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Actuel / Un quidam nommé François Varidel


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Né en 1817 et mort en 1880, un habitant de Prahins a laissé un carnet dans lequel il raconte sa vie et notamment sa participation à la guerre du Sonderbund.



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Classe 11 VP 1 / Ollon


Un soldat de l’armée fédérale pendant la guerre du Sonderbund sur un daguerréotype de 1847.
Musée national suisse, Zurich

François Varidel, habitant du village vaudois de Prahins, a traversé le XIXe siècle. Il a laissé un journal autobiographique. C’est le récit d’un parcours difficile et ordinaire qui ressemble sans doute à des milliers d’autres. François Pierre Varidel naît le 9 mai 1817, d’une famille campagnarde du Nord vaudois. Il est un homme du peuple. A l’âge de douze ans, il perd son père, victime d’un coup de pied de cheval à la tête. Après cet accident, sa mère tombe malade et se fait soigner à Yverdon durant deux ans.

«C’est triste, très chers parents, d’avoir un enfant pour si peu de temps»

Avec l’un de ses frères, François est placé sous tutelle. En 1838, à 21 ans, François Varidel suit l’école militaire à Lausanne. Il rejoint sa compagnie à Orbe afin de surveiller la frontière franco-suisse, car il y a un «grand bruit de guerre avec la France». En effet, la justice française réclame Louis-Napoléon Bonaparte, le futur président puis empereur des Français, Napoléon III. Mais la Suisse ne peut pas l’extrader, car Louis- Napoléon est aussi citoyen suisse et officier de l’armée fédérale. Il se rend finalement en Angleterre. Son départ met un terme à la crise entre la Suisse et la France. 

De retour à la vie civile, François Varidel travaille comme charron dès 1839, fabriquant et réparant les chars de sa région.

Avant de reprendre le domaine familial, François Varidel exerce le métier de charron. Encyclopédie
ou dictionnaire universel raisonné des connaissances humaines. Mis en ordre par M. De Felice (Encyclopédie d’Yverdon), Planches, tome X, Yverdon, 1780.

Comme son frère émigre à Londres, puis en Australie, François Varidel doit reprendre la culture du domaine familial. Il interrompt son activité agricole à l’occasion, par exemple lorsqu’il est appelé à Payerne pour participer à une revue fédérale, l’inspection militaire de l’époque. Le 25 septembre 1842, il épouse Nanette (Anne-Françoise) Jaquier déjà enceinte. La conception prénuptiale n’est alors pas rare dans les campagnes. En février 1843, elle met au monde une petite fille. Mais le bonheur du jeune couple est de courte durée: «En mille huit cent quarante-quatre, notre petite fille prend un mauvais rhume. Dans le mois de mars, elle se rétablit pour une quinzaine de jours. Sa maladie recommence de nouveau. Elle expira le 2 avril. C’est triste, très chers parents, d’avoir un enfant pour si peu de temps.» 

Une carte de Prahins de 1853. © Archives cantonales vaudoises, Gc 1376/1. 

En avril 1845, François se voit contraint de laisser son épouse «dans la désolation» pour aller se battre contre les corps francs, près de Lucerne, combat qui prélude à la guerre du Sonderbund. A son retour, il reçoit un coup de pied d’un cheval qui lui fend la bouche. En 1847, il prend part à la guerre du Sonderbund en tant que caporal de grenadiers. Cette campagne occupe une place importante dans le carnet. Il tombe malade en 1848. A peine rétabli, il est envoyé avec sa compagnie à Romont, puis à Fribourg.

 «1854, du 24 mai. Jour de la levure, on était tous gais et joyeux»

François Varidel rentre une année plus tard. Il souffre de terribles éruptions de boutons sur le visage, accompagnées de maux de tête. Il consulte alors le médecin qui avait soigné sa mère. Le docteur Jaquier lui prescrit quatre jours de bains. En 1854, il construit une maison et, à l’en croire, il passe son dernier jour de bonheur lors de la fête du bouquet de chantier. «1854, du 24 mai. Jour de la levure, on était tous gais et joyeux. Hélas, c’était pour la dernière fois que l’on fraternisait une fête ensemble et l’année se passa comme un éclair des occupations qu’on avait.»

En novembre 1853, des membres de la famille de sa femme attrapent la variole (lire «La variole et "L'autre monde"» ci-dessous). L’épouse de François, Nanette, rend souvent visite à sa sœur malade. En janvier 1854, l’état de cette dernière s’est fortement aggravé. Quelques jours plus tard, Nanette tombe à son tour malade et fait chambre à part. Dès le 12 janvier, sa santé se détériore gravement. Alors, Nanette se prépare à son décès et meurt quelques jours plus tard. 

