Actuel / Un quidam nommé François Varidel
Départ d’un soldat fédéral lors de la mobilisation pour la guerre du Sonderbund en 1847. Illustration de Jakob Ziegler tirée de Jakob Amiet, «Der siegreiche Kampf der Eidgenossen gegen Jesuitismus und Sonderbund: dessen Zusammenhang und Bedeutung in der Entwicklungsgeschichte der schweizerischen Nation und dessen Wirkung auf das politische Leben des Auslandes nebst vollständiger Schilderung des Feldzuges vom November 1847, Soleure, 1848.» © Wikimedia Commons
Une vue de Prahins au début du XXe siècle. Carte postale. © Collection privée.
Né en 1817 et mort en 1880, un habitant de Prahins a laissé un carnet dans lequel il raconte sa vie et notamment sa participation à la guerre du Sonderbund.
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Il a laissé un journal autobiographique. C’est le récit d’un parcours difficile et ordinaire qui ressemble sans doute à des milliers d’autres. François Pierre Varidel naît le 9 mai 1817, d’une famille campagnarde du Nord vaudois. Il est un homme du peuple. A l’âge de douze ans, il perd son père, victime d’un coup de pied de cheval à la tête. Après cet accident, sa mère tombe malade et se fait soigner à Yverdon durant deux ans. <br></p><h3 style="text-align: center;">«C’est triste, très chers parents, d’avoir un enfant pour si peu de temps»<br></h3><p>Avec l’un de ses frères, François est placé sous tutelle. En 1838, à 21 ans, François Varidel suit l’école militaire à Lausanne. Il rejoint sa compagnie à Orbe afin de surveiller la frontière franco-suisse, car il y a un «grand bruit de guerre avec la France». En effet, la justice française réclame Louis-Napoléon Bonaparte, le futur président puis empereur des Français, Napoléon III. 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En janvier 1854, l’état de cette dernière s’est fortement aggravé. Quelques jours plus tard, Nanette tombe à son tour malade et fait chambre à part. Dès le 12 janvier, sa santé se détériore gravement. Alors, Nanette se prépare à son décès et meurt quelques jours plus tard. </p><p>Désormais, la belle-sœur de François ne lui parle plus et l’ignore, alors que François est très peiné par la mort de sa femme.</p><h3 style="text-align: center;">«Brûler le mal jusqu’à me faire [tellement] enfler la bouche que je ne pouvais plus manger»<br></h3><p>Pendant les quatre années qui suivent le décès de son épouse, François est atteint d’une maladie dermatologique. Il s’astreint à différents traitements prescrits par plusieurs médecins. Il recourt aussi à des guérisseurs, mais toutes ces démarches restent sans effet. S’agit-il de séquelles de la variole ou d’une autre maladie de la peau? La durée de ses souffrances fait plutôt pencher pour la seconde hypothèse. «Ordonnance de Monsieur Fazel, docteur à Vuissens. Prendre de l’eau tiède. Vous mettez du vinaigre, un bon verre, sur une bouteille. Se laver une fois par jour, puis se frotter avec de la pommade avant que de se coucher. Prendre des bains avec l’arrosoir une fois par jour pendant deux ans avec l’eau tiède et mettre de la pierre infernale dessus pour brûler le mal jusqu’à me faire [tellement] enfler la bouche que je ne pouvais plus manger. Pour rien.» </p><p>La seconde partie du carnet constitue un manuel d’apiculture de 22 pages, Instructions pour soigner les abeilles. Cependant, on y trouve également la copie d’une procuration de François et de ses autres frères pour rechercher la succession du défunt frère Jean mort en Autriche. D’autres sources nous apprennent que François meurt le 6 novembre 1880 à l’âge de 63 ans. Il a apparemment une descendance, une autre fille, Julie, qu’il a eue avec Nanette. En mars 1867, il a épousé Elise Cuanoud qui a donné naissance à Émile, en 1869. Ce dernier mourra à l’âge de 16 ans. <br></p><br><p><em>Classe 11 VP 1 / Ollon: Nicolas Durussel, maître de la classe; Marion Abbet, Margaux Amateis, Valentine Baumann, Fanny Bühlmann, Lionel Buttet, Julie Chesaux, Victoria de Azevedo, Auriane Défago, Fiona Despont, Jessica Germann, Emilie Heiniger, Gaël Jaggi, Nicolas Morattel, Fiona Müller, Tim Pachoud, Iliana Signer.</em><br></p><p></p><hr><p></p><h4>Cet article est issu du dossier sur la guerre du Sonderbund, paru dans le numéro d'avril 2018 de <em>Passé simple</em>, mensuel romand d’histoire et d’archéologie, <a href="www.passesimple.ch" style="font-size: 1.6rem; background-color: rgb(254, 254, 254);">www.passesimple.ch</a></h4><p></p><hr style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><p></p><h2 style="text-align: center;">Journal inédit?<br></h2><p style="text-align: left;"><strong>Le carnet de François Varidel se trouvait depuis de longues années dans ma famille, explique Nicolas Durussel. Nous ignorons comment il y est arrivé. Son contenu a fait l’objet d’un article du Journal d’Yverdon, le 19 juin 1958, signé M. S. Il est ainsi possible qu’il existe un double de ce carnet. En effet, l’article parle d’un carnet bleu. Celui que nous avons étudié en classe est noir. Les élèves de la classe 11 VP1 (voie pré-gymnasiale) d’Ollon ont travaillé sur ce document pendant plusieurs mois. Ils en ont notamment assuré la transcription et ont rédigé collectivement les textes qui forment le présent dossier. Cette rencontre avec le passé de notre canton les a captivés. Ils ont adapté les extraits du carnet publiés à la syntaxe, à l’orthographe et à la ponctuation actuelles. Au nom de mes élèves, je remercie Marc Varidel, de Sainte-Croix, auteur de l’ouvrage <em>Waridel Varidel Vuaridel. Une famille vaudoise</em>, qui nous a apporté de précieuses informations.<br>Malgré une orthographe et une syntaxe défectueuses, l’auteur du journal a un vocabulaire riche et soigné. <br></strong></p><p style="text-align: left;"><strong><br></strong></p><h4 style="text-align: center;"><strong><img class="img-responsive img-center " src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1523522807_livre.png"></strong>La première page du carnet de François Varidel. © Collection privée</h4><p style="text-align: left;">Le carnet a pour sources le vécu de son auteur, son expérience personnelle, mais aussi des lettres de son frère ou de ses différents médecins. L’ouvrage rend ainsi compte des nombreuses ordonnances médicales prescrites à François Varidel. Il évoque également des traitements préconisés par des guérisseurs. Dans le contexte de la guerre du Sonderbund, la presse l’a fortement inspiré, notamment le <em>Nouvelliste vaudois</em> ou la <em>Gazette de Lausanne</em>, sans qu’il soit possible de dire lequel des deux plus précisément, les articles étant souvent similaires dans les deux journaux.</p><p style="text-align: left;">François Varidel a repris in extenso de nombreux paragraphes pour décrire des opérations militaires. Il le fait par exemple pour la reddition de Romont. L’auteur n’attache pas une grande importance à l’orthographe, surtout lorsqu’il rend compte de son vécu ou qu’il retranscrit des passages de périodiques de l’époque. François Varidel écrit par exemple son nom de famille de deux manières. C’est que l’orthographe ne jouait pas encore un très grand rôle à l’époque de sa scolarité. A cela, il convient d’ajouter le caractère rudimentaire de l’école vaudoise qu’a suivie François Varidel. <br></p><h4 style="text-align: center;"><img class="img-responsive img-center " src="https://media.bonpourlatete.com/default/w800/1523708978_capturedecran20180414a14.19.15.png">Liste des médicaments que cite François Varidel dans son carnet. © Collection privée</h4><br><p>L’Ecole normale n’est créée qu’en 1830. Par contraste, son vocabulaire est d’une qualité étonnante. La richesse lexicale s’explique en partie par les emprunts de François Varidel aux journaux. Il est notable que celui-ci n’emploie jamais de mots vulgaires, ni même familiers. Il convient également de relever que François Varidel n’utilise aucun terme de patois vaudois, mis à part celui de «levure», pour la fête du bouquet de chantier. La syntaxe est très approximative, surtout lorsqu’il parle de son vécu. quant à la ponctuation, elle est presque inexistante, y compris dans les passages tirés de la presse. </p><p>François Varidel n’a pas écrit son carnet au jour le jour. Il a relaté les événements après avoir pris du recul. En racontant la fête de la «levure», il précise que «c’était la dernière fois que l’on fraternisait une fête ensemble». Cette observation démontre que François Varidel pouvait écrire bien après les faits. Notons enfin que l’écriture calligraphiée et soignée de François Varidel rend la lecture du carnet agréable. </p><p><font face="PT Serif Italic"><em>Classe 11 VP 1 / Ollon</em></font></p><p></p><hr style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><p></p><h2 style="text-align: center;">La variole et «L'autre monde»</h2><br><h4 style="text-align: center;"><img class="img-responsive img-center " src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1523706910_variole.jpg">Caricature de James Gillray de 1802 montrant le docteur anglais Edward Jenner vaccinant contre la variole. <br>La vaccination peine à s'imposer parce que l’on attribue au vaccin d’affreux effets secondaires. © Wikimedia Commons<br></h4><p>A partir de mars 1852, la variole prend un caractère inquiétant dans le canton de Soleure. Beaucoup de personnes en sont atteintes et l’on déplore la mort de gens robustes, âgés de vingt à 40 ans. En avril de la même année, le canton du Valais est touché par la maladie, plus précisément dans les districts de Monthey et de Martigny. Le Conseil d’Etat valaisan ordonne une vaccination dans toutes les communes. Bien que la belle-famille de François Varidel soit touchée durant le mois de novembre 1853, la presse vaudoise ne fait alors pas état d’épidémie dans le canton. <br></p><p>François emploie le mot de «vérole» pour désigner la variole. La sœur de Nanette est la plus affectée de sa famille. Nanette s’était jugée suffisamment forte pour rendre visite à sa sœur sans risquer d’être contaminée. Mais, le 3 janvier 1854, elle finit par tomber malade à son tour. Le 12 janvier, elle se prépare à mourir et demande à François d’aller chercher quelqu’un pour l’aider à ranger ses affaires. Son frère estime inutile de venir, considérant qu’elle se remettra, comme d’autres. Nous apprenons, en même temps, que Janette, la sœur de Nanette, va beaucoup mieux. Elle semble être tirée d’affaire. François part à Vuissens, chercher le docteur. Il le trouve absent, mais sa femme indique à François qu’elle l’enverra. Le médecin ne vient que le lendemain. <br></p><p>Voici le récit de cette visite dans le carnet de François Varidel: «Du 13 au matin. (Le docteur) arrive, lui dit: "Bonjour madame Varidel, comment ça va-t-il?" "Oh, ça va bien, j’ai été à l’autre monde et me voici revenue et tant que je vivrai, je reparlerai toujours de l’autre monde". Réponse de monsieur le docteur: "Eh bien, quand vous serez rétablie, vous vous pourrez raconter quelque chose de l’autre monde". On lui donne des remèdes pour la tranquilliser pendant la journée. Entre 9 et 10 heures du soir, on croyait qu’elle n’était plus. Après un long moment de souffrance, elle revint un peu en elle-même, que pour deux jours. Elle expira le 15 courant, à 2 heures ½ du soir. Après cela mes très chers parents, vous pouvez en juger: ayant dès notre enfance fréquenté les écoles et les catéchismes ensemble sans aucun mépris les uns envers les autres, douze années se passèrent ensemble comme des époux doivent vivre.»</p><p></p><hr><p></p><h4>Pour en savoir davantage: <em>Waridel Varidel Vuaridel. Une famille vaudoise</em>, Marc Varidel. Bière, 2017.</h4><p></p><hr><p></p><p><em></em><strong></strong></p><p><strong></strong></p>', 'content_edition' => null, 'slug' => 'un-quidam-nomme-francois-varidel', 'headline' => false, 'homepage' => 'col-md-12', 'like' => (int) 799, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 963, 'homepage_order' => (int) 1141, 'original_url' => null, 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 5, 'person_id' => (int) 85, 'post_type_id' => (int) 1, 'poster_attachment' => null, 'editions' => [[maximum depth reached]], 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'attachments' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'comments' => [ [maximum depth reached] ], 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Posts' }, 'relatives' => [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Post) {}, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Post) {}, (int) 2 => object(App\Model\Entity\Post) {}, (int) 3 => object(App\Model\Entity\Post) {} ], 'embeds' => [], 'images' => [ (int) 0 => object(Cake\ORM\Entity) {}, (int) 1 => object(Cake\ORM\Entity) {} ], 'audios' => [], 'comments' => [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Comment) {}, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Comment) {} ], 'author' => 'Bon pour la tête', 'description' => 'Né en 1817 et mort en 1880, un habitant de Prahins a laissé un carnet dans lequel il raconte sa vie et notamment sa participation à la guerre du Sonderbund.', 'title' => 'Un quidam nommé François Varidel', 'crawler' => true, 'connected' => null, 'menu_blocks' => [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Block) {}, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Block) {} ], 'menu' => [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Category) {}, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Category) {}, (int) 2 => object(App\Model\Entity\Category) {}, (int) 3 => object(App\Model\Entity\Category) {}, (int) 4 => object(App\Model\Entity\Category) {}, (int) 5 => object(App\Model\Entity\Category) {}, (int) 6 => object(App\Model\Entity\Category) {}, (int) 7 => object(App\Model\Entity\Category) {}, (int) 8 => object(App\Model\Entity\Category) {}, (int) 9 => object(App\Model\Entity\Category) {}, (int) 10 => object(App\Model\Entity\Category) {}, (int) 11 => object(App\Model\Entity\Category) {}, (int) 12 => object(App\Model\Entity\Category) {} ] ] $bufferLevel = (int) 1 $referer = '/' $OneSignal = '8a2ea76e-2c65-48ce-92e5-098c4cb86093' $_serialize = [ (int) 0 => 'post' ] $post = object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 947, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'free' => false, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => 'NORMAL', 'readed' => null, 'subhead' => 'ACTUEL / Une vie à l'époque du Sonderbund (1)', 'title' => 'Un quidam nommé François Varidel', 'subtitle' => 'Né en 1817 et mort en 1880, un habitant de Prahins a laissé un carnet dans lequel il raconte sa vie et notamment sa participation à la guerre du Sonderbund.', 'subtitle_edition' => null, 'content' => '<p></p><hr><p></p><h3 style="text-align: center; "><span style="font-size: 19.5px;">Classe 11 VP 1 / Ollon</span></h3><h4 style="text-align: center;"><hr style="margin-left: auto; margin-right: auto;"></h4><h4 style="text-align: center;"><img class="img-responsive img-center " src="https://bonpourlatete.comhttps://media.bonpourlatete.com/default/w800/1523702717_capturedecran20180414a12.40.46.png">Un soldat de l’armée fédérale pendant la guerre du Sonderbund sur un daguerréotype de 1847. <br>Musée national suisse, Zurich</h4><h4></h4><p style="text-align: left;">François Varidel, habitant du village vaudois de Prahins, a traversé le XIX<sup>e</sup> siècle. 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La durée de ses souffrances fait plutôt pencher pour la seconde hypothèse. «Ordonnance de Monsieur Fazel, docteur à Vuissens. Prendre de l’eau tiède. Vous mettez du vinaigre, un bon verre, sur une bouteille. Se laver une fois par jour, puis se frotter avec de la pommade avant que de se coucher. Prendre des bains avec l’arrosoir une fois par jour pendant deux ans avec l’eau tiède et mettre de la pierre infernale dessus pour brûler le mal jusqu’à me faire [tellement] enfler la bouche que je ne pouvais plus manger. Pour rien.» </p><p>La seconde partie du carnet constitue un manuel d’apiculture de 22 pages, Instructions pour soigner les abeilles. Cependant, on y trouve également la copie d’une procuration de François et de ses autres frères pour rechercher la succession du défunt frère Jean mort en Autriche. D’autres sources nous apprennent que François meurt le 6 novembre 1880 à l’âge de 63 ans. Il a apparemment une descendance, une autre fille, Julie, qu’il a eue avec Nanette. En mars 1867, il a épousé Elise Cuanoud qui a donné naissance à Émile, en 1869. Ce dernier mourra à l’âge de 16 ans. <br></p><br><p><em>Classe 11 VP 1 / Ollon: Nicolas Durussel, maître de la classe; Marion Abbet, Margaux Amateis, Valentine Baumann, Fanny Bühlmann, Lionel Buttet, Julie Chesaux, Victoria de Azevedo, Auriane Défago, Fiona Despont, Jessica Germann, Emilie Heiniger, Gaël Jaggi, Nicolas Morattel, Fiona Müller, Tim Pachoud, Iliana Signer.