l’emportent sont les «environnementalistes». Pour eux, les déchets doivent être vus comme une chose à organiser, à gérer, à «manager». Ainsi, au lieu de créer une «écologisation de l’économie», c’est-à-dire remettre en cause la conception et la production du déchet, les autorités appliquent une stratégie de «mise en économie de l’environnement» que l’on peut résumer par «la bonne gestion des déchets et aussi celle qui est rentable». Et c’est là que le citoyen responsable (et culpabilisé) entre en scène.</p><h3>Le déchet ou le cheval de Troie du «waste managment» </h3><p>«Pour le valeureux soldat de l’armée verte, pour l’écocitoyen, il reste possible, moralement acceptable, d’acheter une bouteille d’eau minérale, car si elle est bien jetée, elle sera recyclée.» Cette réflexion a été intégrée par bon nombre de gens dans nos sociétés occidentales. Ainsi, «sous couvert d’un argumentaire orienté vers la protection de l’environnement, bien jeter est devenu un moyen pour pouvoir continuer à (mieux) consommer.» </p><p>Illustration du propos. Le groupe Coca-Cola s’est par exemple engagé à un monde sans déchets d’ici 2030. Pourtant, selon les découvertes de<em> Cash investigation </em>en 2018, dans la pratique, seul 7% du plastique contenu dans les bouteilles en PET provient du recyclage. Trier est donc un geste louable, mais il permet surtout à la marque de continuer à vendre ses produits sous couvert de bonne conscience. </p><p>Deuxième exemple: les campagnes de ramassages d’ordure sur les bords de lacs ou de mer, dans les montagnes, dans les forêts. Bon nombre d’entre elles ont été instiguées à la base par des consortiums liés aux industries de boissons ou d’emballages à usage unique, comme Keep Amercia Beautiful, fondé en 1953. La logique derrière? Rejeter, mine de rien, la responsabilité de la pollution sur le dos des citoyennes et citoyens. Une campagne marketing plus que réussie puisqu’aujourd’hui des écoles et des ONG organisent également ce genre d’action. </p><h3>Consommer & jeter: du programme économique à l’art de vivre </h3><p>«L’incorporation par les usagers de la réforme environnementale du geste de mise au rebut est emblématique de la façon dont s’est construit un déni des racines profondes de la crise écologique mettant en cause les fondements de l’industrialisation productive, du capitalisme mondialisé, et d’une façon générale d’un mode de vie 'moderne'», postule l’auteur de <em>Homo Detritus</em>. Bien jeter a créé une sorte de «rituel contemporain de dénégation.» Nous «faisons notre part» en triant, en recyclant et en inculquant ces valeurs à nos enfants. Jusqu’à dire que c’est la manipulation à large échelle, il n’y a qu’un pas. </p><p>«La naissance [il y a 50 ans] de la sensibilité écologique en France comme dans d’autres pays industrialisés aurait pu être l’occasion d’une révolution du quotidien qui n’est pas advenue», cite Monsaingeon. Aujourd’hui, alors que de nombreuses manifestations de jeunes éclatent dans toute l’Europe – manifestations que l’on peut d’ailleurs critiquer– les politiciennes et politiciens avancent timidement quelques solutions. «Économie circulaire»: tente une partie de la gauche. «Responsabilité et innovation» essayent quelques partis de droite. Toutes ces réponses sont pourtant empreintes d’«environnementalisme». Le déni est général, même chez beaucoup d’écologistes. Car il ne suffit plus de «manager» les déchets – qui reviendront toujours en plus grand nombre – mais bel et bien de remettre en cause le système productiviste. Et cela ne peut passer que par des politiques globales. Malheureusement, il serait illusoire de penser que trier les partis politiques en ne mettant que les bons dans l’urne – dans une logique du «bien voter» ressemblant au «bien jeter» – ne nous permette d’agir sur les réels impacts de nos modes de vie. Mais en attendant, trions et «faisons notre part», c’est toujours ça de pris. </p><p><hr></p><p><br><img class="img-responsive " src="https://media.bonpourlatete.com/default/w175/1556096692_515j071wtl._sx195_.jpg"></p><h4>Baptiste Monsaingeon, <em>Homo Detritus</em>, Ed. Seuil, 2017.</h4><p><hr></p><h2>Retrouvez d'autres articles sur le même thème dans notre <a href="https://bonpourlatete.com/serie/dossier-special-decroissance">dossier spécial Décroissance</a>.</h2>', 'content_edition' => null, 'slug' => 'bien-jeter-pour-mieux-oublier', 'headline' => false, 'homepage' => 'col-md-12', 'like' => (int) 958, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1655, 'homepage_order' => (int) 1917, 'original_url' => null, 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 5, 'person_id' => (int) 1501, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'comments' => [ [maximum depth reached] ], 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Posts' }, (int) 3 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 1571, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'free' => true, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => 'NORMAL', 'readed' => null, 'subhead' => 'ACTUEL / Média', 'title' => 'Sextoys, publireportage et (un peu de) politique, le cocktail jeune de Konbini', 'subtitle' => 'Une envie de parler à sa génération et une certaine résignation à l’encontre du mode de consommation de l’actualité d’aujourd’hui: c’est ce que je retiendrai de ma rencontre avec Antoine Multone, rédacteur en chef du bureau veveysan de Konbini: un média qui réussit à captiver les jeunes, réputés se détourner de la presse. 