Désormais, la belle-sœur de François ne lui parle plus et l’ignore, alors que François est très peiné par la mort de sa femme.

«Brûler le mal jusqu’à me faire [tellement] enfler la bouche que je ne pouvais plus manger»

Pendant les quatre années qui suivent le décès de son épouse, François est atteint d’une maladie dermatologique. Il s’astreint à différents traitements prescrits par plusieurs médecins. Il recourt aussi à des guérisseurs, mais toutes ces démarches restent sans effet. S’agit-il de séquelles de la variole ou d’une autre maladie de la peau? La durée de ses souffrances fait plutôt pencher pour la seconde hypothèse. «Ordonnance de Monsieur Fazel, docteur à Vuissens. Prendre de l’eau tiède. Vous mettez du vinaigre, un bon verre, sur une bouteille. Se laver une fois par jour, puis se frotter avec de la pommade avant que de se coucher. Prendre des bains avec l’arrosoir une fois par jour pendant deux ans avec l’eau tiède et mettre de la pierre infernale dessus pour brûler le mal jusqu’à me faire [tellement] enfler la bouche que je ne pouvais plus manger. Pour rien.»

La seconde partie du carnet constitue un manuel d’apiculture de 22 pages, Instructions pour soigner les abeilles. Cependant, on y trouve également la copie d’une procuration de François et de ses autres frères pour rechercher la succession du défunt frère Jean mort en Autriche. D’autres sources nous apprennent que François meurt le 6 novembre 1880 à l’âge de 63 ans. Il a apparemment une descendance, une autre fille, Julie, qu’il a eue avec Nanette. En mars 1867, il a épousé Elise Cuanoud qui a donné naissance à Émile, en 1869. Ce dernier mourra à l’âge de 16 ans.


Classe 11 VP 1 / Ollon: Nicolas Durussel, maître de la classe; Marion Abbet, Margaux Amateis, Valentine Baumann, Fanny Bühlmann, Lionel Buttet, Julie Chesaux, Victoria de Azevedo, Auriane Défago, Fiona Despont, Jessica Germann, Emilie Heiniger, Gaël Jaggi, Nicolas Morattel, Fiona Müller, Tim Pachoud, Iliana Signer.


Cet article est issu du dossier sur la guerre du Sonderbund, paru dans le numéro d'avril 2018 de Passé simple, mensuel romand d’histoire et d’archéologie, www.passesimple.ch


Journal inédit?

Le carnet de François Varidel se trouvait depuis de longues années dans ma famille, explique Nicolas Durussel. Nous ignorons comment il y est arrivé. Son contenu a fait l’objet d’un article du Journal d’Yverdon, le 19 juin 1958, signé M. S. Il est ainsi possible qu’il existe un double de ce carnet. En effet, l’article parle d’un carnet bleu. Celui que nous avons étudié en classe est noir. Les élèves de la classe 11 VP1 (voie pré-gymnasiale) d’Ollon ont travaillé sur ce document pendant plusieurs mois. Ils en ont notamment assuré la transcription et ont rédigé collectivement les textes qui forment le présent dossier. Cette rencontre avec le passé de notre canton les a captivés. Ils ont adapté les extraits du carnet publiés à la syntaxe, à l’orthographe et à la ponctuation actuelles. Au nom de mes élèves, je remercie Marc Varidel, de Sainte-Croix, auteur de l’ouvrage Waridel Varidel Vuaridel. Une famille vaudoise, qui nous a apporté de précieuses informations.
Malgré une orthographe et une syntaxe défectueuses, l’auteur du journal a un vocabulaire riche et soigné.


La première page du carnet de François Varidel. © Collection privée

Le carnet a pour sources le vécu de son auteur, son expérience personnelle, mais aussi des lettres de son frère ou de ses différents médecins. L’ouvrage rend ainsi compte des nombreuses ordonnances médicales prescrites à François Varidel. Il évoque également des traitements préconisés par des guérisseurs. Dans le contexte de la guerre du Sonderbund, la presse l’a fortement inspiré, notamment le Nouvelliste vaudois ou la Gazette de Lausanne, sans qu’il soit possible de dire lequel des deux plus précisément, les articles étant souvent similaires dans les deux journaux.

François Varidel a repris in extenso de nombreux paragraphes pour décrire des opérations militaires. Il le fait par exemple pour la reddition de Romont. L’auteur n’attache pas une grande importance à l’orthographe, surtout lorsqu’il rend compte de son vécu ou qu’il retranscrit des passages de périodiques de l’époque. François Varidel écrit par exemple son nom de famille de deux manières. C’est que l’orthographe ne jouait pas encore un très grand rôle à l’époque de sa scolarité. A cela, il convient d’ajouter le caractère rudimentaire de l’école vaudoise qu’a suivie François Varidel.