</em><br></p><p></p><hr><p></p><h4>Cet article est issu du dossier sur la guerre du Sonderbund, paru dans le numéro d'avril 2018 de <em>Passé simple</em>, mensuel romand d’histoire et d’archéologie, <a href="www.passesimple.ch" style="font-size: 1.6rem; background-color: rgb(254, 254, 254);">www.passesimple.ch</a></h4><p></p><hr style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><p></p><h2 style="text-align: center;">Journal inédit?<br></h2><p style="text-align: left;"><strong>Le carnet de François Varidel se trouvait depuis de longues années dans ma famille, explique Nicolas Durussel. Nous ignorons comment il y est arrivé. Son contenu a fait l’objet d’un article du Journal d’Yverdon, le 19 juin 1958, signé M. S. Il est ainsi possible qu’il existe un double de ce carnet. En effet, l’article parle d’un carnet bleu. Celui que nous avons étudié en classe est noir. Les élèves de la classe 11 VP1 (voie pré-gymnasiale) d’Ollon ont travaillé sur ce document pendant plusieurs mois. Ils en ont notamment assuré la transcription et ont rédigé collectivement les textes qui forment le présent dossier. Cette rencontre avec le passé de notre canton les a captivés. Ils ont adapté les extraits du carnet publiés à la syntaxe, à l’orthographe et à la ponctuation actuelles. Au nom de mes élèves, je remercie Marc Varidel, de Sainte-Croix, auteur de l’ouvrage <em>Waridel Varidel Vuaridel. Une famille vaudoise</em>, qui nous a apporté de précieuses informations.<br>Malgré une orthographe et une syntaxe défectueuses, l’auteur du journal a un vocabulaire riche et soigné. <br></strong></p><p style="text-align: left;"><strong><br></strong></p><h4 style="text-align: center;"><strong><img class="img-responsive img-center " src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1523522807_livre.png"></strong>La première page du carnet de François Varidel. © Collection privée</h4><p style="text-align: left;">Le carnet a pour sources le vécu de son auteur, son expérience personnelle, mais aussi des lettres de son frère ou de ses différents médecins. L’ouvrage rend ainsi compte des nombreuses ordonnances médicales prescrites à François Varidel. Il évoque également des traitements préconisés par des guérisseurs. Dans le contexte de la guerre du Sonderbund, la presse l’a fortement inspiré, notamment le <em>Nouvelliste vaudois</em> ou la <em>Gazette de Lausanne</em>, sans qu’il soit possible de dire lequel des deux plus précisément, les articles étant souvent similaires dans les deux journaux.</p><p style="text-align: left;">François Varidel a repris in extenso de nombreux paragraphes pour décrire des opérations militaires. Il le fait par exemple pour la reddition de Romont. L’auteur n’attache pas une grande importance à l’orthographe, surtout lorsqu’il rend compte de son vécu ou qu’il retranscrit des passages de périodiques de l’époque. François Varidel écrit par exemple son nom de famille de deux manières. C’est que l’orthographe ne jouait pas encore un très grand rôle à l’époque de sa scolarité. A cela, il convient d’ajouter le caractère rudimentaire de l’école vaudoise qu’a suivie François Varidel. <br></p><h4 style="text-align: center;"><img class="img-responsive img-center " src="https://media.bonpourlatete.com/default/w800/1523708978_capturedecran20180414a14.19.15.png">Liste des médicaments que cite François Varidel dans son carnet. © Collection privée</h4><br><p>L’Ecole normale n’est créée qu’en 1830. Par contraste, son vocabulaire est d’une qualité étonnante. La richesse lexicale s’explique en partie par les emprunts de François Varidel aux journaux. Il est notable que celui-ci n’emploie jamais de mots vulgaires, ni même familiers. Il convient également de relever que François Varidel n’utilise aucun terme de patois vaudois, mis à part celui de «levure», pour la fête du bouquet de chantier. La syntaxe est très approximative, surtout lorsqu’il parle de son vécu. quant à la ponctuation, elle est presque inexistante, y compris dans les passages tirés de la presse. </p><p>François Varidel n’a pas écrit son carnet au jour le jour. Il a relaté les événements après avoir pris du recul. En racontant la fête de la «levure», il précise que «c’était la dernière fois que l’on fraternisait une fête ensemble». Cette observation démontre que François Varidel pouvait écrire bien après les faits. Notons enfin que l’écriture calligraphiée et soignée de François Varidel rend la lecture du carnet agréable. </p><p><font face="PT Serif Italic"><em>Classe 11 VP 1 / Ollon</em></font></p><p></p><hr style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><p></p><h2 style="text-align: center;">La variole et «L'autre monde»</h2><br><h4 style="text-align: center;"><img class="img-responsive img-center " src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1523706910_variole.jpg">Caricature de James Gillray de 1802 montrant le docteur anglais Edward Jenner vaccinant contre la variole. <br>La vaccination peine à s'imposer parce que l’on attribue au vaccin d’affreux effets secondaires. © Wikimedia Commons<br></h4><p>A partir de mars 1852, la variole prend un caractère inquiétant dans le canton de Soleure. Beaucoup de personnes en sont atteintes et l’on déplore la mort de gens robustes, âgés de vingt à 40 ans. En avril de la même année, le canton du Valais est touché par la maladie, plus précisément dans les districts de Monthey et de Martigny. Le Conseil d’Etat valaisan ordonne une vaccination dans toutes les communes. Bien que la belle-famille de François Varidel soit touchée durant le mois de novembre 1853, la presse vaudoise ne fait alors pas état d’épidémie dans le canton. <br></p><p>François emploie le mot de «vérole» pour désigner la variole. La sœur de Nanette est la plus affectée de sa famille. Nanette s’était jugée suffisamment forte pour rendre visite à sa sœur sans risquer d’être contaminée. Mais, le 3 janvier 1854, elle finit par tomber malade à son tour. Le 12 janvier, elle se prépare à mourir et demande à François d’aller chercher quelqu’un pour l’aider à ranger ses affaires. Son frère estime inutile de venir, considérant qu’elle se remettra, comme d’autres. Nous apprenons, en même temps, que Janette, la sœur de Nanette, va beaucoup mieux. Elle semble être tirée d’affaire. François part à Vuissens, chercher le docteur. Il le trouve absent, mais sa femme indique à François qu’elle l’enverra. Le médecin ne vient que le lendemain. <br></p><p>Voici le récit de cette visite dans le carnet de François Varidel: «Du 13 au matin. (Le docteur) arrive, lui dit: "Bonjour madame Varidel, comment ça va-t-il?" "Oh, ça va bien, j’ai été à l’autre monde et me voici revenue et tant que je vivrai, je reparlerai toujours de l’autre monde". Réponse de monsieur le docteur: "Eh bien, quand vous serez rétablie, vous vous pourrez raconter quelque chose de l’autre monde". On lui donne des remèdes pour la tranquilliser pendant la journée. Entre 9 et 10 heures du soir, on croyait qu’elle n’était plus. Après un long moment de souffrance, elle revint un peu en elle-même, que pour deux jours. Elle expira le 15 courant, à 2 heures ½ du soir. Après cela mes très chers parents, vous pouvez en juger: ayant dès notre enfance fréquenté les écoles et les catéchismes ensemble sans aucun mépris les uns envers les autres, douze années se passèrent ensemble comme des époux doivent vivre.»</p><p></p><hr><p></p><h4>Pour en savoir davantage: <em>Waridel Varidel Vuaridel. Une famille vaudoise</em>, Marc Varidel. Bière, 2017.</h4><p></p><hr><p></p><p><em></em><strong></strong></p><p><strong></strong></p>', 'content_edition' => null, 'slug' => 'un-quidam-nomme-francois-varidel', 'headline' => false, 'homepage' => 'col-md-12', 'like' => (int) 799, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 963, 'homepage_order' => (int) 1141, 'original_url' => null, 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 5, 'person_id' => (int) 85, 'post_type_id' => (int) 1, 'poster_attachment' => null, 'editions' => [], 'tags' => [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Tag) {} ], 'locations' => [], 'attachment_images' => [ (int) 0 => object(Cake\ORM\Entity) {}, (int) 1 => object(Cake\ORM\Entity) {} ], 'attachments' => [ (int) 0 => object(Cake\ORM\Entity) {}, (int) 1 => object(Cake\ORM\Entity) {} ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'comments' => [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Comment) {}, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Comment) {} ], 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ '*' => true, 'id' => false ], '[dirty]' => [], '[original]' => [], '[virtual]' => [], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [], '[invalid]' => [], '[repository]' => 'Posts' } $relatives = [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 5302, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => false, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => null, 'readed' => null, 'subhead' => null, 'title' => 'Un bien cruel conte de Noël (2)', 'subtitle' => 'Catherine et Pierre forment un couple épanoui. 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Que je fasse du Pilates?</p> <p>- Non… Serge et toi avez raison…</p> <p>- A propos de quoi ma chérie?</p> <p>- Mais à propos de Pierre! Il est en train de se transformer en woke! Je ne sais pas quoi faire, je t’en supplie, aide-moi!</p> <p>Lorsque Mireille est arrivée à la maison, j’étais en larmes et elle en sueur. Elle m’a prise dans ses bras, c’est gentil mais elle sentait fort la transpiration. Lorsque je lui ai expliqué ce que j’avais trouvé dans l’ordinateur de Pierre, elle a secoué la tête et a voulu à nouveau me prendre dans ses bras mais j’ai esquivé ce rapprochement.</p> <p>- Pierre fait partie d’un groupe d’homme «en phase de déconstruction».</p> <p>- Ma pauvre chérie, c’est vraiment horrible. Je ne pensais pas que ça arriverait à l’une d’entre nous.</p> <p>Pourtant, cela ne faisait aucun doute. Depuis plusieurs semaines, Pierre correspondait avec une dizaine de personnes et toutes leurs conversations avaient pour sujet la critique du virilisme, la chasse au masculinisme, la volonté d’abattre le patriarcat «d’abord en nous». Rien que d’y penser, ça me donne envie de vomir. Je sais bien qu’une épidémie wokiste s’est abattue sur l’Occident mais je me pensais à l’abri. Eh bien, non! Cette épidémie a envahi mon salon, elle couche même dans mon lit! J’ai également découvert que Pierre me mentait. Alors qu’il prétendait aller jouer au badminton avec des copains, il participait à des <em>workshops</em> de déconstruction de virilité. «Je ne suis plus sûr de rien, écrivait-il sur le forum To-be-is-not-to-be-a-man. Suis-je un homme, une femme, un être mixte, double? Suis-je? 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Je l’ai tout de suite trouvé à mon goût mais je n’étais pas là pour ça. Nous nous étions donnés rendez-vous dans un tea-room du centre-ville, j’avais pris avec moi l’ordinateur portable de Pierre. Pierre qui prétendait être parti en séminaire professionnel à Zurich mais, je l’avais découvert sans peine, se trouvait en fait à Tolochenaz où avait lieu une rencontre avec un guru de la déconstruction masculine: «De viril à viriel».</p> <p>- Vous avez donc des doutes concernant votre mari? Expliquez-moi ce qui vous inquiète...</p> <p>Ce vouvoiement a sonné très agréablement à mes oreilles. Avec son col roulé, son blaser et sa coupe de cheveux tout à la fois stricte et décontractée, Emmanuel me fit me rendre compte qu’autour de moi, les hommes avaient depuis longtemps renoncé à leur élégance, privilégiant des tenues décontractées ne mettant plus du tout leurs atouts masculins en valeur.</p> <p>Oui, je dois l’avouer, à moi aussi les jeunes réactionnaires faisaient de l’effet. Lorsque je songeais aux gauchistes à l’hygiène douteuse auxquels j’avais offert mon jeune corps dans les années 1980, des sanglots de regret me serraient la gorge. Sans compter tous ces festivals où nous fumions du cannabis, filles et garçons portant les mêmes vêtements et arborant les mêmes coupes des cheveux… </p> <p>- Vous voyez, Catherine, le wokisme se répand depuis fort longtemps dans la société occidentale. Personne n’a voulu le voir et c’est pourquoi aujourd’hui ses effets sont si pervers. Votre génération l’a laissé s’installer comme une plante invasive et il a pratiquement détruit tous les fondements de notre civilisation. C’est le dernier moment pour agir, ce sursaut est indispensable. C’est pourquoi je salue votre démarche. Vous êtes très courageuse, Catherine, je vais vous aider à libérer votre mari de cette infection, s’il en est encore temps, bien sûr…</p> <p>- Vous pensez qu’il pourrait être trop tard ?</p> <p>- Tout ce que vous me dites m’inquiète beaucoup. Pierre est déjà très perverti. Vous l’avez remarqué, dans ses messages il emploie l’écriture inclusive avec aisance. C’est la preuve que le mal a déjà atteint des couches profondes de sa conscience. De plus, il remet systématiquement en question les bienfaits de la civilisation occidentale dans le monde. Il milite pour la restitution des antiquités découvertes chez les peuples non-civilisés, il a participé au souillage de la statue de David de Pury à Neuchâtel, sous prétexte que celui-ci a participé à la traite d’esclaves…</p> <p>- Oui, je sais, c’est horrible. Tout ça alors que je le croyais occupé avec des clients. Les comptes de notre agence de communication sont dans le rouge. Cela fait des mois que Pierre ne prospecte plus de nouveaux clients et qu'il refuse les commandes au prétexte que la publicité est une aliénation capitalisto-patriarcale.</p> <p>- Et ça, Catherine, c’est très grave! S’attaquer à l’économie, c’est s’attaquer à nos valeurs premières. </p> <p>- Que faire? 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Même si, je le sais, ce qui va se passer à Noël chez nous va être excessivement éprouvant, et pas seulement pour Pierre…</p> <p style="text-align: right;"><em>Suite la semaine prochaine</em></p> <hr /> <h4>Pierre Ronpipal est l’auteur de<br /><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1734002707_damned01.jpg" class="img-responsive img-fluid normal " width="133" height="184" /><br />«A moi de choisir ceux qui vont mourir»<br /> et de <br /><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1734002742_cover20242.jpg" class="img-responsive img-fluid normal " width="130" height="175" /><br />«Le vert était rouge à l’intérieur»<br />aux <a href="https://nouvelleseditionshumus.ch/" target="_blank" rel="noopener">Nouvelles Editions Humus</a> </h4>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'un-bien-cruel-conte-de-noel-2', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 19, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 6, 'person_id' => (int) 85, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'comments' => [[maximum depth reached]], 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Posts' }, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 5295, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => false, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => null, 'readed' => null, 'subhead' => null, 'title' => 'Un bien cruel conte de Noël (1)', 'subtitle' => 'Catherine et Pierre forment un couple épanoui. 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La fidélité absolue est un concept éculé et hypocrite qui a pour but principal que les hommes soient certains que les enfants qui sortent des ventres de leur épouse soient bien le produit de leurs spermatozoïdes à eux. Transmettre ses gènes est un réflexe très animal, si Sapiens est vraiment un être supérieur, il devrait se détendre sur cette question. En plus, Pierre et moi n’avons pas fait d’enfants, trop concentrés sur nous-mêmes et nos vies à réussir. Marie, ma sœur, prétend que pour les femmes, l’importance de la fidélité n’a pas pour but la perpétuation de l’espèce mais plutôt la conservation à leur côté du mâle qui assure leur protection. Elle se trompe. Si Pierre et moi sommes toujours ensemble après trente-cinq ans de mariage, c’est justement parce que nous nous laissons la liberté d’aller de temps en temps voir ailleurs. Marie, elle, ne souhaitait plus de rapports sexuels tout en menaçant son mari de le quitter s’il la trompait. C’est lui qui est parti avec la première maîtresse qu’il s’est autorisée.