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Toujours à sa façon, en tentant d’intéresser la catégorie qui semble le moins se préoccuper de ces thèmes grâce à des formats nouveaux, dynamiques, courts. Les vidéos «speech» (une prise de parole de quelques minutes face caméra de personnalités politiques ou non <a href="https://www.youtube.com/watch?v=bWvcmQVQEQA">ici par exemple de Jean Ziegler</a>) voient le jour. L’arrivée de la nouvelle star du journalisme Hugo Clément achève la transformation. 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La «verticale» helvète, créée en juillet 2017 démarre gentiment: «On peut compter environ à 3 millions d’utilisateurs non uniques en une année», annonce le trentenaire qui s’est formé à la RTS. Ce jour-là, les trois derniers articles publiés parlaient de l’ouverture de la Migros à la vente de sextoys, de l’utilisation du cannabis dans des EMS et d’un jeu dissimulé dans l’application des CFF. On est plus du côté de «infotainment» que de l’info pure.</p><p><em>Konbini</em> Suisse va-t-il aussi s’intéresser aux grands thèmes politiques 2019? «Certainement, répond Antoine Multone, mais il s’agit de trouver des angles qui touchent les jeunes.» Pour les élections fédérales, la petite rédaction veveysane compte se concentrer sur la pauvreté, le climat et les questions de genre, de sexualité et plus généralement des minorités. L’enjeu sera ensuite de trouver des «formats spécifiques» à <em>Konbini</em> qui permettront de montrer la diversité d’opinions dans une Suisse fédéraliste aux acteurs nombreux.</p><h3>Une dépendance aux réseaux sociaux</h3><p>Si la manière de présenter l’information est très variée chez <em>Konbini</em> (vidéos, textes, reportages, interviews, humour, etc.) le critère prioritaire est l’adaptation 1) à son public 2) à son canal de diffusion. Ce ne sont plus les lecteurs et lectrices qui s’adaptent au média, c’est le média qui doit coller au public et à sa manière de «consommer l’actu». Selon la formule bien connue des analystes, le véritable rédacteur en chef, c’est le clic: Antoine Multone assume cette nouvelle réalité.</p><p>Concrètement, ce qui fait les frais de cette nouvelle donne, c’est la surprise. Dans un journal traditionnel (papier ou Web), les lecteurs et lectrices se promènent dans le titre au gré des pages et des rubriques. Ils et elles peuvent ainsi être confrontés à des articles qui les sortent de leur zone de confort.</p><p>Les algorithmes des réseaux sociaux et des moteurs de recherches proposent une tout autre logique: au travers des clics ou des «likes» répétés sur un média le système de calcul informatique guide systématiquement les lecteurs et lectrices vers des articles «qui pourraient leur plaire»: c’est-à-dire, au bout du compte, vers ce qui leur a déjà plu dans le passé. Les conséquences de ce mécanisme sont souvent résumées sous l’appellation de «bulle filtrante» des réseaux sociaux. <br></p><h3>«La nouvelle diversité de la presse, c’est la diversité des algorithmes»</h3><p><em>Konbini</em> a bien un site internet. Mais il très peu fréquenté, car l’essentiel se passe ailleurs: la majorité de ses consommateurs et consommatrices sont sur les réseaux sociaux, le média joue à fond le jeu des plateformes qui utilisent les algorithmes. </p><p>Antoine Multone ne ménage pas ses critiques face aux réseaux sociaux. Non, il ne soutient pas les logiques de ce monde-là. Mais en même temps, il s’y résigne: si c’est la seule manière de parler à sa génération, il veut bien appréhender cette collaboration «tout au plus comme une contrainte» et non comme une perte de liberté. <em><strong><br></strong></em></p><blockquote><p><em><strong>«L’humain est paresseux, </strong></em>analyse-t-il, un peu fataliste.<em><strong> Il aime qu’on lui montre ce qu’il veut voir. Oui, c’est parfois frustrant. Mais dans tous les cas, on ne peut pas le forcer à porter de l’attention sur ce qui ne l’intéresse pas. Ce qu’il nous reste à faire, c’est diversifier les plateformes. 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En bon français: de la publicité et du publireportage sous forme numérique. Le mélange de contenu rédactionnel et publicitaire, une pratique qui fait bondir les consœurs et confrères soucieux d’éthique, mais qui se répand depuis quelques années jusque dans les titres les plus prestigieux. </p><p>Dans le cas précis de <em>Konbini</em>, il est certain que les revenus publicitaires sont liés au fort trafic que génèrent les publications du média. Plus il y aura de personnes touchées par le contenu éditorial, mais également par la mise en valeur de certaines marques – et le bât blesse lorsqu’il n’y a pas une différenciation claire des deux – plus les entreprises seront intéressées à investir dans du contenu <em>brandé</em>. </p><p>La question est donc primordiale: le rapport d’interdépendance entre le média, son canal de diffusion (majoritairement les réseaux sociaux) et les marques permet-il réellement de faire du «vrai journalisme», comme le déclarait Hugo Clément en 2017? Ou n’est-ce pas précisément au prix de l’indépendance journalistique que le succès se construit dans les médias émergents de type <em>Konbini</em>? 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