Liste des médicaments que cite François Varidel dans son carnet. © Collection privée


L’Ecole normale n’est créée qu’en 1830. Par contraste, son vocabulaire est d’une qualité étonnante. La richesse lexicale s’explique en partie par les emprunts de François Varidel aux journaux. Il est notable que celui-ci n’emploie jamais de mots vulgaires, ni même familiers. Il convient également de relever que François Varidel n’utilise aucun terme de patois vaudois, mis à part celui de «levure», pour la fête du bouquet de chantier. La syntaxe est très approximative, surtout lorsqu’il parle de son vécu. quant à la ponctuation, elle est presque inexistante, y compris dans les passages tirés de la presse.

François Varidel n’a pas écrit son carnet au jour le jour. Il a relaté les événements après avoir pris du recul. En racontant la fête de la «levure», il précise que «c’était la dernière fois que l’on fraternisait une fête ensemble». Cette observation démontre que François Varidel pouvait écrire bien après les faits. Notons enfin que l’écriture calligraphiée et soignée de François Varidel rend la lecture du carnet agréable.

Classe 11 VP 1 / Ollon


La variole et «L'autre monde»


Caricature de James Gillray de 1802 montrant le docteur anglais Edward Jenner vaccinant contre la variole.
La vaccination peine à s'imposer parce que l’on attribue au vaccin d’affreux effets secondaires. © Wikimedia Commons

A partir de mars 1852, la variole prend un caractère inquiétant dans le canton de Soleure. Beaucoup de personnes en sont atteintes et l’on déplore la mort de gens robustes, âgés de vingt à 40 ans. En avril de la même année, le canton du Valais est touché par la maladie, plus précisément dans les districts de Monthey et de Martigny. Le Conseil d’Etat valaisan ordonne une vaccination dans toutes les communes. Bien que la belle-famille de François Varidel soit touchée durant le mois de novembre 1853, la presse vaudoise ne fait alors pas état d’épidémie dans le canton.

François emploie le mot de «vérole» pour désigner la variole. La sœur de Nanette est la plus affectée de sa famille. Nanette s’était jugée suffisamment forte pour rendre visite à sa sœur sans risquer d’être contaminée. Mais, le 3 janvier 1854, elle finit par tomber malade à son tour. Le 12 janvier, elle se prépare à mourir et demande à François d’aller chercher quelqu’un pour l’aider à ranger ses affaires. Son frère estime inutile de venir, considérant qu’elle se remettra, comme d’autres. Nous apprenons, en même temps, que Janette, la sœur de Nanette, va beaucoup mieux. Elle semble être tirée d’affaire. François part à Vuissens, chercher le docteur. Il le trouve absent, mais sa femme indique à François qu’elle l’enverra. Le médecin ne vient que le lendemain.

Voici le récit de cette visite dans le carnet de François Varidel: «Du 13 au matin. (Le docteur) arrive, lui dit: "Bonjour madame Varidel, comment ça va-t-il?" "Oh, ça va bien, j’ai été à l’autre monde et me voici revenue et tant que je vivrai, je reparlerai toujours de l’autre monde". Réponse de monsieur le docteur: "Eh bien, quand vous serez rétablie, vous vous pourrez raconter quelque chose de l’autre monde". On lui donne des remèdes pour la tranquilliser pendant la journée. Entre 9 et 10 heures du soir, on croyait qu’elle n’était plus. Après un long moment de souffrance, elle revint un peu en elle-même, que pour deux jours. Elle expira le 15 courant, à 2 heures ½ du soir. Après cela mes très chers parents, vous pouvez en juger: ayant dès notre enfance fréquenté les écoles et les catéchismes ensemble sans aucun mépris les uns envers les autres, douze années se passèrent ensemble comme des époux doivent vivre.»


Pour en savoir davantage: Waridel Varidel Vuaridel. Une famille vaudoise, Marc Varidel. Bière, 2017.


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VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET

2 Commentaires

@Aliki 16.04.2018 | 08h40

«Bravo pour cette initiative collective scolaire, j’aime que j’ai appris un pan de notre histoire par nos jeunes, je me permets de recommander les livres de Janine Massard (par ex. Terre noire d’usine) qui sont de magnifiques récits tirés d’entretiens avec des personnes ayant vécu le tournant du siècle dernier dans le canton de Vaud. »


@Gio 21.04.2018 | 09h39

«Beau travail collectif, bravo ! J’ai lu et découvert avec plaisir cette part de notre histoire, celle d’un homme qui aurait pu être quelqu’un de notre famille. Cette publication devrait aller plus loin que BPL, pourquoi pas dans le journal des Suisses de l’étranger ? Je suis une expatriée et ce retour aux sources fait du bien.»


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