</p> <p>Mais Pierre a changé.</p> <p>Nous nous sommes connus dans une manifestation contre le racisme alors que nous avions vingt-sept ans. Il était graphiste tandis que moi j’enseignais le français à des réfugiés dans un centre géré par l’Eglise protestante. Je l’avais déjà remarqué à d’autres occasions au fil des ans – Lausanne est une petite ville – notamment lors d’une soirée chez Jean-Luc, lequel a été mon amant lorsque j’avais vingt ans et que j’hésitais entre le trotskisme et l’écologie politique. Lorsque Jean-Luc, figure de proue des trotskistes locaux, m’avait quittée pour une camarade d’origine kurde plus valorisante pour lui, j’avais renoncé aux principes de la Quatrième Internationale et milité pour la sauvegarde de la planète, jusqu’à ma rencontre avec un zapatiste belge avec qui je suis partie au Mexique où j’ai attrapé une infection sexuellement transmissible. De retour en Suisse, j’ai soigné ma salpingite et terminé mes études de lettres. Entre deux amants de passage, je traversais de longues périodes d’abstinence sexuelle sans que cela me coûte. A la manif, j’ai trouvé Pierre très beau avec sa moustache et sa barbe de cinq jours. Et je l’ai trouvé irrésistible lorsqu’il a jeté une bouteille vide en direction des forces de l’ordre qui voulaient nous empêcher d’accéder à la salle où se déroulait une assemblée de l’UDC, ce parti d’extrême droite honni par nous. Pierre s’est fait réprimander par les camarades communistes qui assuraient le service d’ordre et il a fini par en venir aux mains avec eux. J’ai spontanément pris sa défense, nous nous sommes faits bousculer et avons quitté la manifestation, lui avec une arcade sourcilière fendue, moi avec un fort désir pour lui. Je l’ai emmené chez moi pour soigner sa blessure et nous avons fait l’amour toute la nuit. 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Pierre est devenu agressif avec Mireille lorsque celle-ci a déclaré que les néo-féministes exagéraient et que #MeToo décourageait toute tentative de séduction de la part des hommes. «Je n’ai pas peur de le dire, j’aime bien que l’on me tienne la porte et que les hommes me fassent sentir qu’ils me désirent…» Pierre lui a rétorqué que le patriarcat était une forme de fascisme et qu’en tant que progressiste nous devions tout faire pour l’abattre. J’ai essayé de dévier la conversation sur la nourriture bio mais très vite c’est l’écriture inclusive qui a fait s’échauffer les esprits. Serge, qui se pique d’aimer la littérature, a déclaré que le français était en danger, qu’il fallait le sauver des points médians et des réformes de l’orthographe. 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Ce que j’ai découvert est effrayant…</p> <p style="text-align: right;"><em>Suite la semaine prochaine</em></p> <hr /> <h4>Pierre Ronpipal est l’auteur de<br /><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1734002707_damned01.jpg" class="img-responsive img-fluid normal " width="149" height="206" /><br />«A moi de choisir ceux qui vont mourir»<br /><span>et de<br /></span><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1734002742_cover20242.jpg" class="img-responsive img-fluid normal " width="154" height="207" /><br />«Le vert était rouge à l’intérieur»<br />aux <a href="https://nouvelleseditionshumus.ch/" target="_blank" rel="noopener">Nouvelles Editions Humus</a></h4>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'un-bien-cruel-conte-de-noel-1', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 39, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 6, 'person_id' => (int) 85, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'comments' => [ [maximum depth reached] ], 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Posts' }, (int) 2 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 5284, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => true, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => null, 'readed' => null, 'subhead' => null, 'title' => 'Les ramasseurs de déchets, grands perdants du récit dominant sur la pollution plastique', 'subtitle' => 'A Busan, en Corée du Sud, les discussions sur le traité mondial sur la pollution plastique, qui se tenaient du 25 novembre au 1er décembre, se sont soldées par un échec. 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En jeu, rien de moins que les causes de la crise de la pollution plastique et les solutions appropriées pour y remédier.</p> <ul> <li> <p>D’un côté, la <a href="https://hactoendplasticpollution.org/fr/">Coalition de haute ambition</a> (HAC), les activistes du «zéro déchet» et de <a href="https://theconversation.com/traite-mondial-contre-la-pollution-plastique-en-coulisses-le-regard-des-scientifiques-francais-presents-234046">nombreux scientifiques</a> insistent sur la nécessité d’une <a href="https://hactoendplasticpollution.org/hac-member-states-ministerial-joint-statement-for-inc-5/">approche globale portant sur l’ensemble du cycle de vie des plastiques</a>, y compris leur production.</p> </li> <li> <p>De l’autre côté, une <a href="https://medium.com/points-of-order/spoiler-alert-f737a24292e6">petite minorité d’Etats</a> ainsi que l’industrie pétrochimique ont à de nombreuses reprises détourné l’attention de cette question de la production des plastiques. Au lieu de cela, ils accusent des <a href="https://psmag.com/environment/the-epa-blames-six-asian-nations-that-the-u-s-exports-plastic-waste-to-for-ocean-pollution/">systèmes de recyclage inadéquats et une mauvaise gestion des déchets</a>.</p> </li> </ul> <p>L’attention portée au recyclage des plastiques et à la gestion des déchets touche en réalité des millions de personnes en Asie, en Amérique du Sud et en Afrique. Il s’agit des travailleurs qui récupèrent, réutilisent ou revendent les plastiques, les textiles, l’aluminium et d’autres matériaux précieux issus des déchets.</p> <p>Dans le cadre du traité sur les plastiques, pour que ces travailleurs informels soient reconnus, que leurs conditions de travail puissent être améliorées et qu’ils puissent bénéficient d’une transition écologique plus équitable, les solutions politiques doivent aller au-delà des mécanismes économiques basés sur le seul marché et des stratégies axées sur le profit.</p> <p>Si ce n’est pas le cas, les efforts en faveur d’un recyclage plus inclusif et du développement de l’économie circulaire risquent de renforcer les injustices mêmes qu’ils prétendent combattre.</p> <h3>Qui sont les ramasseurs informels de déchets?</h3> <p>Les collecteurs de déchets – et les autres personnes travaillant avec eux dans un cadre informel et coopératif – effectuent une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0921344924001824#sec0021">grande partie du travail de recyclage à l’échelle mondiale</a>. Ils réduisent de manière significative la quantité de plastique qui se retrouve dans les océans.</p> <p>Malgré cela, et parce qu’ils font un travail salissant et vivent dans des endroits sales, ils sont souvent tenus pour responsables du problème de la pollution plastique. Dans les discours politiques des villes et des Etats, leur travail a longtemps été <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/0956247816657302">tourné en dérision, considéré comme non qualifié et inefficace</a>. <a href="https://www.undp.org/blog/unsung-heroes-four-things-policymakers-can-do-empower-informal-waste-workers">L’absence de reconnaissance officielle</a> de leur travail rend leurs revenus particulièrement instables et précaires. Les réglementations environnementales peuvent <a href="https://iopscience.iop.org/article/10.1088/1748-9326/ac6b49">aggraver ces menaces</a> en accélérant la privatisation du traitement des déchets.</p> <p>Alors que les efforts de lutte contre la pollution plastique gagnent du terrain, les ramasseurs informels sont soumis à une double pression:</p> <ul> <li> <p>Ils doivent protéger leur accès aux déchets, car c’est l’un des rares moyens de subsistance dont ils disposent.</p> </li> <li> <p>En même temps, ils cherchent à améliorer leurs conditions de vie et de travail.</p> </li> </ul> <p>Un groupe de ramasseurs de déchets a donc profité de l’ouverture des négociations pour <a href="https://globalrec.org/document/just-transition-waste-pickers-un-plastics-treaty/">plaider en faveur de la reconnaissance de leur travail</a>. Il a été demandé que leurs contributions historiques à la réduction de la pollution plastique soient explicitement reconnues, et qu’un objectif explicite de transition juste soit intégré au traité sur les plastiques.</p> <h3>Avec l’économie circulaire, tout le monde est gagnant?</h3> <p>La <a href="https://theconversation.com/quatre-idees-recues-sur-la-transition-juste-227569">transition juste</a> est un principe défendu par les groupes de travailleurs et les défenseurs de la justice sociale afin de garantir que les politiques de transition écologique protègent, améliorent et compensent équitablement les moyens de subsistance des travailleurs et des communautés affectés par l’environnement.</p> <p>Les ramasseurs de déchets ont utilisé ce terme pour réclamer que le traité comprenne des dispositions pour améliorer leurs conditions de travail et de sécurité. Mais également pour que le traité intègre davantage les travailleurs informels aux systèmes de gestion des déchets, et pour exiger que les systèmes de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/responsabilite-elargie-du-producteur-67766">responsabilité élargie des producteurs</a> (REP) soutiennent aussi les travailleurs du secteur des déchets, en particulier les <a href="https://www.wiego.org/gender-waste-project">femmes et d’autres groupes vulnérables</a>.</p> <p>Etonnamment, ces demandes ont obtenu le soutien d’un large éventail de parties prenantes puissantes. Par exemple la <a href="https://www.businessforplasticstreaty.org/vision-statement#Key-elements">Business Coalition for a Plastics Treaty</a>, les <a href="https://news.un.org/en/story/2024/10/1156301">dirigeants des Nations unies</a> et même <a href="https://resolutions.unep.org/resolutions/uploads/american_chemistry_council.pdf">l’industrie pétrochimique</a>.</p> <p>Certaines de ces demandes ont été intégrées aux projets de traité sur les plastiques discutés au cours des négociations, ce qui représente une victoire majeure pour les travailleurs du secteur informel des déchets.</p> <p>Un consensus se dégage sur le fait qu’une économie circulaire inclusive peut être bénéfique à la fois pour l’environnement, l’économie et les travailleurs en améliorant la gestion de la pollution, les moyens de subsistance et les opportunités de croissance économique pour les entreprises.</p> <p>Ces promesses demandent toutefois à être vérifiées sur le terrain. Et c’est là que les choses se compliquent.</p> <h3>« Gagnant-gagnant », mais la victoire de qui ?</h3> <p>Dans mon livre <a href="https://mitpress.mit.edu/9780262546973/recycling-class/"><em>Recycling Class</em></a>, j’examine comment les efforts de recyclage inclusif ont été mis en œuvre à Bengaluru, l’une des plus grandes villes de l’Inde.</p> <figure><a href="https://images.theconversation.com/files/635250/original/file-20241129-15-cdpt12.jpg?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img src="https://images.theconversation.com/files/635250/original/file-20241129-15-cdpt12.jpg?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" alt="" /></a> <figcaption><span></span></figcaption> </figure> <p>Dans cet ouvrage, je défends que l’intégration dans des programmes d’économie circulaire basés sur le marché n’est pas une solution miracle aux injustices ancrées dans les systèmes de production, de consommation et de production des déchets.</p> <p>La plupart des politiques d’économie circulaire et de recyclage inclusif reposent sur des mécanismes de marché, partant du principe que la création de marchés pour les déchets incitera les acteurs du marché à récupérer efficacement les déchets et à les convertir en ressources.</p> <p>Pour remplir leurs obligations en matière de <a href="https://theconversation.com/faire-payer-plus-les-entreprises-pour-quelles-reduisent-les-emballages-130073">responsabilité élargie des producteurs</a> (REP), les marques peuvent alors s’engager à acheter des plastiques recyclés et à financer la collecte des déchets en achetant des <a href="https://www.worldbank.org/en/programs/problue/publication/unlocking-financing-to-combat-the-plastics-crisis">crédits plastique</a>.</p> <p>Cette approche vise à améliorer le prix des déchets, à augmenter les salaires et à encourager les efforts de collecte, tout en attirant des investissements pour financer l’amélioration des infrastructures et des technologies.</p> <p>Cependant, les mécanismes fondés sur le marché aggravent les inégalités existantes en matière d’accès au marché. Les efforts visant à donner la priorité à la traçabilité et à la transparence – dans le but d’améliorer l’efficacité du marché et le respect de la réglementation – désavantagent souvent les travailleurs informels.</p> <p>Ces derniers ne disposent pas des ressources et des capacités techniques nécessaires pour adopter des systèmes de suivi complexes basés sur les SIG ou la blockchain, et se retrouvent exclus des processus formalisés. Les start-up financées par le capital-risque et les grandes entreprises s’emparent alors du secteur du recyclage.</p> <p>Les multinationales préfèrent d’ailleurs les partenariats avec des start-up technologiques qui offrent des services à «valeur ajoutée» tels que des indicateurs et des tableaux de bord environnementaux, permettant aux entreprises de mettre en scène leur propre récit sur le développement durable. Souvent issus de milieux éduqués et privilégiés, les employés de ces firmes <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S001671852300057X">concurrencent les travailleurs informels existants, les subordonnant au passage</a>.</p> <p>A l’inverse, les femmes et les membres des minorités ethno-raciales et religieuses, qui constituent la majorité des travailleurs des économies informelles des déchets, sont confrontés à des obstacles supplémentaires. Notamment des <a href="https://mouvements.info/recuperateurs-de-dechets/">stigmates sociaux bien ancrés</a> qui limitent leur capacité à participer sur un pied d’égalité à ces marchés émergents. Ils restent toujours relégués aux mêmes tâches manuelles et difficiles, même si leurs conditions de travail en ressortent légèrement améliorées.</p> <h3>L’industrie du plastique maintient le <em>statu quo</em></h3> <p>Malgré les bonnes intentions de départ, des termes tels que «économie circulaire inclusive» sont donc trop souvent utilisés à des fins de <em>green washing</em> et même de <em>justice washing</em>, tandis que les travailleurs continuent à endurer des conditions difficiles. Une étude de <a href="https://www.circle-economy.com/resources/decent-work-in-the-circular-economy">Circle Economy</a> souligne que la plupart des emplois du secteur de l’économie circulaire restent ad-hoc et informels et ne bénéficient pas des garanties d’un emploi décent.</p> <p>En fin de compte, les travailleurs informels sont confrontés à un choix difficile: soit ils acceptent d’être exploités au sein des circuits de traitements des déchets en tant que simples ressources, soit ils risquent de perdre complètement leurs moyens de subsistance.</p> <p>Les systèmes actuels de production et de consommation du plastique déplacent donc la charge des déchets sur des communautés autochtones ou ethniques marginalisées, créant ainsi des <a href="https://www.dukeupress.edu/pollution-is-colonialism">zones sacrifiées</a>. Ce déplacement permet de maintenir la rentabilité, tout en perpétuant les atteintes à l’environnement et les inégalités sociales.</p> <p>En promouvant des technologies de <a href="https://www.bbc.com/afrique/monde-57087908">recyclage chimique</a> non éprouvées et en étendant les marchés du plastique, les entreprises <a href="https://theconversation.com/comment-lindustrie-fossile-influence-les-negociations-mondiales-sur-le-plastique-222112">pétrochimiques</a> et de matières plastiques <a href="https://direct.mit.edu/glep/article/21/2/121/97367/Future-Proofing-Capitalism-The-Paradox-of-the">s’approprient le langage de l’économie circulaire</a>. Cela leur permet de donner un vernis écologique à leurs propositions, tout en maintenant le <em>statu quo</em> sur les inégalités.</p> <p>Pendant ce temps, la HAC, plusieurs ONG et même certains ramasseurs de déchets invoquent également l’économie circulaire comme solution à la crise du plastique, en mettant l’accent sur le réemploi et le recyclage inclusif.</p> <h3>Demander des comptes aux pollueurs plutôt que compter sur l’efficacité du marché</h3> <p>Pour que l’économie circulaire aille au-delà de la simple protection du capitalisme fossile, elle doit prendre en compte les collecteurs de déchets et recycleurs informels dans le Sud et reconnaître les limites des mécanismes basés sur le marché. C’est vrai aussi bien pour le traité international sur la pollution plastique que pour d’autres démarches régionales comme le <a href="https://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/ATAG/2021/679066/EPRS_ATA(2021)679066_FR.pdf">plan d’action de l’UE pour l’économie circulaire</a>.</p> <p>En effet, toute stratégie de lutte contre la pollution plastique basée sur le marché et axée sur le profit est susceptible de reproduire ces schémas d’inégalité. Et par la même occasion, de pérenniser les injustices systémiques qui soutiennent le statu quo. Pour une transition vraiment juste, la lutte contre la pollution plastique ne doit donc pas devenir une opportunité de croissance économique ou de profit.</p> <p>Au contraire, nous avons besoin d’une approche centrée sur la réparation. Il faut d’abord, pour cela, reconnaître les contributions historiques des collecteurs informels du plastique ainsi que les préjudices qu’ils subissent. Puis redistribuer les ressources aux personnes les plus touchées et créer des systèmes qui donnent la priorité à la restauration de l’environnement et à la justice sociale plutôt qu’au profit des entreprises.</p> <p>Une économie circulaire bien financée devrait d’abord renforcer le pouvoir des travailleurs, puis améliorer les capacités des infrastructures et réduire la concentration de ces déchets en produits chimiques toxiques, plutôt que de s’appuyer sur des solutions basées sur le marché qui aggravent les inégalités.</p> <p>Les vraies solutions consistent à demander des comptes aux pollueurs et à adopter des approches circulaires fondées sur la sobriété et la réparation, et non sur l’efficacité du marché.<img src="https://counter.theconversation.com/content/244065/count.gif?distributor=republish-lightbox-basic" alt="The Conversation" width="1" height="1" /></p> <hr /> <h4><span><a href="https://theconversation.com/profiles/manisha-anantharaman-1526162">Manisha Anantharaman</a>, Assistant Professor, Center for the Sociology of Organisations, CNRS/Sciences Po, <em><a href="https://theconversation.com/institutions/sciences-po-2196">Sciences Po </a></em></span></h4> <h4>Cet article est republié à partir de <a href="https://theconversation.com">The Conversation</a> sous licence Creative Commons. Lire l’<a href="https://theconversation.com/les-ramasseurs-de-dechets-grands-perdants-du-recit-dominant-sur-la-pollution-plastique-244065">article original</a>.</h4> </div>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'les-ramasseurs-de-dechets-grands-perdants-du-recit-dominant-sur-la-pollution-plastique', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 44, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 5, 'person_id' => (int) 85, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'comments' => [[maximum depth reached]], 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Posts' }, (int) 3 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 5283, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => true, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => null, 'readed' => null, 'subhead' => null, 'title' => 'Les Etats-Unis financent un collectif international de journalistes', 'subtitle' => 'Si le réseau Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP) a révélé des avoirs russes cachés ou la corruption au Venezuela, le Delaware, paradis de l'évasion fiscale, reste pour lui un tabou. «Notre politique veut que nous ne fassions pas de rapports sur un pays avec son propre argent», a déclaré Drew Sullivan, son cofondateur.', 'subtitle_edition' => 'Si le réseau Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP) a révélé des avoirs russes cachés ou la corruption au Venezuela, le Delaware, paradis de l'évasion fiscale, reste pour lui un tabou. «Notre politique veut que nous ne fassions pas de rapports sur un pays avec son propre argent», a déclaré Drew Sullivan, son cofondateur.', 'content' => '<p style="text-align: center;"><strong>Urs P. Gasche</strong>, article publié sur <a href="https://www.infosperber.ch/medien/medienkritik/die-usa-finanzieren-internationales-journalisten-kollektiv/" target="_blank" rel="noopener"><em>Infosperber</em></a> le 5 décembre 2024, traduit par <em>Bon Pour La Tête</em></p> <hr /> <p>Parmi de nombreux autres médias, la <em>NZZ</em> et le <em>Tages-Anzeiger</em> ont diffusé à plusieurs reprises des révélations du réseau international de journalistes Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP). Ce faisant, ils n'ont pas rendu transparent le fait que les services gouvernementaux américains paient la moitié du budget de l'OCCRP. L'UE et les Etats membres de l'UE financent les 20 % restants.</p> <p>Avec un budget annuel de 20 millions d'euros et plus de 150 journalistes sur tous les continents, l'<a href="https://www.occrp.org/en">OCCRP</a> − en partie en collaboration avec le <a href="https://www.icij.org/">Réseau international des journalistes d'investigation</a> ICIJ − a lancé les plus grands projets internationaux de journalisme d'investigation de ces dernières années. Parmi eux, <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Panama_Papers"><em>The Panama Papers</em></a><em>, </em><a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Pandora_Papers"><em>Pandora Papers</em></a><em>, </em><a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Suisse_Secrets"><em>Suisse Secrets</em></a><em>, </em><a href="https://www.occrp.org/en/project/narcofiles-the-new-criminal-order"><em>Narco Files</em></a><em>, </em><a href="https://www.occrp.org/en/project/the-pegasus-project/about-the-project"><em>Pegasus Project</em></a><em>, </em><a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Cyprus_Confidential"><em>Cyprus Confidential </em></a>et la série <a href="https://de.wikipedia.org/wiki/Die_Geldw%C3%A4scherei"><em>Laundromat</em></a>, qui a révélé les systèmes de blanchiment d'argent des élites dirigeantes en Azerbaïdjan et en Russie.</p> <h3><strong>Non sans conditions</strong></h3> <p>Les agences gouvernementales américaines ne financent pas l'OCCRP sans contrepartie: l'<a href="https://www.usaid.gov/"> U.S. Agency for International Development</a> dispose d'un droit de veto sur la nomination des dirigeants de l'OCCRP. De plus, l'agence gouvernementale américaine interdit d'utiliser son argent pour mettre au jour la corruption aux Etats-Unis.</p> <p>Certaines subventions étaient même affectées à un but précis: le Department of State, par exemple, a versé 173 000 dollars à l'OCCRP pour «détecter et combattre la corruption au Venezuela». Ou l'<a href="https://www.usaid.gov/">Agence pour le développement international (USAID)</a> a versé plus de deux millions de dollars dans le but de «mettre au jour la criminalité et la corruption à Malte et à Chypre».</p> <p>Le journal en ligne français indépendant <a href="https://www.mediapart.fr/en/journal/international/021224/hidden-links-between-giant-investigative-journalism-and-us-government">« Mediapart »</a> en a parlé le 2 décembre 2024 <a href="https://www.mediapart.fr/en/journal/international/021224/hidden-links-between-giant-investigative-journalism-and-us-government">.</a></p> <p>Le fondateur de l'OCCRP est un ancien employé <a href="https://www.rockwellautomation.com/de-ch.html">de Rockwell</a> devenu journaliste: <a href="https://www.occrp.org/en/staff/drew-sullivan">Drew Sullivan</a>. L'OCCRP a été créé à l'instigation de fonctionnaires du gouvernement américain. Selon Mediapart, Sullivan a reçu pour cela, en 2008, un financement de départ de 1,7 million de dollars du <a href="https://www.state.gov/bureaus-offices/under-secretary-for-civilian-security-democracy-and-human-rights/bureau-of-international-narcotics-and-law-enforcement-affairs/">Bureau of International Narcotics and Law Enforcement Affairs</a>(INL). Il s'agit d'une agence d'application de la loi du Département d'Etat américain.</p> <p>L'OCCRP s'appuie souvent sur des documents divulgués provenant de sources non identifiées. La qualité des recherches et des révélations de l'OCCRP n'est pas mise en doute. L'orientation unilatérale des recherches et le manque de transparence des informations sur le financement donnent lieu à des critiques.</p> <p>L'ampleur des liens personnels et financiers de l'OCCRP avec le gouvernement américain va à l'encontre de «tous les principes de l'éthique journalistique». C'est ce qu'a déclaré Leonard Novy, directeur de l'Institut allemand des médias et de la politique de communication, à la chaîne NDR. Cela laisse supposer que les journalistes peuvent être utilisés ou instrumentalisés à des fins politiques.</p> <p>Sullivan et l'OCCRP ont également laissé les médias partenaires et leurs lecteurs dans l'ignorance de leur proximité avec le gouvernement américain. Selon Leonard Novy, l'organisation a ainsi dépassé les limites.</p> <h3><strong>Sullivan n'a pas voulu parler clairement aujourd'hui encore</strong></h3> <p>Sullivan a d'abord affirmé à la chaîne NDR que l'OCCRP avait «un groupe de donateurs largement répandu», parmi lesquels «aucun donateur individuel ne domine». Il a ajouté que «le gouvernement américain [...] est l'un des plus grands donateurs, mais ce n'est pas un pourcentage énorme». Confronté aux dernières découvertes, il a finalement reconnu l'importance du financement de Washington: «C'est le plus grand bailleur de fonds de l'OCCRP, oui, et ce depuis presque le début de notre histoire. [...] Je suis très reconnaissant au gouvernement américain.»</p> <p>Par écrit, Sullivan a renchéri: «Nous avons dû décider si nous voulions accepter de l'argent du gouvernement ou ne pas exister.» Sur le site web de l'OCCRP, les montants des sponsors ne sont pas indiqués.</p> <h3><strong>Conditions posées</strong></h3> <p>Sullivan a confirmé à la NDR le pouvoir d'influence des autorités américaines: «Dans le cadre d'accords de coopération que nous n'aimons pas conclure, ils ont un droit de regard sur le choix des personnes [...] Ils peuvent mettre leur veto sur quelqu'un [...] Ils n'ont jamais mis leur veto sur quelqu'un.»</p> <p>L'OCCRP ne peut pas enquêter sur des affaires américaines avec l'argent fourni par Washington. «Notre politique veut que nous ne fassions pas de rapports sur un pays avec son propre argent», a déclaré Sullivan à la NDR. «Je pense que le gouvernement américain ne le permet pas. Mais même dans d'autres pays où ces dispositions n'existent pas, nous ne le faisons pas parce que cela vous place dans une situation de conflit d'intérêts et que vous préférez rester à l'écart de telles situations.»</p> <p>Ainsi, le paradis fiscal américain du Delaware n'a jamais fait l'objet de toutes les recherches sur l'évasion fiscale et l'argent de la corruption.</p> <p>L'OCCRP a tout de même effectué des recherches isolées aux Etats-Unis: par exemple sur les <a href="https://www.occrp.org/en/investigation/meet-the-florida-duo-helping-giuliani-investigate-for-trump-in-ukraine">hommes d'affaires</a> qui avaient soutenu l'avocat de Donald Trump pour nuire à Joe Biden, ou sur la manière dont le Pentagone a dépensé des sommes énormes pour <a href="https://www.occrp.org/en/project/making-a-killing/revealed-the-pentagon-is-spending-up-to-22-billion-on-soviet-style-arms-for-syrian-rebels">fournir des armes</a> à des groupes rebelles en Syrie, ou encore sur un <a href="https://www.occrp.org/en/investigation/flight-of-the-monarch-us-govt-contracted-airline-once-owned-by-criminals-with-ties-to-russian-mob">contrat</a> entre le gouvernement américain et une compagnie aérienne dont les propriétaires sont liés au crime organisé en Russie.</p> <p>Ces recherches ont manifestement respecté une autre condition imposée par les autorités américaines à l'OCCRP: l'activité doit être «en accord avec la politique étrangère et les intérêts économiques des Etats-Unis et les promouvoir.» (<a href="https://www.govinfo.gov/content/pkg/COMPS-1071/pdf/COMPS-1071.pdf">US Foreign Assistance Act</a>).</p> <h3><strong>Voici comment la «NZZ» et Tamedia ont présenté la source OCCRP</strong></h3> <p><strong>«NZZ» du 19 juillet 2023</strong></p> <p>«L'Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP) est un réseau d'organisations journalistiques fondé en 2006, basé dans de nombreux pays différents et fonctionnant sous cette forme en tant que filiale du Journalism Development Network à but non lucratif, dont le siège est dans le Maryland.»</p> <p><strong>«Tages-Anzeiger» du 21 juin 2023</strong></p> <p>«Grâce à l'organisation OCCRP, des journalistes femmes de plusieurs pays ont pu étudier ces données, dont <em>Der Standard</em> en Autriche et <em>Der Spiegel</em> en Allemagne. Pour la Suisse, le bureau de recherche de Tamedia et Paper Trail Media était de la partie.»</p> <h3><strong>Informations complémentaires</strong></h3> <p><strong>22 décembre 2022</strong> <a href="https://www.infosperber.ch/politik/welt/twitter-diente-jahrelang-als-gehilfe-des-pentagons/">Twitter a servi pendant des années d'auxiliaire au Pentagone</a>. Elon Musk a partiellement révélé les outils internes de Twitter. Ils prouvent des services d'hommes de main pour la propagande de l'armée américaine à l'étranger.</p> <p><strong>12 février 2009</strong> <a href="https://www.tagesanzeiger.ch/27-000-pr-berater-polieren-image-der-usa-631302390683">27 000 conseillers en relations publiques polissent l'image des Etats-Unis</a>. Des faits presque incroyables sur le travail de relations publiques du Pentagone.</p> <p><strong>20 avril 2008</strong> <a href="https://www.spiegel.de/kultur/gesellschaft/gekaufte-meinung-pentagon-beschaeftigt-pr-armee-fuer-us-tv-a-548519.html">Le Pentagone emploie une armée de RP pour la télévision américaine</a>. 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Classe 11 VP 1 / Ollon
Un soldat de l’armée fédérale pendant la guerre du Sonderbund sur un daguerréotype de 1847.
Musée national suisse, Zurich
François Varidel, habitant du village vaudois de Prahins, a traversé le XIXe siècle. Il a laissé un journal autobiographique. C’est
le récit d’un parcours difficile et ordinaire qui ressemble sans doute à des milliers d’autres. François Pierre Varidel naît le 9 mai 1817, d’une famille campagnarde du Nord vaudois. Il est un homme du peuple. A l’âge de douze ans, il perd son père, victime d’un coup de pied de cheval à la tête. Après cet accident, sa mère tombe malade et se fait soigner à Yverdon durant deux ans.
«C’est triste, très chers parents, d’avoir un enfant pour si peu de temps»
Avec l’un de ses frères, François est placé sous tutelle. En 1838, à 21 ans, François Varidel suit l’école militaire à Lausanne. Il rejoint sa compagnie à Orbe afin de surveiller la frontière franco-suisse, car il y a un «grand bruit de guerre avec la France». En effet, la justice française réclame Louis-Napoléon Bonaparte, le futur président puis empereur des Français, Napoléon III. Mais la Suisse ne peut pas l’extrader, car Louis- Napoléon est aussi citoyen suisse et officier de l’armée fédérale. Il se rend finalement en Angleterre. Son départ met un terme à la crise entre la Suisse et la France.
De retour à la vie civile, François Varidel travaille comme charron dès 1839, fabriquant et réparant les chars de sa région.
Avant de reprendre le domaine familial, François Varidel exerce le métier de charron. Encyclopédie
ou dictionnaire universel raisonné des connaissances humaines. Mis en ordre par M. De Felice (Encyclopédie d’Yverdon), Planches, tome X, Yverdon, 1780.
Comme son frère émigre à Londres, puis en Australie, François Varidel doit reprendre la culture du domaine familial. Il interrompt son activité agricole à l’occasion, par exemple lorsqu’il est appelé à Payerne pour participer à une revue fédérale, l’inspection militaire de l’époque. Le 25 septembre 1842, il épouse Nanette (Anne-Françoise) Jaquier déjà enceinte. La conception prénuptiale n’est alors pas rare dans les campagnes. En février 1843, elle met au monde une petite fille. Mais le bonheur du jeune couple est de courte durée: «En mille huit cent quarante-quatre, notre petite fille prend un mauvais rhume. Dans le mois de mars, elle se rétablit pour une quinzaine de jours. Sa maladie recommence de nouveau. Elle expira le 2 avril. C’est triste, très chers parents, d’avoir un enfant pour si peu de temps.»
Une carte de Prahins de 1853. © Archives cantonales vaudoises, Gc 1376/1.
En avril 1845, François se voit contraint de laisser son épouse «dans la désolation» pour aller se battre contre les corps francs, près de Lucerne, combat qui prélude à la guerre du Sonderbund. A son retour, il reçoit un coup de pied d’un cheval qui lui fend la bouche. En 1847, il prend part à la guerre du Sonderbund en tant que caporal de grenadiers. Cette campagne occupe une place importante dans le carnet. Il tombe malade
en 1848. A peine rétabli, il est envoyé avec sa compagnie à Romont, puis à Fribourg.
«1854, du 24 mai. Jour de la levure, on était tous gais et joyeux»
François Varidel rentre une année plus tard. Il souffre de terribles éruptions de boutons sur le visage, accompagnées de maux de tête. Il consulte alors le médecin qui avait soigné sa mère. Le docteur Jaquier lui prescrit quatre jours de bains. En 1854, il construit une maison et, à l’en croire, il passe son dernier jour de bonheur lors de la fête du bouquet de chantier. «1854, du 24 mai. Jour de la levure, on était tous gais et joyeux. Hélas, c’était pour la dernière fois que l’on fraternisait une fête ensemble et l’année se passa comme un éclair des occupations qu’on avait.»
En novembre 1853, des membres de la famille de sa femme attrapent la variole (lire «La variole et "L'autre monde"» ci-dessous). L’épouse de François, Nanette, rend souvent visite à sa sœur malade. En janvier 1854, l’état de cette dernière s’est fortement aggravé. Quelques jours plus tard, Nanette tombe à son tour malade et fait chambre à part. Dès le 12 janvier, sa santé se détériore gravement. Alors, Nanette se prépare à son décès et meurt quelques jours plus tard.
Désormais, la belle-sœur de François ne lui parle plus et l’ignore, alors que François est très peiné par la mort de sa femme.
«Brûler le mal jusqu’à me faire [tellement] enfler la bouche que je ne pouvais plus manger»
Pendant les quatre années qui suivent le décès de son épouse, François est atteint d’une maladie dermatologique. Il s’astreint à différents traitements prescrits par plusieurs médecins. Il recourt aussi à des guérisseurs, mais toutes ces démarches restent sans effet. S’agit-il de séquelles de la variole ou d’une autre maladie de la peau? La durée de ses souffrances fait plutôt pencher pour la seconde hypothèse. «Ordonnance de Monsieur Fazel, docteur à Vuissens. Prendre de l’eau tiède. Vous mettez du vinaigre, un bon verre, sur une bouteille. Se laver une fois par jour, puis se frotter avec de la pommade avant que de se coucher. Prendre des bains avec l’arrosoir une fois par jour pendant deux ans avec l’eau tiède et mettre de la pierre infernale dessus pour brûler le mal jusqu’à me faire [tellement] enfler la bouche que je ne pouvais plus manger. Pour rien.»
La seconde partie du carnet constitue un manuel d’apiculture de 22 pages, Instructions pour soigner les abeilles. Cependant, on y trouve également la copie d’une procuration de François et de ses autres frères pour rechercher la succession du défunt frère Jean mort en Autriche. D’autres sources nous apprennent que François meurt le 6 novembre 1880 à l’âge de 63 ans. Il a apparemment une descendance, une autre fille, Julie, qu’il a eue avec Nanette. En mars 1867, il a épousé Elise Cuanoud qui a donné naissance à Émile, en 1869. Ce dernier mourra à l’âge de 16 ans.
Classe 11 VP 1 / Ollon: Nicolas Durussel, maître de la classe; Marion Abbet, Margaux Amateis, Valentine Baumann, Fanny Bühlmann, Lionel Buttet, Julie Chesaux, Victoria de Azevedo, Auriane Défago, Fiona Despont, Jessica Germann, Emilie Heiniger, Gaël Jaggi, Nicolas Morattel, Fiona Müller, Tim Pachoud, Iliana Signer.
Cet article est issu du dossier sur la guerre du Sonderbund, paru dans le numéro d'avril 2018 de Passé simple, mensuel romand d’histoire et d’archéologie, www.passesimple.ch
Journal inédit?
Le carnet de François Varidel se trouvait depuis de longues années dans ma famille, explique Nicolas Durussel. Nous ignorons comment il y est arrivé. Son contenu a fait l’objet d’un article du Journal d’Yverdon, le 19 juin 1958, signé M. S. Il est ainsi possible qu’il existe un double de ce carnet. En effet, l’article parle d’un carnet bleu. Celui que nous avons étudié en classe est noir. Les élèves de la classe 11 VP1 (voie pré-gymnasiale) d’Ollon ont travaillé sur ce document pendant plusieurs mois. Ils en ont notamment assuré la transcription et ont rédigé collectivement les textes qui forment le présent dossier. Cette rencontre avec le passé de notre canton les a captivés. Ils ont adapté les extraits du carnet publiés à la syntaxe, à l’orthographe et à la ponctuation actuelles. Au nom de mes élèves, je remercie Marc Varidel, de Sainte-Croix, auteur de l’ouvrage Waridel Varidel Vuaridel. Une famille vaudoise, qui nous a apporté de précieuses informations.
Malgré une orthographe et une syntaxe défectueuses, l’auteur du journal a un vocabulaire riche et soigné.
La première page du carnet de François Varidel. © Collection privée
Le carnet a pour sources le vécu de son auteur, son expérience personnelle, mais aussi des lettres de son frère ou de ses différents médecins. L’ouvrage rend ainsi compte des nombreuses ordonnances médicales prescrites à François Varidel. Il évoque également des traitements préconisés par des guérisseurs. Dans le contexte de la guerre du Sonderbund, la presse l’a fortement inspiré, notamment le Nouvelliste vaudois ou la Gazette de Lausanne, sans qu’il soit possible de dire lequel des deux plus précisément, les articles étant souvent similaires dans les deux journaux.
François Varidel a repris in extenso de nombreux
paragraphes pour décrire des opérations militaires. Il le fait par exemple pour la reddition de Romont.
L’auteur n’attache pas une grande importance à l’orthographe, surtout lorsqu’il rend compte de son vécu ou qu’il retranscrit des passages de périodiques de l’époque. François Varidel écrit par exemple son nom de famille de deux manières. C’est que l’orthographe ne jouait pas encore un très grand rôle à l’époque de sa scolarité. A cela, il convient d’ajouter le caractère rudimentaire de l’école vaudoise qu’a suivie François Varidel.
Liste des médicaments que cite François Varidel dans son carnet. © Collection privée
L’Ecole normale n’est créée qu’en 1830. Par contraste, son vocabulaire est d’une qualité étonnante. La richesse lexicale s’explique en partie par les emprunts de François Varidel aux journaux. Il est notable que celui-ci n’emploie jamais de mots vulgaires, ni même familiers. Il convient également de relever que François Varidel n’utilise aucun terme de patois vaudois, mis à part celui de «levure», pour la fête du bouquet de chantier. La syntaxe est très approximative, surtout lorsqu’il parle de son vécu. quant à la ponctuation, elle est presque inexistante, y compris dans les passages tirés de la presse.
François Varidel n’a pas écrit son carnet au jour le jour. Il a relaté les événements après avoir pris du recul. En racontant la fête de la «levure», il précise que «c’était la dernière fois que l’on fraternisait une fête ensemble». Cette observation démontre que François Varidel pouvait écrire bien après les faits. Notons enfin que l’écriture calligraphiée et soignée de François Varidel rend la lecture du carnet agréable.
Classe 11 VP 1 / Ollon
La variole et «L'autre monde»
Caricature de James Gillray de 1802 montrant le docteur anglais Edward Jenner vaccinant contre la variole.
La vaccination peine à s'imposer parce que l’on attribue au vaccin d’affreux effets secondaires. © Wikimedia Commons
A partir de mars 1852, la variole prend un caractère inquiétant dans le canton de Soleure. Beaucoup de personnes en sont atteintes et l’on déplore la mort de gens robustes, âgés de vingt à 40 ans. En avril de la même année, le canton du Valais est touché par la maladie, plus précisément dans les districts de Monthey et de Martigny. Le Conseil d’Etat valaisan ordonne une vaccination dans toutes les communes. Bien que la belle-famille de François Varidel soit touchée durant le mois de novembre 1853, la presse vaudoise ne fait alors pas état d’épidémie dans le canton.
François emploie le mot de «vérole» pour désigner la variole. La sœur de Nanette est la plus affectée de sa famille. Nanette s’était jugée suffisamment forte pour rendre visite à sa sœur sans risquer d’être contaminée. Mais, le 3 janvier 1854, elle finit par tomber malade à son tour. Le 12 janvier, elle se prépare à mourir et demande à François d’aller chercher quelqu’un pour l’aider à ranger ses affaires. Son frère estime inutile de venir, considérant qu’elle se remettra, comme d’autres. Nous apprenons, en même temps, que Janette, la sœur de Nanette, va beaucoup mieux. Elle semble être tirée d’affaire. François part à Vuissens, chercher le docteur. Il le trouve absent, mais sa femme indique à François qu’elle l’enverra. Le médecin ne vient que le lendemain.
Voici le récit de cette visite dans le carnet de François Varidel: «Du 13 au matin. (Le docteur) arrive, lui dit: "Bonjour madame Varidel, comment ça va-t-il?" "Oh, ça va bien, j’ai été à l’autre monde et me voici revenue et tant que je vivrai, je reparlerai toujours de l’autre monde". Réponse de monsieur le docteur: "Eh bien, quand vous serez rétablie, vous vous pourrez raconter quelque chose de l’autre monde". On lui donne des remèdes pour la tranquilliser pendant la journée. Entre 9 et 10 heures du soir, on croyait qu’elle n’était plus. Après un long moment de souffrance, elle revint un peu en elle-même, que pour deux jours. Elle expira le 15 courant, à 2 heures ½ du soir. Après cela mes très chers parents, vous pouvez en juger: ayant dès notre enfance fréquenté les écoles et les catéchismes ensemble sans aucun mépris les uns envers les autres, douze années se passèrent ensemble comme des époux doivent vivre.»
Pour en savoir davantage: Waridel Varidel Vuaridel. Une famille vaudoise, Marc Varidel. Bière, 2017.
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Il a laissé un journal autobiographique. C’est le récit d’un parcours difficile et ordinaire qui ressemble sans doute à des milliers d’autres. François Pierre Varidel naît le 9 mai 1817, d’une famille campagnarde du Nord vaudois. Il est un homme du peuple. A l’âge de douze ans, il perd son père, victime d’un coup de pied de cheval à la tête. Après cet accident, sa mère tombe malade et se fait soigner à Yverdon durant deux ans. <br></p><h3 style="text-align: center;">«C’est triste, très chers parents, d’avoir un enfant pour si peu de temps»<br></h3><p>Avec l’un de ses frères, François est placé sous tutelle. En 1838, à 21 ans, François Varidel suit l’école militaire à Lausanne. Il rejoint sa compagnie à Orbe afin de surveiller la frontière franco-suisse, car il y a un «grand bruit de guerre avec la France». En effet, la justice française réclame Louis-Napoléon Bonaparte, le futur président puis empereur des Français, Napoléon III. Mais la Suisse ne peut pas l’extrader, car Louis- Napoléon est aussi citoyen suisse et officier de l’armée fédérale. Il se rend finalement en Angleterre. Son départ met un terme à la crise entre la Suisse et la France. </p><p style="text-align: left;">De retour à la vie civile, François Varidel travaille comme charron dès 1839, fabriquant et réparant les chars de sa région. <br></p><h4 style="text-align: center;"><img class="img-responsive img-center " src="https://media.bonpourlatete.com/default/w608/1523706435_capturedecran20180414a13.22.03.png">Avant de reprendre le domaine familial, François Varidel exerce le métier de charron. Encyclopédie <br>ou dictionnaire universel raisonné des connaissances humaines. Mis en ordre par M. De Felice (Encyclopédie d’Yverdon), Planches, tome X, Yverdon, 1780.<br></h4><p style="text-align: left;">Comme son frère émigre à Londres, puis en Australie, François Varidel doit reprendre la culture du domaine familial. Il interrompt son activité agricole à l’occasion, par exemple lorsqu’il est appelé à Payerne pour participer à une revue fédérale, l’inspection militaire de l’époque. Le 25 septembre 1842, il épouse Nanette (Anne-Françoise) Jaquier déjà enceinte. La conception prénuptiale n’est alors pas rare dans les campagnes. En février 1843, elle met au monde une petite fille. Mais le bonheur du jeune couple est de courte durée: «En mille huit cent quarante-quatre, notre petite fille prend un mauvais rhume. Dans le mois de mars, elle se rétablit pour une quinzaine de jours. Sa maladie recommence de nouveau. Elle expira le 2 avril. C’est triste, très chers parents, d’avoir un enfant pour si peu de temps.»<span style="font-size: 1.6rem; color: inherit; font-family: "GT America Standard Regular"; text-align: center;"> </span></p><h4 style="text-align: center;"><img class="img-responsive img-center " src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1523524013_prahins_2.png">Une carte de Prahins de 1853. © Archives cantonales vaudoises, Gc 1376/1. </h4><p style="text-align: left;">En avril 1845, François se voit contraint de laisser son épouse «dans la désolation» pour aller se battre contre les corps francs, près de Lucerne, combat qui prélude à la guerre du Sonderbund. A son retour, il reçoit un coup de pied d’un cheval qui lui fend la bouche. En 1847, il prend part à la guerre du Sonderbund en tant que caporal de grenadiers. Cette campagne occupe une place importante dans le carnet. Il tombe malade en 1848. A peine rétabli, il est envoyé avec sa compagnie à Romont, puis à Fribourg. <br></p><h3 style="text-align: center;"> «1854, du 24 mai. Jour de la levure, on était tous gais et joyeux»<br></h3><p>François Varidel rentre une année plus tard. Il souffre de terribles éruptions de boutons sur le visage, accompagnées de maux de tête. Il consulte alors le médecin qui avait soigné sa mère. Le docteur Jaquier lui prescrit quatre jours de bains. En 1854, il construit une maison et, à l’en croire, il passe son dernier jour de bonheur lors de la fête du bouquet de chantier. «1854, du 24 mai. Jour de la levure, on était tous gais et joyeux. Hélas, c’était pour la dernière fois que l’on fraternisait une fête ensemble et l’année se passa comme un éclair des occupations qu’on avait.» </p><p>En novembre 1853, des membres de la famille de sa femme attrapent la variole (<em>lire «La variole et "L'autre monde"» ci-dessous</em>). L’épouse de François, Nanette, rend souvent visite à sa sœur malade. En janvier 1854, l’état de cette dernière s’est fortement aggravé. Quelques jours plus tard, Nanette tombe à son tour malade et fait chambre à part. Dès le 12 janvier, sa santé se détériore gravement. Alors, Nanette se prépare à son décès et meurt quelques jours plus tard. </p><p>Désormais, la belle-sœur de François ne lui parle plus et l’ignore, alors que François est très peiné par la mort de sa femme.</p><h3 style="text-align: center;">«Brûler le mal jusqu’à me faire [tellement] enfler la bouche que je ne pouvais plus manger»<br></h3><p>Pendant les quatre années qui suivent le décès de son épouse, François est atteint d’une maladie dermatologique. Il s’astreint à différents traitements prescrits par plusieurs médecins. Il recourt aussi à des guérisseurs, mais toutes ces démarches restent sans effet. S’agit-il de séquelles de la variole ou d’une autre maladie de la peau? La durée de ses souffrances fait plutôt pencher pour la seconde hypothèse. «Ordonnance de Monsieur Fazel, docteur à Vuissens. Prendre de l’eau tiède. Vous mettez du vinaigre, un bon verre, sur une bouteille. Se laver une fois par jour, puis se frotter avec de la pommade avant que de se coucher. Prendre des bains avec l’arrosoir une fois par jour pendant deux ans avec l’eau tiède et mettre de la pierre infernale dessus pour brûler le mal jusqu’à me faire [tellement] enfler la bouche que je ne pouvais plus manger. Pour rien.» </p><p>La seconde partie du carnet constitue un manuel d’apiculture de 22 pages, Instructions pour soigner les abeilles. Cependant, on y trouve également la copie d’une procuration de François et de ses autres frères pour rechercher la succession du défunt frère Jean mort en Autriche. D’autres sources nous apprennent que François meurt le 6 novembre 1880 à l’âge de 63 ans. Il a apparemment une descendance, une autre fille, Julie, qu’il a eue avec Nanette. En mars 1867, il a épousé Elise Cuanoud qui a donné naissance à Émile, en 1869. Ce dernier mourra à l’âge de 16 ans. <br></p><br><p><em>Classe 11 VP 1 / Ollon: Nicolas Durussel, maître de la classe; Marion Abbet, Margaux Amateis, Valentine Baumann, Fanny Bühlmann, Lionel Buttet, Julie Chesaux, Victoria de Azevedo, Auriane Défago, Fiona Despont, Jessica Germann, Emilie Heiniger, Gaël Jaggi, Nicolas Morattel, Fiona Müller, Tim Pachoud, Iliana Signer.</em><br></p><p></p><hr><p></p><h4>Cet article est issu du dossier sur la guerre du Sonderbund, paru dans le numéro d'avril 2018 de <em>Passé simple</em>, mensuel romand d’histoire et d’archéologie, <a href="www.passesimple.ch" style="font-size: 1.6rem; background-color: rgb(254, 254, 254);">www.passesimple.ch</a></h4><p></p><hr style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><p></p><h2 style="text-align: center;">Journal inédit?<br></h2><p style="text-align: left;"><strong>Le carnet de François Varidel se trouvait depuis de longues années dans ma famille, explique Nicolas Durussel. Nous ignorons comment il y est arrivé. Son contenu a fait l’objet d’un article du Journal d’Yverdon, le 19 juin 1958, signé M. S. Il est ainsi possible qu’il existe un double de ce carnet. En effet, l’article parle d’un carnet bleu. Celui que nous avons étudié en classe est noir. Les élèves de la classe 11 VP1 (voie pré-gymnasiale) d’Ollon ont travaillé sur ce document pendant plusieurs mois. Ils en ont notamment assuré la transcription et ont rédigé collectivement les textes qui forment le présent dossier. Cette rencontre avec le passé de notre canton les a captivés. Ils ont adapté les extraits du carnet publiés à la syntaxe, à l’orthographe et à la ponctuation actuelles. Au nom de mes élèves, je remercie Marc Varidel, de Sainte-Croix, auteur de l’ouvrage <em>Waridel Varidel Vuaridel. Une famille vaudoise</em>, qui nous a apporté de précieuses informations.<br>Malgré une orthographe et une syntaxe défectueuses, l’auteur du journal a un vocabulaire riche et soigné. <br></strong></p><p style="text-align: left;"><strong><br></strong></p><h4 style="text-align: center;"><strong><img class="img-responsive img-center " src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1523522807_livre.png"></strong>La première page du carnet de François Varidel. © Collection privée</h4><p style="text-align: left;">Le carnet a pour sources le vécu de son auteur, son expérience personnelle, mais aussi des lettres de son frère ou de ses différents médecins. L’ouvrage rend ainsi compte des nombreuses ordonnances médicales prescrites à François Varidel. Il évoque également des traitements préconisés par des guérisseurs. Dans le contexte de la guerre du Sonderbund, la presse l’a fortement inspiré, notamment le <em>Nouvelliste vaudois</em> ou la <em>Gazette de Lausanne</em>, sans qu’il soit possible de dire lequel des deux plus précisément, les articles étant souvent similaires dans les deux journaux.</p><p style="text-align: left;">François Varidel a repris in extenso de nombreux paragraphes pour décrire des opérations militaires. Il le fait par exemple pour la reddition de Romont. L’auteur n’attache pas une grande importance à l’orthographe, surtout lorsqu’il rend compte de son vécu ou qu’il retranscrit des passages de périodiques de l’époque. François Varidel écrit par exemple son nom de famille de deux manières. C’est que l’orthographe ne jouait pas encore un très grand rôle à l’époque de sa scolarité. A cela, il convient d’ajouter le caractère rudimentaire de l’école vaudoise qu’a suivie François Varidel. <br></p><h4 style="text-align: center;"><img class="img-responsive img-center " src="https://media.bonpourlatete.com/default/w800/1523708978_capturedecran20180414a14.19.15.png">Liste des médicaments que cite François Varidel dans son carnet. © Collection privée</h4><br><p>L’Ecole normale n’est créée qu’en 1830. Par contraste, son vocabulaire est d’une qualité étonnante. La richesse lexicale s’explique en partie par les emprunts de François Varidel aux journaux. Il est notable que celui-ci n’emploie jamais de mots vulgaires, ni même familiers. Il convient également de relever que François Varidel n’utilise aucun terme de patois vaudois, mis à part celui de «levure», pour la fête du bouquet de chantier. La syntaxe est très approximative, surtout lorsqu’il parle de son vécu. quant à la ponctuation, elle est presque inexistante, y compris dans les passages tirés de la presse. </p><p>François Varidel n’a pas écrit son carnet au jour le jour. Il a relaté les événements après avoir pris du recul. En racontant la fête de la «levure», il précise que «c’était la dernière fois que l’on fraternisait une fête ensemble». Cette observation démontre que François Varidel pouvait écrire bien après les faits. Notons enfin que l’écriture calligraphiée et soignée de François Varidel rend la lecture du carnet agréable. </p><p><font face="PT Serif Italic"><em>Classe 11 VP 1 / Ollon</em></font></p><p></p><hr style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><p></p><h2 style="text-align: center;">La variole et «L'autre monde»</h2><br><h4 style="text-align: center;"><img class="img-responsive img-center " src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1523706910_variole.jpg">Caricature de James Gillray de 1802 montrant le docteur anglais Edward Jenner vaccinant contre la variole. <br>La vaccination peine à s'imposer parce que l’on attribue au vaccin d’affreux effets secondaires. © Wikimedia Commons<br></h4><p>A partir de mars 1852, la variole prend un caractère inquiétant dans le canton de Soleure. Beaucoup de personnes en sont atteintes et l’on déplore la mort de gens robustes, âgés de vingt à 40 ans. En avril de la même année, le canton du Valais est touché par la maladie, plus précisément dans les districts de Monthey et de Martigny. Le Conseil d’Etat valaisan ordonne une vaccination dans toutes les communes. Bien que la belle-famille de François Varidel soit touchée durant le mois de novembre 1853, la presse vaudoise ne fait alors pas état d’épidémie dans le canton. <br></p><p>François emploie le mot de «vérole» pour désigner la variole. La sœur de Nanette est la plus affectée de sa famille. Nanette s’était jugée suffisamment forte pour rendre visite à sa sœur sans risquer d’être contaminée. Mais, le 3 janvier 1854, elle finit par tomber malade à son tour. Le 12 janvier, elle se prépare à mourir et demande à François d’aller chercher quelqu’un pour l’aider à ranger ses affaires. Son frère estime inutile de venir, considérant qu’elle se remettra, comme d’autres. Nous apprenons, en même temps, que Janette, la sœur de Nanette, va beaucoup mieux. Elle semble être tirée d’affaire. François part à Vuissens, chercher le docteur. Il le trouve absent, mais sa femme indique à François qu’elle l’enverra. Le médecin ne vient que le lendemain. <br></p><p>Voici le récit de cette visite dans le carnet de François Varidel: «Du 13 au matin. (Le docteur) arrive, lui dit: "Bonjour madame Varidel, comment ça va-t-il?" "Oh, ça va bien, j’ai été à l’autre monde et me voici revenue et tant que je vivrai, je reparlerai toujours de l’autre monde". Réponse de monsieur le docteur: "Eh bien, quand vous serez rétablie, vous vous pourrez raconter quelque chose de l’autre monde". On lui donne des remèdes pour la tranquilliser pendant la journée. Entre 9 et 10 heures du soir, on croyait qu’elle n’était plus. Après un long moment de souffrance, elle revint un peu en elle-même, que pour deux jours. Elle expira le 15 courant, à 2 heures ½ du soir. Après cela mes très chers parents, vous pouvez en juger: ayant dès notre enfance fréquenté les écoles et les catéchismes ensemble sans aucun mépris les uns envers les autres, douze années se passèrent ensemble comme des époux doivent vivre.»</p><p></p><hr><p></p><h4>Pour en savoir davantage: <em>Waridel Varidel Vuaridel. Une famille vaudoise</em>, Marc Varidel. 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Mais la Suisse ne peut pas l’extrader, car Louis- Napoléon est aussi citoyen suisse et officier de l’armée fédérale. Il se rend finalement en Angleterre. Son départ met un terme à la crise entre la Suisse et la France. </p><p style="text-align: left;">De retour à la vie civile, François Varidel travaille comme charron dès 1839, fabriquant et réparant les chars de sa région. <br></p><h4 style="text-align: center;"><img class="img-responsive img-center " src="https://media.bonpourlatete.com/default/w608/1523706435_capturedecran20180414a13.22.03.png">Avant de reprendre le domaine familial, François Varidel exerce le métier de charron. Encyclopédie <br>ou dictionnaire universel raisonné des connaissances humaines. Mis en ordre par M. De Felice (Encyclopédie d’Yverdon), Planches, tome X, Yverdon, 1780.<br></h4><p style="text-align: left;">Comme son frère émigre à Londres, puis en Australie, François Varidel doit reprendre la culture du domaine familial. Il interrompt son activité agricole à l’occasion, par exemple lorsqu’il est appelé à Payerne pour participer à une revue fédérale, l’inspection militaire de l’époque. Le 25 septembre 1842, il épouse Nanette (Anne-Françoise) Jaquier déjà enceinte. La conception prénuptiale n’est alors pas rare dans les campagnes. En février 1843, elle met au monde une petite fille. Mais le bonheur du jeune couple est de courte durée: «En mille huit cent quarante-quatre, notre petite fille prend un mauvais rhume. Dans le mois de mars, elle se rétablit pour une quinzaine de jours. Sa maladie recommence de nouveau. Elle expira le 2 avril. C’est triste, très chers parents, d’avoir un enfant pour si peu de temps.»<span style="font-size: 1.6rem; color: inherit; font-family: "GT America Standard Regular"; text-align: center;"> </span></p><h4 style="text-align: center;"><img class="img-responsive img-center " src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1523524013_prahins_2.png">Une carte de Prahins de 1853. © Archives cantonales vaudoises, Gc 1376/1. </h4><p style="text-align: left;">En avril 1845, François se voit contraint de laisser son épouse «dans la désolation» pour aller se battre contre les corps francs, près de Lucerne, combat qui prélude à la guerre du Sonderbund. A son retour, il reçoit un coup de pied d’un cheval qui lui fend la bouche. En 1847, il prend part à la guerre du Sonderbund en tant que caporal de grenadiers. Cette campagne occupe une place importante dans le carnet. Il tombe malade en 1848. A peine rétabli, il est envoyé avec sa compagnie à Romont, puis à Fribourg. <br></p><h3 style="text-align: center;"> «1854, du 24 mai. Jour de la levure, on était tous gais et joyeux»<br></h3><p>François Varidel rentre une année plus tard. Il souffre de terribles éruptions de boutons sur le visage, accompagnées de maux de tête. Il consulte alors le médecin qui avait soigné sa mère. Le docteur Jaquier lui prescrit quatre jours de bains. En 1854, il construit une maison et, à l’en croire, il passe son dernier jour de bonheur lors de la fête du bouquet de chantier. «1854, du 24 mai. Jour de la levure, on était tous gais et joyeux. Hélas, c’était pour la dernière fois que l’on fraternisait une fête ensemble et l’année se passa comme un éclair des occupations qu’on avait.» </p><p>En novembre 1853, des membres de la famille de sa femme attrapent la variole (<em>lire «La variole et "L'autre monde"» ci-dessous</em>). L’épouse de François, Nanette, rend souvent visite à sa sœur malade. En janvier 1854, l’état de cette dernière s’est fortement aggravé. Quelques jours plus tard, Nanette tombe à son tour malade et fait chambre à part. Dès le 12 janvier, sa santé se détériore gravement. Alors, Nanette se prépare à son décès et meurt quelques jours plus tard. </p><p>Désormais, la belle-sœur de François ne lui parle plus et l’ignore, alors que François est très peiné par la mort de sa femme.</p><h3 style="text-align: center;">«Brûler le mal jusqu’à me faire [tellement] enfler la bouche que je ne pouvais plus manger»<br></h3><p>Pendant les quatre années qui suivent le décès de son épouse, François est atteint d’une maladie dermatologique. Il s’astreint à différents traitements prescrits par plusieurs médecins. Il recourt aussi à des guérisseurs, mais toutes ces démarches restent sans effet. S’agit-il de séquelles de la variole ou d’une autre maladie de la peau? La durée de ses souffrances fait plutôt pencher pour la seconde hypothèse. «Ordonnance de Monsieur Fazel, docteur à Vuissens. Prendre de l’eau tiède. Vous mettez du vinaigre, un bon verre, sur une bouteille. Se laver une fois par jour, puis se frotter avec de la pommade avant que de se coucher. Prendre des bains avec l’arrosoir une fois par jour pendant deux ans avec l’eau tiède et mettre de la pierre infernale dessus pour brûler le mal jusqu’à me faire [tellement] enfler la bouche que je ne pouvais plus manger. Pour rien.» </p><p>La seconde partie du carnet constitue un manuel d’apiculture de 22 pages, Instructions pour soigner les abeilles. Cependant, on y trouve également la copie d’une procuration de François et de ses autres frères pour rechercher la succession du défunt frère Jean mort en Autriche. D’autres sources nous apprennent que François meurt le 6 novembre 1880 à l’âge de 63 ans. Il a apparemment une descendance, une autre fille, Julie, qu’il a eue avec Nanette. En mars 1867, il a épousé Elise Cuanoud qui a donné naissance à Émile, en 1869. Ce dernier mourra à l’âge de 16 ans. <br></p><br><p><em>Classe 11 VP 1 / Ollon: Nicolas Durussel, maître de la classe; Marion Abbet, Margaux Amateis, Valentine Baumann, Fanny Bühlmann, Lionel Buttet, Julie Chesaux, Victoria de Azevedo, Auriane Défago, Fiona Despont, Jessica Germann, Emilie Heiniger, Gaël Jaggi, Nicolas Morattel, Fiona Müller, Tim Pachoud, Iliana Signer.</em><br></p><p></p><hr><p></p><h4>Cet article est issu du dossier sur la guerre du Sonderbund, paru dans le numéro d'avril 2018 de <em>Passé simple</em>, mensuel romand d’histoire et d’archéologie, <a href="www.passesimple.ch" style="font-size: 1.6rem; background-color: rgb(254, 254, 254);">www.passesimple.ch</a></h4><p></p><hr style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><p></p><h2 style="text-align: center;">Journal inédit?<br></h2><p style="text-align: left;"><strong>Le carnet de François Varidel se trouvait depuis de longues années dans ma famille, explique Nicolas Durussel. Nous ignorons comment il y est arrivé. Son contenu a fait l’objet d’un article du Journal d’Yverdon, le 19 juin 1958, signé M. S. Il est ainsi possible qu’il existe un double de ce carnet. En effet, l’article parle d’un carnet bleu. Celui que nous avons étudié en classe est noir. Les élèves de la classe 11 VP1 (voie pré-gymnasiale) d’Ollon ont travaillé sur ce document pendant plusieurs mois. Ils en ont notamment assuré la transcription et ont rédigé collectivement les textes qui forment le présent dossier. Cette rencontre avec le passé de notre canton les a captivés. Ils ont adapté les extraits du carnet publiés à la syntaxe, à l’orthographe et à la ponctuation actuelles. Au nom de mes élèves, je remercie Marc Varidel, de Sainte-Croix, auteur de l’ouvrage <em>Waridel Varidel Vuaridel. Une famille vaudoise</em>, qui nous a apporté de précieuses informations.<br>Malgré une orthographe et une syntaxe défectueuses, l’auteur du journal a un vocabulaire riche et soigné. <br></strong></p><p style="text-align: left;"><strong><br></strong></p><h4 style="text-align: center;"><strong><img class="img-responsive img-center " src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1523522807_livre.png"></strong>La première page du carnet de François Varidel. © Collection privée</h4><p style="text-align: left;">Le carnet a pour sources le vécu de son auteur, son expérience personnelle, mais aussi des lettres de son frère ou de ses différents médecins. L’ouvrage rend ainsi compte des nombreuses ordonnances médicales prescrites à François Varidel. Il évoque également des traitements préconisés par des guérisseurs. Dans le contexte de la guerre du Sonderbund, la presse l’a fortement inspiré, notamment le <em>Nouvelliste vaudois</em> ou la <em>Gazette de Lausanne</em>, sans qu’il soit possible de dire lequel des deux plus précisément, les articles étant souvent similaires dans les deux journaux.</p><p style="text-align: left;">François Varidel a repris in extenso de nombreux paragraphes pour décrire des opérations militaires. Il le fait par exemple pour la reddition de Romont. L’auteur n’attache pas une grande importance à l’orthographe, surtout lorsqu’il rend compte de son vécu ou qu’il retranscrit des passages de périodiques de l’époque. François Varidel écrit par exemple son nom de famille de deux manières. C’est que l’orthographe ne jouait pas encore un très grand rôle à l’époque de sa scolarité. A cela, il convient d’ajouter le caractère rudimentaire de l’école vaudoise qu’a suivie François Varidel. <br></p><h4 style="text-align: center;"><img class="img-responsive img-center " src="https://media.bonpourlatete.com/default/w800/1523708978_capturedecran20180414a14.19.15.png">Liste des médicaments que cite François Varidel dans son carnet. © Collection privée</h4><br><p>L’Ecole normale n’est créée qu’en 1830. Par contraste, son vocabulaire est d’une qualité étonnante. La richesse lexicale s’explique en partie par les emprunts de François Varidel aux journaux. Il est notable que celui-ci n’emploie jamais de mots vulgaires, ni même familiers. Il convient également de relever que François Varidel n’utilise aucun terme de patois vaudois, mis à part celui de «levure», pour la fête du bouquet de chantier. La syntaxe est très approximative, surtout lorsqu’il parle de son vécu. quant à la ponctuation, elle est presque inexistante, y compris dans les passages tirés de la presse. </p><p>François Varidel n’a pas écrit son carnet au jour le jour. Il a relaté les événements après avoir pris du recul. En racontant la fête de la «levure», il précise que «c’était la dernière fois que l’on fraternisait une fête ensemble». Cette observation démontre que François Varidel pouvait écrire bien après les faits. Notons enfin que l’écriture calligraphiée et soignée de François Varidel rend la lecture du carnet agréable. </p><p><font face="PT Serif Italic"><em>Classe 11 VP 1 / Ollon</em></font></p><p></p><hr style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><p></p><h2 style="text-align: center;">La variole et «L'autre monde»</h2><br><h4 style="text-align: center;"><img class="img-responsive img-center " src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1523706910_variole.jpg">Caricature de James Gillray de 1802 montrant le docteur anglais Edward Jenner vaccinant contre la variole. <br>La vaccination peine à s'imposer parce que l’on attribue au vaccin d’affreux effets secondaires. © Wikimedia Commons<br></h4><p>A partir de mars 1852, la variole prend un caractère inquiétant dans le canton de Soleure. Beaucoup de personnes en sont atteintes et l’on déplore la mort de gens robustes, âgés de vingt à 40 ans. En avril de la même année, le canton du Valais est touché par la maladie, plus précisément dans les districts de Monthey et de Martigny. Le Conseil d’Etat valaisan ordonne une vaccination dans toutes les communes. Bien que la belle-famille de François Varidel soit touchée durant le mois de novembre 1853, la presse vaudoise ne fait alors pas état d’épidémie dans le canton. <br></p><p>François emploie le mot de «vérole» pour désigner la variole. La sœur de Nanette est la plus affectée de sa famille. Nanette s’était jugée suffisamment forte pour rendre visite à sa sœur sans risquer d’être contaminée. Mais, le 3 janvier 1854, elle finit par tomber malade à son tour. Le 12 janvier, elle se prépare à mourir et demande à François d’aller chercher quelqu’un pour l’aider à ranger ses affaires. Son frère estime inutile de venir, considérant qu’elle se remettra, comme d’autres. Nous apprenons, en même temps, que Janette, la sœur de Nanette, va beaucoup mieux. Elle semble être tirée d’affaire. François part à Vuissens, chercher le docteur. Il le trouve absent, mais sa femme indique à François qu’elle l’enverra. Le médecin ne vient que le lendemain. <br></p><p>Voici le récit de cette visite dans le carnet de François Varidel: «Du 13 au matin. (Le docteur) arrive, lui dit: "Bonjour madame Varidel, comment ça va-t-il?" "Oh, ça va bien, j’ai été à l’autre monde et me voici revenue et tant que je vivrai, je reparlerai toujours de l’autre monde". Réponse de monsieur le docteur: "Eh bien, quand vous serez rétablie, vous vous pourrez raconter quelque chose de l’autre monde". On lui donne des remèdes pour la tranquilliser pendant la journée. Entre 9 et 10 heures du soir, on croyait qu’elle n’était plus. Après un long moment de souffrance, elle revint un peu en elle-même, que pour deux jours. Elle expira le 15 courant, à 2 heures ½ du soir. 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Depuis plusieurs semaines, Pierre correspondait avec une dizaine de personnes et toutes leurs conversations avaient pour sujet la critique du virilisme, la chasse au masculinisme, la volonté d’abattre le patriarcat «d’abord en nous». Rien que d’y penser, ça me donne envie de vomir. Je sais bien qu’une épidémie wokiste s’est abattue sur l’Occident mais je me pensais à l’abri. Eh bien, non! Cette épidémie a envahi mon salon, elle couche même dans mon lit! J’ai également découvert que Pierre me mentait. Alors qu’il prétendait aller jouer au badminton avec des copains, il participait à des <em>workshops</em> de déconstruction de virilité. «Je ne suis plus sûr de rien, écrivait-il sur le forum To-be-is-not-to-be-a-man. Suis-je un homme, une femme, un être mixte, double? Suis-je? 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Je l’ai tout de suite trouvé à mon goût mais je n’étais pas là pour ça. Nous nous étions donnés rendez-vous dans un tea-room du centre-ville, j’avais pris avec moi l’ordinateur portable de Pierre. Pierre qui prétendait être parti en séminaire professionnel à Zurich mais, je l’avais découvert sans peine, se trouvait en fait à Tolochenaz où avait lieu une rencontre avec un guru de la déconstruction masculine: «De viril à viriel».</p> <p>- Vous avez donc des doutes concernant votre mari? Expliquez-moi ce qui vous inquiète...</p> <p>Ce vouvoiement a sonné très agréablement à mes oreilles. Avec son col roulé, son blaser et sa coupe de cheveux tout à la fois stricte et décontractée, Emmanuel me fit me rendre compte qu’autour de moi, les hommes avaient depuis longtemps renoncé à leur élégance, privilégiant des tenues décontractées ne mettant plus du tout leurs atouts masculins en valeur.</p> <p>Oui, je dois l’avouer, à moi aussi les jeunes réactionnaires faisaient de l’effet. 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Pierre est déjà très perverti. Vous l’avez remarqué, dans ses messages il emploie l’écriture inclusive avec aisance. C’est la preuve que le mal a déjà atteint des couches profondes de sa conscience. De plus, il remet systématiquement en question les bienfaits de la civilisation occidentale dans le monde. Il milite pour la restitution des antiquités découvertes chez les peuples non-civilisés, il a participé au souillage de la statue de David de Pury à Neuchâtel, sous prétexte que celui-ci a participé à la traite d’esclaves…</p> <p>- Oui, je sais, c’est horrible. Tout ça alors que je le croyais occupé avec des clients. Les comptes de notre agence de communication sont dans le rouge. Cela fait des mois que Pierre ne prospecte plus de nouveaux clients et qu'il refuse les commandes au prétexte que la publicité est une aliénation capitalisto-patriarcale.</p> <p>- Et ça, Catherine, c’est très grave! S’attaquer à l’économie, c’est s’attaquer à nos valeurs premières. </p> <p>- Que faire? 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Même si, je le sais, ce qui va se passer à Noël chez nous va être excessivement éprouvant, et pas seulement pour Pierre…</p> <p style="text-align: right;"><em>Suite la semaine prochaine</em></p> <hr /> <h4>Pierre Ronpipal est l’auteur de<br /><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1734002707_damned01.jpg" class="img-responsive img-fluid normal " width="133" height="184" /><br />«A moi de choisir ceux qui vont mourir»<br /> et de <br /><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1734002742_cover20242.jpg" class="img-responsive img-fluid normal " width="130" height="175" /><br />«Le vert était rouge à l’intérieur»<br />aux <a href="https://nouvelleseditionshumus.ch/" target="_blank" rel="noopener">Nouvelles Editions Humus</a> </h4>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'un-bien-cruel-conte-de-noel-2', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 19, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 6, 'person_id' => (int) 85, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'comments' => [[maximum depth reached]], 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Posts' }, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 5295, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => false, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => null, 'readed' => null, 'subhead' => null, 'title' => 'Un bien cruel conte de Noël (1)', 'subtitle' => 'Catherine et Pierre forment un couple épanoui. 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La fidélité absolue est un concept éculé et hypocrite qui a pour but principal que les hommes soient certains que les enfants qui sortent des ventres de leur épouse soient bien le produit de leurs spermatozoïdes à eux. Transmettre ses gènes est un réflexe très animal, si Sapiens est vraiment un être supérieur, il devrait se détendre sur cette question. En plus, Pierre et moi n’avons pas fait d’enfants, trop concentrés sur nous-mêmes et nos vies à réussir. Marie, ma sœur, prétend que pour les femmes, l’importance de la fidélité n’a pas pour but la perpétuation de l’espèce mais plutôt la conservation à leur côté du mâle qui assure leur protection. Elle se trompe. Si Pierre et moi sommes toujours ensemble après trente-cinq ans de mariage, c’est justement parce que nous nous laissons la liberté d’aller de temps en temps voir ailleurs. Marie, elle, ne souhaitait plus de rapports sexuels tout en menaçant son mari de le quitter s’il la trompait. C’est lui qui est parti avec la première maîtresse qu’il s’est autorisée.</p> <p>Mais Pierre a changé.</p> <p>Nous nous sommes connus dans une manifestation contre le racisme alors que nous avions vingt-sept ans. Il était graphiste tandis que moi j’enseignais le français à des réfugiés dans un centre géré par l’Eglise protestante. Je l’avais déjà remarqué à d’autres occasions au fil des ans – Lausanne est une petite ville – notamment lors d’une soirée chez Jean-Luc, lequel a été mon amant lorsque j’avais vingt ans et que j’hésitais entre le trotskisme et l’écologie politique. Lorsque Jean-Luc, figure de proue des trotskistes locaux, m’avait quittée pour une camarade d’origine kurde plus valorisante pour lui, j’avais renoncé aux principes de la Quatrième Internationale et milité pour la sauvegarde de la planète, jusqu’à ma rencontre avec un zapatiste belge avec qui je suis partie au Mexique où j’ai attrapé une infection sexuellement transmissible. De retour en Suisse, j’ai soigné ma salpingite et terminé mes études de lettres. Entre deux amants de passage, je traversais de longues périodes d’abstinence sexuelle sans que cela me coûte. A la manif, j’ai trouvé Pierre très beau avec sa moustache et sa barbe de cinq jours. Et je l’ai trouvé irrésistible lorsqu’il a jeté une bouteille vide en direction des forces de l’ordre qui voulaient nous empêcher d’accéder à la salle où se déroulait une assemblée de l’UDC, ce parti d’extrême droite honni par nous. Pierre s’est fait réprimander par les camarades communistes qui assuraient le service d’ordre et il a fini par en venir aux mains avec eux. J’ai spontanément pris sa défense, nous nous sommes faits bousculer et avons quitté la manifestation, lui avec une arcade sourcilière fendue, moi avec un fort désir pour lui. Je l’ai emmené chez moi pour soigner sa blessure et nous avons fait l’amour toute la nuit. Deux semaines plus tard nous emménagions ensemble; nous ne nous sommes plus quittés.</p> <p>L’autre soir, alors que nous avions des invités à la maison, il m’a semblé reconnaître chez Pierre les signes d’une tension extrême. Depuis le temps, je le connais bien. Serge et Mireille, nos invités, l’ont eux aussi sentie, cette tension. Ce sont tout à la fois des amis et des clients. Des amis parce que comme nous ils sont de centre gauche, des clients car ils font appel à notre agence de communication pour promouvoir leur commerce. Après avoir été de grands voyageurs, Serge et Mireille vendent aujourd’hui des produits venus d’Asie, principalement d’Inde mais aussi de Birmanie et du Cambodge. Ils sélectionnent avec soins les artisans, privilégiant les structures coopératives respectueuses de l’environnement et du bien-être des populations locales. Nous gérons leur site internet et leur publicité, et tournons même pour eux des clips promotionnels. Pierre est devenu agressif avec Mireille lorsque celle-ci a déclaré que les néo-féministes exagéraient et que #MeToo décourageait toute tentative de séduction de la part des hommes. «Je n’ai pas peur de le dire, j’aime bien que l’on me tienne la porte et que les hommes me fassent sentir qu’ils me désirent…» Pierre lui a rétorqué que le patriarcat était une forme de fascisme et qu’en tant que progressiste nous devions tout faire pour l’abattre. J’ai essayé de dévier la conversation sur la nourriture bio mais très vite c’est l’écriture inclusive qui a fait s’échauffer les esprits. Serge, qui se pique d’aimer la littérature, a déclaré que le français était en danger, qu’il fallait le sauver des points médians et des réformes de l’orthographe. 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Ils réduisent de manière significative la quantité de plastique qui se retrouve dans les océans.</p> <p>Malgré cela, et parce qu’ils font un travail salissant et vivent dans des endroits sales, ils sont souvent tenus pour responsables du problème de la pollution plastique. Dans les discours politiques des villes et des Etats, leur travail a longtemps été <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/0956247816657302">tourné en dérision, considéré comme non qualifié et inefficace</a>. <a href="https://www.undp.org/blog/unsung-heroes-four-things-policymakers-can-do-empower-informal-waste-workers">L’absence de reconnaissance officielle</a> de leur travail rend leurs revenus particulièrement instables et précaires. 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Il a été demandé que leurs contributions historiques à la réduction de la pollution plastique soient explicitement reconnues, et qu’un objectif explicite de transition juste soit intégré au traité sur les plastiques.</p> <h3>Avec l’économie circulaire, tout le monde est gagnant?</h3> <p>La <a href="https://theconversation.com/quatre-idees-recues-sur-la-transition-juste-227569">transition juste</a> est un principe défendu par les groupes de travailleurs et les défenseurs de la justice sociale afin de garantir que les politiques de transition écologique protègent, améliorent et compensent équitablement les moyens de subsistance des travailleurs et des communautés affectés par l’environnement.</p> <p>Les ramasseurs de déchets ont utilisé ce terme pour réclamer que le traité comprenne des dispositions pour améliorer leurs conditions de travail et de sécurité. Mais également pour que le traité intègre davantage les travailleurs informels aux systèmes de gestion des déchets, et pour exiger que les systèmes de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/responsabilite-elargie-du-producteur-67766">responsabilité élargie des producteurs</a> (REP) soutiennent aussi les travailleurs du secteur des déchets, en particulier les <a href="https://www.wiego.org/gender-waste-project">femmes et d’autres groupes vulnérables</a>.</p> <p>Etonnamment, ces demandes ont obtenu le soutien d’un large éventail de parties prenantes puissantes. 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Et c’est là que les choses se compliquent.</p> <h3>« Gagnant-gagnant », mais la victoire de qui ?</h3> <p>Dans mon livre <a href="https://mitpress.mit.edu/9780262546973/recycling-class/"><em>Recycling Class</em></a>, j’examine comment les efforts de recyclage inclusif ont été mis en œuvre à Bengaluru, l’une des plus grandes villes de l’Inde.</p> <figure><a href="https://images.theconversation.com/files/635250/original/file-20241129-15-cdpt12.jpg?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img src="https://images.theconversation.com/files/635250/original/file-20241129-15-cdpt12.jpg?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" alt="" /></a> <figcaption><span></span></figcaption> </figure> <p>Dans cet ouvrage, je défends que l’intégration dans des programmes d’économie circulaire basés sur le marché n’est pas une solution miracle aux injustices ancrées dans les systèmes de production, de consommation et de production des déchets.</p> <p>La plupart des politiques d’économie circulaire et de recyclage inclusif reposent sur des mécanismes de marché, partant du principe que la création de marchés pour les déchets incitera les acteurs du marché à récupérer efficacement les déchets et à les convertir en ressources.</p> <p>Pour remplir leurs obligations en matière de <a href="https://theconversation.com/faire-payer-plus-les-entreprises-pour-quelles-reduisent-les-emballages-130073">responsabilité élargie des producteurs</a> (REP), les marques peuvent alors s’engager à acheter des plastiques recyclés et à financer la collecte des déchets en achetant des <a href="https://www.worldbank.org/en/programs/problue/publication/unlocking-financing-to-combat-the-plastics-crisis">crédits plastique</a>.</p> <p>Cette approche vise à améliorer le prix des déchets, à augmenter les salaires et à encourager les efforts de collecte, tout en attirant des investissements pour financer l’amélioration des infrastructures et des technologies.</p> <p>Cependant, les mécanismes fondés sur le marché aggravent les inégalités existantes en matière d’accès au marché. Les efforts visant à donner la priorité à la traçabilité et à la transparence – dans le but d’améliorer l’efficacité du marché et le respect de la réglementation – désavantagent souvent les travailleurs informels.</p> <p>Ces derniers ne disposent pas des ressources et des capacités techniques nécessaires pour adopter des systèmes de suivi complexes basés sur les SIG ou la blockchain, et se retrouvent exclus des processus formalisés. Les start-up financées par le capital-risque et les grandes entreprises s’emparent alors du secteur du recyclage.</p> <p>Les multinationales préfèrent d’ailleurs les partenariats avec des start-up technologiques qui offrent des services à «valeur ajoutée» tels que des indicateurs et des tableaux de bord environnementaux, permettant aux entreprises de mettre en scène leur propre récit sur le développement durable. Souvent issus de milieux éduqués et privilégiés, les employés de ces firmes <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S001671852300057X">concurrencent les travailleurs informels existants, les subordonnant au passage</a>.</p> <p>A l’inverse, les femmes et les membres des minorités ethno-raciales et religieuses, qui constituent la majorité des travailleurs des économies informelles des déchets, sont confrontés à des obstacles supplémentaires. Notamment des <a href="https://mouvements.info/recuperateurs-de-dechets/">stigmates sociaux bien ancrés</a> qui limitent leur capacité à participer sur un pied d’égalité à ces marchés émergents. 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Une étude de <a href="https://www.circle-economy.com/resources/decent-work-in-the-circular-economy">Circle Economy</a> souligne que la plupart des emplois du secteur de l’économie circulaire restent ad-hoc et informels et ne bénéficient pas des garanties d’un emploi décent.</p> <p>En fin de compte, les travailleurs informels sont confrontés à un choix difficile: soit ils acceptent d’être exploités au sein des circuits de traitements des déchets en tant que simples ressources, soit ils risquent de perdre complètement leurs moyens de subsistance.</p> <p>Les systèmes actuels de production et de consommation du plastique déplacent donc la charge des déchets sur des communautés autochtones ou ethniques marginalisées, créant ainsi des <a href="https://www.dukeupress.edu/pollution-is-colonialism">zones sacrifiées</a>. Ce déplacement permet de maintenir la rentabilité, tout en perpétuant les atteintes à l’environnement et les inégalités sociales.</p> <p>En promouvant des technologies de <a href="https://www.bbc.com/afrique/monde-57087908">recyclage chimique</a> non éprouvées et en étendant les marchés du plastique, les entreprises <a href="https://theconversation.com/comment-lindustrie-fossile-influence-les-negociations-mondiales-sur-le-plastique-222112">pétrochimiques</a> et de matières plastiques <a href="https://direct.mit.edu/glep/article/21/2/121/97367/Future-Proofing-Capitalism-The-Paradox-of-the">s’approprient le langage de l’économie circulaire</a>. Cela leur permet de donner un vernis écologique à leurs propositions, tout en maintenant le <em>statu quo</em> sur les inégalités.</p> <p>Pendant ce temps, la HAC, plusieurs ONG et même certains ramasseurs de déchets invoquent également l’économie circulaire comme solution à la crise du plastique, en mettant l’accent sur le réemploi et le recyclage inclusif.</p> <h3>Demander des comptes aux pollueurs plutôt que compter sur l’efficacité du marché</h3> <p>Pour que l’économie circulaire aille au-delà de la simple protection du capitalisme fossile, elle doit prendre en compte les collecteurs de déchets et recycleurs informels dans le Sud et reconnaître les limites des mécanismes basés sur le marché. C’est vrai aussi bien pour le traité international sur la pollution plastique que pour d’autres démarches régionales comme le <a href="https://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/ATAG/2021/679066/EPRS_ATA(2021)679066_FR.pdf">plan d’action de l’UE pour l’économie circulaire</a>.</p> <p>En effet, toute stratégie de lutte contre la pollution plastique basée sur le marché et axée sur le profit est susceptible de reproduire ces schémas d’inégalité. Et par la même occasion, de pérenniser les injustices systémiques qui soutiennent le statu quo. Pour une transition vraiment juste, la lutte contre la pollution plastique ne doit donc pas devenir une opportunité de croissance économique ou de profit.</p> <p>Au contraire, nous avons besoin d’une approche centrée sur la réparation. Il faut d’abord, pour cela, reconnaître les contributions historiques des collecteurs informels du plastique ainsi que les préjudices qu’ils subissent. Puis redistribuer les ressources aux personnes les plus touchées et créer des systèmes qui donnent la priorité à la restauration de l’environnement et à la justice sociale plutôt qu’au profit des entreprises.</p> <p>Une économie circulaire bien financée devrait d’abord renforcer le pouvoir des travailleurs, puis améliorer les capacités des infrastructures et réduire la concentration de ces déchets en produits chimiques toxiques, plutôt que de s’appuyer sur des solutions basées sur le marché qui aggravent les inégalités.</p> <p>Les vraies solutions consistent à demander des comptes aux pollueurs et à adopter des approches circulaires fondées sur la sobriété et la réparation, et non sur l’efficacité du marché.<img src="https://counter.theconversation.com/content/244065/count.gif?distributor=republish-lightbox-basic" alt="The Conversation" width="1" height="1" /></p> <hr /> <h4><span><a href="https://theconversation.com/profiles/manisha-anantharaman-1526162">Manisha Anantharaman</a>, Assistant Professor, Center for the Sociology of Organisations, CNRS/Sciences Po, <em><a href="https://theconversation.com/institutions/sciences-po-2196">Sciences Po </a></em></span></h4> <h4>Cet article est republié à partir de <a href="https://theconversation.com">The Conversation</a> sous licence Creative Commons. 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De plus, l'agence gouvernementale américaine interdit d'utiliser son argent pour mettre au jour la corruption aux Etats-Unis.</p> <p>Certaines subventions étaient même affectées à un but précis: le Department of State, par exemple, a versé 173 000 dollars à l'OCCRP pour «détecter et combattre la corruption au Venezuela». Ou l'<a href="https://www.usaid.gov/">Agence pour le développement international (USAID)</a> a versé plus de deux millions de dollars dans le but de «mettre au jour la criminalité et la corruption à Malte et à Chypre».</p> <p>Le journal en ligne français indépendant <a href="https://www.mediapart.fr/en/journal/international/021224/hidden-links-between-giant-investigative-journalism-and-us-government">« Mediapart »</a> en a parlé le 2 décembre 2024 <a href="https://www.mediapart.fr/en/journal/international/021224/hidden-links-between-giant-investigative-journalism-and-us-government">.</a></p> <p>Le fondateur de l'OCCRP est un ancien employé <a href="https://www.rockwellautomation.com/de-ch.html">de Rockwell</a> devenu journaliste: <a href="https://www.occrp.org/en/staff/drew-sullivan">Drew Sullivan</a>. L'OCCRP a été créé à l'instigation de fonctionnaires du gouvernement américain. Selon Mediapart, Sullivan a reçu pour cela, en 2008, un financement de départ de 1,7 million de dollars du <a href="https://www.state.gov/bureaus-offices/under-secretary-for-civilian-security-democracy-and-human-rights/bureau-of-international-narcotics-and-law-enforcement-affairs/">Bureau of International Narcotics and Law Enforcement Affairs</a>(INL). Il s'agit d'une agence d'application de la loi du Département d'Etat américain.</p> <p>L'OCCRP s'appuie souvent sur des documents divulgués provenant de sources non identifiées. La qualité des recherches et des révélations de l'OCCRP n'est pas mise en doute. L'orientation unilatérale des recherches et le manque de transparence des informations sur le financement donnent lieu à des critiques.</p> <p>L'ampleur des liens personnels et financiers de l'OCCRP avec le gouvernement américain va à l'encontre de «tous les principes de l'éthique journalistique». C'est ce qu'a déclaré Leonard Novy, directeur de l'Institut allemand des médias et de la politique de communication, à la chaîne NDR. Cela laisse supposer que les journalistes peuvent être utilisés ou instrumentalisés à des fins politiques.</p> <p>Sullivan et l'OCCRP ont également laissé les médias partenaires et leurs lecteurs dans l'ignorance de leur proximité avec le gouvernement américain. Selon Leonard Novy, l'organisation a ainsi dépassé les limites.</p> <h3><strong>Sullivan n'a pas voulu parler clairement aujourd'hui encore</strong></h3> <p>Sullivan a d'abord affirmé à la chaîne NDR que l'OCCRP avait «un groupe de donateurs largement répandu», parmi lesquels «aucun donateur individuel ne domine». Il a ajouté que «le gouvernement américain [...] est l'un des plus grands donateurs, mais ce n'est pas un pourcentage énorme». Confronté aux dernières découvertes, il a finalement reconnu l'importance du financement de Washington: «C'est le plus grand bailleur de fonds de l'OCCRP, oui, et ce depuis presque le début de notre histoire. 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Mais même dans d'autres pays où ces dispositions n'existent pas, nous ne le faisons pas parce que cela vous place dans une situation de conflit d'intérêts et que vous préférez rester à l'écart de telles situations.»</p> <p>Ainsi, le paradis fiscal américain du Delaware n'a jamais fait l'objet de toutes les recherches sur l'évasion fiscale et l'argent de la corruption.</p> <p>L'OCCRP a tout de même effectué des recherches isolées aux Etats-Unis: par exemple sur les <a href="https://www.occrp.org/en/investigation/meet-the-florida-duo-helping-giuliani-investigate-for-trump-in-ukraine">hommes d'affaires</a> qui avaient soutenu l'avocat de Donald Trump pour nuire à Joe Biden, ou sur la manière dont le Pentagone a dépensé des sommes énormes pour <a href="https://www.occrp.org/en/project/making-a-killing/revealed-the-pentagon-is-spending-up-to-22-billion-on-soviet-style-arms-for-syrian-rebels">fournir des armes</a> à des groupes rebelles en Syrie, ou encore sur un <a href="https://www.occrp.org/en/investigation/flight-of-the-monarch-us-govt-contracted-airline-once-owned-by-criminals-with-ties-to-russian-mob">contrat</a> entre le gouvernement américain et une compagnie aérienne dont les propriétaires sont liés au crime organisé en Russie.</p> <p>Ces recherches ont manifestement respecté une autre condition imposée par les autorités américaines à l'OCCRP: l'activité doit être «en accord avec la politique étrangère et les intérêts économiques des Etats-Unis et les promouvoir.» (<a href="https://www.govinfo.gov/content/pkg/COMPS-1071/pdf/COMPS-1071.pdf">US Foreign Assistance Act</a>).</p> <h3><strong>Voici comment la «NZZ» et Tamedia ont présenté la source OCCRP</strong></h3> <p><strong>«NZZ» du 19 juillet 2023</strong></p> <p>«L'Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP) est un réseau d'organisations journalistiques fondé en 2006, basé dans de nombreux pays différents et fonctionnant sous cette forme en tant que filiale du Journalism Development Network à but non lucratif, dont le siège est dans le Maryland.»</p> <p><strong>«Tages-Anzeiger» du 21 juin 2023</strong></p> <p>«Grâce à l'organisation OCCRP, des journalistes femmes de plusieurs pays ont pu étudier ces données, dont <em>Der Standard</em> en Autriche et <em>Der Spiegel</em> en Allemagne. Pour la Suisse, le bureau de recherche de Tamedia et Paper Trail Media était de la partie.»</p> <h3><strong>Informations complémentaires</strong></h3> <p><strong>22 décembre 2022</strong> <a href="https://www.infosperber.ch/politik/welt/twitter-diente-jahrelang-als-gehilfe-des-pentagons/">Twitter a servi pendant des années d'auxiliaire au Pentagone</a>. Elon Musk a partiellement révélé les outils internes de Twitter. Ils prouvent des services d'hommes de main pour la propagande de l'armée américaine à l'étranger.</p> <p><strong>12 février 2009</strong> <a href="https://www.tagesanzeiger.ch/27-000-pr-berater-polieren-image-der-usa-631302390683">27 000 conseillers en relations publiques polissent l'image des Etats-Unis</a>. 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VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET
2 Commentaires
@Aliki 16.04.2018 | 08h40
«Bravo pour cette initiative collective scolaire, j’aime que j’ai appris un pan de notre histoire par nos jeunes, je me permets de recommander les livres de Janine Massard (par ex. Terre noire d’usine) qui sont de magnifiques récits tirés d’entretiens avec des personnes ayant vécu le tournant du siècle dernier dans le canton de Vaud. »
@Gio 21.04.2018 | 09h39
«Beau travail collectif, bravo ! J’ai lu et découvert avec plaisir cette part de notre histoire, celle d’un homme qui aurait pu être quelqu’un de notre famille. Cette publication devrait aller plus loin que BPL, pourquoi pas dans le journal des Suisses de l’étranger ? Je suis une expatriée et ce retour aux sources fait du bien.»